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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 090 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 juin 2024

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 31 janvier 2023, le Comité reprend son étude de la science et de la recherche dans l'Arctique canadien en lien avec le changement climatique.
    J'ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos témoins. Du Conseil circumpolaire inuit du Canada, nous accueillons Lisa Koperqualuk, présidente de cette organisation. Du bureau de l'Arctique du Natural Environment Research Council, nous accueillons Henry Burgess, qui est chef de cette organisation.
    Nous allons commencer par une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions.
    Madame Koperqualuk, je vous invite à faire votre déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
     Merci, madame la présidente, de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui des questions qui sont vraiment importantes pour nous en ce qui concerne la science et la recherche sur les changements climatiques.
    Je m'appelle Lisa Qiluqqi Koperqualuk. Je suis présidente du Conseil circumpolaire inuit, ou CCI, du Canada, qui a été créé en 1977, de concert avec tous les autres pays membres du CCI, et qui représente plus de 180 000 Inuits de la Tchoukotka, de l'Alaska, du Canada et du Groenland.
    Aujourd'hui, je m'adresse à vous en fin d'après-midi depuis Bonn, en Allemagne, où le CCI est présent pour défendre les intérêts des Inuits et traiter des répercussions des changements climatiques sur notre territoire circumpolaire, l'Inuit Nunangat, et sur nos terres, nos glaces et nos eaux.
    Même si une grande partie de notre travail se fait à l'échelle internationale, il y a des répercussions nationales. Les conséquences et les répercussions des changements climatiques dans l'Arctique se font sentir dans tous les aspects de la vie quotidienne et dans le fondement de notre culture. Le déclin de la glace de mer de l'Arctique devrait se traduire par des étés sans glace d'ici le milieu du XXIe siècle. Les Inuits l'ont observé et en subissent les répercussions. L'augmentation de la navigation dans l'Arctique modifie les voies de migration des mammifères marins et force les Inuits à voyager beaucoup plus loin pour trouver leurs aliments traditionnels sains.
    Les températures du pergélisol ont atteint des niveaux records au cours des 30 dernières années. À mesure qu'il dégèle et se dégrade, les bâtiments, les pipelines et les pistes d'atterrissage qui sont construits sur le pergélisol peuvent s'incliner et devenir instables. Jusqu'à 50 % des infrastructures de l'Arctique risquent d'être endommagées d'ici 2050. Cela nécessitera des engagements financiers importants.
    Des vagues de surface d'intensité et de fréquence accrues sont projetées dans l'océan Arctique et le long de la côte, ce qui entraînera une augmentation des taux d'érosion côtière au cours des prochaines décennies. Le dégel du pergélisol et les vagues érodent le littoral arctique d'un demi-mètre en moyenne par année. Dans le nord de l'Alaska, l'érosion atteint 1,4 mètre par année.
    Ici, à l'échelle internationale, l'un de nos messages clés est que les Inuits et tous les peuples autochtones du monde ont besoin d'un accès équitable, durable et direct au financement de la lutte contre les changements climatiques. Les besoins en matière d'adaptation aux changements climatiques sont considérables dans l'ensemble de l'Inuit Nunangat, de la gestion des urgences à la sécurité des glaces et à l'infrastructure. Nous sommes encouragés par le programme de leadership climatique autochtone au Canada, et nous espérons voir des mesures ambitieuses au‑delà du mandat actuel.
    Le savoir autochtone comprend de multiples méthodologies, processus d'évaluation et de validation, et façons de stocker et de partager l'information. Il offre une approche holistique qui peut contribuer à une transition vraiment juste et équitable. Le savoir autochtone aide à cerner les besoins en matière de recherche et il peut éclairer les décideurs. Bien qu'il y ait eu des progrès, il y a aussi beaucoup d'enseignement à faire sur la façon d'utiliser et d'intégrer notre savoir de façon équitable et éthique.
    L'Inuvialuit Regional Corporation a récemment annoncé la création d'un réseau de recherche communautaire inuvialuit. C'est un excellent exemple de la façon dont les Inuits déterminent leurs priorités en matière de recherche dans leurs communautés. Ce réseau renforcera la capacité et l'autodétermination, et il doit devenir la norme de la recherche communautaire menée par les Inuits pour les Inuits.
    Cette année, Makivvik a publié sa stratégie d'adaptation aux changements climatiques. Ce rapport reconnaît la nécessité d'une plus grande participation des détenteurs du savoir et des jeunes inuits et de l'utilisation du savoir inuit dans la recherche sur les changements climatiques. De tels exemples sont obtenus grâce à beaucoup d'efforts et de temps, et grâce à des gens qui se consacrent à la question des changements climatiques dans l'Inuit Nunangat.
     La recherche sur les changements climatiques et le renforcement des capacités sont des domaines qui doivent continuer de croître à mesure qu'ils connaissent une demande importante et exigent une expertise particulière. Un financement limité empêche le CCI Canada de s'acquitter de son mandat comme il se doit.

  (1105)  

     Des ressources financières et humaines suffisantes permettraient alors au CCI Canada d'aider les Inuits à atteindre l'autodétermination au niveau international, où les décisions concernant les mesures climatiques sont prises, même si elles sont très éloignées de l'Arctique.
    Grâce à un partenariat égal avec les Inuits, à notre savoir et à notre expérience, nous avons un rôle important à jouer...
    Merci, madame Koperqualuk.
    ... dans la compréhension du changement dans l'Arctique et de ce qu'il signifie pour les Inuits, le Canada et le monde.
     Merci. C'est tout le temps que nous avons. Merci beaucoup.
    C'était ma conclusion. Merci.
    Nous passons maintenant la parole à M. Burgess, pour cinq minutes.
    Bonjour. Merci beaucoup de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui dans le cadre de votre étude. C'est un grand plaisir pour moi de partager cette tribune avec la présidente du CCI Canada, Lisa Koperqualuk.
    Je m'appelle Henry Burgess et je suis le chef du bureau de l'Arctique du Natural Environment Research Council, qui relève du British Antarctic Survey à Cambridge, au Royaume‑Uni. J'occupe ce poste depuis 2016, et avant cela, j'étais sous-chef du Polar Regions Department au Foreign, Commonwealth and Development Office. Pour la période 2022‑2026, je suis également président de l'International Arctic Science Committee, une organisation non gouvernementale indépendante qui existe depuis 1990, qui compte 24 États membres et dont le rôle est de favoriser et de faciliter la coopération internationale dans l'ensemble des activités scientifiques dans l'Arctique.
    Notre rôle au Bureau de l'Arctique du Royaume‑Uni est d'appuyer les chercheurs de l'Arctique basés au Royaume‑Uni, de fournir des conseils aux décideurs, de représenter le Royaume‑Uni dans un éventail de discussions et de forums scientifiques internationaux, d'appuyer la présence physique du Royaume‑Uni dans l'Arctique par l'entremise de notre station de recherche à Svalbard, en Norvège, et de créer de nouveaux programmes de recherche internationaux.
     Au cours des six dernières années, le Canada a été au centre de notre approche. Nous avons pris un engagement important et investi grandement dans l'élaboration d'un nouveau programme international et dans la mise en œuvre des priorités du Canada, du Royaume‑Uni et des Inuits. Le Programme de recherche sur l'Arctique Canada-Inuit Nunangat-Royaume‑Uni de 2021‑2025, connu sous le nom de CINUK, est un programme de plus de 18 millions de dollars visant à s'attaquer aux thèmes clés liés aux changements climatiques sur les terres, les milieux marins côtiers et les côtes de l'ensemble de l'Inuit Nunangat, ainsi qu'aux répercussions sur la santé et le bien-être des communautés inuites. Tous les détails du programme sont disponibles sur le site Web, cinuk.org.
    Le programme CINUK représente le plus important investissement stratégique actuel du Royaume‑Uni dans la recherche et l'innovation dans l'Arctique. Il est offert et financé en partenariat avec Savoir polaire Canada, le Conseil national de recherches du Canada, le Fonds de recherche du Québec, Parcs Canada et en partenariat pleinement équitable avec l'Inuit Tapiriit Kanatami. Le programme offre 13 projets auxquels participent plus de 150 personnes et plus de 60 organismes de recherche, communautaires et autres.
    Parmi les thèmes examinés, mentionnons la santé humaine, la santé animale et les aliments traditionnels, l'expansion de l'aire de répartition des castors, la sécurité alimentaire, la santé des glaciers et des écosystèmes, les tendances et les risques du transport maritime, les plastiques et la santé, la recherche et le sauvetage, l'érosion côtière, l'énergie renouvelable intégrée, la sécurité des déplacements sur la glace de mer et bien plus encore. La combinaison des thèmes environnementaux et des thèmes sociaux, économiques et technologiques est au cœur du programme.
    Des partenariats équitables et habilitants entre les chercheurs inuits et les membres de la communauté et ceux du Canada et du Royaume‑Uni en matière de gouvernance, de conception et d'évaluation de base, de réalisation de projets, de publication et de propriété des données sont au centre de ce programme. Chaque étape de l'élaboration du programme a été réalisée en partenariat avec l'Inuit Tapiriit Kanatami et dans le but de répondre aux attentes de la stratégie nationale inuite en matière de recherche. Les Inuits ont participé à la planification et à l'exécution de chaque projet depuis le tout début.
    L'élaboration du programme, qui comprenait la signature d'un protocole d'entente novateur entre tous les partenaires en 2021, a nécessité un engagement important de la part de UK Research and Innovation. À bien des égards positive, elle a élargi nos façons de travailler actuelles. Je suis extrêmement reconnaissant à tous nos partenaires canadiens et inuits de leur patience, de leur soutien et de leur partenariat pour faire avancer cette nouvelle façon de travailler.
    Bien que le programme CINUK ne représente qu'une partie des liens entre le Royaume‑Uni et le Canada en matière de science et de recherche dans l'Arctique, la nature novatrice et extensible du programme représente un développement important, et elle renferme la promesse de partenariats internationaux plus larges. Alors que nous réfléchissons aux prochaines étapes des liens de recherche avec le Canada et d'autres partenariats internationaux et à l'Année polaire internationale qui se tiendra en 2032‑2033 dans son ensemble, nous sommes déterminés à faire en sorte de diffuser les leçons tirées de cette démarche.
    Je serai heureux d'aider le Comité de toutes les façons possibles.
    Merci.

  (1110)  

     Merci beaucoup, monsieur Burgess.
    J'aimerais signaler au Comité que nous n'avons pas été en mesure de fournir le casque d'écoute à notre troisième témoin à temps pour aujourd'hui. Nous l'avions pourtant envoyé il y a trois semaines. Il va probablement arriver demain. Nous espérons réserver de nouveau M. Andrew Arreak de SmartICE à un autre moment.
    Cela met fin aux déclarations préliminaires.
    Comme nous fonctionnons en mode hybride, j'aimerais rappeler à ceux qui participent virtuellement d'attendre que je vous donne la parole en vous nommant avant de parler. Ceux qui participent par vidéoconférence peuvent cliquer sur l'icône du microphone pour activer leur micro. Veuillez mettre votre micro en sourdine si vous ne parlez pas. Pour l'interprétation, ceux d'entre vous qui utilisent Zoom ont le choix, au bas de l'écran entre le parquet, le français ou l'anglais. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré. Veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole. Les membres peuvent utiliser la fonction « lever la main » sur Zoom. Le greffier et moi-même allons gérer l'ordre des interventions du mieux que nous le pouvons, et nous vous remercions de votre compréhension. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Nous allons maintenant passer aux questions. N'oubliez pas d'indiquer à qui vos questions s'adressent.
    Nous allons commencer par M. Tochor, pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins. J'ai quelques questions à vous poser, que nous aborderons sous peu.
    J'ai cependant une question pour notre présidente.
     Le 27 février 2024, Mona Nemer, conseillère scientifique en chef du Canada nommée par les libéraux, a comparu devant le Comité. Nous lui avons posé quelques questions auxquelles elle avait promis de répondre. Cependant, nous sommes maintenant le 4 juin et nous n'avons toujours pas reçu de réponse, malgré les rappels répétés. Il s'agissait de questions pourtant simples: Quel est votre budget? Que faites-vous? Pourtant, des mois plus tard, nous n'avons encore rien reçu.
    Madame la présidente, que comptez-vous faire pour résoudre ce problème, je l'espère, pour tous les membres du Comité?
    Je vais suspendre la séance un instant pour m'entretenir avec le greffier.
    Le greffier a communiqué avec son bureau trois fois, la dernière fois le 27 mai. On nous a répondu qu'on y travaillait et qu'on nous obtiendrait quelque chose, mais on ne nous a pas donné de date.
    Qu'en pense le Comité?
    Madame Rempel Garner.
     Sur ce point, il devrait être préoccupant qu'une fonctionnaire ne puisse pas nous fournir des renseignements fondamentaux comme son budget et ce qu'elle fait exactement. Ce sont des questions assez fondamentales. Cela ne devrait pas être une question partisane. Les ministères de ce genre existent selon le bon vouloir du Parlement, et non l'inverse. Le fait que nous ne soyons pas en mesure d'obtenir cette information est une question de privilège limite, à ce stade, selon moi. On nous a demandé d'examiner les dépenses. Bon nombre des recommandations qui pourraient être formulées dans certains des rapports sur des questions que nous examinons pourraient manifestement s'appuyer sur ce manque d'information. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi cela se produit.
    À ce stade‑ci, j'aurais tendance à en faire une question de privilège ou à présenter une motion plus musclée. Je pense aussi qu'elle devra peut-être revenir devant le Comité pour expliquer pourquoi il faut trois mois pour fournir ces renseignements de base. C'est vraiment déplorable.
    Madame la présidente, nous en sommes au point où nous devons en référer à un niveau supérieur. Si vous n'êtes pas en mesure d'obtenir cette information, je pense que nous devrons probablement envisager d'autres options.

  (1115)  

     Je vais suspendre la séance un instant.
    En tant que présidente du Comité, je serais tout à fait disposée à leur écrire une lettre pour leur dire que nous avons demandé trois fois — la dernière fois le 27 mai — et que nous cherchons des réponses à ces questions simples. Je leur donnerais une date. Voyons voir. Nous sommes le 4 juin. Je dirais qu'un délai d'une semaine est plus que raisonnable. La demande initiale remonte maintenant à plusieurs mois.
    Qu'en pensez-vous? Y a‑t‑il consentement unanime pour adopter cette approche?
    J'irais même plus loin. J'aimerais préciser qu'elle aura une semaine pour fournir ces réponses par écrit. Sinon, elle comparaîtra devant le Comité la semaine suivante.
     Qu'en pensez-vous?
    Oui, madame Jaczek.
    Pourrions-nous voir exactement ce que nous demandions au départ?
     Nous demandions le budget de l'an dernier.
    A‑t‑on demandé des détails particuliers?
    On ne demandait que des chiffres.
    Cela semble curieux.
    Je pense certainement que la lettre devrait préciser un délai. Il nous restera peut-être du temps à ce moment‑là — une fois que nous aurons l'information — pour voir si elle doit revenir. Je pense que la lettre telle que vous l'avez décrite, madame la présidente, serait suffisante, avec peut-être même le lundi 10 juin comme date limite.
     Je pourrais dire quelque chose comme « faute de quoi, nous vous demanderons de revenir devant le Comité et de nous fournir les réponses en personne ».
    Merci.
    J'ai redémarré le chronomètre.
     Combien de temps me reste‑t‑il?
     Je l'ai redémarré pour cinq minutes.
     Merci.
    Je remercie les témoins de leur présence et de leurs témoignages.
    J'ai été surpris et encouragé de voir que le Conseil circumpolaire inuit a été créé en 1977. C'est une excellente année. C'est l'année de ma naissance. Plus important encore, avec le passage de toutes ces années — maintenant 47 ans — d'étude des changements climatiques dans l'Arctique, j'aimerais entendre toute recherche concrète ou toute solution qui a une incidence sur le Nord à l'heure actuelle. Sur quelles recherches avez-vous travaillé au cours des 47 dernières années pour que les gens puissent voir les fruits de vos recherches sur l'adaptation ou sur différentes stratégies pour vraiment changer les choses dans le Nord?
    Ma question s'adresse à Mme Koperqualuk.
     Je suis désolée. J'attendais qu'on me nomme avant de prendre la parole.
    Oui, nous attendons votre réponse.
    Vous avez la parole.
     Merci.
    CCI Canada représente les Inuits au niveau international. Les travaux auxquels nous avons participé sont étroitement liés aux négociations internationales, où nous faisons la lumière sur la situation des Inuits et avertissons le monde au sujet des changements survenus dans l'Arctique au cours des dernières décennies.
    Je veux simplement que ce soit clair. Il n'y a pas encore eu de réunions pour trouver des solutions.
    Nous nous réunissons toujours pour proposer des solutions. L'une des solutions, c'est que nous devons reconnaître que le savoir autochtone est égal à la science occidentale. L'un des problèmes, c'est que lorsque nous apportons notre savoir...

  (1120)  

     Notre temps est limité. Je veux simplement que ce soit précisé.
    Vous rassemblez le savoir inuit. Quel savoir inuit permettra de régler le problème des changements climatiques dans le Nord?
    Les observations des Inuits sur ce qui se passe avec la glace, la réduction du couvert de glace en mer, représentent ce que les Inuits observent depuis des décennies et ce à quoi ils sensibilisent le monde entier.
    Ce n'est pas nous qui sommes responsables des changements climatiques; c'est aussi ce que nous disons. Selon notre savoir et les détenteurs du savoir autochtone, ce n'est pas nous qui sommes responsables des changements climatiques. Nous demandons un financement pour le climat, un accès direct au financement pour le climat. En tant qu'Inuits, nous vivons dans un pays industrialisé. En tant qu'Inuits, nous ne bénéficions d'aucun accès direct au financement fourni par le système des Nations unies, et c'est une partie du problème. Nous disposons de fonds et de ressources limités pour nous attaquer aux changements climatiques.
    L'Arctique se trouve principalement au Canada. Quels pays reçoivent des fonds des Nations unies?
    Ce financement est octroyé aux pays en développement, aux pays les moins industrialisés, et ce sont des États qui sont signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
    J'aimerais m'éloigner du sujet de la recherche un instant. Vous avez parlé de l'importance culturelle des Inuits et des différentes pratiques. Un des autres témoins a parlé de l'importance économique de la chasse au phoque pour les Inuits. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la chasse au phoque et si le gouvernement fédéral en fait assez pour appuyer la chasse au phoque pour les Inuits.
     Je ne peux pas parler au nom des chasseurs de phoque, mais je sais qu'il y a eu des difficultés pour les Inuits qui dépendent de la chasse au phoque sur le plan de l'économie en raison de l'interdiction des produits du phoque. Il est censé y avoir une exemption spéciale pour les produits du phoque. Cependant, les Inuits sont touchés par cette interdiction, et ils ont donc besoin de l'appui de tous les États concernés.
     Merci beaucoup.
    Je m'adresse à notre autre témoin. Mon temps est limité. Il me reste cinq secondes. Savez-vous que le bureau de l'Arctique du Natural Environment Research Council Arctic Office travaille avec la Russie? Votre gouvernement vous a‑t‑il demandé de cesser de mener des projets de recherche avec la Russie ou la Chine?
    Je vous remercie de la question.
     Oui. À l'époque de l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie, le gouvernement a examiné le financement de la recherche en cours avec la Russie. Tous les secteurs du Natural Environment Research Council qui menaient des travaux avec la Russie sur la science de l'Arctique ont été, soit interrompus, soit relocalisés dans d'autres pays. Certains travaux qui devaient avoir lieu en Russie ont été déplacés au Groenland ou ailleurs.
    Et la Chine?
    Non. Il n'y a pas d'injonction en ce qui concerne la Chine.
    [Difficultés techniques]
    Je suis désolé. Je n'ai pas compris ce que vous venez de dire.
    Travaillez-vous actuellement avec des sociétés ou des agents chinois?
     Il n'y a aucune restriction au travail avec la Chine sous cette forme. Un éventail de chercheurs du Natural Environment Research Council et des universités du Royaume-Uni ont des liens avec la Chine. Je ne connais pas les détails exacts.
     Nous avons dépassé le temps alloué. Nous pourrons en discuter lors d'une autre série de questions.
     Nous allons maintenant passer à M. Longfield, qui est en ligne.
    Vous avez six minutes.
     Merci, madame la présidente.
    Je remercie nos témoins de s'être joints à nous dans un autre fuseau horaire et dans une autre région du monde. Nous sommes heureux de vous accueillir tous les deux pour parler de la recherche dans l'Arctique.
     J'aimerais commencer par vous, madame Koperqualuk, au sujet de la participation des Autochtones. M. Burgess a dit dans son témoignage que la participation autochtone était séparée, à juste titre, de la participation canadienne. Le Comité a récemment mené une étude sur le savoir traditionnel autochtone.
    Pourriez-vous nous parler de l'évolution du dialogue à ce sujet? En sommes-nous arrivés à l'étape où nous devons faire participer les Inuits et les autres peuples autochtones?

  (1125)  

    Je vous remercie de cette question. C'est une question très importante, parce que nous préconisons l'utilisation du savoir autochtone depuis de nombreuses années et revendiquons son égalité avec les autres savoirs, en disant que ce ne sont pas les données scientifiques occidentales qui le valident.
     Maintenant, j'entends parler de changement au niveau des acteurs et des parties prenantes au Canada. Peut-être aussi qu'en raison du processus de réconciliation, il y a une plus grande ouverture dans le travail, la collaboration et le partenariat avec, sur une base égale, les peuples autochtones dans les initiatives de recherche. C'est vraiment bien, parce que la réconciliation ne relève pas seulement des peuples autochtones.
    Il y a l'initiative Qanittaq, par exemple, entre CCI Canada et l'Université Memorial. Nous avons établi un partenariat dans le cadre d'une initiative de recherche visant à rendre le transport maritime plus durable et à renforcer les capacités des communautés inuites et mettre à profit l'expertise maritime des détenteurs du savoir inuit.
     Je comprends qu'il commence à y avoir une plus grande ouverture et une meilleure collaboration. Ce n'est pas parfait. Nous devons encore pousser.
    C'est une voie à suivre, et j'espère que nous y travaillerons ensemble.
    Oui. Merci.
    Merci.
    Monsieur Burgess, des recherches très impressionnantes sont menées à l'Université de Cambridge, au Royaume-Uni, et vous travaillez également avec Canada—Inuit Nunangat—United Kingdom, ou CINUK. La gouvernance est l'un des sujets que nous débattons dans le cadre de cette étude, afin de savoir comment nous pouvons assurer la collaboration qui s'impose entre les parties qui peuvent participer à l'élaboration de solutions dans l'Arctique.
    Pourriez-vous nous parler des défis de la gouvernance, de la façon dont les groupes de travail pourraient interagir, ou si nous devons examiner de nouvelles formes de gouvernance dans le cadre de notre étude?
     Oui. Merci.
     J'ai dit dans ma déclaration préliminaire que le programme CINUK et la façon dont nous l'avions conçu ensemble en tant que partenaires nous avaient mis au défi au Royaume-Uni. C'est certainement le cas, parce que lorsqu'on combine le savoir traditionnel occidental avec d'autres formes de savoir inuit, local et traditionnel, ce ne sont pas des systèmes dans lesquels nous avons encore une grande expertise. Nous avons un long chemin à parcourir ici, et nous n'en sommes qu'au tout début, surtout au Royaume-Uni.
    Lorsqu'il s'agit de concevoir un programme auquel participent des chercheurs du Royaume-Uni, du Canada et de l'Inuit Nunangat, il faut trouver de nouvelles façons d'évaluer la qualité des propositions qui sont présentées. Normalement, au Royaume-Uni, on procède à un examen par les pairs de l'excellence scientifique, et nous avons conservé cette façon de faire dans la conception du programme CINUK, mais nous avions aussi des comités régionaux locaux dans l'ensemble de l'Inuit Nunangat qui l'examinaient de leur point de vue. A‑t‑il répondu à leurs priorités? Le partenariat était‑il ouvert et équitable? Allait‑il produire des résultats significatifs pour eux? Ces travaux allaient-ils laisser un héritage à leur communauté?
    Nous avons regroupé ces deux formes de pondération. Je pense que c'est ainsi que nous devrons procéder à l'avenir si nous voulons établir davantage de partenariats internationaux.
    Formidable. Merci.
    Comme il me reste une minute et demie, je vais revenir à Mme Kopequaluk.
     Vous avez parlé de financement durable. Je siège également au comité permanent de l'environnement, où nous menons actuellement une étude sur le financement durable et sur le rôle que le capital international peut jouer pour fournir les ressources nécessaires pour trouver des solutions. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le financement durable et sur la façon dont les Inuits peuvent jouer un rôle dans les décisions à cet égard?
     D'accord. Je pense que je parlais de transport maritime durable.
    Ou s'agit‑il du financement climatique par...
    Oui, le financement climatique.
    D'accord.
    Dans le cadre du processus de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, nous nous sommes efforcés de faire en sorte que les peuples autochtones aient accès au financement de la lutte contre les changements climatiques. Au Canada, ce n'est pas le cas. Nous comprenons que le Canada dépense des millions de dollars dans les pays en développement pour son travail sur le climat, alors je pense que c'est la grande différence. Si nous avions accès à un financement accru pour les changements climatiques, nous pourrions travailler à l'adaptation. Nous pourrions consacrer plus de temps aux coûts d'atténuation.
     Nous sommes consultés, mais nous pourrions renforcer la capacité à notre bureau de CCI Canada. Je suis parmi les personnes qui assistent à ces réunions sur le climat, avec un conseiller, et nous avons des jeunes et des détenteurs du savoir, et ainsi de suite, mais notre bureau a une capacité limitée...

  (1130)  

    Merci. Notre temps est écoulé.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Blanchette-Joncas, pour six minutes.

[Français]

    Je salue les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à M. Henry Burgess.
    La semaine dernière, nous avons reçu votre collègue Anne Barker, qui est la directrice du programme Défi « L'Arctique et le Nord » du Conseil national de recherches du Canada. Elle nous mentionnait que le sous-financement de la part du gouvernement fédéral causait des problèmes quant à l'attribution ou la façon de déterminer qui va occuper l'espace pour financer la recherche.
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Selon ce que vous voyez concrètement, quelles sont les conséquences du sous-financement chronique de la recherche en Arctique de la part du gouvernement fédéral?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur le niveau et la pertinence du financement au sein du système fédéral canadien. Ce n'est pas un sujet que je peux aborder en ces termes, mais en y réfléchissant dans le contexte du Royaume-Uni, je dirais que, bien sûr, en tant que chercheurs, en tant que personnes engagées à comprendre les changements climatiques dans l'Arctique, nous aimerions tous qu'il y ait le plus d'investissements possible dans ce domaine, parce que nous sommes conscients de l'urgence de la situation, et nous sommes conscients des gains vraiment importants qu'il y a à obtenir, à l'échelle nationale et internationale, en connaissant mieux ce qui se passe afin que nous puissions nous y adapter.
     C'est aussi vrai au Royaume-Uni qu'ailleurs. Franchement, il n'y a jamais assez de financement pour la science, et en particulier pour la science de l'Arctique, mais je ne pourrais pas vous fournir un montant précis.
     Je dirais que le travail que nous avons fait dans le cadre du programme CINUK et ailleurs avec le Conseil national de recherches du Canada a montré qu'ils sont incroyablement positifs, coopératifs et compétents dans le travail international, et nous y attachons beaucoup d'importance. Le travail que nous faisons avec eux sera très avantageux pour le Canada, mais pour le Canada sur le plan international aussi, car nous en apprendrons davantage sur les changements qui se produisent dans l'Arctique.

[Français]

    Vous collaborez notamment avec le Royaume‑Uni. Comment le Canada se compare-t-il au Royaume‑Uni sur le plan des infrastructures qu'il possède et du nombre de chercheurs qui effectuent de la recherche scientifique en Arctique?

[Traduction]

     Je n'ai pas les chiffres exacts sous la main, mais je dirais qu'il y a proportionnellement plus de chercheurs au Canada qu'au Royaume-Uni. Ce qui est intéressant, c'est qu'une étude de l'Université de l'Arctique a été publiée à l'été 2023 et portait sur le classement des pays dans la production de publications scientifiques sur l'Arctique. On y a classé le Canada au troisième rang mondial pour ce qui est du volume de publications scientifiques sur l'Arctique et le Royaume-Uni au sixième rang. Le Canada est un acteur important dans le domaine des sciences de l'Arctique et, au Royaume-Uni, nous sommes très heureux et reconnaissants de notre partenariat avec vos organismes de recherche fédéraux et d'autres.

[Français]

    Vous dites que le Canada est un acteur important dans la recherche en Arctique. Est-ce que vous diriez que le Canada est un chef de file mondial en recherche nordique?

  (1135)  

[Traduction]

     Je dirais que si vous êtes au troisième rang dans le monde pour le nombre de publications scientifiques sur l'Arctique, cela vous place à un niveau mondial. Oui, je peux l'affirmer sans crainte de me tromper.

[Français]

    Je ne suis pas certain de bien comprendre, monsieur Burgess. J'ai sous les yeux le rapport de la conseillère scientifique en chef du Canada intitulé « Le Programme du plateau continental polaire et l'essor de la recherche nordique ». Ce rapport date de 2023, ce qui n'est quand même pas si lointain. Je vous en lis un extrait, en citant la conseillère scientifique en chef: « Le Canada a l'une des plus importantes revendications territoriales dans l'Arctique. Le Canada devrait aspirer à devenir un chef de file parmi les nations circumpolaires en termes de recherche nordique, de la même manière qu'il s'efforce d'être un chef de file mondial dans d'autres disciplines. »
    Alors, est-ce que vous êtes en train de me dire que nous n'avons pas la vérité de la part de la conseillère scientifique en chef?

[Traduction]

    Je n'ai pas toutes les précisions au sujet du rapport, mais dans tous nos pays, dans tout le travail que nous faisons à l'échelle internationale, nous nous efforçons d'être aussi bons que possible. D'après la citation que vous avez lue, j'ai eu l'impression qu'elle voulait que le Canada soit le meilleur possible, plutôt que de dire que ce n'était pas un pays de calibre mondial à l'heure actuelle. Tous les rapports que nous avons eus avec les partenaires dans le cadre du programme CINUK ont montré que le Canada est l'un des acteurs les plus positifs, les plus patients et les plus compétents en la matière. Je n'ai aucun doute que, de notre point de vue, le Canada est l'un des nombreux pays qui sont des chefs de file mondiaux en matière de science dans l'Arctique. Il s'agit vraiment d'un partenariat international. Très peu de pays agissent seuls dans ce domaine; ce sont les partenariats internationaux qui font vraiment la différence.

[Français]

    D'accord, monsieur Burgess. J'essaie simplement de comprendre pour vous aider.
    D'une part, la conseillère scientifique en chef dit quelque chose. D'autre part, vous, qui êtes le chef du bureau de l'Arctique du Conseil national de recherches du Canada, dites autre chose. Alors, vous comprendrez qu'il y a de la confusion.
    Je cherche à savoir qui dit vrai. Est-ce la conseillère scientifique en chef? Est-ce vous? Y a-t-il d'autres personnes, comme des experts scientifiques, qui appuient vos propos ou qui démentent les propos tenus par la conseillère scientifique en chef dans son dernier rapport?

[Traduction]

    Soyez très bref s'il vous plaît.
    Vous allez devoir m'excuser, car je ne suis pas un expert des modèles canadiens de financement des sciences et des organismes individuels. D'après ma propre expérience, ayant vu des chercheurs canadiens à des réunions internationales, je sais que, dans le cadre du travail qui se fait au sein du Comité international des sciences arctiques et lors d'événements comme ArcticNet et ailleurs, je constate la qualité et la compétence des chercheurs, et je les considère parmi les meilleurs au monde.
    Merci, monsieur Burgess.
     Nous allons maintenant passer la parole à M. Cannings, pour six minutes.
     Je remercie les deux témoins d'être ici aujourd'hui. Je vais commencer par M. Burgess.
    J'aimerais commencer par le fait que, comme nous le savons, l'Arctique est beaucoup plus touché par les changements climatiques que d'autres régions du monde, et que ces changements, qu'il s'agisse de la réduction de la glace de mer ou du dégagement de méthane par la fonte du pergélisol, causent des cycles vicieux qui affectent le reste du monde.
    Votre groupe s'est déjà penché sur cette question dans le cadre de projets de recherche antérieurs. J'aimerais d'abord savoir si ces projets de recherche se poursuivent. Comment appuyez-vous ces projets? Avez-vous des scientifiques qui y participent? Financez-vous des chercheurs de différents pays dans ce contexte? Quel est votre modèle de prestation pour cette recherche?
     Je vous remercie de votre question.
    Je représente le Natural Environment Research Council. C'est l'un des sept conseils relevant de l'organisation UK Research and Innovation, ou UKRI. Nous sommes essentiellement des organismes de financement. Je dirais donc que nous combinons tout cela.
    Il y a des centres de recherche financés par l'UKRI, comme le British Antarctic Survey, le National Oceanography Centre et d'autres. Nous avons nos propres chercheurs et une flotte de navires — des navires de grande croisière et des navires capables de naviguer dans les glaces — qui travaillent dans l'Arctique, ainsi que des avions et une station de recherche. Il y a là une capacité directe. C'est un peu comme le Conseil national de recherches. De plus, l'UKRI finance la science au moyen de subventions concurrentielles. Dans certains cas, il s'agit de projets à relativement petite échelle. D'autres sont des fonds plus stratégiques, plus ciblés, un peu comme le programme CINUK dont je parlais.
    Il s'agit d'un mélange de financement pour les universités et les centres de recherche, et de recherche directe par des employés de l'UKRI dans le cadre des centres de recherche.

  (1140)  

    Y a‑t‑il des fonds qui sont affectés à certains sujets? Je sais que, par le passé, vous avez mené des recherches sur l'Arctique pour poser des questions sur les effets des changements climatiques dans l'Arctique et ailleurs. Dirigez-vous des fonds à ces fins?
     Oui, une partie des fonds est dirigée.
    Par le passé, nous avions le programme de recherche sur l'Arctique et le programme sur l'évolution de l'océan Arctique. Dans les deux cas, il s'agissait d'investissements stratégiques par l'entremise du Natural Environment Research Council. L'argent a été mis sur la table, les sujets ont été déterminés et les universités et les centres de recherche ont pu soumissionner en proposant de bonnes idées. Il y a donc ce niveau stratégique. Il y a aussi le financement au jour le jour, si je peux dire, dans le cadre duquel nous laissons aux chercheurs eux-mêmes le soin de trouver des idées particulières qui devraient, selon eux, être financées. Ensuite, il y a un financement entre ces deux méthodes, qui représente l'occasion pour les chercheurs de se regrouper pour concevoir eux-mêmes des sujets de recherche individuels. Cela permet d'élargir les possibilités et le financement.
    C'est essentiellement un marché mixte.
    Vous avez parlé de travailler avec Savoir polaire Canada et l'Inuit Tapiriit Kanatami. Comment cela fonctionne‑t‑il? Comment gérez-vous ces partenariats très importants lorsque vous travaillez dans l'Arctique?
     En 2018 ou 2019, il a été décidé que le Canada et l'Arctique étaient des priorités d'investissement pour la recherche et l'innovation au Royaume-Uni. À ce moment‑là, nous avons entamé des discussions ouvertes et franches avec les organismes de financement au Canada pour voir comment nous pourrions travailler ensemble, essentiellement, comment nous pourrions réunir le meilleur de l'expertise et des atouts du Royaume-Uni avec ceux du Canada et, à partir de là, nous avons mis sur pied le programme CINUK. C'est en grande partie grâce à des échanges francs et directs avec Savoir polaire, le CNRC, le Fonds de recherche du Québec, Parcs Canada et l'Inuit Tapiriit Kanatami. En comprenant ce que chaque partenaire pouvait apporter à la table, nous avons pu réunir ce programme dans son ensemble, ce qui fonctionne également bien pour les trois collectivités.
    Merci.
    Combien de temps me reste‑t‑il, madame la présidente?
    Il vous reste 56 secondes.
    D'accord. C'est plus ou moins une minute.
    Je vais m'adresser à Mme Koperqualuk.
    Vous avez parlé de l'Inuvialuit Community Research Network. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet. Comment cela fonctionne‑t‑il et quel rôle le Conseil circumpolaire inuit pourrait‑il jouer dans les projets?
     Ce réseau relève de la Société régionale inuvialuite et est tout nouveau. Ils feront des recherches prioritaires dans leurs communautés. Ils sont déjà très occupés à faire de la recherche sur les effets des contaminants et de la pollution par le plastique sur les mammifères marins, alors ils sont très actifs. Ils renforcent les capacités et l'autodétermination grâce à cette recherche communautaire sur les changements climatiques.
     Merci.
    Je vais m'arrêter ici, madame la présidente.
     Nous allons maintenant passer à notre série de questions de cinq minutes, en commençant par Mme Michelle Rempel Garner.
     Merci, madame la présidente.
    Nous en sommes au point où nous essayons de recommander que le Comité présente un rapport. Un point qui a été soulevé dans d'autres témoignages, c'est la nécessité pour le Canada d'établir une stratégie officielle de recherche sur l'Arctique qui soit liée à la stratégie pour l'Arctique en soi et à toute stratégie potentielle de défense de l'Arctique que le gouvernement choisit de renforcer.
     Je remarque que les États-Unis ont une stratégie de recherche sur l'Arctique qui est mise à jour deux fois par année et qui comporte des buts et des objectifs clairs, lesquels sont également liés à une mesure législative américaine sur la gestion de l'Arctique.
    L'un des témoins pourrait‑il nous dire si le Comité devrait recommander au gouvernement d'élaborer une stratégie de recherche particulière pour l'Arctique?

  (1145)  

    Bien sûr. Certainement. Je dirais qu'une stratégie de recherche sur l'Arctique devrait inclure les Inuits et le savoir inuit.
    Comme je l'ai dit plus tôt dans mon exposé, il y a maintenant une certaine lassitude liée à la recherche. Les chercheurs viennent dans nos communautés pour mener des travaux scientifiques et être de très bons scientifiques occidentaux, et ainsi de suite, mais cela signifie souvent que notre savoir n'est pas inclus, parce que la science occidentale l'a souvent emporté sur le savoir inuit, mais ce dernier doit être inclus.
    Vous recommandez donc que le gouvernement élabore une stratégie de recherche qui inclut le savoir autochtone inuit comme fondement sous-jacent, dans le cadre de cette stratégie.
     Exactement. Oui.
     L'autre chose, Laurie, si vous me permettez de vous appeler ainsi, sur laquelle j'ai insisté, c'est le fait que je pense que vous tentiez de dire que le Canada ne s'occupe pas suffisamment de l'adaptation aux changements climatiques, que ce soit sur le plan des infrastructures ou des initiatives, dans sa propre région de l'Arctique. Est‑ce un bon résumé de ce que vous avez dit en passant?
    Vous vouliez dire Lisa?
    Lisa. Je suis désolée. Toutes mes excuses. Je dois penser à mon amie Laurie ce matin. Je suis désolée.
     D'accord.
    Oui, je pense qu'il y a des lacunes. Les communications et les consultations pourraient être plus efficaces. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les Inuits, qui n'ont pas un accès très facile à Internet, soient en mesure de répondre aux questions d'une enquête par Internet. Le lien avec les communautés est très important lorsqu'on élabore ces stratégies. C'est une lacune. Un élément manquant.
     Pour ce qui est des recommandations, alors, dans le cadre d'une stratégie de recherche sur l'Arctique qui inclut le savoir inuit, l'une des recommandations serait d'exiger que les processus de consultation des membres de la communauté inuite tiennent compte des besoins de communication et du contexte de la communauté. Est‑ce bien exact?
    C'est exact.
    J'ai noté une autre recommandation. La stratégie de recherche des Américains comporte cinq objectifs. Je ne dis pas que nous devons nécessairement copier-coller ce que les Américains ont décrit, mais leur stratégie est très axée sur les objectifs. Vous avez parlé de la nécessité de mener des recherches sur l'adaptation aux changements climatiques dans l'Arctique canadien afin d'orienter le financement. Est‑ce exact?
    C'est exact.
    Excellent.
    Y a‑t‑il d'autres domaines de recherche ou objectifs précis que vous recommanderiez dans votre contexte culturel et qu'une stratégie de recherche sur l'Arctique devrait inclure au Canada?
    D'autres domaines de recherche incluraient les définitions inuites des changements climatiques et de leurs répercussions. Que signifie l'adaptation? Quels sont les coûts d'atténuation? Compte tenu du coût élevé de la vie dans le Nord, les coûts de transition ne peuvent pas être déterminés sans nous consulter. La transition doit être juste et équitable.
    C'est une excellente recommandation.
    De plus, comment pourrions-nous structurer notre recherche? Que devrait recommander le Comité sur le contenu d'une stratégie de recherche en ce qui concerne le lien entre votre contexte culturel et une stratégie de souveraineté ou de défense dans le Nord? Quelles sont les lacunes dans les domaines de recherche auxquelles un plan de recherche sur l'Arctique devrait permettre de remédier dans ce contexte?
     Le temps est écoulé.
    Pourrions-nous demander à notre témoin de nous fournir une réponse écrite? Pourriez-vous faire cela, madame Koperqualuk?
     Oui.
    Ce serait formidable. Merci.
    Si la question peut m'être renvoyée, je serai heureuse d'y répondre.
    Merci.
     D'accord. Merci.
     Nous passons maintenant la parole à M. Chen, pour cinq minutes.

  (1150)  

     Merci beaucoup.
     Je remercie les témoins qui se sont joints à nous aujourd'hui.
    Madame Koperqualuk, je crois comprendre qu'en tant que chercheure en anthropologie, vous avez examiné les répercussions de la mondialisation sur le mode de vie traditionnel des Inuits. Comment la mondialisation a‑t‑elle affecté les communautés autochtones et leurs liens avec l'environnement?
    Je pense qu'il faudrait tout un livre pour raconter cette histoire.
     La mondialisation est si immense. C'est aussi un sujet lié à la colonisation.
    Tout d'abord, les communautés centralisées ont changé la dynamique familiale. Des missionnaires sont venus dans nos communautés. Notre économie a changé. Il faut maintenant de l'argent pour pouvoir acheter des biens. Il y a une différence entre le revenu d'une famille du Sud et celui d'une famille inuite de l'Arctique, qui est plus faible. Nous devons aussi composer avec un coût de la vie élevé.
     De nombreuses décisions ont de nombreuses répercussions, et les Inuits ont perdu leur autonomie. Des hommes inuits ont perdu des chiens de traîneau. Il y a eu les pensionnats et toutes les autres choses.
     Tout cela s'inscrit dans le contexte de la mondialisation. Certains aspects ont eu de bons effets, mais d'autres ont eu des effets négatifs.
     La mondialisation entraîne les changements climatiques. L'industrialisation a amené des contaminants dans nos communautés. Il y a du mercure dans nos aliments. Notre population, les femmes enceintes et les familles, doivent faire attention à ce qu'ils mangent. Nos sources d'aliments sains sont désormais contaminées.
    Il y a tellement d'autres répercussions. La pollution par le plastique fait maintenant partie des contaminants qui se retrouvent dans nos eaux arctiques. Les microplastiques sont maintenant très nombreux dans l'océan Arctique.
     La mondialisation a de nombreuses répercussions.
    En réfléchissant à la façon d'inverser ces tendances, le gouvernement fédéral pourrait appliquer et promouvoir le savoir traditionnel autochtone dans ses politiques et ses décisions en matière de changements climatiques. Dans le cadre de vos recherches, vous avez examiné l'importance de la cosmologie, de la spiritualité et des modes de vie traditionnels des Inuits.
     Quel rôle peuvent-ils jouer selon vous dans l'élaboration d'une stratégie efficace pour l'Arctique?
     Dans notre système de croyances, à l'époque du chamanisme, nous entretenons des relations avec la totalité du — Sila et du monde extérieur — dans lequel nous vivons. C'est aussi à l'extérieur que nous en faisons pleinement l'expérience. Cela nous permet d'acquérir des connaissances. Cela nous apporte de la sagesse. C'est ce qu'on appelle le silatuniq. C'est celui qui a le plus grand Sila et le plus grand monde extérieur.
     La relation que nous entretenons avec l'environnement qui nous entoure est ce qui a guidé notre système de connaissances sur nos relations avec les animaux et les esprits. Les animaux sont des êtres sur lesquels nous avons dû compter pour vivre, parce que dans l'Arctique, nous ne pouvons vivre que des animaux avec lesquels nous entretenons des relations. Cette relation était une relation mutuelle de respect et de protection.
    Ce lien était expliqué dans notre histoire sur Sedna, qui était aussi le protecteur des mammifères marins, mais nous devions avoir une bonne relation avec Sedna et avoir une bonne conduite. Cette bonne conduite, c'est l'amour de nos proches et l'amour de notre environnement, donc c'est la protection de notre environnement.
     C'est le comportement humain qui est en cause. Si nous ne nous comportons pas bien et si nous ne protégeons pas et ne respectons pas les animaux et l'environnement qui nous entoure, nous subirons la même chose. Cela fait partie de notre système de croyances.
     La mondialisation a généralement des répercussions négatives sur l'environnement. À votre avis, serait‑il possible de renverser la vapeur si nous intégrions davantage le savoir traditionnel autochtone à la mondialisation? Pourrait‑il être utilisé comme une force pour le bien de l'environnement?

  (1155)  

    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît.
    Oui. C'est le plus court que je puisse faire.
     Absolument, et c'est ce dont nous parlons ici à Bonn. Les systèmes de connaissances des peuples autochtones rendent ce changement possible.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant la parole à M. Blanchette‑Joncas, pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je vais m'adresser de nouveau à M. Burgess.
    Au sujet du Programme de recherche Canada-Inuit Nunangat—Royaume‑Uni dans l’Arctique, communément appelé le programme CINUK, j'aimerais vous entendre nous parler des principales priorités ou lacunes en matière de recherche cernées par ce programme dans la lutte contre les changements climatiques dans l'Arctique, en particulier en ce qui concerne les moyens de subsistance, la culture et le bien-être des Inuits.

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Oui, le programme CINUK a été élaboré en partenariat avec l'Inuit Tapiriit Kanatami et les membres de la communauté locale, les habitants du Nord, les Inuits et d'autres parce qu'on voulait avoir la certitude absolue que les thèmes du programme répondaient aux priorités locales.
    C'est pourquoi, dès le départ, nous avons veillé à ne pas le limiter à la science environnementale, au travail classique sur les glaciers, le pergélisol ou autres, mais aussi lui donner une dimension humaine, une dimension de science sociale.
    Il était clair dès le départ que, si les gens voulaient présenter des propositions pour le programme, ils devaient avoir des partenaires inuits dès le départ, et qu'ils devaient s'attaquer non seulement aux questions scientifiques environnementales, mais aussi à l'incidence qu'elles auront sur la vie et l'avenir des communautés du Nord.
    Le programme appuie une vaste gamme de travaux portant sur les aliments traditionnels et la santé animale, la santé humaine, le logement, l'énergie et les plastiques. C'est vraiment très vaste. Cela s'est fait non pas à la demande du programme, mais de ceux qui ont présenté les propositions. Je pense que cela est étroitement lié à la durabilité de la vie dans le Nord.

[Français]

    Pouvez-vous nous expliquer rapidement comment vous faites pour établir les priorités et déterminer ce que vous décidez d'étudier sur le plan de la recherche? Est-ce que les communautés collaborent avec vous dans la prise de décision?

[Traduction]

     Oui, tout à fait. Particulièrement dans le cadre du programme CINUK, parce que nous savions, après avoir largement lancé le filet pour recueillir des idées et avoir dit aux gens qu'il fallait réunir des chercheurs canadiens, britanniques et inuits, il ne suffisait pas de filtrer la qualité de ces produits dans l'optique de la science occidentale.
    C'est pourquoi nous avons mené une excellente évaluation des propositions, mais nous avons aussi mené une évaluation locale de ce que cela signifierait pour les communautés en soi, et les deux ont eu le même poids lorsque nous avons décidé lesquelles allaient être financées. Je pense que vous pouvez voir, d'après la nature des 13 projets, qu'il ne s'agit pas tous de projets scientifiques traditionnels, occidentaux, mais d'une vaste gamme de travaux.
    Merci beaucoup. Notre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant passer la parole à notre dernier intervenant, monsieur Cannings, pour deux minutes et demie.
    Merci.
     Je vais poursuivre avec M. Burgess pour parler plus en détail du projet CINUK. Comme vous l'avez dit, je suis en train de le consulter en ligne. Je vois des choses sur la surveillance communautaire de la santé animale, du bœuf musqué et des castors qui se déplacent vers le nord. Qui l'aurait cru? Il y a aussi un projet très intéressant qui porte essentiellement sur les témoignages des gens qui vivent dans l'Arctique et des communautés sur les effets des changements climatiques chez eux.
    Voudriez-vous commenter ce dernier projet, sur l'importance de faire entendre la voix des communautés sur les effets des changements climatiques dans l'Arctique?
    Oui, absolument. Le programme CINUK comprend un large éventail de projets.
    Nous voulions faire en sorte que, tout au long du processus, nous communiquions les connaissances tirées des 13 projets également. Ce ne sont pas seulement 13 projets individuels; les personnes qui y participent se réunissent au moins une fois par année pour partager ce qu'ils savent.
    Ce projet en particulier pourrait être le CCT project: Inuit Youth, Wellness and Environmental Stewardship.

  (1200)  

     Oui, c'est celui‑là.
    Merci.
    Lors de notre plus récente réunion scientifique annuelle — que nous avons tenue ici au Canada —, nous avons veillé à ce qu'un financement soit accordé aux chercheurs inuits et aux membres de la communauté pour qu'ils puissent venir du Canada, de l'Inuit Nunangat au Royaume‑Uni, à Cambridge ici, pour témoigner. C'était vraiment pour les 13 projets, et c'était fantastique à voir, parce que nous ne voulons pas seulement des résultats scientifiques occidentaux, mais bien une combinaison de connaissances. L'objectif du programme CINUK est de combiner les modes de connaissance autochtones et la science occidentale. C'était vraiment bien d'entendre ce point de vue de la part des membres de la communauté.
    Merci.
    Je vais m'arrêter ici.
    Merci beaucoup. Cela nous permettra de rattraper notre retard.
    Merci beaucoup, madame Koperqualuk et monsieur Burgess, de vos témoignages. Veuillez vous adresser au greffier si vous avez des questions. Vous pouvez également soumettre des renseignements supplémentaires par l'entremise du greffier.
    Nous allons suspendre brièvement la séance pour permettre à nos témoins de quitter la salle, puis nous reprendrons avec notre deuxième groupe de trois témoins.
    Les membres qui participent sur Zoom sont priés de rester branchés sur cette séance.

  (1200)  


  (1205)  

     Bon retour.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention de nos nouveaux témoins. Veuillez attendre que je vous donne la parole en vous nommant avant de parler. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro et désactiver votre micro lorsque vous ne parlez pas. En ce qui a trait à l'interprétation pour ceux qui utilisent Zoom, vous avez le choix au bas de l'écran entre le parquet, le français ou l'anglais. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
    J'ai maintenant le plaisir d'accueillir, à titre personnel, la Dre Susan Kutz, professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur la santé dans l'Arctique, qui est ici par vidéoconférence, et M. Warwick Vincent, professeur au Centre d'études nordiques de l'Université Laval, qui est ici dans la salle. De l'Arctic Institute of North America, nous accueillons Mme Maribeth Murray, directrice générale, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis Cambridge Bay.
    Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
    Docteure Kutz, je vous invite à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
    Je suis vétérinaire de la faune et titulaire d'une chaire de recherche canadienne sur la santé dans l'Arctique. J'ai travaillé pendant 30 ans dans des collectivités nordiques pour étudier et atténuer les répercussions des changements climatiques sur la santé de la faune, et c'est dans cette optique que je m'adresse à vous aujourd'hui.
    Les changements climatiques altèrent rapidement, radicalement et irréversiblement les systèmes physiques et biologiques de l'Arctique, et ce, de multiples façons. Ils ont de graves répercussions en aval sur la sécurité alimentaire dans le Nord, la pérennité culturelle, l'économie, la biosécurité et la souveraineté de l'Arctique.
    Aujourd'hui, je vais vous donner l'exemple de l'umingmuk, le bœuf musqué, pour illustrer certains de ces concepts. Dans le cadre de mes recherches des 20 dernières années, j'ai constaté que la population de bœufs musqués la plus nombreuse au monde, sur l'île Banks, au Canada, connaît un déclin marqué causé par des phénomènes météorologiques extrêmes liés aux changements climatiques et par des maladies infectieuses émergentes. En 2003, un épisode de pluie sur neige a favorisé la formation d'une épaisse couche de glace impénétrable recouvrant la végétation, ce qui a causé une famine parmi les dizaines de milliers de bœufs musqués et décimé la moitié de leur population. D'après les actuels scénarios climatiques, ces phénomènes météorologiques violents devraient devenir plus fréquents et ils représentent une grave menace pour le caribou, le bœuf musqué et toutes les autres espèces sauvages de l'Arctique.
    Par la suite, entre 2010 et 2014, la même population de bœufs musqués a été victime d'une grave épidémie qui a décimé 60 % de la population restante. En gros, le troupeau est passé de 72 000 têtes à quelque 10 000 aujourd'hui. Une épidémie semblable aux conséquences comparables est survenue sur l'île Victoria qui abritait la deuxième plus importante population de bœufs musqués au monde. Ces déclins ont mis fin à la chasse commerciale au bœuf musqué et à la chasse sportive guidée, qui contribuent grandement à l'économie salariale de ces îles, et ont aggravé l'insécurité alimentaire des collectivités dépendantes du bœuf musqué.
    En 2021, cette maladie émergente de la faune sévissait dans l'ensemble de l'archipel Arctique jusqu'à l'île d'Ellesmere. Des déclins similaires y ont été observés là‑bas, et aujourd'hui, l'avenir de ce survivant de la période glaciaire dans l'archipel Arctique demeure incertain. La détection, la compréhension et l'atténuation des répercussions d'événements catastrophiques de mortalité et de déclins de population de cette ampleur sont de toute évidence essentielles pour protéger l'écosystème, les collectivités inuites et la sécurité alimentaire.
    L'éclosion de maladies chez les espèces sauvages a aussi des répercussions sur la santé humaine, puisque plus de 70 % des maladies infectieuses émergentes chez les humains sont d'origine animale. La grippe aviaire en est un exemple, et la maladie qui décime les bœufs musqués en est un autre. Sur le plan de la défense nationale, c'est vraiment grave. Les événements de mortalité massive chez les espèces sauvages doivent être considérés avec inquiétude dans une optique de biosécurité et de guerre bactériologique, particulièrement dans l'Arctique.
    Enfin, l'industrie de l'élevage du Canada doit prendre ces problèmes très au sérieux, car l'émergence de maladies chez les espèces sauvages pourrait menacer notre statut commercial sur la scène internationale.
    Pour s'attaquer à ces problèmes, nous avons besoin de recourir à des approches rigoureuses, inclusives et novatrices en matière de recherche. Il en existe d'excellents exemples dans l'Arctique canadien, où les collectivités autochtones, les universités et le gouvernement conjuguent leurs efforts pour protéger la santé de la faune. Je pense notamment au programme de surveillance du béluga mis en place dans l'ouest de l'Arctique, au programme de surveillance de la santé du bœuf musqué et du caribou, dans le centre de l'Arctique, au programme de l'Arctic Eider Society, dans la baie d'Hudson, pour ne nommer que ceux‑là.
    Les fondements de tous ces programmes sont le respect à l'égard des collectivités locales, la prise en compte de leurs préoccupations et les efforts concertés pour faire entendre leur voix et tirer profit de leur capacité de recherche, ainsi que l'intégration du savoir autochtone à la science occidentale. Par contre, ces programmes coûtent cher et la plupart sont financés à court terme. Bien qu'ils peuvent compter sur les ressources humaines locales, ils demeurent dépendants des universités ou des gouvernements du Sud. L'avancement de la science et de la recherche dans le Nord, par les gens du Nord, exige des investissements importants et soutenus non seulement dans les ressources humaines nordiques, en leur offrant une formation, mais en offrant un soutien continu aux habitants du Nord, non seulement dans le domaine de la recherche, mais dans tout ce qui y est relié, par exemple, l'administration des subventions et du financement, la gestion de projets et d'autres domaines. Les établissements collégiaux et universitaires de l'Arctique jouent un rôle essentiel pour soutenir ces objectifs, tout comme d'autres initiatives clés parallèles.
    Quant à l'accessibilité des infrastructures de recherche, je vous fais remarquer que ces infrastructures existent dans le Nord et qu'elles sont en expansion, mais elles ont tendance à être centralisées et peu accessibles aux collectivités car elles se trouvent dans des institutions gouvernementales. Il est essentiel d'éliminer les obstacles qui empêchent les Autochtones d'accéder à ces infrastructures. Étant donné le coût exorbitant de la recherche dans le Nord, nous devons absolument consacrer beaucoup de temps de qualité à nos partenaires locaux afin d'établir des relations équitables, de comprendre les priorités du Nord et d'y répondre.
    Nous devons travailler dans un esprit novateur, en incorporant le savoir autochtone et en faisant des investissements soutenus dans le développement de nouvelles technologies pouvant être mises en place dans des environnements où les ressources sont limitées. Reproduire dans le Nord ce qui fonctionne dans le Sud n'est pas toujours une stratégie efficace. Nous devons donc nous tourner vers les gens du Nord et tirer partie de leurs idées novatrices.

  (1210)  

    En conclusion, je dirais que les valeurs canadiennes jouent un rôle essentiel dans notre collaboration avec les habitants du Nord. Ces valeurs canadiennes doivent sous-tendre toutes les initiatives de collaboration internationale. Nous devons inculquer ces valeurs à nos partenaires internationaux et leur enseigner comment travailler avec les collectivités.
    Permettez-moi, en terminant, d'attirer l'attention du Comité — et je suis certaine que vous êtes déjà au courant — sur le récent rapport du Conseil des académies canadiennes sur l'équité dans la recherche nordique. J'insiste sur le fait que ce rapport expose les fondements philosophiques et le changement de paradigme requis pour que notre système de recherche soit de calibre mondial, efficace et éthique.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    Monsieur Vincent, vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
    Madame la présidente et membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner devant vous.
    Je m'appelle Warwick Vincent. Tout au long de ma carrière, j'ai effectué des recherches sur les changements environnementaux dans les régions polaires.
    J'ai récemment pris ma retraite de l'Université Laval, à Québec, où j'étais titulaire d'une chaire de recherche du Canada et professeur titulaire au département de biologie. Je poursuis mon travail en tant que professeur-chercheur émérite à l'Université Laval et au Centre d'études nordiques, le centre de recherche interuniversitaire qui contribue au développement durable dans le Nord. J'ai été directeur scientifique du Centre d'études nordiques pendant huit ans et je suis l'un des membres fondateurs d'ArcticNet, le réseau canadien pour la recherche nordique et la coproduction de connaissances avec les Inuits et les Premières Nations.
    Tout au long de ma carrière, j'ai été témoin des énormes impacts des changements climatiques dans le Nord canadien. En consultation et en partenariat avec des organismes fédéraux et des communautés inuites, nous avons établi une petite station de recherche sur l'île Ward Hunt, située à l'extrême nord du Canada, dans une région que nous appelons la « dernière zone de glace ». Cette station canadienne est la plus septentrionale au monde. Elle se trouve à 4 000 kilomètres au nord d'Ottawa, et bénéficie du soutien logistique annuel du Programme du plateau continental polaire, un programme fédéral vital pour la recherche.
    Au cours des dernières décennies, nous avons constaté et signalé d'énormes changements dans cette région septentrionale de l'Arctique canadien. Ces changements sont attribuables au réchauffement récent et sont sans précédent depuis des milliers d'années. Par exemple, la plupart des anciens plateaux de glace — l'épaisse glace permanente qui, jusqu'à tout récemment, bordait la côte nord du Nunavut — ont fondu et se sont effondrés dans l'océan Arctique. Nous constatons maintenant que bon nombre de nos glaciers du Nord rétrécissent à un rythme effréné, ce qui entraîne la disparition d'habitats uniques et de la biodiversité.
    Durant cette période, j'ai aussi eu le grand honneur et le privilège de travailler avec des aînés, des communautés et des jeunes Autochtones du Nord et d'être témoin de leur résilience face à ces changements. J'ai été touché par l'étroite relation qu'ils entretiennent avec les terres et les mers du Nord, ainsi que par leur profonde connaissance des peuples, du monde naturel et de l'environnement.
     Dans leurs témoignages devant le Comité, plusieurs témoins ont déploré l'absence de stratégie scientifique canadienne pour l'Arctique, ce qui nous empêche tous d'avancer, qu'il s'agisse des chercheurs du Sud, des chercheurs autochtones ou de la coproduction de connaissances. Je joins ma voix à la leur à cet égard.
    Dans le cadre de mes activités professionnelles, au fil des décennies, j'ai eu l'occasion d'être membre de nombreux comités consultatifs et de groupes d'experts en matière de recherche et de financement, tant au Canada qu'à l'étranger, et je suis actuellement membre du conseil consultatif scientifique de l'Institut Alfred-Wegener, en Allemagne, le plus grand institut de recherche au monde sur le climat de l'Arctique.
    Ces expériences ont toujours été fort enrichissantes. Malheureusement, elles nous rappellent aussi à quel point le Canada est en retard par rapport à d'autres pays qui ne cessent de promouvoir leurs stratégies et leurs activités scientifiques dans l'Arctique. Je pense notamment à la Chine, qui prétend maintenant être un État quasi arctique, et à l'Inde, un chef de file émergent dans le domaine de la technologie spatiale et dont l'objectif stratégique concernant l'Arctique est d'étendre la télédétection satellitaire dans cette région.
    Il est urgent que le Canada se dote d'une stratégie scientifique sur l'Arctique qui démontre son ambition de devenir un chef de file international en matière de recherche appliquée et fondamentale dans l'Arctique et qu'il s'appuie sur le savoir et la résilience des Autochtones et leur connection avec leur environnement. Cette stratégie doit être purement canadienne et énoncer des objectifs scientifiques en harmonie avec nos priorités nationales et internationales. Elle doit établir un lien entre nos nombreuses sources d'expertise, ressources et infrastructures et favoriser efficacement la recherche canadienne et le partage de connaissances dans le contexte plus large de la science circumpolaire et mondiale.
    L'adoption d'une stratégie scientifique canadienne pour l'Arctique enverrait au reste du monde un message clair que le Canada est très sérieux au sujet de l'Arctique. Ce serait également un message inspirant pour nous tous au Canada, à savoir que la science et la recherche dans l'Arctique canadien sont dans l'intérêt de tous les Canadiens.
    Merci beaucoup.

  (1215)  

    Un grand merci, monsieur Vincent.
    Madame Murray, je vous invite à faire votre déclaration préliminaire. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup. Je tiens aussi à remercier le Comité de m'avoir invitée à parler des besoins en matière de science et de recherche dans l'Arctique canadien, notamment en lien avec les changements climatiques.
    Je suis directrice générale de l'Institut arctique de l'Amérique du Nord depuis 10 ans. L'Institut arctique a été créé durant la première session de la 20e législature par le biais du projet de loi H., Loi constituant l'Institut arctique de l'Amérique du Nord, qui a été adopté par le Sénat du Canada le 1er novembre 1945. Il y a donc longtemps que notre institut étudie les changements qui se produisent dans le Nord.
    Je suis également professeure titulaire à l'Université de Calgary où mes projets de recherche portent sur les répercussions des changements climatiques, l'histoire humaine et environnementale dans l'Arctique et les façons d'améliorer l'observation de l'Arctique au bénéfice de la société. Je suis également cheffe de la délégation de l'Institut arctique au Conseil de l'Arctique, où l'Institut a le statut d'observateur non étatique.
    Je suis très heureuse de m'adresser à vous aujourd'hui depuis Cambridge Bay, au Nunavut.
    Comme l'ont fait remarquer M. Vincent et Dre Kutz, les changements climatiques ont de profondes répercussions à la grandeur de l'Arctique. Les changements au niveau des températures, de la dynamique des glaces de mer et des précipitations, pour ne nommer que ceux‑là, se répercutent sur les humains, à travers les écosystèmes, et sur la planète en général. Les changements au niveau de la cryosphère — la neige, la glace de mer, la glace de rivière, la glace de lac et le pergélisol — sont sans précédent et posent d'importants défis sur les plans de l'adaptation, du maintien des infrastructures civiques et du soutien aux habitants, à l'industrie de la pêche et aux espèces sauvages. Par exemple, à mesure que les glaciers s'amincissent et reculent, l'hydrologie régionale est affectée par le flux d'eau douce vers les ruisseaux, les rivières et les lacs, ce qui peut faire baisser considérablement le niveau des lacs ou causer l'assèchement de cours d'eau, ou encore par la fonte rapide des glaciers qui cause des inondations et des glissements de terrain.
    Dans le cas de la calotte glaciaire du Groenland, durant la saison de la fonte, des volumes d'eau douce de plus en plus de plus élevés se déversent dans la mer, ce qui contribue non seulement à l'élévation du niveau de la mer dans des régions très éloignées du Groenland, mais également à l'adoucissement de l'eau dans la partie nord de l'océan Atlantique. Nous ne comprenons pas encore bien les répercussions que cela aura sur la productivité marine, le réseau trophique marin et le cycle du carbone. Les conséquences sont trop nombreuses pour être énumérées ici, mais je dirai simplement que l'infrastructure de recherche, les investissements et les ressources peuvent nous aider à atténuer les répercussions au Canada et à mieux comprendre les changements qui se produisent actuellement et leur trajectoire future et, surtout, à trouver des solutions d'adaptation et d'atténuation.
    Au cours des 60 dernières années, le Canada a fait de gros investissements, quoique parfois sporadiques, dans l'infrastructure de recherche de l'Arctique. De nombreuses petites installations y sont exploitées par des universités, les collèges nordiques, des instituts de recherche nordiques ainsi que des organisations et des communautés autochtones. Nous avons également un ensemble d'installations fédérales et territoriales. Toutes ces installations remplissent une ou plusieurs fonctions à l'appui de la recherche continentale et côtière, et nous avons des navires de recherche qui facilitent la mise en œuvre de programmes communautaires de recherche en océanographie et les activités de surveillance. J'irais même jusqu'à dire que dans la quasi totalité des établissements d'enseignement supérieur du pays, ainsi que dans de nombreux ministères fédéraux et territoriaux et organisations autochtones, il y a ces chercheurs qui s'intéressent à l'Arctique. Il y a également des programmes dirigés par des Autochtones et des stratégies autochtones reconnues de recherche et de gestion des données et des connaissances autochtones. Nos relations de recherche avec les peuples autochtones et nordiques, notamment le soutien à la recherche sur l'autodétermination, s'améliorent lentement, et le Canada est un chef de file à cet égard parmi les pays riverains de l'Arctique.
    À première vue, nous semblons bien équipés en tant que nation pour assurer un leadership scientifique dans l'Arctique, pour analyser et combattre les changements climatiques et leurs répercussions futures et pour piloter une diversité de projets de recherche scientifique.
    Des chercheurs peuvent lancer des projets d'envergure, soit individuellement ou en collaboration avec des partenaires, comme l'initiative Arctic Pulse, dont a parlé Mme Jackie Dawson dans son témoignage devant le Comité, et le Consortium canadien pour les données arctiques, un groupe évolutif cherchant à renforcer l'interopérabilité des centres de données arctiques au pays. Ces particuliers peuvent travailler en collaboration avec nos collègues de tous les secteurs et de toutes les cultures pour améliorer l'observation de l'Arctique, notamment pour mieux compendre la dynamique entre le bœuf musqué et la population dont a parlé Dre Kutz.

  (1220)  

    Bien que nécessaires, ces initiatives individuelles et collectives ne suffisent pas à faire avancer la recherche dans la direction voulue et à tirer le meilleur parti de nos infrastructures de recherche pour en obtenir le meilleur rendement. Pour cela, le Canada a besoin d'un plan national définissant clairement ses priorités scientifiques, en y incluant, bien entendu, les priorités autochtones en matière de recherche. Pour se concrétiser, ce plan doit être assorti d'une stratégie de mise en œuvre. Il doit également être élaboré en collaboration avec toutes les parties — Autochtones, universitaires, territoires, provinces, gouvernement fédéral, ONG concernées et toute autre entité pertinente. De plus, ces parties doivent être en nombre suffisant pour refléter la diversité de l'expertise et de l'expérience au sein de la communauté des chercheurs de l'Arctique.
    Le Canada...
    Je vous remercie, c'est tout le temps que nous avons.
    D'accord. Merci.
    Nous pourrez revenir sur ces points en réponse aux questions.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    N'oubliez pas d'indiquer à qui s'adressent vos questions.
    C'est Mme Rempel Garner qui donnera le coup d'envoi de notre tour de six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vais commencer par M. Vincent.
    Vous avez dit que vous écoutiez les témoignages et vous avez parlé de la nécessité de formuler une stratégie de recherche coordonnée ou spécifique pour l'Arctique. Certains témoins nous ont donné une idée des objectifs ou des structures que devrait inclure cette stratégie. Vous avez également dit que vous avez été membre de divers organismes consultatifs.
    Pensez-vous qu'une stratégie de recherche sur l'Arctique, si jamais le Comité devait en recommander une, devrait être officiellement incorporée aux trois organismes subventionnaires fédéraux afin de faciliter l'établissement des priorités de financement?
    Merci pour cette question.
    Je pense que cela serait très utile, mais vous devons également réfléchir à un système de répartition du portefeuille.
    L'hon. Michelle Rempel Garner: Oui.
    M. Warwick Vincent: Pour le Nord, il faut clairement mettre l'accent sur des stratégies d'adaptation, les besoins locaux et l'application des connaissances autochtones aux changements climatiques dans le Nord.
    Parallèlement, nous devons encourager d'autres scientifiques qui ont de nouvelles idées et de nouvelles façons de penser à s'intéresser au Nord, à unir leurs forces à celles des collectivités nordiques et à participer.
    Nous parlons essentiellement d'y intégrer un principe de multidisciplinarité.
    C'est exact — et de prévoir une certaine flexibilité quant à la manière dont ces objectifs sont définis.
    J'ai compris.
    Peu importe la stratégie, je pense qu'il y a d'un côté la stratégie et de l'autre, les indicateurs de rendement clés. D'après votre expérience, pour obtenir les résultats souhaités, le gouvernement devrait‑il intégrer à sa stratégie de recherche sur l'Arctique des indicateurs de rendement clairement définis?
    Là encore, je pense qu'ils sont répartis dans l'ensemble du spectre et concernent la recherche fondamentale, la recherche appliquée et l'application des connaissances autochtones.
    Bien entendu, nous aimerions qu'il y ait aussi l'application de nouvelles connaissances pour résoudre des problèmes immédiats dans le Nord, mais nous souhaitons aussi le développement d'une expertise fondamentale permettant de produire de nouvelles solutions pour l'avenir. La recherche fondamentale d'aujourd'hui est la solution aux problèmes de demain.

  (1225)  

    J'ai compris...
    Nous pourrions donner de nombreux exemples, où certains de ces éléments de base aideront les communautés autochtones et exigeront la création de liens étroits avec elles.
    J'ajoute que nous devons encourager la participation des Autochtones à la recherche fondamentale ainsi qu'à la recherche appliquée.
    J'ai compris et je suis d'accord.
    Je m'adresse maintenant aux trois témoins — M. Vincent, Dre Kutz et Mme Murray —, mais je ne sais pas trop comment formuler ma question. Tous les témoins que nous avons entendus ont parlé de la nécessité d'une collaboration internationale en matière de recherche sur l'Arctique. C'est clairement ce qu'ils ont recommandé. Par ailleurs, ils nous ont également parlé des défis posés par certaines complexités géopolitiques, particulièrement en ce qui concerne la Russie et l'actuel gouvernement chinois.
    Comment pouvons-nous régler ce problème?
    À votre avis, en tant que chercheurs dans ce domaine, que devrait recommander le Comité au gouvernement pour l'élaboration d'une stratégie de recherche sur l'Arctique qui protégerait également la souveraineté du Canada face à l'agression ouverte de nations hostiles qui ont un intérêt dans l'Arctique?
    Je pourrais demander à Mme Murray de répondre.
    Madame Murray, voulez-vous répondre?
    Merci.
    C'est une question délicate, c'est certain.
    Tout d'abord, je fais remarquer que la situation avec la Russie nuit grandement à la science dans l'Arctique en général — et je suis certaine que le Comité est au courant —, parce que nous avons maintenant perdu l'accès à une foule de renseignements scientifiques essentiels qui nous permettent d'améliorer les modèles climatiques et les projections, entre autres.
    Je pense qu'il est important pour nous, en tant que nation, d'établir de solides partenariats de recherche sur l'Arctique avec des pays aux vues similaires. Je vais expliquer brièvement pourquoi je pense que c'est important pour l'infrastructure de recherche.
    Comme je l'ai mentionné dans mes observations, nous avons beaucoup d'infrastructures de recherche au Canada, mais nous ne les avons pas toutes. Nous travaillons en partenariat avec nos collaborateurs. Je pense notamment à l'Allemagne qui possède des navires de recherche à bord desquels les scientifiques canadiens peuvent travailler. Les problèmes que nous connaissons en travaillant à l'échelle panarctique sont trop importants pour qu'un pays puisse s'y attaquer unilatéralement. La coopération est donc essentielle pour comprendre l'ensemble du système et l'orientation qu'il pourrait prendre. Étant donné l'absence de la Russie et l'absence de données provenant de l'Arctique russe, la seule façon de nous rapprocher d'une entente globale et d'une solution panarctique applicable, c'est la coopération.
    J'aimerais signaler cela à nos analystes qui rédigent le rapport.
    En gros, vous recommanderiez un renforcement de la collaboration avec des pays alliés aux vues similaires en matière de recherche dans l'Arctique, ainsi qu'une stratégie de recherche mettant en évidence la nécessité d'avoir une infrastructure de recherche dans l'Arctique, compte tenu de l'incertitude géopolitique que l'agression de la Russie a engendrée sur le plan de la recherche dans l'Arctique.
    Oui.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Mme Jaczek qui dispose de six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie également tous les témoins de leur contribution aujourd'hui. Cela dit, je suis de plus en plus déprimée par ce que j'entends. Vous avez décrit tellement de défis et de problèmes.
    Je vais commencer par vous, monsieur Vincent.
    Vous avez parlé des priorités de recherche et vous avez également laissé entendre qu'il y avait des solutions. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de situations où nous avons plus ou moins réussi à régler un problème observé?
    Merci beaucoup pour cette question.
    Nous devons éviter de sombrer dans la dépression. Nous devons plutôt nous inspirer de l'histoire autochtone. Quand vous discutez avec des habitants des communautés nordiques, vous constatez qu'ils sont très positifs. Ils expliquent cela par le fait qu'ils ont traversé d'incroyables bouleversements au cours des 200 dernières années et qu'ils ont une résilience à toute épreuve. Nous pouvons apprendre d'eux.
    Je pourrais vous donner de nombreux exemples de solutions. Dans mon propre centre, le Centre d'études nordiques... Au début de votre étude, vous avez discuté avec le professeur Michel Allard. Il a commencé par faire de la recherche fondamentale en utilisant des technologies médicales pour examiner le sol et le pergélisol. C'était très théorique, travailler dans des régions éloignées...

  (1230)  

    Je suis désolée. J'arrête le chronomètre parce qu'il semble que la sonnerie se fait entendre.
    Le Comité est‑il d'accord pour poursuivre pendant que la sonnerie se fait entendre?
    Des députés: Oui.
    J'ai arrêté le décompte de votre temps, nous allons donc continuer. Merci.
    Je suis très doué pour le multitâche. Merci beaucoup
    L'exemple que j'avais en tête est celui de mon collègue Michel Allard, qui a appliqué la technique de la tomodensitométrie au pergélisol. C'était un exercice très théorique. Par la suite, le maire de Salluit est venu lui décrire le terrible problème qu'il avait dans le nord du Québec. Les terres s'effondrent. Sa ville de Salluit a dû déménager une vingtaine de bâtiments et devra peut-être déplacer la ville entière. Elle n'a pas les moyens de le faire. Il est évident que d'un point de vue culturel, ce serait une catastrophe. La Banque du Canada ferait faillite si elle devait déménager toutes les communautés inuites.
    M. Allard a utilisé la technique de tomodensitométrie pour étudier la glace dans le pergélisol. Il a travaillé en étroite collaboration avec la communauté inuite afin de déterminer quelles terres traditionnelles présenteraient un intérêt culturel en vue d'un éventuel développement. Ils ont cartographié les risques liés aux futurs changements climatiques et la collectivité peut maintenant continuer à bâtir, tout en sachant que, dans les décennies à venir, le terrain sur lequel se trouvent les maisons est le plus stable de cette région.
    Merci beaucoup.
    Je vais m'adresser à la Dre Kutz.
    Vous nous avez dit que la population de bœufs musqués disparaît à cause du réchauffement de l'Arctique. Outre l'observation, que faites-vous pour assurer l'approvisionnement alimentaire futur? Avez-vous trouvé des solutions?
     Merci.
    Je suis d'accord avec M. Vincent, les Inuits sont très résilients et capables de passer d'une espèce à une autre selon la saison. Cependant, ils font actuellement face à une crise alimentaire, parce que de nombreuses espèces sont en déclin.
    Ce que nous faisons pour trouver des solutions... Tout d'abord, nous enrichissons les connaissances, tout simplement. Si les gens savent comment utiliser les différentes parties des animaux et si la viande est salubre, il y a beaucoup moins de gaspillage.
    À l'heure actuelle, les communautés entendent parler de la maladie de la vache folle et de la grippe aviaire. Cela crée beaucoup d'incertitude et de méfiance sur la source de leur approvisionnement alimentaire, ce qui incite leurs membres à s'approvisionner à l'épicerie. En apprenant toujours mieux ce que contiennent les espèces d'animaux et quand leur viande est salubre, les gens s'habitueront à consommer les aliments traditionnels en toute confiance.
    L'autre aspect de notre travail est plus technologique. Nous examinons les maladies infectieuses émergentes dans l'Arctique afin de fournir des tests rapides, un peu comme un test de dépistage de la COVID, pour assurer la salubrité des aliments.
    À l'heure actuelle, quand les gens trouvent quelque chose d'inhabituel, il faut l'envoyer très loin dans un laboratoire du Sud, et la communauté doit attendre longtemps pour recevoir la réponse. Cependant, si nous pouvons développer... Nous possédons les technologies moléculaires pour le faire. Une fois que nous aurons mis ces tests au point, nous pourrons répondre rapidement aux gens et les aider à faire leurs choix alimentaires. Cette mesure contribuera à prévenir le gaspillage de viande, les récoltes inutiles, etc.
    C'est très rassurant. Merci beaucoup.
    On nous a dit que la navigation dans l'Arctique augmente. Je me demande quelles études de recherche ont lieu à ce sujet.
     Exactement quels problèmes l'augmentation du transport maritime cause‑t‑elle à la population humaine de l'Arctique?
    M. Vincent pourrait peut-être commencer.
    En fait, j'ai eu le plaisir de travailler avec un avocat spécialisé en droit international sur la question du transport maritime dans l'Arctique au Canada. Il y a une longue liste de problèmes à considérer.
    Évidemment que les déversements de pétrole nous préoccupent énormément. Comme de nombreuses régions de l'Arctique comprennent des territoires inexplorés... Nous avons de très mauvaises cartes géographiques et bathymétriques pour de nombreuses régions. La glace change très rapidement. Elle est beaucoup moins prévisible qu'auparavant. Il faut que nous comprenions mieux ce qui se passerait en cas de déversement de pétrole. Avec quelle rapidité est‑ce qu'elle se dégradera et s'effritera?
    Des recherches sont en cours, notamment avec les communautés inuites locales, pour essayer de comprendre avec quelle rapidité l'écosystème réagirait et se rétablirait en cas de déversement de pétrole. Les résultats obtenus jusqu'à maintenant indiquent que tout déversement de ce genre aurait un impact très persistant.
    Cependant, nous nous posons d'autres questions, comme sur le bruit sous-marin du transport maritime. La calotte glaciaire fait de l'océan Arctique un endroit très calme...

  (1235)  

    Notre temps est écoulé. Vous pourriez nous en dire plus à ce sujet dans une réponse écrite, si vous le souhaitez.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Blanchette-Joncas, pour six minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je salue les témoins qui sont des nôtres pour la deuxième heure de notre étude.
    Ma première question s'adresse à M. Vincent.
    C'est un plaisir de vous accueillir ici, au Comité. Je vous félicite pour votre longue carrière en tant que professeur émérite. Vous avez quand même un bon CV. Vous êtes le fondateur du réseau ArcticNet. Vous avez également été pendant huit ans le directeur du Centre d'études nordiques, à l'Université Laval, que j'ai eu l'occasion et le privilège de visiter. C'est fascinant.
    Comme je viens de le mentionner, vous êtes l'un des fondateurs d'ArcticNet. Dernièrement, le gouvernement fédéral a confirmé publiquement le financement d'approximativement 32 millions de dollars qu'il avait déjà annoncé en décembre 2023. On note toutefois qu'il s'agit d'une diminution du financement. Pourtant, on dit que la recherche scientifique est une priorité pour le gouvernement.
    Ma question est simple: si la recherche scientifique est une priorité, comment se fait-il qu'on diminue le financement pour ArticNet et la recherche nordique?
     Merci beaucoup de la question, monsieur.

[Traduction]

    Je ne sais pas exactement à combien s'élève le financement global, mais je peux vous dire qu'il est faible par rapport à ceux des autres pays. Par exemple, dans le rapport dont la Dre Kutz a parlé, Northern Research Leadership and Equity, il est indiqué à la page 69 que le financement du Canada pour la recherche dans l'Arctique s'élève à moins de 50 % de celui de la Norvège. Il s'élève aussi à moins de 20 % de celui des États-Unis. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada consacre seulement 1 % de son financement à la recherche dans l'Arctique.
     Les auteurs de ce rapport en concluent que le Canada n'est pas un chef de file mondial en matière d'investissement pour la recherche dans l'Arctique et dans le Nord.

[Français]

    Monsieur Vincent, je reviens sur l'annonce publique qui a été faite dernièrement par le gouvernement. C'était tout récemment, soit le 26 mai, plus précisément.
    M. Champagne, le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, mentionnait que le Canada avait tout pour devenir un chef de file. Il disait que, à cette fin, le Canada avait un bateau pour faire de la recherche, soit l'Amundsen. Or, on sait que ce navire est près de sa fin de vie utile. M. Champagne mentionnait aussi la création de l'Institut nordique du Québec, à l'Université Laval. Il avançait que ces éléments pouvaient nous permettre de devenir un pôle mondial de la recherche sur le Nord canadien.
    Selon votre expertise, comment fait-on pour devenir un pôle mondial de la recherche sur le Nord canadien quand on réduit les investissements en recherche?

[Traduction]

     Je pense que vous avez raison. Le ministre a raison de dire que le Canada a de solides atouts, mais que nous devons les fédérer. Nous devons les réunir. L'Amundsen en est un bon exemple. C'est un navire splendide. Je viens de le voir à Québec avant de partir. Il se dirige de nouveau vers la mer de Lincoln cette année. Il est en bon état, mais il a 45 ans. La durée de vie type d'un navire est de 30 à 50 ans.
     Le programme du plateau continental polaire s'est trouvé en situation de crises intermittentes pendant les 30 ans où j'ai obtenu du soutien, cette année comprise. Cela a incité 100 d'entre nous à écrire au ministre des Ressources naturelles pour lui faire part de notre détresse, car nos programmes risquent de prendre fin à cause du manque de continuité de leur financement. Notre organisme est d'une importance cruciale, et les autres pays augmentent considérablement leurs programmes.

[Français]

    Professeur Vincent, j'ai une question très importante à vous poser. Je suis curieux de savoir dans quelle langue se fait la recherche scientifique dans l'Arctique et dans le Nord.

[Traduction]

     C'est une très bonne question. C'est un beau mélange. Habituellement, les échanges avec les Inuits et les Premières Nations se font à l'aide d'interprètes. Je voudrais vraiment parler l'inuktitut. Dans le Nord du Québec, au Nunavik, les gens communiquent beaucoup en français. Dans la plupart des autres régions du Canada, on communique en anglais. La documentation venant du reste du monde est généralement en anglais. Cependant, lorsque nous faisons une demande de licence scientifique dans le Nord, nous devons le faire en inuktitut et présenter nos rapports en inuktitut.

  (1240)  

[Français]

    J'étais curieux de le savoir parce que, lors de son annonce à l'Université Laval, le ministre Champagne a mentionné que cette somme permettrait aussi de faire davantage de recherche en français, qui est en déclin au Canada. « La recherche dans l'Arctique, dans le nord, va se faire en français. Évidemment, ça me tient à cœur comme francophone. Le déclin qu'on voit [...] ce n'est pas uniquement un enjeu canadien », a-t-il précisé.
    Le ministre a-t-il raison de dire que le financement du réseau ArcticNet va promouvoir la science en français dans l'Arctique et dans le Nord?

[Traduction]

    Dans le Nord, on travaille beaucoup en français. On entend souvent des collègues communiquer en français. Mon équipe est une équipe francophone que j'amène à l'île d'Ellesmere. Dans nos neuf stations, la langue commune est le français. Quand nous travaillons avec les gens de nos communautés, nous nous efforçons d'amener des interprètes pour qu'ils puissent s'exprimer dans la langue de leur choix.

[Français]

    Dans le laboratoire, ça se passe donc en français. Cependant, dans quelle langue sont publiés les articles scientifiques et les résultats de recherche?

[Traduction]

    Cela dépend. Les publications scientifiques internationales sont rédigées en anglais, mais nous avons la responsabilité, à titre de scientifiques, de transmettre cette information à nos étudiants et aux communautés dans la langue qui leur convient le mieux. Dans le centre scientifique de notre communauté, par exemple, à Whapmagoostui-Kuujjuarapik, tout se fait en français, en anglais, en inuktitut et en cri. Le respect de la langue est extrêmement important.

[Français]

     Merci.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Merci.
    Nous passons maintenant à M. Cannings, pour six minutes.
    Je remercie nos trois témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je vais commencer par vous, monsieur Murray. Je tiens tout d'abord à remercier l'Institut de l'Arctique pour tout le travail et le soutien qu'il a fournis aux scientifiques au fil des ans. J'ai utilisé votre station à Kluane une dizaine de fois pour donner un cours d'écologie sur le terrain. Je connais beaucoup de gens qui sont passés par cette station. Deux d'entre eux ont déjà témoigné pour cette étude.
     Je m'interroge au sujet des infrastructures qui sont à la disposition des chercheurs dans l'Arctique. Vous êtes actuellement à Cambridge Bay, et Savoir polaire Canada a son siège social à la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique. Que pouvons-nous faire pour coordonner le mieux possible le soutien des infrastructures de la recherche dans l'Arctique? C'est une région tellement vaste.
     Oui, c'est vrai. Nous avons beaucoup d'infrastructures de recherche. Une bonne partie de ces installations ont un besoin urgent de rénovation et de modernisation.
     Je dirais que nous avons besoin de coordonner cela à l'échelle du pays. Pour revenir aux commentaires de M. Vincent, si nous avions une stratégie scientifique nationale, nous pourrions réfléchir soigneusement et stratégiquement à la répartition des ressources. Nous pourrions également prendre des décisions ardues au sujet des infrastructures qui ont dépassé leur durée de vie utile et qu'il faudra peut-être mettre hors service. Nous pourrions justement discuter de l'Amundsen et de la nécessité de le remplacer bientôt.
    Je pense que si nous établissions un plan national qui énonce nos priorités, nous réussirions mieux à déterminer dans quelles infrastructures investir. Il faudra cependant coordonner tout cela. Nous avons le Réseau canadien des opérateurs de recherche nordique qui en est à ses premiers balbutiements. Il pourrait réunir les différents opérateurs des infrastructures de recherche pour planifier et établir des protocoles de formation communs. Nous avons la capacité d'envoyer des scientifiques d'une installation à une autre et nous avons des cheminements d'accès à ces installations pour les organismes autochtones et pour les chercheurs communautaires.
    Autrement dit, nous avons un mécanisme de coordination. Il faut y affecter des ressources, et nous avons besoin d'un plan et d'une stratégie de mise en œuvre afin de répartir ces ressources de manière à mieux soutenir les infrastructures existantes et celles dont nous pourrions avoir besoin à l'avenir.

  (1245)  

     Merci.
    Je vais maintenant m'adresser à vous, monsieur Vincent, parce que, comme plusieurs de nos témoins, vous avez mentionné le plateau polaire. L'Arctique est immense. La logistique des déplacements est essentielle pour les chercheurs. Elle ne manquerait pas de briser tous les budgets d'un chercheur que personne ne soutient.
     En 2018, mon frère m'a téléphoné pour me recommander d'obtenir un financement adéquat pour le plateau polaire, parce que son financement n'avait pas augmenté depuis 20 ans. J'avais l'impression que l'on avait remédié à cela, mais vous nous dites qu'il a désespérément besoin d'aide à l'heure actuelle.
     Quelle recommandation présenteriez-vous au Comité au sujet du plateau polaire? Que lui faut‑il maintenant pour qu'il soit fonctionnel et qu'il demeure fonctionnel?
    Je vous remercie pour cette question.
    Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. Le Programme du plateau continental polaire est en fait la pierre angulaire des activités des Canadiens dans le Nord canadien. Il démontre aussi au reste du monde notre capacité d'accéder à ces vastes territoires canadiens. C'est une expertise extraordinaire. Je recommanderais que nous nous efforcions d'en maintenir la continuité.
     Il nous est très difficile, à nous les scientifiques, de ne pas savoir d'une année à l'autre si nous avons toujours un programme et si nous pouvons, oui ou non, y envoyer nos étudiants et travailler avec nos partenaires inuits. Nous ne savons pas avant mars ou avril, et la saison arrive dans un mois ou deux, mais nos dépenses s'élèvent à des centaines de milliers de dollars. Ce n'est pas une bonne façon de mener la barque. Nous avons vraiment besoin d'une orientation nationale plus professionnelle qui fasse partie intégrante d'une stratégie nationale.
    Merci.
    Combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste une minute et demie.
    D'accord. Je vais m'adresser à la Dre Kutz.
     Je voudrais vraiment savoir comment les changements climatiques nourrissent les nouvelles épidémies qui frappent les espèces sauvages. J'ai entendu dire que le bœuf musqué était atteint de brucellose, mais je viens de lire votre documentation et je vois que vous mentionnez une bactérie appelée Erysipelothrix.
     Je me demande comment ces bactéries arrivent jusqu'aux îles de l'Arctique pour causer de tels ravages dans les populations fauniques. Elles sont peut-être transportées par des lemmings. Quelle est la nature physique de ces épidémies? Comment se manifestent-elles? Quels effets les changements climatiques ont-ils sur elles?
     Merci.
    On pourrait écrire tout un livre à ce sujet. Voilà pourquoi les principes fondamentaux de la science sont si importants. D'où vient ce phénomène? Comment cette bactérie est-elle arrivée là? Pourquoi est-elle si dévastatrice?
    Il y a plusieurs théories. L'une d'elles cible le transport sur de grandes distances.
     L'Arctique a d'immenses populations de sauvagines migratoires qui ne cessent d'augmenter. Voilà donc une excellente façon de mondialiser les pathogènes, de les ramener des régions du Sud vers le Nord. Ensuite, tout ce qui se passe dans le Nord peut être transporté dans d'autres régions du Nord. L'Erysipelothrix, cette bactérie qui tue le bœuf musqué, est généraliste. Elle peut donc infecter toutes les espèces, y compris les poissons, les oiseaux et les humains.
    C'est un mécanisme possible. Voilà pourquoi nous commençons à utiliser les méthodes moléculaires pour mieux le comprendre.
    L'autre mécanisme...
     Merci. Nous avons un peu dépassé le temps alloué, alors si vous vouliez nous en dire plus à ce sujet en nous envoyant une réponse écrite, nous vous en serions très reconnaissants.
    Nous allons maintenant entamer notre deuxième tour avec M. Lobb, pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais revenir sur la question que M. Canning a posée à Mme Kutz au sujet du bœuf musqué. Les bœufs musqués qui survivent ont-ils développé une résistance à cette bactérie?
    Malheureusement, d'après ce que nous avons observé, ce n'est pas le cas.
    Nous avons été témoins de vastes épidémies qui ont tué un grand nombre d'animaux. Nous ne voyons plus autant d'animaux morts parce qu'il y en a moins. Pas plus tard que l'an dernier, à Ellesmere, nous avons continué à trouver d'autres animaux morts de cette maladie.
    Les bœufs musqués ont une très faible diversité génétique, alors leur corps a peu de chance de s'attaquer aux nouveaux agents pathogènes.
     À l'heure actuelle, sur les îles de l'Arctique, nous ne voyons pas beaucoup d'animaux développer cette résistance.
     De nouveau, je ne veux pas pousser ma question trop loin, mais y aurait‑il moyen de parachuter un médicament vers les bœufs musqués pour les aider à lutter contre cette bactérie, comme nous le faisons pour les ratons laveurs atteints de la rage et autre? Ma suggestion est-elle irréaliste?

  (1250)  

     Les gens nous demandent constamment si nous pourrions les vacciner. Nous vaccinons les porcs, mais il leur faut un rappel tous les six mois, ce qui est absolument impossible à faire dans une population sauvage.
    Certaines des solutions que nous envisageons ciblent leur résistance sous-jacente. La maladie n'agit pas seule. Sa gravité dépend d'un certain stress que les animaux subissent. Nous essayons donc de réduire des facteurs de stress comme les perturbations et d'ajouter des minéraux et d'autres micronutriments qui les aident à développer une résistance à ces maladies.
     Les bœufs musqués des régions continentales ont une meilleure diversité génétique, alors avec certaines technologies, nous pourrons peut-être les soutenir.
    Nous pourrions envisager d'autres méthodes moléculaires plus avancées. Cependant, il faudrait en discuter en profondeur avec les communautés et gagner la participation de leurs membres.
     Monsieur Vincent, au début de cette étude, je pensais qu'il n'y avait dans l'Arctique qu'un grand commandement central qui gérait tous ces enjeux. Cependant, en entendant toujours plus de témoins et en lisant leurs mémoires, je comprends maintenant qu'une multitude de groupes mènent de la recherche d'une façon ou d'une autre dans l'Arctique.
    D'après votre expérience et vos connaissances, combien de groupes y a‑t‑il? Combien d'entre eux travaillent dans l'Arctique?
    Je ne sais pas exactement combien il y en a. Nous savons qu'il y a environ 40 stations de recherche dans le Nord. Leurs niveaux d'activité varient, allant de la Station de recherche de l'Extrême-Arctique, où travaillent un très grand nombre de scientifiques, à de très petites stations comme celle de l'île Ward Hunt. En général, de 5 à 15 personnes y travaillent pendant une saison.
    Il doit y avoir des centaines de groupes.
    En outre, ces installations ne sont pas toutes basées sur terre. Bien des gens travaillent en mer sur l'Amundsen, le Louis St‑Laurent, etc. Il y a aussi d'autres organismes et activités.
    Je suppose que les objectifs, les résultats, les constatations et les données de recherche de tous ces organismes ne sont pas envoyés à un endroit centralisé d'où il est possible de les diffuser et d'examiner le passé et les possibilités d'avenir.
    Est‑ce que je me trompe?
    Je crois que c'est en partie exact. Ces groupes sont très disparates, et toutes ces données proviennent d'innombrables sources très diverses.
     ArcticNet a vraiment essayé de régler ce problème. Au congrès scientifique sur l'Arctique qui a lieu chaque année, nous organisons des réunions multidisciplinaires avec les Inuits et les communautés des Premières Nations pour donner l'occasion aux différents chercheurs du Nord de présenter leurs conclusions.
    C'est un mécanisme qui permet un certain échange. Il y en a d'autres ailleurs au monde. M. Burgess a mentionné le Comité international pour les sciences arctiques auquel le Canada envoie des délégués chaque année. C'est une façon de présenter des idées et des priorités. À l'heure actuelle, la communauté internationale définit ses priorités pour la recherche menée en collaboration dans l'Arctique.
     Nous avons là une excellente occasion d'élaborer une stratégie canadienne en y insérant les priorités internationales qui nous concernent.
     Merci. Notre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Diab, pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens d'abord à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant dans le cadre de notre étude de la science et de la recherche dans l'Arctique canadien ont été révélateurs. Dans mon rôle de députée, je n'ai pas eu accès à toute cette information et à toute cette expertise.
    Docteure Kutz, je vais vous donner tout le temps nécessaire pour répondre à ma question. Vous avez beaucoup parlé de la faune et de ses effets sur la santé humaine ainsi que des maladies infectieuses émergentes. La plupart d'entre nous ne s'occupent pas vraiment de ce type d'enjeu ou ne l'étudient pas.
    Désirez-vous souligner autre chose au Comité aujourd'hui? En écoutant votre déclaration préliminaire, je vous dirai très honnêtement que vous aviez tellement d'information que j'ai eu l'impression que vous parliez très vite pour nous la présenter en entier. Désirez-vous souligner certaines observations cruciales?

  (1255)  

    Eh bien, vous savez, la faune est très précieuse pour les communautés autochtones. Il y a beaucoup d'intérêts divergents dans le Nord qui nuisent ou qui risquent de nuire à la faune, aux populations fauniques et à ce mode de vie.
    Vers la fin de mon exposé, j'ai souligné que les solutions du Sud ne sont pas nécessairement les bonnes et que nous devrions travailler avec les habitants du Nord pour les élaborer. La construction de nouvelles infrastructures, comme une route, peut avoir des conséquences dévastatrices pour des espèces sauvages, non seulement parce qu'elle nuit à leurs déplacements, mais aussi parce qu'elle accroît les facteurs de stress et influe sur leur vulnérabilité à de nouvelles maladies et à d'autres dangers. Même si nos interventions nous semblent logiques, je pense qu'il est très important d'en discuter avec les habitants du Nord pour qu'ils puissent comprendre cela.
     Je pense aussi que l'Arctique est très vulnérable aux maladies infectieuses émergentes. Nous n'avons jamais vu de tels taux de réchauffement. Beaucoup de maladies sont influencées par la température. Nous avons vu l'expansion de certains des parasites dans les îles de l'Extrême-Arctique. De nouvelles espèces d'animaux arrivent dans ces régions en y apportant des agents pathogènes.
    Par conséquent, les effets très directs des changements climatiques modifient considérablement les communautés. Il est vraiment très important de comprendre ces processus. Ils changent...
     Merci beaucoup.
    Madame Murray, vous avez beaucoup parlé de coordonner les installations de recherche de tout le pays afin de répartir les ressources aussi efficacement que possible. J'ai une question à vous poser à ce sujet. Votre organisme coopère‑t‑il beaucoup avec des centres de recherche de l'étranger? Trouvez-vous que la coordination à ce niveau est nécessaire, utile et suffisante? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
     M. Burgess, du premier groupe de témoins, nous a beaucoup parlé du bureau de l'Arctique du Natural Environment Research Council. Très franchement, il a qualifié le Canada de « chef de file mondial » et d'expert « de calibre mondial » sur les sciences de l'Arctique. J'essaie de comprendre ces propos par rapport à d'autres témoignages que nous avons entendus.
    Pour répondre à la première partie de votre question sur la coordination à l'échelle internationale, il y a un certain nombre d'initiatives de longue date auxquelles participent les scientifiques et les centres de recherche canadiens.
    Il y a surtout le réseau INTERACT, le réseau international des stations terrestres. Il comprend plus de 100 stations, et un bon nombre d'entre elles sont canadiennes, comme la station dont je suis responsable à Kluane et celles du Centre d'études nordiques dont M. Vincent a parlé.
     Nous faisons partie de ce réseau et, dans ce contexte, nous travaillons avec nos partenaires de l'étranger pour élaborer des protocoles communs de surveillance de l'environnement et pour échanger des données et de l'information avec les autres membres du réseau. La coordination à partir d'un navire est un peu différente. En général, elle a lieu entre des institutions qui possèdent les navires et les scientifiques qui font partie de ces partenariats.
     Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous n'avons pas établi de plan stratégique pour cela. Ces échanges ont tendance à se produire entre scientifiques, entre groupes ou consortiums de chercheurs ou, comme M. Burgess l'a dit, à l'échelle internationale entre deux organismes gouvernementaux. Nous avons un programme permanent...
     Notre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Blanchette‑Joncas, pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je poursuis avec M. Vincent.
    Monsieur Vincent, étant donné votre expertise, vous savez sans doute que, pour faire de la recherche en Arctique, ça prend des outils. Il faut notamment un bateau, parce qu'il y a de l'eau là-bas.
    L'Université Laval collabore avec l'organisme Amundsen Science, qui est la propriété du gouvernement fédéral. Les deux assurent une cogestion ou une codirection dans un but de recherche. Selon les scientifiques, le brise-glace Amundsen est en fin de vie utile. On attend une confirmation de la part du gouvernement dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale, mais on n'a pas de réponse ou à peu près pas de confirmation quant au renouvellement de la flotte.
    J'aimerais entendre votre opinion sur la nécessité d'avoir un bateau consacré précisément à la recherche dans l'Arctique.

  (1300)  

[Traduction]

    À mon avis, c'est absolument essentiel. Le Canada possède le plus long littoral au monde, et 70 % de ce littoral se trouve dans le Nord; en fait, les deux tiers de ce littoral se trouvent au Nunavut. Les Inuits sont intimement liés à la mer. Ils se considèrent comme faisant partie de l'écosystème marin. Il faut comprendre que l'environnement marin évolue très rapidement, ce qui est extrêmement important pour les communautés autochtones. C'est important pour les processus de circulation mondiale. C'est important pour le transfert des polluants d'un bout à l'autre du monde.
    D'autres pays étendent énormément leurs activités de recherche. Dans deux ans, l'Allemagne remplacera son brise-glace de recherche, même s'il est en fait plus jeune que l'Amundsen. La Chine lancera son troisième brise-glace de recherche l'an prochain, et son quatrième est déjà en construction. La Corée du Nord investit 200 millions de dollars pour un nouveau brise-glace. C'est une expansion considérable. Il faut que nous nous maintenions en première ligne. Nous ne voulons pas nous contenter de recueillir de l'information des autres. Nous devons être en première ligne pour obtenir cette information pour les eaux canadiennes.

[Français]

    Effectivement, on remarque que même des pays non arctiques, ou qui n'ont pas besoin de faire de la recherche dans les régions polaires, ont des bateaux. Vous l'avez bien mentionné.
    J'aimerais vous entendre nous parler rapidement de la nécessité d'avoir une stratégie de coordination nationale pour la recherche nordique et arctique.

[Traduction]

    Il est essentiel de réunir ces éléments. M. Burgess a dit que nous avons certains éléments de leadership. Toutefois, ce ne sont que des éléments dissociés. D'autres témoins ont parlé des atouts du Canada. Cependant, nous ne voyons pas l'ensemble de ces forces et nous ne voyons pas l'ensemble de ces ressources. Si nous réunissons tout cela en une stratégie, nous verrons clairement ce que nous avons et nous pourrons le montrer au reste du monde.
    Nous allons maintenant passer aux dernières questions. Monsieur Cannings, vous avez deux minutes et demie.
    Merci.
    Je vais revenir à Mme Murray pour parler des infrastructures des stations de recherche. Vous nous avez dit qu'il y a de nombreuses stations de recherche dans l'Arctique. Elles sont gérées par un certain nombre d'organismes et se trouvent à divers niveaux de réparation et de délabrement. Vous avez raison, nous avons besoin d'un plan. Nous avons besoin d'une stratégie pour veiller à ce que nos recherches dans l'Arctique aillent dans la bonne direction et se poursuivent encore longtemps.
    Je vais vous mettre sur la sellette. Si vous deviez rédiger ce plan aujourd'hui et suggérer le rôle que devrait assumer le gouvernement fédéral face aux infrastructures des stations de recherche, quel serait‑il? S'agirait‑il de la construction et de l'entretien des stations de recherche dans l'Arctique?
    Oui, je pense que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Je suis devenue responsable de la station de recherche de Kluane Lake il y a 10 ans, et à cette époque, le financement que le programme du CRSNG consacrait au fonctionnement et à l'entretien des infrastructures de recherche a commencé à s'étioler. Les installations qui ne sont pas exploitées par des organismes fédéraux, provinciaux ou territoriaux ont beaucoup de difficulté à obtenir des ressources pour soutenir l'entretien, le fonctionnement quotidien et la mise à niveau de l'équipement. La Fondation canadienne pour l'innovation peut aider, mais j'en ai discuté avec des collègues responsables d'autres stations, et nous souhaitons tous que l'ensemble du réseau envisage de créer une sorte de programme national pour soutenir les infrastructures de recherche.
    Je ne vois pas qui d'autre que le gouvernement fédéral pourrait faire cela. Comme nous le savons tous, les universités ont bien de la peine à entretenir des installations qui sont souvent très éloignées. Les organismes du Nord sont également aux prises avec des difficultés financières. Je pense que dans un plan national de recherche, il faudrait inclure une section sur les rôles et les responsabilités ainsi que sur les coûts-avantages liés au soutien des structures nouvelles et existantes. Je ne sais pas si cela répond entièrement à votre question, mais je ne vois pas comment cela pourrait se faire sans l'appui et la participation du gouvernement fédéral.

  (1305)  

     Notre temps est écoulé.
    Je tiens une fois de plus à remercier nos témoins, la Dre Susan Kutz, M. Warwick Vincent et Mme Maribeth Murray, d'être venus témoigner et de participer à l'étude du Comité sur la science et la recherche dans l'Arctique canadien en ce qui concerne les changements climatiques.
    Si vous désirez soumettre d'autres commentaires ou renseignements au Comité, vous pouvez les remettre au greffier. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser au greffier.
    Plaît‑il au Comité de lever la séance?
    Un député: Oui.
    La présidente: La séance est levée. Merci beaucoup.
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