HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 décembre 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour tout le monde. Merci de votre présence.
Nous accueillons trois témoins ce matin.
Il s'agit de Andrew Sharpe, directeur exécutif, Centre d'étude des niveaux de vie, et de Patrick Coe et Christopher Worswick, tous deux professeurs à l'université Carleton.
Messieurs, je vais vous donner la parole pour vos déclarations liminaires, après quoi les membres du comité vous interrogeront. Nous avons prévu de passer une heure avec vous.
Nous commençons avec M. Sharpe.
Merci beaucoup. C'est un grand plaisir d'être ici aujourd'hui.
J'étudie le système d'apprentissage depuis environ 25 ans. Certes, ce n'est pas mon principal domaine de recherche, mais nous avons beaucoup travaillé à ce sujet et c'est donc avec plaisir que je veux vous faire part de nos constatations.
J'ai pensé vous donner d'abord un aperçu de la situation actuelle du système, avant d'aborder les problèmes qu'il rencontre.
Il y a 25 ans, je n'aurais jamais imaginé l'état actuel du système. En fait, il est vraiment très solide, comme vous le verrez d'après les chiffres que je vais vous donner. Il y a deux éléments d'information essentiels pour évaluer un système d'apprentissage: le nombre d'inscriptions et le nombre achèvements des programmes.
Nous avons la chance que Statistique Canada ait recueilli d'excellentes données à jour sur ces variables du système d'apprentissage.
Il y a actuellement au Canada 430 000 apprentis enregistrés, alors qu'il y en avait environ 200 000 en 2000, ce qui représente une hausse de 116 p. 100. Autrement dit, les inscriptions au système d'apprentissage explosent. À titre de comparaison, l'emploi total n'a augmenté que de 15 p. 100 entre 2000 et 2010. Qu'est-ce qui explique cette différence? Plusieurs facteurs sont en jeu, dont certains sont reliés au boom de la construction, car beaucoup des métiers sont dans la construction. D'autres facteurs sont reliés aux politiques publiques, qui ont vigoureusement appuyé le système d'apprentissage ces dernières années.
Un autre facteur à mentionner est qu'il ne semble pas y avoir beaucoup de phénomènes cycliques. Dans le passé, un apprenti avait besoin d'un employeur pour s'inscrire. C'est encore le cas aujourd'hui, bien sûr, mais, dans le passé, quand il y avait une récession, il n'y avait pas d'emplois pour des apprentis. Ce phénomène existe encore un peu. Le nombre de nouvelles inscriptions a baissé durant la récession de 2009, mais pas autant que par le passé.
Quatre métiers regroupent environ la moitié des apprentis. Trois d'entre eux sont des métiers de la construction: menuisier, électricien, et plombier et monteur de tuyaux. On a enregistré dans ces trois métiers une hausse des inscriptions largement supérieure à la moyenne pendant les années 2000, ce qui s'explique encore une fois par la très forte croissance de l'emploi dans le secteur de la construction.
Le nombre d'apprentis achevant leur formation a également beaucoup augmenté. En 2010, il était de 36 000, contre 18 000 en 2000. Autrement dit, ce nombre a augmenté de 100 p. 100. Deux fois plus d'apprentis achèvent leur formation aujourd'hui.
S'il est vrai qu'il y a aujourd'hui beaucoup plus d'inscriptions dans les programmes d'apprentissage, c'est-à-dire plus de gens dans le système, il y en a aussi plus qui abandonnent. Si l'on examine la proportion de ceux qui achèvent leur programme par rapport au nombre total d'inscrits, ce qui ne donne pas véritablement le taux de succès mais est plutôt un succédané du nombre d'inscrits qui terminent leur programme par rapport au stock global, elle n'est que de 8,4 p. 100. C'est très faible, mais la bonne nouvelle est que c'est mieux que les 6,4 p. 100 de 2006, même si ça représente une baisse par rapport à 9,2 p. 100. Autrement dit, il y a eu une baisse réelle du pourcentage d'apprentis achevant leur programme par rapport au nombre total d'inscrits depuis 2000.
Il y a deux aspects du système d'apprentissage qui me semblent très importants. Le premier est l'équilibre entre les sexes, et le deuxième, l'équilibre provincial. Dans le passé, les femmes n'étaient pas très bien représentées dans le système d'apprentissage, mais je suis heureux de dire que cette situation commence à changer. Il y a aujourd'hui 58 000 femmes inscrites dans des programmes d'apprentissage, contre 17 000 en 2000. Autrement dit, 13,4 p. 100 des personnes inscrites sont des femmes, alors que la proportion n'était que de 4,3 p. 100 en 1991 et de 8,8 p. 100 en 2000. Il est donc clair que nous faisons des progrès quant au nombre de femmes.
Les femmes sont largement concentrées dans certains métiers, comme les services alimentaires, l'éducation de la petite enfance, la coiffure et les techniques de soutien. Il n'y en a pas autant dans les métiers traditionnels. Même là, c'est-à-dire les métiers traditionnels de la construction, le nombre de femmes augmente, même s'il reste encore très petit. Je peux vous donner quelques exemples. Pour les électriciens, c'est aujourd'hui 3,2 p. 100, alors que c'était auparavant 1,1 p. 100. La proportion tourne autour de 3 ou 4 p. 100 dans beaucoup de métiers, ce qui est mieux que les 0,5 p. 100 d'il y a 20 ans. On fait donc certains progrès, mais bien des gens vous diront que ce n'est pas assez. Nous avons besoin d'un plus grand nombre de femmes dans les métiers traditionnels.
Le dernier aspect de l'apprentissage est l'aspect provincial. En réalité, nous n'avons pas vraiment un système d'apprentissage au Canada, nous en avons 13, puisque cela relève de la compétence provinciale. Or, il y a des variations considérables d'un système provincial à l'autre.
Où y a-t-il eu le plus de croissance ces dernières années? Vous ne serez pas surpris d'apprendre que c'est dans l'Ouest canadien, puisqu'il y a là-bas beaucoup de projets de construction. On a cependant enregistré aussi une très forte hausse du nombre d'apprentis en Ontario pendant la dernière décennie. Dans les provinces de l'Atlantique, par contre, la situation n'a pas été aussi bonne. Le nombre d'inscriptions est très faible dans certaines provinces, comme le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.
Il est aussi intéressant d'examiner le taux d'achèvement des programmes d'une province à l'autre, car il varie plus que le taux d'achèvement d'un métier à l'autre. Essentiellement, les Territoires et l'Ouest canadien font un peu mieux que la moyenne. On y enregistre un taux d'achèvement de 10 p. 100 par rapport au nombre total d'inscrits. En Ontario, cette proportion est très mauvaise puisqu'elle n'est que de 5,7 p. 100. Il y a une forte variation entre les provinces. Certaines provinces envisagent le système d'apprentissage différemment.
Quels sont les problèmes sur lesquels le comité devrait se pencher, à mon avis? Tout d'abord, celui de la représentation féminine. J'ai mentionné que la situation s'est améliorée à ce chapitre, mais peut-être pas assez. Nous voulons un plus grand nombre de femmes dans les programmes d'apprentissage, notamment pour les métiers traditionnels. C'est un problème clé.
Le deuxième problème est le faible taux d'achèvement des programmes. Il est encore faible, ce qui s'explique par diverses raisons. Je pense qu'un de mes collègues vous en parlera. C'est une source de préoccupation du gouvernement depuis des décennies. Si vous faisiez une véritable analyse de cohortes, vous verriez que c'est largement inférieur à 50 p. 100. Beaucoup de participants décrochent. Dans bien des cas, il n'est pas nécessaire d'achever un programme d'apprentissage pour entrer dans un métier, ce qui veut dire que l'incitation à le terminer est moindre.
Le troisième facteur clé est que nous avons beaucoup à apprendre de l'analyse des variations provinciales. Par exemple, pourquoi l'Alberta a-t-elle de si bons résultats? Elle a environ 20 p. 100 de tous les apprentis du pays, même si elle n'a que 12 p. 100 de la population. Par contre, la situation en Nouvelle-Écosse est très mauvaise. Cette province aura bientôt de très gros projets de construction navale mais on ne constate pas d'augmentation du nombre d'apprentis obtenant leur certificat.
Il y a deux autres problèmes à soulever. Le premier concerne le lien avec les collèges communautaires. Je pense qu'il est très important d'assurer une meilleure intégration entre les collèges communautaires et le système d'apprentissage. Bien des apprentis obtiennent leur formation dans un collège communautaire mais sans obtenir de certificat. Bien souvent, si vous n'achevez pas votre formation dans le système d'apprentissage, vous n'obtenez aucune confirmation officielle de vos qualifications alors que, si vous aviez obtenu votre formation dans un collège communautaire sur la base d'un programme commun, vous auriez un certificat à la fin. Je pense qu'on aurait beaucoup à gagner à faire en sorte que les systèmes collaborent plus étroitement.
Ma dernière remarque concerne le niveau des apprentis. L'une des raisons pour lesquelles beaucoup d'apprentis n'obtiennent pas de certificat est qu'ils ne satisfont pas aux exigences. L'enquête nationale sur l'apprentissage qui a été faite il y a quelques années avait révélé que beaucoup d'apprentis n'avaient pas achevé leurs études secondaires. Or, il est souvent extrêmement difficile de passer les examens d'apprentissage si l'on ne possède pas les compétences fondamentales que donnent les études secondaires. Si le taux d'achèvement des études secondaires augmentait, il y aurait probablement plus d'inscrits dans les programmes d'apprentissage. C'est un facteur important. Nous devons donc rehausser les compétences élémentaires de bon nombre de participants aux programmes d'apprentissage.
Monsieur le président, je vais en rester là car je pense que mes sept minutes sont écoulées.
Merci.
Merci d'avoir soulevé des questions très intéressantes. Je suppose que les membres du comité vous interrogeront peut-être sur les solutions possibles pour résoudre ces problèmes.
Quoi qu'il en soit, je donne maintenant la parole à M. Coe.
Je vais aborder le thème de votre étude d'un point de vue beaucoup plus particulier. En effet, je vais voir si je peux expliquer la variation des taux d'achèvement des programmes d'apprentissage entre les provinces et les métiers sur une période d'une quinzaine d'années.
Cette question m'intéresse parce qu'on a souvent laissé entendre dans la presse, au cours des 10 dernières années, qu'il y a au Canada une pénurie d'ouvriers qualifiés, souvent dans les métiers de la construction.
Andrew vous a donné beaucoup d'informations à ce sujet. Le nombre d'inscrits augmente. Mes chiffres sont un peu moins à jour que les siens mais ils indiquent que le nombre de nouveaux inscrits dans les programmes d'apprentissage est passé de 30 000 au début des années 1990 à 80 000 en 2007. Par contre, en ce qui concerne le nombre de participants achevant leur programme, on ne constate pas d'augmentation du même ordre. La conclusion évidente est que le taux d'achèvement a baissé durant cette période. J'ai ici un chiffre extrait d'une étude réalisée par Andrew en 2005, à savoir une baisse de 64 p. 100 en 1982 à 39 p. 100 en 2002, bien qu'il y ait eu une certaine augmentation ces dernières années, comme l'a dit Andrew.
Si l'on examine les chiffres à un niveau moins agrégé, on constate de fortes variations entre les métiers et les provinces. Dans le document que je vous ai remis, vous trouverez certains chiffres pour les maçons en 2002. En Alberta, le taux d'achèvement était de l'ordre de 50 p. 100 alors qu'il n'était que 14 p. 100 en Colombie-Britannique. Je ne parle pas ici du nombre d'achèvements par rapport au nombre total d'inscrits mais plutôt du nombre d'achèvements par rapport au nombre de nouveaux inscrits, disons quatre ans avant lorsque que le programme aurait débuté.
On constate aussi des variations dans les critères d'accès aux programmes d'apprentissage entre les diverses provinces et les divers métiers. Toujours pour les maçons, il fallait en 1999 une 9e année pour débuter un programme d'apprentissage en Alberta, et obtenir ensuite 5 500 heures d'expérience professionnelle. Pour participer au même type de programme en Colombie-Britannique, il aurait fallu une 12e année puis environ 5 000 heures d'expérience professionnelle. On trouve des variations similaires dans la durée de formation qu’on doit obtenir et dans son format d'une province à l'autre pour les mêmes métiers et, évidemment, il y a des différences dans les compétences selon le métier.
Ce que je veux faire, c'est examiner cette variation dans les programmes d'apprentissage des différentes provinces pour voir si elle est reliée à la variation des taux d'achèvement entre les provinces et si elle nous dit quelque chose sur la manière optimale de concevoir les programmes d'apprentissage afin de rehausser les taux d'achèvement.
Les différences entre ces programmes concernent les éléments suivants: l'obligation ou non d'avoir un certificat pour exercer le métier; la durée de l'expérience professionnelle exigée; la durée de formation officielle; la méthode de prestation de cette formation; et le niveau d'études exigé pour entrer dans le programme. Telles sont les caractéristiques du programme que j'examine.
J'examine aussi les caractéristiques des apprentis dans les métiers et les provinces, c'est-à-dire l’âge des apprentis dans chaque métier et province, ainsi que la participation de chaque sexe. Je me demande si ces facteurs sont reliés aux taux d'achèvement des programmes.
Finalement, on dit souvent que l'instabilité de l'emploi est un facteur important dans les taux d'achèvement des programmes d'apprentissage, et je me penche donc aussi sur les taux de chômage entre les diverses provinces et selon divers indicateurs globaux des métiers.
Les données proviennent de nombreuses sources différentes et je ne vais pas vous ennuyer avec les détails. Si cela vous intéresse, vous pouvez les trouver dans mon mémoire.
Pour résumer les résultats, disons que l'obligation d'avoir un certificat d'apprentissage pour exercer un métier se traduit par un taux d'achèvement supérieur d'environ 10 p. 100 que lorsque le certificat n'est pas exigé. Cela n'est sans doute pas étonnant. Si l'on est obligé d'avoir achevé le programme d'apprentissage pour exercer le métier, l'incitation à l'achever est à l'évidence beaucoup plus forte, et on peut s'attendre à ce que les apprentis achèvent leur formation plus souvent que lorsque l'obligation n'existe pas.
Cela veut-il dire que le certificat obligatoire est la bonne politique? Pas nécessairement. Si le problème est qu'il y a une pénurie de gens dans un métier donné et que des travailleurs sans certificat peuvent être des substituts raisonnables, cette obligation de certificat peut fort bien ne pas contribuer à atténuer cette pénurie.
En ce qui concerne la durée des programmes, rien ne prouve qu'elle est le moindrement reliée aux taux d'achèvement. Il n'est pas vrai que les programmes plus longs ont des taux d'achèvement plus faibles, comme on pourrait s'y attendre, et cela peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Les apprentis qui choisissent un programme sont peut-être différents de ceux qui ne le choisissent pas. Encore une fois, nous ne relions pas de manière aléatoire la durée des programmes aux individus. Il se peut fort bien que ceux qui choisissent ces programmes comprennent parfaitement qu’ils dureront plus longtemps.
La chose que ne me disent pas mes résultats, c’est si cela est un obstacle à l'entrée. Il se pourrait en effet que la longueur d'un programme soit un obstacle à l'entrée. Si vous savez qu'il vous faudra cinq ans pour vous qualifier comme électricien, vous n'allez peut-être absolument pas vouloir vous inscrire à un tel programme. Donc, mes résultats ne révèlent rien à ce sujet. Il se peut fort bien que raccourcir les programmes puisse avoir un effet positif. Par contre, le compromis est que, si l'on raccourcit le programme, l'individu obtient moins de formation professionnelle, et le problème pourrait alors être de savoir s'il a acquis ou non les compétences qu'exige le marché du travail.
On dit souvent que dispenser la formation professionnelle au moyen de stages d'étude en cours de travail est un obstacle à l'achèvement, mais je n'en ai trouvé aucune preuve. Les provinces et les métiers où l'on applique cette méthode de prestation de la formation n'enregistrent pas de taux d'achèvement inférieurs aux autres.
L'âge moyen a un effet négatif sur les taux d'achèvement. Les programmes d'apprentissage dont les membres sont plus jeunes ont typiquement des taux d'achèvement plus élevés. On pourrait s'attendre à ce que les apprentis plus jeunes soient moins susceptibles d'avoir des engagements familiaux pouvant les amener à abandonner en cours de route. Cet effet est relativement minime et, de même, un effet positif du pourcentage de femmes sur les taux d'achèvement est lui aussi d'ampleur relativement modeste.
La chose qui ressort clairement comme étant un facteur important est le chômage. Les métiers dans lesquels il y a un taux de chômage élevé pendant la période durant laquelle l'apprenti suit son programme enregistrent typiquement des taux d'achèvement moins élevés. On peut s'attendre à ce que l'apprenti ne puisse accumuler le nombre d'heures d'expérience professionnelle nécessaire pour achever son programme s'il lui est difficile de trouver du travail, et le taux d'achèvement sera alors inférieur dans les métiers ou les provinces où le taux de chômage est plus élevé.
Merci. J'espère que je n'ai pas trop dépassé mon temps de parole.
Je vais vous présenter brièvement les principaux résultats d'une étude que j'ai réalisée avec Ted McDonald, un économiste de l'Université du Nouveau-Brunswick. Notre étude faisait partie d'un grand projet du Réseau canadien de chercheurs dans le domaine du marché du travail et des compétences, financé par le gouvernement fédéral.
Le rapport de l'étude est intitulé Les effets intergénérationnels de la politique d'immigration sur la répartition selon le niveau d'instruction: la formation en apprentissage au Canada. Je précise que nos antécédents comme économistes du monde du travail sont plus axés sur l'immigration. Pour faire cette étude, nous avons posé la question suivante: quel a été l'effet des politiques passées et récentes de l'immigration sur l’attitude des jeunes nés au Canada à l'égard des diverses filières éducatives, c'est-à-dire des métiers qualifiés en général, et de l'apprentissage en particulier, par rapport aux différents types d'enseignement postsecondaire comme l'université. Nous voulions dans ce contexte analyser en profondeur deux grands changements en matière de politique de l'immigration.
Le premier est le fait qu'il y a eu de profonds changements dans les pays d'origine de nos immigrants depuis 40 ans, dans la mesure où nous avons attiré moins d'immigrants des pays d'Europe du Nord, en particulier, et plus des pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. Nous voulions savoir, de manière très simple, si cette évolution avait amené les enfants d'immigrants, ceux nés au Canada de pères immigrants, ayant travaillé ou non dans un métier qualifié ou ayant obtenu un apprentissage dans leur pays d'origine… si cela était associé à une probabilité plus ou moins grande d'achever un programme d'apprentissage.
Le deuxième changement auquel nous nous sommes intéressés est le fait que, comme vous le savez bien, nous avons nettement réorienté notre politique de l'immigration dans les années 1990 pour sélectionner plus les immigrants en fonction des études universitaires, essentiellement, c'est-à-dire en fait du niveau d'études, de manière générale. Nous voulions voir s'il y avait là une sorte d'écho intergénérationnel, ou de relation intergénérationnelle, entre les résultats éducatifs des nouveaux immigrants et les choix et résultats éducatifs de leurs enfants.
En bref, nous avons constaté des preuves assez solides que ces deux changements en matière d'immigration sont susceptibles d'avoir et ont déjà eu des effets sur la génération suivante du point de vue de son attitude à l'égard de l'adoption d'un métier qualifié, de manière générale, et de l'inscription et de l'achèvement d'un programme d'apprentissage, en particulier. L'analyse est basée sur le fichier maître, les données confidentielles du recensement canadien de 2006 où, pour la première fois, une question précise était posée sur l'achèvement d'un programme d'apprentissage. Nous avons pu examiner les caractéristiques moyennes de cette variable — achever un programme d'apprentissage — pour les immigrants eux-mêmes, ceux qui sont arrivés ici comme adultes et ceux qui sont arrivés comme enfants, et nous avons aussi des informations détaillées sur le lieu de naissance des parents. Nous nous sommes concentrés sur le père, pour voir s'il y avait une relation entre le fait que des jeunes hommes et des jeunes femmes suivent un programme d'apprentissage et le fait que le père ait suivi un programme d'apprentissage à la génération précédente.
Si je peux résumer, nous avons vu de grosses différences. Par exemple, juste en général, les hommes immigrants sont 11 p. 100 plus susceptibles d'avoir un diplôme universitaire supérieur que les hommes de la deuxième génération, qui sont ceux ayant un parent immigrant, à 6 p. 100, ou de la troisième génération, ceux ayant un parent né au Canada, à 4 p. 100. Il y a de grosses différences par pays d'origine. Même si l'on se concentre séparément sur les hommes et les femmes nés au Canada, on constate que le pays d'origine de leurs parents immigrants, s'ils avaient un parent immigrant, est important. Ainsi, les hommes de première génération nés au Canada et ayant un parent, un père, né au Royaume-Uni, en Irlande, en Australie ou en Nouvelle-Zélande ont des taux relativement élevés de certificats d'apprentissage au Canada. Tels sont les résultats pour les gens nés au Canada.
Par opposition, en ce qui concerne les hommes nés au Canada de pères nés en Asie, dans les différentes régions d'Asie, nous constatons de très faibles taux d'achèvement de programmes d'apprentissage et des taux beaucoup plus élevés d'études universitaires.
Nous ne disons certainement pas que c'est une mauvaise chose, loin de là. Faire des études supérieures est une bonne chose, mais cela a des conséquences si l'on veut dresser des plans pour faire en sorte qu'il y ait des gens qui soient prêts à occuper des emplois dans les métiers qualifiés. Si notre politique de l'immigration pousse les immigrants vers des études universitaires et si, par des mécanismes intergénérationnels, les parents poussent leurs enfants vers des études universitaires, cela posera un problème pour nos politiques publiques. Dans notre rapport, nous indiquons l'ampleur de ces effets.
Je vais peut-être en rester là.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins qui nous ont fait des exposés très intéressants.
Notre comité s'est jusqu'à présent beaucoup intéressé aux obstacles que rencontrent les employeurs qui veulent offrir plus de postes d'apprentissage. Je trouve intéressant que vous nous ayez présenté l'autre aspect de la problématique, c'est-à-dire les obstacles que rencontrent les apprentis potentiels. C'est là-dessus que porteront mes questions.
Je crois que je vais vous poser toutes mes questions d'un seul coup en vous laissant le soin de répondre comme vous l'entendez car je n'ai malheureusement que cinq minutes.
Vous avez tous parlé d'une sous-représentation des femmes mais je ne vous ai pas beaucoup entendu parler de la sous-représentation des membres des Premières nations, chez qui le chômage est particulièrement élevé. Je me demande si nous devrions envisager nos recommandations d'un point de vue différent pour cette population donnée. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je m'intéresse aussi à la divergence entre le nombre d'apprentis et le nombre d'achèvements, dont M. Sharpe et M. Coe ont parlé. On pense souvent que les crédits d'impôt offerts aux employeurs sont la solution à tous les problèmes de cette nature, mais je me dis qu'il y a toute une panoplie d'autres choses que nous pourrions envisager, même en restant dans la sphère strictement fédérale. Je vais en mentionner plusieurs et vous demander ce que vous en pensez, c'est-à-dire si vous croyez qu'elles pourraient être efficaces et, surtout, lesquelles pourraient l'être le plus.
Il me semble par exemple que les changements apportés au régime d'assurance-emploi ont un effet dissuasif parce que les délais de traitement sont tellement longs que les gens n'obtiennent pas leurs prestations durant leurs programmes d'apprentissage, alors qu'ils n'occupent plus leur emploi.
Vous avez dit que nous devrions faire beaucoup plus en matière de compétences élémentaires, dans le but de mieux préparer les gens à l'apprentissage.
Je mentionnerai aussi la prestation d'une aide pour les déplacements et le logement des apprentis qui, surtout dans les métiers de la construction, doivent souvent faire de longs déplacements pour se rendre sur les chantiers.
La stabilité de l'emploi est un facteur que vous avez mentionné, monsieur Coe. Je suis cependant frappée de constater que nous sortons tout juste d'une période de grosses dépenses d'infrastructures, c'est-à-dire d'investissements de durée très limitée. Certains des projets de construction devaient être achevés en 24 mois, alors qu'un programme d'apprentissage est beaucoup plus long que cela. Que deviennent les apprentis lorsque le financement gouvernemental des infrastructures est limité dans le temps de cette manière?
Une autre chose qui m'intéresse est d'obtenir des informations exactes sur le marché du travail de façon à pouvoir prédire les secteurs dans lesquels il y aura des pénuries de main-d'oeuvre, pas seulement dans un avenir proche mais aussi dans quelques années. Les comités sectoriels jouaient autrefois un rôle très important à cet égard mais le gouvernement a cessé de les financer. J'aimerais savoir ce que nous devrions faire, selon vous, pour obtenir des informations exactes sur le marché du travail.
Je pense que ça suffira pour commencer. Merci.
Vous avez moins de deux minutes et demie pour répondre. Je ne sais pas comment vous allez vous y prendre mais je vous laisse commencer.
Allez y, monsieur Sharpe.
Vous venez de poser plusieurs questions
En ce qui concerne les premières nations, vous avez absolument raison. Je n'ai pas de données à jour sur la participation des membres des Premières nations à des programmes d'apprentissage. Je ne pense pas que les inscriptions soient codées de cette manière, en tout cas pas au niveau qui est publiquement disponible.
Il y a pourtant là une concordance fantastique dans la mesure où les Premières nations vivent souvent dans des régions d'exploitation des ressources naturelles où il y a une forte demande d'apprentis. On a beaucoup étudié cette question. Je ne suis pas un expert en la matière mais il y a à l'évidence une concordance excellente entre les deux communautés. Je pense que c'est une piste à explorer. Bien qu'on ait beaucoup étudié la question, je ne peux pas vous donner d'informations à jour sur cette situation.
En ce qui concerne les différents incitatifs pour amener les gens à suivre un programme d'apprentissage, vous avez raison mais, comme je l'ai mentionné, il y a eu une crête cyclique en 2008 lorsque nous avons enregistré 98 000 nouveaux apprentis au Canada. Il est clair que les marchés n'arrivent pas à attirer des gens dans ces métiers. Pourtant, bon nombre de ces métiers sont très bien rémunérés, ce qui devrait être un incitatif naturel.
Tous les facteurs que vous avez mentionnés sont certainement importants: les compétences élémentaires, les liens avec l'assurance-emploi.
En ce qui concerne les projections du marché du travail, je dois mentionner qu'il est extrêmement difficile de projeter la demande future par métier. Le changement technologique est constant, il y a aussi constamment des changements dans les salaires, des changements dans les grands projets, et c'est très difficile. Nous avons le Système de projection des professions au Canada, exploité par Ressources humaines Canada, et c'est un bon point de départ, mais bien des gens estiment qu'il n'est pas exact parce qu'il est tellement difficile de prédire l'avenir. Le Conseil sectoriel de la construction a fait beaucoup de travail pour prédire la demande dans les métiers qualifiés du secteur des sables bitumineux en Alberta, et ce fut un excellent projet.
Il est vrai, comme vous l'avez dit, que le gouvernement a cessé de financer les conseils sectoriels. Je pense que beaucoup survivront, et j'espère qu'ils seront plus axés sur le marché et utiliseront plus les ressources du monde du travail et du monde des affaires pour se financer. C'est ce que j'espère mais nous verrons bien.
J'en reste là.
Je ferai une brève remarque sur les Premières nations.
Nous avons fait une analyse séparée, assez élémentaire, de la situation des hommes et des femmes des Premières nations nés au Canada. Il y a beaucoup de groupes différents dans notre analyse statistique globale. En ce qui concerne les hommes des Premières nations, nous avons constaté une probabilité de 13 p. 100 à 16 p. 100 inférieure d'achèvement des programmes d'apprentissage, après prise en compte du contexte familial et de l'éducation parentale. Pour les femmes, il n'y a pas de différence. C'est une différence égale à zéro ou extrêmement petite.
Voilà un élément d'information.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
L'une des choses que je retiens de vos exposés est que les résultats de l'apprentissage sont bien meilleurs en Alberta qu'en Nouvelle-Écosse, par exemple. Pensez-vous que cela soit le reflet du dynamisme de l'économie et de l'abondance des projets de construction dans cette province?
En disant cela, notre gouvernement dépense beaucoup d'argent pour fournir des bourses à ceux qui vont à l'université, pour les aider à atteindre leurs objectifs d'éducation et à obtenir des diplômes. Quelle démarche pensez-vous que le gouvernement pourrait adopter pour appuyer les métiers, par exemple en offrant une aide financière aux employeurs, en offrant une aide financière aux employés pour qu'ils obtiennent une formation en cours d'emploi, ou en offrant une aide financière aux apprentis eux-mêmes?
Nous avions ici la semaine dernière un témoin qui nous a dit que nous ne nous intéressons toujours qu'aux cinq grands secteurs d'apprentissage, alors qu'il y en a en réalité 72. Je pense que nous n'en faisons pas assez pour faire connaître aux jeunes toutes les possibilités qui existent dans les secteurs autres que ces cinq grands. Que pouvez-vous nous dire sur ces deux questions?
En ce qui concerne l'Alberta, vous avez raison. L'Alberta est un modèle à de nombreux égards, et ce, pour plusieurs raisons. L'une d'entre elles est qu'il y a là-bas une grande demande d'apprentis. Donc, le gouvernement prend cela au sérieux. Je pense que les programmes du gouvernement sont très efficaces dans ce domaine. En outre, les entreprises et les syndicats collaborent car, pour qu'il y ait une main-d'oeuvre adéquate dans les métiers, il faut que les partenaires du marché du travail agissent ensemble, et ils le font efficacement en Alberta, par rapport à d'autres provinces.
Pour ce qui est des incitatifs à l'apprentissage, il y a eu une hausse massive du nombre d'inscrits ces dernières années, comme l'avons déjà dit. Je pense cependant que ces incitatifs sont des questions de deuxième ordre. En fait, c'est fondamentalement la conjoncture qui est le moteur fondamental du système d'apprentissage.
Il y a déjà des incitatifs pour que les employeurs engagent des apprentis. Il y a des incitatifs pour que les apprentis achèvent leurs programmes, mais c'est un millier de dollars par-ci ou par-là. Je pense que c'est juste à la marge. Je ne pense pas que le gouvernement puisse vraiment contrôler aussi étroitement l'inscription dans les programmes d'apprentissage. Vous avez raison…
Je dois vous interrompre et demander à M. Coe s'il veut répondre, pour que nous ayons tous les points de vue.
Une chose qui a été recommandée comme solution efficace serait d'aller dans les écoles secondaires. Certains pensent que l'apprentissage n'est peut-être pas une option attrayante pour les jeunes. Étant donné que les conseillers scolaires sont des gens qui ont tous été à l'université, ils ont probablement un préjugé naturel en sa faveur, surtout lorsqu'ils conseillent les plus capables. Il faudrait peut-être recommander que des compagnons aillent dans les écoles secondaires.
Je pense que ce serait une solution assez bon marché pour aller faire savoir que ces choix existent. Ce serait une manière d'en faire la promotion auprès des élèves, en leur disant ce qu'ils pourraient obtenir comme salaires dans telle ou telle profession par rapport à ce qu'ils pourraient gagner avec un diplôme universitaire. Ainsi, les élèves pourraient faire un choix éclairé au lieu de graviter d'office vers l'université.
En tant que professeur d'université, je ne sais pas jusqu'où je devrais aller dans cette voie mais il est certain que sensibiliser les élèves… Je pense que c'est quand les participants à un marché ont le plus d'informations possibles que ce marché fonctionne le mieux. Cette solution me semble donc tout à fait naturelle.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter. En général, nous savons que l'accès au crédit est souvent un gros problème pour les gens qui font des études. Je ne dis pas que c'est un gros problème pour l'apprentissage, mais il vaudrait peut-être la peine d'examiner en détail les obstacles potentiels dans ce domaine et se demander si les gens ont le sentiment de renoncer à quelque chose quand ils entrent dans un programme d'apprentissage. Cela pourrait être un aspect marginal auquel le gouvernement pourrait s'intéresser. À part cela, je n'ai rien à ajouter.
Que pensez-vous de la possibilité que nous pourrions avoir comme gouvernement fédéral d'essayer d'amener les provinces sur une position commune, en ce qui concerne l'apprentissage, et de jouer le rôle de chef de file pour nous assurer qu'il y a plus de mobilité de la main-d'oeuvre entre les provinces, et les mêmes possibilités dans chaque province?
Pour revenir brièvement sur la question des incitatifs, mon problème est que, dans certaines provinces, les gens commencent un programme d'apprentissage mais, à cause du caractère cyclique de l'économie, le nombre d'emplois peu diminuer dans le logement, dans la construction ou dans n'importe quel autre secteur. Y aurait-il moyen de faire le pont de façon à inciter l'employeur à conserver son apprenti, afin d'aider ce dernier à obtenir les heures dont il a besoin pour terminer son apprentissage?
Je pense que le gouvernement fédéral a déjà fait pas mal de choses ces dernières années en matière d'apprentissage. Il a créé le Forum canadien sur l'apprentissage, dont vous entendrez probablement l'un des représentants comme témoin. Il a été créé dans le cadre du programme des conseils sectoriels et je ne sais donc pas quel sera son avenir.
Évidemment, le programme du Sceau rouge est très important pour la mobilité interprovinciale. Il y a un très grand nombre d'apprentis qui passent l'examen du Sceau rouge.
Pour ce qui est de demander à un employeur de ne pas mettre un apprenti à pied en cas de récession, je pense que la meilleure chose serait d'essayer de minimiser les récessions au moyen de politiques budgétaires et monétaires idoines. Je pense qu'il pourrait y avoir des sortes d'accords de partage du travail, ce qui existe d'ailleurs déjà au Canada. Il y a des programmes en vertu desquels les employeurs peuvent conserver leurs employés ou leurs apprentis en période de récession, et l'on devrait peut-être en élargir la portée.
Comme je l'ai dit, les deux dernières récessions que nous avons connues ont heureusement été moins profondes que la grosse récession du début des années 1980 et du début des années 1990, ce qui est très positif. Cela explique pourquoi il n'a pas eu d’effondrement des inscriptions aux programmes d'apprentissage.
Merci, monsieur le président. Merci aux témoins.
J'ai plusieurs questions à poser et je vous invite donc à répondre succinctement car je n'ai que cinq minutes.
Monsieur Worswick, j'ai trouvé ce que vous avez dit au sujet de vos recherches fascinant, notamment votre travail avec les données du recensement de 2006. Vous avez dit par exemple qu'il y a plus d'hommes nés au Canada de père originaire d'Angleterre, d'Irlande et de Nouvelle-Zélande dans les programmes d'apprentissage que de Canadiens nés au Canada de père originaire d'Asie.
Ma question ne porte pas sur vos recherches, que je trouve fascinantes, et je suis sûr qu’elles pourront nous aider à trouver des réponses à certaines questions sur l'apprentissage, mais plutôt sur l'incidence des changements apportés au programme du recensement, c'est-à-dire du recensement avec le formulaire long, sur vos recherches futures.
Cela posera un problème à l'avenir. Le principal problème se situe dans le passé, lorsque le formulaire long était obligatoire. Nous étions alors assez certains que nous obtenions un échantillon représentatif de la population et de ses sous-groupes. Évidemment, si les gens refusent de remplir le formulaire long, et si ce n'est pas aléatoire, nous allons devoir tenir compte de ce biais statistique, ou de tout biais statistique susceptible de se manifester.
Soyons justes, cela n'affecte pas nos résultats, et ce n'est certainement pas ce que vous avez voulu dire, mais cela nous posera incontestablement un problème à l'avenir.
Je vais vous demander une très courte réponse, pour autant que ce soit possible. Que concluez-vous de l'origine d'un Canadien, de l'origine de ses parents, du point de vue de sa participation ou non à un programme d'apprentissage? Comment cela peut-il nous aider à faire face aux pénuries d'apprentis à l'avenir?
Je pense qu'une réponse possible est que cela reflète les préférences sous-jacentes que nous avons tous en matière de mode de vie, c'est-à-dire dans un sens les aspects non pécuniaires des cheminements éducatifs. Tout modèle essayant de prédire la demande… Ce genre d'effet pourrait être modélisé dans des simulations. En bref, pour être objectif, certains des changements récemment proposés en matière d'immigration vont dans le sens contraire, comme le programme fédéral proposé par CIC pour les métiers qualifiés. Je ne veux pas dire que cette tendance continue, mais la tendance au cours des dernières décennies a consisté dans une certaine mesure à éloigner les gens des préférences d'apprentissage telles qu'elles sont formulées dans l'enfance et dans le foyer familial.
Merci.
Je m'adresse maintenant à vous, monsieur Coe. Vous avez dit qu'il n'y a pas au Canada un système d'apprentissage mais treize. Ainsi, vous avez donné comme exemple le fait qu'il faut une 9e année pour obtenir un certificat de maçon alors que c'est une 12e année en Colombie-Britannique. Ma question est simple: pensez-vous qu'il ne devrait y avoir qu'un seul programme d'apprentissage au Canada au lieu de treize?
Je parlais des taux d'achèvement des programmes. Les différences de structures ne semblent pas compter autant que je le croyais au départ. Donc, s'il y a de bonnes raisons d'avoir des variations régionales, ça ne semble pas être particulièrement pénalisant du point de vue de l'achèvement des programmes. En tout cas, mes résultats ne nous disent pas que nous devrions obligatoirement évoluer vers un système unique.
Comme l'a dit Andrew, il y a le système du Sceau rouge qui permet à quelqu'un qui se qualifie en Nouvelle-Écosse, par exemple, d'aller plus loin et d'obtenir une qualification lui permettant d'aller n'importe où au Canada. Je suppose qu'un programme unique ferait la même chose mais en une seule étape, dans un sens, mais je ne pense pas que le Sceau rouge coûte particulièrement cher aux particuliers. Encore un fois, s'il y a des différences dans les économies régionales qui laissent penser que des différences se justifient dans les programmes, passer à un programme unique pourrait être coûteux.
J'ai une question pour vous, monsieur Sharpe. Dès le début de votre exposé, ce matin, vous avez parlé de la proportion des taux d'achèvement par rapport au nombre total d'inscriptions. Je crois que vous avez dit qu'elle est de 8,4 p. 100.
D'autres témoins qui se sont présentés devant le comité nous ont dit que l'âge moyen d'un apprenti au Canada — vous me corrigerez si je me trompe — est de 25 ans, au départ.
J'ai été choqué de vous entendre dire que le taux d'achèvement par rapport au nombre total d'inscriptions est de 8,4 p. 100 étant donné l'âge avancé des apprentis. Pourquoi ce taux est-il si faible?
Je vous rappelle que ce n'est pas le taux d'achèvement, c'est le taux d'achèvement par rapport au nombre total d'inscriptions, ce qui n'est pas la même chose. Les taux d'achèvement peut bien être de l'ordre de 50 p. 100. Comme je l'ai dit, on prend le nombre total d'inscrits, 430 000, et on le compare au nombre total d'achèvements l'année considérée, soit 36 000 en 2010. Je ne sais pas s'il y a là un lien avec l'âge. Bon nombre d'apprentis sont à la fin de la vingtaine et dans la trentaine parce qu'ils n'étaient pas certains que c'était ce qu'ils voulaient faire, ou parce qu'ils ne savaient pas dans quelle profession ils voulaient s'établir. De ce fait, ils ont peut-être essayé plusieurs métiers différents avant de trouver celui qui leur convenait.
Je ne pense pas qu'il y ait nécessairement un lien entre l'âge moyen des apprentis et ce ratio global. Je ne sais pas s'il y a nécessairement une relation.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence.
Je suis très intéressé par toutes les statistiques et par la manière dont vous avez découpé et manipulé les chiffres disponibles mais, dites-moi, quelqu'un a-t-il déjà vraiment parlé aux apprentis qui n'ont pas achevé leur programme pour savoir quelle a été la raison de leur abandon? Vous avez parlé de l'accès au crédit et de plusieurs choses de ce genre, mais quelqu'un a-t-il réellement fait une enquête auprès des décrocheurs des programmes d'apprentissage?
Je pense qu'il existe précisément une étude sur ce sujet, réalisée auprès d'apprentis. Je pense que Patrick Mueller a précisément fait une étude sur les achèvements en utilisant cette enquête, ce qui donnait aux apprentis la possibilité de dire pourquoi ils avaient décroché.
Les données de telles enquêtes peuvent être révélatrices mais, évidemment, les raisons que vous donne quelqu'un pour avoir décroché ne sont peut-être pas les vraies. Les gens disent souvent que les périodes d'instabilité de l'emploi sont importantes. Les employeurs parlent souvent des compétences en mathématiques et en littératie des apprentis, en disant qu'elles ne sont pas à la hauteur de ce qui est nécessaire pour mener un programme à terme. Donc, il y a des études à ce sujet.
Cela a été une préoccupation importante du gouvernement il y a à peu près huit ans. Il avait alors consacré pas mal d'argent, une quinzaine de millions de dollars, à une enquête nationale sur l'apprentissage, qui a été réalisée en 2007-2008. Des enquêtes similaires avaient déjà été réalisées dans le passé mais celle-ci fut beaucoup plus approfondie.
Après cela, on a commandé un certain nombre d'études exactement sur cette question. J'y ai participé en tant que membre d'un comité technique. On a alors envisagé toutes sortes de raisons pour lesquelles les gens pouvaient décrocher. Bien souvent, les gens qui vont au bout de leur programme n'ont pas des salaires très différents de ceux qui ont décroché. N'oubliez pas qu'il faut déjà avoir un emploi pour être un apprenti et que vous pouvez fort bien y rester.
Il existe pas mal d'études à ce sujet mais je ne pense pas qu'on ait encore trouvé une seule raison déterminante pour laquelle certains décrochent. Il y a un large éventail de raisons qui expliquent pourquoi certains ne vont pas au bout de leur programme.
Quelqu'un a soulevé la question des statistiques du formulaire long. Pourriez-vous être un peu plus précis au sujet de ce qu'il pourrait y avoir dans le formulaire long pour vous donner des informations utiles à ce sujet? D'après ce que j'ai vu, tout ce dont vous pourriez avoir besoin se trouve déjà dans le formulaire court.
C'est une bonne question.
De mémoire, je ne crois pas que le lieu de naissance du père figure dans le formulaire court. Je crois que c'est dans le formulaire long. Les gains sont dans le formulaire long. La profession, dont nous tenons compte, est dans le formulaire long.
Je devrais vérifier pour les autres variables mais je suis assez certain que nous ne pourrions pas faire notre analyse avec le formulaire court.
Une chose qui est revenue souvent sur le tapis est il n'y a pas assez de postes d'apprentissage. Voici donc ma question: que peut faire le gouvernement fédéral pour encourager les employeurs et les PME à ouvrir plus de postes et à passer par tout le processus pour que les apprentis puissent achever leurs programmes?
Je pense qu'il est difficile de répondre à cette question. S'il n'y a pas assez de postes pour les apprentis, cela veut peut-être dire qu'il faut se demander s'il y a une demande suffisante pour le métier considéré. S'il s'agit d'un métier important, on peut penser que le nombre de postes devrait être suffisant. L'idée de subventionner les gens pour qu'ils occupent tel ou tel type d'emploi pose un petit défi car, s'il n'y a pas de travail pour eux dans leur métier, ils ne peuvent pas obtenir la formation dont ils ont besoin.
Typiquement, si un employeur a un programme d'apprentissage, c'est généralement parce qu'il a du travail à offrir dans ce domaine-là.
Comment pouvons-nous encourager les employeurs à ouvrir ces situations pour faire en sorte que cela se fasse? Il y a un coût à payer avec un programme d'apprentissage.
Il y a des méthodes. Vous pouvez subventionner le salaire mais, je le répète, la question est de savoir si c'est quelque chose que vous voulez faire ou non. Les gens engageront toujours plus de travailleurs s'ils coûtent moins cher.
Merci, monsieur Daniel.
Quelqu'un d'autre a-t-il un bref commentaire à faire à ce sujet?
Allez-y, monsieur Sharpe, après quoi nous passerons à Mme Murray.
Je pense que les statistiques ne confirment pas qu'il n'y a pas assez de postes pour les apprentis. En 2008, comme je l'ai dit, il y a eu 100 000 nouveaux inscrits dans des programmes d'apprentissage, ce qui veut dire qu'il y a beaucoup de postes. Les employeurs ont besoin de produire plus et ils vont alors recruter des travailleurs dont certains pourront être des apprentis. Si la conjoncture économique est bonne, je pense qu'il y aura des emplois.
Merci beaucoup d'être venus nous aider à comprendre ce sujet important.
Mes questions porteront sur trois aspects du problème. La première concerne le rôle fédéral, dont a déjà parlé M. Mayes, je crois. Il me semble qu'il y a différentes manières de mesurer les taux d'achèvement et les résultats. La mesure est-elle un domaine dans lequel le gouvernement fédéral pourrait éventuellement jouer un rôle, stabiliser les taux de succès et d'achèvement des programmes d'apprentissage, et je suppose obtenir un emploi, stabiliser comment c’est mesuré, ou est-ce déjà suivi par le gouvernement fédéral? Existe-t-il un système adéquat pour suivre la situation au plan national et, sinon, pourquoi, et cela pourrait-il être un rôle pour le gouvernement? Si nous faisions cela nationalement, on saurait mieux dans quels métiers les taux d'inscription sont faibles et dans quels métiers les taux d'achèvement sont faibles, et il pourrait y avoir plus de comparabilité. Je suppose que c'est ce que vous mesurez. Vous pouvez améliorer cette idée. J'aimerais que vous m'en parliez.
Deuxièmement, il y a eu une augmentation énorme du nombre de femmes dans les programmes d'apprentissage. Qu'est-ce qui explique cette augmentation? Quels genres de choses ont été couronnés de succès, ou y a-t-il des données là-dessus? Que devons-nous faire pour qu'un plus grand nombre de femmes entrent dans les métiers traditionnels?
Troisièmement, quelles sont les meilleures pratiques internationalement? Quelles seraient les trois meilleures pratiques qui pourraient être utiles dans le contexte canadien et qu'on pourrait utiliser ici pour faire des progrès sur le front de l'apprentissage?
Merci.
Le système d'information sur les apprentis inscrits permet de suivre chaque apprenti en indiquant au début de l'année s'il s'agit d'une nouvelle inscription ou de la continuation d'une inscription. Ensuite, à la fin de l'année, il nous dit si la personne a achevé le programme, a abandonné ou continuera l'année suivante. Le système existe donc déjà pour obtenir ces données.
Il y a d'autres caractéristiques des apprentis qui sont enregistrées dans le système mais toutes ne le sont pas très bien. Il y a bien souvent des données manquantes et, pour certaines variables, il n'y a pas assez de données pour faire quoi que ce soit d'utile parce qu'elles ne concernent pas assez d'apprentis.
Il serait utile d'encourager les employeurs à vraiment fournir ces données, peut-être en leur accordant un crédit s'ils envoient vraiment les formulaires en ayant rempli toutes les cases. Nous pourrions alors examiner comment certaines des variations des caractéristiques des apprentis sont reliées à leurs progrès dans les programmes, car nous pourrions voir quels sont leurs résultats.
Si nous avons un individu dont nous connaissons l'âge, le sexe, la race, etc., nous pouvons le suivre. Nous savons ce dont il a besoin parce que nous savons où il est, parce que nous connaissons les exigences provinciales et pendant combien de temps il a été employé. Cette information nous permettrait de suivre son évolution et, je pense, de faire un bien meilleur travail pour essayer d'expliquer pourquoi certains vont au bout de leurs programmes et d'autres non.
Pour le moment, l'enquête est là mais je ne pense pas que les questionnaires soient suffisamment bien remplis. Une grosse amélioration consisterait peut-être à ajouter quelques variables et questions à cette enquête que les employeurs doivent remplir.
Permettez-moi de faire quelques remarques. Bien que l'on ait constaté des progrès au sujet des femmes entrant dans des métiers qualifiés et des programmes d'apprentissage, les taux restent encore très faibles. Je pense qu'il y a un parallèle avec ce que nous avons constaté dans notre étude au sujet des immigrants, hommes ou femmes, venant de pays non traditionnels et ayant une attitude différente à l'égard de l'apprentissage.
L'un des facteurs est que nous venons juste de voir une hausse spectaculaire de l'inscription à l'université et des taux de succès de ce groupe. Nous l'avons aussi constaté pour les femmes, où les universités du Canada, au niveau du premier cycle, sont en moyenne surreprésentées en termes de femmes comme étudiantes du premier cycle. C'est une bonne chose.
Je pense que c'est un défi pour nos politiques. Nous voyons ces personnes atteindre des niveaux d'études très élevés et nous nous demandons pourtant si certaines ne seraient pas plus heureuses ou n'auraient pas de meilleurs résultats sur le marché du travail en choisissant des métiers qualifiés. Je pense que c'est un facteur important.
Je pense aussi que la discrimination est potentiellement un facteur, dans la mesure où certaines femmes entrant dans des métiers qualifiés traditionnels entrent peut-être dans un environnement dominé par les hommes, ce qui peut ne pas être facile.
Je pense qu'il serait nécessaire de séparer ces deux choses-là. Je pense que cela pourrait faire l'objet de recherches futures. On pourrait concevoir des politiques pour aider les femmes à entrer dans les métiers qualifiés dominés par les hommes.
Merci, madame Murray, votre temps de parole est écoulé.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus répondre à nos questions.
Nous allons devoir continuer sans perdre de temps et j'invite donc les témoins à laisser la place à ceux du groupe suivant. Je ne suspends pas la séance. Nous continuons sans faire de pause car je tiens à nous assurer que nous pouvons entendre le deuxième groupe des témoins et lui poser quelques questions.
Nous vous remercions à nouveau et nous invitons les autres témoins à s'avancer.
Merci beaucoup d'avoir rapidement changé de places.
Nous accueillons donc maintenant Benoît Dostie, professeur agrégé et directeur de l'Institut d'économie appliquée, Robert Crocker, directeur de Atlantic Evaluation and Research Consultants Inc., et John Meredith, de l'Université de la Colombie-Britannique.
Je ne sais pas qui veut commencer.
Monsieur Dostie, allez y.
On m'a invité à être bref et, comme je suis beaucoup plus rapide en français qu'en anglais, je vais faire ma déclaration en français.
[Français]
J'ai travaillé sur une étude qui visait à étudier les différences entre les apprentis qui terminent leur programme et ceux qui l'abandonnent. Vous avez un peu entendu parler du contexte précédemment. Il y a une hausse assez importante du nombre d'inscriptions dans les programmes d'apprentis. Par contre, bon nombre d'entre eux ne terminent pas le programme. On voit des taux d'abandon de l'ordre de 50 et 60 %.
Le premier constat est que les clientèles qui abandonnent sont en général sensiblement les mêmes que celles qui abandonnent leurs études dans le système scolaire traditionnel. Il s'agit des apprentis qui ont un handicap physique, des immigrants et des apprentis qui ont des enfants plus jeunes. Ils sont tous plus enclins à abandonner le programme que les autres.
Le niveau d'éducation avant le début du programme d'apprentis est aussi une chose très importante. Ceux qui ont fait plus d'études, qui possèdent notamment un diplôme d'études secondaires, sont aussi beaucoup plus susceptibles de compléter le programme.
L'âge est aussi un facteur. Plus tôt, on disait que 25 ans était l'âge moyen pour commencer un programme d'apprentis. J'aimerais ajouter une chose. Plus de la moitié des apprentis commencent avant l'âge de 25 ans, mais plusieurs commencent plus vieux. La moyenne est donc de 25 ans, mais la majorité des apprentis commencent tout de même assez jeunes. Plus ils commencent jeunes, plus ils sont susceptibles de terminer leur programme d'apprentis. On veut donc qu'ils commencent jeunes, mais pas trop jeunes non plus. En effet, le nombre d'années d'éducation qu'ils possèdent avant de commencer leurs études est important.
Lorsqu'on examine la durée du programme, c'est-à-dire le temps qu'ils passent dans un programme d'apprentis, on voit qu'il y a beaucoup d'abandons lors des quatrième et cinquième années. Beaucoup finissent la cinquième année, mais par la suite, il y a une hausse importante du nombre d'abandons. Il est important de garder les programmes relativement courts si on veut favoriser l'achèvement du programme.
On a aussi examiné l'importance du réseau de soutien. On n'a pas trouvé que le fait que des parents ou d'autres membres de la famille exercent les mêmes métiers avait une influence notable. Par contre, si l'apprenti fait son programme avec quelques autres collègues apprentis en même temps, il est beaucoup plus susceptible de compléter son programme.
On voit que les programmes d'apprentis qui comportent des composantes d'apprentissage technique ont aussi des taux de succès plus élevés.
Finalement, les apprentis qui font leur stage en entreprise dans des moyennes ou des grandes entreprises sont plus susceptibles de compléter leur programme que ceux qui font leur stage dans des petites entreprises.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Certaines des choses que je voulais dire l'ont déjà été, ce qui va nous faire gagner un peu de temps. Je ferai quelques brèves remarques sur le marché du travail des gens de métier.
Je pense que vous savez tous que ce groupe représente de 11 à 12 p. 100 de la population active totale. Ce qui est peut-être moins connu, c'est que cette proportion est stable mais peut-être marginalement déclinante. Ce n'est pas un secteur de croissance de la population active. Il importe de souligner que seulement un tiers environ des gens de métier possède un certificat quelconque. La plupart des autres sont soit des apprentis, soit des personnes sans certificat. Des personnes qui travaillent sans avoir été certifiées.
Pour tous les niveaux de scolarité, à l'exception du niveau universitaire, les gens de métier gagnent en moyenne plus que les autres catégories de travailleurs. En revanche, ils ont aussi en moyenne des taux de chômage plus élevés. Je pense que vous pouvez comprendre que cela est relié au caractère saisonnier et sporadique de certains métiers.
On a déjà dit que l'apprentissage est un cheminement de carrière à entrée tardive, c'est-à-dire que l’âge moyen d'inscription à un programme est d'environ 26 ans, et l'âge moyen d'achèvement, de 31 ans. La plupart des apprentis avaient déjà occupé un emploi ou obtenu une expérience de travail postsecondaire avant de s'inscrire, ce qui permet de penser que l'apprentissage est une sorte de deuxième choix, si ce n'est moins. Il faut à peu près une décennie pour que la moitié d'une cohorte achève son programme. Après cela, quasiment plus personne ne va au bout du programme. Les participants décrochent ou continuent leur carrière comme apprentis sans jamais avoir l'intention d'obtenir leur certificat. Selon l'enquête nationale sur l'apprentissage, la principale raison donnée pour ne pas achever un programme est le manque de travail.
Un aspect plus obscur de l'apprentissage et des métiers est que 40 p. 100 des gens de métier certifiés sont devenus certifiés sans avoir jamais suivi de programme d'apprentissage. C'est ce qu'on appelle des « ouvriers professionnels ». Ils fournissent simplement une preuve de leur expérience de travail pour se présenter à l'examen final. De fait, obtenir le statut d'ouvrier professionnel est la seule méthode autre que l'apprentissage pour être certifié dans les métiers au Canada. Dans les autres pays, il y a d'autres méthodes.
En ce qui concerne l'attrait de l'apprentissage pour les jeunes Canadiens, ce qui est l'une de vos importantes préoccupations, je pense, seulement 4 p. 100 environ des élèves du secondaire aspirent à devenir membres d'un corps de métier. Toutefois, 10 ans plus tard, environ 10 p. 100 d'entre eux sont devenus membres d'un corps de métier. Cela concorde avec l'idée de l'entrée tardive, ainsi qu'avec l'idée que cela n'est peut-être que le deuxième ou le troisième choix de carrière.
Contrairement à ce qui existe dans d'autres pays, l'enseignement secondaire au Canada est délibérément conçu pour être générique, c'est-à-dire pour maintenir les possibilités postsecondaires et professionnelles ouvertes le plus longtemps possible. Dans les pays où existent des cheminements professionnels bien précis, les élèves sont à toutes fins utiles bloqués dans un cheminement qui les empêche d'entrer dans un programme d'enseignement supérieur ou de faire une carrière exigeant des études supérieures. Je reviendrai là-dessus dans un instant. J'affirme par conséquent qu'il ne faut pas se concentrer sur la création d'un cheminement précis d'apprentissage pour les élèves du secondaire.
En ce qui concerne l'offre et la demande de main-d'oeuvre, on estime traditionnellement qu'il y a pénurie de main-d'oeuvre dans les corps de métier. Or, selon la plupart des projections récentes que j'ai vues avec des chiffres réels, l'offre d'apprentis achevant leur programme — qui augmente d'ailleurs de manière assez spectaculaire — sera suffisante pour faire face à la demande prévue au cours de la prochaine décennie dans les principaux métiers. Cela semble aller à l'encontre de la sagesse populaire. La question qui reste posée, bien sûr, est de savoir s'il y a une pénurie de gens de métier de manière générale ou s'il y a plutôt une pénurie particulière de gens certifiés, notamment de gens ayant obtenu le Sceau rouge.
Selon certains indices, il existe un problème important de déséquilibre régional, avec des pénuries dans certaines régions et des excédents ailleurs. Des pénuries ponctuelles pourraient donner l'illusion de pénuries générales car ce sont les pénuries qui font la manchette, pas les excédents.
En ce qui concerne l'amélioration des taux d'achèvement des programmes d'apprentissage, les métiers se distinguent des autres catégories d'emplois qualifiés en continuant d'exiger une longue période de formation en cours d'emploi tout en minimisant le rôle de la formation scolaire. Dans la plupart des autres métiers, il y a longtemps qu'on est passé à un système où l'éducation plus formelle compte plus que l'expérience de travail pour obtenir son certificat.
Le plus gros problème que connaît l'apprentissage actuellement n'est pas le recrutement mais l'achèvement des programmes et l'obtention d'un certificat par ceux qui sont déjà dans le système. Dans les métiers du Sceau rouge, on a adopté les examens du Sceau rouge comme examens de certification dans la plupart des juridictions. Toute amélioration des taux de certification débouchera apparemment sur une hausse parallèle des Sceaux rouges.
Finalement, permettez-moi de résumer en faisant quelques remarques sur certaines choses que le comité pourrait envisager.
Premièrement, comme je l'ai dit, il convient de se concentrer plus sur l'achèvement que sur le recrutement. À mon avis, l'une des méthodes les plus efficientes d'accroissement du nombre de gens de métier certifiés serait d'adopter des politiques conçues pour encourager plus de travailleurs non certifiés à devenir certifiés comme ouvriers professionnels.
Le comité pourrait envisager la possibilité de remplacer les subventions consenties aux employeurs qui acceptent de prendre des apprentis, lesquelles sont devenues assez fréquentes, par des incitatifs destinés à rendre la période d'expérience professionnelle plus courte et plus intense, en la traitant plus comme une période de formation professionnelle que comme une période de travail à salaire réduit.
Il faudrait envisager de nouveaux programmes, en mettant plus l'accent sur la formation scolaire que sur l'expérience de travail.
Finalement, il faudrait absolument trouver des méthodes pour encourager les élèves du secondaire à obtenir plus d'informations sur les corps de métier, mais sans tenter de les orienter vers des programmes spécialisés d'acquisition d'un métier ou d'une profession, car ce sont généralement des programmes sans issue dans les écoles secondaires.
Merci.
Bonjour, mesdames et messieurs, et merci de m'avoir invité à témoigner devant le comité.
Je m'appelle John Meredith et je suis consultant sur les politiques professionnelles ainsi que professeur auxiliaire au Département des études en éducation de l'université de la Colombie-Britannique. Je suis aussi un ex-apprenti, détenteur du Sceau rouge et spécialiste de la formation professionnelle.
Depuis une vingtaine d'années, au Canada, on parle toujours de l'apprentissage comme s'il était en état de crise, et l'on entend bien peu de propositions originales.
Il convient tout d'abord de comprendre que l'apprentissage est un mécanisme crucialement important car c'est la principale source de main-d'oeuvre dans les métiers.
Deuxièmement, la production du système d'apprentissage ne suit apparemment pas l'évolution de la demande du marché du travail, phénomène qui débouchera inévitablement sur de dangereuses pénuries de main-d'oeuvre si l'on n'intervient pas. Il n'y a pas assez de jeunes qui entrent dans les programmes d'apprentissage et, avec un taux de décrochage de 60 p. 100, pas assez qui les mènent à terme. En même temps, il n'y a pas assez d'employeurs offrant les postes de formation dont ont besoin les apprentis.
Comme il est clair que les emplois de métiers sont de bons emplois et qu'il y a une forte demande de gens de métier, ce manque d'engagement des deux côtés du marché du travail pose un défi intéressant aux pouvoirs publics et a débouché sur certaines propositions touchant les causes de la crise de l'apprentissage. Apparemment, les participants éventuels ne seraient tout simplement pas au courant des bienfaits que pourraient leur apporter l'apprentissage et la certification du Sceau rouge, et ils seraient aussi dissuadés par les coûts directs de participation.
Par conséquent, dans leurs politiques, les autorités fédérales ont accordé la priorité à rehausser l'image des métiers de l'apprentissage, par des efforts de relations publiques, et à compenser les coûts de participation au moyen de subventions directes, comme la subvention incitative aux apprentis, le crédit d'impôt pour l'achat d'outils, et le crédit d'impôt pour la création d'emplois d'apprentis.
Examinons brièvement ces diverses questions à la lumière des recherches récentes.
Tout d'abord, l'apprentissage est-il la principale source d'approvisionnement des corps de métier? Jusqu'à très récemment, nous n'en savions rien. Par contre, le recensement de 2006 nous avait fait faire un grand pas en avant en ajoutant le certificat d'apprentissage aux diverses catégories d'études. Le recensement montre que l'apprentissage représente une proportion étonnamment petite de la population des corps de métier, comme l'a dit Bob.
Globalement, environ 37 p. 100 des Canadiens occupant un emploi d'apprenti détiennent effectivement un certificat professionnel comme plus haut titre de compétence. Comme un tiers seulement environ de ces certificats a été délivré à des ouvriers professionnels, on peut estimer que le processus d'apprentissage ne contribue que pour 25 p. 100 à peu près à l'offre de main-d'oeuvre dans les métiers qualifiés. À ce niveau, les apprentis allant au terme de leur programme sont beaucoup moins nombreux que les travailleurs ayant fait des études secondaires ou moins, lesquels représentent environ 38 p. 100 de la main-d'oeuvre des corps de métier.
Quelle est la valeur du certificat professionnel? On nous dit qu'il y a une très forte demande du Sceau rouge mais que divers obstacles empêchent les gens de l'obtenir.
Encore une fois, les recherches récentes peuvent éclairer notre lanterne. En 2011, le CCDA a commandé une étude auprès de plus de 3 000 employeurs de gens de métier afin d'évaluer leur opinion du Sceau rouge.
La première constatation a été que 51 p. 100 des employeurs du secteur privé ne savaient même pas que le Sceau rouge existait. C'est donc loin d'être le signe de son importance économique cruciale. En outre, parmi les employeurs qui en connaissaient l'existence, les opinions exprimées étaient également révélatrices. La majorité a dit que le Sceau rouge est un indicateur de compétence professionnelle et que, face à un choix, on préférerait engager quelqu'un ayant un Sceau rouge plutôt que quelqu'un ne l'ayant pas. Mais ces employeurs paieraient-ils pour cette différence? Invités à dire si le Sceau rouge est utile dans leur organisation, plus d'employeurs ont dit non que oui, soit 33 p. 100 contre 29 p. 100.
Finalement, les subventions directes ont-elles été efficaces pour promouvoir la participation à l'apprentissage? Selon les données limitées dont on dispose, pas tellement.
En 2009, RHDCC a commandé une évaluation de la subvention d'incitation à l'apprentissage. On a demandé à 2 000 apprentis ayant sollicité la subvention si celle-ci avait influé sur leur décision de rester dans le programme d'apprentissage. Selon les auteurs du rapport, « presque tous les demandeurs » — 98 p. 100 — « ont indiqué qu'ils auraient continué leur programme d'apprentissage s'ils n'avaient pas reçu la subvention. De même, [88,9 p. 100] des demandeurs n'ayant pas obtenu la subvention ont continué leur programme d'apprentissage ».
Il serait difficile de trouver un exemple plus pur de ce que les économistes appellent une subvention « poids mort ».
Les processus d'apprentissage peuvent être extrêmement efficaces, non seulement pour inculquer des compétences et préparer les jeunes à une carrière couronnée de succès, mais aussi pour mobiliser l'investissement privé et stimuler l'innovation industrielle. Il suffit pour s'en convaincre de voir ce qui se passe chez certains des concurrents les plus avancés du Canada, comme l'Allemagne et le Japon, ou même dans des professions chez nous qui emploient des variantes de l'apprentissage, comme le droit, la médecine et le génie.
Ces exemples nous rappellent que la clé pour promouvoir l'investissement dans les compétences autant par les employés que par les employeurs ne réside pas dans des campagnes de relations publiques ou l'octroi inconsidéré de subventions mais plutôt dans les mesures garantissant que ceux qui investissent dans les compétences peuvent compter sur l'obtention d'un rendement supérieur que ceux qui ne le font pas.
Merci beaucoup.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie d'être là aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Dostie.
Vous avez mentionné que certains groupes étaient moins susceptibles de compléter le programme d'apprentissage, notamment les immigrants, les personnes handicapées, les Autochtones et les personnes qui ont des enfants de moins de 18 ans.
Nous avons reçu beaucoup d'information, de statistiques et d'observations illustrant la situation, mais on n'a pas fourni beaucoup de raisons expliquant pourquoi cela se passait. J'aimerais me pencher davantage sur la question. Quels sont les obstacles pour ces groupes? À mon avis, c'est plus facile pour les gens qui ont des enfants de moins de 18 ans, mais peut-être un peu moins facile pour les autres.
Quels obstacles ces groupes rencontrent-ils? Selon vous, y a-t-il des solutions possibles pour y remédier?
On ne s'est pas penchés précisément sur les obstacles que rencontrent les apprentis ou sur les raisons qu'ils évoquent, mais on leur pose la question dans l'Enquête nationale auprès des apprentis. On a mentionné précédemment que plusieurs abandonnaient en raison de la pénurie d'emplois.
Selon moi, une des raisons qui expliquent pourquoi plusieurs apprentis s'inscrivent au programme alors qu'ils sont plus âgés, c'est que l'information à l'égard de ces programmes n'est pas correctement diffusée. La première fois que j'ai pris connaissance du salaire des plombiers, c'est quand j'en ai appelé un pour qu'il répare une fuite dans ma salle de bain. Assurément, l'information quant aux avantages de ces programmes devrait plutôt être diffusée auprès des clientèles concernées.
La pénurie d'emplois va nuire à tout le monde, et pas seulement aux Autochtones et aux autres groupes concernés.
M. Crocker parlait aussi d'une pénurie d'emplois.
Vous avez mentionné qu'on devrait peut-être raccourcir les périodes d'apprentissage, sachant que les gens abandonnent le programme alors qu'ils sont en quatrième ou cinquième année. On a également mentionné que c'était parce qu'il n'y avait pas assez d'emplois que les gens laissaient tomber le programme d'apprentissage. Que peut-on faire pour remédier à ce problème?
Lors de la séance précédente, on a mentionné que la durée du programme n'avait pas d'influence sur le fait de compléter le programme, mais on se base ici sur la durée officielle du programme. Or beaucoup d'apprentis ne respectent pas les délais officiels du programme et prennent un peu de retard. Je ne sais pas exactement ce qu'on peut faire pour les motiver davantage à terminer leur programme plus rapidement.
Certains disent qu'on devrait leur offrir des avantages, tels qu'un soutien accru du point de vue des prestations d'assurance-emploi. Par ailleurs, on devrait peut-être utiliser la technique du bâton. Par exemple, les étudiants à la maîtrise de HEC Montréal n'ayant pas complété leur mémoire dans un délai de cinq ans doivent recommencer leurs études. On s'aperçoit que lorsque la période charnière augmente, le taux de diplomatie augmente. Je n'ai donc pas l'impression qu'on a mis en place un tel système de mesures incitatives dans les programmes destinés aux apprentis.
Si le problème est qu'ils ne peuvent pas continuer parce qu'il n'y a pas assez d'employeurs qui les engagent, ce ne serait pas tout à fait la même situation.
Vous avez aussi mentionné que le fait pour les gens de compléter ou non leur programme était lié à leur niveau d'éducation.
Tout à l'heure, ma collègue a posé des questions portant sur le palier fédéral. L'éducation de base semble être un thème récurrent, car il a été abordé par plusieurs témoins qu'on a entendus jusqu'à présent. J'aimerais entendre une réponse à cet égard de la part d'un des témoins.
Plusieurs programmes d'apprentissage demandent à l'apprenti de réussir un examen final. Le fait que l'apprenti possède une éducation de base en plus des qualifications officielles liées au programme d'apprentissage l'aide donc à réussir cet examen.
D'une part, on veut encourager la mobilité en ayant des programmes de certification, mais d'autre part, la mise en oeuvre des programmes de certification demande que les apprentis aient des compétences de base plus importantes. Il y a donc encore un arbitrage à faire entre les deux éléments.
J'ai une brève question qui s'adresse à l'un ou l'autre des témoins.
Pensez-vous qu'on devrait inclure de la formation de base dans les programmes d'apprentissage? Serait-ce une solution pour le fédéral?
[Traduction]
J'ai l'impression que c'est moins un problème qu'autrefois. Comme d'autres l'ont dit, bien des gens de métier n'ont fait que des études secondaires, et encore! Actuellement, cependant, pratiquement tout le monde fait des études secondaires. À l'avenir, j'ai le sentiment que l'absence de diplôme du secondaire sera probablement beaucoup moins problématique que dans le passé, lorsque des gens se retrouvaient dans des corps de métier parce qu'ils avaient abandonné l'école.
J'ajoute qu'avoir fait des études secondaires — et l'on a de bonnes données probantes à ce sujet — permet d'obtenir de meilleurs résultats aux examens. Les examens contiennent un degré assez important de littératie, et l'on a découvert, en particulier dans les examens de menuiserie, qu'une bonne partie porte sur les mathématiques élémentaires du secondaire. Si l'on n'a pas maîtrisé les mathématiques au secondaire, on aura du mal à passer cet examen. C'est vrai aussi pour les ouvriers professionnels.
Les apprentis ont beaucoup moins de problème. Mon sentiment, comme je l'ai dit, est que ce problème va probablement se régler tout seul.
Merci beaucoup.
Comme vous pouvez le constater, la cloche de la Chambre a commencé à sonner. Une fois que la Chambre ouvre ses portes, il peut y avoir une autre cloche pour un vote. Si tel est le cas, je demanderai le consentement unanime des membres du comité pour que l'on continue pendant 15 minutes supplémentaires. En attendant, M. McColeman a cinq minutes.
Allez-y.
Merci d'être ici, messieurs.
Permettez-moi d'abord d'établir le contexte de mes questions. Hier, il y a eu ici une réception organisée par les membres du conseil d'administration de la Chambre de commerce, ainsi que par le sénateur Ogilvie, un ancien scientifique qui a été président d'université pendant 13 ans. Parmi les déclarations qui ont été faites, nous avons entendu que la Chambre de commerce considère que les pénuries de compétences sont sa toute première préoccupation, et le seront encore l'an prochain, ce qui est exactement le thème de nos débats. Le sénateur Ogilvie a déclaré que les programmes d'études actuels des universités sont à peu près la pire manière d'inculquer des compétences pour pouvoir occuper un emploi. C'était une remarque assez audacieuse.
Voici donc ma question: comment faire pour que l'apprentissage, les métiers, l'acquisition de compétences — voulant dire que, quand ils obtiennent leur diplôme, les étudiants sont employables dans un domaine particulier — soient un premier choix pour les étudiants?
Je songe aux années où j'ai fait des études techniques, en 7e et en 8e année, quand je me suis initié aux choses techniques et que j'ai travaillé avec mes mains en faisant des choses. C'était obligatoire dans les programmes d'études de l'Ontario à l'époque. Or, j'ai constaté que mon école secondaire de l'Ontario a totalement abandonné toute une branche qui était reliée à la technique.
Je pense que M. Crocker a tapé dans le mille de plusieurs manières. Je crois que nous avons complètement retiré cela des études primaires et secondaires, de nombreuses manières, en décidant de dispenser une formation générale aux jeunes dans ce qu'on appelle les arts libéraux — ce qui est très bien; il n'y a rien de mal à cela.
Je vous interromps un instant pour vous dire qu'on vient de présenter une motion en Chambre pour passer à l'ordre du jour. La cloche va sonner pendant 30 minutes et il y aura un vote à 10 h 33. Si vous êtes d'accord, je vous propose de siéger ici jusqu'à 10 h 17, puis d’aller voter. Êtes-vous d'accord ?
Des voix: D'accord.
Le président: Très bien. Si vous voulez poser votre question…
Pouvez-vous reculer le chronomètre?
J'ai entendu deux remarques très intéressantes — et à mon avis contradictoires — de deux des témoins, et je voudrais y revenir brièvement. Pour revenir à ce que vous avez dit, comment faire pour que ce soit le premier choix?
M. Dostie a dit que, plus on commence tôt, mais pas trop jeune, une familiarisation avec… Et on voit des pays comme l'Allemagne, l'Autriche et d'autres qui utilisent en réalité la formation technique comme seule focalisation. Vous êtes dans l'élite quand vous êtes en formation technique, en maths et en sciences. Nous devrions commencer à réintroduire ça dans les programmes d'études des écoles élémentaires et secondaires.
J'ai entendu ensuite M. Crocker déclarer que ces programmes ne mènent à rien dans les écoles secondaires et qu'il est inapproprié d'orienter.
Et, parmi les témoins du groupe précédent, on nous a dit que le monde universitaire semble s'être totalement écarté de cette formation technique, et qu'on se demande maintenant pourquoi nous sommes dans cette situation dont nous entendons parler, où il y a un manque de compétences et de faibles taux d'obtention des diplômes. Il y a des gens qui entrent, mais c'est beaucoup plus tard, après avoir réalisé qu'ils ont eu leur diplôme mais qu'ils n'ont pas acquis beaucoup de compétences employables.
L'un d'entre vous veut-il réagir à cela?
Monsieur Meredith.
La première question que vous avez posée est la plus importante, à mon avis: comment attirer les gens dans ces métiers? Je pense que la réponse est que ce doit être de la même manière qu'on attire les gens dans n'importer quelle profession, c'est-à-dire qu'on fait en sorte que le métier est enrichissant pour les gens qui l'embrassent, et que ça se sache. Si les métiers sont régulièrement perçus comme étant enrichissants et que les investissements éducatifs qu'on y consacre sont rentables, je pense qu'ils attireront naturellement des gens de la même manière que la médecine, l'art dentaire, le droit, la comptabilité et toutes sortes d'autres professions.
Le problème, à mon avis, est que, quand nous avons les deux tiers de la population active dans les métiers qualifiés qui ne sont pas certifiés et que les gens sont encouragés à investir dans une formation professionnelle puis à aller se faire concurrence pour des emplois que les personnes non certifiées peuvent obtenir, il y a très peu d'incitation à investir dans cette éducation. Dans bien des cas, investir pour obtenir cette éducation n'est pas rentable.
Je pense qu'une des raisons principales pour lesquelles nous voyons des taux de décrochage très élevés dans les programmes d'apprentissage est que les apprentis découvrent — souvent après avoir investi énormément de temps et d'efforts dans leur formation — que persister dans cette voie ne leur donnera absolument pas plus de sécurité d'emploi. Cela ne leur donnera pas non plus de salaire plus élevé que celui qu'ils reçoivent comme apprentis. Je pense que c'est ça le problème fondamental. Il faut que ceux qui investissent dans leur formation professionnelle obtiennent une rémunération plus élevée que ceux qui ne le font pas.
Quelques brefs commentaires.
Considérant ce que John vient de dire, la réalité est que la certification s'accompagne d'un rendement financier substantiel dans la plupart des métiers, et qu'on peut le prouver. Ce n'est peut-être pas évident pour tout le monde, et ce n'est pas vrai pour tous les métiers, d'ailleurs. Par exemple, un apprenti coiffeur fait tout aussi bien sur ce plan qu'un coiffeur certifié, mais ce n'est pas vrai dans d'autres métiers.
Si je reviens à ce que je disais sur les écoles, mes commentaires ne doivent pas être interprétés comme l'affirmation qu'on ne doit pas exposer les gens aux métiers et aux technologies dans les écoles. En fait, les programmes de cette nature sont très importants.
Ce contre quoi je m'élève, c’est l'idée de vouloir copier le modèle allemand, au moment même où les Allemands commencent eux-mêmes à en revenir. L'effet d'un modèle comme le modèle allemand est de canaliser les gens très tôt dans des programmes dont ils ne peuvent plus sortir. Autrement dit, si vous voulez aller à l'université à l'âge de 14 ans, en Allemagne, et que vous vous trouvez dans un métier — le système double —, vous en serez empêché. Les Allemands eux-mêmes sont en train de revoir cela parce que leur performance globale dans les programmes internationaux au niveau du secondaire est médiocre, au mieux, et qu'ils craignent d'avoir mis trop d'emphase sur le côté des métiers.
Ma conclusion est donc qu'il faut certainement exposer les jeunes aux métiers, mais ne pas les canaliser explicitement dans cette voie.
Merci, monsieur Crocker. Nous accueillerons probablement des témoins de cette source un peu plus tard durant notre étude.
Monsieur Lapointe, c'est probablement vous qui allez conclure cette période de questions.
Très bien. Aurai-je cinq minutes?
Le président: Tout à fait.
M. François Lapointe: Je partagerai mon temps de parole avec M. Cleary.
Le président: D'accord.
M. François Lapointe: Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour, monsieur.
Je remercie tous les témoins d'être présents ce matin. Leurs commentaires sont très pertinents.
Monsieur Dostie, lors de votre témoignage, comme lors du témoignage de plusieurs témoins précédents, il a été question d'une corrélation directe entre un niveau d'éducation bas, ou des compétences essentielles défaillantes, et un taux d'échec élevé des programmes d'apprentis.
Selon certains mécanismes en Écosse, quand quelqu'un commence à recevoir des prestations d'assurance-emploi, on lui fait passer un test d'alphabétisation, et si ses résultats sont mauvais, il doit s'inscrire dans un programme d'alphabétisation pendant qu'il reçoit des prestations. Le fait de s'attaquer au problème de compétences de base n'est-il pas nécessaire pour que les formations d'apprentis obtiennent de meilleurs résultats?
Je suis d'accord avec vous. C'est très sensé. On voit dans les analyses statistiques que les compétences de base sont essentielles au succès futur dans les programmes d'apprentis.
On devrait aussi considérer le haut niveau d'analphabétisme chez les 25 à 55 ans au Canada, qui est à près de 20 %. On devrait aussi s'attaquer à ce problème. Le problème n'est pas seulement l'école secondaire. Y aurait-il une clé pour améliorer nos résultats?
Non. Les deux clés que je vois et qui ressortent vraiment de mes résultats sont l'éducation reçue avant de suivre le programme et le fait de ne pas traîner trop longtemps à l'intérieur du programme. Pour ce qui est de l'augmentation des inscriptions, il s'agirait de rendre l'information plus accessible.
D'accord.
A-t-on une idée des raisons pour lesquelles le taux d'échec est plus élevé quand le stage se fait au sein d'une petite entreprise plutôt que dans une moyenne ou une grande entreprise? Tout le monde en témoigne. Qu'est-ce qui explique cela?
Ça semble lié au fait que des collègues apprentis participent au même programme. Être le seul apprenti dans une entreprise, ce n'est pas la même chose que faire partie d'un petit groupe de personnes qui peuvent s'entraider.
Merci beaucoup.
Monsieur Crocker, vous pouvez émettre des commentaires. Je vais ensuite céder la place à M. Cleary.
[Traduction]
Je pense que l'argument qui a été présenté est très important. En ce qui concerne la littératie, notamment de la part des ouvriers professionnels, par exemple, certaines études nous ont montré que ces derniers ont de bien moins bon résultats aux examens du Sceau rouge que les apprentis. Le taux de succès des apprentis aux examens du Sceau rouge est relativement élevé. Le taux de succès des ouvriers professionnels est beaucoup plus bas et, généralement, ces derniers sont plus âgés et ont fait moins d'études. L'idée d'avoir une sorte de programme pouvant améliorer les compétences élémentaires en littératie, par exemple, de ceux qui se présentent aux examens serait conforme à ce que j'ai dit plus tôt sur les ouvriers qualifiés.
Comment faire cela ne serait pas particulièrement facile, surtout au palier fédéral. En effet, la littératie, les études secondaires et toutes ces choses-là relèvent de la compétence provinciale, pas de la compétence fédérale. Je ne sais donc pas comment le gouvernement pourrait agir dans ce domaine. J'ai présenté l'argument que de modestes programmes pour aider les ouvriers qualifiés à réussir leurs examens seraient utiles, et que les compétences élémentaires pourraient bien faire partie de ces modestes programmes.
Monsieur Crocker, j'ai trouvé que beaucoup des choses que vous aviez à dire ce matin étaient très intéressantes. Elles allaient un peu à l'encontre de ce que nous ont dit d'autres témoins.
Vous avez dit que les corps de métier constituent 11 à 12 p. 100 de la population active. C'est bien ça ?
Vous avez dit aussi que les métiers ne sont pas un secteur de croissance de la population active. D'où tenez-vous cette information? Si j'en crois d'autres témoins que nous avons entendus, c'est le contraire qui est vrai.
On peut mesurer l'évolution de la population active de manière très détaillée en utilisant l'enquête sur la population active depuis au moins 20 ans. Les corps de métier ont été une partie stable, mais en léger déclin, de la population active pendant au moins 20 ans. Les statistiques sont facilement disponibles à partir de l'enquête sur la population active et des tableaux publiés par Statistique Canada.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de pénurie, problème différent. Mais les corps de métier ne sont pas le principal secteur de croissance de la population active à notre époque.
Je peux ajouter que cette remarque, comme les autres que j'ai faites, peut être confirmée par diverses statistiques facilement accessibles. Je n'ai pas donné les références ce matin parce que nous n'en avions pas le temps. Il est cependant vrai que les corps de métier sont une partie relativement petite de la population active, et une partie qui n'augmente pas.
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