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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 février 2013

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Je vois que tout le monde est là.
    Chacun d'entre vous formulera ses commentaires, puis il y aura une séance de questions et de réponses.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais soulever quelques points auprès des membres du comité. Premièrement, je vous saurais gré de me suggérer, d'ici jeudi, quelques noms de témoins pour notre future étude.
    Je tiens aussi à vous informer — et un avis sera publié aujourd'hui à cet effet — que, jeudi, des fonctionnaires comparaîtront devant le comité au sujet de la motion modifiée de M. Cleary. Je vous prie donc d'en tenir compte.
    Cela dit, j'inviterais maintenant les participants à notre première table ronde à nous présenter leurs observations. Qui veut briser la glace?
    Nous avons avec nous aujourd'hui M. Kent MacDonald, président du Collège Algonquin. Vous pourrez d'abord prendre la parole, si vous êtes prêt. Ensuite, nous passerons à M. David Corson, président de l'Association des étudiants du Collège Algonquin. Enfin, le brigadier-général Gregory Matte, du programme Du régiment aux bâtiments, interviendra en dernier.
    Nous allons d'abord donner la parole à M. Kent MacDonald. Allez-y, monsieur MacDonald.
    De combien de temps est-ce que je dispose? Est-ce un maximum de 10 minutes?
    Nous vous saurions gré de prendre de cinq à sept minutes, si possible.
    Je vous suis vivement reconnaissant de me permettre de vous communiquer certaines de mes réflexions. Il s'agit certainement d'un sujet d'actualité important pour le milieu canadien des collèges et des écoles polytechniques. Ce sujet est nouveau, et ce, non seulement pour le Canada. En effet, il en est question dans le rapport Richard, au Royaume-Uni, ainsi que dans divers États américains. Par conséquent, il arrive à point nommé.
    J'ai aussi eu l'occasion de prendre connaissance de certains des commentaires formulés par des intervenants précédents. Par conséquent, j'ai décidé de ne pas simplement répéter ces observations. Pour ce qui est de la question spécifique à l'étude aujourd'hui, je pense que les gouvernements devraient examiner un certain nombre d'initiatives tactiques, dont des mesures incitatives fiscales pour les employeurs, la mobilité interprovinciale des étudiants, l'amélioration des programmes d'apprentissage et l'octroi de subventions. Par ailleurs, je dirais que la plupart des réponses que les membres de votre comité souhaiteraient obtenir se trouvent probablement déjà dans des publications, comme celles du Forum canadien sur l'apprentissage et du Conseil canadien des directeurs de l'apprentissage.
    Pour éviter toute redondance, j'ai décidé d'aborder le sujet en m'éloignant le plus possible du point de vue d'un président. Ainsi, mes commentaires seront peut-être utiles aux membres du comité.
    Étant donné que j'ai longtemps été enseignant et que, maintenant, je suis président d'un collège, voici la question que j'aime poser aux membres du corps professoral, aux employés et à nos partenaires de l'industrie chaque fois que j'ai l'occasion de discuter avec eux: que veut dire exactement le fait d'être éduqué au XXIe siècle?
    Évidemment, le concept de l'apprentissage remonte à l'époque médiévale, et je pense que le temps est venu de repenser totalement la façon dont nous offrons cette éducation. Je crois que, peu importe votre formation, que vous soyez enseignants, avocats ou chirurgiens orthopédistes, vous avez tous bénéficié d'une certaine forme d'apprentissage, conformément à la définition donnée à ce concept.
    Je vais limiter mes commentaires à quatre points très brefs.
    Tout d'abord, l'été dernier, dans son ouvrage intitulé We Can All Do Better, Bill Bradley, un sénateur américain remarquable, a décrit qu'à une certaine époque, on pouvait utiliser l'analogie d'un ascenseur en Amérique du Nord. Peu importe son statut social dans la collectivité, n'importe qui pouvait prendre un ascenseur. Si on travaillait assez fort et si on avait de la chance, on pouvait sortir de l'ascenseur au deuxième ou au troisième étage, parfois même au cinquième. M. Bradley soutient que cet ascenseur est défectueux au Canada et aux États-Unis et que la seule façon de faire en sorte que les gens continuent de bénéficier de la mobilité sociale, c'est de trouver des moyens d'éduquer le plus grand nombre d'entre eux et de démocratiser l'éducation postsecondaire pour que plus de gens puissent en profiter.
    Cependant, je crois que, au Canada, il existe un mythe quant à ce que nous faisons sur le plan de l'enseignement supérieur. Je sais qu'il s'agit d'une compétence provinciale, mais nous devons avoir une conversation plus profonde et plus sérieuse sur les répercussions possibles de l'enseignement supérieur.
    Je crois que nous tous, dans cette pièce, nous souvenons que, dans les années 1970 et 1960, la société valorisait l'éducation pratique, appliquée et axée sur les métiers. Puis, dans les années 1980 et 1990, on a commencé à accorder moins d'importance et d'honneur à ce type de travail. De nos jours, les Canadiens ont un défi à relever, soit déterminer comment ils peuvent ramener l'honneur et le respect à ce niveau, par opposition au simple fait de décrocher un diplôme. Selon moi, un certain nombre d'établissements, dont ceux qui sont semblables au Collège Algonquin, peuvent jouer un rôle important à cet égard.
    J'ai grandi dans une municipalité que le magazine Maclean's a déjà décrite comme étant la plus pauvre et la moins agréable du pays, à savoir New Glasgow, en Nouvelle-Écosse. Je connais donc la dichotomie suivante: j'habite maintenant à Ottawa, mais je suis originaire de New Glasgow; je suis donc passé de la ville la moins bien cotée au pays à celle qui figure au tout premier rang.
    Je suis persuadé que, pour permettre à un plus grand nombre de jeunes de se faire instruire, il faut investir davantage dans l'éducation supérieure, en particulier dans le secteur collégial. Toutefois, le défi qu'il nous faut relever, c'est que certains enseignants, comme moi, n'ont jamais suivi d'études collégiales.
    D'habitude, nous réussissons assez bien à l'école secondaire pour être admis à l'université, où nous acquérons une excellente expérience d'apprentissage. Par la suite, nous passons à l'école normale. Je n'ai jamais été exposé aux possibilités offertes par un collège canadien. Notre système est différent du réseau américain des collèges communautaires. En fait, le Canada compte plus de 150 collèges, mais seulement six d'entre eux sont considérés comme des collèges communautaires.
(1110)
    Selon moi, voici la question à laquelle nous devons répondre: comment pouvons-nous exercer une influence plus profonde sur les personnes d'influence, c'est-à-dire celles qui déterminent où pourraient aller leur enfant, leur soeur ou leur frère? Nous savons tous que les personnes les plus influentes sont encore les parents, suivis des enseignants et des conseillers en orientation.
    Au cours des minutes qu'il me reste, j'aimerais soulever cinq points à l'intention du comité.
    En prenant appui sur l'influence et les pouvoirs dont vous disposez tous dans vos rôles respectifs, vous devez contribuer à donner un sérieux coup de barre dans la façon dont nous formons les enseignants au pays. Les 50 facultés d'éducation doivent jeter un regard différent sur la façon dont elles préparent les enseignants. Je pense que les enseignants devraient être tenus de participer à un stage quelque part au pays. Comme le Canada compte plus de 900 campus collégiaux, il devrait être assez facile de mettre en oeuvre cette mesure.
    Deuxièmement — et d'autres personnes en ont déjà parlé en long et en large devant le comité —, il faut éliminer les obstacles. Il existe encore un très grand nombre d'obstacles. Vous pourrez prendre connaissance d'un exemple parmi tant d'autres dans les documents à votre intention que j'ai remis au greffier.
    Troisièmement, comme Canadiens, nous devons détruire le mythe entourant ce qui constitue l'enseignement supérieur de nos jours. Je recommande que l'on prenne un engagement à long terme afin de briser le statut social qui est associé actuellement aux collèges et aux universités du pays. Il faut faire cela dès le plus jeune âge. Nous avons brisé le mythe au sujet du tabagisme. Nous avons aussi brisé celui lié à l'alcool au volant. De nos jours, au Canada, nous sommes fiers de pouvoir discuter de la santé mentale. Nous devons maintenant entreprendre une conversation sur ce qu'est l'enseignement supérieur efficace et demander aux jeunes ce qu'ils souhaitent faire pour connaître une carrière positive.
    Quatrièmement, nous devons cesser d'évaluer notre réussite en tant qu'enseignants en fonction du nombre de jeunes admis dans le système et commencer à nous demander combien d'entre eux finissent par décrocher un diplôme. C'est simple: il y a beaucoup trop de décrocheurs. Ce phénomène vise surtout les groupes sous-représentés, soit les personnes handicapées, les Autochtones et les étudiants de la première génération.
    Enfin, je vous encourage fortement à prendre le temps de lire l'ouvrage intitulé Shop Class as Soulcraft, ne serait-ce que les trois premiers chapitres. J'ai laissé un exemplaire de ce livre pour chacun d'entre vous. Je pense qu'il saura vous inspirer quant à la façon dont nous devrions peut-être changer dorénavant le regard que nous posons sur l'éducation et la façon dont nous valorisons le travail dans notre société contemporaine.
    Je vous remercie.
(1115)
    Je vous remercie de votre exposé et des suggestions que vous avez faites. Elles sont très intéressantes.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Corson.
    Mesdames et messieurs, bonjour. Je m'appelle David Corson. Je suis président de l'Association des étudiants du Collège Algonquin. Je vous remercie de l’occasion qui m’est donnée de vous exposer les préoccupations que partagent mes collègues étudiants et les défis qu’ils doivent relever.
    Tout d'abord, permettez-moi de vous faire part de notre énoncé de mission, qui est le suivant:
    L’Association des étudiants du Collège Algonquin a pour mission de « créer un environnement qui inspire une passion pour la réussite étudiante ». Notre principal objectif consiste donc à conjuguer vie de campus et réussite scolaire.
    Il appartient toutefois à l'étudiant de définir sa réussite.
    Historiquement, au début du XIXe siècle, les apprentis ouvriers devaient, pour avancer dans leur métier, réaliser une pièce maîtresse prouvant qu’ils maîtrisaient leurs compétences. En concrétisant ce projet, ils pouvaient faire étalage de leur habileté et en tirer une fierté personnelle. Depuis cette époque, et pour diverses raisons, le mode de formation des ouvriers spécialisés au Canada a subi un changement substantiel qui, dans certains cas à notre avis, a contribué à diluer son apparente valeur intrinsèque.
    Depuis les années 1980, la société a continué de déprécier les métiers spécialisés. Cette dévaluation, qui est perpétuée par les médias, a contribué à créer une pénurie critique d’ouvriers spécialisés. À ce sujet, l’association des étudiants soutient fermement l’objectif visé par l’Étude de sensibilisation et de perception des métiers spécialisés et de l’apprentissage, qui consiste à remplacer les attitudes négatives à l’égard des métiers spécialisés par une perception plus favorable et à en faire un premier choix de carrière pour les jeunes Canadiens et les personnes qui les influencent, comme les parents et les éducateurs.
    Le problème est encore exacerbé par le moment où les étudiants doivent faire un choix de carrière. Nous appuyons la suggestion mise de l’avant par le Forum canadien sur l’apprentissage, selon laquelle le Canada doit absolument mettre en oeuvre des efforts de sensibilisation pour mobiliser les jeunes dans un processus d’évaluation qui permettra de recenser leurs compétences et d’apparier celles-ci aux réalités du marché de l’emploi. Nous savons que des élèves commencent dès la 5e année à faire des choix de carrière avec leurs enseignants.
    Nous appuyons également un autre objectif de l’étude précitée, à savoir: encourager les employeurs à créer des débouchés dans les métiers spécialisés pour les jeunes Canadiens, à les augmenter et à les maintenir. À nos yeux, cela aurait également pour effet de rehausser directement le pourcentage de jeunes qui sont conscients de l’ensemble des possibilités de carrière offertes par les métiers spécialisés. Dans cette veine, nous estimons que cela représente pour le gouvernement fédéral une occasion favorable d’investir davantage dans le programme Compétences Canada et d’en faire une meilleure promotion.
    Soit dit en passant, le Collège Algonquin enverra un menuisier à Leipzig, en Allemagne, pour nous représenter lors du concours mondial d'aptitudes en menuiserie. Nous sommes fiers de cela, mais qui est au courant? Est-ce que quelqu'un en a déjà entendu parler? Voilà le point que nous souhaitons faire valoir.
    Les défis qui émergent à l'échelle locale, provinciale, nationale et mondiale nous apparaissent comme une extraordinaire possibilité de donner aux métiers spécialisés une image sociétale plus positive. Ce n’est peut-être pas les Olympiques; mais pourquoi ce ne le serait pas après tout?
    Parmi les obstacles auxquels se heurtent actuellement les apprentis en herbe, il y a les multiples strates de bureaucratie. Il existe quatre niveaux.
    Le premier, c'est l'employeur. Les éventuels apprentis peuvent avoir de la difficulté à se trouver un employeur qui acceptera de les former. J'y reviendrai vers la fin de mon exposé.
    Deuxièmement, les collèges n'acceptent pas actuellement de demandes de formation en apprentissage. Toutefois, ils le font pour tous les autres. Les étudiants ne peuvent donc pas connaître les dates de début des stages.
    À l’échelle provinciale — et je ne peux parler que de la situation en Ontario —, le ministère de la Formation et des Collèges et Universités consulte tout d’abord l’étudiant, puis lui signifie son avis d’offre. À cette méthode, on peut opposer le processus convivial suivi par les Services d’admission des collèges de l’Ontario. Par conséquent, on se retrouve avec un système à deux vitesses. Emploi Ontario peut également verser jusqu’à 1 500 $ en aide financière imposable aux apprentis qui ne peuvent recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant leur formation scolaire.
    Le quatrième niveau de bureaucratie se situe à l'échelle fédérale. Au gouvernement fédéral, le financement doit cheminer par le processus traditionnel de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, le cas échéant — voir le point précédent —, avec ses retards intrinsèques, lorsque nous pouvons déjà prévoir les effets de la formation sur l’évolution des étudiants.
    Nous aimerions vous recommander de rationaliser les services. Ainsi, la personne intéressée à faire un apprentissage auprès d’un employeur devrait pouvoir utiliser un système semblable à celui des Services d’admission des collèges de l’Ontario pour demander au ministère de la Formation et des Collèges et Universités de suivre une formation d’apprentissage en Ontario. On pourrait utiliser ce modèle provincial à titre d'exemple.
(1120)
    Les résultats de ce processus seraient communiqués à la fois au collège et au demandeur, ce qui favoriserait la création d’un lien de formation et amorcerait un contact avec le gouvernement fédéral quant aux possibles sources de financement. La Subvention incitative aux apprentis et la Subvention à l’achèvement de la formation d’apprenti figurent parmi les initiatives fédérales que nous soutenons et que nous jugeons opportun de financer davantage.
    Une fois que l’apprenti en herbe est formé, il se heurte au manque de transférabilité interprovinciale des compétences. Dans l’esprit de l’Accord de Bologne, nous croyons qu’il devrait y avoir des normes nationales pour les apprentis, à l’instar du Sceau rouge pour les compagnons qui autorise une transférabilité partielle, voire totale, des compétences et de la formation.
    La mobilité de la main-d’oeuvre a jusqu’à récemment été définie d’une façon assez étroite, privilégiant la mobilité postcertification. C’est pourquoi la mobilité de la main-d’oeuvre et la transférabilité de la formation d’apprentissage sont des notions mal comprises. Idéalement, il serait préférable de clarifier ces principes à l’échelle nationale.
    En conclusion, nous croyons que les métiers spécialisés sont un moteur essentiel de la réussite économique du Canada. Dans la rude conjoncture économique actuelle, les employeurs ont la difficile tâche de choisir entre continuer de former le personnel en place ou risquer de former de nouveaux apprentis. Pour cette raison, l’éventuel apprenti peut avoir de la difficulté à trouver un employeur qui acceptera de le parrainer. Nous croyons que le gouvernement fédéral a la capacité de mettre en place des mesures incitatives qui contribueront à éliminer cet obstacle au profit de tous les Canadiens. Cette libéralisation, couplée aux autres exemples présentés dans cet exposé, aidera les premiers intéressés à faire preuve d’une plus grande efficacité et à créer un système meilleur et plus intéressant pour les apprentis au Canada.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie de votre exposé. Nous sommes très heureux d'avoir pu prendre connaissance de vos observations, et je suis persuadé qu'on vous posera plusieurs questions.
    Nous allons maintenant écouter le brigadier-général Gregory Matte.
    Vos antécédents sont très impressionnants, et nous avons bien hâte d'entendre vos commentaires sur un sujet légèrement différent.
    Nous vous écoutons.
    Monsieur le président et membres du comité, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre intérêt à l'égard du programme Du régiment aux bâtiments, ainsi que de votre appui public et financier — public, dans le sens que c'est le premier ministre du Canada qui, il y a 13 mois, a lancé ce programme à Edmonton, en Alberta. Anciens Combattants Canada a versé une subvention de 150 000 $ à ce programme.
    J'aimerais prendre quelques instants pour expliquer en quoi consiste le programme et pour en préciser le contexte. J'espère que cela vous aidera à me poser ensuite des questions.
    Ce programme s'inspire du programme qui porte le même nom aux États-Unis et qui est en place depuis maintenant 10 ans. Nous avons tout simplement reproduit au Canada une grande partie des mesures qui ont fait le succès du programme aux États-Unis.
    La mise sur pied du programme au Canada a pris un certain nombre d'années, en raison de la structure de gouvernance que nous souhaitions établir. Il relève d'un organisme à but non lucratif, constitué sous le régime de la Loi sur les corporations canadiennes. Il compte un conseil d'administration et est assujetti à des règlements. Le programme a été créé de telle sorte que les intervenants ne puissent pas exercer un contrôle sur celui-ci. Il s'agissait de réunir un groupe de personnes, dont des représentants de tous les ordres de gouvernement — provinciaux et fédéral —, ainsi que des représentants du secteur privé, de syndicats et d'associations. Par conséquent, personne n'exerce un contrôle total sur le programme.
    Nous offrons aux membres actuels et anciens des Forces canadiennes la possibilité de poursuivre une carrière exceptionnelle dans le secteur de la construction. Outre la possibilité de faire carrière, nous leur donnons aussi la chance d'être formés dans un métier donné et d'obtenir les cartes de compétences requises. Notre objectif ne consiste pas simplement à trouver un emploi à nos anciens combattants, mais aussi à les aider à faire carrière. Nous souhaitons aider les militaires qui ont aidé notre pays, dont ceux qui ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions.
    En fait, les anciens combattants doivent faire face à trois défis lorsqu'ils quittent les Forces canadiennes et qu'ils tentent de faire carrière dans le monde civil.
    Le premier défi — et j'en suis peut-être un bon exemple —, c'est que plusieurs membres se sont joints aux Forces canadiennes à un jeune âge. Par conséquent, quand vient le temps pour eux de quitter l'armée, ils n'ont pas vraiment d'expérience dans la rédaction de curriculum vitae et ils n'ont jamais eu à subir une entrevue d'emploi exigeante. Lorsqu'ils se sont joints aux Forces canadiennes, ils ont eu droit à un accueil très favorable.
    Deuxièmement, il est très difficile pour un militaire de transférer ses aptitudes et ses compétences dans la société civile, de telle sorte qu'un employeur puisse les reconnaître.
    Troisièmement — et je crois que c'est peut-être le défi le plus important —, c'est que, compte tenu de la culture des militaires et de la fraternité qui existe entre eux, il est très difficile pour les anciens combattants de trouver une organisation dont la culture répond à leurs besoins.
    Voici la proposition de valeur que je présente à l'industrie au nom de tous les anciens combattants canadiens: on parle ici d'un groupe de personnes qui sont extrêmement fiables, loyales et flexibles. Connaissez-vous beaucoup de personnes qui, à un moment donné, participent aux efforts de reconstruction d'un pays comme Haïti à la suite d'un tremblement de terre, qui, le mois suivant, se rendent à la passe de Khyber, en Afghanistan, pour combattre les talibans, ainsi que pour libérer et sécuriser le pays afin que les filles puissent aller à l'école, et qui, l'été suivant, vont aider les Manitobains à se remettre des inondations? Pour les remercier de leur bon travail, nous les faisons venir à Ottawa pour qu'ils puissent faire partie du personnel.
    Ces hommes et ces femmes ont la capacité d'apprendre, car les Forces canadiennes sont un milieu d'apprentissage. Ils apprennent à apprendre dans une classe et à assurer leur autoapprentissage à l'aide d'ordinateurs et de simulateurs. Chose plus importante encore, ils apprennent non seulement à apprendre, mais aussi à enseigner. La plupart des cours offerts au sein des Forces canadiennes sont donnés par des militaires. L'enseignement n'est-il pas la meilleure façon d'apprendre et le partage de la matière avec les autres n'est-il pas le meilleur moyen de la maîtriser?
    Vous conviendrez tous avec moi que les militaires sont dotés d'un esprit d'équipe. C'est une qualité inestimable qu'il fait bon posséder au Canada, en particulier dans le secteur de la construction. Les militaires sont non seulement excellents pour suivre les directives qui leur sont données, mais ils sont aussi des chefs de file remarquables. Qui plus est, ils ont l'habitude de gérer des situations dynamiques et d'accomplir plusieurs tâches à la fois. Ils possèdent toutes les qualités de leadership nécessaires dans le contexte de la vie civile.
    Je dirais que le gouvernement conservateur a rendu un fier service aux Forces canadiennes en revitalisant les immobilisations militaires. Toutefois, la plupart des personnes qui ont passé un certain nombre d'années dans l'armée ont appris à être très ingénieuses, car elles devaient entretenir l'équipement et veiller à ce qu'il fonctionne bien quand elles en avaient le plus besoin.
    En outre, les militaires sont très conscients de la sécurité, ce qui, de toute évidence, est important dans le secteur de la construction.
    Enfin, les anciens combattants ont déjà fait leurs preuves. Leurs antécédents sont bien connus en raison des rapports sur le rendement dont ils ont fait l'objet. On a déjà vérifié leurs antécédents du point de vue de la sécurité, ce qui est très important dans certains secteurs de l'industrie, et, bien entendu, ils répondent aux normes sur les plans médical et physique.
(1125)
    Le programme consiste à apparier les talents disponibles aux besoins existants dans le secteur canadien de la construction. Notre équipe compte quatre membres bilingues, qui sont tous d'anciens militaires. Notre système est très simple: les anciens combattants qui souhaitent participer au programme se rendent sur le site Web pour s'inscrire auprès de sociétés, d'entrepreneurs et de syndicats qui adhèrent aux objectifs du programme. Nous assurons ainsi la liaison entre les participants au programme et les employeurs éventuels. Cela dit, compte tenu des défis en matière de transition que doivent relever ces militaires, nous leur offrons des services de consultation pour leur faciliter la tâche à cet égard.
    Au nombre des problèmes que nous devons régler, mentionnons celui de la visibilité du programme. Le simple fait d'être ici aujourd'hui est très utile pour le programme.
    Nous accordons la priorité aux anciens combattants quand vient le temps de combler les places d'apprentis au sein des syndicats. Nous gérons chacun des cas individuellement, car, lorsqu'une personne est atteinte d'une maladie mentale ou d'un handicap physique, il faut comprendre les circonstances particulières de son cas et les limites avec lesquelles elle doit composer, afin de lui trouver un emploi qui répond à ses besoins.
    Monsieur le président, voilà qui conclut mes observations préliminaires.
    Je vous remercie de cet exposé instructif. Nous allons maintenant passer aux questions.
    Monsieur Cleary, vous avez d'abord la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais poser des questions au brigadier-général sur le programme Du régiment aux bâtiments.
    Premièrement, j'aimerais connaître le nombre d'anciens combattants qui ont participé jusqu'ici à ce programme ainsi que leur âge moyen. Pourriez-vous nous donner quelques détails à ce sujet?
    Je peux vous donner quelques données préliminaires. Le site Web n'a été mis en place que le 18 septembre. Grâce à celui-ci, nous pouvons maintenant recueillir les statistiques auxquelles vous faites allusion. Jusqu'ici, environ 680 anciens combattants se sont inscrits au programme par l'entremise du site Web.
    L'âge des participants varie énormément. Il y a des gens qui ont quitté les Forces canadiennes à la fin de leur contrat initial de trois ans. Certaines de ces personnes n'ont que 20 ou 21 ans. On compte un très grand nombre de participants qui sont à la fin de la vingtaine ou au début de la trentaine. Ce phénomène est en partie attribuable à la situation actuelle au sein de l'armée et au fait qu'un certain nombre de personnes en sont à l'étape de leur vie où il est temps de passer à autre chose.
    Je m'explique. Les membres des Forces canadiennes sont admissibles à une pension de retraite au bout de 20 années de service. Cette situation a été changée au cours des 10 dernières années. Cela dit, il s'agit d'une décision importante pour un militaire qui a accumulé 20 années de service. Il peut dorénavant compter sur un revenu garanti, ce qui facilite sa transition vers une nouvelle carrière.
    Puis, il y a aussi des gens qui en sont à la fin de leur carrière. Ils sont à la fin de la quarantaine ou au début de la cinquantaine. Justement, j'ai parlé hier avec un homme dans la cinquantaine avancée qui a pris sa retraite il y a quelques années. Je ne le nommerai pas, mais sachez qu'il est apprenti à Edmonton, après avoir déménagé de l'Île-du-Prince-Édouard.
(1130)
    Brigadier-général, vous avez parlé d'anciens combattants qui sont atteints d'une maladie mentale ou d'un handicap physique. Savez-vous combien des 680 anciens combattants qui se sont inscrits sur le site Web souffrent d'une maladie mentale? Je présume que cet état fait suite à un traumatisme subi pendant leur service au sein de l'armée. Combien de ces anciens combattants ont une maladie mentale ou un handicap physique?
    Je n'ai pas de chiffres précis à ce sujet. Je préfère éviter de recueillir ces données au cas où notre site Web serait piraté. Nous savons ce qui s'est produit au ministère des Anciens Combattants il y a un an et demi. Je ne voudrais pas que notre site Web soit aussi piraté. Nous avons pris des mesures exceptionnelles pour des raisons de sécurité.
    Cela dit, nous recueillons une quantité limitée de renseignements. Chaque cas est différent. Si une personne me dit qu'elle est atteinte d'une maladie mentale, j'en parle alors avec elle, sans toutefois entrer dans les détails, car je ne suis pas médecin. Je tiens simplement à savoir ce qui est à l'origine de ses problèmes, comment elle s'y prend pour les gérer et dans quel domaine elle serait à l'aise de travailler.
    Permettez-moi de vous présenter un exemple. Un des participants au programme a été embauché en tant que chaudiériste. En Afghanistan, il avait travaillé comme opérateur d'un obusier M777 dans une des bases d'opérations avancées. Il souffrait d'un traumatisme dû au bombardement.
    Les chaudières sont très bruyantes. Les outils des chaudiéristes sont très lourds. Souhaitant occuper un poste dans ce domaine, il n'a pas caché au syndicat dont il était membre et aux autres participants au cours qu'il souffrait de ce traumatisme. Dès la première journée, il s'est produit un bruit assourdissant dans la classe. Évidemment, il a figé, mais les autres participants lui ont témoigné du respect en raison de ses années de service et, conscients de son incapacité limitée, ils ont fait preuve de beaucoup d'empathie à son égard. Ils l'ont aidé pendant une brève période. Depuis, il se débrouille très bien. Il a poursuivi avec beaucoup de succès son apprentissage.
    C'est donc dire que nous gérons chaque cas individuellement, en tenant compte des circonstances particulières de chacun des participants.
    Brigadier-général, vous avez mentionné que la visibilité du programme constituait un défi et qu'il existait depuis une dizaine d'années aux États-Unis, ce qui n'est évidemment pas le cas au Canada.
    Quels moyens pouvez-vous utiliser pour mieux faire connaître ce programme à l'échelle nationale?
    Il s'agit d'une question très judicieuse et je vous remercie de la poser.
    J'ai été engagé il y a huit mois, lors de la mise sur pied du programme. Pendant la première année, je m'intéresse réellement à quatre publics cibles.
    Évidemment, le premier public cible est constitué des militaires eux-mêmes et il se divise en trois groupes. D'abord, il y a les membres de la force régulière, c'est-à-dire les militaires à temps plein; puis, il y a les réserves et les diverses unités de milice qui se trouvent partout au Canada; enfin, il y a les anciens combattants à la retraite.
    Le deuxième public cible est composé des syndicats qui participent au programme. Je parle ici des unions internationales, de la FAT-COI et, à l'échelon local, des syndicats et des dirigeants et dirigeantes qui en sont responsables. Notre objectif est de veiller à ce qu'ils comprennent bien la proposition de valeur et s'engagent pleinement à accorder la priorité de placement aux anciens combattants.
    Le troisième public cible est formé des entrepreneurs et des employeurs de l'industrie du bâtiment et de la construction partout au Canada. Nous leur faisons connaître cette occasion exceptionnelle. Bien entendu, la main-d'oeuvre avec laquelle nous travaillons devra se perfectionner, mais les employeurs saisissent l'idée.
    Enfin, le dernier public cible est composé des collèges et des provinces qui font partie du processus d'approbation des apprentis dans tout le pays. Dans ce cas, je travaille avec 13 groupes intéressés.
    Ce sont les quatre publics cibles dont j'essaie d'attirer l'attention.
    Vous travaillez avec...
    Je vous remercie, monsieur Cleary. Votre temps de parole est écoulé.
    Nous passons à M. Daniel.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Je vais d'abord m'adresser aux représentants des deux collèges. Deux points sont ressortis de vos remarques liminaires, soit qu'il faut travailler à changer les mentalités et trouver le moyen d'attirer les gens vers les apprentissages. Je vais vous poser une question personnelle. Avez-vous parlé à vos enfants de la possibilité de se diriger vers l'un de ces métiers?
    Je l'ai fait. J'ai quatre enfants et j'en ai parlé au plus jeune.
    J'ai été enseignant ici à Ottawa, à l'école secondaire St. Matthew, à Orléans. Pendant que j'occupais ce poste, je n'ai jamais parlé avec mes élèves de ce qu'ils voulaient faire plus tard. Comme j'étais allé à l'université, dans mon esprit, je me disais plutôt que tel élève était du type à fréquenter l'université et tel autre, le collège. C'est le genre de discours qu'il faut changer.
    Bien sûr, mon épouse — qui est également une éducatrice — et moi avons été en mesure de le faire, mais les racines de ce discours sont enracinées profondément. La façon dont ces possibilités de carrière sont présentées est teintée de préjugés dans les médias, à cause des mots employés pour décrire le travail et de la gestuelle utilisée à l'égard de certaines professions. Je pense que cette mentalité est enracinée si profondément qu'il faudra un certain temps avant qu'elle change.
(1135)
    Je dirai simplement que ma grand-mère était maîtresse tisserande et j'étais chimiste textile. J'ai teint les tissus que ma grand-mère confectionnait, je ne suis donc pas tout à fait objectif en ce qui concerne les métiers.
    Ma fille étudie en sciences prémédicales. Elle a décidé qu'elle voulait devenir médecin parce qu'elle est atteinte d'une affection neurologique et qu'elle est déterminée à y trouver un remède. Je n'ai jamais essayé de l'en dissuader, mais je me suis toujours assuré qu'elle savait qu'elle aurait pu faire n'importe quel métier. Cependant, je ne suis pas objectif.
    Comment pouvons-nous nous attaquer au problème qui consiste à éduquer les parents quant aux perspectives offertes par les programmes d'apprentissage?
    En faisant des recherches, j'ai été surpris de constater que les gens de métier gagnent un très bon salaire. Par ailleurs, la demande existe, comme je l'ai lu dans un article de journal que quelqu'un a découpé aujourd'hui. Je pense que c'est le genre d'arguments qui parviendra à convaincre les gens. Il faut les renseigner sur les métiers disponibles.
    À l'heure actuelle, j'étudie dans un programme de sécurité Internet. Je me recycle parce que l'industrie dans laquelle je travaillais a disparu. Être teinturier n'a plus aucun sens. S'il n'y a plus de tissu à teindre au Canada, il faut passer à autre chose. La sécurité Internet sera-t-elle nécessaire dans 20 ans? Probablement. Est-ce que ce sera la même chose pour les TI? Peut-être pas autant. Cependant, il faudra de la main-d'oeuvre dans les métiers spécialisés. Je ne pense pas que nous préparons les gens adéquatement, mais ce sont des domaines dans lesquelles on peut avoir une carrière qui durera 20, 25 ou 30 ans.
    Le professeur King, de l'Université Queen's, a mené en Ontario une étude sur la double cohorte qui a donné lieu à la publication de quatre rapports. Les travaux du professeur King ont démontré que les collèges comme le Collège Algonquin ont toujours concentré leurs efforts de recrutement sur les élèves de 10e, de 11e et de 12e année. Ses recherches révèlent clairement que les élèves décident de ce qu'ils veulent faire beaucoup plus tôt que nous ne l'avions imaginé.
    Si vous demandez à un élève de 10e année dans quel établissement il veut étudier et qu'il vous répond à l'Université Queen's, il fournira la même réponse à cette question lorsqu'il sera en 11e année. Si vous posez de nouveau la question à cet élève quand il sera en 12e année, il vous répondra qu'il vous a dit l'année précédente qu'il irait à l'Université Queen's. Cet élève ne cherchera une nouvelle orientation que si l'Université Queen's n'accepte pas sa demande d'admission.
    Certains collèges concentrent leurs efforts sur des élèves plus jeunes. Toutefois, la question qui se pose est la suivante: Qui influence les jeunes? Ce sont les parents, comme l'ont clairement démontré les rapports publiés par le professeur King. Les médias ont une influence, les conseillers en orientation figurent au cinquième ou au sixième rang, les enseignants jouent aussi un rôle, mais ce sont fondamentalement les parents qui influencent ces jeunes.
    Pour notre part, nous avons même commencé à aborder les écoles primaires afin d'inciter les gens à envisager ces carrières dans une perspective différente.
    La prochaine question s'adresse à vous tous. Que fait-on pour améliorer le rendement des programmes d'apprentissage? En d'autres mots, divers témoins nous ont dit que le taux de décrochage des programmes d'apprentissage est très élevé. Je ne pas trop ce qui en est pour le programme Du régiment au bâtiment. Avez-vous des observations à formuler à ce sujet?
    Nous terminerons avec les réponses à cette question.
    Je me ferai un plaisir de répondre en premier.
    À mon avis, les étudiants de ces programmes subissent la même pression que les autres étudiants. Plusieurs obstacles les empêchent de terminer leurs études.
    Selon moi, l'obstacle le plus important est le manque de préparation des étudiants. Cela va bien au-delà de la préparation sur le plan scolaire. Quand on s'intéresse aux élèves qui choisissent ces professions, on constate que nombre d'entre eux sont les premiers à faire des études postsecondaires dans leur famille. Leur père ou leur mère n'a donc jamais eu d'influence sur eux à cet égard, ce qui est un véritable problème. De plus, ils sont mal préparés sur le plan financier, ce qui les empêche de poursuivre leurs études. Par ailleurs, ils sont mal préparés sur le plan social. Ainsi, lorsqu'ils arrivent en classe, ils n'ont tout simplement pas l'impression d'être à leur place. Ils sentent qu'ils devraient plutôt être au travail.
    Il existe une pléthore de recherches sur la réussite et la persévérance scolaires. Au Collège Algonquin, nous avons tenté d'appliquer les principes qui en ressortent à nos programmes d'apprentissage. Nous avons constaté une amélioration mesurable de la persévérance, qui est passée de 62 à 64 p. 100 depuis deux ans. Le gouvernement de l'Ontario vise un taux de persévérance de 70 p. 100.
    Par conséquent, il faut entrer en contact avec les élèves plus tôt, veiller à ce qu'ils soient bien préparés sur le plan scolaire et faire en sorte de leur offrir toute une gamme de services. Je peux ajouter qu'en 1950, 5 p. 100 de la population faisait des études postsecondaires. À l'époque des Jeux olympiques de Montréal, c'était 20 p. 100 de la population, et on approche maintenant de 70 p. 100. Même s'il n'y a pas de régression, nous savons bien qu'il y a des étudiants issus de milieux où personne n'avait fait d'études postsecondaires avant eux, et qu'une foule de facteurs empêchent ces étudiants de réussir.
    Quand on pense à l'aspect scolaire de notre travail, nous devons aussi nous pencher sur les services de soutien dont les étudiants ont besoin, dont certains ont été mentionnés par le brigadier-général, et sur les moyens qui les aideront à terminer leurs études.
(1140)
    Est-ce que quelqu'un d'autre a des remarques à formuler?
    C'est à votre tour, monsieur Corson, puis nous passerons à M. Matte.
    En quelques mots, à l'heure actuelle, un apprenti peut être jumelé avec un compagnon. Cela signifie que la moitié du groupe ne passe pas à l'étape suivante. Les étudiants suivent la formation en apprentissage, dont le coût est défrayé par le gouvernement, puis ils ne peuvent pas continuer la formation parce qu'ils n'arrivent pas à trouver de superviseur. Il s'agit là d'un obstacle important.
    Nous pensons que dans une proportion de 3 pour 1, l'étudiant devrait pouvoir suivre le cours qu'il a payé et passer à l'étape suivante de la formation technique. C'est un problème de taille.
    L'autre problème, c'est que certains étudiants sont obligés de décrocher pour des raisons financières. Je le répète, à l'heure actuelle, le programme offert par RHDCC est tel que la période d'attente est de huit semaines pour certains étudiants, et il s'agit principalement de jeunes familles. L'étudiant dont la famille doit attendre huit semaines pour recevoir des prestations va décrocher. Ces étudiants présentent un risque élevé de décrochage.
    Merci.
    Monsieur Matte, la parole est à vous.
    Je crois qu'il s'agit d'une question très importante. Je peux seulement y répondre dans le cadre du programme Du régiment au bâtiment. D'après ce que je sais des gens qui se sont recyclés dans des métiers, je dirais que le taux de réussite des militaires qui entreprennent un apprentissage est pratiquement de 100 p. 100.
    Il y a des facteurs économiques qui peuvent les dissuader de terminer leur formation. Par exemple, lorsqu'ils doivent retourner aux études pour une période de quatre, six ou huit semaines, les prestations d'assurance-emploi sont assez souvent retardées. C'est une longue période sans revenu pour une personne qui est à la fin de la vingtaine ou au début de la trentaine, qui a une hypothèque, un prêt automobile, dont le conjoint ou la conjointe ne travaille peut-être pas et qui a peut-être de jeunes enfants. Cela devient un obstacle. Ils acceptent donc que la formation qu'ils ont acquise pendant deux ans leur permet de gagner un certain salaire et ils s'en tiennent à cela.
    L'autre problème qu'il vaut probablement la peine de souligner, ce sont les obstacles à l'accessibilité de l'apprentissage. Cela va à l'inverse de votre question, mais c'est quand même un point important parce qu'il touche toute la question du développement de la main-d'oeuvre.
    Je trouve intéressant qu'au Canada, où les besoins en matière de main-d'oeuvre spécialisée sont si importants, nous cherchions souvent à combler ces besoins au-delà de nos frontières. Parallèlement, les entreprises qui ont besoin de travailleurs ne contribuent pas nécessairement toutes de façon égale au développement de la main-d'oeuvre. Autrement dit, elles n'encouragent pas les apprentissages. Cela devient un obstacle à l'accessibilité et peut aggraver la situation d'une personne qui consacre un, deux, trois ou quatre ans à un apprentissage, et qui est soudainement congédiée. Il se peut que cette personne doive attendre six mois avant d'obtenir un autre emploi temporaire qui lui permettra d'accumuler les heures qui lui manquent pour obtenir son permis.
    Merci.
    Merci de votre réponse.
    Nous passons maintenant à M. Rousseau.

[Français]

    Ma première question s'adresse à M. Matte.
    Vous avez mentionné que les vétérans des Forces canadiennes étaient constamment en apprentissage. De ce fait, ce sont nécessairement des gens disposant de talents très variés et qui sont flexibles sur le marché du travail,.
    N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'à l'heure actuelle, on sous-estime et on sous-emploie ces ressources sur le marché du travail?
    Je suis entièrement d'accord. C'est la raison pour laquelle le programme existe. Beaucoup de gens au Canada ne reconnaissent pas tous les atouts qu'offrent les militaires sur le marché du travail. Une partie du problème que je constate est que les gens du secteur des ressources humaines ne voient sur les curriculum vitae que certains mots clés. S'ils ne voient pas ceux qu'ils recherchent, ils passent au prochain dossier. Cela arrive régulièrement.
    C'est pourquoi j'ai décidé, dans le cas de ce programme, de passer outre les gens qui travaillent dans ce milieu. Je parle donc à des présidents de compagnies et à des joueurs importants sur le marché qui peuvent apprécier l'avantage d'investir dans des gens qui ont été militaires ou qui le sont toujours, par exemple dans la réserve. À long terme, ce sera très profitable.
(1145)
    Pourtant, dans les cours de ressources humaines et de relations industrielles, on vante la valeur et les mérites de ces gens-là. Or ceux-ci font l'objet de discrimination sur le marché du travail. Ils ne sont pas choisis parce que, comme vous l'avez dit, c'est la paperasse qui prédomine. On veut que la sélection se fasse rapidement et l'évaluation de ces gens est considérée comme un empêchement. Pourtant, ces personnes pourraient contribuer énormément à notre société d'aujourd'hui.
    Le mot « discrimination » est ici un peu fort. Je ne dirais pas que c'est de la discrimination active. C'est plutôt que les militaires sont éliminés par défaut par le processus. Comme je le disais, des personnes qui occupent des postes de responsabilité dans des compagnies voient la valeur des militaires. Ils sont engagés. Je constate aujourd'hui que des gens appartenant à de grandes compagnies se font concurrence pour embaucher des militaires. Pour moi, cela prouve qu'ils voient leur valeur.
    Parfaitement. Merci.
     Je vais maintenant m'adresser à MM. MacDonald et Corson.
    Ce matin, dans les départements de relations industrielles et de ressources humaines, on constatait qu'il y avait une étude —- et ce n'est pas la première — qui révélait qu'au cours des 15 ou 20 prochaines années, cinq à sept millions de Canadiens et Canadiennes allaient se retirer du marché du travail au pays. Je n'ai certainement pas besoin de vous énumérer les effets dévastateurs que cela aura sur notre économie, plus particulièrement sur le marché de l'emploi.
     Que pensez-vous de cette situation et de la place d'une réelle stratégie pouvant non seulement avoir un impact, mais inciter encore davantage les jeunes à se tourner vers des métiers où il y a déjà une pénurie de main-d'oeuvre? Comment les programmes d'accompagnement pourraient-ils contribuer à la réussite d'une telle stratégie?

[Traduction]

    Dans mes observations, j'ai parlé du mythe de l'éducation supérieure, qui est bien réel. De nombreuses études font état de ce problème, qui n'existe pas seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis et en Europe. Là aussi, il y a des gens qui sont sous-employés.
    Rick Miner parle d'emplois sans travailleurs et de travailleurs sans emplois. Il y a des centaines de milliers d'employeurs qui cherchent des travailleurs qualifiés et il y a des centaines de milliers de jeunes qui n'ont pas les bonnes compétences. C'est dans ce contexte que nous devons nous demander plus honnêtement comment faire comprendre aux jeunes le but de l'éducation supérieure.
    En Amérique du Nord, nous nous interrogeons depuis 400 ans, c'est-à-dire depuis 1636, sur le but de l'éducation supérieure. Cependant, quand on demande à des élèves pourquoi ils veulent aller au collège ou à l'université, leur réponse est claire. Ils veulent acquérir les compétences et les connaissances qui leur permettront d'obtenir un emploi. C'est là que nous échouons.
    À l'heure actuelle, 30 p. 100 des étudiants du Collège Algonquin ont étudié à l'université. C'est bon pour nous. Je qualifierais un grand nombre de nos programmes d'écoles d'études supérieures du XXIe siècle. Ces personnes très instruites viennent à nous afin d'acquérir les compétences qui leur sont nécessaires pour s'harmoniser avec la population active.
    Du point de vue du gouvernement et des contribuables qui soutiennent financièrement la plus grande part de l'éducation, c'est un enjeu de plusieurs millions de dollars. Il y a, d'une part, des jeunes qui refont des cours et, d'autre part, le coût d'opportunité en raison de la perte de talent humain que cela représente.
    Comme je l'ai dit plus tôt, je pense qu'il faut entrer en contact avec les jeunes et leur parler différemment. Par ailleurs, pour ce qui est du collège, je pense que nous devons continuer à offrir des programmes qui suivent de très près les besoins de l'industrie.
    Je vous remercie, monsieur Rousseau. Votre temps de parole est écoulé.
    Si quelqu'un d'autre souhaite faire une observation, vous pouvez le faire.
    J'ai 25 ans d'expérience dans le secteur manufacturier au Canada et je peux donc vous dire que c'est une très mauvaise idée de suivre une formation dans ce secteur. Nous devons prendre des mesures pour que les gens comprennent la réalité de demain.
    Fort de mes 25 années d'expérience, je suis revenu au Collège Algonquin comme étudiant pour me recycler et acquérir les compétences nécessaires pour travailler dans une industrie qui a besoin de main-d'oeuvre et qui semble être en croissance. Personne n'a pu me dire facilement quelle était cette industrie. J'ai dû trouver moi-même. J'ai 48 ans et je pense que je suis très bon pour faire des recherches, mais j'ai dû creuser. Les jeunes qui ont 18 ou 19 ans n'ont pas nécessairement la capacité de faire cela. D'après mon expérience à titre de président de l'association étudiante, ils ont besoin d'aide. Il faut repenser notre façon de faire.
    Je le répète, je pense que cela se résume dans certains cas à communiquer avec des élèves de 5e année pour entreprendre l'éducation des parents, des éducateurs et des élèves.
(1150)
    Monsieur MacDonald, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais revenir sur les militaires.
    Je pense que l'ancien chef d'état-major de la Défense et son équipe ont agi avec sagesse lorsqu'ils ont commencé à s'intéresser à l'incohérence qui existe entre l'excellente formation des militaires et le fait qu'ils n'ont pas de titres civils.
    Aujourd'hui, si vous visitez le Collège Algonquin, vous verrez des militaires, hommes et femmes, qui étudient chez nous. L'armée a décidé que certaines formations ne doivent pas obligatoirement être données par l'armée et qu'elles peuvent donc être offertes dans des établissements publics. Il s'agit par exemple des formations de chef cuisinier, en mécanique automobile ou sur le SIG.
    Nous préparons du personnel hautement qualifié dans l'infrastructure publique. Du même coup, ces étudiants obtiennent un diplôme civil. À notre avis, c'est une bonne solution. Lorsque ces étudiants quitteront l'armée, ils auront un titre et ceux qui consulteront leur CV seront en mesure de reconnaître l'accréditation de leur apprentissage.
    Merci.
    Nous passons à M. Coleman.
    Merci à vous, monsieur le président, ainsi qu'aux témoins qui sont ici aujourd'hui pour nous aider dans notre mission qui consiste à trouver ce que le gouvernement fédéral peut faire pour promouvoir l'apprentissage et le moderniser.
    Depuis que j'ai été élu en 2008, j'ai parcouru le pays et j'ai été en contact avec de nombreuses universités canadiennes grâce à notre caucus sur l'éducation postsecondaire. Je remarque qu'il y a vraiment un changement qui s'opère. En effet, le mode de réflexion cloisonné des universités et des établissements d'enseignement manifeste une ouverture à l'égard des compétences dont les diplômés ont besoin lorsqu'ils terminent leurs études et obtiennent leur titre ou leur diplôme.
    Monsieur MacDonald, je me demande si, au Collège Algonquin, vous collaborez avec des universités ou d'autres établissements postsecondaires pour établir de façon concertée la valeur d'un baccalauréat en arts libéraux, qui semble être considéré comme primordial par notre génération quand nous disons à nos enfants qu'ils doivent étudier.
    En ce qui me concerne, mes trois enfants ont dû suivre des cours dans un collège communautaire pour devenir aptes au travail, exactement comme vous le disiez. Ils ont obtenu leur diplôme en arts libéraux, mais ils n'arrivaient pas à percer le marché de l'emploi.
    Je pense que les établissements postsecondaires reconnaissent maintenant cette situation. Je pense qu'ils comprennent la situation dans une certaine mesure, même si les choses ne vont pas assez vite pour certains d'entre nous. Ils sont confrontés à de nombreux obstacles, surtout dans leurs propres facultés universitaires, qui sont philosophiquement en désaccord avec cette orientation. Quelles expériences avez-vous vécues à cet égard au Collège Algonquin?
    Nos expériences n'ont pas été positives. Je pense que, à Ottawa, la principale caractéristique est la présence de quatre excellents établissements postsecondaires: l'Université d'Ottawa, l'Université Carleton, La Cité collégiale et le Collège Algonquin. Je dirai à votre collègue qui se trouve à votre gauche que, contrairement à l'Ontario, l'Alberta a eu une influence considérable sur la reconnaissance des apprentissages antérieurs par les établissements postsecondaires. La Colombie-Britannique a une longueur d'avance sur l'Ontario. Ici, nous sommes des retardataires à cet égard. Nous n'en faisons pas assez pour reconnaître les apprentissages antérieurs et cela a d'importantes répercussions sur nos étudiants. En effet, ces répercussions sont importantes parce qu'il y a des milliers d'emplois à combler.
    Il suffit de s'intéresser à ce qui se fait ailleurs dans le monde, comme les Accords de Bologne et leur équivalent en Europe, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine. Ce ne sont pas que les établissements d'enseignement qui reconnaissent les apprentissages antérieurs et les titre, mais aussi les pays, ce qui facilite le passage d'un établissement à l'autre et même d'un pays à l'autre.
    Il est déplorable que nous n'ayons pas été en mesure de régler ce problème en Ontario. Je le répète, c'est un enjeu important du point de vue des étudiants et du point de vue de la perte de talents, du coût d'opportunité et ainsi de suite. Pour les contribuables, c'est, à mon avis, un problème économique majeur pour la province.
(1155)
    Je vais avancer une hypothèse. Peut-il s'agir d'une question générationnelle qu'il faut régler, d'une culture qui a entraîné la suppression des programmes techniques de l'enseignement primaire et secondaire? L'école secondaire que j'ai fréquentée a fermé toute l'aile destinée à la formation dans les métiers parce que les préparateurs de programmes d'études du gouvernement provincial ont décidé que nous n'avions pas besoin que les élèves ayant un intérêt pour les métiers s'engagent dans cette voie. Ils voulaient que ces élèves obtiennent un diplôme universitaire dans le domaine en arts libéraux. Les gens qui ont grandi dans cette culture — ma génération, à vrai dire — pensent ainsi et croient à cela.
    Je tiens seulement à présenter un autre argument avant de vous laisser terminer vos observations sur ce sujet.
    Vous avez formulé une remarque très perspicace. Vous avez dit une chose qui requiert un certain courage, à laquelle je pense depuis quelque temps, en ce qui concerne la façon d'éduquer les éducateurs.
    Pour les membres de ma génération, la solution facile après l'obtention de notre diplôme universitaire était la suivante. J'ai demandé à mes colocataires: « Eh bien! Qu'allez-vous faire l'an prochain? »
    « Je ne sais pas, et toi? »
    « Je ne sais pas. Nous avons un diplôme en arts libéraux. Je vais tout simplement rester à l'école. Je vais devenir enseignant. »
    Il y a beaucoup d'emplois dans ce domaine, n'est-ce pas?
    Je pouvais simplement rester à l'école. J'allais avoir deux mois de congé, que j'ai toujours. J'ai choisi de devenir enseignant seulement parce qu'il s'agissait d'un poste valable sur la voie la plus facile.
    Honnêtement, un grand nombre de mes amis qui sont devenus enseignants n'avaient aucune disposition pour cette carrière, qu'ils ont choisie seulement pour rester à l'école. Par conséquent, lorsque vous avez parlé d'obliger les enseignants et les éducateurs à suivre des apprentissages, cela a touché une corde sensible. Je pense depuis longtemps qu'il est nécessaire d'éduquer les gens qui deviennent nos enseignants et que, pour ce faire, ils doivent affronter le vrai monde, le secteur privé, et comprendre cette réalité.
    Je sais que j'ai parlé longtemps. Monsieur le président, pouvez-vous m'accorder un peu de temps pour permettre à M. MacDonald de répondre à cette observation?
    J'ai fait allusion plus tôt à plusieurs des points que vous avez soulevés et j'aurais aimé disposer d'un peu plus de temps.
    C'est de cela que traite le livre. J'espère que vous le lirez. Il s'agit d'un phénomène. La valeur accordée à certains emplois s'est reflétée dans les compressions qui ont touché les conseils scolaires de district, y compris la suppression de la plupart des formations axées sur les métiers qui étaient offertes en bas âge.
    À mon avis, le paradoxe dans tout cela, c'est que ces emplois ne pourront pas être transférés ailleurs dans le monde, qu'il s'agisse de réparer nos voitures, d'ériger nos bâtiments ou de construire nos routes et nos infrastructures.
    Je suis un enseignant. J'ai été un éducateur pendant toute ma vie et c'est une profession noble. En fait, Lee Iacocca a dit que, dans un monde logique, les meilleurs d'entre nous seraient des éducateurs et que les autres devraient accepter de faire quelque chose de moins important.
    C'est là l'importance que j'y accorde, mais il faut que les éducateurs modifient encore leur mode de pensée pour changer de perspective et se concentrer sur le but de l'éducation plutôt que sur la matière qui est enseignée ou sur le programme. Lorsque nous serons capables d'aborder la question sous l'angle de que ce les étudiants apprennent au lieu de ce qui leur est enseigné, nous pourrons commencer à nous attaquer à des problèmes comme le délai nécessaire pour que les étudiants terminent leur apprentissage.
    Pour conclure, monsieur le président, je ne peux m'empêcher de penser qu'il faut tenir compte du temps consacré aux études et du lieu où elles se déroulent. En ce qui concerne les notions apprises par les étudiants, il y a une limite à ce qu'ils peuvent apprendre pendant huit ou quinze semaines ou pendant quatre ans.
    Ce serait une nouveauté si un étudiant était capable de démontrer qu'il a obtenu les mêmes résultats en huit semaines qu'en trois ans. Le financement qui nous est octroyé dépend du nombre d'étudiants qui fréquentent notre établissement et de la durée de leurs études. Il n'est pas dans notre intérêt qu'ils terminent plus rapidement.
    Je le répète, c'est un problème complexe et j'aurais aimé avoir plus de temps.
    Je terminerai en disant que vous jouez tous un rôle honorifique au Canada. Ma mère, qui vit en Nouvelle-Écosse, s'intéresse de près à la politique. C'était un honneur pour moi de lui dire que j'allais rencontrer certains d'entre vous aujourd'hui. Votre travail est important.
    Merci beaucoup.
(1200)
    Je vous remercie de vos observations.
    Nous conclurons avec les remarques et les questions de M. Cuzner.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être présents ici aujourd'hui. C'est une bonne chose que votre mère vous oblige à rester alerte, Kent.
    C'est l'effet que produit le Cap-Breton.
    C'est vrai.
    J'aimerais poser une question à chacun d'entre vous.
    Monsieur Matte, selon moi, les mesures mûrement réfléchies que vous avez prises pour veiller à ce que la gouvernance et les fondations du programme soient en place avant d'aller de l'avant sont prudentes et sages.
    J'ai été un peu pris par surprise et j'aurais dû avoir en main des statistiques que je n'ai pas. J'aimerais savoir combien le gouvernement s'est engagé à verser à ce programme et pendant combien de temps. J'aimerais aussi savoir qui sont les autres bailleurs de fonds du programme.
    L'engagement du gouvernement du Canada a pris fin. Il a versé une subvention de 150 000 $ pour un an. Je suis justement en train d'écrire une lettre au ministre Blaney pour le remercier de sa contribution.
    Cela dit, la participation financière n'est qu'un aspect de la question. La contribution du gouvernement du Canada en ce qui concerne la visibilité du programme est inestimable. Je sais que le premier ministre s'est engagé personnellement à faire connaître ce projet, car c'est lui qui l'a présenté aux Canadiens il y a 13 mois. Je crois savoir qu'il le fera de nouveau lors d'un événement dont je ne parlerai pas ici.
    Le gouvernement du Canada a donc apporté sa contribution. La première ministre Redford, en Alberta, et Dalton McGuinty, lorsqu'il était premier ministre de l'Ontario, se sont tous deux engagés à verser une subvention unique de 150 000 $. Une autre province est aussi sur le point d'apporter sa contribution au projet.
    En ce qui concerne le secteur privé, la société TransCanada Pipelines nous a accordé la somme de 1 million de dollars, qui sera répartie sur cinq ans. Il s'agit donc de 200 000 $ par an pendant cinq ans. Le General Presidents' Maintenance Committee, qui s'est engagé à verser la somme de 800 000 $ répartie sur quatre ans, fait partie des associations qui financent le projet. Par ailleurs, des unions internationales comme celle des chaudronniers, celle des monteurs de conduites de vapeur et d'autres, qui sont la pierre angulaire de ce projet, nous ont aussi accordé une aide financière.
    Elles ont aussi apporté leur expertise.
    Oui. M. Blakely a déjà comparu devant votre comité. Il est le dirigeant national du Département des métiers de la construction, situé ici, à Ottawa. Son organisme a versé une importante somme d'argent au projet.
    Il y a d'autres entreprises qui communiquent avec moi pour nous offrir des fonds, mais nous ne pouvons pas accepter parce qu'elles ne répondent pas aux exigences de notre programme en matière de création de carrières et non d'emplois.
    J'espère que cela répond à votre question.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Kent, nous avons parlé des obstacles. Or, je sais qu'il existe des accords bilatéraux. On constate la transférabilité des personnes accréditées du Sceau rouge. Une chose est sûre, le transfert des apprentissages et la reconnaissance des titres de compétences d'un endroit à l'autre préoccupent tout le monde.
    Vous avez mentionné qu'il existe des accords bilatéraux. Terre-Neuve et l'Alberta en ont un, et je crois qu'un autre a été conclu avec la Nouvelle-Écosse. Par qui sont-ils négociés? Par les établissements? Est-ce que c'est le collège Algonquin et le Northern Alberta Institute of Technology qui négocient ces accords? Est-ce les ministères provinciaux du travail? Le gouvernement fédéral peut-il contribuer à la tenue de ces négociations?
    Voilà ma première question.
    La seconde fait suite à ce que Phil disait. Les entrepreneurs les plus prospères au Cap-Breton sont tous des gens de métier. Électriciens, charpentiers, camionneurs et mécaniciens font carrière et réussissent en tant qu'entrepreneurs et constituent réellement le moteur de l'économie du Cap-Breton.
    Puisque les personnes de métier sont nombreuses à se lancer en affaires, intègre-t-on une initiation à l'administration des affaires à la formation dans certains métiers?
    Ce sont deux questions complètement distinctes, mais je tente ma chance.
(1205)
    La première question n'est pas simple.
    Au départ, ce sont les employeurs qui manifestent leur besoin d'une désignation Sceau rouge. Je crois qu'ils sont 55 au pays à l'heure actuelle. C'est une étape essentielle. Ensuite, les démarches s'effectuent auprès des gouvernements et des établissements de formation. C'est un peu ironique, parce qu'on commence avec une définition de résultats communs visés par l'obtention du Sceau rouge, mais plus on s'éloigne de cette décision et plus on avance dans la mise en oeuvre dans les provinces, plus le curriculum commence à changer.
    Dans un entretien avec notre coordonnateur et président des apprentissages, je lui ai demandé ce que ça ferait si je déclarais ici aujourd'hui que nous souhaitions augmenter de 50 p. 100 d'ici 2015 la désignation Sceau rouge des métiers, mais sachez que je ne suis pas en train de faire cela. Il était très réticent à l'idée justement pour les mêmes raisons que vous soulevez concernant l'industrie, les gouvernements, le curriculum et les établissements. Jadis, l'apprentissage créait un lien entre l'apprenti et l'employeur. Aujourd'hui, on a compliqué la chose en ajoutant un lien entre l'agent de prestation et le secteur public. La coexistence de ces quatre éléments complique les choses.
    Selon les conseils de spécialistes que j'ai reçus, il faut d'abord discuter avec l'employeur et parvenir à une entente, puis mettre cet accord à exécution.
     Pourriez-vous répéter la deuxième question, monsieur Cuzner?
    La question portait sur l'aspect entrepreneurial et les partenariats.
    Nous avons tenté d'intégrer des résultats d'apprentissage de type gestion des affaires là où il était possible de le faire. Au collège, nous cherchons à le faire pour tous nos programmes — apprentissages et formations régulières —, car même si vous n'effectuez pas de stage d'apprentissage — si vous êtes inscrit à notre programme de chef cuisinier ou d'électricien, notamment —, ces connaissances en entrepreneuriat sont extrêmement importantes pour soutenir les petites et moyennes entreprises.
    Merci de cet échange.
    Votre temps est écoulé, monsieur Cuzner.
    Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait part de ces renseignements et de quelques pistes à explorer.
    Le livre Shop Class as Soulcraft est en anglais seulement et sa distribution est conditionnelle à l'obtention du consentement unanime. Si je ne m'abuse, le greffier dispose de quelques exemplaires. À moins que j'entende une objection, il pourra les distribuer.
    Cela dit, nous prenons une pause de cinq minutes avant de passer au prochain groupe de discussion.
    Merci.
(1205)

(1210)
    Reprenons.
    Pour vous donner une idée de la façon dont nous procéderons, nous inviterons chacun d'entre vous à nous parler un peu de vous, puis nous vous demanderons de répondre à des questions. Mais avant de commencer, nous avons un recours au Règlement.
    Il s'agit plus d'une demande de clarification que d'un recours au Règlement.
    Les fonctionnaires seront-ils présents pendant deux heures jeudi?
    Oui. La préparation d'instructions figure aussi à l'ordre du jour, mais je placerais ce point au bas de la liste. Il se pourrait que nous devions le reporter à la séance suivante. Ainsi, nous allouerons les deux heures de séance aux témoins et aux questions si divers membres souhaitent en poser.
    Merci.
    Merci d'avoir soulevé la question.
    M. Thorson, puisque vous avez déjà comparu devant le comité, vous pourriez peut-être nous parler brièvement de vous, puis mettre en contexte certains des aspects sur lesquels nous vous poserons des questions.
    Nous sommes certes reconnaissants que de jeunes apprentis viennent nous parler de ce qu'ils font. Kayla O'Brien, ici présente, est apprentie dans le domaine de la tôlerie. Votre témoignage nous intéresse sans contredit.
    Commençons avec M. Thorson. Vous avez la parole.
(1215)
    Merci, monsieur le président et merci à tout le comité de nous recevoir aujourd'hui.
    Je serai bref. Comme le président l'a mentionné, j'ai déjà comparu devant le comité, mais pour vous donner un aperçu de mon rôle, je suis directeur général de Skills/Compétences Canada. Notre organisme fait valoir les métiers et les technologies auprès des jeunes partout au pays.
    Pour ce faire, nous organisons des occasions d'acquisition d'expérience. L'une des plus connues prend la forme d'un concours qui permet aux jeunes de partout au Canada de se mesurer les uns aux autres pour tester leurs compétences dans jusqu'à 45 métiers et technologies et qui, parallèlement, donne aux médias, au public et aux étudiants des écoles de la région une meilleure compréhension de toute la complexité des carrières dans les métiers et les technologies.
    Outre un gain d'expérience pour les étudiants qui participent aux concours, nous offrons des activités interactives de métiers et de technologies qui permettent aux étudiants d'essayer grossièrement ces métiers pour avoir une idée de ce à quoi ils consistent.
    Je suis accompagné aujourd'hui de quelques apprentis ainsi que d'un compagnon d'apprentissage. Deux d'entre eux, Nathan et Kayla, ont déjà participé aux olympiades canadiennes des métiers et des technologies et pourront donc vous parler de ce que cela représente. Les deux autres participent actuellement à un programme d'apprentissage.
    Nous sommes impatients de répondre à vos questions.
    Commençons par Nathan. Pourriez-vous vous présenter et nous parler un peu de vous? Ensuite, ce sera le tour de Kayla.
    Je m'appelle Nathan Banke. Je suis compagnon d'apprentissage en tant que technicien à l'entretien et à la réparation d'automobiles — mécanicien, si vous le voulez. J'ai participé à un régime d'apprentissage. Au départ, je me suis inscrit au Programme d'apprentissage pour les jeunes de l'Ontario. J'ai suivi un programme de préapprentissage, puis le reste du programme d'apprentissage en tant qu'apprenti normal. J'ai terminé le programme et je suis devenu compagnon en 2007.
    Pendant ma formation en apprentissage, j'ai participé aux olympiades canadiennes à divers niveaux — régional, provincial, national — ainsi qu'au Mondial des métiers. Par la suite, j'ai continué de travailler comme mécanicien, mais grâce à Compétences Canada, j'ai rencontré le propriétaire d'une autre entreprise, qui m'a embauché. Je suis donc présentement directeur du développement au sein d'une entreprise qui conçoit et fabrique de l'équipement de formation pour les écoles au Canada, aux États-Unis et partout dans le monde.
    Au cours des trois ou quatre dernières années, j'ai voyagé — en avion et en automobile — partout au Canada. J'ai visité des écoles secondaires et des collèges dans toutes les provinces — sauf les Territoires du Nord-Ouest — et je connais les régimes d'apprentissage de diverses provinces. J'ai participé à des comités d'articulation pour diverses provinces et divers programmes d'apprentissage. J'ai de l'expérience avec le régime de la Colombie-Britannique, celui de l'Alberta et un peu avec celui du Québec aussi, où notre entreprise est établie.
    Sur une note personnelle, mon frère a suivi un programme d'apprentissage au cours des deux dernières années et a obtenu sa licence dans la dernière année. J'ai aussi beaucoup d'amis qui suivent présentement un programme d'apprentissage.
    Voilà qui vous donne un peu d'information à mon sujet.
    Merci.
    Merci.
    La parole est à vous, Éric.
    Je m'appelle Éric Duquette. Je suis d'Ottawa. Je suis actuellement plombier de niveau 2. J'en suis à ma cinquième année à titre d'apprenti et je fréquente La Cité collégiale, à Orléans.
    Je m'appelle Steven Church. Je suis apprenti technicien à l'entretien et à la réparation d'automobiles et je suis en formation au collège Algonquin en vue d'obtenir mon niveau 3. Je suis apprenti depuis environ quatre ans. Auparavant, j'ai servi dans les Forces canadiennes, et je suis toujours réserviste.
    Très bien.
    Vous avez la parole, Kayla.
    Je m'appelle Kayla O'Brien. Je fréquente actuellement le collège Algonquin en vue d'obtenir mon niveau avancé, ou niveau 3, de tôlière, ou travailleuse du métal en feuille.
    J'adore mon métier. Je ne sais pas vraiment quoi dire. Je fais de tout, des conduits d'aération aux couvertures de toit en passant par les petits sceaux qui demandent de la patience. Je n'ai pas aimé l'université. Dans ma famille, je représente la troisième génération de ferblantier; c'est ce que je veux faire, et j'aime vraiment ça.
(1220)
    Je vous remercie de ces présentations.
    Nous passons maintenant aux questions, en commençant par M. Sullivan.
    Bienvenue.
    Est-il difficile de trouver les stages d'apprentissage pendant que vous fréquentez l'école, de trouver un employeur? Est-ce une difficulté ou y a-t-il une abondance de placements de sorte qu'il est facile de passer des études à l'apprentissage? Est-ce difficile?
    Kayla, vous souhaitez intervenir je crois. Commençons par vous, puis nous écouterons les autres à tour de rôle.
    Pour la plupart des programmes d'apprentissage, il faut avoir un emploi avant de devenir apprenti ou de fréquenter l'école.
    J'ai la chance de travailler pour l'entreprise familiale, donc mon emploi est pratiquement assuré, du moins je l'espère.
    Je sais que si vous êtes membre d'un syndicat, du moins dans mon métier, votre emploi est assez bien garanti pendant que vous fréquentez l'école. Le ministère de la Formation, des Collèges et des Universités oblige l'employeur à garantir votre emploi pendant que vous fréquentez l'école. Vous ne perdez pas votre poste.
    Il se peut que ce soit difficile au début, mais une fois que vous être apprenti, cela ne devrait pas être trop difficile. Vous pouvez passer d'une entreprise à l'autre.
    Vous êtes maintenant tous des apprentis, mais a-t-il été difficile d'obtenir ce placement?
    Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait répondre?
    Ça a été difficile pour moi car le ratio est de 3:1. Il est difficile de trouver un employeur capable de prendre des apprentis plombiers. C'est donc une des difficultés que j'ai du surmonter, c'est certain.
    Nathan, voulez-vous intervenir?
    Il y a une ou deux difficultés distinctes à cet égard. Dans un sens, c'est comme le paradoxe de l'oeuf et de la poule. Si vous suivez un programme d'apprentissage régulier, vous devez d'abord obtenir un emploi. Mais comment obtenir l'emploi si vous n'êtes pas apprenti? Dans certains métiers, c'est plus facile que pour d'autres, mais dans la plupart des cas, il faut en quelque sorte foncer et décrocher l'emploi en premier, puis s'inscrire comme apprenti auprès du ministère et ensuite poursuivre.
    Dans bien des métiers, une autre option est offerte. Elle consiste à s'inscrire à un cours de préapprentissage au collège ou même parfois à l'école secondaire pour obtenir les compétences de base qui vous permettront d'établir un premier contact avec l'industrie et de décrocher ce premier emploi. Autrement, comment êtes-vous censé vous inscrire à un programme d'apprentissage si vous ne réussissez pas à trouver d'emploi et que vous ne pouvez pas devenir apprenti si vous n'avez pas d'emploi? C'est une difficulté.
    Aussi, comme M. Duquette vient de le mentionner, il y a des ratios. Je ne connais pas les chiffres, mais ils varient selon le métier. Par exemple, si un garage ne peut avoir qu'un apprenti mécanicien par technicien, il devient plutôt dispendieux d'assigner un technicien licencié pour chaque apprenti. C'est toujours un facteur à considérer pour l'employeur.
    On entend aussi beaucoup parler de problèmes concernant l'assurance-emploi, des délais de traitement des demandes de prestations et comment cela rend beaucoup plus difficile l'alternance entre les périodes d'études et d'emploi. Avez-vous vécu ce genre de problème?
    Je n'ai pas travaillé depuis le 21 décembre. En ce moment, je me bats pour obtenir des prestations d'assurance-emploi. Je n'ai pas d'argent.
    J'ai entendu dire que l'assurance-emploi fait tout un plat quand tu es parent avec ton employeur. Le mot est peut-être mal choisi, mais il semble que l'Agence du revenu du Canada doit faire enquête pour s'assurer que je ne profite pas d'un faux apprentissage. Ils m'ont posé des questions pour savoir si je travaillais réellement l'horaire complet.
    Mais bon, ce n'est facile pour personne dans mon programme. Nous sommes 40 à l'heure actuelle à suivre la formation avancée en tôlerie à Algonquin; tous ont touché leur prestation hier, et nous en sommes à la sixième semaine d'arrêt de travail. Certains ont dû contracter un emprunt ou supplier leurs parents de leur prêter de l'argent pour tenter de payer les factures. Ça peut être assez pénible.
    Oui, c'est vrai.
    Le plus bel exemple, c'est ce que j'ai vécu cette année. Au cours des deux années précédentes, pour le niveau 1 de mes études, j'ai reçu des prestations d'assurance-emploi après environ un mois d'attente. L'an dernier, ce fut étonnamment rapide. J'ai commencé à les recevoir environ à la troisième semaine de formation. Cette année, je n'ai encore rien reçu.
     En fait, je viens d'appeler, ce matin même, les gens de l'assurance-emploi parce qu'ils m'avaient laissé un message pour me dire qu'ils n'ont pas reçu mon relevé d'emploi, bien que je sois allé le leur porter en main propre le 18 janvier.
    On m'a raconté d'autres cas épouvantables. Certains apprentis m'ont dit qu'ils n'ont jamais reçu de prestations d'assurance-emploi au cours du niveau 2 de leurs études.
    Il y a une longue période entre le moment où on quitte son emploi et le moment où on commence sa formation. Il faut attendre très longtemps avant de recevoir des prestations d'assurance-emploi. Or, il faut continuer à payer les factures. Il ne nous est pas permis de travailler à temps partiel pour obtenir un revenu d'appoint parce que nous sommes censés toucher des prestations d'assurance-emploi. Si nous n'en touchons pas ou ne les recevons pas, nous n'avons pas de revenu, ce qui est certainement une difficulté.
(1225)
    Y a-t-il quelqu'un d'autre qui souhaite parler? Non? Très bien.
    Monsieur Sullivan, comme votre temps de parole est écoulé, nous passons à M. Butt.
    Je vous remercie tous de votre présence avec nous. Félicitations pour ce que vous faites. Mes filles ont 9 et 13 ans. Je n'en ai pas encore discuté avec elles, mais je le ferai certainement.
    M. Rodger Cuzner: Vous avez plutôt discuté des choses de la vie.
    M. Brad Butt: Pas plus de ça que du reste, Rodger. Je laisse cela à ma femme. Ce n'est pas moi qui vais m'en occuper.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Brad Butt: Ce que je trouve intéressant dans le domaine des programmes d'apprentissage, c'est qu'il semble y avoir deux types d'étudiants. Certaines personnes sont entrées dans l'un de ces programmes directement après l'école secondaire. D'autres, au contraire, y entreprennent une deuxième carrière. Ces gens, qui viennent d'un tout autre domaine ou qui ont quitté une industrie en décroissance à cause des aléas du marché, s'inscrivent à un programme d'apprentissage pour se recycler dans un métier qui n'a parfois rien à voir avec ce qu'ils faisaient auparavant.
    Quelqu'un parmi vous est-il dans cette situation? Vous êtes tous assez jeunes. Avez-vous choisi ce cheminement lorsque vous étiez à l'école secondaire? Travailliez-vous dans un autre domaine auparavant? Avez-vous décidé d'entreprendre des études dans un programme d'apprentissage après vous être rendu compte qu'il fallait changer d'orientation professionnelle?
    J'ai mentionné brièvement tout à l'heure que j'étais auparavant soldat des Forces canadiennes et que je suis toujours réserviste. J'ai 30 ans et j'essaie de terminer mon programme d'apprentissage. Je fais donc partie de la deuxième catégorie.
    J'ai été militaire pendant environ neuf ans. J'ai quitté l'armée parce que je rêvais déjà d'être mécanicien à l'école secondaire. Je rêvais aussi d'être militaire, mais je me suis rendu compte, lorsque j'étais à l'étranger, qu'il était temps de changer de carrière si je voulais fonder une famille. J'ai donc fait ce sacrifice.
    Je venais directement de l'école secondaire. J'ai entrepris mon programme d'apprentissage au Collège Algonquin, au niveau 1. J'avais 16 ans et j'étais officiellement un élève du secondaire. Je participais à un programme d'apprentissage pour les jeunes. Un peu partout au Canada, il existe divers programmes d'apprentissage pour les jeunes, selon les provinces. J'ai suivi pratiquement le parcours inverse. J'ai commencé le programme d'apprentissage à 16 ans et j'ai poursuivi dans cette voie. À 20 ans, j'avais obtenu le certificat d'apprenti et je travaillais dans mon domaine.
    Depuis quelques années, je ne suis plus mécanicien, mais, grâce à ma formation et à mon expérience, je travaille toujours dans le même domaine. Tout ce que je fais actuellement se rattache à la formation d'apprenti, aux écoles, etc.
    Avez-vous d'autres questions au sujet de mon expérience?
    Ma question ne s'adressera donc qu'à vous, Nathan. On nous dit qu'il y a un décalage entre la réalité et ce que conseillent les enseignants, les conseillers en orientation et les autres intervenants des écoles secondaires. Selon ce qu'on entend, ils ne feraient pas suffisamment la promotion de ce cheminement de carrière auprès des élèves de 10e, 11e ou 12e année.
    Qu'est-ce qui vous a fait choisir un programme d'apprentissage au lieu d'une formation universitaire? Il me semble que la plupart des parents recommandent à leurs enfants de faire un baccalauréat parce que c'est, selon eux, ce qu'il faut faire et ce que tout le monde fait. Qui vous a incité à suivre ce programme, ou qui vous a aidé? Comment avez-vous découvert les programmes d'apprentissage? Qu'est-ce qui vous a fait choisir cette voie plutôt que la voie habituelle, l'université, où il faudrait absolument aller si on écoutait ce que prônent la plupart des gens?
    Avant de raconter les circonstances qui ont fait que j'ai choisi un programme d'apprentissage, je tiens à dire que j'ai souvent l'occasion, pour mon travail, de donner des conférences à des professeurs du collégial. Le mois prochain, je m'adresserai à une cinquantaine d'entre eux. Pendant l'année, je parle à des centaines de professeurs du collégial. Où que j'aille au Canada ou aux États-Unis, peu importe le village, la ville, la province ou l'État, tous les professeurs disent que les étudiants n'ont pas les compétences de base. En effet, depuis 5, 10, voire 15 ans, les conseillers en orientation incitent les jeunes à suivre une formation d'apprenti pour les mauvaises raisons. On constate aussi que les étudiants n'ont pas les compétences de base parce que la culture elle-même a changé.
    Personne dans la famille de ces jeunes, ni le père, ni l'oncle, ni la tante, ni le grand-père, ne fait un métier manuel spécialisé, quel qu'il soit. Lorsqu'on a déjà donné le marteau ou le tournevis à son oncle pour l'aider à réparer, par exemple, un conduit de cheminée, on sait ce que c'est de tenir un outil. Bon nombre de ces jeunes n'ont jamais vécu cela.
    On n'a qu'à penser à ce qui se passe dans les écoles secondaires. Il ne reste rien lorsqu'on met de côté les programmes de formation dans les métiers spécialisés. Les jeunes ne savent pas comment tenir un tournevis ou un marteau. Ils ne savent pas ce qu'est une clé à molette. Actuellement, les conseillers en orientation incitent les jeunes qui ne sont pas doués pour les études à suivre un programme d'apprentissage et ils les font jouer avec des outils pour qu'ils soient capables de manipuler des objets concrets. C'est ce que je constate au Canada, dans toutes les provinces, et aux États-Unis.
    Je reviens maintenant à la première question. En fait, j'étais comme Steve. Lorsque j'étais au secondaire, je me suis demandé si je voulais aller à l'université. La réponse était oui. Avais-je suffisamment d'argent? La réponse était non. Les études universitaires allaient me coûter beaucoup d'argent que je n'avais pas. Voulais-je aller dans les forces armées? Oui, mais je n'étais pas prêt, à 16 ans, à entreprendre des études au Collège militaire royal, à Kingston, ou à m'engager à long terme. On ne peut pas prendre une décision comme celle-là à 16 ans. Du moins, moi, je ne le pouvais pas.
    Pour moi, le calcul était simple. Si j'allais à l'université, je me retrouverais dans quatre ans avec une énorme dette, et ce, même si je travaillais d'arrache-pied. Sinon, je pouvais suivre un programme d'apprentissage. À l'époque, je pouvais participer au programme d'apprentissage pour les jeunes de l'Ontario, qui me permettait de quitter rapidement l'école secondaire, de travailler, de gagner ainsi de l'argent et d'obtenir de l'expérience, disons 30 heures par semaine, dans un atelier ou ailleurs. On gagnait de l'argent, on obtenait des crédits d'études secondaires grâce au programme coopératif et on accumulait des heures d'expérience. Le gouvernement payait les frais du niveau 1 du programme d'apprentissage. Du coup, il était logique de suivre une formation de ce genre.
    À l'époque, il n'y avait pas les mesures incitatives qu'offre actuellement l'Ontario. Lorsque mon frère a suivi son programme d'apprentissage, il a touché 1 000 $ à chaque niveau, puis 2 000 $ à la fin de son programme, ou je ne me rappelle plus trop à quel autre moment. Il n'y avait pas toutes les mesures incitatives qui sont offertes aujourd'hui. Par rapport aux milliers de dollars que mes amis payaient, mes études ne me coûtaient que 400 à 500 $ par niveau. Et pendant ce temps-là, j'avais un revenu.
    C'est l'aspect financier qui m'a fait choisir un programme d'apprentissage.
(1230)
    Je vous remercie, Nathan.
    Kayla, aviez-vous quelque chose à ajouter?
    Je me situe entre les deux. Je n'avais pas suivi de formation professionnelle complète, qu'il s'agisse d'un métier ou d'autre chose. Je suis allée à l'Université d'Ottawa pendant deux ans, et j'ai détesté. J'ai donc changé de voie. J'ai essayé plusieurs choses et j'ai eu divers emplois. En fait, j'ai récemment découvert qu'en me montrant l'offre d'emploi, mon père avait secrètement l'intention de m'inciter à retourner à l'université. J'ai pourtant essayé le programme et je l'ai aimé. La stratégie de mon père a eu l'effet inverse. C'était blanc bonnet, bonnet blanc.
    Je suis aussi d'avis qu'il y a un problème majeur à régler en ce qui concerne le système d'éducation secondaire et les préjugés associés aux collèges et aux universités. Lorsque j'ai dit au cousin de mon copain: « Ah, tu vas au collège », sa mère m'a repris vertement en disant: « Non, il va à l'université. »
    C'est un programme postsecondaire. J'ai obtenu mon diplôme d'études secondaires en 2005 et, huit ans plus tard, les préjugés sont toujours les mêmes: les jeunes intelligents vont à l'université et les jeunes idiots vont au collège. Si je vous montrais les calculs mathématiques que j'ai à faire ou les notions scientifiques qu'il faut connaître... Je pourrais vous apprendre les lois physiques qui gouvernent l'air. Je les connais. Je peux concevoir un réseau de conduits d'air. Les idiots ne peuvent pas faire cela.
    Quel que soit le métier, il y a beaucoup de connaissances communes. Il y a des gens pour qui les mathématiques, les sciences, le français ou toutes ces matières sont difficiles. Nous apprenons différemment et nous excellons dans des domaines différents, mais les préjugés l'emportent. Il faut vraiment régler le problème parce qu'il s'agit d'un très beau métier qui offre des perspectives extraordinaires. Je ne connais personne qui regrette d'avoir choisi ce programme. Ils le suivent parce qu'ils adorent cela.
    C'est un bon argument. Je vous remercie de votre commentaire.
    Nous passons à M. Rousseau.
    Je vous remercie beaucoup.
    Madame O'Brien, mon père était tôlier, tout comme vous, et voyez où j'en suis. Tout est possible.
    Voilà.
    Je dois poser ma première question en français. Ce serait plus difficile en anglais.

[Français]

    Vous êtes un bel exemple pour notre jeunesse, surtout un exemple de courage et de persévérance.
    Quelle est la place des personnes handicapées et des femmes, surtout dans les métiers non traditionnels et dans les programmes d'apprentissage et d'accompagnement? J'aimerais avoir votre opinion à cet égard.
(1235)

[Traduction]

    Tout le monde a choisi l'option « en français »? Vous devez mettre vos écouteurs.
    Quelles sont, grosso modo, les perspectives associées aux métiers non traditionnels? Est-ce difficile... ?
    Quelle est la place des personnes handicapées dans le secteur non traditionnel et quelle est leur proportion?
    Il faut s'assurer, d'abord, que tout le monde puisse entendre la traduction. Vous avez des écouteurs. La greffière va aller vous aider.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Vous devez mettre vos écouteurs et choisir le canal 1 ou 2.
    Ça va pour tout le monde?
    Je reformule ma question.
    Un instant. Il faut s'assurer que tout fonctionne.
    Voilà. Ça va pour tout le monde.

[Français]

    Vous seriez...

[Traduction]

    Parfait. Vous pourriez peut-être...

[Français]

    Avons-nous maintenant l'interprétation simultanée?

[Traduction]

    Nous vous redonnerons du temps en conséquence, monsieur Rousseau.
    Ça va de votre côté; ça va aussi pour tout le monde?

[Français]

    Ma question portait sur la place des femmes et surtout sur celle des personnes handicapées dans les métiers non traditionnels. Quelle est leur place dans les programmes d'apprentissage et d'accompagnement?

[Traduction]

    Oui, c'est moi l'experte en la matière.

[Français]

    Êtes-vous la seule de votre groupe?

[Traduction]

    Pour la première fois, je ne suis pas la seule femme. En fait, nous sommes deux, mais, pour une raison que j'ignore, nous sommes dans des groupes différents. Depuis que je fais ce métier, c'est-à-dire depuis quatre ans, je n'ai rencontré que deux femmes.
    Le seul autre handicap que j'ai vu, c'est une déficience auditive. Je ne connais pas bien le point de vue des personnes handicapées, mais partout, on m'accueille à bras ouverts. Il faut être capable d'en prendre, de faire des blagues et de les accepter, mais c'est partout comme cela dans la construction. Au fond, ça ne dérange personne.
    Oui, les femmes sont les bienvenues. Faites comme moi.

[Français]

    Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Banke.
    D'accord.
    Un peu plus tôt, vous avez mentionné quelque chose de très intéressant. De nos jours, les jeunes ne savent même pas ce qu'est un marteau, une scie ou une équerre. Pourquoi en est-il ainsi? Bien sûr, ils s'intéressent aux vidéos. Quels seraient selon vous les incitatifs pour les orienter vers des métiers non traditionnels, mais pour lesquels il y a une pénurie? À l'heure actuelle, ces métiers connaissent une pénurie de main-d'oeuvre.
     Comment feriez-vous pour trouver plus d'incitatifs? M. Thorson pourrait répondre également à cette question.
    Il faut leur donner l'occasion de manipuler les outils. S'il n'y a en a pas chez eux et que personne ne travaille avec ses mains, s'il n'y a pas de programme de mécanique automobile ou de soudure à l'école secondaire et s'il n'y a que des matières théoriques, les jeunes n'auront jamais la possibilité d'apprendre ces métiers.
    La culture actuelle n'offre pas tellement la chance aux jeunes d'utiliser ce genre d'outils et d'avoir le désir d'apprendre un métier par eux-mêmes. Si cela n'existe pas dans les écoles secondaires, ils ne vont jamais prendre un marteau et clouer. Certains personnes appellent quelqu'un pour...

[Traduction]

     coudre un bouton.

[Français]

    Certaines personnes appellent quelqu'un pour faire ce travail. C'est extrêmement facile et n'importe qui peut le faire s'il peut travailler avec ses mains.
    Si les gens peuvent travailler avec leurs mains.
    On parle de travailler avec ses mains. Il faut leur en donner la chance.
    Monsieur Thorson, qu'en dites-vous?

[Traduction]

    Je crois que votre question nous amène à l'un des grands avantages des programmes comme Compétences Canada. Ce programme complète le système scolaire actuel et fournit une occasion aux jeunes de tenir un marteau ou une scie, de construire un circuit imprimé, d'avoir cette expérience manuelle. Au fond, il s'agit de donner aux jeunes une expérience. Ce n'est pas juste une feuille de papier qui leur explique comment fonctionnent les apprentissages ou ce que comporte un métier donné; c'est une expérience, quelque chose de tangible. Ces jeunes peuvent ensuite s'en servir pour discuter avec leurs professeurs, parents et conseillers d'orientation professionnelle des possibilités qui leur seraient offertes par ces métiers.
(1240)

[Français]

    Pardonnez ma naïveté, mais ces programmes sont-ils disponibles au Québec?
    Oui, au Québec on fait affaire avec Compétences Québec.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci. Votre temps de parole s'est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Leitch. Allez-y, je vous en prie.
    Merci beaucoup. Je vous remercie tous d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui. Je suis très reconnaissante.
    Moi aussi, j'ai baigné dans le monde de la construction, car mon père gérait une entreprise de construction. Je suis chirurgienne orthopédiste. Mon marteau et ma scie sont un peu différents et coûtent beaucoup plus cher.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Kellie Leitch: Il y a donc les préjugés, comme l'a soulevé Kayla. Ce facteur a surgi dans de nombreuses discussions que nous avons eues dans le cadre de cette étude et d'autres, qu'il s'agisse de la part des parents, des conseillers d'orientation professionnelle ou autres. Pouvez-vous nous dire brièvement ce qu'il faudrait absolument faire pour éliminer ces préjugés?
    Je sais que c'est un défi. S'agit-il de faire de la publicité? Faut-il parler directement aux étudiants? Que diriez-vous, tous les cinq, si je vous demandais quelle serait la principale stratégie dont on devrait se servir pour lutter contre les préjugés? Ils semblent constituer un énorme obstacle. Que devrions-nous faire?
    Éric, qu'en pensez-vous?
    Pour bon nombre de gens, pas les élèves au secondaire, mais des gens un peu plus âgés, comme moi, qui ai 33 ans, le processus de qualification peut être très long. Le nombre de formateurs nécessaires peut également en décourager certains. Dans le cas de la plomberie, par exemple, il faut trois plombiers pour former un apprenti. Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui peuvent se permettre de payer trois plombiers pour former un seul gars.
    Donc il faut aborder la question du nombre de formateurs par apprenti.
    C'est cela.
    C'est le plus grand obstacle.
    C'est un problème de taille, absolument.
    Souhaitez-vous intervenir, Steven?
    Je crois que la meilleure approche, c'est de s'adresser aux étudiants et de leur fournir des renseignements corrects.
    À quel niveau de scolarité devrions-nous commencer?
    Il faudrait commencer vers le milieu de l'école secondaire, avant les deux années terminales. Lorsque j'étais à l'école secondaire, personne ne m'a expliqué ce que faisait un mécanicien, à part travailler sur des voitures.
    Pensez-vous que les étudiants ne comprennent pas du tout ce que...
    Je crois que la plupart des gens ne comprennent pas l'ampleur de ces métiers. Pour moi, qui suis mécanicien et qui travaille dans l'industrie, j'ai encore droit à des surprises. Il ne s'agit plus simplement d'être mécanicien. Je suis à la fois mécanicien, électricien et informaticien — c'est là où s'en va l'industrie. L'industrie connaît un essor rapide, et il devient de plus en plus difficile de faire notre métier.
    Nathan, qu'en pensez-vous?
    Je vais vous indiquer un ou deux des plus grands défis auxquels doivent faire face les métiers spécialisés. Il existe la perception, du moins pour certains métiers, qu'il n'y a aucune réglementation, que n'importe qui peut ouvrir son garage, sans permis ni expérience. Si l'on n'associe pas un certain prestige au permis ou à un certain niveau de certification, ou encore lorsque cette certification n'est pas obligatoire...
    Il s'agit donc d'exiger l'excellence.
    Oui. Si vous exigez l'excellence, si vous renforcez les exigences, tous les gens qui répondent aux critères bénéficient du prestige qui en découle. Je ne suis pas juste un mécanicien: je dis que je suis technicien à l'entretien et à la réparation d'automobiles. C'est un peu plus prestigieux. Un technicien à l'entretien et à la réparation d'automobiles peut être considéré comme étant l'équivalent d'un ingénieur de premier échelon, car nos fonctions sont essentiellement les mêmes.
    Cela s'applique à bon nombre des métiers, mais il faudrait renforcer la réglementation. La réglementation actuelle permet à n'importe qui d'acheter les pièces et de réparer sa voiture au même prix que celui fixé par certains garages.
    Je vous parle des voitures, mais cela pourrait s'appliquer à n'importe quoi. Hier soir, j'ai installé un luminaire chez ma mère. Je ne suis pas électricien. Ai-je les connaissances nécessaires? Oui, mais lorsque je le fais, est-ce que j'enlève un peu de prestige aux électriciens? D'une certaine façon, oui.
    Je n'ai pas vraiment de réponse, mais je pourrais vous fournir une piste.
    Je ne sais pas ce que prévoit les divers curriculum du pays, mais ici à Ottawa, j'ai dû suivre en 10e année des cours sur le civisme et les possibilités de carrière . C'était obligatoire. Il faut suivre tant de cours de science et tant de cours de mathématiques à l'école secondaire. Deux métiers devraient figurer parmi les cours obligatoires. Il faut que les métiers soient de nouveau représentés à l'école secondaire. On n'en parle plus.
    Bien sûr, les adolescents s'en plaindront, mais on en a l'habitude.
    Comme vous l'avez dit, j'ai la chance d'avoir grandi dans une famille d'agriculteurs, de tôliers, et ainsi de suite. Je ne me rendais pas sur les chantiers, mais on m'encourageait à faire les choses moi-même. On me disait: « Je ne vais pas accrocher ta photo, prend ton marteau et fais-le toi-même. » J'ai pris mon marteau.
    Je savais ce que je faisais, mais mes amis n'en n'ont pas la moindre idée, et voilà la première piste: réintroduire les métiers dans le curriculum et les rendre obligatoires à l'école secondaire dans une certaine mesure. Un cours de base en menuiserie, par exemple.
(1245)
    Kayla, vous avez indiqué que l'on ne voit pas beaucoup de femmes sur les chantiers. Mon expérience en tant que chirurgienne orthopédique est semblable. Ma profession compte peu de femmes.
    Ma question donne suite à vos propos, mais je la pose aux hommes: que devrions-nous faire pour que les femmes soient présentes sur les chantiers? Que faut-il changer?
    Je suis sérieuse. Je suis sûre que vous vous entretenez avec des femmes tous les jours à un moment donné, ne serait-ce qu'avec vos mères. Steven, Éric ou encore Nathan, que devons-nous faire pour nous assurer que les femmes se sentent à l'aise et souhaitent exercer votre métier?
    Qui veut répondre le premier?
    Nathan, allez-y.
    Nous demandons toujours aux femmes ce qu'elles pensent pourrait encourager leurs consoeurs, mais nous nous adressons à des femmes qui sont déjà présentes dans les métiers. Qu'en pensez-vous, messieurs?
    Lorsqu'on perçoit les mécaniciens comme étant sales, comme étant des gens qui travaillent dans un métier qui peut être fait par n'importe qui qui sait tenir un outil, et lorsqu'on ignore à quel point le salaire d'un mécanicien peut être intéressant, pourquoi une femme voudrait-elle travailler sur une voiture? Pourquoi?
    Êtes-vous d'avis que nous devrions mettre l'accent sur la rémunération que les femmes pourraient recevoir pour subvenir aux besoins de leurs familles?
    La rémunération et le prestige... comme vous l'avez dit. Supposons que vous êtes électricienne, ou plutôt une technicienne spécialisée dans les pièces électroniques, ou mécanicienne, changer les pièces, c'est la partie facile. C'est d'y parvenir qui est si difficile, ça prend beaucoup de travail.
    On n'a pas une bonne perception des métiers spécialisés. S'il n'y a aucun prestige à y gagner, pourquoi une femme voudrait-elle faire ce type de travail, à moins qu'elle aime son métier, comme vous?
    Quelqu'un d'autre souhaite formuler des observations à ce sujet avant qu'on termine?
    C'est parti. Le président vous a donné la parole, messieurs.
    Parfait. Monsieur Cuzner, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Vous vous êtes dit inquiet du temps que ça prend avant de recevoir les prestations d'assurance-emploi; or, vous vous êtes simplement fait l'écho d'une dizaine de témoins qui ont formulé les mêmes inquiétudes.
    La question suivante s'impose: pourquoi n'avez-nous pas tout simplement téléphoné? N'êtes-vous pas capable d'obtenir des réponses au téléphone?
    Permettez-moi de répondre à cette question. C'est le moment idéal pour poser cette question.
    La question est légitime.
    Commençons par décrire la procédure exacte que nous devons suivre.
    L'une des bonnes mesures que les responsables de l'assurance-emploi ou de Service Canada ont prises a été de nous permettre de présenter une demande deux semaines avant le début des cours. Nous recevons par la poste un code qui nous permet de remplir une demande d'assurance-emploi en ligne. Nos demandes ne sont bien entendu pas traitées avant que nous ayons remis un relevé d'emploi, mais, à tout le moins, on prend ainsi un peu d'avance sur le traitement de notre demande. Nous devrions commencer à recevoir des prestations dès que Service Canada reçoit notre relevé d'emploi.
    Cela étant dit, nous n'aurions pas pu choisir une meilleure année pour discuter de cet exemple. En ce qui nous concerne, nous n'avons pas reçu notre code d'avance; nous l'avons plutôt reçu le premier jour de classe, soit en retard. On nous a dit que ce n'était pas le Collège Algonquin qui était en faute, mais plutôt Service Canada, parce que ces codes sont envoyés avec nos horaires.
    J'ai rempli ma demande en ligne le jour même, dès que j'ai rencontré un responsable de l'assurance-emploi, et j'ai fourni mon relevé d'emploi une semaine plus tard lorsque mon employeur me l'a enfin donné.
    Comme je l'ai dit, j'ai eu un message selon lequel Service Canada n'avait pas reçu mon relevé d'emploi; c'était il y a trois semaines. J'ai essayé le numéro sans frais. Je n'ai eu droit qu'à un message automatisé qui m'invitait à me rendre sur le site Web si je voulais plus de renseignements. Impossible de parler directement à quelqu'un. J'ai dû composer un autre numéro qui devait servir pour mes demandes en ligne, et lorsque j'ai enfin pu choisir une option pour parler à quelqu'un, cette personne m'a seulement dit qu'elle allait examiner la question.
    Savez-vous ce que cela signifie? On m'a dit: « C'est vrai. Je ne trouve pas votre relevé d'emploi dans le système; d'ordinaire, on le consigne dans le système 10 jours après la réception. Je vais faire une demande pour que ce soit fait. » J'attends juste qu'un responsable m'appelle pour me dire: « Oui, nous avons votre relevé d'emploi; tout est en règle, nous avons commencé le traitement de votre demande. »
(1250)
    Quelqu'un d'autre a eu des problèmes avec le centre d'appels?
    J'ai eu la même expérience que Steve, exactement les mêmes problèmes.
    Est-ce difficile de réussir à parler à quelqu'un?
    Oui, on tourne en rond.
    M. Rodger Cuzner: Pour vrai?
    M. Éric Duquette: Oui.
    Il y a deux semaines, on m'a dit qu'il fallait que j'appelle au centre d'appels pour une raison ou une autre. C'était un lundi. Le centre est ouvert de 8 heures à 18 heures. J'ai téléphoné trois fois toutes les heures, et j'ai seulement réussi à avoir la ligne à 17 heures. Les employés étaient tellement occupés qu'ils ne nous laissaient même pas en attente. Ils coupaient la ligne, et nous devions rappeler plus tard.
    M. Rodger Cuzner: Ils coupaient la ligne.
    Mme Kayla O'Brien: Oui.
    J'ai enfin pu avoir la ligne à 17 h 10; or, le centre d'appels ferme à 18 heures. J'ai attendu au téléphone pendant 40 minutes, et lorsque j'ai enfin pu parler à quelqu'un... Il devait y avoir un problème parce que les renseignements que j'ai donnés en ligne et ceux qui étaient dans le système ne concordaient pas; c'était la quatrième fois que je répondais aux mêmes questions pour cette demande.
    C'était peut-être pour des mesures de sécurité, mais...
    Pensez-vous que le centre d'appels serait plus efficace s'il y avait moins d'employés, si on licenciait plus de gens?
    Des voix: Oh, oh!
    Non.
    Ce fut...
    Vous voulez ajouter quelque chose, Nate?
    Toutes les personnes avec qui j'ai parlé de l'assurance-emploi ou du programme d'apprenti — absolument tout le monde, peu importe l'échelon — m'ont dit avoir eu des problèmes. Tous les enseignants m'ont dit hier au Collège Algonquin qu'il fallait absolument que je parle de cette situation parce que tout le monde en a ras le bol.
    Imaginez un groupe d'étudiants qui ont arrêté de travailler pour aller à l'école, et ils sont contents d'être là, mais ils sont sans le sou. Que pouvez enseigner à 40 étudiants qui n'ont pas d'argent et qui sont stressés?
    Voici la question que je me suis toujours posée: pourquoi est-ce géré par l'assurance-emploi? On travaille. Pourquoi alors est-ce lié à ce programme? Vous quittez votre travail pour devenir apprenti... Je comprends qu'il doit y avoir de nombreuses raisons pour lesquelles cela relève de l'assurance-emploi. Or, vous travaillez encore.
    Le fait qu'il s'agisse d'une subvention incitative importe peu. Donnez l'argent aux écoles, et demandez-leur de transmettre les chèques de paie. Ça m'est égal comment l'argent est distribué, tant que les étudiants reçoivent ce à quoi ils ont droit; ils pourront ainsi aller à l'école, retourner sur le marché du travail et gagner davantage d'argent.
    Nous vous sommes grandement reconnaissants de votre honnêteté, de vos éclaircissements et de votre franchise, je tiens à ce que vous le sachiez.
    Me reste-t-il du temps de parole?
    Votre temps est écoulé.
    Merci pour vos réponses. La proposition du témoin selon laquelle les demandes devraient être envoyées d'avance et être, d'une certaine façon, dissociées et traitées différemment des autres demandes constitue un point valable. Par contre, obtenir les services auxquels vous vous attendez est une tout autre question, bien entendu, et votre intervention n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd.
    Je donnerai la parole à M. Thorson. Aimeriez-vous formuler des observations en conclusion? Si c'est le cas, c'est le moment tout indiqué. Je ne pense pas qu'il y aura un autre tour de questions, mais nous vous donnerons tous l'occasion de faire des observations en conclusion.
    Revenons sur certains commentaires que Nathan a faits au sujet du prestige lié aux métiers spécialisés.
    On pourrait peut-être se pencher sur la question d'une certification pour les métiers spécialisés, et peut-être même lui donner un autre nom. Je connais des ouvriers d'expérience qui n'aiment pas vraiment l'idée, mais je sais que, lorsque les compagnons parlent de leur certification, ils parlent de carte, de carte de certification ou de certification.
    Certains jeunes choisissent d'obtenir un diplôme universitaire ou collégial, et d'autres choisissent la certification de compétence professionnelle. Ces termes mettent carrément les gens qui obtiennent un diplôme sur un autre niveau. S'il est question de sensibiliser les gens, il faudra peut-être se pencher sur l'image et le prestige de ces métiers.
    Parfait.
    Nathan, voulez-vous dire quelque chose en conclusion?
    Pour revenir sur ce que Shaun a dit au sujet du prestige, il convient de souligner que Compétences Canada travaille très dur sur ce dossier. Je ne travaille même plus comme mécanicien dans un garage. Sur ma carte professionnelle il est écrit « directeur du développement des affaires » dans une grande entreprise. Si quelqu'un me demande où j'ai étudié, je leur réponds que je n'ai pas de diplôme, je n'ai qu'une formation en mécanique. C'est tout ce que je peux dire: j'ai réussi une formation pour être technicien à l'entretien et à la réparation d'automobiles. Je n'ai aucun diplôme, aucune carte, rien. C'est tout.
(1255)
    Éric, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je pense que mes collègues apprentis ont fait le tour de la question.
    Merci.
    Steven, avez-vous des observations finales?
    J'aimerais effectivement faire deux observations.
    Tout d'abord, j'aimerais revenir sur les mesures que l'on pourrait prendre pour faciliter la vie des apprentis pendant leur formation. J'estime qu'il faudrait d'une façon ou d'une autre normaliser le salaire des apprentis. Je ne peux pas me prendre comme exemple parce que je gagne un salaire que l'on pourrait qualifier de décent, et j'ai obtenu des augmentations au fur et à mesure que j'ai passé les niveaux.
    Mais deux de mes collègues qui sont rendus au même niveau que moi, au niveau 3, gagnent 13 $ l'heure depuis le début. Comment peut-on justifier qu'une personne qui suit une formation d'apprenti qui dure quatre ans gagne le même salaire tout au long de sa formation, jusqu'à ce qu'elle reçoive sa certification? Si vous sortez du secondaire, que vous êtes encore jeune et que vous commencez tout juste votre vie, ce n'est pas si grave. Mais si vous êtes un homme comme moi, qui a quitté une carrière pour en commencer une autre, être payé 13 $ l'heure pendant les quatre ans que dure le programme d'apprenti rend les choses difficiles.
    L'autre commentaire porte sur les salaires qui sont offerts en général aux techniciens dans mon domaine. Il y a une chose que j'ai de la difficulté à comprendre. Le taux horaire que chargent les ateliers a presque doublé en 10 ans, mais le salaire des techniciens n'a presque pas augmenté. Il faudrait probablement se pencher aussi sur cette question. Si l'on augmente le prestige lié à ce métier, ça veut aussi dire augmenter les salaires. Si les taux horaires des ateliers ont connu une telle hausse, les techniciens devraient d'une façon ou d'une autre en profiter. N'est-ce pas les techniciens qui font tout le travail?
    Merci.
    Kayla, voulez-vous ajouter quelque chose en conclusion?
    J'ai quelques remarques à formuler.
    Tout d'abord, je pense qu'il s'agit d'une excellente idée de séparer les demandes de prestations d'assurance-emploi des autres demandes; je ne me souviens plus qui a lancé l'idée.
    J'ai des collègues qui viennent de Sudbury. Ils n'ont pas assez d'argent pour aller voir leurs enfants. Le Collège Algonquin attire beaucoup de gens: seulement le quart des étudiants proviennent de la région. Les autres étudiants proviennent de l'extérieur et vivent ici, ce qui leur occasionne d'importantes dépenses. En fait, ces gens ont plus besoin d'argent que moi.
    En outre, je fais partie d'un des métiers où le ratio compagnon-apprenti est le plus élevé; je crois qu'il s'agit des charpentiers et des tôliers. Vous pouvez avoir un apprenti et un compagnon, mais après le premier apprenti, le ratio doit être de quatre compagnons pour un apprenti, ça revient donc à ce que vous disiez. Il faut beaucoup d'argent pour accepter des gens. Je travaille dans un petit atelier, et nous n'avons pas l'argent pour faire ça, je pense donc qu'il faut se pencher sur la question.
    C'est tout; je vous souhaite tous bonne chance.
    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir témoigner. Je sais que bon nombre d'entre vous n'avaient jamais témoigné devant un comité. Votre témoignage a été rafraîchissant, et nous sommes certainement reconnaissants de votre franchise et de votre sincérité. Je suis certain que les membres du comité tiendront compte de vos observations. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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