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Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Bienvenue à la 22
e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les membres participent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 16 juin, nous nous réunissons pour étudier la question de la recherche et de la publication scientifique en français.
[Français]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux membres du Comité.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer ce dernier. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui participent à la réunion par l'intermédiaire de l'application Zoom peuvent choisir au bas de leur écran entre le canal du parquet, celui de l'anglais ou celui du français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les observations des membres du Comité et des témoins doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
Les membres présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Les membres qui utilisent Zoom sont priés d'utiliser la fonction « Lever la main ».
Le greffier et moi-même allons gérer l'ordre des interventions de notre mieux, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à la motion de régie interne que nous avons adoptée, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Ce soir, j'ai le plaisir d'accueillir au Comité Nathalie Lewis, professeure à l'Université du Québec à Rimouski, qui comparaît à titre personnel. De l'Université d'Ottawa, nous accueillons Martine Lagacé, vice-rectrice associée, Promotion et développement de la recherche.
Chacun de nos témoins disposera de cinq minutes. À quatre minutes et demie, je montrerai ce carton jaune pour vous indiquer qu'il vous reste 30 secondes.
Comme nous bénéficions de services d'interprétation, si vous n'avez pas soumis vos notes d'allocution à l'avance, je vous prie de parler un peu plus lentement pour faciliter la tâche à nos interprètes.
Sur ce, nous vous souhaitons la bienvenue. Merci d'être parmi nous.
Je donne maintenant cinq minutes à Mme Lewis, s'il vous plaît.
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Bonsoir à tous et merci de votre invitation.
Je vais aller droit au but puisque, cinq minutes, c'est peu.
Le Canada est un État dont le français est l'une des deux langues nationales. À titre de citoyenne francophone, je pourrais discuter de cet aspect qui est d'une importance capitale pour moi. Cependant, je vais plutôt consacrer mon temps de parole à la publication scientifique en français, un autre aspect que je trouve aussi important.
Le Canada est un pays relativement neutre au sein de la francophonie. J'arrive de la Tunisie, où j'ai assisté à une manifestation scientifique sur la francophonie. J'y ai vu l'influence du Canada par rapport à d'autres pays francophones, c'est-à-dire l'incidence du français et de la considération positive du Canada par rapport à la francophonie. Notre pays joue donc un rôle important à cet égard...
Je voudrais d'abord remercier les membres du Comité de me donner la parole ce soir, à la fois à titre de vice-rectrice associée de la promotion et du développement de la recherche à l'Université d'Ottawa, et à titre personnel comme chercheuse francophone produisant des documents de recherche dans les deux langues officielles. J'expliquerai peut-être un peu plus tard ce que je qualifie de dérapage de la part des francophones, qui ont parfois tendance à passer du français à l'anglais dans leur recherche.
Pourquoi la science et la publication scientifique en français sont-elles un sujet majeur pour le gouvernement fédéral?
Comme le rappelle le rapport de 2021 de l'Acfas, la recherche, et plus globalement la science en français, a une incidence profonde sur la vitalité, l'épanouissement et le sentiment de bien-être linguistique des Canadiens francophones. En effet, loin de simplement enrichir le lexique pédagogique, universitaire et professionnel francophone canadien, elle procure l'expertise scientifique indispensable à la mise en place des programmes de formation, des politiques diverses et des services adéquats pour les communautés francophones en situation minoritaire.
Par la production et la dissémination de ressources pédagogiques solides, la recherche en français rend possible un continuum d'éducation de qualité, assure la relève dans les communautés francophones et promeut une culture scientifique francophone canadienne dont le rayonnement s'étend au-delà des frontières nationales.
Comprenons-nous bien. La question qu'on soulève ce soir va bien au-delà de nos communautés francophones. C'est aussi l'avenir de la diplomatie scientifique du Canada, de sa capacité à peser sur le destin d'une communauté de 300 millions de locutrices et de locuteurs, de citoyennes et de citoyens du monde, sur tous les continents. L'avenir de la recherche en français, c'est donc celui de la présence scientifique, industrielle et humanitaire du Canada dans le monde entier.
Le Canada, comme pays membre du G7, joue d'ailleurs un rôle de premier plan et peut donc influer sur beaucoup de dossiers internationaux, qu'ils soient économiques, environnementaux ou autres. La capacité de notre communauté de recherche de produire des analyses et des études probantes en français vient donc ajouter à cette sphère d'influence qui fait tant la renommée de notre pays. Malheureusement, et vous l'avez certainement entendu, on constate une érosion rapide de la production scientifique en français du Canada.
La baisse continue des demandes de subvention rédigées en français, le faible taux de succès dans les concours de financement, notamment au sein des Instituts de recherche en santé du Canada et, par conséquent, le sous-financement chronique de la recherche en français laissent présager une disparition rapide d'une science en français et, ainsi, d'une diplomatie scientifique du Canada.
Bien sûr, les trois conseils subventionnaires sont au fait de ce déclin depuis bien des années, et les quelques mesures prises n'ont malheureusement pas eu d'effets très importants.
Nous sommes persuadés que le renforcement de la recherche en français ainsi que le soutien et le rayonnement de la publication en français passent par une plus étroite collaboration entre les chercheurs, les universités et les acteurs qui financent la recherche, notamment les organismes subventionnaires fédéraux. D'ailleurs, le mot « collaboration » est, pour moi, un mot clé ce soir.
L'Université d'Ottawa est privilégiée de faire cohabiter deux communautés linguistiques de chercheurs, francophones et anglophones, et de naviguer entre elles. Cependant, nous observons aussi chez nous une diminution rapide de la science en français. Nous fournissons notre part d'efforts en soutenant la recherche et la science en français à l'Université d'Ottawa.
Je pense notamment aux Presses de l'Université d'Ottawa, les seules presses bilingues en Amérique du Nord, qui publient des ouvrages universitaires en français et en anglais. En 2019, l'Université d'Ottawa a créé le Collège des chaires de recherche sur le monde francophone, une entité vraiment dynamique vouée au soutien de la recherche de très haut niveau en français. Ce collège réunit 10 titulaires de chaires de recherche en français, qui travaillent sur différents sujets, comme le patrimoine culturel, la santé numérique ou l'immigration francophone.
L'Université d'Ottawa a aussi mis en place une stratégie bilingue de mobilisation des connaissances, qui appuie nos chercheuses et nos chercheurs dans la poursuite de leurs travaux dans leur langue, et ce, en dépit de l'attrait que peut avoir la diminution des publications en français.
Je termine par une recommandation. L'Université d'Ottawa verrait d'un très bon œil une stratégie fédérale pancanadienne de soutien à la recherche et à la publication scientifique en français, qui permettrait de reconnaître l'importance accordée à la recherche et à l'avancement des connaissances en français au Canada. Une telle stratégie permettrait aussi à la communauté scientifique canadienne de jouer un rôle encore plus marquant, non seulement au pays, mais également ailleurs dans le monde.
Si le temps l'avait permis, nous aurions pu aborder la question de la coordination des acteurs.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Je suis désolée pour les problèmes de son.
Aujourd'hui, mon intervention va porter sur un aspect qui me semble important pour l'édition scientifique francophone.
Je parlais de la place privilégiée du Canada au sein de la francophonie et il me semble important de poursuivre mon intervention à ce sujet.
Selon moi, pour la diversité des savoirs, la science ne peut pas se priver du français. Au-delà de l'outil de communication, cependant, c'est l'organisation et la structure de la pensée qui imposent un pluralisme des langues et une diversité linguistique.
Dans un monde où les dossiers actuels sont cruciaux et complexes, on ne peut pas se priver de la diversité. J'en suis consciente en tant que sociologue de l'environnement. L'organisation de la science oblige le partage des critiques et la rétroaction pour toutes les recherches et les analyses à l'échelle internationale. Il ne s'agit pas de publier des articles pour alimenter un curriculum vitæ ou faire mousser une carrière — on pourrait revenir sur la montée en force de la bibliométrie —, mais pour faire circuler des idées et des connaissances. C'est au cœur de la méthode scientifique et c'est ce qui m'importe et me tient à cœur en tant que scientifique.
Aujourd'hui, force est de reconnaître l'anglicisation massive de la science. On pourrait épiloguer longtemps sur les causes, mais ce ne sera pas l'angle de ma brève intervention. En fait, je veux insister sur l'importance de la circulation des idées scientifiques. Dès lors, dans l'organisation actuelle et internationale de la science, c'est par l'entremise de la publication scientifique que cette circulation opère, une circulation qui doit nécessairement être internationale. Il faut brasser des idées.
Les travaux réalisés ces dernières années autour de la langue de la science montrent que l'anglais est majoritairement utilisé comme langue de communication scientifique internationale, ce qui réduit et appauvrit la diversité scientifique essentielle dont je faisais état plus tôt.
Le français, comme d'autres langues dites nationales, serait réduit à la diffusion nationale. Ici, je ne fais même pas état de la diffusion du français au Canada. Cela pose un réel problème scientifique et épistémologique dans le lien entre la théorie et la pratique. Cela nous prive collectivement de ce qui nous manque cruellement pour saisir les questions complexes actuelles: le brassage de multiples idées recoupant plusieurs secteurs et disciplines, et l'imagination scientifique incontournable, voire vitale aujourd'hui.
En Europe, il est intéressant de regarder ce qui a été réalisé par la cOAlition S et le leadership porté par plein de chercheurs qui ont travaillé sur l'état de la langue en science et en publication. À ce titre, le Canada a une grande responsabilité envers la science et la francophonie comme envers les Canadiennes et les Canadiens. Il pourrait occuper une place enviable à cet égard.
L'édition scientifique se fait en grande partie par l'entremise des revues scientifiques, c'est-à-dire celles qui sont évaluées par les pairs, par d'autres scientifiques qui maîtrisent les mêmes domaines. On pourrait revenir sur cet aspect. Cette édition scientifique est l'outil ou le véhicule dominant — appelons-le ainsi même si c'est plus complexe — qui permet non seulement la diffusion, mais aussi la circulation et la mise en tension et en discussion des avancées scientifiques. Cette édition doit refléter l'importance du français à égale posture comme langue scientifique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, comme nous l'avons évoqué brièvement.
Le modèle actuel de diffusion scientifique oblige les chercheuses et les chercheurs à publier et à être visibles — jusque là c'est cohérent — et valorise, qu'on s'y inscrive ou non, certaines revues scientifiques par rapport à d'autres. Cette intervention ne me permet pas de dérouler finement les pièges de la bibliométrie, mais cet aspect est assez important et bien documenté. Cette façon de construire des renommées n'affecte pas que la publication scientifique francophone, il va sans dire, mais elle ajoute néanmoins plus d'obstacles.
Au-delà de cette course au classement des revues, nous revenons à l'idée initiale, à savoir l'importance de la diffusion internationale et de la diversité de cette diffusion, qui visent à faire circuler les idées, les découvertes et les recherches.
Revenons à la place prépondérante et à la domination des revues le plus souvent associées à des éditeurs commerciaux anglo-saxons. On assiste aujourd'hui à une uniformisation des façons de penser et c'est ce phénomène qu'il est important de revoir. Il faut diversifier les façons de penser, d'écrire et de réfléchir.
À ce titre, un coup de barre, un redressement exceptionnel, une aide particulière à l'édition francophone qui régresse doit faire l'objet d'une réflexion. Cette aide différenciée pourrait apparaître injuste à certains et certaines, car elle est non égalitaire, mais je reprendrai les propos du sociologue François Dubé...
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C'est exact. Ces chaires de recherche ont été créées pour favoriser les publications en français, qui ont tendance à être de moins en moins nombreuses à l'Université d'Ottawa. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de professeurs francophones ont tendance à décider de publier en anglais, parce que le facteur d'impact est considérablement plus élevé dans ce cas. Cela a une incidence sur la réputation internationale du chercheur, parce que tout le monde dans l'univers de la recherche sait que si un chercheur publie dans le
Journal of Applied Gerontology, par exemple, qui est une revue américaine, sa réputation grandira peu à peu.
Si je décide de publier dans une revue francophone, ma réputation, mon influence en tant que chercheuse, sera évidemment moindre.
C'est un fait, d'où l'importance d'offrir du soutien aux chercheurs francophones, comme des services de traduction, par exemple, pour les aider à traduire leurs publications du français à l'anglais et ainsi augmenter leur influence et leur réputation dans le monde.
[Français]
Moi-même, comme chercheuse, j'ai souvent décidé de passer du français à l'anglais dans ma production scientifique, alors que je suis une francophile. Je constate très bien que, lorsque je publie en anglais, j'ai un rayonnement qui n'est pas du tout comparable à celui que je peux avoir lorsque je publie en français, puisqu'il y a un plus grand bassin de lecteurs. C'est malheureux et cela pousse beaucoup de chercheurs francophones à abandonner et à décider de ne publier qu'en anglais.
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C'est aussi une question de diversité des connaissances.
Le français ne disparaîtra jamais.
[Français]
Il y a une grande communauté de chercheurs francophones dans le monde. On pourrait publier des connaissances seulement en anglais, mais on se priverait d'une diversité d'idées et de connaissances. Bien sûr, le lectorat est plus grand du côté des revues scientifiques en anglais, mais il reste que les francophones ont eux aussi le devoir de publier et de diffuser la recherche en français dans différents domaines et de s'assurer que le lecteur a accès à ces connaissances également.
Je reviens donc à une de nos recommandations, qui consiste à appuyer les chercheurs francophones afin qu'ils continuent à créer le savoir en français. Cela prend un service de traduction pour les aider à diffuser dans un bassin plus large leur production scientifique en anglais. Elle circulerait ainsi dans les deux langues.
[Traduction]
En fait, en tant que chercheuse dans une université dont le bilinguisme est une valeur fondamentale, je dirais que le fait de pouvoir publier dans les deux langues est extrêmement important pour la création et la circulation du savoir.
[Français]
Les francophones sont donc moins avantagés à ce chapitre.
Ma pensée s'inscrit un peu dans ce qui a été dit par Mme Lagacé. Cela rejoint justement mes propos concernant la diversité linguistique, qui va au-delà de la langue pour toucher à la façon d'organiser sa pensée et son esprit. Ce n'est pas que de la traduction, c'est aussi de pouvoir réfléchir en français. Ayant moi-même étudié à l'Université d'Ottawa, j'ai pu constater qu'il y a vraiment différents types d'organisation de la pensée scientifique. Cette diversité est une force et une richesse et je pense qu'il est important de la préserver.
Par ailleurs, la francophonie internationale n'est pas négligeable. Il existe un public francophone à l'extérieur du Canada, qui mérite aussi de pouvoir échanger avec nous. De plus, il peut nous amener à comprendre des réalités, particulièrement celles du Sud, qui vont nous amener à revoir le regard scientifique que nous portons sur ce que nous faisons. La traduction à elle seule n'est pas toujours suffisante pour refléter cette diversité; elle n'est qu'une solution. Il faut encourager la publication ou la science en français pour faire émerger cette pensée multiple.
Il y a un système qui nous pousse et qui pousse mes collègues. Vous avez parlé de l'Université du Québec à Rimouski, une ville dans l'Est du Québec. Il y a peu d'anglophones et d'étudiants anglophones dans cette région. Il est donc nécessaire d'avoir des sciences en français, que ce soit des sciences humaines et sociales, lesquelles publient d'ailleurs plus que majoritairement en français, chez les francophones, dans des revues non commerciales.
Pour refléter cette diversité, les sciences de la santé, les sciences appliquées ou les sciences sociales méritent d'être aussi pensées et éditées en français. La traduction est une bonne option, mais elle n'est pas la seule à valoriser.
Merci beaucoup, madame Lewis.
J'ai une question supplémentaire. Quel rôle jouent les établissements postsecondaires pour s'assurer que leurs professeurs sont en mesure de publier en français?
Pour vous, madame Lewis, c'est facile parce que vous êtes au Québec.
Or, dans votre cas, madame Lagacé, comment pouvez-vous répondre à cette question concernant Ottawa, qui veut être bilingue comme tout le monde le sait?
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Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, à l'Université d'Ottawa, nous tentons d'appuyer nos chercheurs en mettant sur pied diverses initiatives pour qu'ils produisent du savoir et des connaissances en français. J'ai mentionné notamment les Presses de l'Université d'Ottawa, qui sont bilingues et qui publient des ouvrages pédagogiques en français, comme des manuels de cours. J'ai aussi parlé du Collège des chaires de recherche sur le monde francophone.
À l'Université d'Ottawa, nous avons aussi adopté très récemment une stratégie de mobilisation des connaissances, qui appuie énormément la production de recherche en français et en anglais. Nous avons aussi développé de multiples partenariats en matière de recherche, notamment avec le Consortium national de formation en santé et l'Institut du Savoir Montfort. Nous travaillons étroitement avec des partenaires à l'international, notamment en France et en Belgique.
C'est de cette façon que nous essayons de créer, mais ce n'est pas suffisant. Nous sommes dans un écosystème. Les organismes subventionnaires fédéraux devraient faire plus d'efforts pour favoriser la collaboration entre les chercheurs francophones au pays. Le monde de la recherche est complexe et iI faudrait s'allier davantage aux chercheurs de Moncton, du Québec, de l'Ouest et de l'Ontario francophone. Pour cela, nous avons besoin de l'aide des organismes subventionnaires et, je le répète, d'une stratégie pancanadienne.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je salue les témoins qui se joignent à nous ce soir dans le cadre de cette importante étude.
Bonsoir, madame Lewis. C'est un plaisir de vous retrouver. Vous êtes une habituée des rencontres internationales francophones liées aux sciences humaines et aux sciences sociales, particulièrement dans votre champ d'expertise, la sociologie. Tout récemment, il y a deux semaines, vous étiez en Tunisie pour participer à la première édition des Rencontres de la Sociologie francophone.
Pourriez-vous nous parler de cette expérience? De quels pays les participants étaient-ils issus? Les dossiers de chacun des pays étaient-ils similaires? Quels ont été vos constats lors de ce voyage?
Les participants venaient en grande partie de la francophonie internationale, en particulier de l'Afrique noire et du Maghreb. Il y avait aussi beaucoup de chercheurs européens et quelques chercheurs de l'Amérique du Nord. La semaine dernière n'était pas un moment commode pour les chercheurs nord-américains, puisque nous sommes en pleine session universitaire.
Pour ce qui est des constats, j'ai noté que les jeunes chercheurs francophones désiraient fortement rencontrer d'autres chercheurs francophones pour discuter de questions scientifiques. Ce besoin était réel. De plus, comme je le disais tout à l'heure, les regards étaient tournés vers le Canada et le rôle qu'il pouvait jouer, par opposition à d'autres pays francophones du continent africain, plus marqués par la colonisation française. Nous étions, je le rappelle, en Tunisie.
Depuis mon retour, je reçois des demandes d'encadrement visant à maintenir la science en français. Par contre, comme cela a été mentionné tout à l'heure, le système actuel n'incite pas les chercheurs francophones à rédiger et publier leur travail en français. Mme Lagacé l'a souligné plus tôt. Pourtant, la demande existe. Or, dans le système actuel, l'étude des demandes de subvention favorise la publication dans certains types de revues, généralement peu francophones.
Les jeunes chercheurs francophones sont aux prises avec cette difficulté et on observe une baisse d'intérêt à l'égard de la francophonie, même dans des pays où la langue scientifique est le français. Il est clair que le modèle actuel pousse les chercheurs à opter pour l'anglais.
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Si l'on reporte la responsabilité individuelle sur les chercheurs, c'est s'attendre à beaucoup de leur part, parce qu'il y a un modèle international pour cette publication. Il faut plutôt une aide pancanadienne pour favoriser le regroupement de la recherche en français. Cette dernière passe par la publication scientifique qui, elle, passe par les revues scientifiques.
Étant impliquée dans une revue francophone en science et en environnement, une revue internationale et ouverte, je peux vous dire que la gestion d'une revue non commerciale et francophone est un lourd fardeau à porter, qui s'ajoute à nos métiers au point d'être un peu du bénévolat scientifique. Il est difficile d'exploiter ces revues-là. Une aide pancanadienne pour la publication et l'édition francophone pourrait être, dans un premier temps, un moyen de contrer un peu ce ralentissement de la science en français.
Les recommandations du rapport de 2021 de l'Acfas étaient assez éloquentes. Il faut tout simplement valoriser le français comme langue scientifique. À l'échelle internationale, de nombreuses études ont montré l'effet des langues dites nationales, que ce soit le portugais ou l'espagnol, qui ne sont souvent utilisées que dans le pays, alors que la langue internationale est l'anglais. Actuellement, je pense que le français peut et doit jouer un rôle international. Le Canada, avec une association plus solide, pourrait nous aider à cet égard.
Je remercie les témoins d'être avec nous ce soir.
Je m'adresserai d'abord à Mme Lagacé.
Pour clarifier les choses, vous avez déploré un faible taux de réussite aux concours de financement, probablement pour les candidats francophones, et pourtant, selon le CRSNG, à tout le moins, nous avons entendu Marc Fortin affirmer que parmi les candidats de l'Université d'Ottawa qui ont fait une demande en français ont eu un taux de réussite le plus élevé que ceux qui ont fait une demande en anglais. Il semble y avoir une certaine divergence ici. Je voulais le souligner.
Vous avez également proposé qu'on aide les chercheurs francophones à traduire leurs publications du français à l'anglais. Je suppose que c'est pour qu'ils puissent faire leurs recherches en français et publier leurs conclusions en anglais.
D'autres témoins nous ont dit que même quand les francophones peuvent faire des demandes en français, ils ont besoin de l'aide d'autres francophones pour trouver la meilleure façon de remplir ces demandes en français. Cela ne semble pas logique à première vue, mais ils sont entourés de personnes présentant des demandes en anglais qui peuvent les aider en anglais.
Il semble que nous ayons de la difficulté à accepter que la lingua franca des publications dans le monde, du moins dans le domaine scientifique, soit l'anglais. Il me semble que le Canada, en tant que pays, ou le gouvernement fédéral, ne peut pas faire grand-chose pour changer cet état des choses.
Plus précisément, que pourrait faire le gouvernement fédéral pour encourager la recherche en français au Canada, surtout dans le domaine des sciences naturelles, le milieu d'où je viens? Comment pouvons-nous favoriser cela tout en reconnaissant l'éléphant dans la pièce, c'est‑à‑dire que tout le monde, en science, publie en anglais dans le monde?
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Je vous remercie de votre question.
Cela revient peut-être à un soutien financier, voire une surveillance par les conseils subventionnaires fédéraux de la production, de la vulgarisation et de la diffusion des savoirs en français dans les milieux communautaires et universitaires de langue française en situation minoritaire. Je pense qu'on peut commencer par cela.
On ne peut pas imposer à un chercheur de soumettre ses demandes de subvention en français ou en anglais. Cependant, je peux vous faire part de notre constat, que la professeure Lewis a fait également: il existe chez les chercheurs francophones cette notion que notre taux de succès dans l'obtention de subventions et d'une réputation internationale dépend de notre volonté de produire un savoir en anglais.
Est-ce que cela nécessite une plus grande valorisation du savoir en français par les conseils subventionnaires, les acteurs fédéraux et les universités elles-mêmes? Je pense que cela doit passer par là. Pourquoi beaucoup de chercheurs francophones font-ils le choix de passer du français à l'anglais? Il y a sûrement une raison à cela et le taux de succès dans l'obtention de subventions est un facteur. Nous avons des chiffres qui montrent que les chercheurs francophones qui déposent des demandes de subvention en français, notamment aux Instituts de recherche en santé du Canada, ont proportionnellement moins de succès.
Récemment, on m'a demandé d'assister, en tant qu'évaluatrice, à l'étude d'environ 80 demandes de subvention provenant de partout au Canada, notamment de l'Université de Sherbrooke, de l'Université du Québec à Montréal, de l'Université de Montréal, de l'Université d'Ottawa et de l'Université de Calgary. Absolument toutes ces demandes étaient rédigées en anglais, alors que certaines provenaient d'équipes entièrement francophones.
Que se passe-t-il chez les chercheurs francophones? Ont-ils abandonné parce qu'ils savent que le taux de succès est trop faible? Je n'ai pas la réponse à cela, mais je pense que le gouvernement fédéral doit valoriser les savoirs en français. Il le fait déjà, mais il peut le faire davantage. Il doit également offrir davantage de soutien aux trois conseils subventionnaires. Par ailleurs, iI faut rappeler que les subventions n'ont pas été révisées depuis plusieurs années. Il faudrait peut-être y réfléchir, notamment pour les chercheurs francophones en particulier.
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Merci, madame la présidente.
Madame Lagacé, c'est avec plaisir que nous vous recevons ce soir. Je me permets de vous féliciter et de vous remercier. J'ai écouté un balado du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités, qui porte sur le sujet de ce soir, à savoir la recherche et la publication scientifique en français. C'était très intéressant et j'invite mes collègues à l'écouter.
Vous avez dit que l'Université d'Ottawa était l'université bilingue la plus importante, non seulement au Canada, mais au monde. Auriez-vous des données concernant le pourcentage de production scientifique en français à votre université, comparativement à ce qui s'y fait en anglais?
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Je veux comprendre votre point de vue, professeure Lagacé. Je comprends que vous songez un jour à signer la Déclaration. Cependant, je rappelle qu'elle date de 2013, voilà bientôt 10 ans. Je comprends que vous allez réfléchir un jour à votre position, mais, à mon avis, le portrait est assez clair actuellement. Seulement 6 universités sur 97 au Canada ont signé la Déclaration.
Je comprends mal, encore une fois, pourquoi, près de 10 ans plus tard, la plus grande université bilingue au Canada, voire au monde, n'est pas capable de se positionner favorablement sur cette déclaration, qui traite d'un problème que vous reconnaissez également.
Si le gouvernement fédéral ou les acteurs scientifiques francophones n'exercent pas leur leadership et ne s'engagent pas nécessairement dans des actions, comment croyez-vous que les choses peuvent réellement changer?
Je tente de comprendre comment nous, les acteurs auprès du gouvernement fédéral, pouvons aider les établissements quand eux-mêmes ne font pas nécessairement la part des choses.
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Je pense que je l'ai mentionné tantôt lorsque j'ai formulé des recommandations. Ma collègue a mentionné que la traduction n'était qu'un élément, à recommander, bien sûr, puisque nous voulons favoriser la création au point de départ du savoir en français.
Nous recommanderions donc d'appuyer les chercheurs en leur offrant des services de traduction, ce qui leur permettrait de rédiger leur recherche en français pour ensuite la faire traduire en anglais et ainsi diffuser dans un plus grand rayon leurs articles scientifiques et leurs ouvrages scientifiques comme tels.
Je pense aussi qu'il y a peut-être un rôle à jouer du côté des conseils subventionnaires pour que les chercheurs se sentent invités à soumettre leurs demandes en français. On voit de moins en moins de chercheurs francophones qui soumettent leurs demandes en français aux trois conseils subventionnaires. Ces derniers pourraient donc encourager plus ouvertement et de façon plus manifeste les chercheurs francophones à soumettre leurs demandes en français. Cela pourrait aider.
Nous recommanderions aussi que les conseils subventionnaires se dotent d'un comité qui assurerait l'équité du taux de succès des demandes soumises en français. Dans tous les cas, il faudrait que ce comité s'assure que le taux de succès des chercheurs francophones qui soumettent leur demande en français n'accuse pas de recul. Je pense ici au mot « surveillance », qui n'est peut-être pas le bon, mais ce serait peut-être un élément à surveiller.
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Chers collègues, reprenons. Accueillons le deuxième groupe de témoins.
[Français]
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des nouveaux témoins.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer ce dernier. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui utilisent l'application Zoom peuvent choisir au bas de leur écran entre les canaux du parquet, de l'anglais ou du français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et choisir le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
Soyez les bienvenus.
[Français]
Nous accueillons le président de la Fédération acadienne de la Nouvelle‑Écosse, M. Kenneth Deveau.
Nous accueillons également M. Allister Surette, recteur et vice-chancelier de l'Université Sainte-Anne.
[Traduction]
Soyez tous les deux les bienvenus. Nous sommes ravis de vous accueillir. Chacun de vous disposera de cinq minutes pour sa déclaration. Après quatre minutes et demie, je montrerai un carton pour vous annoncer qu'il vous reste 30 secondes.
Je vous remercie de votre participation.
Entendons d'abord M. Deveau. Vous avez la parole.
Je suis vraiment content d'être parmi vous et très reconnaissant du fait que vous m'ayez donné l'occasion de vous adresser la parole ce soir en tant que membre de la communauté et président de la Fédération acadienne de la Nouvelle‑Écosse.
J'ai également une certaine expérience dans le milieu de l'enseignement. J'ai en effet été vice-recteur à l'enseignement et à la recherche à l'Université Sainte‑Anne. J'ai aussi été un chercheur très actif sur la francophonie canadienne et mes travaux ont été subventionnés par le Conseil de recherches en sciences humaines.
La Fédération acadienne de la Nouvelle‑Écosse ne date pas d'hier: elle a été fondée en 1968. Elle regroupe 29 organismes membres qui se consacrent à l'épanouissement et au développement global de la communauté acadienne et francophone de la Nouvelle‑Écosse. La Fédération accomplit sa mission en agissant comme porte-parole principal de la population acadienne de la Nouvelle‑Écosse. C'est à ce titre que je vous adresse la parole ce soir.
J'aimerais souligner que l'Université Sainte‑Anne est l'un des membres de la Fédération. Je vous ai soumis un mémoire. Je ne sais pas si vous l'avez reçu. Vous le recevrez éventuellement si vous ne l'avez pas déjà entre les mains. Je ne pourrai pas vous présenter tout ce qu'il contient ce soir, mais j'espère que vous aurez l'occasion de le lire. Je vais aborder quelques éléments clés et pourrai peut-être en aborder d'autres lors de la période consacrée aux questions.
L'Université Sainte‑Anne, en plus d'être membre de la FANE, est un partenaire de choix pour la majorité de nos organismes membres. Elle constitue ainsi un axe primordial du rayonnement de la Nouvelle‑Écosse ou de l'Acadie de la Nouvelle‑Écosse. La recherche sur la francophonie canadienne, plus particulièrement sur l'Acadie de la Nouvelle‑Écosse, qui est réalisée au sein de cet établissement par ses chercheurs et les collaborateurs de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, est essentielle à la vitalité de nos communautés, et ce, pour de nombreuses raisons que je ne peux pas me permettre d'énumérer ici.
Je voudrais attirer votre attention sur un point essentiel de ma présentation. L'Université Sainte‑Anne et ses recherches sont aussi un outil indispensable au développement d'une économie durable et innovante au sein de l'Acadie de la Nouvelle‑Écosse. Cette recherche alimente les stratégies de développement économique communautaire. De plus, les collaborations avec nos entreprises et nos entrepreneurs constituent un maillon essentiel à l'établissement d'une économie dynamique, innovatrice et durable au sein de nos communautés.
Je voudrais également souligner que nos recherches s'effectuent aussi dans les domaines de l'environnement et de la santé. Elles sont parfois , mais pas toujours, liées directement à la francophonie ou aux questions entourant celle-ci. C'est pour nous un besoin.
J'ai plusieurs recommandations à vous faire ce soir. Je vais devoir les aborder brièvement. J'attire votre attention sur le récent rapport des États généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire, qui décrit en détail les défis des établissements francophones en situation minoritaire. Je tiens à vous dire que la Fédération appuie chacune de ces recommandations, notamment les six qui portent spécifiquement sur la recherche et la publication en français.
La position qu'occupe l'Université Sainte‑Anne au sein de l'Acadie de la Nouvelle‑Écosse est rendue possible en grande partie par son autonomie et le fait qu'elle est, en vertu de sa loi habilitante, un établissement, non pas bilingue, mais de langue française.
Cette autonomie entraîne toutefois des défis de taille. C'est en quelque sorte un pacte avec le diable que nous avons conclu. En effet, l'Université Sainte‑Anne est appelée à faire tout ce que fait une grande université, mais avec beaucoup moins de moyens. En plus, elle a la responsabilité d'offrir des programmes collégiaux et doit, de par sa vocation, le faire en français, mais aussi en anglais.
Nous demandons donc que le gouvernement fédéral profite du prochain plan d'action pour les langues officielles pour prendre des mesures positives afin d'appuyer la recherche et la publication scientifique en français dans les établissements postsecondaires francophones canadiens.
Nous demandons aussi que ces dispositions comprennent des mesures particulières pour tenir compte des défis particuliers associés à la petitesse, à l'éloignement...
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Merci de m'accueillir ici ce soir et de mener une étude aussi importante pour le secteur postsecondaire francophone au Canada.
Je représente l'Université Sainte‑Anne à titre de recteur et vice-chancelier depuis 12 ans. Comme l'a mentionné M. Deveau, l'Université Sainte‑Anne est le seul établissement postsecondaire de langue française parmi les 10 universités que compte la Nouvelle‑Écosse. Nous offrons des programmes d'études universitaires et collégiales communautaires, ainsi que des programmes d'immersion et de formation sur mesure en français langue seconde. Nous sommes résolument ancrés dans notre milieu et nous sommes un partenaire de choix pour accroître la vitalité de nos petites communautés acadiennes et francophones en Nouvelle‑Écosse.
Depuis mes 12 dernières années à Sainte‑Anne, l'ancrage dans le milieu constitue un axe de notre plan stratégique. En d'autres mots, il s'agit de savoir comment mieux appuyer nos communautés. Nous sommes un petit établissement qui compte à peu près 600 étudiants à temps plein et à temps partiel. Nous offrons notre enseignement et nos services par l'intermédiaire de cinq campus d'un bout à l'autre de la province, dont un à Halifax. Des quatre autres campus, deux sont dans le Sud‑Ouest, à Pointe‑de‑l'Église et à Tusket. Les deux autres campus sont sur l'île du Cap‑Breton, à Saint‑Joseph‑du‑Moine et à Petit‑de‑Grat. Les régions acadiennes et francophones de la Nouvelle‑Écosse sont des régions côtières, rurales et éloignées, à au moins trois heures de route de l'aéroport d'Halifax. Ce sont aussi des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Nous nous sommes distingués au cours des années par notre volonté de nous impliquer activement dans nos communautés et de favoriser leur développement, tant sur le plan de la langue et de la culture que dans d'autres domaines, pour appuyer nos industries. Nous disposons de centres, de laboratoires et d'observatoires qui servent à relier les chercheuses et les chercheurs entre eux et à établir des ponts avec les autres établissements, dont des établissements anglophones, les entreprises et l'ensemble des acteurs sociaux.
J'aimerais maintenant parler un peu de la recherche. Je suis certain qu'il y aura des questions par la suite. Nous appuyons les propos tenus par l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et par l'Acfas devant ce comité.
Voici quelques réalités de l'Université Sainte‑Anne. Tout d'abord, en raison de notre petite taille, nous avons beaucoup moins de programmes de deuxième et de troisième cycles que les plus grands établissements. Il y a donc moins d'étudiants et d'étudiantes disponibles pour appuyer les professeurs dans leurs projets de recherche. Or, l'encadrement d'étudiants et d'étudiantes est un des critères utilisés par les conseils subventionnaires pour évaluer les demandes de subvention. Par ailleurs, les programmes de subvention plus prestigieux sont moins adaptés aux établissements de petite taille comme le nôtre.
Je voudrais dire un mot sur le Programme des chaires de recherche du Canada, puisque nous avons deux de ces chaires. Comme vous le savez probablement, si le financement total moyen des organismes subventionnaires tombe en dessous de 100 000 $, les établissements comme le nôtre ne sont plus admissibles et ne peuvent plus accueillir de chaire de recherche. De plus, toutes les chaires actives doivent être désactivées. Nous nous sommes retrouvés dans cette situation en 2019, ce qui est très regrettable pour nos communautés et notre établissement.
Les gens pensent souvent que nous, les établissements d'enseignement francophones, ne faisons de la recherche que dans le domaine de la langue française ou sur la culture acadienne ou francophone. Toutefois, dans notre cas, puisque nous nous trouvons dans une région côtière et que nous sommes le seul établissement postsecondaire dans le Sud‑Ouest, nous appuyons aussi nos communautés et les industries sur le plan du développement économique, par exemple. Nous jouons donc un rôle clé depuis quelques années dans...
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Je suppose que j'ai un peu de difficulté à distinguer mes divers rôles. Nous comptons un bon nombre d'adjoints à la recherche dans le premier cycle et nous nous enorgueillissons beaucoup de les faire participer à nos travaux. Les conseils de recherche le reconnaissent volontiers. Nous estimons d'abord que ce devrait être mieux reconnu, mais par les pairs eux-mêmes
Ensuite, il serait très important que nous puissions bénéficier d'un certain financement. Pour compenser notre manque de boursiers diplômés, nous essayons de collaborer avec d'autres universités, mais, souvent, c'est à nos frais. Si ça pouvait se faire de manière structurelle et à la faveur du financement que nous recevons au titre des langues officielles — pas nécessairement et uniquement par les conseils de recherche — pour faciliter la collaboration entre les établissements francophones, nous pourrions produire plus avec moins.
Pour répondre à votre question sur ses réussites, notre fédération tire sa force de ses membres. Grâce au regroupement de nos organisations régionales, toutes les régions de la province possèdent chacune une organisation. Nous avons également des organisations provinciales sectorielles. Mais, l'une de nos véritables forces se situe à l'échelle des institutions. Nous rassemblons tous nos membres avec nos institutions également. Notre université et notre conseil scolaire font partie de notre fédération, ce qui favorise la collaboration, un facteur réel de notre réussite.
Un autre de nos atouts… S'il le faut, nous irons même jusqu'à intenter des actions en justice contre nos gouvernements et nous l'avons fait, comme la plupart des organismes francophones. C'est toujours en dernier recours, mais c'est parfois indispensable.
Malgré ça, nous sommes toujours bien disposés envers les autorités fédérales, celles de la province et les municipalités. Essentiellement, nous partageons des objectifs communs — simplement améliorer notre milieu de vie à l'échelle de la communauté, de la province et de notre pays — et nous essayons de les atteindre. En Nouvelle-Écosse, nous l'avons réussi.
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Merci, madame la présidente.
Je me permets de souhaiter la bienvenue à MM. Surette et Deveau. En tant que fière Néo‑Écossaise, je suis très contente qu'ils participent à la réunion de ce soir.
Monsieur Surette, vous avez parlé de l'Université Sainte‑Anne, la seule francophone des 10 universités que compte la province. Je sais très bien que vous avez joué un rôle clé dans la création et le développement de l'Université Sainte‑Anne.
[Traduction]
Vous avez dit que vous vouliez répondre de manière à être le mieux compris de chacun des membres de notre comité, vu l'importance de la question à l'ordre du jour et la présence de membres de la communauté acadienne et de Néo‑Écossais parmi nous.
Pouvez-vous en dire un peu plus sur vos liens, à l'internationale, et ceux, également, de l'Université Sainte-Anne, à l'extérieur du Canada? Comment est‑ce que ça se déroule, le cas échéant, chez les chercheurs et dans le travail que l'université elle-même accomplit, mais également dans le contexte de la recherche qui est à l'ordre du jour de cette réunion?
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Dans le contexte du… Je ne sais trop comment le dire. À cause du chassé-croisé entre les langues, je suppose.
[Français]
Je commencerai en français.
Il est certain que nos chercheurs, nos chercheuses et nos professeurs ont des relations avec les autres universités francophones et anglophones. Ils ont certainement des relations avec les universités francophones du Canada, surtout avec celles en situation minoritaire. Beaucoup des défis auxquels nous faisons face sont les mêmes et nous pouvons partager cela. Nous faisons aussi affaire avec les universités anglophones en Nouvelle‑Écosse et dans toute la région de l'Atlantique. Nous avons un réseau appelé Springboard qui relie les établissements d'enseignement et leur permet de partager l'information. En effet, aucune université, qu'elle soit anglophone ou francophone, n'a l'expertise dans tous les domaines.
À l'échelle internationale, c'est un peu la même situation. Nous avons signé des ententes avec des universités en France. Nous sommes en train de voir comment maximiser les résultats de nos efforts dans différents dossiers. Nous faisons assez souvent appel au volet international pour essayer de partager des expertises avec d'autres collègues de la francophonie, qui peuvent nous aider à appuyer certaines de nos recherches.
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Merci beaucoup, madame Diab.
Beaucoup des propos que j'ai tenus et que je tiendrai probablement sont liés à la perspective de la Fédération acadienne de la Nouvelle‑Écosse.
Toutefois, vous me demandez mon avis d'ancien chercheur. J'ai un certain nombre de publications à mon actif. Mon travail a été subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines. J'ai écouté un peu la séance précédente et on y mentionnait que les sciences humaines accusent un retard. Personnellement, je suis dans un domaine où la plupart des spécialistes, au Canada, sont issus de la francophonie canadienne. Mes recherches portaient justement sur la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire, plus particulièrement sur le rôle de l'école de langue française dans cette vitalité.
J'ai signé ou cosigné une trentaine ou une quarantaine de publications au fil des années. Il est intéressant de souligner que celles qui sont les plus citées sont loin d'être les meilleures, mais ce sont les deux ou trois qui sont en anglais. Certains conseils subventionnaires, notamment les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, considèrent que le facteur d'impact est très important. Or, si mes travaux avaient été évalués par ces conseils en fonction de ce facteur, je ne suis pas certain que j'aurais obtenu les subventions que j'ai reçues du Conseil de recherches en sciences humaines.
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Je vous remercie de votre question, mais je crois que M. Surette est d'une certaine manière plus en mesure d'y répondre que moi.
Nous sommes reconnaissants des appuis que nous recevons, mais il nous en faut davantage et qui soient plus structurants. En effet, il y a beaucoup de coûts associés au fait de travailler en français. Par ailleurs, puisque nous vivons dans un milieu anglophone, nos collaborations avec le milieu sont souvent en anglais.
J'ai déjà fait allusion à l'appui en lien avec la collaboration. Par exemple, les universités à Halifax trouvent souvent les collaborateurs dont elles ont besoin de l'autre côté de la rue. De notre côté, nous sommes obligés de les trouver en Ontario ou, souvent, au Québec, ce qui entraîne des coûts.
Nous avons l'appui du gouvernement du Québec pour ce genre de partenariats avec le Québec. Nous aimerions davantage d'appui de la part du gouvernement fédéral pour nos activités de collaboration. Nous aimerions notamment qu'il reconnaisse le fardeau additionnel qu'elles nous imposent dans notre contexte, en lien avec la mobilité des étudiants de deuxième et de troisième cycles, celle des chercheurs, et l'obligation fréquente de le faire dans les deux langues officielles.
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Nous reconnaissons l'appui que nous avons eu jusqu'à maintenant et nous nous débrouillons relativement bien.
Nous avons plusieurs défis en Nouvelle-Écosse, où l'Université Sainte‑Anne est le seul établissement postsecondaire francophone. Nous travaillons dans un milieu majoritairement anglophone, ce qui constitue un défi à l'intérieur de notre propre province. De plus, nous desservons des communautés côtières et éloignées, étant la seule institution postsecondaire de ces régions.
Nous faisons tout en notre pouvoir pour mener des activités de recherche en français et pour offrir des services en français, tout en préservant la culture acadienne et la francophonie.
Comme je l'ai mentionné dans mon allocution d'ouverture, il faut appuyer nos industries, que ce soit l'aquaculture ou la pêche. Plusieurs des personnes qui travaillent dans le domaine de la pêche ou de l'aquaculture sont francophones. Nous sommes un peu divisés, puisqu'il faut faire un certain nombre d'activités de recherche en anglais, mais il faut quand même répondre aux besoins de nos communautés acadiennes et francophones.
Les petits établissements comme le nôtre sont confrontés à plusieurs défis. Cela fait juste un an que l'Université Sainte‑Anne possède son propre bureau de recherche. Nous l'avons mis sur pied pour essayer d'appuyer nos professeurs, pour présenter des demandes, pour les préparer, mais c'est quand même un défi, puisque nos ressources sont limitées.
L'une des choses que le gouvernement fédéral pourrait faire, c'est de créer un service d'aide à la recherche pour appuyer davantage nos chercheurs et chercheuses en langue française. D'ailleurs, je crois que cela fait partie des recommandations des états généraux des universités de la francophonie canadienne. Le gouvernement fédéral pourrait certainement en faire davantage pour valoriser la recherche en français et pour appuyer la soumission de demandes en français, de façon équitable avec l'anglais.
Comme je l'ai dit, nous reconnaissons l'appui que le gouvernement fédéral nous a donné jusqu'à maintenant, mais il y a encore des choses à améliorer pour appuyer davantage nos chercheurs et chercheuses.
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C'est ce que je vois jusqu'à présent. Évidemment, je comprends très bien les préoccupations francophones et anglophones, et les défis des minorités linguistiques.
Cependant, « équitable » ne veut pas dire « égal ». Il faut donc faire des efforts particuliers pour aider nos chercheurs et nos chercheuses. Il faut établir des structures pour les soutenir.
Je ne pense pas qu'il faille imposer des quotas ou des montants de financement précis. Cependant, il faut tout de même soutenir la recherche en français, que ce soit pour assurer la mobilisation et la vulgarisation des recherches en français ou pour soutenir nos chercheurs dans la présentation de demandes en français.
Comme les recherches publiées en anglais sont beaucoup plus consultées et visibles que celles publiées en français, il faut peut-être aussi instaurer un système de soutien à la traduction ou une façon de promouvoir davantage les recherches faites en langue française.
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C'est une excellente question. C'est un peu comme l'œuf et la poule. Manifestement, nous sommes l'une des 10 universités de la Nouvelle-Écosse. Le bon côté, je suppose, est qu'il est pour nous très facile de nous différencier des autres: nous sommes la seule à fonctionner complètement en français.
Notre établissement n'est pas bilingue. Mais notre fonctionnement exclusif en français limite notre recrutement étudiant, par exemple, en raison du nombre d'étudiants néo‑écossais francophones. Nous avons bien sûr un conseil scolaire francophone, qui est un vivier pour nous. Les programmes d'immersion française dans les conseils scolaires anglophones sont aujourd'hui fantastiques, ce qui en fait d'autres viviers tout comme ceux des autres provinces de l'Atlantique et du reste du Canada. Nous sommes désormais ouverts à l'internationale, et plus d'une quinzaine de pays sont ici représentés dans la population estudiantine.
Nous tenons assez bien notre rang, et, en fait, cette population augmente, mais nous demeurons une petite université dans la province et par rapport à celles d'autres régions du Canada. Les économies d'échelle présentent toujours une difficulté pour nous.
Nos programmes vont assez bien. Nous essayons de privilégier ceux dans lesquels le français est une valeur ajoutée pour nos étudiants — la pédagogie, par exemple. Nos étudiants pourront enseigner dans un programme d'immersion ou dans le conseil scolaire francophone. Tous sont parfaitement bilingues. Ils pourront donc même enseigner dans un conseil scolaire anglophone, par exemple.
J'ai aussi l'intime conviction qu'une autre de nos responsabilités est d'appuyer les régions acadiennes de Nouvelle-Écosse. Vous savez peut-être que les quatre principales régions acadiennes sont côtières. Leur économie s'appuie en grande partie sur la pêche ou, de ces temps‑ci, l'aquaculture, et on ne trouve aucun établissement de recherche dans le sud‑ouest de la province, où les débarquements de homards, par exemple, sont peut-être les plus importants de tout le pays. Au fil des années, nous avons bénéficié de l'appui de la province et de l'État fédéral pour créer un centre de recherche sur la qualité du homard dans cette partie de la province. Nous pourrions être perçus comme un appui pour le français et la culture acadienne, mais nous appuyions également l'économie de ces régions. S'agissant de la vitalité de certaines de ces petites régions, comme je l'ai dit plus tôt, rappelons-nous que nous sommes à au moins trois heures du principal aéroport, Halifax, sans moyens de transport public vers ces régions, de sorte que nous nous trouvons dans des régions rurales et éloignées qui ont besoin de tout l'appui qu'elles peuvent trouver. Un établissement comme le nôtre peut vraiment jouer ce rôle.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Monsieur Deveau, on remarque que le gouvernement fédéral déploie des efforts pour reconnaître le français comme langue officielle. D'ailleurs, cela a aussi été mentionné par divers témoins lors de l'étude du projet de loi . Étrangement, ce n'est toujours pas le cas en 2022.
Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à la recherche scientifique en français en Nouvelle‑Écosse? Le gouvernement en fait-il assez? Je tente de voir comment nous pouvons vous aider.
En Nouvelle‑Écosse, depuis les 20 dernières années, il y a une diminution du nombre de locuteurs dont le français est la langue première. Il est donc difficile de se faire servir en français ou d'avoir le français comme langue d'usage en Nouvelle‑Écosse. Je tente donc de comprendre comment assurer une réelle pérennité du français en matière scientifique.
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Le projet de loi est une bonne première étape. On a travaillé de concert avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et nos élus pour en arriver à ce projet de loi.
Le projet de loi n'est probablement pas parfait, mais il est bon, à mon avis. Nous aimerions qu'il soit adopté dans les plus brefs délais. Je reconnais qu'il y a des dispositions dans ce projet de loi qui nous éviteront de devoir attendre aussi longtemps que par le passé, puisque le projet de loi prévoit un examen décennal de la nouvelle Loi sur les langues officielles.
De plus, en ce qui concerne les données statistiques, il commence à y avoir un problème avec la manière dont les Acadiens ou les francophones en Nouvelle‑Écosse sont dénombrés, auquel il faut réfléchir.
Cela me permet de faire un lien avec une question que vous avez posée plus tôt.
Par le passé, des enveloppes spéciales ont été accordées au Conseil de recherches en sciences humaines pour la recherche sur la francophonie canadienne. Je crois qu'il serait temps d'y songer à nouveau si on veut vraiment appuyer ces communautés. Il faut nous donner les moyens de nous étudier et de nous comprendre. Il faut aussi donner aux organismes communautaires, comme la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse et les organismes qui en sont membres, la chance d'engager des chercheurs dans nos établissements.
Cela pourrait être fait au moyen du futur plan d'action pour les langues officielles ou par le truchement d'un fonds en innovation. Cela pourrait aider les gens à mieux comprendre notre situation et trouver des solutions innovantes, comme l'immigration. Cette dernière pourrait servir de bouée de sauvetage pour l'avenir de notre communauté, mais il ne faut pas seulement accueillir des nouvelles personnes, il faut aussi mieux les intégrer à notre société.
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Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Surette. Si vous avez d'autres informations à nous donner, cela nous fera plaisir de les recevoir par écrit. Je vous remercie.
Madame la présidente et chers collègues, je souhaite vous faire part de mes réflexions et d'un constat assez frappant concernant cette étude, qui me tient énormément à cœur. Il était prévu à l'origine que nous recevions un total de 34 témoins lors de cette étude. Or, j'ai remarqué que, jusqu'à maintenant, près de 50 % de ces témoins n'ont pas pu venir témoigner. J'en compte 14, mis à part le ministre qui devait venir témoigner et M. Quirion, qui devait comparaître lors de la troisième heure de cette réunion, mais qui sera remplacé par une autre personne de son organisation.
Évidemment, cela me laisse perplexe. Je ne vois pas comment je pourrais terminer cette étude sans avoir la possibilité d'entendre près de 50 % des témoins. Je comprends que, quand on fait une liste de témoins, on ne s'attend pas à recevoir 100 % d'entre eux, mais, jusqu'à présent, c'est presque un témoin sur deux qui n'a pas encore eu l'occasion de venir témoigner.
J'ai fait une comparaison avec les autres études que nous avons menées, en compilant le nombre de témoins et le nombre d'heures pour chaque étude. Pour notre étude actuelle sur la recherche et la publication scientifique en français, seulement 16 témoins sont venus jusqu'à maintenant. Dans le cadre de notre étude sur les petits réacteurs modulaires, nous avons reçu 27 témoins, et 32 dans le cas de celle sur l'attraction et la rétention des talents. Pour notre première étude, qui était plus large, nous avions reçu 37 témoins.
Ma motion demande donc au Comité de tenir une séance supplémentaire dans le cadre de la présente étude afin de permettre aux témoins de se joindre à nous et de nous faire part de leur expertise et de leurs différents points de vue sur cette question. Je propose donc:
Que, dans le cadre de son étude de la recherche et la publication scientifique en français, le Comité alloue une séance supplémentaire, le lundi 28 novembre 2022, afin de permettre aux témoins qui n’ont pu venir témoigner jusqu’à maintenant d’être entendus par le Comité.
Je transmets ma motion au greffier, qui pourra ensuite vous l'envoyer. Elle a déjà été traduite.
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Madame la présidente, j'aimerais répondre au dernier commentaire de mon collègue.
Un des témoins qui devait être présent ce soir n'est pas avec nous. Soit il avait un conflit d'horaire, soit il lui était tout simplement impossible de se joindre à nous.
Vous vous rappelez qu'une réunion du Comité a été annulée il y a plus de deux semaines, pratiquement à la dernière minute, limitant ainsi la possibilité que certains témoins comparaissent. Plusieurs des témoins qui avaient été invités à cette réunion avant son annulation et avec qui j'ai pu communiquer m'ont justement mentionné qu'il ne leur était pas possible de se présenter à une autre réunion du Comité malgré une nouvelle invitation. Cela explique la situation actuelle.
Vous comprendrez que je reste sur ma faim. Près de 50 % des témoins inscrits sur la liste ne sont pas encore venus témoigner, soit en raison d'un conflit d'horaire ou d'une indisponibilité. C'est près de la moitié des témoins comparativement aux dernières études.
J'aimerais simplement dire que je ne suis pas vraiment convaincu par l'argument de M. Blanchette-Joncas. Je ne crois pas qu'il soit juste de comparer le nombre de témoins que nous avons reçus dans le cadre de la présente étude au nombre de témoins reçus dans le cadre d'une autre étude, car chaque étude est unique. Nous allouons un nombre différent de séances à chaque étude. Sauf erreur, nous avons tenu le nombre de séances prévues dans la motion originale concernant l'étude en cours. Je me souviens que durant notre première étude, je voulais convoquer beaucoup d'autres témoins, mais ma proposition a été rejetée.
Selon moi, si nous procédons de la sorte pour chacune de nos études, nous aurons besoin de plus en plus de temps. Je le répète: chaque étude est unique; chacune requiert un nombre différent de témoins pour dresser le portrait global de la situation; et chacune exige que nous entendions un nombre différent de voix. À mon avis, nous avons reçu tout ce qu'il nous faut pour mener à bien notre étude.
Il s'agit d'une étude essentielle, et je suis d'accord avec M. Cannings: nous avons atteint notre objectif en ce qui concerne le nombre de séances. Il serait certainement utile d'examiner les raisons pour lesquelles certains témoins ne peuvent pas participer aux études. Cependant, je pense aux nombres de séances que nous avons tenues et je constate aussi que les témoins commencent à se répéter. Il y a des thèmes récurrents. D'après moi, le rapport définitif du Comité rendra compte de ce fait. Nous avons déjà consacré quatre séances à ce sujet; je ne sais pas ce que nous découvrirons de plus en tenant une autre séance.
Nous sommes rendus au point où nos collègues d'en face cèdent leurs temps de parole au député du Bloc. C'est tout à fait acceptable — et le Règlement le permet —, mais je pense que cela en dit long sur le point où nous en sommes. Par conséquent, je n'appuie pas la proposition de consacrer plus de temps à cette étude. Comme M. Cannings, je pense que nous avons reçu tout ce qu'il nous faut pour mener à bien notre étude. D'après moi, le temps est venu de passer à notre prochaine étude. J'attends avec impatience le rapport des analystes et je serai ravi d'en examiner les recommandations.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je veux simplement revenir sur le commentaire qui a été fait tout à l'heure au sujet du nombre de témoins. Je comprends que la comparaison du nombre de témoins n'est peut-être pas l'argument principal. Cependant, ces 14 témoins sont quand même sur la liste établie par l'ensemble des membres du Comité. Cette liste n'a sûrement pas été établie parce qu'il faisait beau dehors, mais parce ces gens sont des experts qui devaient venir nous faire part de leurs préoccupations sur le sujet de l'étude. Selon moi, le fait que près de la moitié des témoins prévus, soit 14 personnes sur 34, n'ont pas encore pu venir pour différentes raisons évoquées par le greffier en dit long.
Je crois qu'il faut laisser l'occasion à ces gens d'indiquer très clairement s'ils veulent venir témoigner ou non. Ils pourront tout simplement nous le confirmer. Je me suis même montré ouvert en disant que, si les témoins nous confirment qu'ils ne viendront pas témoigner, nous pourrons simplement continuer avec la planification actuelle. Cependant, nous ne pouvons pas laisser de côté près de 50 % des témoins, précisément 14 témoins, qui sont déjà inscrits sur la liste. Il m'apparaît très important de considérer ces témoins dans le cadre de cette importante étude.
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Oui, madame la présidente.
Notre comité est relativement impartial. Essayons de trouver un terrain d'entente. Si nous acceptons de tenir une séance supplémentaire dans deux semaines, le greffier aura le temps d'envoyer des invitations et de trouver suffisamment de témoins pour toute la durée de la réunion. Si, pour une raison ou une autre, il n'y arrive pas, nous pourrons consacrer le reste de la réunion à l'étude sur les projets ambitieux. Ainsi, nous ne perdrons pas de temps.
Si nous n'avions pas eu à annuler la réunion il y a quelques semaines, nous aurions peut-être pu recevoir plus de témoins. Je pense qu'il serait respectueux de notre part d'accorder... Il n'est pas question d'ajouter plusieurs semaines à l'étude, mais seulement une séance.
J'encourage mes collègues à appuyer la motion.
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En réponse à l'intervention de M. Tochor, j'aimerais demander au greffier quelle incidence l'ajout d'une séance aurait sur la planification. Je sais que des témoins ont déjà été convoqués à la réunion de la semaine prochaine. Qu'en est‑il de la réunion qui aura lieu dans deux semaines? Faudrait‑il modifier la date de comparution des témoins?
Quant à moi, si des témoins tiennent absolument à présenter des idées, nous pouvons les inviter à déposer des mémoires s'ils ne l'ont pas déjà fait. Nous nous apprêtons à entreprendre notre prochaine étude aujourd'hui même. À mon avis, nous devrions nous concentrer le plus possible là‑dessus. D'après mon expérience au sein des comités, il est rare que nous entendions tous les témoins voulus. C'est dommage, mais au moins, nous recevons des mémoires. Nous avons reçu beaucoup d'information utile dans le cadre de notre étude, et je trouve important que nous gérions notre temps le mieux possible.
À mon avis, la meilleure façon de procéder, c'est de demander des mémoires aux témoins qui n'ont pas pu comparaître et de passer à la prochaine étude.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
Nous sommes fébriles d'entreprendre une nouvelle étude, conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 26 septembre 2022. Nous entamons une étude sur les programmes internationaux ambitieux.
[Français]
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer celui-ci et le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui participent par l'intermédiaire de l'application Zoom peuvent, au bas de leur écran, choisir entre le canal du parquet et celui de l'anglais ou du français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
Maintenant, j'aimerais accueillir nos témoins. Nous sommes ravis de vous compter parmi nous et d'entreprendre une nouvelle étude.
Ce soir, nous recevons M. Yoshua Bengio, directeur scientifique du Mila, l'Institut québécois d'intelligence artificielle. Nous recevons aussi Mme Rosemary Yeremian, vice-présidente, Stratégie d'entreprise et développement commercial, de X‑energy Canada.
Bienvenue aux témoins. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Au bout de quatre minutes et demie, je montrerai ce carton jaune. Vous saurez alors qu'il vous reste 30 secondes.
Sur ce, nous allons commencer par M. Bengio, qui représente le Mila. La parole est à vous.
Les réussites scientifiques qui ont transformé notre société sont le fruit du financement alloué à la recherche motivée par la curiosité. C'est aussi ce type de recherche qui forme les talents dont nous avons besoin. La R‑D axée sur un but précis est l'étape suivante.
Je vous donne un exemple tiré de ma propre carrière: j'ai travaillé sur l'apprentissage en profondeur, un des fondements de la révolution actuelle de l'intelligence artificielle. C'est grâce aux investissements généraux dans la recherche motivée par la curiosité sur les réseaux neuronaux que des progrès ont pu être réalisés dans ce domaine, et ce, bien avant qu'il devienne possible de les mettre en application. Les investissements majeurs de l'industrie dans la recherche et le développement sont venus par la suite.
Dans bien des cas, le financement public a joué un rôle essentiel dans notre société en donnant le coup d'envoi à des secteurs importants de l'économie axés sur l'innovation. Le financement octroyé par la DARPA qui a mené à la création de l'écosystème de la Silicon Valley en est un exemple historique bien connu.
Toutefois, l'objectif de rentabilité de l'industrie ne permet pas toujours ce transfert puisque cet objectif ne cadre pas nécessairement avec les besoins de la société. En comptant sur l'industrie pour innover à partir de la recherche fondamentale, on n'obtient pas toujours les résultats voulus, surtout dans les domaines qui relèvent normalement du gouvernement, comme la santé, l'environnement, l'éducation et la justice sociale.
Je vais vous donner un exemple frappant que je connais très bien: celui de la résistance aux antimicrobiens. Grâce à la mutation, les microbes deviennent résistants aux médicaments. Aujourd'hui, nous avons affaire à des bactéries contre lesquelles nous n'avons aucun médicament pour nous défendre, et la situation empirera. Ce problème coûte déjà des milliards de dollars au Canada chaque année, et ces coûts décupleront au cours des 20 prochaines années. À l'heure actuelle, la résistance aux antimicrobiens fait déjà 1,2 million de morts par année à l'échelle planétaire, et l'on s'attend à ce que ce chiffre atteigne 10 millions de décès par année, ce qui est comparable ou supérieur au nombre de décès attribuables à la COVID‑19. Si nous nous croisons les bras, notre inaction pourrait nous coûter jusqu'à 100 billions de dollars américains à l'échelle mondiale.
Il serait normal de penser que l'industrie pharmaceutique travaillerait à concevoir les médicaments nécessaires pour nous protéger. Pourtant, ce n'est pas ce qui se produit, en raison d'une défaillance compliquée du marché qui fait en sorte qu'il n'est pas rentable pour l'industrie de faire la R‑D requise pour nous protéger. D'autres secteurs qui exigent de la R‑D connaissent aussi des défaillances semblables du marché, par exemple, la lutte contre les changements climatiques. De façon générale, la culture de l'innovation et les investissements dans l'innovation font défaut au chapitre des services financés par le gouvernement.
Bien entendu, le gouvernement investit déjà beaucoup dans la recherche et le développement, et ce, tant pour l'industrie que pour le milieu universitaire. Toutefois, le plus souvent, le gouvernement suit la formule consistant à offrir un financement équivalent aux contributions de l'industrie. L'avantage de cette approche, c'est qu'elle facilite le choix des projets à soutenir: si une entreprise est d'avis qu'il vaut la peine d'investir dans une idée, c'est probablement parce que cette idée n'est pas mauvaise. Malheureusement, cette approche écarte les buts dont j'ai parlé, ceux qui sont extrêmement importants sur le plan social, mais qui ne permettent pas d'atteindre l'objectif de rentabilité.
Pour le milieu universitaire, des changements ont été apportés du côté des subventions Alliance du CRSNG, qui aident à financer les projets de chercheurs universitaires associés à des organismes sans but lucratif. Cependant, à mon avis, ce genre de financement n'est pas axé sur le type d'objectifs stratégiques sur lesquels le gouvernement devrait se concentrer. Cela étant dit, en ce qui concerne le financement public des activités de R‑D de l'industrie, comme les supergrappes et les crédits d'impôt pour la R‑D, il n'est pas possible de cibler les buts sociaux parce que ces initiatives sont aussi fondées sur la méthode du partage des coûts.
Les gouvernements doivent absolument offrir des incitatifs, qu'ils soient d'ordre financier, réglementaire ou les deux. Je vous donne un exemple d'incitatif dit « réglementaire »: l'augmentation du prix du carbone stimulera l'innovation nécessaire pour lutter contre les changements climatiques, ce qui favorisera la création, par un écosystème d'innovateurs, d'un nouveau secteur de l'économie qui travaillera à régler ces problèmes sociaux de première importance. Pour y arriver, il faut combiner les forces du milieu universitaire et la culture axée sur un but précis du secteur privé.
Je comprends qu'il peut être difficile pour le gouvernement de décider quels projets...
J'aimerais tout d'abord vous demander de vous imaginer ce à quoi ressemblerait un Canada carboneutre.
Dans notre vision, le secteur des transports serait alimenté par de l'électricité non émettrice et de l'hydrogène sans GES. Les collectivités du Nord, en particulier les collectivités éloignées, auraient accès à de l'électricité et à de la chaleur abordables et non émettrices 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Le Canada disposerait d'un système énergétique réparti sur l'ensemble du territoire au sein duquel les consommateurs pourraient acheter et vendre de l'électricité au réseau pour répondre à des demandes fluctuantes. Le secteur des hydrocarbures du Canada utiliserait une technologie non émettrice pour extraire et traiter les ressources. Les utilisateurs de l'industrie lourde compteraient sur de la chaleur et de l'électricité abondantes, de base et sans carbone, et la production d'hydrogène et le dessalement de l'eau seraient abondants et utiliseraient une technologie non émettrice.
Les petits réacteurs modulaires avancés — ou PRM avancés, comme je les appelle — sont l'une des seules options qui peuvent fournir de la chaleur, de la vapeur et de l'électricité pour parvenir à une décarbonisation profonde au Canada.
Pour le secteur de l'électricité, les PRM avancés peuvent fournir une énergie de base sans émissions pour des applications en réseau ou hors réseau.
Dans le secteur agricole, les PRM avancés peuvent fournir de la chaleur pour les serres et de l'hydrogène propre pour les équipements agricoles. Ils peuvent être utilisés en mode cogénération pour chauffer les bâtiments. Ils peuvent également fournir de l'électricité, de la chaleur et de la vapeur aux grands utilisateurs industriels de l'industrie lourde, en plus de générer de l'électricité et de l'hydrogène sans émissions pour notre transition vers un marché de véhicules électriques. Quant au secteur des hydrocarbures, on peut utiliser les PRM avancés pour fournir de l'électricité et de la vapeur sans émissions pour les activités d'extraction et les opérations de drainage par gravité au moyen de vapeur.
Les PRM avancés ne sont pas une technologie ancienne. Ils utilisent une nouvelle forme de combustible appelée TRISO, et je vous encourage à m'interroger à ce sujet. Le département américain de l'Énergie l'appelle « le combustible le plus robuste... de la planète ».
Ces PRM avancés innovants sont conçus de sorte à être plus faciles et simples à transporter, ce qui les rend compétitifs en matière de coûts par rapport aux autres modes de production d'électricité.
Les PRM avancés ont également la plus petite empreinte terrestre de toutes les technologies émettrices ou non émettrices.
Le Canada a l'occasion d'être un véritable chef de file dans ce marché émergent et lucratif. Nous avons la chance d'avoir un secteur nucléaire et une chaîne d'approvisionnement nucléaire solides et compétents au pays. Notre chaîne d'approvisionnement actuelle pourrait être étendue à l'ensemble du pays, ce qui générerait d'importantes retombées économiques pour le Canada, qui serait ainsi en mesure de tirer parti de ce marché qui devrait atteindre une valeur de 150 milliards de dollars d'ici 2040 selon les estimations.
Pour parvenir à une véritable décarbonisation au Canada, il faudra avoir recours aux PRM avancés dans le cadre d'une stratégie nationale. Cette dernière devrait inclure, premièrement, l'accélération du déploiement des PRM avancés par le biais de capitaux d'investissement publics pour les services publics et les entreprises privées. Deuxièmement, elle devrait comprendre la modernisation des cadres réglementaires pour tenir compte du climat. Il faudrait également simplifier les exigences réglementaires telles que les délais d'évaluation des impacts. Enfin, la stratégie devrait aussi soutenir la chaîne d'approvisionnement canadienne pour développer la capacité nécessaire à la fourniture des PRM avancés et permettre à l'économie canadienne de bénéficier d'une adoption de mesures rapide.
En conclusion, nous croyons que le Canada doit saisir cette occasion de décarboniser une variété de secteurs en utilisant les PRM avancés, tout en se positionnant de sorte à bénéficier des énormes avantages économiques d'être un chef de file dans le marché mondial émergent des PRM avancés.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Mes questions s'adresseront aux représentantes de X‑energy.
Les États-Unis investissent dans l'énergie nucléaire comme source d'énergie propre. Alors que nos voisins américains comprennent l'importance de la technologie par rapport aux taxes, ici au Canada, les libéraux prévoient tripler, tripler, tripler une taxe sur le carbone pour les travailleurs canadiens.
Le département américain de l'Énergie a annoncé un financement de plusieurs millions de dollars pour l'énergie nucléaire par l'intermédiaire de l'Advanced Research Projects Agency. Dans un récent communiqué de presse, les représentants du département ont déclaré que « l'énergie nucléaire est l'une des sources d'énergie les plus fiables aux États-Unis, et la plus grande source d'énergie propre au pays — elle fournit environ 50 % de l'électricité sans carbone, et environ 20 % de l'électricité totale aux États-Unis ».
En 2018, le a écrit sur Twitter qu'il était temps de fermer la centrale nucléaire de Pickering et d'investir dans les énergies renouvelables.
Que diriez-vous au du Canada qui refuse de soutenir publiquement le développement d'énergie nucléaire propre et renouvelable?
Je vais lire quelques communiqués de presse de l'Advanced Research Projects Agency for energy aux États-Unis.
« Le département américain de l'Énergie annonce un investissement allant jusqu'à 10 millions de dollars pour l'étude des réactions nucléaires à faible énergie ».
« Le département américain de l'Énergie annonce l'octroi de 36 millions de dollars pour réduire les déchets des réacteurs nucléaires avancés ».
« Le département américain de l'Énergie octroie 38 millions de dollars pour des projets liés à l'initiative de recyclage de combustible nucléaire usé ».
« Le département américain de l'Énergie annonce l'octroi de 40 millions de dollars pour réduire les déchets de combustible des réacteurs nucléaires avancés ».
Les États-Unis estiment de toute évidence qu'il y a une occasion à saisir dans le domaine de l'énergie nucléaire avec ces programmes ambitieux. Pensez-vous que le Canada devrait en faire plus pour développer l'énergie nucléaire?
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Les deux types de recherche sont réellement nécessaires; elles jouent un rôle différent.
Les phases initiales de recherche ne peuvent pas être complètement ciblées, car on ne sait pas à l'avance où seront les « moon shots ». La recherche axée sur la curiosité nous aide à déterminer quels sont ces « moon shots » et les orientations qui méritent un investissement important.
La recherche axée sur la curiosité se fait surtout dans le milieu universitaire, mais il y a aussi plus de recherche appliquée dans ce milieu. La recherche plus axée sur la mission est importante, car elle permet de déployer des efforts de façon précise; le champ d'études est circonscrit. De plus, la recherche coûte cher. Les ingénieurs sont plus nombreux que les chercheurs, par exemple. Or, on a besoin des deux groupes.
J'aimerais ajouter quelque chose. Je ne pense pas que nous ayons présentement le financement adéquat et les bons programmes pour mener des recherches ambitieuses au Canada. Même notre financement de la recherche industrielle a tendance à être général et peu ciblé.
Comme je l'ai dit, il y a de bonnes raisons pour cela. Il n'est pas si facile de déterminer quelles sont les bonnes orientations. C'est là que des gens comme les universitaires, qui font de la recherche plus fondamentale, peuvent vraiment être utiles et aider les gouvernements à relever les « moon shots » et à évaluer les propositions et les projets qui peuvent venir de l'industrie.
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Oui. Le gouvernement oblige déjà les partenaires industriels et universitaires à travailler ensemble dans certains des programmes qui financent le milieu universitaire. C'est une condition pour obtenir du financement. Je pense que c'est une bonne partie de la recette.
J'ajouterais une chose qui fait présentement défaut, notamment dans le financement qu'on octroie au secteur privé, entre autres pour les supergrappes. Il nous manque les conditions liées à ces contrats de recherche pour faciliter réellement la transmission des données et des connaissances générées.
Je reviens à mon exemple de découverte d'antimicrobiens, de nouveaux antibiotiques et des techniques efficaces à cet égard, comme l'intelligence artificielle. Les entreprises et les universitaires qui se penchent là‑dessus doivent se transmettre les connaissances et les données générées lors des essais biologiques et les nouveaux algorithmes. Ce n'est pas la procédure habituelle lorsque la plupart des investissements proviennent de l'industrie, pour des raisons liées au fonctionnement de notre économie, ce qui est raisonnable, mais lorsque l'argent provient du gouvernement, on gaspille beaucoup d'efforts si des organisations ne peuvent pas utiliser facilement des découvertes faites par une autre organisation.
Je pense qu'il y a là une occasion de changer notre approche et d'utiliser l'argent des contribuables de façon nettement plus efficace afin d'atteindre les objectifs ambitieux.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je salue les témoins qui se joignent à nous pour la troisième heure de cette séance.
Monsieur Bengio, c'est un plaisir et un privilège de vous avoir comme témoin ce soir. Permettez-moi de souligner l'apport de votre expertise scientifique. Permettez-moi également de vous féliciter pour avoir été récemment nommé l'un des chercheurs les plus influents du monde, selon la liste annuelle établie par l'Université Stanford, en Californie. C'est une fierté de vous avoir au Québec, ainsi que l'institut québécois d'intelligence artificielle Mila, que vous avez créé.
Mes questions visent à déterminer comment le gouvernement fédéral peut adopter une vision davantage axée sur des projets ambitieux. Vous êtes un expert en intelligence artificielle. Selon vous, présentement, la vision du Canada est-elle assez détaillée?
De plus, vous avez mentionné qu'il ne fallait pas laisser le marché dicter les priorités, et j'aimerais vous entendre sur ce sujet.
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Je pense que certaines priorités peuvent être dictées par le marché, et le sont effectivement.
Cependant, à cause des défaillances de marché que j'expliquais, il y a des besoins qui ne sont pas correctement satisfaits et des secteurs mal desservis. Le gouvernement peut jouer un rôle de bougie d'allumage pour faire avancer ces choses. Dans certains cas, c'est urgent. Face aux changements climatiques ou aux problèmes de santé liés aux pandémies qui pourraient nous pendre au nez dans les prochaines années, nous ne pouvons pas attendre que les choses changent dans les marchés.
J'essaie d'expliquer qu'il est évidemment difficile de déterminer les bons programmes ambitieux. Chaque organisation ou compagnie va proposer ses idées. Lors de mon allocution, je n'ai pas eu le temps de parler de l'importance des discussions internationales pour déterminer les plus grands besoins de la planète. J'ai donné l'exemple des changements climatiques, mais dans quel domaine avons-nous le plus grand besoin d'innovation, et quelles sont les directions qui ont le plus de potentiel de changements positifs pour nous permettre de faire face à ces défis?
Je pense que nous devrions nous appuyer plus sur une consultation avec nos partenaires internationaux et les organisations internationales qui s'intéressent à ces questions pour pouvoir établir les objectifs des programmes ambitieux. Nous devrions aussi nous appuyer davantage sur nos universitaires, qui sont des experts dans différents domaines et qui sont un peu plus neutres que les gens qui ont quelque chose à vendre.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier nos témoins. La discussion est très intéressante.
J'aimerais poursuivre avec M. Bengio. Je trouve cela vraiment fascinant d'entendre parler de la façon dont nous pourrions développer des « moon shots ». Comme vous le disiez, il s'agit, par définition, de projets immenses, très complexes, de portée internationale, qui se penchent sur les grandes questions de notre époque, qu'il s'agisse de santé, d'action climatique, etc.
Vous avez dit que nous devions déterminer quels sont les meilleurs « moon shots » et que de tels programmes devraient être développés avec nos partenaires internationaux. Y a‑t‑il d'autres projets réalisés récemment à l'international qui nous ont montré la voie à suivre, la façon de nous réunir en tant que communauté internationale et d'unir nos forces pour résoudre ces problèmes?
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J'ai plusieurs exemples à vous donner. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ou GIEC fait un travail remarquable dans le domaine du changement climatique, afin de mettre en évidence les problèmes et les domaines qui nécessitent plus d'efforts.
Au Canada, il y a une organisation extraordinaire qui finance des recherches de type Moonshot à une très petite échelle. Il s'agit de l'ICRA, l'Institut canadien de recherches avancées. En fait, l'origine de l'apprentissage profond au Canada a eu lieu grâce à ses investissements.
L'organisation fonctionne de la façon suivante: ils lancent un appel de propositions. Des centaines de groupes soumettent d'abord une courte proposition. Ces propositions sont ensuite évaluées par des scientifiques internationaux qui œuvrent dans divers domaines. La communauté scientifique dispose de moyens de comparer et d'évaluer ces propositions, puis de prendre ce genre de décisions. Bien entendu, nous avons également besoin que des représentants des gouvernements et de l'industrie participent à ces discussions, car il s'agit de résoudre des problèmes de société, mais je pense qu'il existe des processus que nous connaissons déjà pour accomplir ce genre de travail.
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Permettez-moi de répondre en partie à cette question en vous parlant d'un projet ambitieux d'un genre particulier qui s'est déroulé récemment et qui était lié à ce que l'on appelle un atlas cellulaire. Il s'agissait de cartographier ce que faisaient les différentes cellules de différents organismes. Ce travail intéresse à la fois les universitaires et l'industrie pharmaceutique. D'ailleurs, ce projet était dirigé par quelqu'un qui est maintenant à la tête de Genentech, l'une des grandes sociétés de biotechnologie.
La façon dont le projet a été mis en oeuvre était assez décentralisée. Il n'y avait pas une seule source de financement. Des scientifiques du monde entier se sont réunis et ont essayé de définir leurs idées par rapport aux grandes questions à cerner et à la façon dont ils devaient unir leurs forces, et ils ont rédigé des propositions concernant ce qui devait être financé et les efforts à fournir. Ensuite, différentes organisations et différents chercheurs dans différents pays sont allés chercher leurs bailleurs de fonds et les ont convaincus de les financer pour exercer ces activités.
L'important, c'est que le projet a été coordonné à l'échelle internationale, de sorte que tous les résultats ont été rassemblés et mis à la disposition de l'ensemble de la communauté scientifique.
C'est un processus intéressant, qui est plus organique, dans un sens. Au lieu d'avoir un gros bailleur de fonds qui décide de tout, le projet est né d'un consensus de la part de scientifiques qui pensaient que le projet était important et que différents travaux devaient être réalisés. Ensuite, chaque groupe s'est adressé à ses bailleurs de fonds — philanthropiques ou gouvernementaux — pour financer différentes parties du projet. Le projet a connu un immense succès.
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Merci, madame la présidente. J'adresse ma première question à Mme Yeremian.
Ma question porte sur les programmes ambitieux et les réacteurs nucléaires. Bruce Power se trouve dans ma circonscription, alors je connais évidemment très bien l'énergie nucléaire, et je plaide en sa faveur depuis des années, mais voici le problème que j'observe: le programme ambitieux devrait peut-être porter sur la façon d'accélérer le processus d'approbation des évaluations environnementales.
Le site de Bruce Power est probablement le site le plus étudié du monde depuis 50 ans, et pourtant je crois savoir que le délai le plus court pour obtenir une évaluation environnementale pour l'installation d'un nouveau réacteur est probablement de huit à dix ans. Si nous voulons vraiment mettre en oeuvre un projet ambitieux et progresser sur le plan de l'environnement, des émissions et de tout le reste, ne serait-ce pas l'endroit où commencer — afin de déterminer comment procéder à cette évaluation en deux ou trois ans? Qu'en pensez-vous?
Je m'adresse maintenant à M. Bengio qui communique avec nous au moyen de Zoom. Cela correspond à ce que j'ai observé au cours de mes nombreuses années en tant que député, et je sais que la présidente Duncan ressent probablement la même chose: il y a des problèmes qui existent depuis 14 ans et qui sont toujours d'actualité. Il y a des problèmes d'arriéré et de traitement des demandes d'immigration. Il y a nos systèmes portuaires. Peu importe l'extrémité de la côte où vous vous trouvez, il y a toujours eu des problèmes liés aux ports. Nous venons de parler des évaluations environnementales, puis il y a notre système de soins de santé, nos sans-abri et nos toxicomanes. Et cela ne s'arrête pas là, au point où l'on ne peut même plus mettre des Tylenol pour enfants sur les étagères des magasins de notre pays.
Avons-nous besoin d'un projet ambitieux en matière de bon sens? Comment pensez-vous qu'on puisse régler ces problèmes? Nous essayons de faire les choses les plus folles qui pourraient peut-être régler les maux de notre société, mais nous ne pouvons même pas réaliser les choses les plus simples. Qu'est-ce que vous en pensez? Comment pouvez-vous nous aider?
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C'est avec plaisir que je le ferai.
Nous utilisons une forme de combustible appelée combustible TRISO. La beauté de ce combustible, c'est que, comme je l'ai mentionné au cours de ma déclaration préliminaire, il a été qualifié de « combustible le plus solide sur Terre ». Si vous me permettez de libérer la geek en moi pendant un instant, je vais vous en parler un peu.
Nous prenons un noyau de la taille d'une graine de pavot, composé d'uranium, de carbone et d'oxygène. Nous l'enrobons ensuite de trois couches de céramique en utilisant une technologie de qualité pharmaceutique. Dix-neuf mille de ces noyaux sont ensuite mis en boule et recouverts de graphite. Le graphite ne fond pas, quelle que soit la température qu'un réacteur nucléaire peut atteindre, ce qui permet d'obtenir un combustible très sûr et très robuste que personne ne peut démonter et utiliser à des fins malveillantes. Le combustible est scellé et contenu. Si quelqu'un s'éloignait de la salle de contrôle — non pas qu'il le ferait, mais si cela se produisait —, le régime du réacteur monterait légèrement, puis le réacteur s'arrêterait de lui-même. C'est la beauté de notre combustible.
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J'ai déjà mentionné le projet d'atlas cellulaire. Permettez-moi de mentionner une autre organisation qui a été créée récemment aux États-Unis, appelée BARDA. Je ne me souviens pas exactement de la décomposition de l'acronyme, mais cela ressemble à « Biomedical Advanced Research » suivie de quelque chose d'autre. Son but est de financer la recherche et le développement axés sur des missions, afin de protéger les Américains contre les menaces biomédicales potentielles. Cela inclut les pandémies, mais aussi le bioterrorisme et des événements de ce genre.
Je pense que c'est une excellente initiative. Nous ne devons pas faire exactement la même chose, mais je pense qu'il y a beaucoup de leçons intéressantes à tirer de cette organisation. J'ai déjà mentionné comment la DARPA, qui existe depuis les années 1960, a complètement transformé l'économie américaine. Elle était censée financer la recherche militaire, mais en cherchant à améliorer les produits électroniques, elle a donné naissance à la révolution que vous connaissez, à titre d'effet secondaire.
Il est vraiment essentiel de disposer de ces organisations axées vers des missions — et je ne soutiens pas qu'elles sont parfaites; ce sont des exemples intéressants — dans des secteurs où les marchés ne seraient pas aventurés ou l'auraient fait beaucoup plus tard. Je n'ai pas mené une étude pour comparer tous ces éléments, mais c'est un projet qui pourrait être entrepris.
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Je vous remercie de votre question.
Les conditions seraient liées premièrement aux sujets de recherche. À l'heure actuelle, si vous examinez les crédits d'impôt pour la R et D ou les supergrappes... Je veux dire, les supergrappes se situent dans un secteur un peu limité, mais dans l'ensemble, l'argent est réparti très largement, et cela peut présenter des avantages intéressants. Cependant, en ce qui concerne les programmes audacieux, ce n'est pas ce dont nous avons besoin. Nous devons avoir une vision beaucoup plus claire de ce qui doit être fait et ne financer que les efforts qui coïncident suffisamment avec cette vision. Voilà le premier point. C'est assez évident, car c'est le but d'un programme de type Moonshot.
Deuxièmement, ce qui est moins évident et peut-être plus difficile à accomplir, c'est de forcer les organisations qui vont utiliser l'argent du gouvernement pour faire ce travail à être transparentes, comme je l'ai dit précédemment. Cela signifie qu'elles doivent mettre en commun les connaissances qui ont été acquises, les données qui ont été générées et le code qui a été élaboré. Dans certains cas, nous voulons également nous assurer que la propriété intellectuelle ou les licences qui seront associées à la propriété créée pourront être transférées facilement et à peu de frais, par exemple, aux pays en développement. La raison pour laquelle cela est important est la suivante:.. Pensez aux pandémies ou au changement climatique. Nous souhaitons vraiment que les pays pauvres d'Afrique utilisent la technologie que nous pourrions élaborer afin de nous protéger contre le changement climatique ou les futures pandémies. Cependant, nous devons l'indiquer clairement dans les contrats que nous signons avec des entreprises.