SRSR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la science et de la recherche
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 30 mai 2024
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la réunion no 89 du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
Avant de commencer, j'invite les membres du Comité et les participants dans la salle à consulter les fiches sur la table pour prendre connaissance des directives sur la prévention des incidents acoustiques. La protection de la santé auditive des interprètes est primordiale. Nous allons donc utiliser seulement les oreillettes noires approuvées. Je vous rappelle de ne jamais placer l'oreillette près des microphones. Déposez‑la sur l'autocollant prévu à cette fin, sur la table, lorsque vous ne l'utilisez pas.
Merci beaucoup de votre collaboration.
La réunion se déroule selon une formule hybride. Plusieurs témoins et plusieurs membres du Comité y assistent en ligne.
Je vais donner aux participants en ligne les quelques consignes de routine.
Vous pouvez parler dans la langue officielle de votre choix. Si vous souhaitez utiliser les services d'interprétation, vous devrez sélectionner au bas de votre écran le parquet, l'anglais ou le français. Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez me le signaler immédiatement et nous suspendrons les délibérations pendant que nous rétablissons le service.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Assurez-vous de le désactiver lorsque vous ne parlez pas.
Je rappelle aux membres du Comité qui se trouvent dans la salle de lever la main s'ils souhaitent prendre la parole. Les députés sur Zoom doivent utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour suivre l'ordre des interventions. Nous vous remercions à l'avance de votre compréhension.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Conformément à l'article 108(3)(i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 31 janvier 2023, le Comité reprend son étude sur la science et la recherche dans l'Arctique canadien en lien avec le changement climatique.
J'ai le grand plaisir d'accueillir M. Kirk Anderson, professeur et titulaire de la chaire en efficacité des écoles de l'UArctic, Université Memorial de Terre‑Neuve et Université de l'Arctique, de même que M. Bing Chen, titulaire d'une chaire de l'UArctic, professeur et doyen associé, Université Memorial de Terre‑Neuve, qui témoignent tous deux à titre personnel par vidéoconférence.
Nous recevons aussi, par vidéoconférence, Mme Isla Myers‑Smith, professeure à l'Université de la Colombie‑Britannique.
Également par vidéoconférence, nous avons M. Joël Bêty, professeur et membre de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique, Université du Québec à Rimouski.
Vous disposez d'un maximum de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Nous procéderons ensuite aux séries de questions.
Monsieur Anderson, monsieur Chen, je vous invite à faire une déclaration liminaire de cinq minutes. Vous pouvez vous diviser le temps à votre guise.
Je vous remercie des efforts que vous déployez en tant que parlementaires pour pousser le gouvernement à agir à l'égard de cette question existentielle.
Je m'appelle Kirk Anderson. J'ai été enseignant et directeur d'école pendant près de 20 ans, dont 8 dans le Nord et la région côtière du Labrador. J'ai aussi assumé les fonctions de doyen et de président de l'Association des doyens et doyennes d'éducation. Je suis en ce moment professeur à l'Université Memorial de Terre‑Neuve et titulaire de la chaire en efficacité des écoles de l'Université de l'Arctique.
Lorsque j'étais doyen, j'ai supervisé la création d'une bourse de 5 millions de dollars pour les STIM — sciences, technologies, ingénierie et mathématiques — qui visait le renforcement des compétences des enseignants sur le terrain. J'ai également piloté un programme de baccalauréat en éducation axé sur l'enseignement des STIM au primaire.
J'ai aussi orchestré l'élaboration et la mise en œuvre du programme de baccalauréat en éducation pour les Inuits, qui offre une formation à l'enseignement dans la communauté en partenariat avec le gouvernement du Nunatsiavut. Nous avons travaillé avec diligence pour adapter l'enseignement au contexte autochtone. Nous avons même intégré une composante en langue inuktitute pour les futurs enseignants.
Dans la foulée du succès récolté par le programme, j'ai travaillé à l'établissement et à la signature d'un premier contrat avec le Collège de l'Arctique du Nunavut pour promouvoir et donner en collaboration le programme de formation à l'enseignement du Nunavut. Cette collaboration s'inscrivait dans une entente à long terme qui engageait l'Université Memorial à aider le Collège de l'Arctique du Nunavut à faire partie de l'Université de l'Arctique.
Mes principaux intérêts de recherche sont les écoles autochtones, la formation des enseignants dans le Nord et la gouvernance des établissements scolaires. Un de mes principaux objectifs est de donner le pouvoir d'agir aux communautés et à leurs membres, particulièrement dans le Nord et dans le contexte autochtone, en restructurant la recherche et l'enseignement en sciences de l'éducation.
Nos écoles font partie des meilleures au monde. Nous faisons particulièrement bonne figure dans les résultats des élèves, l'affirmation de la justice sociale et la prise en compte des différentes situations socioéconomiques. Même si les facultés d'éducation sont solides et qu'elles forment de bons enseignants, elles ne sont pas vraiment connectées aux autres champs de recherche universitaire ou aux chercheurs dans le domaine des STIM. Pour briser cette compartimentation, je m'efforce dans mon rôle d'administrateur de programmes d'études et de chercheur de bâtir des partenariats autochtones et d'établir des liens avec d'autres disciplines pour procurer à la formation à l'enseignement une dimension interdisciplinaire et pour trouver des moyens de rapprocher nos efforts de recherche, particulièrement avec les STIM.
Par exemple, mon plan d'action comme titulaire d'une chaire de recherche de l'Université de l'Arctique est de mettre sur pied un modèle de formation à l'enseignement vraiment ancré dans la communauté pour les écoles du Nord, ainsi que de former un groupe de doctorants autochtones interdisciplinaire qui se pencherait sur l'éducation et mobiliserait la communauté. Nous devons collaborer avec les collectivités du Nord et les autres disciplines pour donner à ces collectivités les moyens de contrôler leur destin.
Merci.
Madame la présidente, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invité à témoigner. Je me joins à vous de l'Arctique.
Premièrement, je voudrais vous faire part de mon immense gratitude, à vous qui vous penchez sur ce sujet très important. Je voudrais aussi m'excuser de ne pas assister à la réunion en personne. Je me trouve en ce moment à Bodø, en Norvège, pour le congrès de l'Université de l'Arctique à titre de membre du conseil consultatif et titulaire d'une chaire de recherche de l'Université de l'Arctique.
Je m'appelle Bing Chen. Je suis professeur, titulaire d'une chaire de recherche de l'Université de l'Arctique et doyen associé à la Faculté de génie et des sciences appliquées de l'Université Memorial. Je suis le fondateur et j'ai assumé les fonctions de directeur du laboratoire du contrôle de la pollution organique persistante de la région du Nord. Les recherches menées dans ce laboratoire, qui est le premier du genre au pays, portent sur les déversements de pétrole et la pollution environnementale dans les régions froides et les océans.
Je suis aussi directeur et fondateur du réseau mondial et pancanadien PEOPLE, qui s'intéresse aux nouvelles formes de pollution organique et persistante dans l'environnement. Notre consortium de calibre mondial compte plus de 300 professionnels, dont plus de 200 chercheurs issus d'au moins 40 établissements de recherche, de même que 50 partenaires provenant du gouvernement, de l'industrie et des communautés, y compris des groupes autochtones du Canada et d'un peu partout dans le monde.
Je suis un fellow élu à l'Académie canadienne du génie et je viens d'hériter du rôle de président de la Société canadienne de génie civil.
Mes travaux visent deux enjeux environnementaux majeurs, qui sont imbriqués.
Le premier est lié aux nouveaux contaminants persistants — tels que les hydrocarbures pétroliers, les produits ignifuges, les microplastiques et les produits pharmaceutiques et de soins personnels — qui sont toxiques, cancérigènes, bioaccumulables et persistants dans l'environnement, surtout dans les régions froides comme l'Arctique. Fait non négligeable, la plupart de ces contaminants ne sont pas réglementés.
L'autre défi majeur est l'incidence des changements climatiques. Tout le monde connaît l'existence des changements climatiques, mais la plupart des gens ne connaissent pas leurs effets aggravants sur les problèmes de pollution. Dans l'Arctique canadien, les risques de déversement de pétrole et de nouvelles formes de pollution se sont accrus en raison de la réduction de la couverture de glace et de l'augmentation des activités humaines dans le contexte des changements climatiques. Ces phénomènes constituent une menace pour les environnements arctiques et leur population, notamment les collectivités autochtones.
Il faut de toute urgence améliorer les connaissances, les technologies et les politiques afin de soutenir le développement durable. Bien franchement, nous sommes sur une pente glissante. Voilà pourquoi je vous suis extrêmement reconnaissant de mener cette étude.
Merci, madame la présidente.
Madame la présidente, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invitée à parler de mes travaux sur les effets des changements climatiques dans l'Arctique canadien.
Je suis titulaire de la Chaire d'excellence en recherche du Canada sur l'écologie des changements globaux dans les écosystèmes nordiques à l'Université de la Colombie-Britannique. Je travaille sur l'Arctique depuis une vingtaine d'années. Aujourd'hui, je vais vous faire part de mes réflexions sur les changements qui se produisent dans la recherche sur l'Arctique et sur ceux qui devront être apportés dans l'avenir afin de tenir compte de l'évolution de l'inclusivité de la recherche et de l'accélération des effets des changements climatiques.
Je vais parler d'abord de l'accélération des changements climatiques dans le Nord et du fait que des phénomènes considérés autrefois comme extrêmes sont devenus la nouvelle norme.
Par exemple, l'été dernier, en 2023, l'Ouest de l'Arctique a connu une vague de chaleur en plein mois de juillet. Les températures ont dépassé de cinq degrés le niveau maximal historique à l'île Herschel — Qikiqtaruk — et sur la côte arctique du Yukon, où je travaille.
Après la vague de chaleur, nous avons observé une perturbation généralisée du pergélisol, notamment la formation de 750 glissements de terrain qui ont touché environ 1 % de l'île en seulement un an. Une part du pergélisol le plus riche en glace dans l'Arctique canadien et l'Arctique circumpolaire se trouve dans l'île Herschel. Les perturbations du pergélisol et l'érosion côtière ont toujours été observées dans l'île, mais les taux et la magnitude de la fonte s'accélèrent à une vitesse fulgurante.
L'été dernier a été marqué par les feux de forêt qui ont entraîné l'évacuation de collectivités dans les Territoires‑du‑Nord‑Ouest. Notre programme de recherche a presque dû fermer en raison des feux et des évacuations plus au sud. La fonte du pergélisol, les inondations et les feux de forêt rendent de plus en plus difficile l'étude des impacts des changements climatiques dans le cadre de mon programme de recherche.
Je collabore avec les collectivités des Inuvialuit et des Premières Nations, divers organismes gouvernementaux et divers chercheurs universitaires pour comprendre comment les changements de la végétation influent sur l'Arctique. Nous étudions par exemple comment l'augmentation du nombre de plantes et d'arbustes et le début hâtif de la saison de croissance peuvent influer sur les habitats des espèces sauvages et les moyens de subsistance des membres des collectivités.
Un exemple de ce travail collaboratif est le centre d'étude sur le caribou de la Porcupine, qui est financé par le Fonds stratégique des sciences par l'entremise d'un réseau qui porte désormais le nom de Braiding Knowledges Canada.
Voici cinq défis que je veux soulever aujourd'hui.
Tout d'abord, je tiens à souligner l'importance d'inclure les Inuvialuit, les Inuits et les Premières Nations dans les projets de recherche collaboratifs. Pour comprendre les impacts des changements climatiques, la recherche doit être menée à différentes échelles, allant de la recherche adaptée au milieu, qui oriente la gestion et les mesures d'adaptions locales, jusqu'à la recherche circumarctique, qui oriente les modèles du système terrestre. Avec le changement des modèles de financement, il faudra considérer tous les types de recherche et toutes les formes de collaboration à instaurer en vue de cette prochaine phase de la recherche sur l'Arctique qui tiendra compte des priorités de recherche autochtones et mondiales.
Je veux également parler des coûts accrus de la recherche sur l'Arctique et de l'importance du soutien logistique. Mon programme de recherche dépend du soutien logistique fourni par des programmes tels que le programme du plateau continental polaire et les suppléments aux subventions à la découverte en recherche nordique du CRSNG. De l'aide logistique est également fournie par les stations et les instituts de recherche. Vu l'augmentation des coûts de la logistique et de nos recherches occasionnée par le renforcement de la collaboration avec nos partenaires autochtones, il faut obtenir du financement supplémentaire. Or, la majorité de ces programmes ne fournissent pas de financement suffisant pour couvrir les coûts logistiques en ce moment.
Je mentionnerais aussi la nécessité de diffuser à grande échelle les résultats de recherche en tenant compte de facteurs tels que la souveraineté des données autochtones. Notre compréhension des effets des changements climatiques un peu partout dans l'Arctique s'approfondit, mais les chercheurs doivent aussi transmettre les informations qu'ils produisent aux personnes qui en ont besoin pour prendre des décisions. Souvent, le financement que nous recevons ne couvre pas le cycle entier des coûts, qui va de la coproduction des questions de recherche jusqu'à l'archivage des données en passant par la communication des résultats à un vaste public. Le modèle de financement doit changer.
Je veux aussi dire un mot sur le développement de la capacité de recherche dans l'Arctique et sur l'importance de regrouper les chercheurs. De nouveaux outils comme les drones refaçonnent les méthodes de recherche et de surveillance dans l'Arctique. Les participants aux programmes des gardiens autochtones et les différentes équipes de recherche utilisent tous les mêmes outils. En réunissant les chercheurs, nous renforçons la capacité dans le Nord. Par exemple, pendant la deuxième semaine de mai cette année, nous avons donné un atelier sur les drones au Yukon qui a permis à des chercheurs issus des Premières Nations, d'organismes gouvernementaux et du milieu universitaire d'échanger leur expertise.
Le dernier point que j'aimerais soulever porte sur l'incidence des événements géopolitiques sur l'accroissement de la collaboration internationale. La recherche collaborative dans l'Arctique russe n'existe plus et de nombreuses équipes de recherche internationales choisissent de déplacer leurs programmes de recherche dans l'Arctique canadien. De nouvelles possibilités de financement telles que l'adhésion du Canada au programme de recherche Horizon de l'Union européenne et au programme NordForsk faciliteront encore plus les activités de recherche sur l'Arctique au Canada. Par contre, les activités de recherche accrues accentuent la pression sur les collectivités autochtones, dont la plupart ne possèdent pas la capacité nécessaire pour répondre à cette pression.
Les programmes de financement devraient comporter parmi leurs objectifs principaux l'atténuation des impacts sur les collectivités autochtones qu'a la nécessité d'accroître les activités de recherche dans l'Arctique canadien.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup. Madame Myers-Smith, vous avez respecté les limites de temps à la seconde près.
Je cède la parole pour les cinq prochaines minutes à M. Joël Bêty, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité arctique.
[Français]
Merci, madame la présidente et chers membres du Comité.
Je vous remercie de vous attarder aux répercussions des changements climatiques dans l'Arctique et de me donner l'occasion de discuter avec vous, aujourd'hui.
Je m'appelle Joël Bêty. Je suis biologiste et professeur à l'Université du Québec à Rimouski. Je mène des projets de recherche sur la faune terrestre arctique depuis 30 ans, au Nunavut. Je codirige les activités de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique et je suis directeur adjoint du Centre d'études nordiques, qui assure la gestion d'infrastructures de recherche dans le Nord, et constitue un regroupement stratégique interuniversitaire et multidisciplinaire.
Le rapport « The Arctic Biodiversity Assessment » a clairement démontré que les changements climatiques représentent la principale menace à la biodiversité arctique et exacerbent toutes les autres menaces. Cette biodiversité a une valeur considérable, au Canada, sous les aspects de la culture, de l'écologie et de l'économie. La biodiversité contribue à la sécurité et à la souveraineté alimentaires des communautés du Nord. La biodiversité arctique est aussi importante pour le reste du monde. L'Arctique canadien est relié au reste de la planète, entre autres par les mouvements migratoires de millions d'animaux qui complètent une partie de leur cycle de vie dans l'Arctique.
Certaines espèces de l'Arctique génèrent des retombées économiques estimées à des centaines de millions de dollars annuellement dans le Sud du Canada. Certaines populations migratrices peuvent également générer des dommages aux récoltes et des pertes financières considérables pour des agriculteurs nord-américains, entre autres, par la propagation de la grippe aviaire. Dans ce contexte, la recherche sur la biodiversité arctique génère des connaissances pertinentes pour l'ensemble du Canada et pour plusieurs autres pays dans le monde.
Nous avons, toutefois, besoin de données issues d'observations standardisées et à long terme sur la biodiversité arctique pour déceler les changements et pour en identifier les causes, pour comprendre et prédire la réponse des écosystèmes au réchauffement, pour proposer des stratégies d'adaptation et pour cerner de nouvelles possibilités.
Les observations à long terme dans l'Arctique permettent de distinguer la variabilité normale, qui est inhérente aux systèmes naturels, des changements anormaux causés par le réchauffement rapide de la température.
Il y a, actuellement, très peu de suivis à long terme de la biodiversité arctique à l'échelle des écosystèmes. La majorité des programmes de financement soutiennent des projets de courte durée axés sur la nouveauté et sur certaines espèces cibles, ce qui limite notre capacité à mettre en place et à maintenir des suivis écosystémiques à long terme.
Il y a de très bons programmes fédéraux pour soutenir les chercheurs universitaires dans le Nord, comme le Programme du plateau continental polaire et le Programme de suppléments aux subventions à la découverte en recherche nordique. Malheureusement, les enveloppes budgétaires de ces programmes ne suivent pas l'augmentation des coûts de la recherche dans le Nord et ne permettent pas de soutenir suffisamment de projets.
De plus, l'infrastructure de recherche en milieu terrestre limite, actuellement, la capacité à répondre à des besoins qui sont exprimés par les communautés du Nord. L'augmentation des coûts de construction a récemment mené à l'abandon de nouveaux projets d'infrastructure dans le Nord.
Il est aussi très difficile, actuellement, pour les chercheurs universitaires de trouver le financement nécessaire pour maintenir et mettre à niveau les infrastructures de recherche dans le Nord.
Les programmes de financement devraient soutenir davantage l'infrastructure existante ainsi que la mise en place de protocoles d'entente ou de comités de cogestion permettant l'utilisation conjointe d'infrastructures par différents acteurs de recherche dans l'Arctique.
La collaboration en recherche entre le milieu universitaire et les communautés du Nord nécessite un savoir-faire et un savoir-être particuliers. Toutefois, plusieurs chercheurs du monde universitaire ont besoin d'une aide professionnelle qualifiée pour coconstruire et coproduire la recherche avec les communautés du Nord. Il serait, je pense, bénéfique de mettre en place un programme national de soutien en ressources professionnelles qui faciliterait la collaboration entre les chercheurs, les experts et les communautés du Nord.
Finalement, les nouveaux programmes de financement devraient offrir plus de temps pour la préparation des demandes, de façon à favoriser la coconstruction des projets et les collaborations entre les chercheurs universitaires et les communautés du Nord.
Bien sûr, l'ensemble du milieu universitaire devrait intensifier ses efforts de formation de personnel hautement qualifié dans les communautés du Nord, afin d'augmenter leur participation aux recherches et leur autonomie en recherche.
Je répondrai à vos questions avec plaisir et au meilleur de mes connaissances.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
Merci beaucoup à tous les témoins. Vous avez tous scrupuleusement respecté le temps imparti. Je vous en remercie.
Nous passons à la période de questions.
Nous commençons avec M. Tochor pour six minutes.
Merci beaucoup.
Merci à tous les témoins d'être venus comparaître aujourd'hui.
Monsieur Bêty, vous avez une feuille de route très impressionnante de 30 ans de recherche dans le Nord, notamment sur la reproduction animale.
Nous connaissons l'importance de la chasse au phoque pour les populations autochtones. Pourriez-vous nous expliquer un pan de vos travaux sur les phoques et nous décrire les conséquences de la chasse au phoque dans le Nord?
[Français]
Je vous remercie de votre question.
Malheureusement, je ne peux pas y répondre. Je suis un spécialiste des animaux en milieu terrestre. Mes travaux portent sur la toundra, majoritairement sur les mammifères et les oiseaux des milieux terrestres. Je ne suis donc pas un spécialiste des espèces en milieu marin.
[Traduction]
Les autres témoins se sont-ils penchés sur la chasse au phoque dans l'Arctique?
La recherche se fait en Arctique, mais vous vous trouvez tous dans le Sud.
Madame Myers-Smith, vous avez parlé un peu de l'adaptation aux changements climatiques. Des témoins que nous avons entendus précédemment ont parlé du dilemme entre l'adaptation et l'atténuation. Vous avez étudié les mesures d'adaptation dans le Nord, mais avez-vous étudié également les mesures d'atténuation dans cette région?
Lorsque nous pensons aux changements climatiques dans le Nord, les mesures d'adaptation sont appliquées localement, et les mesures d'atténuation doivent l'être au niveau mondial, donc au‑delà du Canada.
Les mesures d'atténuation des changements climatiques s'appliquent à l'échelle internationale et à l'échelle du Canada, mais elles sont moins pertinentes dans le Nord parce que les populations sont beaucoup plus petites.
Ces mesures visent en bonne partie les collectivités nordiques. Les recherches que moi et mes collègues faisons portent en grande partie sur l'adaptation. Nous adoptons par contre ma perspective qui est celle d'une écologiste terrestre qui s'intéresse aux plantes, et souvent également, aux systèmes alimentaires et aux moyens de subsistance dans le Nord, ainsi qu'à la chasse des principales espèces sauvages et aux habitats de ces espèces. Notre objectif est de déterminer l'incidence des changements climatiques sur la végétation et la faune, puis forcément sur les êtres humains.
Pourriez-vous nous faire part d'une réussite qui a découlé de vos recherches? Quelle découverte avez-vous faite concernant les mesures d'adaptation qui ont changé la vie des gens dans le Nord?
Dans l'Ouest de l'Arctique canadien, où je travaille, se trouve une harde de caribous appelée la harde de caribous de la Porcupine. J'ai mentionné tout à l'heure le centre d'étude de la harde de caribous de la Porcupine, qui dépasse la portée de mon programme de recherche et qui réunit tous les chercheurs qui s'intéressent à ces animaux. Chaque année, nous nous rencontrons et nous discutons de l'évolution des changements climatiques et de leurs effets sur la harde, des changements de la végétation, mais aussi de la chasse qui est faite aux caribous de la harde, de même que des niveaux de population. Une des excellentes nouvelles dans l'Ouest de l'Arctique, ce sont les niveaux élevés de la population de cette harde en particulier. Toutefois, la situation est moins favorable pour d'autres populations de caribous dans la région. Nous essayons de comprendre pourquoi certaines hardes de caribous vont bien, et d'autres non. Nous essayons de faire des projections à long terme et de déterminer si la harde de caribous de la Porcupine commencera à décliner. Tous nos travaux sont colligés et transmis aux collectivités locales pour les aider dans leur gestion de la harde.
Merci.
Monsieur Chen, vous êtes de Terre‑Neuve si j'ai bien compris. Une des stratégies d'atténuation est l'utilisation de thermopompes. Avez-vous une thermopompe à la maison?
Merci. C'est une question intéressante.
Je n'ai pas de thermopompe chez moi.
L'Université Memorial offre des programmes d'études sur les énergies renouvelables. Nous produisons du matériel didactique sur le sujet et nous attirons des étudiants de partout dans le monde. À mon avis, en offrant davantage d'options d'énergies renouvelables [difficultés techniques] les thermopompes [difficultés techniques] les technologies contribuent à répandre l'utilisation de ces formes d'énergie.
Concernant l'adaptation aux changements climatiques, si je puis me permettre, je vais donner quelques exemples de mes travaux sur les mesures d'adaptation destinées aux membres de différentes collectivités dans le Nord.
Je suis ingénieur de formation. Je me suis donc penché sur les solutions qui permettraient d'améliorer les technologies. Prenons d'abord les nouveaux contaminants. Il y a deux aspects. Le premier a trait aux télécommunications, et le second est lié au transport maritime. La réduction de la calotte glaciaire a ouvert de nouvelles voies maritimes et a fait augmenter le trafic maritime dans le Nord. Dans l'Arctique canadien, le trafic maritime a presque triplé par rapport aux trente dernières années.
Par ailleurs, nous examinons aussi le Recueil sur la navigation polaire inscrit dans MARPOL, de même que la réglementation des navires qui déversent des eaux usées dans les océans.
Mon temps est limité. Je suis désolé de vous interrompre.
Le gouvernement en fait‑il assez pour soutenir le trafic maritime dans le Nord et pour maximiser les nouvelles voies maritimes qui pourraient être empruntées pour le transport de marchandises?
En réalité, en raison de la fonte des glaces, les activités visées dans le Code polaire menées dans l'Arctique canadien se sont accrues. Je ne connais pas les règles en détail, mais il y a d'autres facteurs. Nous avons observé une augmentation du trafic maritime et ferroviaire dans le Nord. C'est pour cette raison que les nouveaux contaminants attirent l'attention mondialement. En effet, la réglementation existante vise les sources de pollution traditionnelles comme les eaux grises. Les déversements d'eaux grises sont particulièrement élevés en ce moment. Il suffit de regarder les données. Nous observons une augmentation des paquebots de croisière — leur nombre a triplé, je crois — et des pétroliers. Le nombre de bâtiments a doublé ou triplé. Pensez aux navires de croisière qui comptent des milliers de personnes à bord.
Monsieur Chen, le temps est écoulé. C'est fascinant. Un autre membre du Comité va peut-être poursuivre la discussion.
Je cède la parole au député Chen pour six minutes.
Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup aux témoins qui comparaissent devant notre comité aujourd'hui.
Je vais revenir à M. Chen.
Je remarque ici que vous êtes professeur de génie environnemental et chef de file reconnu en recherche et en applications. Vous vous intéressez particulièrement à l'atténuation des effets des changements climatiques, ainsi qu'aux interventions en situation d'urgence, comme les déversements de pétrole et d'autres catastrophes. Vous avez également une certaine expérience, si j'ai bien compris, de la prise de décisions assistée par l'intelligence artificielle.
Ce sujet pique ma curiosité. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont l'intelligence artificielle et d'autres technologies peuvent contribuer à la lutte contre les changements climatiques?
Merci beaucoup. C'est une question très intéressante.
Je pense que nous adoptons maintenant de nouvelles technologies, et l'intelligence artificielle en fait partie. Nous nous employons à maints égards.
Nous examinons notamment les données antérieures, car nous avons beaucoup investi dans la collecte de données au cours des dernières décennies. Nous voulons utiliser les données existantes à bon escient et élaborer de nouvelles méthodes et mesures pour découvrir quelque chose que nous ne savions pas. C'est très intéressant.
Par exemple, nous examinons les facteurs humains liés aux déversements de pétrole. Nous examinons tous les échelons, des sphères supérieures où se prennent les décisions et s'élaborent les politiques, jusqu'au bas de l'échelle, où se trouvent les opérateurs et les équipages. Quelles sont les erreurs humaines, comme une formation incomplète, des connaissances parcellaires ou un manque d'expérience? Quelles erreurs et fautes ont mené à une catastrophe et à une intervention d'urgence? Pendant l'intervention, comment les gens réagissent-ils? Des facteurs humains contribuent-ils aux conséquences? Je pense que nous avons réuni plusieurs centaines de cas et examiné les facteurs humains, arrivant à la conclusion intéressante qui suit: les facteurs humains entrent en ligne de compte dans 70 à 80 % des catastrophes d'origine humaine, surtout dans le cas des navires et des déversements de pétrole. C'est là une des facettes que nous étudions.
Nous utilisons également les données de plus en plus nombreuses que nous recueillons de l'air et la mer pour tenter de prévoir ce qui va se passer. Que devrions-nous faire en situation d'urgence, en cas de déversement de pétrole? Prenons l'exemple du déversement de pétrole de BP dans le golfe du Mexique. Si un déversement de pétrole de cette ampleur se produisait, malheureusement, dans l'Arctique, ce serait une terrible catastrophe. Comment peut‑on réagir? Comment pourrions-nous nous préparer à une telle catastrophe? C'est ce que nous avons étudié pour aider les intervenants professionnels sur le plan de la formation et du soutien. Il faut aussi voir comment les communautés pourraient se préparer. Elles acquièrent des connaissances de base afin de comprendre ce qu'est un déversement, comment on peut le signaler, comment on peut se protéger, etc.
Pour toutes ces questions, collectivement, il existe une énorme quantité de données. Ces données sont également très diversifiées, même dans le format... Je pense que c'est l'un des principaux défis. Nous avons beaucoup de données provenant de divers organismes et organisations, qui utilisent probablement tous des formats et des dépôts différents. Comment pouvons-nous regrouper les données de façon plus efficace et rapide afin de les utiliser pour appuyer la prise de décisions des intervenants, afin d'économiser du temps, de sauver des vies et de réduire les coûts? Voilà ce que nous cherchons à déterminer. Je suis en train d'élaborer des outils à cette fin.
Merci beaucoup.
Je vais maintenant m'adresser à Mme Myers-Smith.
Vous avez aussi parlé des données et de l'importance de diffuser les grands résultats de la recherche tout en respectant la souveraineté autochtone. Nous venons d'entendre M. Chen parler de la façon dont les données peuvent être recueillies au fil du temps et utilisées pour trouver des solutions. Vous avez aussi beaucoup parlé des divers défis liés à l'augmentation des coûts de la recherche dans l'Arctique et de la nécessité de renforcer la capacité de recherche dans le Nord.
Je veux vous interroger à propos de l'élaboration d'une stratégie scientifique pour l'Arctique. Le Canada étant un pays arctique, le travail que vous faites est extrêmement important. Pensez-vous que le Canada devrait avoir une telle stratégie?
Je pense certainement que le Canada devrait en avoir une. Je pense qu'il a mis en place une stratégie pour l'Arctique par l'entremise de divers organismes. Nous devrions peut-être envisager de la mettre à jour, en pensant à l'avenir de l'Arctique, qui pourrait être très différent de l'Arctique que nous avons connu dans le passé, particulièrement dans le cadre de la recherche.
J'ai écouté les réunions précédentes du Comité, et je veux également faire écho aux commentaires de Joël Bêty. Je pense que deux idées ont fait surface. Il y a d'abord celle d'une entité répartie selon un modèle en étoile pour assurer la logistique de la recherche, puis celle d'avoir des centres dispersés aux quatre coins de l'Arctique pour faire le lien entre les chercheurs et les communautés autochtones. On pourrait qualifier ces unités de centres de connaissances dans l'Arctique canadien. Comme il y a des limites tant du côté des communautés que de la recherche, il y aurait une entité au milieu pour réunir les recherches et en favoriser la communication aux personnes qui prennent les décisions stratégiques, mais aussi, potentiellement, la réalisation de recherches dans le Nord canadien.
D'accord.
Très rapidement, alors, trouvez-vous la situation difficile? Vous avez parlé de l'utilisation de drones, mais il est également question de logistique pour les chercheurs. Pensez-vous qu'il est possible de renforcer la capacité en adoptant des technologies pour appuyer vos recherches dans l'Arctique?
Je répondrais brièvement que oui. La technologie continuera d'évoluer, et nous devons être capables de nous adapter à cette technologie changeante et continuer d'aller dans l'Arctique pour l'utiliser au maximum.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je salue les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
Ma première question s'adressera à M. Joël Bêty.
Monsieur Bêty, je tiens d'abord à vous féliciter pour vos nombreuses années d'engagement dans la recherche scientifique. Je sais que vous avez déjà reçu plusieurs distinctions et reconnaissances, mais c'est un honneur et un plaisir de vous accueillir au Comité aujourd'hui.
Ma première question, qui vous est adressée à titre de professeur de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité arctique, est la suivante. Pouvez-vous nous fournir des exemples d'initiatives étrangères de recherche dans l'Arctique dont le Canada pourrait s'inspirer?
Je vous remercie de votre question.
Il existe de très bons exemples ailleurs dans le monde, notamment sur les suivis à long terme. Certains pays, dont le Danemark et la Norvège, ont mis en place des programmes de suivis écosystémiques à long terme dans la toundra arctique, qui font appel à des chercheurs à la fois gouvernementaux et universitaires.
Par exemple, le Greenland Ecosystem Monitoring est un programme intégré de surveillance et de recherche à long terme sur les écosystèmes et les changements climatiques dans l'Arctique. Depuis 1995, ce programme favorise une compréhension beaucoup plus cohérente et intégrée du fonctionnement des écosystèmes terrestres. Il est basé sur une récolte de données interdisciplinaires incluant plusieurs composantes de la biodiversité arctique. Dans le cadre de ce programme, chaque année, 75 scientifiques vont sur le terrain pour récolter des données standardisées au même site d'échantillonnage; plus de 1 000 paramètres sont mesurés et disponibles gratuitement. Ces données, qui sont utilisées par les participants au programme, de même que par d'autres scientifiques, par le public ou par des partenaires externes, servent à produire plusieurs articles ou évaluations scientifiques, ou rapports consultatifs.
En Norvège, il existe le programme COAT, soit le Climate ecological Observatory for Arctic Tundra, qui est un système d'observation similaire.
Globalement, ces programmes de suivis à long terme multicomposants sont très productifs et permettent de mieux comprendre les interactions entre les espèces et les nombreux effets indirects du réchauffement sur les systèmes arctiques. Ce sont des choses qui devraient nous inspirer, ici, au Canada.
Merci, monsieur Bêty.
Des témoins sont venus ici nous parler de la compétition qui se fait entre les pays situés autour du cercle polaire. Vous venez de comparer différents programmes à l'étranger. J'ai aussi lu le rapport sur le Programme du plateau continental polaire de la scientifique en chef du Canada, Mme Mona Nemer, dans lequel elle note que le Canada devrait aspirer à être un chef mondial en matière de recherche nordique, parce qu'il a l'une des plus importantes revendications territoriales dans l'Arctique.
M. Boudreault, qui était le premier président de Savoir polaire Canada, nous a mentionné que le Canada manquait non seulement de chercheurs pour faire de la recherche nordique, mais aussi de financement.
J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
Vous avez effectivement mentionné un programme extrêmement important, soit le Programme du plateau continental polaire. Nous avons été très surpris d'apprendre récemment qu'une grande partie de son budget n'était pas pérennisé, ce qui a évidemment créé énormément d'angoisse chez plusieurs chercheurs universitaires du milieu canadien.
Ces budgets ne suivent pas l'évolution des coûts de la recherche dans l'Arctique. On parle donc ici d'un problème majeur. Nous avons, au Canada, une très grande capacité de recherche et plusieurs chefs de file mondiaux en matière de recherche arctique. Il est important de se le rappeler. Cependant, la situation est fragile, vu que certains programmes de financement ne reflètent pas l'augmentation des coûts de la recherche.
Il y a par ailleurs des programmes comme le Supplément en recherche nordique. J'ai fait partie des comités de sélection. Il y a de très bons projets que nous ne pouvons pas soutenir, faute de financement. Il arrive, pour cette raison, que nous ne puissions pas financer des projets qui répondent à des besoins des communautés. Les montants que nous recevons sont similaires à ceux que nous recevions il y a 20 ans. C'est quand même inconcevable, considérant que les coûts de la recherche dans l'Arctique ont énormément augmenté.
Bref, le Canada fait assurément partie des leaders mondiaux, mais cette situation me semble fragile. Certains programmes méritent davantage d'attention. Nous avons au Canada des chefs de file internationaux et il est important de se le rappeler.
Je suis bien d'accord, monsieur Bêty. On ne fait pas de la recherche nordique avec des bâtons de Popsicle.
Je répète souvent que M. Richard Boudreault, le premier président de Savoir polaire Canada, disait qu'un pays comme l'Islande comptait proportionnellement beaucoup plus de chercheurs que le Canada, notamment 13 fois plus par mètre carré. Nous pouvions constater que l'activité de recherche scientifique était beaucoup plus intense dans certains pays en raison du soutien financier accordé par leur gouvernement. Il s'agissait notamment de la Norvège, de la Suède, de la Finlande et du Danemark.
En vous basant sur votre expertise, j'aimerais que vous nous donniez votre avis sur ces données.
Je n'ai pas les chiffres concernant le nombre de chercheurs qu'on retrouve ailleurs dans le monde, mais je peux dire que, si on finance davantage la recherche nordique et la recherche arctique, le nombre de chercheurs travaillant dans le Nord va augmenter. Plusieurs universités forment des gens qui deviennent hautement qualifiés et prêts à s'investir dans la recherche nordique. Évidemment, il faut du financement pour soutenir ces projets dans le Grand Nord.
Monsieur Bêty, quelles sont les conséquences du fait que le financement n'est pas soutenu adéquatement, sur une longue durée? En quoi cela affecte-t-il la recherche nordique, notamment?
Il arrive que nous devions mettre fin à des séries temporelles. Comme je l'expliquais tout à l'heure, pour bien comprendre quels sont les changements et ce qui les cause, il nous faut des séries temporelles à long terme. Or, en raison du manque de financement, nous devons parfois mettre un terme à certains suivis et à certaines séries temporelles. Par conséquent, nous comprenons moins bien ce qu'il est en train de se passer.
Le manque de financement peut parfois limiter l'impact que nous pourrions avoir et notre capacité d'échanger avec les communautés du Nord.
[Traduction]
Je vous remercie tous de témoigner aujourd'hui.
Je commencerai par Mme Myers-Smith.
Sur une note personnelle, je voulais simplement dire que le Comité a reçu Dave Hik mardi. Il est donc formidable d'accueillir une autre ancienne de la Station de recherche du lac Kluane de l'Institut de l'Arctique de l'Amérique du Nord, qui a accompli un travail important dans l'Arctique.
Nous parlions plus tôt de l'atténuation par rapport à l'adaptation. Je me demande si vous pourriez nous parler de la nécessité de simplement surveiller les effets des changements climatiques dans l'Arctique. Cette région est beaucoup plus touchée que nous le sommes ici. Vous avez parlé des changements du pergélisol, un phénomène dont l'île Herschel est l'exemple parfait. Ces incidents de fonte du pergélisol libèrent du méthane dans l'atmosphère, entraînant un cercle vicieux de répercussions climatiques. La glace marine fond, notamment dans l'Arctique, où la réduction de l'albédo dans l'océan accélère le réchauffement de la Terre.
Dans quelle mesure importe‑t‑il que le Canada soit un chef de file mondial en matière de surveillance des répercussions climatiques dans l'Arctique?
Je pense qu'il est essentiel qu'à l'échelle internationale, nous surveillions ce qui se passe dans l'Arctique, et le Canada est peut-être le meilleur pays pour diriger cet effort international. Nous avons besoin d'un volet de surveillance, car nous ne pouvons pas prédire certains des changements qui se produisent dans l'Arctique. Nous avons besoin de méthodes pour assurer une collecte continue et cohérente de données afin de comprendre les changements qui se produisent.
Nous devons comprendre ces changements, car les réactions qui peuvent se produire dans l'Arctique — les changements qui touchent les écosystèmes, le pergélisol et la glace marine — ont des répercussions à l'échelle mondiale. L'Arctique se réchauffe quatre fois plus vite que le reste de la planète. Les impacts de ce réchauffement dans l'Arctique influencent le climat du reste du monde.
Ce que nous faisons maintenant sur le plan des émissions de gaz à effet de serre a une incidence sur l'Arctique. Les changements se manifestent d'une manière que nous ne pouvons pas entièrement atténuer à ce stade. Les répercussions des changements qui surviendront au cours des prochaines décennies influenceront le climat mondial et le rythme du réchauffement de la planète entière. Ce qui se passe dans l'Arctique ne se limitera pas à cette région. Cela nous influencera tous, et nous devons surveiller ces changements et avoir des programmes de recherche intégrés avec tous les acteurs concernés pour vraiment étudier les impacts des changements climatiques.
Je vous remercie.
Vous avez aussi parlé de soutien logistique. Nous savons que l'Arctique est un vaste territoire où il est très difficile et coûteux de se déplacer. Vous avez mentionné le projet du plateau polaire, qui est au cœur de la logistique de la recherche dans l'Arctique depuis de nombreuses années. Je me souviens d'avoir entendu dire — en 2018, je crois — que le budget de ce projet n'avait pas été augmenté depuis 20 ans. Je pense qu'un ajustement a été fait à l'époque, mais je me demande si vous pourriez nous parler du soutien logistique, en utilisant peut-être le projet du plateau polaire comme exemple pour nous expliquer combien d'argent il reçoit et comment il devrait être conçu. Vous avez parlé brièvement du modèle en étoile. Peut-être pourriez-vous simplement nous donner une idée de ce qui, selon vous, fonctionnerait le mieux pour soutenir la recherche canadienne dans l'Arctique.
Eh bien, je pense qu'il est très important de commencer par préciser que le financement du projet du plateau continental polaire appuie la recherche dans l'Arctique canadien. Je travaille à l'extrémité ouest de l'Arctique canadien, tout près de la frontière de l'Alaska, et ce programme appuie mes recherches.
Cependant, le centre logistique du plateau continental polaire se trouve dans l'est de l'Arctique; je suis donc très loin des responsables de la logistique. Ils continuent de m'aider sur le plan du financement, même si je suis à des milliers de kilomètres dans l'Ouest avec mon équipe de recherche.
Pour vous donner quelques chiffres, si on veut se rendre à mon centre de recherche, sur l'île de Qikiqtaruk-Herschel, il faut d'abord aller à Inuvik, pour y emprunter ensuite un vol nolisé d'une heure. Il y a quelques années, un aller simple coûtait 7 000 $, puis le prix est passé à 8 000 $. Cet été, il en coûtera de 9 000 à 10 000 $ pour un aller simple, pour un voyage de quelques membres de mon équipe de recherche. Nous devons effectuer plusieurs voyages par été, et les coûts augmentent à un rythme effarant en raison du coût du carburant et d'autres contraintes logistiques. Le programme du plateau continental polaire intervient et finance ces coûts pour nous permettre d'utiliser nos fonds de recherche pour la recherche proprement dite. Sans ce soutien logistique, nous ne pourrions pas nous rendre sur place. Or, c'est là que les effets des changements climatiques se font sentir. Nous devons être présents sur le terrain.
Je vous remercie.
J'aimerais m'adresser à M. Bêty et lui poser des questions plus ou moins semblables. Je sais, monsieur Bêty, que vous avez étudié l'oie des neiges. Vous avez de nouveau mentionné les impacts, soulignant que ce qui se passe dans l'Arctique nous touche plus au sud. Vous pourriez peut-être nous parler de ce que les populations d'oies des neiges font en réaction aux changements climatiques et à d'autres phénomènes, de la complexité de la situation et de la façon dont cette dernière nous touche dans les régions tempérées de l'Amérique du Nord.
[Français]
Je vous remercie de votre question.
Je tiens à souligner que les espèces migratrices sont influencées par des facteurs qui se produisent un peu partout sur la planète. Je vais donner l'exemple des oies des neiges. Ces oiseaux sont touchés non seulement par ce qui se passe dans l'Arctique, mais aussi par les changements en matière de pratiques agricoles dans Sud, par exemple.
À l'échelle internationale, nous observons une augmentation de plusieurs populations d'oies blanches, de canards ou de bernaches causées par des changements sur le plan des pratiques agricoles. Cela a fait augmenter considérablement la densité des populations d'oies blanches dans l'Arctique. Ces augmentations de densité d'oies blanches dans l'Arctique ont des répercussions sur les écosystèmes arctiques. Par exemple, cela peut avoir des effets négatifs sur les communautés végétales, transformer les communautés végétales et avoir des conséquences négatives sur d'autres espèces qui sont actuellement en déclin, comme les oiseaux...
[Traduction]
Monsieur Cannings, vous pourrez peut-être poursuivre sur ce sujet au prochain tour. Merci beaucoup.
La parole est maintenant à M. Lobb pour cinq minutes.
Merci beaucoup.
Ma première question s'adresse à Mme Myers-Smith.
Elle porte sur certaines de vos recherches et sur le travail que vous avez fait sur la limite forestière. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce travail et sur ce qu'il vous montre?
Oui. J'ai effectué quelques travaux sur la limite forestière. Une grande partie de mes recherches portent sur la limite arbustive, qui est la prochaine à se présenter quand on se déplace dans l'Arctique. Quand on remonte vers le nord et le long des pentes et des chaînes de montagnes, on atteint une limite à partir de laquelle les arbres cessent de pousser. Plus loin ou plus haut, les grands arbustes ligneux cessent de pousser, et on se retrouve avec des plantes plus basses, qui finissent elles-mêmes par cesser complètement de pousser.
L'une des répercussions des changements climatiques, c'est que ces limites peuvent se déplacer vers le nord ou vers le haut. On trouve de la végétation plus haute, plus de végétation ligneuse qui contient plus de carbone, mais l'environnement souterrain change également, et cela peut influencer des phénomènes comme le dégel du pergélisol et créer certains effets climatiques. Cela modifie également l'habitat de la faune.
Que nous apprend l'évolution des limites forestière et arbustive au fil du temps? Avez-vous eu la possibilité de faire des recherches sur les déplacements antérieurs?
Oui. Si on pense au passé, on pourrait remonter jusqu'à la dernière ère glaciaire. Lorsque nous faisons ce genre de travail, nous utilisons le pollen. Notre compréhension de l'emplacement des limites forestière et arbustive est donc beaucoup plus fragmentaire. Dans le passé, cependant, l'Arctique était une région passablement arbustive et les limites forestières se trouvaient plus au nord lorsque le climat était plus chaud. Par la suite, le climat s'est refroidi et ces limites sont descendues vers le sud.
Ce que nous observons dans une certaine mesure, en fait, c'est que les lignes forestière et arbustive progressent vers le nord, toujours en réaction à la dernière période glaciaire, mais maintenant, il y a en plus le réchauffement anthropique qui entraîne un déplacement des limites forestière et arbustive. La limite arbustive se déplace beaucoup plus vite que la limite forestière, de sorte que la végétation change plus rapidement en raison du réchauffement anthropique qui s'ajoute à la réaction à la dernière ère glaciaire.
Au cours de vos 20 années de métier — si cette information m'a échappé, je vous prie de m'excuser —, avez-vous observé une différence notable dans le déplacement vers le nord?
Ce que nous constatons particulièrement dans les endroits où je travaille, c'est une augmentation des arbustes qui se trouvaient déjà dans ces écosystèmes et qui sont en train de devenir beaucoup plus dominants. J'ai une série de photos — que je serais ravie de vous transmettre après la réunion — où on peut voir l'évolution de la végétation. Depuis les années 1980, le changement est spectaculaire à certains endroits où je travaille. Alors qu'il n'y avait autrefois pratiquement pas d'arbustes, les paysages sont maintenant dominés par des arbustes ligneux qui montent jusqu'à la hauteur des cuisses, ce qui modifie considérablement les habitats de la faune et le cycle du carbone dans ces systèmes.
Dans la période actuelle de l'histoire, le changement est spectaculaire, mais peut-être qu'il ne l'est pas autant sur des décennies ou des siècles, à moins que vous pensiez qu'il soit sans précédent actuellement?
Je dirais que le rythme des changements est sans précédent. Il est difficile de remonter très loin dans le temps, parce que les données deviennent plus parcellaires, mais le rythme du changement a été beaucoup plus spectaculaire au cours des trois dernières décennies qu'au cours du siècle dernier. Selon nos projections, ce rythme va augmenter à l'avenir pour de nombreux paramètres dans l'Arctique.
J'ai une question sur la coordination. Je pense qu'avec votre expérience, vous pourriez avoir des observations importantes à faire au Comité sur la façon dont la recherche est coordonnée à l'heure actuelle dans l'ensemble de l'Arctique. Comment pouvez-vous mener vos recherches, apporter votre contribution et assurer la coordination avec d'autres régions? Comment cela fonctionne‑t‑il? Y a‑t‑il lieu d'apporter des améliorations? Que pensez-vous de la situation de façon générale?
J'ai consacré une grande partie de ma carrière à essayer de réunir des chercheurs pour faire ce que nous appellerions une « synthèse ». Nous travaillons tous à différents endroits dans l'Arctique. Nous travaillons ensemble pour mettre en commun nos ensembles de données et poser des questions avec cet ensemble de données circumarctiques complet. À l'heure actuelle, une grande partie de cette synthèse exige que les gens consacrent leur propre énergie et leurs propres fonds de recherche pour mettre ces recherches en commun.
D'autres pays ont des programmes qui financent exclusivement la synthèse, et j'en ai bénéficié en Allemagne et aux États-Unis. Je pense qu'il pourrait être vraiment intéressant que le Canada offre le même genre de financement pour la synthèse et la mise en commun des données afin de réunir les gens, les chercheurs et les communautés du Nord dans le but d'examiner ces questions. Je pense que c'est un domaine où le gouvernement canadien ne fournit pas beaucoup de financement à l'heure actuelle.
Je pense que c'est un élément clé. Il semble qu'à l'échelle internationale, il existe quelques moyens de coordonner les efforts internationaux, mais vous avez peut-être raison de considérer que le gouvernement fédéral pourrait en faire plus pour assumer un rôle de leadership canadien coordonné.
Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'être ici en personne à ce comité. Nous avons entendu d'excellents témoignages.
J'ai trois questions: une pour M. Anderson, une pour M. Chen et enfin une pour Mme Myers-Smith.
J'ai travaillé à l'Université du Cap-Breton et au Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse pendant de nombreuses années. Lorsque j'étais à l'Université du Cap-Breton, j'ai eu le privilège de passer du temps au Collège Unama'ki, où la recherche était axée sur le savoir autochtone, le savoir traditionnel et la science occidentale.
Monsieur Anderson, je me demande si vous pouvez nous expliquer brièvement l'importance du savoir et des observations autochtones dans la recherche dans l'Arctique en lien avec le changement climatique. Pensez-vous que le savoir autochtone est adéquatement représenté dans les études dont nous disposons sur les changements climatiques dans l'Arctique?
Je pense que nous essayons de faire en sorte qu'il le soit. Il est certain que l'on en parle beaucoup et que c'est beaucoup abordé dans les médias. En ce qui a trait au savoir autochtone ou à la consultation des intervenants du Nord dans le domaine de l'éducation, on ne parle pas, dans la discussion sur l'accès au Nord par voie maritime, du fait que lorsque le transport maritime progresse vers le nord, il perturbe les routes autochtones. C'est l'une des choses avec lesquelles nous devons composer. À mon avis, la question est de savoir comment défendre les routes autochtones, et non pas de savoir comment faire en sorte que les navires du Sud puissent se diriger plus facilement vers le nord. C'est une perspective autochtone. C'est une perspective locale.
Je pense que nous avons un meilleur bilan en la matière. Je répète qu'il y a des villages et des agglomérations partout dans le Nord, et que des gens très compétents y vivent. Lorsque nos chercheurs s'en vont, ils devraient laisser quelque chose au bénéfice de ces communautés. Aujourd'hui, les choses s'améliorent, mais une entente plus officielle qui inclurait les peuples autochtones et les chercheurs nous sera utile, d'un point de vue autochtone.
Je félicite l'Université du Cap-Breton pour le bon travail qu'elle accomplit.
Je vous remercie, monsieur Anderson.
Monsieur Chen, votre témoignage et certaines de vos réponses aux questions qui vous ont été posées m'ont vraiment fait réfléchir aux contaminants dans le Nord, aux changements climatiques et à la crise climatique. En ma qualité de secrétaire parlementaire pour les pêches, les océans et la Garde côtière, je m'intéresse particulièrement, là où je vis, sur la côte Est, à ce qui se passe dans le dossier des changements environnementaux.
Vous avez parlé de deux problèmes: les contaminants et le changement climatique. Vous avez ensuite parlé de prévisions. Je me demande si vous pourriez prendre un peu de temps pour exposer certains éléments relatifs à notre avenir qui vous inquiètent profondément. Vous avez entre autres souligné l'incidence de ces problèmes sur l'environnement. Pourriez-vous nous parler d'un exemple précis, pendant une cinquantaine de secondes, avant que je ne m'adresse à Mme Meyers-Smith?
Oui. C'est une excellente question.
Je peux vous parler du projet que j'ai mené l'année dernière. Nous avons prélevé des échantillons d'eau et de sol à Yellowknife autour du Grand lac des Esclaves pour tenter de déterminer la quantité de PBDE. Il s'agissait d'un projet véritablement communautaire. Des membres de la collectivité faisaient partie de l'équipe. Les PBDE sont des produits ignifuges très typiques, et sont présentés comme étant des contaminants émergents. Ce sont des substances toxiques et cancérigènes qui se trouvent partout, dans nos draps et nos voitures et même nos appareils électroménagers.
Nous avons prélevé plus de 150 échantillons de sol et d'eau et avons été surpris de constater que les PBDE avaient été détectés dans presque tous ces échantillons. Ils ne se trouvent pas seulement à la surface, mais aussi en profondeur, même dans le pergélisol. Ces contaminants sont désormais omniprésents. Même les microplastiques s'infiltrent très profondément dans le sol. Nous en avons détecté à 1,5 mètre de profondeur. On peut percer le pergélisol comme si c'était du béton.
Ces substances sont déjà présentes. Comment pouvons-nous protéger nos collectivités de ces substances lorsqu'elles se retrouvent dans les rivières, les lacs, les aliments et dans l'eau?
Merci, monsieur. Je dois vous arrêter ici, car il me reste un peu moins de 30 secondes.
Madame Meyers-Smith, vous avez parlé du modèle en étoile. Je suis tout à fait en faveur de cela. Nous avons parlé du renforcement des capacités dans les communautés autochtones. Pourriez-vous nous donner quelques conseils pour nous aider à trouver des solutions dans ce domaine? Évidemment, il y a l'argent, mais y a‑t‑il autre chose que nous devrions faire et que nous ne faisons pas en ce moment?
Je céderai la parole à quelqu'un d'autre après votre réponse.
Une réponse très rapide à cette question est que les compétences des gens constituent aussi une contrainte. Nous avons besoin d'argent, mais nous avons aussi besoin de gens, de gens qui ont été formés pour réunir la recherche universitaire, la recherche gouvernementale et le travail que les communautés autochtones accomplissent sur le plan de la surveillance des écosystèmes. Il faut que ces ressources soient réparties dans l'Arctique canadien, tant dans les régions à proximité des communautés que dans celles qui en sont plus éloignées.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je poursuis la discussion en adressant mes questions à M. Bêty.
Pouvez-vous nous donner des exemples qui illustrent la contribution du gouvernement du Québec à la recherche dans l'Arctique canadien?
Je dirais qu'une des forces du gouvernement du Québec est probablement la mise en place de regroupements stratégiques interuniversitaires et multidisciplinaires, comme le Centre d'études nordiques, Québec-Océan, le Centre de la science de la biodiversité ou encore le Centre interuniversitaire d'études et de recherches autochtones, ou CIERA.
Ces regroupements stratégiques soutiennent une partie ou l'entièreté de la recherche nordique faite par des chercheurs québécois. Cela favorise énormément le partage de données des infrastructures et encourage des collaborations élargies en recherche arctique. De plus, ces regroupements favorisent beaucoup le recrutement de nouveaux chercheurs universitaires orientés vers la recherche nordique, ce qui contribue évidemment au potentiel de recherche du Canada dans le Nord.
Plus récemment, l'Institut nordique du Québec, ou INQ, a été créé, afin de mobiliser des chercheurs de différents centres et groupes de recherche sur le développement durable et éthique dans les régions nordiques. L'INQ est soutenu par le Fonds de recherche du Québec, le ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, ainsi que par la Société du plan Nord. La Société du Plan Nord au Québec soutient aussi des projets, principalement au Nunavik, qui est aussi une partie importante du territoire arctique canadien. Plusieurs initiatives contribuent énormément à la formation de personnel hautement qualifié en milieu nordique et augmentent notre capacité de recherche dans le Nord.
Merci, monsieur Bêty. Je suis très fier d'entendre ça.
Comment pourrions-nous améliorer la collaboration et les échanges de savoirs entre les chercheurs universitaires et les communautés du Nord?
Comme je le mentionnais tout à l'heure, je pense qu'on a vraiment besoin d'aide. Les communautés ont parfois autant besoin d'aide pour la recherche du financement et la recherche d'experts que les chercheurs experts ont besoin d'aide pour mieux appuyer et aider les communautés. Cela demande des ressources professionnelles hautement qualifiées et spécialisées dans ce type d'interaction pour maximiser la collaboration, le partenariat et la coconstruction. Je pense que nous n'avons pas assez de ces professionnels qui sont engagés et qui aident autant les communautés que les chercheurs universitaires.
[Traduction]
Merci.
Je vais revenir à M. Bêty.
Tout à l'heure, vous avez parlé d'ensembles de données recueillies à long terme, et je voulais vous donner l'occasion de nous en dire plus à ce sujet. D'autres témoins que nous avons entendus dans le cadre de cette étude nous ont parlé de l'importance de ces ensembles de données et de l'importance du maintien du financement des recherches qui permettent de recueillir ces données à long terme, car une fois que le cycle est brisé, nous perdons des renseignements inestimables.
Je vais vous donner l'occasion de parler de la valeur de ces ensembles de données et de ces recherches et de la façon dont nous pourrions mieux les financer et en faire la promotion.
[Français]
Je vous remercie beaucoup, encore une fois, de votre question.
Comme je le mentionnais, les séries à long terme permettent de mieux comprendre les causes des changements. Évidemment, des changements peuvent être causés par le réchauffement climatique, mais parfois par d'autres facteurs aussi, y compris des facteurs qui s'exercent à l'extérieur de l'Arctique. Les séries à long terme permettent de différencier des variations normales, anormales et d'identifier des causes.
Le problème est que nos systèmes de financement sont beaucoup plus axés sur des projets à court terme, la nouveauté ou des projets très ciblés sur certaines espèces, et c'est un vrai problème pour bien comprendre l'impact des changements climatiques sur les écosystèmes arctiques.
L'autre chose, c'est que les différentes composantes des écosystèmes ne répondent pas à la même vitesse. Certaines composantes réagissent très rapidement, alors que d'autres réagissent beaucoup plus lentement. Parfois, ce sont nos séries temporelles à long terme qui permettent de comprendre cette hétérogénéité dans la réponse des écosystèmes, puisque, en fait, les prochains écosystèmes arctiques restent des écosystèmes qui sont différents, où il y aura une reconstitution, un réassemblage des composantes des écosystèmes qui ne répondent pas à la même vitesse. Les données à long terme nous permettent de détecter ce genre de changement et de mieux les anticiper.
[Traduction]
Madame Myers-Smith, voulez-vous aussi formuler un bref commentaire sur la collecte de données à long terme? Vous y avez constamment recours.
Je suis tout à fait d'accord avec tout ce que M. Bêty vient de dire.
J'aimerais simplement souligner une chose.
Nous avons recueilli divers ensembles de données à l'île de Qikiqtaruk—Herschel. Notre groupe de recherche a, entre autres, ravivé la collecte de données à long terme sur la profondeur de la couche active, données que l'on avait arrêté de recueillir. Puis, l'été dernier, il y a eu un important épisode de dégel du pergélisol. Sans données recueillies à long terme, nous ne pourrions pas comprendre ce qui se passe aujourd'hui et nous ne serions pas en mesure de faire des prédictions sur ce qui se passera l'été prochain et à l'avenir.
On ne peut pas toujours prévoir les changements qui s'en viennent. Les changements surviennent à des rythmes différents selon les divers paramètres de ces systèmes. Les répercussions sont mondiales et aussi locales, et elles sont d'une importance vitale. Nous avons besoin de données pour comprendre les changements en cours.
Je tiens à remercier nos témoins, M. Kirk Anderson, M. Bing Chen, Mme Isla Myers-Smith et M. Joël Bêty. Vos témoignages étaient très intéressants.
Si vous avez quelque chose à ajouter, vous pouvez soumettre ces renseignements au greffier. Je vous invite également à consulter le greffier pour toute question.
Nous allons suspendre brièvement la séance et reprendrons nos travaux à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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