Bonjour tout le monde. Nous sommes le jeudi 4 octobre 2012. Bienvenue à la 48e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
Nous commençons un peu en retard ce matin. Comme vous le savez, nous ne sommes plus à l'édifice du Centre où nous avions l'habitude de nous réunir. Ce changement a causé quelque confusion.
M. Cleary devrait arriver d'une minute à l'autre. Monsieur Cardozo, je vous remercie de votre patience. Aleksandra Popovic, qui devait être présente, n'a pas pu se rendre à Ottawa. Je crois savoir qu'elle se joindra à M. Cardozo lors de la vidéoconférence de ce matin.
Comme vous le savez, notre étude d'aujourd'hui a pour thèmes: Combler les lacunes des compétences: faire face à la rareté de la main-d'oeuvre dans les professions à forte demande; et Comprendre les pénuries de main-d'oeuvre: surmonter les obstacles qui empêchent de pourvoir les emplois peu spécialisés.
Nous commencerons par votre exposé, monsieur Cardozo, qui sera suivi des séries de questions. Nous entendrons aussi l'exposé de Mme Popovic lorsqu'elle arrivera. Je vois que M. Cleary vient d'arriver; le comité est donc au complet.
Si vous êtes prêt, vous pouvez commencer, monsieur Cardozo.
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Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Et merci des présentations et de la possibilité que vous m'offrez de débattre des enjeux qui vous occupent.
[Français]
Je vais vous parler de cinq tendances, soit le déplacement du pouvoir économique, l'évolution des caractéristiques démographiques, l'accroissement des connaissances, l'asymétrie des marchés du travail et, finalement, l'évolution de la nature du travail.
[Traduction]
Je passerai mes diapositives en revue assez rapidement pour pouvoir vous parler de cinq tendances en cinq minutes.
La première tendance concerne le déplacement des pouvoirs économiques dans le monde. D'ici 2050, selon Goldman Sachs, la Chine sera la première puissance économique mondiale par rapport au PIB, la deuxième sera les États-Unis et la troisième, l'Inde. Le Canada glissera en quelque sorte de la 10e à la 16e place, entre le Vietnam et les Philippines. Je dis bien « en quelque sorte », car il ne s'agira pas nécessairement d'une régression; seulement que d'autres pays seront devenus plus puissants.
Cette tendance est pertinente, car elle pourrait influer sur les flux de capitaux humains — et pas seulement des capitaux financiers —, des gens pouvant alors trouver certains pays moins attirants qu'ils ne le sont aujourd'hui.
La deuxième tendance concerne l'évolution des caractéristiques démographiques. On sait très bien que la population vieillit au Canada. Vous voyez dans ce tableau des chiffres de comparaison avec d'autres pays. Fait intéressant, c'est la population autochtone qui est la plus jeune au Canada. Selon les chiffres dont je dispose, l'âge médian de la population autochtone est actuellement de 26,5 ans, soit beaucoup moins que l'âge médian de 39,7 ans pour le reste de la population.
Intéressante en regard des questions de ressources humaines, la troisième tendance concerne l'accroissement des connaissances. Selon une projection, 60 p. 100 des enfants qui sont aujourd'hui en garderie occuperont des emplois qui n'existent pas encore. Autrement dit, nous éduquons des jeunes et des enfants en prévision d'emplois qui n'existent pas. Cela fait partie des défis qui nous attendent.
Pour en revenir à l'accroissement des connaissances, on estime qu'entre 65 p. 100 et 81 p. 100 des jeunes gens et jeunes travailleurs devront faire des études postsecondaires, y compris universitaires et collégiales, et devront suivre des programmes d'apprentissage. En gros, nous nous attendons à ce que les travailleurs de demain soient à la fois des généralistes et des spécialistes. Ils devront en effet avoir pas mal de connaissances dans des domaines très variés et être en même temps des spécialistes, de nombreux domaines exigeant des connaissances spécialisées.
La quatrième tendance, vous la connaissez très bien, c'est l'asymétrie du marché du travail. Le renommé Rick Miner la qualifie ainsi: des personnes sans emploi et des emplois sans personne. J'ai fait une liste des pénuries prévues pour la prochaine décennie dans divers secteurs de l'économie. Comment en sommes-nous arrivés là? Surtout, à cause du vieillissement de la population, mais aussi en raison de la croissance de l'économie, des besoins technologiques qui changent rapidement, des questions primordiales d'alphabétisation chez les adultes et du taux de chômage élevé chez les Autochtones.
Il y a des solutions pour mieux aligner l'offre et la demande, entre autres des niveaux plus élevés d'alphabétisation, l'accroissement de la main-d'oeuvre par l'immigration, une meilleure intégration des peuples autochtones, en leur permettant d'obtenir des diplômes et des emplois, et l'intégration sur le marché du travail des personnes souffrant d'invalidité, des travailleurs âgés, et des femmes dans des emplois non traditionnels pour elles.
Pour y arriver, il nous faut une stratégie nationale sur les compétences, je veux parler d'une stratégie qui associe tous les ordres de gouvernement, le monde des affaires, le système éducatif dans l'ensemble du pays et divers autres intervenants.
La dernière tendance que je tiens à mentionner est l'évolution de la nature du travail. Les cheminements de carrière changent par nécessité, soit parce qu'il est difficile de trouver des emplois de longue durée, soit parce que le relèvement des compétences devient essentiel, ou les deux. La diapositive suivante présente un brillant schéma du professeur Sylvain Bourdon de l'Université de Sherbrooke, sous forme de trois barres qui montrent bien l'évolution de la nature du travail.
Dans la première, qui représente le modèle traditionnel, on étudie pendant environ 20 ans, on travaille pendant environ 40 ans et on prend la retraite.
Dans le second modèle, qu'il appelle « Modèle allongé de transition des jeunes », on étudie pendant environ 20 ans, puis pendant une période qui va de 5 à 10 ans, on alterne études et formation, et retour au travail. On obtient ensuite un emploi stable pendant 30 ans et on prend la retraite.
Quant au troisième modèle, il le qualifie d'apprentissage continu. Ce modèle présente des avantages et des inconvénients. On occupe une série d'emplois qui changent régulièrement. On alterne sans cesse entre les emplois et la formation, des périodes de chômage et des périodes où l'on se trouve un peu dans les deux situations: soit simultanément en chômage et en formation, soit au travail et en formation en même temps. L'avantage est que l'apprentissage dure toute la vie; l'inconvénient, qu'il est de plus en plus difficile d'avoir à la fois un emploi à long terme et un emploi à long terme à temps plein.
C'est par nécessité que l'on se trouve dans ces situations: on doit souvent combiner deux ou trois emplois, qui sont tous ou presque à court terme. Le travail à contrat et à court terme est en train de devenir la norme, ce qui est perturbant à la fois pour les gens et pour l'économie. Lorsqu'on occupe des emplois instables, il est plus difficile d'acheter une maison, une voiture, ou de faire d'autres achats importants.
Je terminerai cet exposé sur les cinq tendances par quelques commentaires.
J'ai travaillé avec l'Alliance des conseils sectoriels. Regroupant une trentaine d'organisations, l'alliance s'occupe du développement des compétences dans des secteurs précis de l'économie. Je vous ai d'ailleurs donné quelques chiffres de pénuries dans deux des diapositives que je vous ai montrées. Les conseils se penchent sur divers enjeux, mais l'essentiel de leur travail porte sur l'information concernant le marché du travail. Ils traitent notamment de l'engagement des Autochtones, des normes professionnelles, de la collaboration avec les travailleurs formés à l'étranger et de l'apprentissage en milieu de travail.
Je n'irai pas, monsieur le président, dans le détail des autres diapositives, car le temps presse. Mais elles présentent des solutions intéressantes et novatrices sur lesquelles se penchent divers conseils sectoriels. Dans la dernière diapositive, on trouvera une liste de tous les conseils et leur logo.
Il y a d'autres tendances importantes à étudier. Il y en a une dont je n'ai pas parlé et elle concerne l'alphabétisation. Je suis heureux que ma collègue ici présente puisse vous en parler plus en détail, puisqu'elle connaît certainement ce domaine beaucoup mieux que moi.
C'étaient là mes commentaires, merci, monsieur le président.
ABC a eu le privilège de témoigner à plusieurs reprises devant le comité pour parler de l’importance de l’alphabétisme et des compétences de base pour les Canadiens, et nous vous en sommes reconnaissants.
Aujourd’hui, je suis heureuse de pouvoir aborder ce sujet dans le contexte des pénuries de main-d’oeuvre dans les professions à forte demande. À notre avis, et les études le démontrent, le faible niveau d’alphabétisation et de compétences de base chez les Canadiens constitue une cause directe des difficultés éprouvées par les employeurs à trouver les travailleurs qualifiés dont ils ont besoin. Lorsque je parle de compétences de base, je veux dire lire, écrire, comprendre un texte et un schéma, compter (c’est ce qu’on appelle l’alphabétisation) ainsi que communiquer à l’oral, utiliser un ordinateur, savoir analyser, travailler en équipe et apprendre continuellement.
D’après l’étude que nous avons commandée cette année à Rogers Connect Market Research Group, 80 p. 100 des chefs d’entreprise canadiens estiment difficile de trouver des employés qualifiés. Fait pertinent pour le comité, près de la moitié des répondants ont imputé cette difficulté au faible niveau d’alphabétisation et de compétences de base des travailleurs canadiens.
Aux fins de ce sondage, ce qu’on entendait par compétences de base n’était pas des compétences techniques exigées pour des emplois particuliers, mais bien des compétences utilisées pour n’importe quel emploi, c’est-à-dire les compétences de base que je viens d’énumérer.
On trouve de faibles et très faibles niveaux d’alphabétisation et de compétences de base dans tout le pays. D’après la dernière enquête internationale réalisée en 2003, 42 p. 100 des Canadiens se situaient dans la fourchette des faibles niveaux d’alphabétisation. Autrement dit, ils n’ont pas un niveau d’alphabétisation équivalant à l’école secondaire et ont du mal à exécuter des tâches courantes. Sur une échelle de un à cinq, il est généralement reconnu qu’il faut avoir un niveau minimal de compétences de base de trois pour remplir les exigences des tâches quotidiennes au travail, à la maison et à l’école.
La prochaine étude internationale à ce sujet, qui sera menée dans le cadre du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes, sera publiée l'an prochain et, hélas, les indications préliminaires laissent entendre que peu de progrès ont été accomplis. On constate cette réalité dans le milieu de travail partout au Canada.
Permettez-moi d’illustrer les répercussions de ce problème sur la vie de certains Canadiens.
Une préposée aux services de soutien à la personne ne s’est pas inscrite à une formation parce qu’elle est incapable de lire le dépliant d’information à cet effet reçu en même temps que son relevé de salaire. Son gestionnaire conclut qu’elle n’est pas motivée.
Un opérateur de machine ne suit pas la procédure de manipulation sécuritaire parce qu’il ne comprend pas la fiche signalétique du produit.
Tous les mois, un commis d’épicerie rate son quart de travail le jour suivant l’affichage du nouvel horaire des employés.
Pendant une réunion de l'équipe de production, un employé hésite à parler d'une bonne idée qui permettrait d'améliorer l'efficience, par crainte de devoir en parler devant tout le monde ou encore de l'écrire. Son superviseur la trouve peu participative.
Un préposé à l'entretien n'est pas au courant de l'installation d'un nouveau système parce qu'il ignorait que la note de service affichée lui était destinée.
Souvent, le compte n'est pas bon dans le tiroir-caisse d'un employé.
Dans une entreprise spécialisée dans le poudrage, une excellente équipe exécute toutes les commandes à la perfection. Tout à coup, après l'installation d'un système informatisé dans l'atelier de production, on note une forte augmentation des erreurs dans les spécifications des commandes.
Le bulletin d'information d'une entreprise comprend d’importants schémas et données prévisionnelles pour la prochaine année. Un opérateur de ligne de production ne comprend pas qu’une baisse des ventes est prévue et qu’il pourrait y avoir un manque de travail.
Depuis que les employés d’un hôpital doivent consulter l’intranet pour obtenir des renseignements pertinents, leur gestionnaire estime que bon nombre d’eux ne respectent pas des dates d’échéance importantes.
Une personne qui vient de décrocher un emploi signe son contrat d’embauche sans avoir lu les politiques et procédures.
De plus en plus, au Canada, les propriétaires d’entreprises et les employeurs — petits et grands — reconnaissent l’importance de renforcer les compétences des Canadiens. Je citerai en exemple la Chambre de commerce du Canada, qui, dans un rapport récent intitulé « Les 10 obstacles à la compétitivité », fait de l’acquisition de nouvelles compétences sa grande priorité. Dans un autre rapport encore plus récent sur des consultations à ce sujet, on indique que l’alphabétisation et les compétences de base constituent un problème qu’il faut régler, et je cite:
Les entreprises doivent relever les compétences de leur effectif canadien actuel.
Nos membres nous ont exprimé leur consternation devant des employés souvent dépourvus des compétences de base: savoir lire, écrire, compter et communiquer.
Le Canada a un urgent besoin de politiques et de programmes ainsi que d’attitudes cohérentes pour encourager l’apprentissage continu et le rehaussement des compétences.
La chambre recommande aussi que le milieu des affaires investisse davantage dans la formation en milieu de travail.
Nous sommes entièrement de cet avis: nous croyons que l’amélioration de l’alphabétisation et des compétences de base des Canadiens est l’affaire de tous. Les gouvernements, les employeurs, les organismes d’alphabétisation, les employés et les citoyens, tous ont un rôle à jouer. Ce n’est ni la faute ni la responsabilité d’un seul secteur. Nous devons tous collaborer à la recherche de solutions, surtout en ce qui concerne les emplois et les secteurs à forte demande.
Selon nous, le comité pourrait grandement contribuer à faire avancer le dossier en recommandant une approche intégrée à laquelle participeraient le gouvernement, le milieu des affaires, les organismes d’alphabétisation et les citoyens. Depuis trop longtemps déjà, le système en place n’a offert aux Canadiens qu’une approche fragmentée sans grands résultats en ce qui a trait à l’amélioration de l’alphabétisation et des compétences de base des Canadiens.
Lorsque ma collègue Margaret Eaton, présidente d’ABC, a témoigné devant le comité l’an dernier, elle a démontré l’efficacité et les effets des programmes intégrés dans les mines de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest. Ces programmes de formation étaient axés notamment sur l’alphabétisation et les compétences de base, sur l’obtention d’un diplôme équivalant aux études secondaires et sur une formation propre à des emplois précis sur l’équipement et les systèmes. Le programme est devenu un modèle à suivre pour d’autres industries et secteurs d’activités qui ont besoin d’une forte main-d’oeuvre qualifiée, comme la foresterie et l’énergie.
Le fait le plus important à retenir ce matin, c’est que ce programme a été financé en partie par le gouvernement territorial et par l’employeur, et comportait une contribution en temps de la part des employés.
Les gros employeurs jouent d’habitude un rôle important dans les programmes comme celui-là. Or, les emplois spécialisés où la demande est très forte se retrouvent chez les employeurs grands et petits. Et les PME, le moteur reconnu de l’emploi au Canada, ne peuvent être écartées du débat. Il faut trouver des politiques et des mesures intégrées qui donnent les moyens d’aider les employés des PME, où il y a aussi des emplois à forte demande.
Dans son rapport sur le développement des compétences dans les collectivités rurales éloignées, déposé en juin, le comité a fait certaines recommandations, notamment la création d’un crédit d’impôt pour les programmes de formation du secteur privé destinés aux Autochtones des collectivités éloignées.
ABC Life Literacy Canada ne peut que se réjouir d’une telle recommandation.
Nous intercédons depuis longtemps en faveur de mesures stratégiques qui inciteraient les employeurs à financer la formation professionnelle et nous vous pressons de formuler une recommandation similaire pour véritablement favoriser la création d’une approche commune sur l’acquisition des compétences de base au Canada. Un crédit d’impôt pour une formation en compétences de base en milieu de travail ferait grandement avancer les choses dans ce dossier et encouragerait les employeurs, petits et grands, à investir dans ce domaine.
Par de telles mesures et grâce à son leadership, le gouvernement peut contribuer à ce que la main-d’oeuvre canadienne possède les compétences dont dépend le succès personnel et commercial.
Merci de m’avoir permis de témoigner ce matin.
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Monsieur, permettez-moi de commencer.
Je vous remercie de la question, monsieur Daniel.
Je pense certainement que la solution réside dans la collaboration d'un grand nombre de partenaires. Dans une perspective fédérale, pour ce qui est d'une économie concurrentielle, on a tendance à considérer le Canada comme un ensemble. Lorsqu'on pense à la concurrence avec la Chine, l'Inde ou l'Argentine, on considère qu'au chapitre de la concurrence, le Canada constitue un ensemble, une main-d'oeuvre, une économie.
L'autre aspect sur lequel le gouvernement fédéral doit se pencher est la question de la mobilité. Les Canadiens veulent être capables d'aller d'une province à l'autre et les employeurs veulent avoir le droit d'engager des gens sans égard à l'endroit d'où ils viennent. Même si le gouvernement fédéral ne joue aucun rôle direct en matière d'éducation et de formation, comme vous l'avez souligné, il peut sans aucun doute jouer un rôle de chef de file et, dans une certaine mesure, c'est ce qu'il a fait.
Beaucoup de provinces ont un très grand intérêt envers une approche nationale à laquelle participerait le gouvernement fédéral. Incidemment, il y a deux ou trois ans, l'actuel ministre de DRHC a assisté pour la première fois au Forum des ministres du marché du travail. Il s'agit d'un forum qui est tombé dans l'oubli, en quelque sorte. Je suis heureux de dire que tous les ministres, tant au fédéral qu'au provincial, considèrent qu'il s'agit d'un forum très important pour ce qui est de la collaboration.
Quant à la collaboration avec l'industrie, Mme Popovic a parlé du rapport de la Chambre de commerce. Je pense que plus que jamais, un certain nombre d'entreprises sont préoccupées par la question des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée et s'y intéressent.
Bien entendu, les conseils sectoriels, dont je suis membre, organisent des réunions entre les membres de l'industrie, les indicateurs et le gouvernement pour travailler à l'élaboration de solutions. Notre rôle n'est pas vraiment lié à la sensibilisation et à la formulation de recommandations. Nous nous concentrons sur la recherche de solutions, la formation en milieu travail, l'élaboration de normes et la préparation de renseignements sur le marché du travail qui sont utiles aux employeurs.
Monsieur Shory, vous savez certainement que dans votre province, par exemple, où l'économie roule à fond de train, il y a des pénuries d'emplois hautement spécialisés et peu spécialisés. Prenons l'exemple de l'industrie touristique. À plusieurs endroits en Alberta, les restaurants Tim Hortons doivent fermer à 18 heures parce qu'ils ont de la difficulté à trouver des employés; il y a des hôtels qui ne peuvent louer toutes leurs chambres parce qu'ils n'ont pas assez de personnel pour les préparer. Il existe une importante pénurie de travailleurs peu spécialisés.
Je pense que ce que nous tentons de faire, c'est de mieux adapter l'offre à la demande. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires, par exemple, a donné de bons résultats dans ce secteur et une certaine mobilité dans l'ensemble du pays. L'une des choses que nous devrions envisager, en ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires, c'est de nous assurer que les travailleurs peu spécialisés peuvent participer à ces programmes, surtout le Programme des candidats des provinces, qui tend à cibler les travailleurs hautement spécialisés.
Je ne veux pas laisser entendre que nous ne voulons pas encourager tout le monde à avoir un niveau plus élevé d'alphabétisation et de compétences de base. Comme l'a mentionné mon collègue, il reste très peu d'emplois que les gens peuvent occuper sans posséder un niveau satisfaisant d'alphabétisation, en raison de toutes les tâches à accomplir, comme lire un avis de sécurité ou entrer des données dans un ordinateur. Peu importe où l'on se trouve dans le système, on doit posséder un niveau minimal d'alphabétisation et de connaissances informatiques.
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Merci, monsieur le président. C'est un honneur de siéger à ce comité.
Je voudrais revenir brièvement aux questions de M. Shory sur les collectivités autochtones. Dans ma circonscription, au Cap-Breton, Eskasoni est la collectivité qui connaît le plus fort taux de croissance. C'est la plus importante collectivité autochtone du Canada atlantique.
Au Cap-Breton, l'un de nos principaux moteurs économiques, ce sont les emplois à Fort McMurray, notamment.
Eskasoni n'est qu'une collectivité autochtone parmi tant d'autres. La plupart du temps, elles sont situées dans des régions isolées. Elles sont déconnectées de la réalité économique et de ce qui se passe; elles n'ont aucune idée des possibilités qui existent.
Ce matin, dans le Globe and Mail, il y avait un article qui disait que les chefs autochtones rejettent la refonte de l'éducation d'Ottawa. Il semble que le gouvernement fédéral, qui est responsable de l'éducation des Autochtones, ne soit pas sur la même longueur d'onde que les chefs autochtones.
Cela dit, je pense au modèle allemand. Je ne sais pas si vous connaissez le modèle allemand avec les apprentis, avec les gens de diverses compétences dans l'industrie, mais le système d'éducation allemand cible les jeunes plus tôt, par exemple au premier cycle du secondaire, détermine ce qui les intéresse, leur présente différentes avenues possibles, et les aide tout au long du processus. Ce n'est pas comme si on attendait jusqu'à la douzième année, puis qu'on leur demandait ce qu'ils veulent faire; on établit le contact avec eux lorsqu'ils sont plus jeunes et on leur montre un peu comment ils peuvent procéder.
Je pense qu'on devrait utiliser davantage le modèle allemand dans la collectivité autochtone. On s'adresserait directement aux jeunes pour leur montrer les possibilités, les emplois qui seront disponibles dans l'avenir et ce qu'ils pourraient faire.
Je crois vraiment que les syndicats, le secteur privé et le gouvernement ont un rôle à jouer à cet égard. C'est dans leur intérêt, car ce sont les collectivités qui connaissent le taux de croissance le plus rapide au Canada et qui ont le taux de chômage le plus élevé. Ces jeunes ont beaucoup d'aptitudes, mais on ne leur donne pas les moyens d'atteindre ce but.
J'aimerais que vous nous disiez ce que nous ne faisons pas correctement. Je sais que vous avez donné quelques exemples, mais ce n'est pas vraiment ce que j'espérais. Je pense que l'article du Globe and Mail indique que cela ne fonctionne pas. Il doit y avoir un meilleur modèle en général pour ces collectivités autochtones du point de vue du gouvernement fédéral. Je vais terminer là-dessus.
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Selon moi, il est de plus en plus urgent d’engager les Autochtones dans l'éducation, en partie parce qu’ils représentent le segment de la population canadienne qui connaît la croissance la plus rapide: environ 50 p. 100 de la population autochtone est âgée de moins de 25 ans. Autre fait intéressant: environ la moitié de la population autochtone habite en milieu urbain. Il y a donc, d’une part, des enjeux propres aux habitants des réserves, comme ceux dont vous avez parlé, monsieur Eyking, et, d’autre part, ceux qui sont propres à la population autochtone urbaine.
À mon avis, il y a différentes stratégies auxquelles il faut réfléchir. Je souscris tout à fait à votre idée de s’inspirer du modèle allemand pour les programmes d’apprentissage. Il serait très utile de changer, en partie, la mentalité qui prévaut au Canada; on sous-estime vraiment les programmes d’apprentissage et les métiers en général. Ainsi, au secondaire, les jeunes sont essentiellement encouragés à poursuivre des études universitaires. C'est l’option la plus encouragée. En fait, c’est malheureusement le cas dans la totalité ou, du moins, la plupart des familles. Par ailleurs, toujours au secondaire, on dit aux jeunes que s’ils ne sont pas assez bons pour l’université, ils peuvent toujours aller au collège et, s’ils ne sont vraiment pas assez bons pour le collège, ils peuvent alors opter pour les métiers.
C'est très dommage parce que, très souvent, quand on examine la situation 10 ans plus tard, on constate que les jeunes qui ont suivi des programmes d’apprentissage s'en sortent très bien, alors que certains de ceux qui ont obtenu un baccalauréat en sciences politiques ne font que vivoter et n’arrivent pas à trouver un emploi. Penser qu’un diplôme universitaire est la garantie d'un emploi et d'une vie confortable, c’est voir les choses à l'envers. Bref, je pense qu’il faut envisager de changer cet aspect de notre mentalité et accorder plus de valeur aux métiers et aux programmes d’apprentissage.
Pour revenir à la question de la population autochtone, je ne peux pas dire que j'ai vu un programme — et je ne suis pas un expert en la matière —, qui a connu vraiment beaucoup de succès auprès des jeunes autochtones dans les réserves. C'est un peu plus facile dans les centres urbains, où il y a un système d'éducation plus développé et plus soutenu. Je pense que certaines provinces sont plus poussées à agir — comme le Manitoba et la Saskatchewan, où l’on prévoit que les Autochtones représenteront la moitié de la population dans certaines villes au cours des prochaines années — et, à ce titre, elles sont plus avancées dans ce dossier que d'autres provinces.