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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 105e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, et tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis.
Je souhaite rappeler à tous les députés les points suivants.
Veuillez attendre que je vous reconnaisse par votre nom avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés par l'intermédiaire de la présidence. Mesdames et messieurs les députés, veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole, que vous participiez en personne ou via Zoom. Le greffier et moi-même allons gérer l'ordre des interventions du mieux possible.
Pour les invités qui participent par vidéoconférence, veuillez s'il vous plaît cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer, puis le mettre en sourdine lorsqu'un autre participant s'exprime.
En ce qui concerne les services d'interprétation pour les invités qui participent sur Zoom, vous avez le choix en bas de votre écran entre le parquet, l'anglais et le français.
Je vous remercie tous pour votre coopération.
Conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 17 septembre 2024, le Comité reprend son étude de la mission, le mandat, la fonction, la structure et le financement de la nouvelle organisation-cadre de financement de la recherche annoncée dans le budget de 2024.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir nos témoins. De la Fédération des cégeps, nous avons M. Sylvain Poirier, directeur adjoint de la recherche. De la University of Calgary, nous avons M. Edward McCauley, président et vice-chancelier. À l'écran, nous avons le plaisir d'accueillir M. Baljit Singh, vice-président, Recherche, à la University of Saskatchewan.
Chacun d'entre vous disposera de cinq minutes pour faire des remarques préliminaires, après quoi nous procéderons à une série de questions.
Monsieur Poirier, je vous invite à faire une déclaration préliminaire d'une durée maximale de cinq minutes.
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Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
[Français]
Je suis ravi de vous parler aujourd’hui au nom de la Fédération des cégeps, qui représente les 48 collèges publics du Québec.
Nos établissements accueillent 55 des 59 centres collégiaux de transfert de technologie, ou CCTT, 27 centres d’accès à la technologie, ou CAT, ainsi que de nombreuses unités de recherche disciplinaires et des centaines de chercheuses et de chercheurs.
Nous portons une recherche de qualité, soutenue par plus de 5 000 personnes chercheuses qualifiées travaillant dans des laboratoires de renommée mondiale.
Nous sommes heureux de constater que le gouvernement fédéral reconnaît l’importance de l’innovation pour la richesse et la compétitivité économique et technologique du Canada et qu’il s’engage à agir en ce sens.
Il est aujourd’hui amplement documenté que le Canada, malgré la qualité de notre recherche fondamentale, génère encore peu d’innovations. Cela se traduit par un recul de notre compétitivité par rapport aux pays les plus performants.
D’un côté, nous avons des universités qui produisent un flux constant de nouvelles connaissances, et, de l’autre, de nombreuses petites ou moyennes entreprises, ou PME, peinent à intégrer l’innovation dans leur culture d’entreprise et à entreprendre des activités de recherche-développement.
Ces PME, qui représentent 90 % de la main-d’œuvre du secteur privé, constituent la colonne vertébrale de notre économie. Il est donc primordial de prendre en compte cette réalité lorsque l’on compare nos programmes de soutien à la recherche et à l’innovation à ceux d’autres pays.
Les PME et les organismes à vocation technologique, sociale ou environnementale sont ancrés dans nos villes et villages, et ils alimentent nos économies locales. Cependant, ils manquent souvent de ressources pour se développer à l’international.
Il est essentiel d’établir un pont entre les universités et les PME ou les organismes afin de faciliter le transfert des avancées scientifiques vers le secteur des affaires. Ce pont existe déjà dans la recherche appliquée menée dans nos cégeps, nos collèges, nos instituts et nos centres de recherche.
Les PME et les organismes ont ainsi accès à un potentiel de recherche comparable aux capacités des grandes entreprises. Cependant, ce potentiel ne peut être pleinement exploité si nous continuons à financer cette recherche collégiale à hauteur de seulement 2,9 % des fonds de recherche.
Pour une PME ou un organisme local, la proximité de personnes chercheuses et de laboratoires spécialisés d'un collège, qui sont accessibles à un coût raisonnable, peut devenir l’assise sur laquelle sa croissance reposera. L’accès à l’expertise et aux installations pour réaliser des bancs d’essai, mettre à l’échelle des découvertes, améliorer des processus ou intégrer l’économie circulaire est un élément essentiel pour augmenter la performance et la productivité et pour élargir le marché occupé par les entreprises avec des retombées socioéconomiques et environnementales directes.
Nos cégeps, nos collèges et nos équipes de recherche sont présents partout sur le territoire. Ils travaillent déjà de pair avec les PME et les organismes locaux et régionaux. Ils forment la main-d’œuvre qui mettra en œuvre les nouvelles pratiques et technologies, tout en offrant des parcours où les étudiantes et les étudiants interagissent avec des équipes de recherche et des entreprises. La jeune génération participe alors activement à la recherche de solutions concrètes aux défis de société. Ainsi, l’émergence de l’intérêt pour des carrières scientifiques naît au sein de nos établissements.
Si le gouvernement met en place l’organisation-cadre, la Fédération des cégeps espère qu’elle adoptera une approche neutre, inclusive et axée sur les résultats et qu’elle aura le pouvoir de redistribuer le financement pour permettre à chaque acteur et actrice de la recherche-développement de jouer pleinement son rôle. Nous demandons également que le monde collégial soit représenté au sein de la direction proportionnellement à son apport en recherche.
En conclusion, seul un continuum de recherche, de développement, d'innovation et de commercialisation bien financé et efficace contribuera à la vitalité de nos régions, à la création d’emplois de qualité, à la prospérité du Canada et à une répartition plus équitable des richesses.
Je vous remercie de votre attention.
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Je tiens d'abord à vous remercier de votre invitation.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à ce comité parlementaire aujourd'hui.
[Traduction]
La University of Calgary est l'une des universités canadiennes les plus proactives en matière de recherche. Nous sommes l'université entrepreneuriale du Canada, ayant créé plus de 90 entreprises au cours des cinq dernières années, ce qui est plus que toute autre université au Canada au cours de cette période.
Nous avons l'un des taux de croissance les plus rapides en matière de financement de la recherche, avec 589 millions de dollars de revenus de recherche financés par des sources externes au cours de l'année écoulée. Le tiers de ce financement provient de l'industrie et de notre communauté, ce qui témoigne de la pertinence de nos recherches.
Nos chercheurs font constamment preuve d'excellence et de collaboration interdisciplinaire, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles notre financement externe continue de croître et c'est pourquoi la perspective de cette organisation-cadre de financement de la recherche est si passionnante.
La University of Calgary s'est félicitée des investissements renouvelés dans l'innovation et le talent, ainsi que du plan visant à créer un organisme de recherche de premier plan dans le budget 2024. Cet investissement fait suite à d'importants investissements historiques réalisés par les gouvernements précédents, tant conservateurs que libéraux, qui ont permis de construire l'excellent écosystème de recherche du Canada.
Lors de la création de cette organisation-cadre de financement, je vous invite à garder à l'esprit la définition courante d'une pierre faîtière. Dans la construction de notre architecture, il s'agit d'une pierre qui se trouve au sommet et qui ajoute de la force et protège la fonction des piliers en dessous. Si nous créons une organisation qui reflète véritablement la signification commune d'une pierre angulaire, nous aurons un meilleur écosystème de recherche au Canada qui prospérera, attirera des investissements et établira de nouveaux partenariats avec des secteurs du Canada et de l'étranger.
La mise en place d'une organisation de base qui accroît les synergies entre les organismes subventionnaires et comprend des structures de gouvernance soutenant la recherche interdisciplinaire et axée sur la mission constitue une amélioration considérable de l'écosystème de la recherche au Canada.
Alors que le gouvernement envisage la création de cette organisation-cadre de financement de la recherche, j'ai quatre demandes à formuler à l'intention du Comité.
Premièrement, établir une gouvernance qui maintienne un équilibre entre les disciplines scientifiques et intègre tous les acteurs de l'écosystème de la recherche. La mise en place d'une telle organisation-cadre reconnaît que la science n'est pas cloisonnée. Elle a le potentiel d'améliorer l'intégration et les processus entre les disciplines, de rationaliser l'accès aux partenariats internationaux et de fournir des ressources pour une recherche interdisciplinaire axée sur des missions pour le XXIe siècle.
Le Comité de coordination de la recherche au Canada, le CCRC, ainsi que le Secrétariat des programmes interorganismes à l'intention des établissements, ont permis de réaliser quelques progrès en matière de coordination, mais les résultats ont été limités. Ces deux entités ont encouragé la coordination, mais l'intégration sans gouvernance repose sur les relations pour progresser.
L'intégration est plus efficace lorsque la gouvernance l'exige. La nouvelle organisation-cadre de financement de la recherche doit donc se doter d'un mandat clair, de structures adéquates, et des ressources nécessaires pour faciliter l'intégration entre les organismes subventionnaires.
Deuxièmement, il convient d'harmoniser progressivement les processus entre les conseils, sans perturber les cycles de recherche pendant la transition ni perdre inutilement les cultures propres à chaque discipline. Une harmonisation saine des processus et des systèmes dans l'ensemble de l'écosystème de la recherche est une opportunité positive et, en fait, elle présente de nombreux avantages.
Troisièmement, maintenir l'indépendance politique des décisions de financement et l'engagement fondamental en faveur de la liberté académique, de l'évaluation par les pairs, et de la libre poursuite du savoir. Le soutien du gouvernement fédéral à la recherche au Canada repose sur un examen rigoureux et indépendant qui récompense les mérites des demandes et qui est considéré comme la meilleure pratique à l'échelle internationale. Maintenir cette indépendance politique pour la recherche spécifique à une discipline et la recherche axée sur une mission. Les décisions de financement doivent toujours être guidées par l'excellence scientifique, sur la base de candidatures concurrentielles et d'un examen par les pairs fondés sur le mérite.
Enfin, la recherche interdisciplinaire et axée sur une mission fondamentale devrait être financée par une nouvelle enveloppe, plutôt que par une redistribution des fonds des organismes subventionnaires existants. Cela permettra au Canada de se positionner au mieux pour être compétitif à l'échelle mondiale.
Je vous remercie pour votre temps.
[Français]
Merci de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mes idées aujourd'hui.
[Traduction]
J'attends vos questions avec impatience.
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Merci beaucoup, madame la présidente et les membres du Comité, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. En plus d'occuper le poste de vice-président, Recherche à la University of Saskatchewan, un institut d'enseignement supérieur et une entreprise de recherche qui existe depuis 117 ans, j'y suis également professeur de médecine vétérinaire.
J'ai eu le privilège d'être membre du Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche, communément appelé le comité Bouchard, qui a procédé à des vérifications et présenté un rapport au gouvernement du Canada en 2023.
Aujourd'hui, je me présente devant cette commission en tant que représentant de la University of Saskatchewan, mais je ferai référence aux conclusions du rapport du comité Bouchard dans mon témoignage et au cours de la discussion. Avant de parler de la création de cette fameuse organisation-cadre, je souhaite d'abord commenter le rapport lui-même.
Depuis la présentation du rapport, le gouvernement du Canada a pris un certain nombre de mesures, et je l'en remercie. La première et la plus importante sont l'investissement dans le financement de l'aide aux étudiants diplômés et aux boursiers postdoctoraux. Comme nous le savons, la ligne de vie de tout système d'innovation est constituée par les jeunes talents que nous développons à l'échelle nationale et par les meilleurs talents qui viennent du monde entier pour s'installer au Canada. Ils ne viendront pas au Canada si nous ne disposons pas d'un programme bien financé pour les soutenir.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral s'est également engagé à augmenter le financement des trois conseils dans notre pays afin que nos chercheurs puissent continuer à bénéficier des meilleures subventions pour mener à bien leurs travaux scientifiques.
Le dernier point que je soulèverai est que je suis à l'université de Saskatchewan, qui abrite deux des plus grandes installations de recherche du Canada, la première étant la Vaccine and Infectious Disease Organization, ou VIDO, qui a fait un travail louable pendant la pandémie pour protéger la santé des Canadiens, ainsi que le Centre canadien de rayonnement synchrotron, situé à Saskatoon. J'apprécie les mesures prises par le gouvernement du Canada pour créer le cadre des grandes installations de recherche afin de fournir un financement durable à certaines de nos installations de recherche les plus importantes et les plus reconnues à l'échelle mondiale dans notre pays. Il nous reste cependant beaucoup de travail à faire. Nous savons que le Canada souffre d'un déficit d'innovation et de productivité par rapport aux pays du G7 ou de l'OCDE lorsque nous nous mesurons à eux.
La proposition de création d'une organisation faîtière vise à combler certaines de ces lacunes en créant une coordination et une intégration très cohérentes entre les multiples composantes du système de recherche et d'innovation du Canada. Par exemple, l'organisation faîtière pourrait elle-même créer une meilleure coordination entre les trois conseils et d'autres acteurs du système d'innovation, tels que Mitacs et la Fondation canadienne pour l'innovation.
Cependant, je tiens également à rappeler que nous devons continuer à soutenir, protéger, préserver et améliorer les excellents mécanismes de financement de la recherche qui ont été créés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Conseil de recherches en sciences humaines, ainsi que par les Instituts de recherche en santé du Canada dans l'objectif de soutenir des programmes de recherche de renommée mondiale au sein du Canada.
Nous devons également prêter attention aux collèges et aux écoles polytechniques qui existent dans notre pays. Nous savons que les collèges, même s'ils sont petits, sont profondément liés aux besoins des communautés locales et ont une grande capacité à faire partie du système d'innovation pour soutenir les petites et moyennes entreprises dans les petites villes et les villages à travers le pays. Il est à espérer que l'organisation faîtière, une fois créée, s'efforcera d'intégrer les petites universités, les collèges et les écoles polytechniques dans le programme d'innovation du Canada.
Le dernier point que nous avons généralement entendu dans l'ensemble du système est que les organismes internationaux et le gouvernement ne savent parfois pas à quelle porte frapper lorsqu'ils cherchent à obtenir la participation du Canada à une recherche interdisciplinaire à grande échelle, axée sur une mission et ayant un impact mondial. La création d'une organisation de référence permettra aux scientifiques canadiens et au travail remarquable qu'ils accomplissent de faire partie de l'histoire mondiale et d'apporter une plus grande reconnaissance à notre pays.
Pour conclure, je pense que le moment est venu d'évoluer et de s'adapter en créant une organisation-cadre de référence afin que le système canadien de recherche et d'innovation puisse suivre le rythme des économies mondiales du G7 et du G20.
Merci beaucoup, madame la présidente.
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Cela devra être un processus hautement consultatif basé sur les besoins de notre pays et les investissements dont nous avons besoin dans le type de domaines dont nous avons besoin. Cela ne peut pas être déterminé de manière descendante. Les entreprises, par exemple, doivent y participer. Il faut la participation des institutions académiques. Il faut la participation de groupes tels que les Premières Nations, les Métis et les Inuits de notre pays. Cela dépend de ce que nous examinons, mais il faut un cadre intégré, solide et consultatif qui nous permette de cerner les secteurs dans lesquels le gouvernement du Canada compte effectuer des investissements.
Par exemple, si nous nous intéressons à la sécurité de l'eau dans notre pays, ainsi qu'à la manière dont nous utilisons l'eau pour l'expansion démographique, pour nos entreprises agroalimentaires et pour l'extraction des mines et des ressources, il faudra consulter l'ensemble des parties prenantes concernées et définir la mission de l'organisation-cadre.
Comme cela a été dit, le développement de ces missions ne sera rendu possible que grâce à une certaine indépendance par rapport au monde politique. Nous devons placer les aspects académiques et scientifiques, ainsi que les besoins de la société, au premier plan du développement de ces initiatives.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Bonjour à tous et merci de vos témoignages.
Je tiens plus particulièrement à saluer M. McCauley. Par souci de transparence, je dois vous dire que je suis un ancien de l'Université de Calgary et que j'y ai enseigné dans le programme de leadership et de développement pendant un certain temps. J'ai beaucoup d'admiration et de respect pour l'université et pour ce qu'elle fait.
Le fait d'être libre de toute ingérence politique est l'une de vos quatre recommandations. Dr Singh vient également d'en parler.
J'ai préparé quelques questions dans l'avion qui m'amenait ici. Il arrive que les vols de Sydney à Toronto puis vers Ottawa soient retardés ou annulés, ce qui donne beaucoup de temps pour réfléchir. Je regardais un film — Ted Lasso — en préparant mes questions. Ted Lasso a cité Walt Whitman en disant que nous devons porter moins de jugements et être plus curieux.
À mon avis, cela est lié à l'indépendance. Que nous ayons un gouvernement de gauche, un gouvernement centriste ou un gouvernement de droite, la recherche doit être libre de toute ingérence politique. Il peut être tentant d'intervenir, même pour moi. Parfois, j'examine des projets de recherche et je me dis: « Mon Dieu, c'est ésotérique. Mon Dieu, quelle est la pertinence de tout cela? »
Je pense à des chercheurs comme Geoffrey Hinton, un pionnier de l'intelligence artificielle. Je suppose que si nous l'invitions, il nous dirait qu'au début, les gens se posaient beaucoup de questions au sujet des recherches qu'il effectuait dans le domaine de l'intelligence artificielle. Il pourrait en être de même pour un autre chercheur dans le domaine des technologies de pointe. Nous devons donc faire attention.
Dans ce contexte, pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est si important que les politiciens et les partis politiques — parce que nous exerçons une certaine surveillance — se concentrent sur ce qui les concerne et respectent les institutions qui font de la recherche?
Le marché des idées est mondial, et ce marché est concurrentiel. Le Canada a beaucoup de chance. Partout au pays, nous comptons un grand nombre de chercheurs qui ont acquis leurs compétences dans les cégeps, les écoles polytechniques, les collèges et les universités et qui améliorent leurs capacités à créer ces idées.
Je pense que l'organisation-cadre nous donnera l'excellente occasion de cerner certains des grands problèmes très complexes que le Canada doit résoudre pour améliorer la qualité de vie et la productivité. La solution à ces problèmes nécessitera très souvent la contribution de diverses disciplines et de gens qui ont complété différentes formations.
Les gens qui ont été formés au Canada ont un esprit critique. Ils ont ce trait commun. Je le répète, les idées sont en concurrence avec d'autres idées sur la scène mondiale. Il est essentiel que nos chercheurs puissent penser librement et aient la capacité de trouver une idée qui peut sembler inusitée pour un parti ou un autre, de la mettre à l'essai et la faire progresser dans le contexte mondial.
Nous avons besoin de cette vaste génération de penseurs critiques, de personnes qui sont prêtes à tenir des débats respectueux sur toutes les idées. Or, l'ingérence politique y fait obstacle, parce que certaines voix finissent par ne pas être entendues autant que d'autres. Je pense que si nous voulons aller de l'avant, toutes les voix doivent être entendues.
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Merci, madame la présidente.
Je salue les témoins qui sont ici pour participer à notre étude.
Monsieur Poirier, vous avez bien mis en perspective l'importance des collèges et des cégeps au Québec, et vous avez donné plusieurs chiffres. Je suis fier qu'il y ait un cégep dans ma circonscription, soit le Cégep de Rimouski, qui possède un site de formation au Témiscouata.
J'aimerais revenir sur votre allocution, plus précisément sur l'approche de la nouvelle organisation-cadre de financement de la recherche. Vous avez dit que celle-ci devait être neutre et inclusive et qu'elle devait avoir le pouvoir de redistribuer les fonds. Enfin, vous avez parlé de la représentation collégiale.
Pour commencer, j'aimerais que vous nous parliez de la représentation.
Que demandez-vous concrètement? Quelles sont vos attentes envers le gouvernement fédéral concernant la composition de la nouvelle organisation-cadre de financement de la recherche?
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Je pense que le Comité de consultation qui a mené l'étude a mis le doigt sur le bon problème, mais qu'il y avait un manque de vision globale quant à la mise en place de solutions qui couvriraient l'ensemble du continuum que j'ai décrit.
Nous aurions effectivement souhaité que notre voix soit plus présente ou plus active au sein du Comité consultatif et au sein de tous les comités et organismes. C'est la même chose pour ce qui est des fonds de financement, de la Fondation canadienne pour l'innovation et de Mitacs.
Chaque fois qu'on parle de financement et d'avancement de la recherche, la voix des collèges devrait être présente et être entendue. Les collèges ne devraient pas prendre toute la place, mais ils devraient jouer le rôle qui leur revient, soit de faire le pont entre la recherche fondamentale et l'innovation dans les entreprises.
Il y a des collèges partout, à la grandeur du territoire, et ils sont déjà en lien avec les entreprises. Ils peuvent donc jouer ce rôle.
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Merci à tous de votre présence aujourd'hui.
Comme l'a dit M. McCauley, il est très enthousiasmant de pouvoir parler d'une nouvelle façon de financer la science au Canada; nouvelle façon qui, je l'espère, sera plus efficace.
Je m'adresse à vous, monsieur McCauley. J'aimerais que vous nous en disiez plus sur quelques-uns des quatre points que vous avez mentionnés, surtout sur la gouvernance, parce que je pense que c'est essentiel, et ce, dès le départ.
Vous avez dit que tous les secteurs et tous les acteurs devraient avoir voix au chapitre. Comment y arriver? Nous devrons peut-être équilibrer la taille d'un conseil d'administration, par exemple. Comment faire en sorte que ces voix soient entendues? La principale préoccupation évoquée par certains groupes était qu'ils avaient l'impression — peu importe qui ils étaient — qu'on ne les écoutait pas dans le système précédent; ils veulent donc faire partie de ce nouvel organisme.
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Il sera très important de se doter de la structure adéquate pour soutenir les piliers auxquels je faisais allusion. Je suis sûr que le gouvernement, lors des consultations, a obtenu des renseignements de toutes les sources possibles à propos de ce à quoi cette structure devrait ressembler. Je ne saurais dire où en est le gouvernement à l'heure actuelle quant à la définition de cette structure.
Si j'ai bien compris, l'organisation-cadre aurait, entre autres, un directeur général et un conseil d'administration. Comme tout groupe qui fonctionne bien, le conseil d'administration serait composé de représentants de l'ensemble de l'écosystème de la recherche, qui est très vaste et très important au Canada. Il serait diversifié et sa structure de gouvernance lui permettrait d'obtenir des renseignements de ceux qui créent les nouvelles connaissances et apportent des solutions aux problèmes. Il sera très important d'obtenir la rétroaction des chercheurs de partout au pays qui proviennent des différentes parties de l'écosystème de la recherche.
L'information devrait se rendre jusqu'à l'organisation-cadre pour que l'on discute ensuite, dans le cadre des décisions stratégiques et des activités de gouvernance, d'idées de recherche axée sur une mission. J'espère aussi que l'on se tournera vers la collectivité pour voir si elle peut contribuer à la résolution de problèmes.
Nous avons entendu les représentants de nombreuses universités, et la plupart d'entre eux — qu'il s'agisse de chercheurs, de présidents ou de spécialistes — veulent plus d'argent. Leurs besoins sont criants. Il n'y a pas que les deux millions de Canadiens qui recourent aux banques alimentaires qui ont des besoins criants; les universités ont elles aussi des besoins criants, en matière de recherche. Nous sommes très favorables à une approche non partisane dans le choix des sujets de recherche. Cela dit, un gouvernement doit faire des choix; il doit choisir dans quoi il investit et où il investit.
Les trois associations et universités ont un département sur le changement climatique, et j'ai ici une liste de quelques investissements réalisés par Environnement et Changement climatique Canada. Je ne peux tout simplement pas penser que les gouvernements choisissent des gagnants et des perdants. En ce qui concerne cette liste d'investissements, je voudrais souligner que si nous avons la chance de former le gouvernement, nous allons présenter une loi selon laquelle chaque nouvelle dépense proposée — par exemple dans le domaine de la recherche — devra être assortie d'un dollar d'économies.
Je vais énumérer quelques projets proposés par Environnement et Changement climatique Canada. Vous pouvez intervenir à tout moment si vous croyez qu'un projet donné ne devrait pas être réalisé. Le cas échéant, nous renoncerions à réinvestir des fonds dans ces établissements.
Le premier investissement concerne Iron Ore Canada. Il s'agit d'un investissement de 18 125 000 $ pour la décarbonisation du processus de fabrication de l'acier ferreux afin de réduire la consommation de carburant et d'améliorer l'efficacité énergétique. Rio Tinto détient 58 % des parts de cette société. Le total de ses actifs s'élève à 103 milliards de dollars, mais les contribuables canadiens lui ont versé 18 millions de dollars. Une fois de plus, Environnement et Changement climatique Canada a versé une aide à une entreprise parasite, plutôt qu'aux universités.
Une autre société est Glencore Canada Corporation. Environnement et Changement climatique Canada — encore une fois — a investi 10 millions de dollars pour les minéraux critiques et la conversion de l'activité minière en électricité. Cette entreprise avait des capitaux qui s'élevaient à 38 milliards de dollars américains en 2023, et nous lui donnons 10 millions de dollars.
Vient ensuite un investissement de 3,2 millions de dollars accordé à Copper Mountain Mine. Le principe est le même: une fois de plus, une organisation à but lucratif reçoit des fonds qui pourraient être réorientés vers la recherche dans les universités.
FCA Canada Inc. reçoit 2,4 millions de dollars. Cette entreprise est à Toronto. Encore une fois, Environnement et Changement climatique Canada lui attribue ce financement.
Il y en a d'autres. Un investissement de 2,2 millions de dollars pour le projet de carboneutralité de l'usine de moulage d'Etobicoke. Nous...
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous ceux qui sont ici — et je salue M. Bouchard, qui témoignera dans la deuxième partie — pour le travail que vous accomplissez sur le plan de la gouvernance.
Je pense que l'honorable député d'en face a souligné l'importance de l'examen par les pairs dans le domaine de la recherche.
La semaine dernière, nous avions une liste semblable, et il a notamment été question de la thérapie musicale pour améliorer la santé mentale et l'éducation. Ce matin, j'ai rencontré Parkinson Canada, ainsi que des chercheurs et des cliniciens de partout au Canada.
Il se fait de l'excellent travail en Alberta, monsieur McCauley.
Les groupes de témoins de ce matin ont formulé des recommandations surprenantes. On examine le traitement de la maladie de Parkinson au Canada en mettant fortement l'accent sur les aspects physiques de cette maladie. Il a notamment été question de la thérapie musicale pour les patients. L'un des patients présents a indiqué que l'une de ses meilleures thérapies consistait à chanter les chansons de Kenny Rogers. Il a pu choisir ses chansons, ce qui l'a aidé avec sa voix, qui faiblissait en raison des symptômes de la maladie de Parkinson.
Une autre personne a dit que nous devons lutter contre la maladie de Parkinson en faisant appel à une famille de soutien pour faire participer non seulement le patient, mais aussi le fournisseur de soins. Les témoins ont dit que les services sociaux doivent participer à la recherche et que les thérapeutes sont soutenus par des familles qui s'occupent de divers aspects sociaux.
Nous avons entendu parler de l'importance de la recherche interdisciplinaire, non seulement de la part de neurologues, mais aussi de personnes qui améliorent la qualité de vie des patients atteints de la maladie de Parkinson — à titre d'exemple.
Monsieur McCauley, pourriez-vous nous parler de l'approche interdisciplinaire et de la façon dont certaines recherches, qui peuvent sembler disparates, pourraient être combinées dans une approche interdisciplinaire?
À l'Université de Calgary, nous avons la chance d'avoir le Hotchkiss Brain Institute, issu d'un investissement majeur de la communauté universitaire pour faire progresser la recherche en neuroscience.
Les maladies que vous venez d'évoquer sont atroces. Pendant que dans le domaine des neurosciences, nous découvrons les causes biologiques qui provoquent ces résultats, nous devons examiner de nombreuses solutions pour atténuer les difficultés qui y sont associées pour le patient et sa famille.
L'élément clé, c'est l'approche fondée sur des données probantes ou les idées examinées par les pairs qui pourrait être utiles dans ce domaine. On présente des idées, les met à l'essai sur place — les testant dans les hôpitaux et avec les familles pour faire avancer les choses — pour retenir ensuite celles qui donnent les meilleurs résultats.
Pendant que nous découvrons certaines causes profondes et certaines des meilleures thérapies, l'important, ici encore, c'est l'approche multidisciplinaire consistant à intégrer les divers éléments de l'environnement dans lequel se trouve le patient, comme les antécédents de la personne tout au long de sa vie, ce à quoi elle a été exposée et ce genre de facteurs. Tout cela nécessite l'intégration de l'information provenant des sciences sociales, ainsi que des relations familiales et d'autres éléments.
Encore une fois, il s'agit de rassembler ces renseignements pour trouver des thérapies efficaces qui sont mises à l'essai.
Quelle joie de penser que nous sommes sur le point de pouvoir agir plus efficacement grâce à votre travail et à celui du Dr Singh.
Nous avons eu plusieurs conversations au fil des ans au sujet de la médecine vétérinaire et de l'éventail de collèges et d'universités qui travaillent de concert dans ce domaine au Canada. Bien entendu, l'Université de Guelph participe à ces échanges, tout comme le Collège Olds, en Alberta, et l'Île‑du‑Prince‑Édouard. La Saskatchewan y participe aussi, bien entendu.
En ce qui concerne les nouvelles approches en matière de santé végétale et animale, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l'importance de pouvoir établir un lien avec l'examen international par les pairs et de pouvoir fournir de tels examens?
J'ai eu la chance d'étudier à Guelph, de travailler au collège vétérinaire de l'Île‑du‑Prince‑Édouard et d'être doyen au collège de l'Université de Calgary, puis en Saskatchewan. Ce sont d'excellents établissements répartis dans tout le pays.
Le processus d'examen par les pairs que nous entreprenons pour comprendre la santé animale et ses liens avec la santé des plantes, la santé environnementale ou la santé humaine réunies sous la rubrique « Une seule santé » regroupe vraiment de nombreuses disciplines. Si nous devons procéder à un examen par les pairs de ce niveau de science complexe, nous avons également besoin de groupes internationaux d'examen par les pairs.
Le système canadien d'examen par les pairs se compare aux meilleurs du monde entier, qu'il s'agisse de ceux des Allemands, des Britanniques ou des Américains. Nous participons aux activités d'organismes internationaux d'examen par les pairs, en y envoyant des scientifiques canadiens et invitant des scientifiques d'autres pays à travailler avec nous.
Je donnerai l'exemple d'un programme de collaboration entre le conseil scientifique allemand et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada pour financer la formation des étudiants diplômés dans des domaines très interdisciplinaires. C'est là que les systèmes d'examen par les pairs allemands et canadiens travaillent ensemble pour prendre des décisions au sujet de projets de subvention.
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Poirier, au gouvernement fédéral, il y a eu le rapport Bouchard, mais le Québec a également eu son rapport Bouchard, dont les auteurs sont l'éminent Guy Rocher et le sociologue Jacques Bouchard. Dans ce rapport, publié en 2021, ils reconnaissaient les cégeps comme des institutions clés pour soutenir le Québec dans ses objectifs liés à l'accès à l'éducation, au développement régional, à la formation technique et à l'adaptation aux défis modernes.
Cette constatation est très importante. Dans votre allocution, vous mentionnez des chiffres éloquents et vous soulignez, vous aussi, la pertinence des cégeps dans l'ensemble du Québec. Vous y précisez que le gouvernement fédéral accorde aux cégeps, aux collèges et aux écoles polytechniques un peu plus de 2 % du budget. Si j'accorde 2 % de mon budget à quelque chose, ça veut dire que je n'y accorde pas grand-chose.
J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet. Iriez-vous jusqu'à recommander qu'il y ait une part minimale de 10 % du financement de la recherche en enseignement supérieur qui soit consacrée au secteur collégial, principalement aux fins de réalisation de la recherche appliquée, et que ce financement soit pérenne et prévisible?
J'aimerais avoir votre opinion sur l'importance de ce soutien.
Non seulement nous demandons qu'il y ait un pourcentage considérablement plus élevé qui soit alloué à la recherche appliquée, mais également qu'une bonne partie des programmes de recherche appliquée soient principalement attribués et gérés en milieu collégial. Celui-ci peut et va, on le sait, collaborer avec les universités. Cependant, on change le paradigme en finançant le collégial, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir une poussée scientifique — selon les termes du marketing —, on a les impératifs du marché.
On se retrouve donc avec les besoins du milieu qui justifient l'investissement en recherche et qui appellent l'investissement en recherche. Je parle bien d'investissement en recherche, parce que, l'argent qui est investi en recherche dans les collèges, c'est de l'argent qui rapporte. D'ailleurs, il y a de nombreuses études qui le prouvent.
Je vais poursuivre avec M. McCauley.
Une fois encore, j'essaie de savoir ce que nous avons tenté de faire dans le passé au Canada afin de coordonner la recherche et son financement. Au Canada, il y a le Comité de coordination de la recherche au Canada et d'autres organismes.
Avez-vous des exemples de doléances parmi les chercheurs qui ont essayé de lancer des projets de collaboration qui auraient pu être mieux organisés sur les plans du financement et de l'orientation? En quoi la coordination pourrait-elle être utile à cet égard?
:
Votre temps est écoulé.
Je remercie tous les témoins — Sylvain Poirier, Edward McCauley et le Dr Baljit Singh — de leurs témoignages et de leur participation à cette étude du Comité.
Si vous avez d'autres observations à formuler, vous pouvez les transmettre par écrit au greffier. Nous sommes toujours heureux de recevoir de tels apports.
Nous allons maintenant suspendre brièvement la séance pour permettre à nos témoins de partir, puis nous reprendrons nos travaux avec notre deuxième groupe de témoins.
Je sais que nous sommes tous très impatients d'entendre notre prochain groupe de témoins. Commençons donc sans tarder.
J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à Frédéric Bouchard, doyen de la Faculté des arts et des sciences de l'Université de Montréal, qui témoigne à titre personnel, ainsi qu'à Sylvain Charbonneau, président-directeur général de la Fondation canadienne pour l'innovation.
Vous disposerez d'un maximum de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
Monsieur Bouchard, je vous invite à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
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Merci, madame la présidente.
Chers députés, j'ai eu le privilège de présider le Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche. Je profite de cette occasion pour remercier mes collègues de ce comité et pour préciser que, même si mon propos est fait à la lumière de notre rapport, mon témoignage est offert aujourd'hui à titre personnel.
Nous avons présenté notre rapport en début d'année 2023, et plusieurs de nos recommandations se sont traduites en diverses mesures dans le budget fédéral de 2024.
Permettez-moi de souligner avec reconnaissance l'augmentation de la valeur des bourses pour les étudiants-chercheurs, l'augmentation des budgets des conseils subventionnaires et la création d'une organisation-cadre, qui fait l'objet de votre étude.
La recherche et l'innovation ne sont pas des passe-temps de luxe des sociétés avancées. Elles sont, en fait, les conditions nécessaires de notre épanouissement collectif. Ces mesures budgétaires sont donc cruciales pour garantir le bien-être, la prospérité et la sécurité de nos communautés.
Voici maintenant l'une des nombreuses raisons pour lesquelles il est urgent de redynamiser le système fédéral de soutien à la recherche. En 2026, le Canada, les États‑Unis et le Mexique réexamineront leur accord de libre-échange, soit l'Accord Canada—États‑Unis—Mexique, ou ACEUM. Il sera essentiel pour le Canada d'expliquer comment il est un partenaire stratégique dans différents secteurs d'activité. Or, la recherche scientifique est un pilier fondamental de la stratégie de croissance des États‑Unis.
[Traduction]
Les États-Unis ont récemment adopté la CHIPS and Science Act, injectant environ 280 milliards de dollars américains, et l'Inflation Reduction Act, avec environ 800 milliards de dollars américains en dépenses autorisées. Ces politiques visent à ramener les activités de fabrication de pointe et à rétablir la prééminence scientifique aux États-Unis. De façon plus générale, cette ambition renouvelée soutient l'ensemble de la filière du savoir, de la science fondamentale aux sciences appliquées, en passant par l'innovation, la commercialisation et la sécurité nationale. Les investissements substantiels renforcent la National Science Foundation, les National Institutes of Health, la NASA et d'autres organisations. À cela s'ajoute un accroissement du soutien public et privé à la recherche en sciences humaines et sociales dans divers organismes pour permettre aux États-Unis d'avoir accès au meilleur capital humain disponible. Pour dire les choses simplement, comme d'autres pays ambitieux, les États-Unis misent sur le talent, la recherche et l'innovation pour assurer leur bien-être, leur prospérité et leur sécurité futurs.
Quelle importance le secteur canadien des sciences revêt‑il pour le secteur scientifique américain? Selon les données de coauteurs scientifiques, le Canada est le troisième partenaire international du secteur scientifique américain, tous domaines confondus. Compte tenu de la taille du Canada, une troisième position n'est pas mal, mais nous étions au premier rang jusqu'en 1995 environ.
Comme l'ont démontré les rapports Naylor et Bouchard, il y a bien des raisons d'accélérer la course aux talents et aux idées. Je mettrai l'accent sur l'une d'elles: le Canada doit investir dans la recherche et l'innovation pour s'assurer de demeurer un partenaire prioritaire et d'éviter de devenir une économie vassale qui succomberait à un exode des cerveaux.
[Français]
Afin de répondre aux défis émergents et de profiter d'occasions inédites, nous avons recommandé la création d'une organisation-cadre qui soutiendrait la recherche interdisciplinaire orientée selon des missions ainsi que les collaborations internationales. Cela permettrait par ailleurs aux conseils subventionnaires de redoubler leurs efforts envers le soutien de la recherche non orientée, une recherche qui est essentielle à la découverte et à la formation des talents.
[Traduction]
Comment cet organisme fonctionnerait‑il? Eh bien, il pourrait par exemple lancer des appels de financement axés sur une mission pour effectuer de la recherche sur les matériaux avancés avec des partenaires soutenus par les États-Unis. De tels appels de financement pourraient exiger une composante interdisciplinaire pour faire en sorte que les idées éthiques et politiques propulsent les développements technologiques, en plus de soutenir de nouveaux partenariats entre les universités et l'industrie au Canada. D'autres appels de financement pourraient porter, par exemple, sur la désinformation, la cybersécurité et des projets de démocratie avec des ONG, l'Europe, les États-Unis, d'autres alliés clés et divers acteurs.
J'ai toutefois une mise en garde à faire. Dans le cadre de ce travail, nous devons veiller à ne jamais agir au détriment de l'excellence des recherches menées à l'initiative de chercheurs. Ces travaux sont à la base de la formation des talents, de l'excellence en recherche, de l'innovation et de la diplomatie scientifique avec les États-Unis et d'autres alliés. C'est vrai pour un étudiant de deuxième cycle en histoire comme pour un titulaire de prix Nobel de physique.
N'oublions jamais que les sociétés qui se montrent ambitieuses pour leurs entreprises de recherche prospèrent, tandis que celles qui ne le sont pas périclitent.
[Français]
Nous espérons vivement que vos travaux aideront le pays à élargir ses ambitions pour le savoir.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Bonjour à toutes et à tous.
Merci de m'avoir invité.
C'est la première fois que j'ai l'occasion de comparaître devant un comité permanent depuis que je suis devenu président-directeur général de la Fondation canadienne pour l'innovation, ou FCI, il y a de cela seulement quelques semaines.
La FCI investit dans des laboratoires, de l'équipement et d'autres infrastructures de pointe dans les universités, les collèges et les hôpitaux de recherche. Elle est aujourd'hui un élément essentiel dans l'écosystème de recherche du Canada.
[Traduction]
Notre mandat unique nous permet de soutenir les idées audacieuses des chercheurs et des innovateurs. Nous sommes également un lien vital entre le monde de l’enseignement postsecondaire et le secteur privé en vue d’offrir des bénéfices tangibles à la population canadienne. Nous appuyons la création du nouvel organisme-cadre. Cette initiative offre une précieuse occasion de mobiliser les forces de tous les acteurs dans l’écosystème de recherche.
Aujourd'hui, nous formulons trois recommandations. Premièrement, nous recommandons de maintenir le statut et le mandat indépendants de la FCI. Deuxièmement, nous recommandons d'inclure une représentation des intérêts et des points de vue en matière d'infrastructure de recherche dans la gestion des investissements fédéraux en recherche. Troisièmement, nous recommandons de préserver le rigoureux processus d'évaluation du mérite de la FCI aux fins de financement.
Permettez-moi de vous en dire plus sur ces recommandations. Tout d'abord, nous recommandons de maintenir le statut et le mandat actuels de la FCI. Cette dernière est une organisation indépendante dotée d'un modèle de financement fédéral-provincial unique en son genre. En 27 ans, ce modèle nous a permis de transformer le financement fédéral de plus de 10 milliards de dollars en un investissement de plus de 25 milliards de dollars dans les infrastructures de pointe. Le succès de ce programme permet au Canada d’atteindre ses objectifs et de respecter ses priorités en matière de recherche.
Notre deuxième recommandation, c'est que la gestion du financement fédéral de la recherche comprenne des représentants possédant une connaissance approfondie des infrastructures de recherche pour que leur point de vue soit pris en compte dans les activités de l'organisation-cadre. Forte de sa propre expertise en matière d'infrastructure de recherche, la FCI est également prête à collaborer avec l'organisation-cadre pour contribuer à l'élaboration d'une feuille de route exhaustive en matière de recherche au Canada. Nous sommes bien placés pour déterminer les domaines qui sont mûrs pour l'exploration et l'innovation en misant sur la capacité d'infrastructure existante.
Enfin, j’aimerais souligner l'importance de maintenir un processus d'évaluation rigoureux. À titre de gestionnaires de fonds publics, nous devons fonder nos processus sur l’excellence, la pertinence et les retombées de nos investissements, et démontrer notre valeur aux Canadiens. Permettez-moi de vous donner quelques exemples de la façon dont nos investissements se traduisent en résultats concrets.
La FCI a investi 35 millions de dollars dans des équipements de pointe qui ont permis à un virologue de l'Université de l'Alberta de mettre au point un vaccin contre l'hépatite C — une maladie qui coûte au système de santé plus de 160 millions de dollars chaque année. Quant à l'industrie viticole du Niagara, qui a fait un apport de plus d'un milliard de dollars au PIB canadien en 2019, elle a bénéficié des mises à l’essai de processus et de produits réalisées dans les laboratoires financés par la FCI dans des collèges et des universités du Sud de l'Ontario.
[Français]
J'aimerais également mentionner Chantiers Chibougamau, une entreprise de bois d'œuvre au Québec qui a mis à profit les travaux de recherche menés dans une installation financée par la FCI pour créer une nouvelle gamme de produits de bois d'ingénierie, ce qui a ainsi créé 250 nouveaux emplois dans la collectivité.
[Traduction]
En Saskatchewan, l’Organisme de recherche sur les vaccins et les maladies infectieuses continue d'innover dans la recherche sur les maladies infectieuses et le développement de vaccins pour l'humain et l'animal.
Nos investissements aident également les petites et moyennes entreprises en leur permettant d'avoir accès à de l'expertise et à des équipements de pointe pour trouver des solutions d’affaires
[Français]
Il est aussi important de mentionner que, chaque année, 25 000 étudiants et stagiaires postdoctoraux travaillent avec des leaders en recherche en acquérant une expérience pratique dans les laboratoires que nous finançons.
L'apprentissage expérientiel offert dans ces installations de recherche favorise l'esprit d'entreprise qui permet à la nouvelle génération d'innover et de contribuer à l'économie.
[Traduction]
En résumé, j’invite le Comité à prendre nos recommandations en compte dans la rédaction de son rapport sur la nouvelle organisation-cadre. En maintenant notre statut actuel, en assurant la représentation de l’expertise en matière d'infrastructure et en conservant notre processus d'évaluation, nous pouvons renforcer l'écosystème de la recherche du Canada et continuer d’offrir de remarquables bénéfices au Canada.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je m'adresserai d'abord à M. Bouchard.
Dans votre témoignage, vous avez parlé de l'ACEUM, de l'importance d'être un partenaire, de ce que les États-Unis cherchent chez d'autres partenaires commerciaux et de la façon dont le Canada est stratégique dans le cadre de ses recherches. Je suis entièrement d'accord. Nos dépenses de recherche témoignent de nos intentions dans le monde entier. Nous devons nous assurer d'investir dans des recherches pratiques et concrètes. Certains projets peuvent être fondateurs, tendre vers un objectif, mais il s'effectue d'autres recherches au Canada.
Alors que vous pensez au déroulement de la renégociation de l'ACEUM et à la manière dont nous faisons de la recherche et des investissements stratégiques, je souligne que l'Université McMaster, forte d'un financement de 17 500 $, a lancé le projet sur les superhéros, le sacrifice et le salut pour aborder les thèmes de la rédemption dans les bandes dessinées modernes. Voilà où nous investissons stratégiquement au Canada.
Pendant ce temps, il s'effectue d'autres investissements. Cela ne devrait pas être comique, mais il s'agit d'investissements dans le domaine des bandes dessinées.
Nous avons également investi 17 000 $ dans un autre projet comparant Batman et Superman pour analyser les visions du paysage urbain américain dans les romans graphiques contemporains. Ce projet est une initiative de l'Université de la Colombie-Britannique.
Sachez que, plus tôt cette année, le Vancouver Suna publié un article indiquant que les superlaboratoires de la Colombie-Britannique produisent du fentanyl pour les marchés intérieurs et extérieurs, mais qu'il demeure difficile d'inculper les suspects. C'est ce que le Vancouver Sun rapportait le 21 octobre.
Nous investissons dans un projet de recherche sur Batman et Superman en y engloutissant 17 000 $, alors que les fonds pourraient être investis dans la recherche sur, espérons‑le, la réduction de la criminalité. Ce serait un investissement stratégique pour notre pays, mais ce n'est pas ce qu'on fait.
J'ai un dernier projet à mentionner, puis j'écouterai ce que vous avez à dire sur ces trois projets. L'Université McMaster a reçu un financement de 17 000 $ pour un projet portant sur l'histoire de la magie afin d'étudier l'importance de l'histoire et de la mémoire dans Harry Potter.
Peut-être savez-vous que CBC a révélé que Hamilton est devenue la dernière ville ontarienne à déclarer l'état d'urgence à cause de l'itinérance et d'autres crises.
Vous avez de l'argent pour financer une étude sur Harry Potter dans une communauté qui, selon CBC, a déclaré l'état d'urgence en raison de l'itinérance. Ne pensez-vous pas que, stratégiquement, nous pourrions investir dans de meilleurs projets?
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La plus grande part de ces fonds sont affectés au soutien des étudiants aux études supérieures. Ils aident financièrement des étudiants qui veulent acquérir des compétences en communication, en pensée critique et en création. Ce sont toutes des compétences transférables. La preuve...
Je ne connais pas ces projets en particulier, mais lorsque l'entreprise de jeux vidéo Ubisoft a établi un studio à Montréal, une des premières choses que j'ai faites a été d'embaucher des diplômés en histoire médiévale pour mettre au point un des jeux de la série Assassin's Creed. Batman appartient à l'univers des studios DC. Je ne dis pas que des diplômés seront forcément recrutés par Marvel. Je souligne que leur expertise est recherchée dans le secteur des médias. La même chose s'applique à Harry Potter.
Encore une fois, au‑delà du contenu des projets, dont la valeur commerciale est de toute façon avérée — et même si elle ne l'était pas —, le Canada compte de bons programmes de formation des talents. Je percevrais ces projets...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci, monsieur Bouchard, d'avoir répondu si efficacement aux questions de M. Tochor.
Nous pourrions peut-être à présent revenir au sujet à l'ordre du jour. Je pense que nous comprenons le concept. Une organisation-cadre est une organisation centrale soutenue par des piliers visant à coordonner les activités de recherche particulièrement dans le cadre de recherches collaboratives internationales ou axées sur une mission.
Cela étant dit, j'aimerais vraiment obtenir votre opinion sur la structure que devrait avoir cette organisation centrale. Nous avons parlé un peu tout à l'heure du conseil d'administration de l'organisation-cadre — qui serait évidemment multidisciplinaire. Les demandes de financement seraient annoncées seulement après l'examen approfondi des projets par l'organisation. Qu'adviendrait‑il alors des trois organismes subventionnaires? Je ne comprends pas très bien cette structure. Continueront-ils de recevoir des demandes de financement pour la recherche? Des mécanismes seront-ils en place pour faire connaître aux candidats et aux chercheurs les priorités de l'organisation-cadre pour qu'ils s'efforcent à l'avenir de faire cadrer leurs projets avec ces priorités? Y aura‑t‑il deux trajectoires pour les activités de recherche, ce qui nécessitera le maintien du conseil d'administration et du président de chacun des trois organismes? À première vue, cela ressemble à une duplication.
Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet?
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Tout d'abord, la question précédente était tout à fait légitime. Elle ne m'a pas du tout désarçonné. Ce sont des questions importantes qui portent sur les principes du financement de la recherche.
Je voulais seulement clarifier ce point.
Tout d'abord, à propos de la structure, le meilleur modèle est le modèle de l'organisme britannique United Kingdom Research and Innovation, ou UKRI. Le Royaume-Uni a effectué une restructuration qui s'est soldée par la mise en place de cette organisation-cadre qui chapeaute l'équivalent de nos trois organismes subventionnaires. Ces organismes traitent encore la plupart des appels de recherche dirigés par les chercheurs. Je ne peux pas affirmer que ce sont seulement des sciences pures parce que ce ne serait pas exact. Je parlerais plutôt de recherche fondamentale et de recherche appliquée parce que cette catégorisation se rapproche davantage de la structuration verticale des disciplines. C'est d'ailleurs ce que préconise l'UKRI.
Dès que la recherche devient internationale ou axée sur une mission, le dossier est traité à un autre niveau que celui des trois organismes. Une des raisons pour lesquelles... Prenons le pipeline de l'innovation. Je vais utiliser la notion de niveaux de maturité technologique parce que c'est l'échelle employée par la NASA, dans le secteur aéronautique et dans la plupart des activités de commercialisation. Les projets dont les niveaux de maturité technologique sont relativement bas — de 1 à 3 — se rapprochent de la recherche fondamentale ou des sciences pures. Le financement de ces projets sera probablement versé par les organismes subventionnaires. Dès que des projets arrivent à maturité et se rapprochent du stade de la commercialisation, le cas échéant, il faut, pour déployer un produit, une technologie ou un vaccin, tenir compte des aspects sociaux, technologiques et de santé. Le projet doit donc acquérir une dimension interdisciplinaire et transcender les organismes subventionnaires.
Ne concluons pas pour autant que tous les projets pris en charge par les organismes subventionnaires seront transférés à l'organisation-cadre. Une bonne partie de la recherche fondamentale... Nous avons parlé de Jeff Hinton. Les travaux de Yoshua Bengio, professeur à l'Université de Montréal, ont longtemps appartenu aux sciences pures. Ils auraient donc été financés par l'équivalent d'un organisme subventionnaire. Une preuve de concept qui devient un produit prêt à être déployé tombe dans la catégorie de la recherche axée sur une mission en raison de la variété de ses divers impacts sur le plan économique, stratégique, de la sécurité et de la santé.
Pour résumer, les trois organismes subventionnaires soutiennent la majeure partie de la recherche dirigée par les chercheurs. Ces organismes en font un peu plus que des incubateurs, mais vous pouvez dire que ce sont des incubateurs si vous voulez. Par ailleurs, les projets qui dépassent les limites de leur discipline doivent parfois acquérir une dimension interdisciplinaire. Il y aurait en permanence un portefeuille pour les appels de financement de la recherche, soit pour la recherche dirigée par des chercheurs, soit pour la recherche axée sur une mission. Les projets ne sont pas en concurrence parce que leurs objectifs, leur structure et leurs partenaires sont différents.
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Je ne connais pas la mesure législative qui propose l'organisation-cadre. Je peux seulement parler du rapport.
Dans notre rapport, nous mentionnons la FCI, Mitacs et Génome Canada, mais il y a d'autres organismes, dont certains sans but lucratif, qui font partie des partenaires essentiels du portefeuille de la recherche et de l'innovation. Ces organismes ne sont pas assez coordonnés. La FCI est très proche des trois organismes subventionnaires, mais les autres ont une structure juridique différente. Un des principaux objectifs de l'organisation-cadre sera d'assurer une coordination avec les acteurs externes tels que la FCI, Mitacs et Génome Canada, et avec différents ministères.
Quelqu'un a dit un peu plus tôt... Je serais heureux de répondre à d'autres questions parce que je pense qu'il ne me reste plus de temps. Si vous avez des questions d'ordre budgétaire, je signale que nous n'avons pas de chiffres. Par contre, nous avons examiné les gains en ressources humaines et les gains d'efficience que nous pourrions obtenir grâce à une organisation-cadre.
Nous pourrons peut-être aborder cette question plus tard.
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Merci, madame la présidente.
Je salue les témoins qui sont avec nous pour la deuxième heure de notre étude.
Monsieur Bouchard, c'est un honneur de vous accueillir ici, au Comité permanent de la science et de la recherche. Je tiens à vous remercier personnellement pour tout le travail que vous avez accompli en ce qui a trait au rapport. C'est un travail exhaustif, un travail de longue haleine, et vous méritez amplement cette reconnaissance. Je vous remercie d'être avec nous, aujourd'hui, et de nous faire part, bien sûr, de tout ce que vous avez découvert et appris. Merci aussi de nous faire des suggestions.
Selon les rumeurs qui circulent, il y a eu une bonne nouvelle lors du budget de 2024, à savoir une augmentation du financement pour la recherche. Il faut dire que le financement avait stagné dans les deux dernières années. Toutefois, nous craignons que le financement ne soit pas au rendez-vous, si le gouvernement ne déploie pas cette nouvelle organisation-cadre de la recherche.
J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet, c'est-à-dire sur l'importance que le financement soit au rendez-vous, même si on n'est pas encore en train d'implanter une nouvelle organisation.
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Je vous remercie de vos bons mots et du travail que vous faites.
Ce n'est pas juste un problème d'argent. Si vous ne faites que mettre plus d'argent dans le dossier de la recherche, cela ne réglera pas les problèmes que nous avons au Canada en recherche et en innovation. Cela ne réglera rien non plus, si vous vous contentez de mettre en place une organisation-cadre. Il faut avancer rapidement au sujet de l'organisation‑cadre et donner suite aux engagements financiers. En fait, nous avons déjà pris beaucoup de retard, au cours des dernières années, par rapport aux autres pays avec lesquels nous sommes en concurrence.
Si on se contente d'augmenter le financement, cela fera plaisir à certains chercheurs, mais ce ne sera pas suffisant pour combler certaines lacunes que l'écosystème de la recherche a en ce moment au Canada. Il faut à la fois travailler sur le cadre de gouvernance et sur le financement. Si vous vous contentez de mettre en place l'organisation-cadre et que, plutôt que d'augmenter le financement, vous redistribuez les fonds actuels en fonction d'un plus grand nombre de missions, on va se retrouver dans une situation qui se révélera pire qu'auparavant.
Nos collègues de l'organisme UK Research and Innovation, ou UKRI, au Royaume‑Uni, nous ont dit que, pendant les premières années de son implantation, ils s'étaient fait promettre beaucoup d'argent et une nouvelle organisation. Une fois que la nouvelle organisation a été mise en place, ils n'ont pas reçu l'argent promis. Pendant des années, ils ont dû composer avec un dédale administratif, et cela n'a pas porté de fruits.
Je vous invite fortement à voir cela comme deux parties d'un tout. C'est comme si je vous disais: voulez-vous une voiture ou de l'essence? Sans l'une ou l'autre, on ne va pas très loin. Cela prend les deux. L'organisation-cadre, c'est la nouvelle voiture, tandis que, l'essence, c'est l'ajout budgétaire.
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Merci beaucoup, monsieur Bouchard. Vos propos sont imagés et simples à comprendre.
Puisqu'on parle d'essence, vous avez consulté des centaines, voire des milliers de personnes, lorsque vous avez présidé le comité consultatif qui a produit le rapport. Vous avez brossé un portrait assez exhaustif de la situation. Vous avez dit que nous avions perdu du terrain sur le plan commercial par rapport à notre principal allié, les États‑Unis, et que nous en perdions maintenant sur le plan scientifique. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Je ne veux pas être prophète de malheur, mais, dans les 20 dernières années, le Canada a quand même régressé beaucoup à l'échelle internationale. C'est quand même le seul pays du G7 qui a réduit ses investissements en recherche par rapport à son produit intérieur brut, ou PIB, dans les 20 dernières années. On a effectivement eu de bonnes nouvelles dernièrement, mais on n'a pas besoin d'essence juste une fois tous les trois ans. C'est là-dessus que j'aimerais avoir vos observations aujourd'hui.
Nous avons également vu un exode des cerveaux. Nous sommes le seul pays du G7 à avoir régressé quant au nombre de chercheurs par 100 000 habitants. Cela fait mal à entendre.
J'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur un portrait plus global et exhaustif. On a beau avoir plus d'essence, c'est-à-dire plus de financement, et la meilleure voiture, c'est-à-dire le meilleur cadre, cela prend également une vision à court, à moyen et à long terme pour pouvoir rivaliser avec nos concurrents. Le monde entier est en concurrence dans le domaine de la recherche scientifique.
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Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Je vais faire une analogie. Je suis professeur de philosophie, et cette analogie va surprendre certains de mes collègues. Pour moi, c'est comme le soutien lié aux dépenses militaires. On ne peut pas dire qu'on va s'occuper de ces dépenses ou s'intéresser à ce dossier plus tard. À un moment donné, il faut maintenir une capacité robuste et continue pour soutenir l'intérêt national.
D'ailleurs, ce n'est pas une question partisane. Le fait que les grands investissements en recherche ont été faits sous des gouvernements libéraux et conservateurs en témoigne. Il faut qu'on voie la recherche et l'innovation comme faisant partie de l'intérêt national et, par conséquent, qu'on fasse des investissements cohérents dans le temps. Si on adopte une approche suivant laquelle on dépense de l'argent quand ça va bien et on le retire quand ça va mal, nos meilleurs talents vont quitter le pays chaque fois qu'on verra les budgets baisser. Il faut éviter cela. D'ailleurs, il ne s'agit pas seulement de nos meilleurs talents. Cela touche aussi la relève, soit les personnes qui pourraient le devenir.
Il faut donc assurer un financement prévisible et continu pour que la recherche puisse développer son plein potentiel.
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Merci, madame la présidente.
Merci aux deux témoins de leur présence parmi nous.
Je réitère les commentaires élogieux de M. Blanchette-Joncas sur M. Bouchard et sur son rapport. Nous en avons fait bon usage au Comité pour promouvoir le soutien financier à l'avancement de la recherche et des sciences au Canada. Nous sommes heureux de voir que certains éléments ont été adoptés et nous espérons que d'autres le seront également.
Vous avez parlé de ce que font les États-Unis. Ce qui est différent au Canada, c'est notre structure économique fondée davantage sur les petites et moyennes entreprises qui comportent moins de multinationales comme Google et Microsoft. Toutefois, les États-Unis investissent des sommes colossales dans les sciences et la recherche. Tous les rapports indiquent que ces investissements rapportent déjà énormément.
Vous avez dit que le Canada avait dégringolé au troisième rang des partenaires des États-Unis. Quels pays occupent les deux premiers rangs?
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J'espérais que quelqu'un pose la question. La recherche scientifique en Chine a connu une hausse dans les années 1990. Les scientifiques chinois participent à de la recherche collaborative un peu partout dans le monde, quoiqu'un ralentissement a été enregistré récemment. En 1995, le Canada s'est mis à stagner et s'est fait damer le pion.
Le deuxième rang est occupé par le Royaume-Uni, qui a réinvesti massivement dans la recherche et l'innovation. Ces mesures se sont avérées très payantes pour ce pays qui est aujourd'hui le deuxième partenaire international des États-Unis.
Le pointage est serré pour la troisième place. J'ai attribué le bronze au Canada, qui fait match nul avec l'Allemagne. Ce résultat s'explique en partie par la réunification de l'Allemagne, qui a entraîné du jour au lendemain l'agrandissement du territoire et l'augmentation du nombre de scientifiques dans ce pays. Cet événement géopolitique a considérablement accru la capacité de collaboration de l'Allemagne. Notons toutefois que le pays investit en outre dans la recherche fondamentale et la recherche appliquée.
Nous entendons parler parfois de la société Fraunhofer, qui établit des partenariats entre l'industrie et les universités. Les Allemands ont aussi les instituts Max-Planck. Les grandes ambitions que ce pays manifeste pour son secteur de la recherche et de l'innovation en font un partenaire scientifique incroyablement intéressant pour les États-Unis.
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Les États-Unis et l'Allemagne viennent d'investir des sommes faramineuses. La donne est donc très différente. Il faut savoir par ailleurs que la recherche et l'innovation sont intégrées à la stratégie de croissance des deux pays. Ils financent le secteur au moyen de toute une gamme d'organismes.
Prenons le cas des États-Unis. Une grande différence par rapport au Canada est la prise en charge par la Defense Advanced Research Projects Agency, la DARPA — dont le financement provient en partie de l'armée américaine —, d'une bonne partie de la recherche axée sur une mission. La recherche menée par la DARPA porte sur les technologies, et non pas seulement sur le domaine militaire. L'organisme a accès au plus important processus d'approvisionnement du gouvernement des États-Unis, dont les fonds sont astronomiques. Le modèle de la DARPA commence à être reproduit dans d'autres secteurs que la défense. Des instruments semblables à la DARPA sont en place à certains endroits.
Nous n'avons pas proposé de modèle calqué sur la DARPA parce que ce type d'approvisionnement n'existe pas dans l'assiette fiscale canadienne. Le modèle de l'organisation-cadre est mieux adapté à nos capacités, mais ses appels de recherche appliquent, comme à la DARPA, une philosophie prônant l'agilité, la rapidité d'action et la concentration sur une mission. Ils sont destinés à des projets collaboratifs entre universités, mais aussi entre le milieu universitaire et l'industrie... ou à des projets qui répondent à une demande.
La France et le Royaume-Uni se ressemblent sur certains points. Leurs organismes sont très différents, mais les deux pays ont toujours investi énormément. Au Royaume-Uni, le secteur privé joue un plus grand rôle qu'en France. Les organismes survivent aux différentes époques. C'est la même chose aux États-Unis, où la National Science Foundation existe depuis 70 ans. Ils ont tendance à réinventer les organismes en augmentant leur financement.
Au Canada, nous n'avons pas accès à autant de ressources, d'où la proposition du modèle légèrement différent d'organisation-cadre, qui ressemble à l'UKRI au Royaume-Uni à quelques différences près. Les deux ont une structure à peu près similaire.
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Votre question me permet de présenter mon avis, mais j'ignore ce que prévoit vraiment le cadre législatif.
Dans notre rapport, nous avons conclu qu'il devrait y avoir des missions de différentes échelles. Disons que le Canada concluait un nouvel accord avec l'Europe sur la sécurité alimentaire. Les deux gouvernements pourraient s'engager à investir x millions d'euros ou de dollars dans des appels de propositions axées sur la mission. L'organisation-cadre recevrait l'enveloppe et elle pourrait créer des catégories de financement de la manière que sa direction scientifique considérerait comme la plus rentable. Elle pourrait décider de financer des projets d'exploration de 50 000 $ ou 5 millions de projets. Les équipes pourraient être très petites, moyennes ou grandes.
Je pense que la plus grande différence entre les conseils actuels et la nouvelle organisation-cadre, c'est que le cadre législatif lui donnera une plus grande latitude par rapport aux programmes. Par exemple, elle pourrait choisir de lancer des appels axés sur la sécurité quantique et la cryptographie quantique pendant les cinq prochaines années, pour ensuite porter son attention sur une autre question.
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Merci, madame la présidente.
Nous avons entendu, ici aujourd'hui, que les petites et moyennes entreprises canadiennes n'investissent pas dans la recherche et le développement. D'après moi, c'est dû en partie à la taxe sur le carbone. Selon le directeur parlementaire du budget, cette taxe retire entre 20 milliards et 30 milliards de dollars de l'économie canadienne. Or la recherche et le développement font partie des premières dépenses que les petites et moyennes entreprises réduisent. Ainsi, à mon sens, cela signifie que les coûts de la taxe sur le carbone ont des répercussions sur la recherche menée par les petites et moyennes entreprises.
Par ailleurs, chaque mois, deux millions de personnes font la file à la banque alimentaire. L'une des choses que j'entends souvent quand je suis chez moi, c'est que le gouvernement semble porter toute son attention à rien en particulier et à tout en même temps, tout en poursuivant... Les gens sont très frustrés quand ils voient que l'argent canadien est envoyé à l'étranger.
J'ai devant moi une liste de recherches effectuées aux États-Unis grâce à un soutien financier du Canada de l'ordre de centaines de milliers de dollars. On vient de parler des sommes faramineuses que les Américains investissent dans la recherche. Pourquoi diable le Canada finance‑t‑il les universités américaines? L'Université du Maine, l'Université Clarkson, l'Université technologique du Michigan et l'Université du Vermont ont toutes reçu des centaines de milliers de dollars. L'Université de Boston... 90 000 $. L'exemple qui m'exaspère le plus — je n'arrive pas à comprendre —, c'est le financement de 600 000 $ pour une étude portant sur la conservation de l'habitat de l'ours polaire. À ma connaissance, nul n'est mieux placé que le Canada pour étudier l'ours polaire. Pourquoi envoyons-nous de l'argent à l'Université de Washington pour qu'elle étudie l'habitat essentiel de l'ours polaire?
J'ai l'impression que vous appuyez le programme-cadre de recherche. Tous les fonds que j'ai mentionnés proviennent du ministère de l'Environnement, qui... Je ne sais pas si ces fonds sont ensuite distribués par le truchement des trois conseils, mais comment pouvons-nous... Il y a deux enjeux. D'abord, l'argent est versé aux États-Unis, où nous nous trouvons en concurrence avec des sommes faramineuses. Ensuite, pourquoi ces fonds ne sont-ils pas distribués par l'intermédiaire des trois conseils? D'après vous, l'organisation-cadre mettra‑t‑elle fin au financement de la recherche allant aveuglément dans toutes les directions?
Je vous écoute, monsieur Bouchard.
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Non, c'est un vestige du passé. La recherche est un besoin fondamental pour tous les ministères. Au départ, comme il n'y avait pas de mécanisme axé sur la recherche, chaque ministère lançait ses propres appels de financement.
Avec l'organisation-cadre, si le ministère de l'Agriculture souhaite se pencher sur la production de soja, par exemple, au lieu de procéder lui-même à l'appel de financement, il pourra transférer les fonds à l'organisation-cadre, qui disposera de l'équivalent temps plein pour lancer les appels, distribuer les fonds, soutenir l'excellence, organiser l'examen par les pairs et tout le reste. L'organisation-cadre pourra servir — je ne veux pas employer le terme « courtier » — de point de service pour les appels de financement. L'expertise sera là, n'est‑ce pas? Tous les ministères n'ont pas la capacité de gérer des appels de financement à grande échelle.
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... qui sont en chute libre depuis plus d'une vingtaine d'années. Le Canada doit s'attaquer à ce problème.
Pour revenir au mandat de la Fondation canadienne pour l'innovation — je ne l'ai pas présenté en détail durant ma déclaration —, nous soutenons les installations essentielles de toutes sortes dans les collèges, les cégeps et les universités partout au pays.
J'ai fondé une entreprise moi-même il y a environ 20 ans, dans le secteur des TI. Si je n'avais pas eu accès à de telles installations et à de l'équipement à la fine pointe de la technologie, je n'aurais jamais été capable de mettre la main sur des dizaines de millions de dollars en capital de risque. Comme M. Bouchard l'a dit, c'est extrêmement important pour le pays.
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Merci beaucoup, madame la présidente. Merci aux témoins.
Monsieur Bouchard, je vous remercie de votre présence et de votre excellent travail.
Je veux reprendre un sujet qui a été abordé aujourd'hui. Vous avez « loué les mérites » des « sommes faramineuses » que les États-Unis investissent dans la recherche.
En même temps, je pense que d'autres — comme les membres du comité de l'innovation — vous diront que le gouvernement canadien investit aussi des sommes faramineuses pour soutenir la recherche, le développement et l'innovation.
J'aimerais comprendre l'écart. Je trouve important de commencer par souligner que le Canada a un excellent système d'éducation. Il fait l'envie du monde entier. Nous pouvons compter sur des gens extrêmement talentueux et sur un système d'éducation bien développé qui se classe invariablement parmi les meilleurs. Pourtant, en même temps, l'écart en matière de talent continue à se creuser entre le Canada et ses partenaires de l'OCDE.
Comment pouvons-nous réduire l'écart pour soutenir l'innovation essentielle? Comme vous l'avez dit précédemment, l'économie canadienne repose en grande partie sur les PME. Comment pouvons-nous réduire l'écart entre les investissements importants que nous faisons dans la recherche — et que nous devrions sans doute continuer à bonifier — et les mesures à prendre pour faire en sorte que les talentueux chercheurs et travailleurs des économies de demain restent au Canada pour contribuer à la mise au point de la prochaine génération de technologies et d'innovations qui soutiendront l'économie canadienne?
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Je vais vous donner un exemple concret. Je suis doyen de la Faculté des arts et des sciences de l'Université de Montréal. L'une de mes fonctions consiste à recueillir des fonds auprès de donateurs. Je déploie des efforts en ce sens parce que le gouvernement ne finance pas suffisamment la recherche. D'autres sont prêts à aider, mais ce n'est pas assez non plus pour retenir les talents au Canada.
J'ai réussi à faire financer une chaire de 6 millions de dollars pour un de mes professeurs de chimie, une jeune étoile brillante. Je lui ai dit que j'avais reçu l'argent, que la chaire était financée, que l'argent de la chaire le soutiendrait... Je ne lui ai pas dit « indéfiniment », mais quand une chaire est financée, cela signifie que le capital est là et que la recherche est financée à partir des intérêts.
Il a reçu une offre de l'Allemagne. Il est donc parti pour l'Allemagne avec trois de ses étudiants au doctorat. Il l'a fait aimablement. Il m'a dit: « Merci pour vos efforts, monsieur Bouchard, mais l'Allemagne m'offre un tout nouveau laboratoire. » Il est parti avec des étudiants diplômés qui ne sont pas Allemands. Ce sont des étudiants canadiens, et ils se sont fait offrir un bon laboratoire en Allemagne. Ce professeur travaille sur les batteries. Je vous garantis que dans cinq ans, il aura des brevets en Allemagne, et que le Canada sera titulaire de licences de ces brevets.
Le gouvernement en fait beaucoup et je lui en suis extrêmement reconnaissant. D'après moi, les investissements supplémentaires annoncés dans le dernier budget renforceront énormément notre capacité à soutenir la concurrence. Toutefois, avant ces investissements, nous étions peut-être de la partie, mais nous n'étions pas concurrentiels. Par conséquent, le Canada a perdu des personnes talentueuses dont il a désespérément besoin.
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Bouchard, en tant qu'ancien président de l'Association francophone pour le savoir, ou ACFAS, vous connaissez l'importance de l'avancement et de la diffusion du savoir en français.
Dans votre rapport, vous soulignez l'importance de traiter équitablement les demandes de financement présentées en français au sein du système fédéral.
Pourriez-vous préciser comment vous envisagez la mise en œuvre des recommandations que vous avez formulées, notamment celles qui visent à garantir que la recherche réalisée en français bénéficie des mêmes possibilités et des mêmes ressources que celle réalisée en anglais?
Quel mécanisme précis serait nécessaire pour assurer cette équité et comment une organisation-cadre pourrait-elle jouer un rôle clé dans la promotion de la production et de la diffusion des connaissances en français, tant au Canada qu'à l'international?
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Je vous remercie de votre question.
Je ne sais pas si je peux parler d'un mécanisme précis, mais je vais vous donner des pistes de réflexion.
La proportion des recherches qui s'effectuent en français — et je ne parle pas de chercheurs francophones, mais bien de recherches effectuées en français — varie beaucoup selon les différentes communautés scientifiques. Dans le domaine des lettres, des sciences humaines et des sciences sociales, il y a plus de chercheurs qui effectuent leurs recherches en français que, par exemple, au CRSNG. Encore une fois, je ne parle pas des chercheurs francophones ou anglophones, je parle de la recherche qui est effectuée en français.
L'existence d'une organisation-cadre permettrait un meilleur échange des façons de faire, des outils et des pratiques, ce qui favoriserait l'augmentation de certains types de recherches. Par exemple, sans présumer de ce qui arriverait, je crois que cela pourrait inciter le CRSNG ou les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, à réaliser plus de recherches en français.
Pour ce qui est de la diffusion de publications savantes en sciences humaines et en sciences sociales en français, j'affiche mes intérêts personnels en vous disant que je suis président du conseil d'administration de la plateforme Érudit, qui est soutenue par la FCI et le Conseil de recherches en sciences humaines.
Comment peut-on déployer ces outils, qui sont nés d'un besoin provenant surtout de la communauté francophone en sciences humaines et sciences sociales? Comment diffuser ce genre d'outils dans d'autres communautés scientifiques? De manière générale, l'organisation-cadre pourrait permettre la diffusion de bonnes idées ou de bons outils au-delà de leur contexte d'émergence initiale. Le fera-t-elle? Ça, c'est autre chose.
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C'est ici que chaque mot que je dis... Comme vous le savez, beaucoup de gens nous écoutent en ce moment.
Je serai franc: nous avons déjà presque toute la capacité nécessaire à la mise en œuvre des programmes. Nous avons le personnel pour diriger la majorité des concours, actuels et autres. Selon moi, pour soutenir l'organisation, il serait préférable de réaffecter les ressources humaines actuelles plutôt que de les accroître. Il faudra un certain nombre d'employés, mais les conseils sont des organisations efficaces sur le plan des ressources humaines. Malgré tout, certaines ressources humaines pourraient être réaffectées à l'organisation-cadre. Aujourd'hui, le SPIIE, le CRSNG et les IRSC se chargent tous de la mise en œuvre de certains programmes des trois conseils. Je crois qu'il y aurait moyen de réaffecter les ressources humaines déjà en place. Elles pourraient être affectées à des appels axés sur une mission ou à des appels interdisciplinaires.
Pour ce qui est des budgets de programmes, c'est là qu'il y a de la variabilité. Je le répète, car c'est très important: si l'on réaffecte les ressources actuelles sans augmenter les budgets de recherche... Je ne parle pas du budget de fonctionnement. D'après moi, une grande partie du budget de fonctionnement pourra être réparti autrement en vue d'atteindre beaucoup d'objectifs, mais pas tous. Il faudra de nouveaux employés, mais si c'est bien fait, le nombre d'employés supplémentaires requis ne sera pas énorme.
Toutefois, il faut augmenter les budgets de recherche parce que si les fonds affectés aux IRSC, au CRSNG et au CRSH sont redistribués pour financer les programmes axés sur une mission, nous perdrons encore plus de terrain par rapport à nos concurrents. À certains égards, l'enveloppe consacrée aux programmes est plus variable puisque les appels axés sur une mission pourraient faire partie d'une stratégie sur un certain nombre d'années. La récurrence des enveloppes consacrées aux différents programmes n'est pas envisagée sous le même angle. Si le gouvernement décide de se pencher sur la cryptographie quantique ou sur la sécurité alimentaire pendant cinq ans, il prévoit alors les fonds pour une période de cinq ans. Ce financement n'est pas récurrent: l'organisation annonce qu'elle soutiendra la recherche dans tel domaine pendant cinq ans. Tout le monde doit s'adapter au fait que dans cinq ans, il n'y aura peut-être pas de nouveaux fonds, ou peut-être qu'il y en aura; ce sera au gouvernement en place de décider.
Les budgets des programmes axés sur une mission et des programmes des conseils ne sont pas établis de la même façon. Les conseils dépendent d'un financement stable; la récurrence est très importante. La prévisibilité du financement est plus importante pour les recherches menées à l'initiative de chercheurs que pour les recherches axées sur une mission.
Je pense que c'est une bonne façon de conclure, même si je crois aussi que nous pourrions poursuivre la discussion pendant longtemps.
Je vous remercie tous les deux. Si vous avez des observations à ajouter ou s'il y a des enjeux que vous n'avez pas pu aborder ici aujourd'hui, n'hésitez pas à soumettre un mémoire écrit au greffier. Nous les accepterons volontiers. Je vous remercie encore une fois de votre présence.
La prochaine réunion du Comité aura lieu le jeudi 31 octobre. Je ne sais pas si vous vous déguiserez.
Plaît‑il au Comité de lever la séance?
Des députés: Oui.
La présidente: D'accord, la séance est levée.