Je ferai ma déclaration préliminaire en anglais, mais ma collègue Diane Galarneau, qui fera la plupart de l'exposé, vous parlera en français. Comme d'habitude, je serai heureuse de répondre à toute question dans la langue de votre choix.
J'aimerais remercier le comité de nous avoir invités à vous présenter de l'information générale pour vous fournir du contexte dans le cadre de votre étude sur la mobilisation de l'expérience et les possibilités pour les personnes âgées sur le marché du travail.
Je commence par une mise en garde cependant. Statistique Canada ne recueille pas régulièrement des données sur les possibilités d'emploi ni les obstacles d'emploi pour les travailleurs plus âgés.
Chaque mois, nous menons notre enquête sur la population active au Canada, qui mesure la participation au marché du travail et l'emploi au sein de la population âgée de 15 ans et plus. Nous possédons les taux de participation et l'information sur le marché du travail pour les travailleurs plus âgés. Cependant, les données sur les obstacles ou les intentions de retraite, par exemple, sont recueillies de façon irrégulière. La dernière fois que nous avons recueilli des données était au moment de l'enquête sociale générale que nous avons menée en 2007, cette information est donc un peu désuète. Nous avons également mené une enquête en 2008 selon la formule du recouvrement des coûts qui portait sur les travailleurs plus âgés.
Nous vous présenterons un peu d'information sur la participation au marché du travail et certaines tendances que nous avons constatées au fil des 25 à 50 dernières années. Nous vous présenterons par la suite un peu d'information dont nous disposons sur les intentions relatives à la retraite, certaines des raisons motivant le choix de prendre sa retraite et certains facteurs pouvant influencer leur intention de prendre leur retraite.
Là-dessus, Diane, je vous cède la parole.
À la page 2 de la présentation, on peut voir que le taux d'activité des personnes de 55 ans et plus est à la hausse. Depuis 1976, on a pu observer de nombreux changements en ce qui a trait à la population des personnes de 55 ans et plus. La proportion de ce groupe d'âge au sein de la population totale a augmenté. En effet, alors qu'en 1976 il constituait 17 % de la population totale, en 2011, il en représentait 27 %. En 2031, selon le modèle de projection Demosim de Statistique Canada, il devrait constituer plus du tiers de la population totale.
Le niveau de scolarité a également augmenté. Le graphique, à gauche de la diapositive, montre qu'entre 1996 et 2012 la part des personnes de 55 ans et plus qui n'avaient pas de diplôme d'études secondaires — 1996 est en gris et 2012 est en bleu — est passée de 52 % à 27 %, alors que la proportion détenant un diplôme d'études universitaires est passée de 8 % à 18 %.
Le taux d'activité, que l'on peut voir sur le graphique de droite, a également augmenté entre 1996 et 2012, particulièrement chez les femmes. Le taux d'activité représente le nombre de personnes en emploi ou en chômage par rapport à l'ensemble de la population. Chez les hommes, une hausse de 11 points de pourcentage a été observée entre 1996 et 2012. Pour les hommes, c'est la barre en noir. Le taux est passé de 32 % à 43 % entre 1996 et 2012. Le taux de 2012 demeure cependant inférieur au taux observé en 1976, qui était de 47,2 %.
Chez les femmes, le taux a augmenté de près de 15 points de pourcentage, passant de 17 % à 32 %, après une période de stabilité, entre 1976 et 1996.
Regardons la diapositive 3.
Bien que la hausse du taux d'activité, depuis 1996, ait été généralisée à l'ensemble des groupes d'âge, elle était plus prononcée en termes relatifs pour les personnes de 65 à 69 ans. C'est la barre en noir. Chez les hommes, le taux avait pratiquement doublé, passant de 16,5 % à 30 %, alors que pour les femmes, le taux est passé de 7 % à 19 %.
La ligne rouge, pour le groupe des 60 à 64 ans, démontre aussi une hausse importante en points de pourcentage, soit 15 points de pourcentage pour les hommes et 22 points pour les femmes. Chez les femmes, on observait également une hausse importante pour le groupe des 55 à 59 ans — c'est la ligne bleue —, soit de 21 points de pourcentage.
À la page 4, comme on peut le voir, le taux d'activité augmente à mesure que croît le niveau de scolarité. Le graphique de gauche est pour les hommes et le graphique de droite est pour les femmes. Depuis 1996, le taux d'activité a augmenté pour chacun des niveaux de scolarité et la hausse a été plus prononcée pour les femmes. L'écart par niveau de scolarité s'est donc rétréci entre les hommes et les femmes depuis 1996. En 2012, le taux d'activité des hommes passait de 24 % à 50 %, selon le niveau de scolarité, et de 12 % à 45 % chez les femmes.
À la page 5, la proportion des personnes travaillant à temps plein diminue à mesure que l'âge augmente. En 2012, la proportion des hommes et des femmes de 55 ans et plus travaillant à temps plein était inférieure à celle observée pour les personnes de 25 à 44 ans. Ces proportions sont relativement stables dans le temps pour les hommes, depuis 1996, mais elles sont en hausse chez les femmes, particulièrement pour les femmes âgées de 60 à 69 ans. La proportion a augmenté de 8 et 9 points de pourcentage respectivement, passant de 61 % à 69 % chez les femmes de 60 à 64 ans et de 42 % à 51 % chez les femmes de 65 à 69 ans.
À la page 6, on voit que les travailleurs de 50 ans et plus demeurent plus longtemps en emploi depuis 1996. En 2009, une personne âgée de 50 ans pouvait anticiper passer encore 16,3 années en emploi avant de prendre sa retraite. Il s'agit d'une hausse de deux années et demie par rapport au creux observé en 1996, alors que la durée anticipée de vie en emploi était de 12,7 années.
Si on convertit ces chiffres en âge, on peut dire que l'âge de la retraite, pour les personnes en emploi à 50 ans, serait passé de 62,7 ans en 1996 à 66,3 ans en 2012.
En 1977, l'âge de la retraite était inférieur à celui de 2012 et était de 64,3 ans. Ces durées sont comparables par sexe et par niveau de scolarité. Une bonne partie de l'augmentation de l'espérance de vie observée depuis 1996 s'est donc transmise au marché du travail. La durée de la retraite est donc stable en ce qui a trait aux années.
À la page 7, on voit que le facteur santé est cependant susceptible de faire plafonner le potentiel d'accroissement des années de travail. En moyenne, les personnes sont plus susceptibles d'avoir des incapacités graves après l'âge de 75 ans. Cela varie selon le revenu. Les incapacités graves surviennent vers l'âge de 72 ans chez les hommes à faible revenu et vers l'âge de 77 ans chez ceux qui ont un revenu élevé.
Passons à la page 8.
Les prochaines diapositives porteront sur la retraite. La retraite est un processus complexe. Les données sur le sujet portent habituellement sur une définition subjective de la retraite. Autrement dit, les répondants se disent retraités ou non. Cependant, il se peut que les personnes qui se disent retraitées aujourd'hui retournent plus tard sur le marché du travail. On ne sait donc pas si les personnes ont pris une retraite définitive. Un cycle de notre enquête sociale générale effectuée en 2007 a posé des questions sur les intentions relative à la retraite.
Passons à la page 9.
Quand on a demandé aux Canadiens âgés de 45 à 59 ans s'ils étaient certains de l'âge auquel ils prévoyaient prendre leur retraite, 61 % d'entre eux ont dit être très certains ou assez certains de l'âge de leur retraite et 39 % étaient très incertains du moment de leur retraite ou n'avaient pas l'intention de prendre leur retraite.
À la page 10, parmi les 61 % des personnes de 45 à 59 ans qui avaient rapporté un âge auquel elles prévoyaient prendre leur retraite — qui étaient donc certaines et assez certaines de l'âge de leur retraite —, on a examiné les caractéristiques de celles qui prévoyaient prendre leur retraite à 65 ans ou plus tard. Pour l'ensemble des travailleurs de 45 à 59 ans, 37 % prévoyaient prendre leur retraite à 65 ans ou plus tard. La proportion était plus élevée chez les immigrants récents. Elle était de 60 %. Elle était de 48 % pour les personnes seules qui ne vivaient pas en couple. Elle était plus élevée aussi chez les travailleurs autonomes, se situant à 47 %. Elle était plus élevée pour les personnes qui faisaient partie de ménages dont le revenu familial était de 40 000 $ et moins. Elle était de 62 %.
Les travailleurs de Terre-Neuve-et-Labrador, du Québec et du Manitoba étaient également moins susceptibles de prévoir prendre leur retraite après 65 ans. On parle de 30 %, alors que c'est 37,5 % pour la moyenne canadienne. On notait également des proportions significativement différentes par secteur industriel, par profession, par état de santé et par mode d'occupation de logement, c'est-à-dire si les gens sont propriétaires ou locataires.
À la page 11, on a aussi demandé aux personnes de 50 ans et plus, qui avaient pris une première retraite entre 1997 et 2007, les raisons de leur départ à la retraite. Les réponses multiples étaient permises. La raison la plus souvent invoquée était que les gens voulaient arrêter de travailler. Venait ensuite le fait qu'ils avaient un revenu adéquat et l'accès à des mesures de retraite anticipée à leur emploi. Les problèmes de santé et de stress étaient invoqués par 26 % des répondants alors qu'un peu moins de 10 % d'entre eux rapportaient devoir s'occuper d'un proche. Les mises à pied étaient invoquées par 12 % d'entre eux et les mesures de retraite obligatoire par 10 % d'entre eux. Le fait que les compétences étaient dépassées était mentionné par 8 % d'entre eux. Les raisons comme la discrimination et le fait d'avoir une pension réduite en présence d'un salaire étaient invoquées par 5 et 7 % des répondants.
Pour terminer, regardons la page 12.
Une enquête sur les travailleurs âgés a aussi demandé aux travailleurs de 50 à 64 ans si certaines conditions d'emploi les inciteraient à prendre leur retraite plus tard. Le temps partiel et les horaires flexibles étaient les deux facteurs les plus importants. Les autres facteurs étaient le travail à la maison et le fait de recevoir son revenu de pension tout en travaillant. Ces chiffres ne permettent pas de mesurer si les gens demeureraient bel et bien en emploi plus longtemps en présence de ces mesures. Ce sont simplement leurs intentions.
J'ai terminé ma présentation.
Je vous remercie.
On sait qu'il y a eu des compressions à Statistique Canada. À cause de cela, entre autres, plusieurs sondages n'existent plus. Notamment, il y a le questionnaire détaillé, ce qu'on appelle en anglais le long-form census.
Sur votre site Web, on mentionne l'erreur d'échantillonnage. Comme vous venez de le dire, plus il y a de répondants, plus les estimations sont exactes. Par conséquent, moins il y a de répondants et moins vos estimations sont précises. L'enquête nationale dont on dispose maintenant est basée sur une participation volontaire et non sur une participation obligatoire, comme c'était le cas auparavant.
Il y a aussi le biais de non-réponse. Avec le questionnaire volontaire, plusieurs catégories de personnes ne répondront plus. Cela veut dire que le biais de non-réponse va être influencé par le fait que plusieurs types de personnes, comme vous l'avez dit, ne répondront plus au questionnaire.
Sur votre site Web, il est indiqué que les résultats ne sont pas représentatifs de la population réelle. Malgré tout le travail que vous faites, malheureusement, à cause des compressions, c'est moins représentatif. Vous dites aussi que l'enquête n'aura pas le niveau de qualité qui aurait été obtenu par un questionnaire détaillé obligatoire.
Quelle sorte d'informations va-t-il nous manquer à l'avenir pour pouvoir prendre des décisions importantes au sujet, par exemple, des aînés et du marché du travail?
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Les citoyens de ma circonscription à qui je parle et qui viennent me voir dans mon bureau me disent qu'il y a un problème associé au fait de revenir travailler ou que l'entreprise pour laquelle ils travaillent est en période de coupures, mais qu'ils ne sont pas encore prêts à prendre leur retraite. Il serait bon que nous déterminions un peu plus les possibilités qui s'offrent à ces individus, ce qu'ils font et dans quelles conditions retournent-ils au travail. Est-ce sur une base contractuelle ou commencent-ils à travailler à leur propre compte?
La semaine dernière, un homme est venu me parler dans mon bureau et c'est ce qu'il prévoit faire. Il compte offrir son expertise en tant que consultant, parce qu'il a passé de nombreuses années à travailler pour une grosse compagnie d'assurances. Son entreprise avait diminué son effectif. C'est ce qu'il compte faire. Il serait intéressant de savoir ce qui pousse les gens de cette tranche d'âge à reprendre le travail.
Pour quelque raison que ce soit, ils ne sont pas prêts à partir à la retraite. Vous avez mentionné plusieurs raisons, entre autres que bon nombre d'entre eux veulent tout simplement continuer à travailler. Ils ont beaucoup à contribuer. Ils sont jeunes. Les gens vivent plus longtemps de nos jours, et la retraite à 60 ou 65 ans ne convient pas à beaucoup de gens. Ils préfèrent continuer à faire partie de la population active.
Ma dernière question, monsieur le président — je sais que mon temps s'écoule — porte sur le sondage des employeurs. Y en a-t-il beaucoup et avez-vous mené des enquêtes auprès des employeurs pour savoir ce que sont leurs attitudes et pour identifier certaines de leurs tendances par rapport à ce virage démographique au niveau de l'âge des travailleurs, et de leur attitude vis-à-vis le fait qu'ils sont prêts à embaucher maintenant quelqu'un âgé de 55 ans qui n'a peut-être jamais travaillé pour eux?
Avez-vous pu mener des enquêtes quelconques à ce sujet, ou obtenir des données sur le marché du travail et portant sur ce que l'employeur pense des travailleurs âgés?
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Merci, monsieur le président.
J'essaierai de revenir au sujet de notre étude.
Merci beaucoup aux témoins d'être venus.
À la dernière réunion, un professeur de l'Université d'Ottawa nous a dit qu'il fallait changer notre façon d'appréhender les questions de la démographie et de l'âge de la population. J'ai répondu que pour nous, le Saint-Graal, c'est la liberté à 55 ans. Si l'on peut prendre sa retraite à l'âge de 55 ans, c'est le nec plus ultra. Mais en fait, la retraite n'est pas une si bonne chose, même pas à l'âge de 65 ans, car il nous reste encore des années productives.
Dans vos statistiques, vous mettez comme tranche d'âge « 55 ans et plus », comme si avoir 56 ans, c'était vieux. Nous devrions peut-être modifier ce genre de terminologie afin de tenir compte de la santé des gens. Souvent, les jeunes ne démarrent pas leur carrière ou ne savent pas ce qu'ils vont faire dans la vie jusque dans la trentaine. Nous devons en tenir compte en tant que société. Mais Statistique Canada devrait également en tenir compte, car vous fondez vos sondages sur ce genre de bases désuètes. Nous devrions donc changer de terminologie. Par exemple, nous pourrions parler de travailleurs « mûrs » plutôt que « âgés ». Bien entendu, vous pourriez penser que j'ai un parti pris, car je suis moi-même d'un certain âge, mais il me semble que j'ai encore beaucoup d'années productives devant moi.
C'est quelque chose qui me pose problème. On apprend que les critères d'admissibilité pour diverses prestations sont rabaissés. Mais nous offrons ces prestations à une différente époque de la vie, même si nous sommes aussi florissants qu'il y a 20 ans, lorsque nous étions déjà admissibles pour ces prestations.
Premièrement, avez-vous songé à mettre en place des prestations pour la tranche d'âge de 62 à 72 ans? L'on pourrait appeler ces travailleurs d'un certain âge et leur demander ce qu'ils font, plutôt que de passer à la tranche d'âge de 55 à 62 ans. Je me demande s'il y aurait une grande différence dans vos résultats si vous compariez ces deux tranches d'âge. C'était ma première question.
Deuxièmement, ce n'est pas un défi exclusif au Canada; on l'affronte également en Europe et aux États-Unis. Avez-vous examiné les statistiques d'autres pays pour les comparer à celles du Canada, afin de savoir ce qu'ils font pour permettre aux travailleurs mûrs de rester actifs?
Enfin, en ce qui concerne les travailleurs mûrs, constatez-vous qu'ils veulent rester au travail et qu'ils sollicitent la formation pour mettre à jour leurs compétences, ou constatez-vous qu'ils changent plutôt de carrière et ont besoin d'une nouvelle formation?
Je sais, j'ai posé beaucoup de questions.
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Exactement. Autre fait intéressant — et là, c'est une question de statistique — c'est qu'à la page 11, l'on constate que le motif des compétences dépassées ne représente que 8 % des raisons pour lesquelles les répondants ont pris une retraite anticipée. C'est une statistique surprenante. Les séparatistes socialistes agressifs nous disent que ce genre de choses ne se produit pas. Bref ils essaient de nous faire croire que ça ne se produit pas. Alors, quand vous nous présentez ce genre de statistiques, et que l'on constate que les gens en fait veulent travailler plus longtemps et veulent reporter leur départ à la retraite... Ma tranche d'âge — c'est-à-dire la fin des baby-boomers — veut reporter la retraite pour plusieurs raisons, et vous êtes en train de nous dire que c'est parce qu'à l'âge de 60 ans, on se sent encore en forme, comme si on avait 18 ans. On a encore beaucoup d'énergie, et encore beaucoup d'années productives devant soi.
Je pense que il faut bien comprendre ces tendances, notamment à la lumière de ces statistiques. Y a-t-il des possibilités pour ces personnes? Est-ce qu'on leur présente suffisamment de possibilités pour maintenir leur activité au sein de la société?
Lorsque l'on dit que le report de l'âge d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse à l'âge de 67 ans est une progression naturelle et que plusieurs pays l'ont adopté, notre actuaire en chef calcule les profils démographiques, l'espérance de vie, et ensuite nous dit qu'en réalité, les gens vivent plus longtemps. De plus, ils sont en meilleure santé qu'avant et veulent travailler plus longtemps, et c'est pourquoi la plupart des pays développés ont reporté l'âge d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse.
Je veux revenir à cette dernière tendance. Je sais que vous êtes statisticiens et que vous n'avez pas toutes les statistiques au bout des doigts, et je sais que je parle de façon très suggestive, mais, à la lumière de ces tendances, pourrait-on dire qu'en général, un plus grand nombre de personnes vivent plus longtemps, vivent en bonne santé plus longtemps et veulent travailler plus longtemps? C'est ce que j'appelle une évolution naturelle de notre société.
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Parfait. Je pense être ici avec tous mes amis, et comme toute bonne infirmière de salle d'urgence du Nouveau-Brunswick, si on m'appelle un vendredi pour comparaître, je me prépare et je le fais. Alors je suis ravie d'être ici.
S'il y a des erreurs dans mon exposé, veuillez m'en excuser. Nous vous enverrons un mémoire complet d'ici la fin du mois, et espérons qu'il ne contiendra pas autant de tableaux et de chiffres que celui de Statistique Canada, mais il sera utile.
Mon exposé portera sur les conséquences du vieillissement de la population et de la main-d'oeuvre, et ce que peut faire le gouvernement fédéral.
Nous représentons plus de 200 000 infirmières et étudiantes en soins infirmiers partout au pays. Notre profession compte le plus de membres dans le secteur des soins de la santé. Nous représentons environ 70 % de la main-d'oeuvre. Je vais parler aujourd'hui des besoins suivants de notre système des soins de santé. Premièrement, il y a l'approche en dents de scie de la santé et des ressources humaines. Je discutais avec un député au sujet de sa fille qui étudie les soins infirmiers, il n'y pas d'emploi actuellement, mais il y en aura dans trois ou quatre ans. C'est parce que nous ne savons pas planifier en matière de soins de la santé. C'est l'approche en dents de scie. J'ai eu affaire à de tels comités et à des comités provinciaux au Nouveau-Brunswick depuis un certain nombre d'années.
Nous avons besoin d'investissements immédiats dans les stratégies de rétention et de recrutement, autant pour les travailleurs âgés que pour les nouveaux diplômés. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan dans la planification de la main-d'oeuvre. Chaque province et territoire pourrait bénéficier d'aide dans ce domaine.
Du côté de la pénurie en personnel infirmier et ses conséquences, nous savons que tous les gouvernements, y compris le gouvernement fédéral, et les employeurs ont déployé beaucoup d'efforts ces 10 dernières années pour accroître le nombre d'infirmières et d'infirmiers et les garder, mais la pénurie est loin d'être résorbée. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada a prévu un manque de plus de 60 000 infirmières et infirmiers d'ici 2022. C'était en 2009. L'étude et les chiffres n'ont pas changé depuis.
Nous savons qu'il y a une augmentation du nombre de nouvelles infirmières. Si on regarde les chiffres des IRSC, on penserait que notre situation devrait être bien meilleure, mais il faut comprendre qu'en 1990, on diplômait 12 000 infirmières par année, et nous sommes passés de 12 000 à 4 000 à la fin de 1999. Nous sommes revenus à environ 9 000 aujourd'hui, mais il reste encore le gros des infirmières qui prendront leur retraite. L'âge moyen d'une infirmière et d'un infirmier est de 45 ans, mais 40 % des membres du personnel infirmier ont plus de 50 ans
Je vais vous présenter un bref survol de notre main-d'oeuvre. Je ne suis pas ici seulement pour parler de cela, mais la réalité démographique doit être comprise dans le contexte non seulement de notre main-d'oeuvre, mais aussi des transformations du système de soins de santé et de celles qui sont nécessaires pour s'adapter au vieillissement de la population, aux nouvelles technologies et aux nouveaux moyens d'offrir les soins.
Il y a plus de pression pour répondre aux besoins de patients plus âgés qui ont des besoins plus aigus. L'espérance de vie moyenne aujourd'hui est de plus de 81 ans. Si on regarde la population en âge de travailler — je suis certaine que Statistique Canada vous a présenté ces chiffres —, ces personnes ont entre 15 et 64 ans, 42 % d'entre elles ont plus de 45 ans. J'ai déjà mentionné que 40 % des membres du personnel infirmier ont plus de 50 ans. Alors nous sommes plus âgés que la moyenne de la population active. En même temps, 75 % des membres du personnel infirmier travaillent dans le secteur hospitalier. Si vous avez visité le secteur hospitalier dans les dernières années, vous saurez qu'il faut transformer le système et se diriger vers les soins de longue durée et les soins à domicile. Il faut changer la façon dont on offre les services, car beaucoup de patients hospitalisés ne devraient pas l'être.
Une étude récente faite par l'Association des infirmières et infirmiers du Canada indique que 5 à 6 millions de dollars par jour sont dépensés pour des patients qui sont hospitalisés alors qu'ils devraient recevoir des soins à domicile. Cela veut dire qu'ils vont assez bien pour rentrer chez eux, et si l'on pense aux personnes âgées, elles voudraient être à la maison et s'y faire soigner.
Nous avons effectué beaucoup de projets de recherche sur la conservation de notre main-d'oeuvre. Il est toujours question des conditions de travail, des possibilités de développement professionnel et du perfectionnement des compétences. Si on faisait cela, on augmenterait le nombre d'infirmières et d'infirmiers qui prolongent leur carrière.
Nous avons connu beaucoup de succès en 2006 et 2011. Notre premier projet s'est fait en collaboration avec RHDCC. Il y avait deux projets pilotes, un au Cap Breton et un à Regina Qu'Appelle. Le projet du Cap Breton était un projet de mentorat et a été incroyable. Nous avons pu garder la salle des urgences et la salle d'opération ouvertes en offrant au personnel infirmier expérimenté une formation en soins intensifs. À Regina Qu'Appelle, c'était aussi un programme de mentorat.
Nous avons poursuivi avec un projet en collaboration avec Santé Canada dans neuf provinces et un territoire pour créer et favoriser un milieu de travail plus positif dans le secteur des soins de la santé. Nous avons réduit de 10 % l'absentéisme et le temps supplémentaire grâce au projet de Santé Canada, qui s'appelait De la recherche à l'action.
Je vais en parler brièvement.
Nous en avons tiré plusieurs leçons. Il faut des partenariats. Si nous voulons des changements réels et durables, ils ne peuvent pas être imposés du haut. Les politiques du programme doivent être assez souples pour s'adapter aux besoins du milieu de travail et des personnes.
Au cours de nos six dernières années à travailler avec des employeurs des soins de la santé, nous avons compris que lorsque l'on met en oeuvre un projet pilote, ou ce que l'on appelle maintenant un prototype, on ne peut pas le faire à partir du bureau du gestionnaire. Il faut qu'il soit basé sur les données probantes et la recherche, et il doit être évalué. Voilà où le gouvernement fédéral pourrait nous aider. Nous proposons que cela se fasse par l'assurance-emploi, parce qu'on a besoin d'appui financier. Il faut aussi de la formation et du développement professionnel dans ces secteurs.
Le personnel infirmier offre plus de soins que tout autre groupe dans le système des soins de santé. Cependant, nous sommes près de deux fois plus à risque d'être absents à cause de maladies ou de blessures, comparativement à la moyenne des autres travailleurs. C'est à cause des conditions de travail. Il y a un roulement, c'est-à-dire des infirmières et des infirmiers sont transférés d'une unité à une autre, principalement en raison de l'insatisfaction au travail. C'est le cas de 20 % des infirmières et infirmiers du secteur hospitalier. Pour l'employeur, cela représente un coût de 25 000 $ à 60 000 $ par infirmière ou infirmier.
Je veux souligner qu'une nouvelle diplômée ou un nouveau diplômé ne peut pas remplacer une infirmière qui a 35 ans d'expérience. Le système d'éducation a dramatiquement changé, tout comme notre système des soins de santé. Il faut que les nouveaux diplômés profitent de l'expérience de leurs collègues plus âgés et plus expérimentés. Ce n'est pas une question de maintien de l'effectif; c'est une question de sécurité des patients.
Nous savons que les programmes de mentorat fonctionnent. Nous recommandons qu'il y ait des programmes nationaux à l'image de la garantie d'emploi des diplômés de l'Ontario, qui donnent aux diplômés en soins infirmiers l'occasion de travailler avec du personnel infirmier expérimenté afin d'améliorer leurs connaissances et leurs compétences.
J'ai expliqué plus tôt comment le gouvernement fédéral pouvait être utile. Nous croyons que c'est grâce aux programmes d'apprentissage de l'assurance-emploi destinés au personnel infirmier. Il faut que des infirmières ou des infirmiers auxiliaires autorisés deviennent des infirmières ou des infirmiers autorisés, ou que des infirmières ou des infirmiers autorisés deviennent des infirmières ou des infirmiers spécialisés ou praticiens. Et il faut aider les employeurs à créer des programmes de mentorat pour garder le personnel infirmier âgé et offrir un milieu de travail sécuritaire favorisant l'apprentissage pour les nouvelles et nouveaux diplômés.
Si j'avais plus de temps, je vous parlerais du besoin de rajustement des heures et du milieu de travail pour le personnel infirmier âgé. On vous communiquera des chiffres. Nous savons, d'après l'indemnisation des accidents du travail et les programmes de soins de longue durée pour invalidité, que le risque de blessure est plus élevé chez le personnel infirmier âgé, surtout s'il n'y a pas d'adaptation du milieu de travail.
Pour conclure, nous croyons qu'il faut offrir un appui qui permettra d'offrir au personnel infirmier âgé les habiletés et les compétences nécessaires pour le milieu de travail. Nous devons remettre en place des programmes tels que l'Initiative en matière de compétences en milieu de travail. Nous devons favoriser les mentorats officiels qui encourageront le transfert de connaissances entre les travailleurs de diverses générations et qui ont diverses compétences. Il est temps de passer des projets pilotes aux prototypes qui créeront une culture de sécurité dans le secteur des soins de santé pour tous les travailleurs, tant pour les jeunes que pour le personnel infirmier plus expérimenté.
Merci. Je vais maintenant répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Linda, merci pour votre exposé. Je l'ai trouvé fascinant.
J'ai quelques questions brèves et seulement cinq minutes, alors plus vos réponses seront succinctes, mieux ce sera.
Premièrement, vous avez parlé de statistiques concernant les diplômés en soins infirmiers; en 1990, il y en avait 12 000, en 1999, 4 000, et aujourd'hui, en 2013, 9 000.
Je sais qu'avant seulement à Terre-Neuve-et-Labrador, nous avions trois ou quatre écoles de soins infirmiers, il n'en reste qu'une, à la Memorial University.
Une des solutions évidentes serait d'accroître le nombre de diplômés en soins infirmiers, d'augmenter le nombre d'écoles de soins infirmiers. Pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas?
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Dites-lui que c'est très apprécié.
Avant de poursuivre, j'aimerais dire quelques mots sur les champs de compétence provinciale. Vous comprendrez qu'en tant que représentant élu au Québec, je trouve assez particulier que le gouvernement fédéral parle de prendre le leadership quant à certaines décisions qui relèvent de ce champ de compétence. Après l'éducation, la santé est probablement au Québec ce qui correspond de façon la plus pointue à un champ d'expertise exclusif.
Nous allons donc parler de l'assurance-emploi. Nous aurons au moins les deux pieds dans un domaine qui est clairement fédéral. Nous allons ensuite parler d'autre chose parce que j'aimerais tout de même faire appel à votre expertise. Toutefois, je vais traiter cela davantage comme un complément d'information. En effet, je me vois mal en train de dire aux provinces quoi faire en ajoutant des virgules et en mettant des points sur les i. Cela passerait moins bien.
Il est fort intéressant de voir qu'à trois reprises, on parle d'un meilleur soutien de l'assurance-emploi. Si je comprends bien, c'est pour permettre une sorte de formation continue. Des choix intelligents ont été faits par certains gouvernements au cours des 30 dernières années, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas dilapidé les fonds de leur programme d'assurance-emploi. Quand ils ont eu des surplus, ils se sont assis avec les gens des corps de métier pour déterminer quelles décisions intelligentes pouvaient être prises en termes de formation continue. Ici, malheureusement, nous ne disposons pas de ces outils. On a dilapidé les fonds et on nous fait croire que c'est déficitaire.
Pourriez-vous nous dire quel genre d'initiatives seraient les plus constructives pour votre profession dans le cas où on arriverait à recapitaliser ce programme de façon intelligente au cours des prochaines années?
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Ce que peut faire le gouvernement fédéral, c'est offrir cette flexibilité aux employeurs de toutes les régions. Dans le secteur des soins de longue durée, c'est probablement dans les régions rurales que la situation est la pire. Si vous voulez voir des travailleurs âgés, allez dans ces régions. C'est entre autres dû au fait que ces travailleurs sont si engagés dans leur communauté qu'ils ne peuvent tout simplement pas partir, et c'est là qu'on voit des travailleurs âgés de 70 ans. Je ne sais pas s'il y en a qui ont plus de 80 ans. Mais le mentorat est important. C'est ce qui donne de la valeur à votre expérience. C'est la même chose pour chacun de nous. Quand un employeur se débarrasse d'un employé après qu'il ait fourni 30 ans de service, c'est une honte. Il existe toutefois un moyen de faire le pont entre le travail et la retraite en contribuant à votre profession ou en aidant votre employeur, et c'est là qu'il y a un avantage.
Je sais que nous ne sommes pas ici pour discuter des problèmes de société, mais le fait est que les sexagénaires d'aujourd'hui sont les quadragénaires d'autrefois. Ça ne veut pas dire pour autant qu'ils se sentent comme des jeunes de 18 ans. Notre corps nous signale que nous devons ralentir et travailler moins. Il faut encore faire de l'exercice et dormir davantage, car vous n'avez plus 18 ou 25 ans; vous avez simplement la chance d'être un sexagénaire en bonne santé qui pourra travailler plus longtemps s'il prend soin de lui-même. Prendre soin de soi c'est aussi s'assurer de travailler dans un milieu de travail sain. C'est vrai pour tout le monde et encore plus pour les infirmiers et infirmières, puisque la charge de travail est lourde, que la demande persiste tous les jours, 24 heures sur 24, et qu'il faut traiter avec des patients.
Quand je fais mon travail d'infirmière, je ne rédige pas de rapport. Je ne peux pas dire non plus que si personne ne se présente au comité, nous terminerons la journée plus tôt. En votre qualité de chirurgienne, vous savez comme moi que lorsqu'un patient est dans un lit, il est très important de s'en occuper.
Oui, il peut s'agir de mentorat, d'emploi à temps partiel, et il faut aussi bien sûr voir comment c'est relié au régime de pension des gens, mais c'est une question qui relève surtout de la relation entre l'employé et l'employeur, et cette relation est très bien protégée dans le domaine des soins infirmiers.