Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 31 janvier 2023, le Comité reprend son étude de la science et de la recherche dans l'Arctique canadien en lien avec le changement climatique.
J'ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos témoins. Du Conseil circumpolaire inuit du Canada, nous accueillons Lisa Koperqualuk, présidente de cette organisation. Du bureau de l'Arctique du Natural Environment Research Council, nous accueillons Henry Burgess, qui est chef de cette organisation.
Nous allons commencer par une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions.
Madame Koperqualuk, je vous invite à faire votre déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
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Merci, madame la présidente, de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui des questions qui sont vraiment importantes pour nous en ce qui concerne la science et la recherche sur les changements climatiques.
Je m'appelle Lisa Qiluqqi Koperqualuk. Je suis présidente du Conseil circumpolaire inuit, ou CCI, du Canada, qui a été créé en 1977, de concert avec tous les autres pays membres du CCI, et qui représente plus de 180 000 Inuits de la Tchoukotka, de l'Alaska, du Canada et du Groenland.
Aujourd'hui, je m'adresse à vous en fin d'après-midi depuis Bonn, en Allemagne, où le CCI est présent pour défendre les intérêts des Inuits et traiter des répercussions des changements climatiques sur notre territoire circumpolaire, l'Inuit Nunangat, et sur nos terres, nos glaces et nos eaux.
Même si une grande partie de notre travail se fait à l'échelle internationale, il y a des répercussions nationales. Les conséquences et les répercussions des changements climatiques dans l'Arctique se font sentir dans tous les aspects de la vie quotidienne et dans le fondement de notre culture. Le déclin de la glace de mer de l'Arctique devrait se traduire par des étés sans glace d'ici le milieu du XXIe siècle. Les Inuits l'ont observé et en subissent les répercussions. L'augmentation de la navigation dans l'Arctique modifie les voies de migration des mammifères marins et force les Inuits à voyager beaucoup plus loin pour trouver leurs aliments traditionnels sains.
Les températures du pergélisol ont atteint des niveaux records au cours des 30 dernières années. À mesure qu'il dégèle et se dégrade, les bâtiments, les pipelines et les pistes d'atterrissage qui sont construits sur le pergélisol peuvent s'incliner et devenir instables. Jusqu'à 50 % des infrastructures de l'Arctique risquent d'être endommagées d'ici 2050. Cela nécessitera des engagements financiers importants.
Des vagues de surface d'intensité et de fréquence accrues sont projetées dans l'océan Arctique et le long de la côte, ce qui entraînera une augmentation des taux d'érosion côtière au cours des prochaines décennies. Le dégel du pergélisol et les vagues érodent le littoral arctique d'un demi-mètre en moyenne par année. Dans le nord de l'Alaska, l'érosion atteint 1,4 mètre par année.
Ici, à l'échelle internationale, l'un de nos messages clés est que les Inuits et tous les peuples autochtones du monde ont besoin d'un accès équitable, durable et direct au financement de la lutte contre les changements climatiques. Les besoins en matière d'adaptation aux changements climatiques sont considérables dans l'ensemble de l'Inuit Nunangat, de la gestion des urgences à la sécurité des glaces et à l'infrastructure. Nous sommes encouragés par le programme de leadership climatique autochtone au Canada, et nous espérons voir des mesures ambitieuses au‑delà du mandat actuel.
Le savoir autochtone comprend de multiples méthodologies, processus d'évaluation et de validation, et façons de stocker et de partager l'information. Il offre une approche holistique qui peut contribuer à une transition vraiment juste et équitable. Le savoir autochtone aide à cerner les besoins en matière de recherche et il peut éclairer les décideurs. Bien qu'il y ait eu des progrès, il y a aussi beaucoup d'enseignement à faire sur la façon d'utiliser et d'intégrer notre savoir de façon équitable et éthique.
L'Inuvialuit Regional Corporation a récemment annoncé la création d'un réseau de recherche communautaire inuvialuit. C'est un excellent exemple de la façon dont les Inuits déterminent leurs priorités en matière de recherche dans leurs communautés. Ce réseau renforcera la capacité et l'autodétermination, et il doit devenir la norme de la recherche communautaire menée par les Inuits pour les Inuits.
Cette année, Makivvik a publié sa stratégie d'adaptation aux changements climatiques. Ce rapport reconnaît la nécessité d'une plus grande participation des détenteurs du savoir et des jeunes inuits et de l'utilisation du savoir inuit dans la recherche sur les changements climatiques. De tels exemples sont obtenus grâce à beaucoup d'efforts et de temps, et grâce à des gens qui se consacrent à la question des changements climatiques dans l'Inuit Nunangat.
La recherche sur les changements climatiques et le renforcement des capacités sont des domaines qui doivent continuer de croître à mesure qu'ils connaissent une demande importante et exigent une expertise particulière. Un financement limité empêche le CCI Canada de s'acquitter de son mandat comme il se doit.
Des ressources financières et humaines suffisantes permettraient alors au CCI Canada d'aider les Inuits à atteindre l'autodétermination au niveau international, où les décisions concernant les mesures climatiques sont prises, même si elles sont très éloignées de l'Arctique.
Grâce à un partenariat égal avec les Inuits, à notre savoir et à notre expérience, nous avons un rôle important à jouer...
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Merci, madame la présidente.
Bonjour. Merci beaucoup de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui dans le cadre de votre étude. C'est un grand plaisir pour moi de partager cette tribune avec la présidente du CCI Canada, Lisa Koperqualuk.
Je m'appelle Henry Burgess et je suis le chef du bureau de l'Arctique du Natural Environment Research Council, qui relève du British Antarctic Survey à Cambridge, au Royaume‑Uni. J'occupe ce poste depuis 2016, et avant cela, j'étais sous-chef du Polar Regions Department au Foreign, Commonwealth and Development Office. Pour la période 2022‑2026, je suis également président de l'International Arctic Science Committee, une organisation non gouvernementale indépendante qui existe depuis 1990, qui compte 24 États membres et dont le rôle est de favoriser et de faciliter la coopération internationale dans l'ensemble des activités scientifiques dans l'Arctique.
Notre rôle au Bureau de l'Arctique du Royaume‑Uni est d'appuyer les chercheurs de l'Arctique basés au Royaume‑Uni, de fournir des conseils aux décideurs, de représenter le Royaume‑Uni dans un éventail de discussions et de forums scientifiques internationaux, d'appuyer la présence physique du Royaume‑Uni dans l'Arctique par l'entremise de notre station de recherche à Svalbard, en Norvège, et de créer de nouveaux programmes de recherche internationaux.
Au cours des six dernières années, le Canada a été au centre de notre approche. Nous avons pris un engagement important et investi grandement dans l'élaboration d'un nouveau programme international et dans la mise en œuvre des priorités du Canada, du Royaume‑Uni et des Inuits. Le Programme de recherche sur l'Arctique Canada-Inuit Nunangat-Royaume‑Uni de 2021‑2025, connu sous le nom de CINUK, est un programme de plus de 18 millions de dollars visant à s'attaquer aux thèmes clés liés aux changements climatiques sur les terres, les milieux marins côtiers et les côtes de l'ensemble de l'Inuit Nunangat, ainsi qu'aux répercussions sur la santé et le bien-être des communautés inuites. Tous les détails du programme sont disponibles sur le site Web, cinuk.org.
Le programme CINUK représente le plus important investissement stratégique actuel du Royaume‑Uni dans la recherche et l'innovation dans l'Arctique. Il est offert et financé en partenariat avec Savoir polaire Canada, le Conseil national de recherches du Canada, le Fonds de recherche du Québec, Parcs Canada et en partenariat pleinement équitable avec l'Inuit Tapiriit Kanatami. Le programme offre 13 projets auxquels participent plus de 150 personnes et plus de 60 organismes de recherche, communautaires et autres.
Parmi les thèmes examinés, mentionnons la santé humaine, la santé animale et les aliments traditionnels, l'expansion de l'aire de répartition des castors, la sécurité alimentaire, la santé des glaciers et des écosystèmes, les tendances et les risques du transport maritime, les plastiques et la santé, la recherche et le sauvetage, l'érosion côtière, l'énergie renouvelable intégrée, la sécurité des déplacements sur la glace de mer et bien plus encore. La combinaison des thèmes environnementaux et des thèmes sociaux, économiques et technologiques est au cœur du programme.
Des partenariats équitables et habilitants entre les chercheurs inuits et les membres de la communauté et ceux du Canada et du Royaume‑Uni en matière de gouvernance, de conception et d'évaluation de base, de réalisation de projets, de publication et de propriété des données sont au centre de ce programme. Chaque étape de l'élaboration du programme a été réalisée en partenariat avec l'Inuit Tapiriit Kanatami et dans le but de répondre aux attentes de la stratégie nationale inuite en matière de recherche. Les Inuits ont participé à la planification et à l'exécution de chaque projet depuis le tout début.
L'élaboration du programme, qui comprenait la signature d'un protocole d'entente novateur entre tous les partenaires en 2021, a nécessité un engagement important de la part de UK Research and Innovation. À bien des égards positive, elle a élargi nos façons de travailler actuelles. Je suis extrêmement reconnaissant à tous nos partenaires canadiens et inuits de leur patience, de leur soutien et de leur partenariat pour faire avancer cette nouvelle façon de travailler.
Bien que le programme CINUK ne représente qu'une partie des liens entre le Royaume‑Uni et le Canada en matière de science et de recherche dans l'Arctique, la nature novatrice et extensible du programme représente un développement important, et elle renferme la promesse de partenariats internationaux plus larges. Alors que nous réfléchissons aux prochaines étapes des liens de recherche avec le Canada et d'autres partenariats internationaux et à l'Année polaire internationale qui se tiendra en 2032‑2033 dans son ensemble, nous sommes déterminés à faire en sorte de diffuser les leçons tirées de cette démarche.
Je serai heureux d'aider le Comité de toutes les façons possibles.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur Burgess.
J'aimerais signaler au Comité que nous n'avons pas été en mesure de fournir le casque d'écoute à notre troisième témoin à temps pour aujourd'hui. Nous l'avions pourtant envoyé il y a trois semaines. Il va probablement arriver demain. Nous espérons réserver de nouveau M. Andrew Arreak de SmartICE à un autre moment.
Cela met fin aux déclarations préliminaires.
Comme nous fonctionnons en mode hybride, j'aimerais rappeler à ceux qui participent virtuellement d'attendre que je vous donne la parole en vous nommant avant de parler. Ceux qui participent par vidéoconférence peuvent cliquer sur l'icône du microphone pour activer leur micro. Veuillez mettre votre micro en sourdine si vous ne parlez pas. Pour l'interprétation, ceux d'entre vous qui utilisent Zoom ont le choix, au bas de l'écran entre le parquet, le français ou l'anglais. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré. Veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole. Les membres peuvent utiliser la fonction « lever la main » sur Zoom. Le greffier et moi-même allons gérer l'ordre des interventions du mieux que nous le pouvons, et nous vous remercions de votre compréhension. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Nous allons maintenant passer aux questions. N'oubliez pas d'indiquer à qui vos questions s'adressent.
Nous allons commencer par M. Tochor, pour six minutes.
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Merci, madame la présidente.
Merci aux témoins. J'ai quelques questions à vous poser, que nous aborderons sous peu.
J'ai cependant une question pour notre présidente.
Le 27 février 2024, Mona Nemer, conseillère scientifique en chef du Canada nommée par les libéraux, a comparu devant le Comité. Nous lui avons posé quelques questions auxquelles elle avait promis de répondre. Cependant, nous sommes maintenant le 4 juin et nous n'avons toujours pas reçu de réponse, malgré les rappels répétés. Il s'agissait de questions pourtant simples: Quel est votre budget? Que faites-vous? Pourtant, des mois plus tard, nous n'avons encore rien reçu.
Madame la présidente, que comptez-vous faire pour résoudre ce problème, je l'espère, pour tous les membres du Comité?
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Je vous remercie de cette question. C'est une question très importante, parce que nous préconisons l'utilisation du savoir autochtone depuis de nombreuses années et revendiquons son égalité avec les autres savoirs, en disant que ce ne sont pas les données scientifiques occidentales qui le valident.
Maintenant, j'entends parler de changement au niveau des acteurs et des parties prenantes au Canada. Peut-être aussi qu'en raison du processus de réconciliation, il y a une plus grande ouverture dans le travail, la collaboration et le partenariat avec, sur une base égale, les peuples autochtones dans les initiatives de recherche. C'est vraiment bien, parce que la réconciliation ne relève pas seulement des peuples autochtones.
Il y a l'initiative Qanittaq, par exemple, entre CCI Canada et l'Université Memorial. Nous avons établi un partenariat dans le cadre d'une initiative de recherche visant à rendre le transport maritime plus durable et à renforcer les capacités des communautés inuites et mettre à profit l'expertise maritime des détenteurs du savoir inuit.
Je comprends qu'il commence à y avoir une plus grande ouverture et une meilleure collaboration. Ce n'est pas parfait. Nous devons encore pousser.
J'ai dit dans ma déclaration préliminaire que le programme CINUK et la façon dont nous l'avions conçu ensemble en tant que partenaires nous avaient mis au défi au Royaume-Uni. C'est certainement le cas, parce que lorsqu'on combine le savoir traditionnel occidental avec d'autres formes de savoir inuit, local et traditionnel, ce ne sont pas des systèmes dans lesquels nous avons encore une grande expertise. Nous avons un long chemin à parcourir ici, et nous n'en sommes qu'au tout début, surtout au Royaume-Uni.
Lorsqu'il s'agit de concevoir un programme auquel participent des chercheurs du Royaume-Uni, du Canada et de l'Inuit Nunangat, il faut trouver de nouvelles façons d'évaluer la qualité des propositions qui sont présentées. Normalement, au Royaume-Uni, on procède à un examen par les pairs de l'excellence scientifique, et nous avons conservé cette façon de faire dans la conception du programme CINUK, mais nous avions aussi des comités régionaux locaux dans l'ensemble de l'Inuit Nunangat qui l'examinaient de leur point de vue. A‑t‑il répondu à leurs priorités? Le partenariat était‑il ouvert et équitable? Allait‑il produire des résultats significatifs pour eux? Ces travaux allaient-ils laisser un héritage à leur communauté?
Nous avons regroupé ces deux formes de pondération. Je pense que c'est ainsi que nous devrons procéder à l'avenir si nous voulons établir davantage de partenariats internationaux.
Dans le cadre du processus de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, nous nous sommes efforcés de faire en sorte que les peuples autochtones aient accès au financement de la lutte contre les changements climatiques. Au Canada, ce n'est pas le cas. Nous comprenons que le Canada dépense des millions de dollars dans les pays en développement pour son travail sur le climat, alors je pense que c'est la grande différence. Si nous avions accès à un financement accru pour les changements climatiques, nous pourrions travailler à l'adaptation. Nous pourrions consacrer plus de temps aux coûts d'atténuation.
Nous sommes consultés, mais nous pourrions renforcer la capacité à notre bureau de CCI Canada. Je suis parmi les personnes qui assistent à ces réunions sur le climat, avec un conseiller, et nous avons des jeunes et des détenteurs du savoir, et ainsi de suite, mais notre bureau a une capacité limitée...
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Je vous remercie de votre question.
Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur le niveau et la pertinence du financement au sein du système fédéral canadien. Ce n'est pas un sujet que je peux aborder en ces termes, mais en y réfléchissant dans le contexte du Royaume-Uni, je dirais que, bien sûr, en tant que chercheurs, en tant que personnes engagées à comprendre les changements climatiques dans l'Arctique, nous aimerions tous qu'il y ait le plus d'investissements possible dans ce domaine, parce que nous sommes conscients de l'urgence de la situation, et nous sommes conscients des gains vraiment importants qu'il y a à obtenir, à l'échelle nationale et internationale, en connaissant mieux ce qui se passe afin que nous puissions nous y adapter.
C'est aussi vrai au Royaume-Uni qu'ailleurs. Franchement, il n'y a jamais assez de financement pour la science, et en particulier pour la science de l'Arctique, mais je ne pourrais pas vous fournir un montant précis.
Je dirais que le travail que nous avons fait dans le cadre du programme CINUK et ailleurs avec le Conseil national de recherches du Canada a montré qu'ils sont incroyablement positifs, coopératifs et compétents dans le travail international, et nous y attachons beaucoup d'importance. Le travail que nous faisons avec eux sera très avantageux pour le Canada, mais pour le Canada sur le plan international aussi, car nous en apprendrons davantage sur les changements qui se produisent dans l'Arctique.
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Je vous remercie de votre question.
Je représente le Natural Environment Research Council. C'est l'un des sept conseils relevant de l'organisation UK Research and Innovation, ou UKRI. Nous sommes essentiellement des organismes de financement. Je dirais donc que nous combinons tout cela.
Il y a des centres de recherche financés par l'UKRI, comme le British Antarctic Survey, le National Oceanography Centre et d'autres. Nous avons nos propres chercheurs et une flotte de navires — des navires de grande croisière et des navires capables de naviguer dans les glaces — qui travaillent dans l'Arctique, ainsi que des avions et une station de recherche. Il y a là une capacité directe. C'est un peu comme le Conseil national de recherches. De plus, l'UKRI finance la science au moyen de subventions concurrentielles. Dans certains cas, il s'agit de projets à relativement petite échelle. D'autres sont des fonds plus stratégiques, plus ciblés, un peu comme le programme CINUK dont je parlais.
Il s'agit d'un mélange de financement pour les universités et les centres de recherche, et de recherche directe par des employés de l'UKRI dans le cadre des centres de recherche.
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Je pense qu'il faudrait tout un livre pour raconter cette histoire.
La mondialisation est si immense. C'est aussi un sujet lié à la colonisation.
Tout d'abord, les communautés centralisées ont changé la dynamique familiale. Des missionnaires sont venus dans nos communautés. Notre économie a changé. Il faut maintenant de l'argent pour pouvoir acheter des biens. Il y a une différence entre le revenu d'une famille du Sud et celui d'une famille inuite de l'Arctique, qui est plus faible. Nous devons aussi composer avec un coût de la vie élevé.
De nombreuses décisions ont de nombreuses répercussions, et les Inuits ont perdu leur autonomie. Des hommes inuits ont perdu des chiens de traîneau. Il y a eu les pensionnats et toutes les autres choses.
Tout cela s'inscrit dans le contexte de la mondialisation. Certains aspects ont eu de bons effets, mais d'autres ont eu des effets négatifs.
La mondialisation entraîne les changements climatiques. L'industrialisation a amené des contaminants dans nos communautés. Il y a du mercure dans nos aliments. Notre population, les femmes enceintes et les familles, doivent faire attention à ce qu'ils mangent. Nos sources d'aliments sains sont désormais contaminées.
Il y a tellement d'autres répercussions. La pollution par le plastique fait maintenant partie des contaminants qui se retrouvent dans nos eaux arctiques. Les microplastiques sont maintenant très nombreux dans l'océan Arctique.
La mondialisation a de nombreuses répercussions.
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Dans notre système de croyances, à l'époque du chamanisme, nous entretenons des relations avec la totalité du —
Sila et du monde extérieur — dans lequel nous vivons. C'est aussi à l'extérieur que nous en faisons pleinement l'expérience. Cela nous permet d'acquérir des connaissances. Cela nous apporte de la sagesse. C'est ce qu'on appelle le
silatuniq. C'est celui qui a le plus grand Sila et le plus grand monde extérieur.
La relation que nous entretenons avec l'environnement qui nous entoure est ce qui a guidé notre système de connaissances sur nos relations avec les animaux et les esprits. Les animaux sont des êtres sur lesquels nous avons dû compter pour vivre, parce que dans l'Arctique, nous ne pouvons vivre que des animaux avec lesquels nous entretenons des relations. Cette relation était une relation mutuelle de respect et de protection.
Ce lien était expliqué dans notre histoire sur Sedna, qui était aussi le protecteur des mammifères marins, mais nous devions avoir une bonne relation avec Sedna et avoir une bonne conduite. Cette bonne conduite, c'est l'amour de nos proches et l'amour de notre environnement, donc c'est la protection de notre environnement.
C'est le comportement humain qui est en cause. Si nous ne nous comportons pas bien et si nous ne protégeons pas et ne respectons pas les animaux et l'environnement qui nous entoure, nous subirons la même chose. Cela fait partie de notre système de croyances.
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Je vous remercie de votre question.
Oui, le programme CINUK a été élaboré en partenariat avec l'Inuit Tapiriit Kanatami et les membres de la communauté locale, les habitants du Nord, les Inuits et d'autres parce qu'on voulait avoir la certitude absolue que les thèmes du programme répondaient aux priorités locales.
C'est pourquoi, dès le départ, nous avons veillé à ne pas le limiter à la science environnementale, au travail classique sur les glaciers, le pergélisol ou autres, mais aussi lui donner une dimension humaine, une dimension de science sociale.
Il était clair dès le départ que, si les gens voulaient présenter des propositions pour le programme, ils devaient avoir des partenaires inuits dès le départ, et qu'ils devaient s'attaquer non seulement aux questions scientifiques environnementales, mais aussi à l'incidence qu'elles auront sur la vie et l'avenir des communautés du Nord.
Le programme appuie une vaste gamme de travaux portant sur les aliments traditionnels et la santé animale, la santé humaine, le logement, l'énergie et les plastiques. C'est vraiment très vaste. Cela s'est fait non pas à la demande du programme, mais de ceux qui ont présenté les propositions. Je pense que cela est étroitement lié à la durabilité de la vie dans le Nord.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention de nos nouveaux témoins. Veuillez attendre que je vous donne la parole en vous nommant avant de parler. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro et désactiver votre micro lorsque vous ne parlez pas. En ce qui a trait à l'interprétation pour ceux qui utilisent Zoom, vous avez le choix au bas de l'écran entre le parquet, le français ou l'anglais. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir, à titre personnel, la Dre Susan Kutz, professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur la santé dans l'Arctique, qui est ici par vidéoconférence, et M. Warwick Vincent, professeur au Centre d'études nordiques de l'Université Laval, qui est ici dans la salle. De l'Arctic Institute of North America, nous accueillons Mme Maribeth Murray, directrice générale, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis Cambridge Bay.
Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
Docteure Kutz, je vous invite à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
Je suis vétérinaire de la faune et titulaire d'une chaire de recherche canadienne sur la santé dans l'Arctique. J'ai travaillé pendant 30 ans dans des collectivités nordiques pour étudier et atténuer les répercussions des changements climatiques sur la santé de la faune, et c'est dans cette optique que je m'adresse à vous aujourd'hui.
Les changements climatiques altèrent rapidement, radicalement et irréversiblement les systèmes physiques et biologiques de l'Arctique, et ce, de multiples façons. Ils ont de graves répercussions en aval sur la sécurité alimentaire dans le Nord, la pérennité culturelle, l'économie, la biosécurité et la souveraineté de l'Arctique.
Aujourd'hui, je vais vous donner l'exemple de l'umingmuk, le bœuf musqué, pour illustrer certains de ces concepts. Dans le cadre de mes recherches des 20 dernières années, j'ai constaté que la population de bœufs musqués la plus nombreuse au monde, sur l'île Banks, au Canada, connaît un déclin marqué causé par des phénomènes météorologiques extrêmes liés aux changements climatiques et par des maladies infectieuses émergentes. En 2003, un épisode de pluie sur neige a favorisé la formation d'une épaisse couche de glace impénétrable recouvrant la végétation, ce qui a causé une famine parmi les dizaines de milliers de bœufs musqués et décimé la moitié de leur population. D'après les actuels scénarios climatiques, ces phénomènes météorologiques violents devraient devenir plus fréquents et ils représentent une grave menace pour le caribou, le bœuf musqué et toutes les autres espèces sauvages de l'Arctique.
Par la suite, entre 2010 et 2014, la même population de bœufs musqués a été victime d'une grave épidémie qui a décimé 60 % de la population restante. En gros, le troupeau est passé de 72 000 têtes à quelque 10 000 aujourd'hui. Une épidémie semblable aux conséquences comparables est survenue sur l'île Victoria qui abritait la deuxième plus importante population de bœufs musqués au monde. Ces déclins ont mis fin à la chasse commerciale au bœuf musqué et à la chasse sportive guidée, qui contribuent grandement à l'économie salariale de ces îles, et ont aggravé l'insécurité alimentaire des collectivités dépendantes du bœuf musqué.
En 2021, cette maladie émergente de la faune sévissait dans l'ensemble de l'archipel Arctique jusqu'à l'île d'Ellesmere. Des déclins similaires y ont été observés là‑bas, et aujourd'hui, l'avenir de ce survivant de la période glaciaire dans l'archipel Arctique demeure incertain. La détection, la compréhension et l'atténuation des répercussions d'événements catastrophiques de mortalité et de déclins de population de cette ampleur sont de toute évidence essentielles pour protéger l'écosystème, les collectivités inuites et la sécurité alimentaire.
L'éclosion de maladies chez les espèces sauvages a aussi des répercussions sur la santé humaine, puisque plus de 70 % des maladies infectieuses émergentes chez les humains sont d'origine animale. La grippe aviaire en est un exemple, et la maladie qui décime les bœufs musqués en est un autre. Sur le plan de la défense nationale, c'est vraiment grave. Les événements de mortalité massive chez les espèces sauvages doivent être considérés avec inquiétude dans une optique de biosécurité et de guerre bactériologique, particulièrement dans l'Arctique.
Enfin, l'industrie de l'élevage du Canada doit prendre ces problèmes très au sérieux, car l'émergence de maladies chez les espèces sauvages pourrait menacer notre statut commercial sur la scène internationale.
Pour s'attaquer à ces problèmes, nous avons besoin de recourir à des approches rigoureuses, inclusives et novatrices en matière de recherche. Il en existe d'excellents exemples dans l'Arctique canadien, où les collectivités autochtones, les universités et le gouvernement conjuguent leurs efforts pour protéger la santé de la faune. Je pense notamment au programme de surveillance du béluga mis en place dans l'ouest de l'Arctique, au programme de surveillance de la santé du bœuf musqué et du caribou, dans le centre de l'Arctique, au programme de l'Arctic Eider Society, dans la baie d'Hudson, pour ne nommer que ceux‑là.
Les fondements de tous ces programmes sont le respect à l'égard des collectivités locales, la prise en compte de leurs préoccupations et les efforts concertés pour faire entendre leur voix et tirer profit de leur capacité de recherche, ainsi que l'intégration du savoir autochtone à la science occidentale. Par contre, ces programmes coûtent cher et la plupart sont financés à court terme. Bien qu'ils peuvent compter sur les ressources humaines locales, ils demeurent dépendants des universités ou des gouvernements du Sud. L'avancement de la science et de la recherche dans le Nord, par les gens du Nord, exige des investissements importants et soutenus non seulement dans les ressources humaines nordiques, en leur offrant une formation, mais en offrant un soutien continu aux habitants du Nord, non seulement dans le domaine de la recherche, mais dans tout ce qui y est relié, par exemple, l'administration des subventions et du financement, la gestion de projets et d'autres domaines. Les établissements collégiaux et universitaires de l'Arctique jouent un rôle essentiel pour soutenir ces objectifs, tout comme d'autres initiatives clés parallèles.
Quant à l'accessibilité des infrastructures de recherche, je vous fais remarquer que ces infrastructures existent dans le Nord et qu'elles sont en expansion, mais elles ont tendance à être centralisées et peu accessibles aux collectivités car elles se trouvent dans des institutions gouvernementales. Il est essentiel d'éliminer les obstacles qui empêchent les Autochtones d'accéder à ces infrastructures. Étant donné le coût exorbitant de la recherche dans le Nord, nous devons absolument consacrer beaucoup de temps de qualité à nos partenaires locaux afin d'établir des relations équitables, de comprendre les priorités du Nord et d'y répondre.
Nous devons travailler dans un esprit novateur, en incorporant le savoir autochtone et en faisant des investissements soutenus dans le développement de nouvelles technologies pouvant être mises en place dans des environnements où les ressources sont limitées. Reproduire dans le Nord ce qui fonctionne dans le Sud n'est pas toujours une stratégie efficace. Nous devons donc nous tourner vers les gens du Nord et tirer partie de leurs idées novatrices.
En conclusion, je dirais que les valeurs canadiennes jouent un rôle essentiel dans notre collaboration avec les habitants du Nord. Ces valeurs canadiennes doivent sous-tendre toutes les initiatives de collaboration internationale. Nous devons inculquer ces valeurs à nos partenaires internationaux et leur enseigner comment travailler avec les collectivités.
Permettez-moi, en terminant, d'attirer l'attention du Comité — et je suis certaine que vous êtes déjà au courant — sur le récent rapport du Conseil des académies canadiennes sur l'équité dans la recherche nordique. J'insiste sur le fait que ce rapport expose les fondements philosophiques et le changement de paradigme requis pour que notre système de recherche soit de calibre mondial, efficace et éthique.
Merci beaucoup.
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Madame la présidente et membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner devant vous.
Je m'appelle Warwick Vincent. Tout au long de ma carrière, j'ai effectué des recherches sur les changements environnementaux dans les régions polaires.
J'ai récemment pris ma retraite de l'Université Laval, à Québec, où j'étais titulaire d'une chaire de recherche du Canada et professeur titulaire au département de biologie. Je poursuis mon travail en tant que professeur-chercheur émérite à l'Université Laval et au Centre d'études nordiques, le centre de recherche interuniversitaire qui contribue au développement durable dans le Nord. J'ai été directeur scientifique du Centre d'études nordiques pendant huit ans et je suis l'un des membres fondateurs d'ArcticNet, le réseau canadien pour la recherche nordique et la coproduction de connaissances avec les Inuits et les Premières Nations.
Tout au long de ma carrière, j'ai été témoin des énormes impacts des changements climatiques dans le Nord canadien. En consultation et en partenariat avec des organismes fédéraux et des communautés inuites, nous avons établi une petite station de recherche sur l'île Ward Hunt, située à l'extrême nord du Canada, dans une région que nous appelons la « dernière zone de glace ». Cette station canadienne est la plus septentrionale au monde. Elle se trouve à 4 000 kilomètres au nord d'Ottawa, et bénéficie du soutien logistique annuel du Programme du plateau continental polaire, un programme fédéral vital pour la recherche.
Au cours des dernières décennies, nous avons constaté et signalé d'énormes changements dans cette région septentrionale de l'Arctique canadien. Ces changements sont attribuables au réchauffement récent et sont sans précédent depuis des milliers d'années. Par exemple, la plupart des anciens plateaux de glace — l'épaisse glace permanente qui, jusqu'à tout récemment, bordait la côte nord du Nunavut — ont fondu et se sont effondrés dans l'océan Arctique. Nous constatons maintenant que bon nombre de nos glaciers du Nord rétrécissent à un rythme effréné, ce qui entraîne la disparition d'habitats uniques et de la biodiversité.
Durant cette période, j'ai aussi eu le grand honneur et le privilège de travailler avec des aînés, des communautés et des jeunes Autochtones du Nord et d'être témoin de leur résilience face à ces changements. J'ai été touché par l'étroite relation qu'ils entretiennent avec les terres et les mers du Nord, ainsi que par leur profonde connaissance des peuples, du monde naturel et de l'environnement.
Dans leurs témoignages devant le Comité, plusieurs témoins ont déploré l'absence de stratégie scientifique canadienne pour l'Arctique, ce qui nous empêche tous d'avancer, qu'il s'agisse des chercheurs du Sud, des chercheurs autochtones ou de la coproduction de connaissances. Je joins ma voix à la leur à cet égard.
Dans le cadre de mes activités professionnelles, au fil des décennies, j'ai eu l'occasion d'être membre de nombreux comités consultatifs et de groupes d'experts en matière de recherche et de financement, tant au Canada qu'à l'étranger, et je suis actuellement membre du conseil consultatif scientifique de l'Institut Alfred-Wegener, en Allemagne, le plus grand institut de recherche au monde sur le climat de l'Arctique.
Ces expériences ont toujours été fort enrichissantes. Malheureusement, elles nous rappellent aussi à quel point le Canada est en retard par rapport à d'autres pays qui ne cessent de promouvoir leurs stratégies et leurs activités scientifiques dans l'Arctique. Je pense notamment à la Chine, qui prétend maintenant être un État quasi arctique, et à l'Inde, un chef de file émergent dans le domaine de la technologie spatiale et dont l'objectif stratégique concernant l'Arctique est d'étendre la télédétection satellitaire dans cette région.
Il est urgent que le Canada se dote d'une stratégie scientifique sur l'Arctique qui démontre son ambition de devenir un chef de file international en matière de recherche appliquée et fondamentale dans l'Arctique et qu'il s'appuie sur le savoir et la résilience des Autochtones et leur connection avec leur environnement. Cette stratégie doit être purement canadienne et énoncer des objectifs scientifiques en harmonie avec nos priorités nationales et internationales. Elle doit établir un lien entre nos nombreuses sources d'expertise, ressources et infrastructures et favoriser efficacement la recherche canadienne et le partage de connaissances dans le contexte plus large de la science circumpolaire et mondiale.
L'adoption d'une stratégie scientifique canadienne pour l'Arctique enverrait au reste du monde un message clair que le Canada est très sérieux au sujet de l'Arctique. Ce serait également un message inspirant pour nous tous au Canada, à savoir que la science et la recherche dans l'Arctique canadien sont dans l'intérêt de tous les Canadiens.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup. Je tiens aussi à remercier le Comité de m'avoir invitée à parler des besoins en matière de science et de recherche dans l'Arctique canadien, notamment en lien avec les changements climatiques.
Je suis directrice générale de l'Institut arctique de l'Amérique du Nord depuis 10 ans. L'Institut arctique a été créé durant la première session de la 20e législature par le biais du projet de loi H., Loi constituant l'Institut arctique de l'Amérique du Nord, qui a été adopté par le Sénat du Canada le 1er novembre 1945. Il y a donc longtemps que notre institut étudie les changements qui se produisent dans le Nord.
Je suis également professeure titulaire à l'Université de Calgary où mes projets de recherche portent sur les répercussions des changements climatiques, l'histoire humaine et environnementale dans l'Arctique et les façons d'améliorer l'observation de l'Arctique au bénéfice de la société. Je suis également cheffe de la délégation de l'Institut arctique au Conseil de l'Arctique, où l'Institut a le statut d'observateur non étatique.
Je suis très heureuse de m'adresser à vous aujourd'hui depuis Cambridge Bay, au Nunavut.
Comme l'ont fait remarquer M. Vincent et Dre Kutz, les changements climatiques ont de profondes répercussions à la grandeur de l'Arctique. Les changements au niveau des températures, de la dynamique des glaces de mer et des précipitations, pour ne nommer que ceux‑là, se répercutent sur les humains, à travers les écosystèmes, et sur la planète en général. Les changements au niveau de la cryosphère — la neige, la glace de mer, la glace de rivière, la glace de lac et le pergélisol — sont sans précédent et posent d'importants défis sur les plans de l'adaptation, du maintien des infrastructures civiques et du soutien aux habitants, à l'industrie de la pêche et aux espèces sauvages. Par exemple, à mesure que les glaciers s'amincissent et reculent, l'hydrologie régionale est affectée par le flux d'eau douce vers les ruisseaux, les rivières et les lacs, ce qui peut faire baisser considérablement le niveau des lacs ou causer l'assèchement de cours d'eau, ou encore par la fonte rapide des glaciers qui cause des inondations et des glissements de terrain.
Dans le cas de la calotte glaciaire du Groenland, durant la saison de la fonte, des volumes d'eau douce de plus en plus de plus élevés se déversent dans la mer, ce qui contribue non seulement à l'élévation du niveau de la mer dans des régions très éloignées du Groenland, mais également à l'adoucissement de l'eau dans la partie nord de l'océan Atlantique. Nous ne comprenons pas encore bien les répercussions que cela aura sur la productivité marine, le réseau trophique marin et le cycle du carbone. Les conséquences sont trop nombreuses pour être énumérées ici, mais je dirai simplement que l'infrastructure de recherche, les investissements et les ressources peuvent nous aider à atténuer les répercussions au Canada et à mieux comprendre les changements qui se produisent actuellement et leur trajectoire future et, surtout, à trouver des solutions d'adaptation et d'atténuation.
Au cours des 60 dernières années, le Canada a fait de gros investissements, quoique parfois sporadiques, dans l'infrastructure de recherche de l'Arctique. De nombreuses petites installations y sont exploitées par des universités, les collèges nordiques, des instituts de recherche nordiques ainsi que des organisations et des communautés autochtones. Nous avons également un ensemble d'installations fédérales et territoriales. Toutes ces installations remplissent une ou plusieurs fonctions à l'appui de la recherche continentale et côtière, et nous avons des navires de recherche qui facilitent la mise en œuvre de programmes communautaires de recherche en océanographie et les activités de surveillance. J'irais même jusqu'à dire que dans la quasi totalité des établissements d'enseignement supérieur du pays, ainsi que dans de nombreux ministères fédéraux et territoriaux et organisations autochtones, il y a ces chercheurs qui s'intéressent à l'Arctique. Il y a également des programmes dirigés par des Autochtones et des stratégies autochtones reconnues de recherche et de gestion des données et des connaissances autochtones. Nos relations de recherche avec les peuples autochtones et nordiques, notamment le soutien à la recherche sur l'autodétermination, s'améliorent lentement, et le Canada est un chef de file à cet égard parmi les pays riverains de l'Arctique.
À première vue, nous semblons bien équipés en tant que nation pour assurer un leadership scientifique dans l'Arctique, pour analyser et combattre les changements climatiques et leurs répercussions futures et pour piloter une diversité de projets de recherche scientifique.
Des chercheurs peuvent lancer des projets d'envergure, soit individuellement ou en collaboration avec des partenaires, comme l'initiative Arctic Pulse, dont a parlé Mme Jackie Dawson dans son témoignage devant le Comité, et le Consortium canadien pour les données arctiques, un groupe évolutif cherchant à renforcer l'interopérabilité des centres de données arctiques au pays. Ces particuliers peuvent travailler en collaboration avec nos collègues de tous les secteurs et de toutes les cultures pour améliorer l'observation de l'Arctique, notamment pour mieux compendre la dynamique entre le bœuf musqué et la population dont a parlé Dre Kutz.
Bien que nécessaires, ces initiatives individuelles et collectives ne suffisent pas à faire avancer la recherche dans la direction voulue et à tirer le meilleur parti de nos infrastructures de recherche pour en obtenir le meilleur rendement. Pour cela, le Canada a besoin d'un plan national définissant clairement ses priorités scientifiques, en y incluant, bien entendu, les priorités autochtones en matière de recherche. Pour se concrétiser, ce plan doit être assorti d'une stratégie de mise en œuvre. Il doit également être élaboré en collaboration avec toutes les parties — Autochtones, universitaires, territoires, provinces, gouvernement fédéral, ONG concernées et toute autre entité pertinente. De plus, ces parties doivent être en nombre suffisant pour refléter la diversité de l'expertise et de l'expérience au sein de la communauté des chercheurs de l'Arctique.
Le Canada...
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Merci pour cette question.
Je pense que cela serait très utile, mais vous devons également réfléchir à un système de répartition du portefeuille.
L'hon. Michelle Rempel Garner: Oui.
M. Warwick Vincent: Pour le Nord, il faut clairement mettre l'accent sur des stratégies d'adaptation, les besoins locaux et l'application des connaissances autochtones aux changements climatiques dans le Nord.
Parallèlement, nous devons encourager d'autres scientifiques qui ont de nouvelles idées et de nouvelles façons de penser à s'intéresser au Nord, à unir leurs forces à celles des collectivités nordiques et à participer.
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J'ai compris et je suis d'accord.
Je m'adresse maintenant aux trois témoins — M. Vincent, Dre Kutz et Mme Murray —, mais je ne sais pas trop comment formuler ma question. Tous les témoins que nous avons entendus ont parlé de la nécessité d'une collaboration internationale en matière de recherche sur l'Arctique. C'est clairement ce qu'ils ont recommandé. Par ailleurs, ils nous ont également parlé des défis posés par certaines complexités géopolitiques, particulièrement en ce qui concerne la Russie et l'actuel gouvernement chinois.
Comment pouvons-nous régler ce problème?
À votre avis, en tant que chercheurs dans ce domaine, que devrait recommander le Comité au gouvernement pour l'élaboration d'une stratégie de recherche sur l'Arctique qui protégerait également la souveraineté du Canada face à l'agression ouverte de nations hostiles qui ont un intérêt dans l'Arctique?
C'est une question délicate, c'est certain.
Tout d'abord, je fais remarquer que la situation avec la Russie nuit grandement à la science dans l'Arctique en général — et je suis certaine que le Comité est au courant —, parce que nous avons maintenant perdu l'accès à une foule de renseignements scientifiques essentiels qui nous permettent d'améliorer les modèles climatiques et les projections, entre autres.
Je pense qu'il est important pour nous, en tant que nation, d'établir de solides partenariats de recherche sur l'Arctique avec des pays aux vues similaires. Je vais expliquer brièvement pourquoi je pense que c'est important pour l'infrastructure de recherche.
Comme je l'ai mentionné dans mes observations, nous avons beaucoup d'infrastructures de recherche au Canada, mais nous ne les avons pas toutes. Nous travaillons en partenariat avec nos collaborateurs. Je pense notamment à l'Allemagne qui possède des navires de recherche à bord desquels les scientifiques canadiens peuvent travailler. Les problèmes que nous connaissons en travaillant à l'échelle panarctique sont trop importants pour qu'un pays puisse s'y attaquer unilatéralement. La coopération est donc essentielle pour comprendre l'ensemble du système et l'orientation qu'il pourrait prendre. Étant donné l'absence de la Russie et l'absence de données provenant de l'Arctique russe, la seule façon de nous rapprocher d'une entente globale et d'une solution panarctique applicable, c'est la coopération.
Je suis d'accord avec M. Vincent, les Inuits sont très résilients et capables de passer d'une espèce à une autre selon la saison. Cependant, ils font actuellement face à une crise alimentaire, parce que de nombreuses espèces sont en déclin.
Ce que nous faisons pour trouver des solutions... Tout d'abord, nous enrichissons les connaissances, tout simplement. Si les gens savent comment utiliser les différentes parties des animaux et si la viande est salubre, il y a beaucoup moins de gaspillage.
À l'heure actuelle, les communautés entendent parler de la maladie de la vache folle et de la grippe aviaire. Cela crée beaucoup d'incertitude et de méfiance sur la source de leur approvisionnement alimentaire, ce qui incite leurs membres à s'approvisionner à l'épicerie. En apprenant toujours mieux ce que contiennent les espèces d'animaux et quand leur viande est salubre, les gens s'habitueront à consommer les aliments traditionnels en toute confiance.
L'autre aspect de notre travail est plus technologique. Nous examinons les maladies infectieuses émergentes dans l'Arctique afin de fournir des tests rapides, un peu comme un test de dépistage de la COVID, pour assurer la salubrité des aliments.
À l'heure actuelle, quand les gens trouvent quelque chose d'inhabituel, il faut l'envoyer très loin dans un laboratoire du Sud, et la communauté doit attendre longtemps pour recevoir la réponse. Cependant, si nous pouvons développer... Nous possédons les technologies moléculaires pour le faire. Une fois que nous aurons mis ces tests au point, nous pourrons répondre rapidement aux gens et les aider à faire leurs choix alimentaires. Cette mesure contribuera à prévenir le gaspillage de viande, les récoltes inutiles, etc.
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Merci, madame la présidente.
Je salue les témoins qui sont des nôtres pour la deuxième heure de notre étude.
Ma première question s'adresse à M. Vincent.
C'est un plaisir de vous accueillir ici, au Comité. Je vous félicite pour votre longue carrière en tant que professeur émérite. Vous avez quand même un bon CV. Vous êtes le fondateur du réseau ArcticNet. Vous avez également été pendant huit ans le directeur du Centre d'études nordiques, à l'Université Laval, que j'ai eu l'occasion et le privilège de visiter. C'est fascinant.
Comme je viens de le mentionner, vous êtes l'un des fondateurs d'ArcticNet. Dernièrement, le gouvernement fédéral a confirmé publiquement le financement d'approximativement 32 millions de dollars qu'il avait déjà annoncé en décembre 2023. On note toutefois qu'il s'agit d'une diminution du financement. Pourtant, on dit que la recherche scientifique est une priorité pour le gouvernement.
Ma question est simple: si la recherche scientifique est une priorité, comment se fait-il qu'on diminue le financement pour ArticNet et la recherche nordique?
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Oui, c'est vrai. Nous avons beaucoup d'infrastructures de recherche. Une bonne partie de ces installations ont un besoin urgent de rénovation et de modernisation.
Je dirais que nous avons besoin de coordonner cela à l'échelle du pays. Pour revenir aux commentaires de M. Vincent, si nous avions une stratégie scientifique nationale, nous pourrions réfléchir soigneusement et stratégiquement à la répartition des ressources. Nous pourrions également prendre des décisions ardues au sujet des infrastructures qui ont dépassé leur durée de vie utile et qu'il faudra peut-être mettre hors service. Nous pourrions justement discuter de l'Amundsen et de la nécessité de le remplacer bientôt.
Je pense que si nous établissions un plan national qui énonce nos priorités, nous réussirions mieux à déterminer dans quelles infrastructures investir. Il faudra cependant coordonner tout cela. Nous avons le Réseau canadien des opérateurs de recherche nordique qui en est à ses premiers balbutiements. Il pourrait réunir les différents opérateurs des infrastructures de recherche pour planifier et établir des protocoles de formation communs. Nous avons la capacité d'envoyer des scientifiques d'une installation à une autre et nous avons des cheminements d'accès à ces installations pour les organismes autochtones et pour les chercheurs communautaires.
Autrement dit, nous avons un mécanisme de coordination. Il faut y affecter des ressources, et nous avons besoin d'un plan et d'une stratégie de mise en œuvre afin de répartir ces ressources de manière à mieux soutenir les infrastructures existantes et celles dont nous pourrions avoir besoin à l'avenir.
Je vais maintenant m'adresser à vous, monsieur Vincent, parce que, comme plusieurs de nos témoins, vous avez mentionné le plateau polaire. L'Arctique est immense. La logistique des déplacements est essentielle pour les chercheurs. Elle ne manquerait pas de briser tous les budgets d'un chercheur que personne ne soutient.
En 2018, mon frère m'a téléphoné pour me recommander d'obtenir un financement adéquat pour le plateau polaire, parce que son financement n'avait pas augmenté depuis 20 ans. J'avais l'impression que l'on avait remédié à cela, mais vous nous dites qu'il a désespérément besoin d'aide à l'heure actuelle.
Quelle recommandation présenteriez-vous au Comité au sujet du plateau polaire? Que lui faut‑il maintenant pour qu'il soit fonctionnel et qu'il demeure fonctionnel?
On pourrait écrire tout un livre à ce sujet. Voilà pourquoi les principes fondamentaux de la science sont si importants. D'où vient ce phénomène? Comment cette bactérie est-elle arrivée là? Pourquoi est-elle si dévastatrice?
Il y a plusieurs théories. L'une d'elles cible le transport sur de grandes distances.
L'Arctique a d'immenses populations de sauvagines migratoires qui ne cessent d'augmenter. Voilà donc une excellente façon de mondialiser les pathogènes, de les ramener des régions du Sud vers le Nord. Ensuite, tout ce qui se passe dans le Nord peut être transporté dans d'autres régions du Nord. L'Erysipelothrix, cette bactérie qui tue le bœuf musqué, est généraliste. Elle peut donc infecter toutes les espèces, y compris les poissons, les oiseaux et les humains.
C'est un mécanisme possible. Voilà pourquoi nous commençons à utiliser les méthodes moléculaires pour mieux le comprendre.
L'autre mécanisme...
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Eh bien, vous savez, la faune est très précieuse pour les communautés autochtones. Il y a beaucoup d'intérêts divergents dans le Nord qui nuisent ou qui risquent de nuire à la faune, aux populations fauniques et à ce mode de vie.
Vers la fin de mon exposé, j'ai souligné que les solutions du Sud ne sont pas nécessairement les bonnes et que nous devrions travailler avec les habitants du Nord pour les élaborer. La construction de nouvelles infrastructures, comme une route, peut avoir des conséquences dévastatrices pour des espèces sauvages, non seulement parce qu'elle nuit à leurs déplacements, mais aussi parce qu'elle accroît les facteurs de stress et influe sur leur vulnérabilité à de nouvelles maladies et à d'autres dangers. Même si nos interventions nous semblent logiques, je pense qu'il est très important d'en discuter avec les habitants du Nord pour qu'ils puissent comprendre cela.
Je pense aussi que l'Arctique est très vulnérable aux maladies infectieuses émergentes. Nous n'avons jamais vu de tels taux de réchauffement. Beaucoup de maladies sont influencées par la température. Nous avons vu l'expansion de certains des parasites dans les îles de l'Extrême-Arctique. De nouvelles espèces d'animaux arrivent dans ces régions en y apportant des agents pathogènes.
Par conséquent, les effets très directs des changements climatiques modifient considérablement les communautés. Il est vraiment très important de comprendre ces processus. Ils changent...
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Pour répondre à la première partie de votre question sur la coordination à l'échelle internationale, il y a un certain nombre d'initiatives de longue date auxquelles participent les scientifiques et les centres de recherche canadiens.
Il y a surtout le réseau INTERACT, le réseau international des stations terrestres. Il comprend plus de 100 stations, et un bon nombre d'entre elles sont canadiennes, comme la station dont je suis responsable à Kluane et celles du Centre d'études nordiques dont M. Vincent a parlé.
Nous faisons partie de ce réseau et, dans ce contexte, nous travaillons avec nos partenaires de l'étranger pour élaborer des protocoles communs de surveillance de l'environnement et pour échanger des données et de l'information avec les autres membres du réseau. La coordination à partir d'un navire est un peu différente. En général, elle a lieu entre des institutions qui possèdent les navires et les scientifiques qui font partie de ces partenariats.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous n'avons pas établi de plan stratégique pour cela. Ces échanges ont tendance à se produire entre scientifiques, entre groupes ou consortiums de chercheurs ou, comme M. Burgess l'a dit, à l'échelle internationale entre deux organismes gouvernementaux. Nous avons un programme permanent...
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Merci, madame la présidente.
Je poursuis avec M. Vincent.
Monsieur Vincent, étant donné votre expertise, vous savez sans doute que, pour faire de la recherche en Arctique, ça prend des outils. Il faut notamment un bateau, parce qu'il y a de l'eau là-bas.
L'Université Laval collabore avec l'organisme Amundsen Science, qui est la propriété du gouvernement fédéral. Les deux assurent une cogestion ou une codirection dans un but de recherche. Selon les scientifiques, le brise-glace Amundsen est en fin de vie utile. On attend une confirmation de la part du gouvernement dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale, mais on n'a pas de réponse ou à peu près pas de confirmation quant au renouvellement de la flotte.
J'aimerais entendre votre opinion sur la nécessité d'avoir un bateau consacré précisément à la recherche dans l'Arctique.
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Notre temps est écoulé.
Je tiens une fois de plus à remercier nos témoins, la Dre Susan Kutz, M. Warwick Vincent et Mme Maribeth Murray, d'être venus témoigner et de participer à l'étude du Comité sur la science et la recherche dans l'Arctique canadien en ce qui concerne les changements climatiques.
Si vous désirez soumettre d'autres commentaires ou renseignements au Comité, vous pouvez les remettre au greffier. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser au greffier.
Plaît‑il au Comité de lever la séance?
Un député: Oui.
La présidente: La séance est levée. Merci beaucoup.