Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Merci pour votre indulgence, chers collègues. Merci aux témoins de nous avoir attendus.
Bienvenue à la réunion numéro 73 du Comité permanent de la science et de la recherche. La réunion d'aujourd'hui se déroulera dans un format hybride. Les députés participent en personne et...
Monsieur Lobb est en ligne. Je lui souhaite la bienvenue. Dans la foulée, je souhaite également la bienvenue à Mme Kayabaga, qui est une nouvelle membre permanente de notre comité.
Vous pouvez vous exprimer dans l'une ou l'autre des langues officielles. Pour entendre l'interprétation, utilisez l'oreillette qui vous a été fournie. Si vous êtes sur Zoom, vous pouvez choisir entre le français, l'anglais ou l'audio du parquet. Pour les députés qui participent en personne, soyez prudent avec votre oreillette. Veillez à ce qu'elle ne s'approche pas du microphone afin qu'il n'y ait pas de retour de son pour nos interprètes.
Merci aux interprètes pour le travail qu'ils accomplissent pour nous.
Toutes les questions doivent être adressées à la présidence.
Nous allons maintenant commencer la réunion.
Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 18 septembre 2023, le Comité reprend son étude sur l'intégration du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales.
J'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui nos témoins d'Environnement et Changement climatique Canada. Nous accueillons Patrice Simon, directeur général, Sciences de la faune et du paysage, Dominique Henri, chercheure scientifique, et Cheryl-Ann Johnson, chercheure, Écologiste de la faune.
Vous avez cinq minutes pour formuler vos observations liminaires. Ensuite, nous passerons aux questions. Je regarde l'horloge. Chaque parti présent dans la salle devrait pouvoir avoir un tour de six minutes.
Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à parler de l'utilisation du savoir traditionnel autochtone, ainsi que de la science occidentale, dans le cadre de l'élaboration des politiques du gouvernement fédéral.
[Français]
Je profite de l'occasion pour souligner que je me trouve aujourd'hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
[Traduction]
Je suis le directeur général de la Direction des sciences de la faune et du paysage au sein de la Direction générale des sciences et de la technologie d’Environnement et Changement climatique Canada. La recherche interdisciplinaire et de la prise en compte de différents systèmes de connaissances sont de plus en plus considérées comme essentielles dans le domaine de la science.
Nous sommes le plus grand organisme de recherche scientifique sur la faune au Canada. Notre équipe de scientifiques mène des recherches dans tout le pays sur des questions liées à la faune et à son habitat. Nos travaux portent notamment sur les facteurs de changement des populations, la santé, les maladies et les contaminants, et se concentrent sur les espèces qui relèvent de la responsabilité du gouvernement fédéral. Nous appliquons de nombreuses approches et méthodes novatrices pour répondre aux enjeux urgents liés à la conservation des espèces sauvages, notamment les techniques génétiques et génomiques, les technologies d'observation de la Terre et de télédétection, les méthodes d'écotoxicologie, le calcul de haute performance, l'apprentissage automatique, et la modélisation.
Nous travaillons également avec le savoir autochtone. Nos équipes collaborent avec les peuples autochtones du Canada à la collecte et à l'interprétation de données.
[Français]
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'être accompagné par deux chercheuses chevronnées, soit Mmes Dominique Henri et Cheryl‑Ann Johnson. Elles ont passé une grande partie de leur carrière à travailler sur le savoir autochtone et son intégration dans les conseils scientifiques.
J'aimerais les inviter à vous parler de leurs travaux, qui démontrent leur engagement à mener des recherches en collaboration avec des partenaires autochtones et à utiliser des approches novatrices et inclusives qui permettent de relier les connaissances autochtones et la recherche scientifique afin de les tresser et de les tisser dans le but d'aboutir à des connaissances plus complètes.
Mme Henri entreprend des recherches qui répondent aux priorités des communautés autochtones en matière de faune et de flore sauvages, de changement climatique et de patrimoine culturel. Elle dirige un programme de recherche interdisciplinaire visant à mobiliser les systèmes de connaissances autochtones et occidentaux sur les espèces culturellement importantes relevant de la compétence fédérale, afin de soutenir la cogestion et l'utilisation durable de la faune, en particulier dans l'Arctique et le Nord du Canada.
Mme Johnson, quant à elle, est une experte nationale du caribou. Elle a joué un rôle déterminant dans l'identification des exigences en matière d'habitat essentiel pour le rétablissement du caribou boréal. Elle a passé 10 ans à générer des connaissances avec les communautés inuites de l'Arctique pour l'identification de l'habitat critique, y compris la glace de mer, pour le caribou de Peary, une espèce menacée.
C'est un plaisir pour moi de participer à la réunion de ce matin.
Je m'appelle Dominique Henri.
[Traduction]
Je suis chercheure en sciences sociales à Environnement et Changement climatique Canada, et je possède une formation en géographie humaine et en anthropologie.
En tant que chercheure non autochtone, j'ai eu le privilège, au fil des ans, de travailler avec de nombreux aînés, dirigeants, universitaires et chasseurs autochtones et d'apprendre d'eux. La plupart des projets auxquels j'ai contribué se sont déroulés dans l'Inuit Nunangat, les territoires inuits du Canada, et je me suis concentrée sur les espèces qui revêtent une importance culturelle pour les Inuits, en particulier l'ours polaire — nanuk —l'oie blanche et l'eider.
Notre programme de recherche s'appuie sur des processus fondés sur les collectivités, impliquant les collectivités et participatifs. Les partenaires autochtones participent activement à la prise de décisions relatives à la recherche à chaque étape du projet, de la conception à l'interprétation en passant par la diffusion des résultats.
Nous utilisons des méthodes du domaine des sciences sociales, comme les entretiens et la cartographie participative, pour recueillir et documenter le savoir et la science autochtones sur l'environnement et les relations entre les humains et l'environnement. Nous créons ensuite des espaces au moyen d'ateliers et de cercles de partage dans le cadre desquels les détenteurs de savoirs autochtones, les spécialistes des sciences sociales et des sciences naturelles, et les décideurs peuvent participer à un dialogue interdisciplinaire et interculturel. Nous tissons des liens entre les sciences autochtones et occidentales grâce à une recherche collaborative, dans le but ultime de soutenir la cogestion des espèces sauvages et l'élaboration de politiques.
Nous travaillons en étroite collaboration avec des partenaires autochtones pour veiller à ce que nos recherches soutiennent le consentement libre, préalable et éclairé, ainsi que la souveraineté des données autochtones. Nous nous engageons à mobiliser et à former des jeunes Autochtones afin de renforcer les capacités de recherche des Autochtones et d'encourager l'apprentissage intergénérationnel.
De cette façon, non seulement les connaissances autochtones sont documentées dans le cadre de nos projets, mais surtout, elles guident et orientent le processus de recherche...
Monsieur Simon, votre groupe est‑il chargé d'éclairer le contenu des programmes de rétablissement des espèces inscrites sur la liste de la Loi sur les espèces en péril?
J'ai lu un article rédigé par Hill, Schuster et Bennett en 2019, intitulé « Indigenous involvement in the Canadian species at risk recovery process ». On y apprend que moins de la moitié des stratégies de rétablissement présentent des preuves d'une quelconque participation des peuples autochtones à leur préparation, et que cette participation varie radicalement en fonction de la région et de l'organisme fédéral.
Cette évaluation correspond-elle à la réalité d'aujourd'hui? Cet article a été publié en 2019.
D'autres personnes sont probablement mieux placées que moi pour effectuer cette évaluation. Nous travaillons sur plusieurs espèces clés afin de fournir des conseils scientifiques qui sont également jugés être des savoirs autochtones.
Je ne suis pas en mesure de fournir une réponse précise.
Je ne connais pas ces statistiques par cœur. Nous avons des chercheurs non autochtones qui travaillent sur le savoir autochtone. Nous avons également des scientifiques et du personnel autochtones qui travaillent sur ce savoir.
Nous venons de créer une nouvelle division scientifique autochtone au sein de la Direction générale des sciences et de la technologie. Celle‑ci compte probablement une dizaine de personnes. Je pense que tous ces membres, ou la plupart d'entre eux...
Je cherche également à déterminer comment Environnement Canada pourrait tenir compte des préoccupations des différentes Premières Nations et des groupes autochtones relatives aux stratégies de rétablissement ou à l'inscription d'espèces sur la liste.
Il y a environ deux ans, plusieurs groupes de Premières Nations se sont opposés à la décision d'inscrire le frêne noir sur la liste de la Loi sur les espèces en péril. Pourquoi la décision d'inscrire une espèce sur la liste de la Loi sur les espèces en péril peut-elle mener à une situation dans laquelle des groupes des Premières Nations disent: « Non, cette espèce n'est pas en péril »? Comment en sommes-nous arrivés là? À quel moment...? Je m'en tiendrai là.
Je pense que différents processus permettent aux groupes autochtones de prendre part à la discussion. Lorsque je vois les savoirs autochtones, il ne s'agit pas de consultations. Ils effectuent des recherches et fournissent des preuves qui permettent d'éclairer les décisions. Pour prendre une décision, on procède à des consultations. Je ne sais pas si c'est clair.
Mme Henri est ici. Elle travaille sur plusieurs espèces, dont l'ours polaire, et elle pourra peut-être nous fournir des précisions à ce sujet.
Je crois que nous examinons le processus. Je pense que souvent — et pas seulement dans votre ministère —, la politique s'applique « aux » Premières Nations et non « avec » elles. Je m'inquiète simplement du fait que le processus actuel, en particulier dans le cas des stratégies de rétablissement des espèces en péril, ne tienne peut-être pas suffisamment compte, à un stade précoce du processus, du contexte culturel des Premières Nations, en particulier lorsqu'il s'agit de pratiques et de droits traditionnels comme ceux liés à la chasse.
Je pense que je suis mieux au fait de ce que nous faisons pour le caribou, par exemple. Je parle du caribou et de l'ours polaire parce que j'ai l'expertise des deux côtés.
Je pense qu'ils participent dès le début à la conception de la recherche et à l'établissement des priorités. Souvent, ils jouent également un rôle dans le processus décisionnel.
Cela dépend de l'endroit où l'on se trouve au Canada. Dans l'Arctique, les conseils de cogestion jouent un rôle très important dans le processus décisionnel.
Monsieur Simon, vous avez commencé à dire qu'il y avait une nouvelle division autochtone. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous expliquer quand elle a été créée, quel est son rôle et comment vous utilisez les savoirs traditionnels autochtones dans le cadre de la prise de décision en vue de l'élaboration des politiques?
Environnement et Changement climatique Canada collabore depuis longtemps à la collecte des savoirs autochtones. Des scientifiques formés aux méthodes occidentales ont effectué ce travail pendant un certain temps. Puis, au fil du temps, nous avons fait appel à des personnes plus expertes, comme Mme Henri, spécialiste en sciences sociales, pour travailler sur ce sujet, mais aussi pour aider le reste du groupe à réaliser cette tâche.
Je pense qu'il y a environ 12 mois, on a entamé la création d'un groupe scientifique autochtone, et sa constitution est toujours en cours. Des directeurs et des gestionnaires ont été engagés, ainsi que quelques chercheurs. J'ai un aperçu de leur plan de travail; ils travaillent sur une grande diversité de sujets, non seulement sur la faune et la flore, mais aussi sur la santé des écosystèmes, sur les prévisions météorologiques, et sur l'aide au repérage des cibles pour les objectifs de biodiversité et autres.
Le groupe est en cours de constitution, et le but est simplement d'éclairer les décisions en utilisant divers systèmes de connaissances. Pendant longtemps, il était axé sur la science occidentale, et nous développons une meilleure capacité à examiner la science autochtone pour, encore une fois, éclairer la politique et les décisions sur la base de ces savoirs.
Madame Henri, pouvez-vous nous dire ce que vous faites et nous donner quelques exemples concrets de ce sur quoi vous travaillez, pour nous donner une idée?
Volontiers. Je vais parler un peu des ours polaires.
Au cours des huit dernières années, j'ai participé à une étude en collaboration avec des organismes locaux de chasseurs et de trappeurs basés au Nunavut pour parler de l'expertise des chasseurs d'ours polaires inuits et des femmes spécialisées dans le nettoyage des peaux d'ours polaires, afin de consigner ces connaissances et d'évaluer la santé des ours polaires à l'aide de mesures et d'indicateurs utilisés par les chasseurs sur le terrain, comme l'état du corps des ours polaires, le nombre d'ours, leur taux de graisse ou leur état de maigreur, etc. Au final, nous consignons toutes ces données et nous les soumettons aux décideurs et aux responsables politiques qui établiront, par exemple, des quotas de chasse à l'ours polaire fondés sur les savoirs autochtones, sur les données que nous avons recueillies dans le cadre de l'étude et sur la science occidentale.
Comme l'a mentionné M. Simon, dans les zones couvertes par des ententes sur les revendications territoriales globales situées dans le Nord, il existe des systèmes de cogestion dans le cadre desquels il est obligatoire, en vertu de la loi, d'inclure le savoir autochtone et la science occidentale dans le processus décisionnel, et la recherche vient alors appuyer le processus.
Je pense qu'il s'agit là d'un excellent modèle d'investissement de ressources à l'appui de l'élaboration de preuves par les deux parties. J'estime que l'une des clés de l'avenir de cette approche est d'investir dans les capacités, comme le fait actuellement Environnement et Changement climatique Canada avec la Division des sciences autochtones. Pendant longtemps, les sciences occidentales ont eu beaucoup de poids, et je pense qu'il est impératif aujourd'hui que les sciences et les systèmes de connaissances autochtones aient une voix tout aussi puissante dans les domaines de la recherche et de la politique.
Les experts autochtones qui vivent dans les collectivités et voyagent sur les terres fournissent des observations des phénomènes écologiques tout au long de l'année, qui sont souvent transmises et partagées de génération en génération. Souvent, les études scientifiques occidentales offrent des aperçus dans le temps, et des inventaires sont effectués régulièrement, mais seulement pendant certaines saisons, quand les chasseurs et les experts autochtones sont les yeux et les oreilles de l'environnement et des changements que nous observons. En particulier à une époque où le climat change rapidement dans les régions arctiques, je pense que les personnes qui sont sur le terrain nous apportent une expertise réellement approfondie.
Je travaille sur les espèces en danger. Ma recherche est principalement axée sur la production des connaissances nécessaires à l'élaboration de stratégies de rétablissement et sur la surveillance requise après l'élaboration d'une stratégie de rétablissement ou d'un plan d'action.
Mon expérience des savoirs autochtones, comme celle de Mme Henri, a principalement été acquise dans le cadre de partenariats avec des communautés inuites. Je travaille avec 10 communautés inuites différentes qui participent au rétablissement du caribou de Peary, et...
Je salue les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
Monsieur Simon, j'ai bien analysé le projet de loi C‑69, qui demandera beaucoup de travail à votre ministère. Le projet de loi vise à prendre en compte les expériences autochtones ou le savoir autochtone dans la Loi sur l'évaluation d'impact et la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie.
Dans votre allocution, vous avez dit qu'il existait deux systèmes de connaissances, soit la science occidentale et la science autochtone. Ces sciences sont évaluées de façon différente. J'aimerais que vous nous expliquiez la différence entre une connaissance découverte par un allochtone et une connaissance découverte par un non-allochtone.
Selon moi, ces systèmes de connaissance se complètent. Comme le disait Mme Henri, la science autochtone est surtout basée sur les observations faites par les gens au fil des générations. La méthode de transmission du savoir est surtout orale. Pour ce qui est du savoir scientifique occidental, il est basé sur des études universitaires, des statistiques et des probabilités. On se penche souvent sur les mêmes questions, et on arrive à des réalisations observables. Quand on compare ce qu'on a appris au moyen des deux systèmes, on comprend mieux ces derniers.
Je veux bien comprendre le processus d'évaluation. Vous dites que ce sont des systèmes de connaissances totalement différents. On ne peut donc pas intégrer le système d'évaluation de la science, que vous qualifiez d'occidental, au système de connaissances autochtones. Du point de vue occidental, une connaissance est un énoncé qui est vrai, parce qu'il est validé par des méthodes généralement acceptées et potentiellement accessibles à toute personne raisonnable, et ce, peu importe son origine ethnique, son caractère national. Il n'y a pas de différence. C'est la définition universelle d'une connaissance.
Ce que je veux comprendre, c'est le point de vue autochtone. Vous dites que cela ne s'applique pas à leur système. Comment fait-on alors pour valider la connaissance autochtone?
En réponse à la question de ma collègue, vous avez mentionné que ce sont les Autochtones qui fournissent les preuves et qu'il n'y a pas de consultation. Si la démarche scientifique actuelle ne s'applique pas, comment fait-on pour valider les observations des Autochones?
Si cela ne vous dérange pas, je vais vous répondre en anglais.
[Traduction]
Ce sera plus facile pour moi.
L'une des façons de procéder consiste à organiser des entretiens et des ateliers. Ce processus permet de partager beaucoup de renseignements et de connaissances. L'un des moyens de s'assurer que nos interprétations et représentations des savoirs qui nous ont été transmis sont correctes consiste à revenir en arrière, à avoir de multiples interactions avec les gens et à travailler souvent avec les groupes et les organisations autochtones.
Tout repose sur des partenariats. Il ne suffit pas d'une seule réunion pour que le travail soit terminé. Vous disposez de cette base de connaissances, puis vous vous assurez que votre interprétation est correcte et que vous l'appliquez de façon adéquate. Ensuite, si vous vous êtes trompé, vous devez modifier votre interprétation en fonction de la rétroaction que vous obtenez.
Voilà un exemple du processus que nous utilisons. Il s'agit d'un processus itératif. Nous n'effectuons pas que deux vérifications. Parfois, nous effectuons trois ou quatre.
Je veux m'assurer de bien comprendre ce que vous me dites.
Madame Henri, vous pourrez donner une réponse complémentaire.
Au cours de vos expériences et de vos observations, vous est-il déjà arrivé de penser qu'une hypothèse était possible, mais qu'elle était finalement fausse?
Je parle du mode de vérification dont vous avez fait mention. Vous faites des consultations et vous interrogez des gens. En réalité, la science cherche à établir si une hypothèse est fondée ou non. Or, dans ce cas-ci, on est dans un tout autre domaine. Vous dites que le système de vérification actuel ne peut pas s'appliquer. J'essaie de comprendre comment on peut démêler le vrai du faux. Vous dites que vous consultez les gens, mais le fait de consulter des gens ne permet pas nécessairement de valider la véracité d'une hypothèse.
La question que vous posez est très complexe. Dans le but d'y apporter des éléments de réponse, j'ajouterai qu'il y a d'énormes similitudes entre les modes de savoirs occidentaux et autochtones. Par exemple, comme je le mentionnais, les savoirs autochtones sont basés sur l'observation, sur l'émission d'hypothèses basées sur des observations répétées. Il n'y a que les méthodes qui diffèrent. On ne prend pas de notes lorsqu'on va à la chasse. Les notes sont prises mentalement. C'est ainsi qu'on en arrive à émettre des hypothèses sur la santé, par exemple, d'une population animale.
Il faut tenir compte du fait que la pensée scientifique est universelle et qu'elle s'applique à tous les peuples, indépendamment des origines ethniques. Toute science est fondée sur l'observation, mais les méthodes diffèrent parfois.
Je vous remercie d'être ici aujourd'hui pour nous parler de ce sujet important.
Je vais m'adresser à Mme Johnson, simplement parce que je pense qu'on vous a interrompue quelques fois. Je veux vous donner plus de temps pour expliquer ce que vous faites.
D'après ce que j'ai lu, vous occupez ce poste depuis environ 15 ans. J'ai participé à des plans de rétablissement des écosystèmes et à des plans de rétablissement des espèces à la fin des années 1990 et au début des années 2000. La prise en compte du savoir autochtone en était à ses débuts sur le plan des politiques. Lorsque je faisais partie du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, les progrès étaient très lents à ce propos.
Pourriez‑vous en dire plus sur ce que vous faites maintenant et sur ce que vous avez vu au fil des ans dans votre travail à cet égard? Quelle est notre trajectoire? Sommes‑nous sur une bonne lancée? Qu'avons‑nous appris?
Je dirais que les choses ont clairement changé au fil des ans.
Pour revenir à une des questions précédentes, la situation était assez unique lorsque j'ai commencé à travailler sur le caribou de Peary. Dans les publications de littérature scientifique, l'Amérique du Nord est critiquée concernant ses objectifs de rétablissement des espèces en péril, parce que la barre est placée trop basse pour tenir compte des droits autochtones et de ce genre de choses. Pour le caribou de Peary, nous avons établi les objectifs de rétablissement avec nos partenaires inuits. Si on examine la stratégie et les objectifs de rétablissement du caribou de Peary, on s'aperçoit qu'il y a un énoncé qui porte sur la chasse inuite durable permise. Pour prévenir l'extinction de cette espèce, il ne faut pas maintenir les populations au minimum, mais à un niveau plus élevé pour que les communautés inuites puissent les chasser. C'est un exemple où nous mettons la barre à un niveau un peu plus élevé.
Nous continuons de miser sur cette stratégie. Par exemple, nous avons en partie ciblé l'habitat que nous voulons protéger pour le caribou de Peary. C'est ce que nous voulons faire pour les espèces en péril. Puisque le caribou de Peary doit se déplacer d'une île à l'autre, la glace de mer est très importante pour son habitat. Pour certaines personnes, c'est difficile d'établir un lien entre la glace de mer et l'habitat, mais cette glace fait partie de l'habitat du caribou de Peary. La science occidentale ne nous renseigne pas sur les endroits où cette espèce se déplace entre les îles. La protection et l'identification de l'habitat essentiel que représente la glace de mer reposent uniquement sur le savoir inuit. C'est la contribution qu'apportent les Inuits.
À cet égard, je me souviens d'avoir entendu, un moment donné, que selon la science occidentale, le caribou de Peary affichait un déclin catastrophique, alors que selon le savoir autochtone, il s'était simplement déplacé sur une autre île ou dans une autre aire. Ce type de savoir était indispensable pour obtenir le portrait réel. Est‑ce que mon souvenir est exact?
Je dirais que c'est toujours l'objet de débats, mais cela nous ramène à ce que M. Simon disait plus tôt: les deux systèmes de savoir sont complémentaires. Il est très difficile et très coûteux de surveiller l'Arctique et d'y répertorier les animaux, donc nos informations sur le nombre de caribous de Peary sont au mieux sporadiques. Si on les combine avec le savoir des gens qui vivent là, qui connaissent bien cette espèce et qui connaissent les tendances à long terme, on est bien mieux renseigné sur les changements dans le nombre de bêtes avec le temps et sur les raisons de ces changements.
Lorsque j'ai commencé à travailler sur le caribou boréal, il y a une dizaine d'années, on se demandait comment intégrer le savoir autochtone à l'élaboration de la base de connaissances nécessaire pour le rétablissement du caribou boréal. Nous en avions discuté avec nos partenaires autochtones, parce que la harde est énorme et exige la participation de toutes sortes de groupes d'Autochtones différents parmi les Métis et les Inuits. Il y avait des dissensions sur la façon d'intégrer le savoir autochtone au processus de rétablissement, donc la situation était différente. Pour le caribou de Peary, la situation était au contraire très claire. Tout le monde s'entendait sur la marche à suivre.
Je vous remercie, monsieur Cannings, de vos questions approfondies.
Je vous remercie, madame Johnson, de nous faire part de votre expérience.
Je remercie Patrice Simon et Dominique Henri de l'expertise qu'ils ont apportée à notre réunion, où nous discutons de l'intégration du savoir traditionnel autochtone à l'élaboration des politiques gouvernementales. Si vous avez d'autres informations à nous transmettre, veuillez nous les envoyer par écrit.
Nous allons suspendre la séance pour que le prochain groupe de témoins se joigne à nous. Nous avons trois témoins en ligne, et deux tests de son sur trois ont été réalisés. Nous allons essayer de procéder rapidement pour entendre les prochains témoins sans tarder.
Pour l'instant, monsieur Lobb, soyez prêt et nous serons à vous sous peu.
Je remercie à nouveau les témoins de leur contribution.
Nous entamons la prochaine partie de la réunion. Nous avons aussi prévu discuter des travaux du Comité pendant 30 minutes à la fin de la séance, donc nous devrons peut‑être raccourcir cette partie un peu, si le Comité est d'accord.
Je vous souhaite à nouveau la bienvenue.
Je rappelle à ceux qui participent virtuellement à cette séance qu'ils peuvent parler dans la langue officielle de leur choix et que les services d'interprétation sont disponibles. Vous pouvez choisir au bas de votre écran « parquet », « anglais » ou « français ». Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez m'en informer, et nous prendrons une pause pour corriger la situation.
Au total, deux de nos témoins ont réussi les tests de son. Les techniciens continuent de travailler avec le troisième pour résoudre les pépins.
Conformément à l'article 108(3)(i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 18 septembre 2023, le Comité poursuit son étude de l'intégration du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales.
C'est maintenant avec plaisir que j'accueille Danika Littlechild, professeure adjointe à l'Université Carleton. Elle témoigne à titre personnel.
Nous accueillons aussi, du gouvernement Tlicho, Tammy Steinwand‑Deschambeault, directrice du Département de la culture et de la protection des terres.
Nous accueillons enfin, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Heather Sayine‑Crawford, directrice de la Division de la gestion de la faune.
Chacune de vous disposera de cinq minutes pour présenter son exposé liminaire. Nous passerons ensuite aux séries de questions.
Je m'appelle Danika Littlechild et je suis membre de la nation crie Ermineskin, les Neyaskweyahk de Maskwacis. Nous sommes situés sur le territoire visé par le Traité no 6 en Alberta. Je suis professeure adjointe au Département des études juridiques.
Je crois que vous avez déjà reçu beaucoup de témoignages sur le quoi et le pourquoi du savoir autochtone. Dans mon témoignage, je ne tenterai pas de définir le savoir autochtone pour vous. Je crois que les Autochtones peuvent définir eux‑mêmes ce que le savoir autochtone signifie, par autodétermination et autonomie. Je vais plutôt présenter des recommandations qui portent sur la façon d'intégrer le savoir et les connaissances scientifiques autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales.
Ma recommandation centrale vise à ce que vous proposiez l'élaboration d'un mécanisme ou de mécanismes officiels et possiblement inscrits dans la loi qui fourniraient une autonomie aux Autochtones sur le plan conceptuel et concret.
J'ai participé à de nombreux processus d'établissement de normes, y compris à l'élaboration de lois et de politiques au Canada et à l'échelle internationale. Selon mon expérience, c'est quand les Autochtones décident eux-mêmes de la méthodologie qu'ils peuvent fournir les conseils les plus constructifs et les plus utiles. Par exemple, le cercle autochtone d'experts d'En route vers l'objectif 1 du Canada était autonome quant au rapport et aux recommandations produits. Il a permis de créer de nombreuses aires de protection et de conservation autochtones au Canada. Je dirais que ce cercle a beaucoup influencé la politique de conservation.
Un des modèles d'inclusion du savoir autochtone dans les politiques gouvernementales vient de l'Alberta. En 2016, le gouvernement de l'Alberta a légiféré sur les exigences de surveillance et de reddition de comptes, ainsi que sur l'établissement de comités consultatifs parallèles pour que ceux‑ci conseillent le scientifique en chef et le gouvernement de l'Alberta sur son programme des sciences de l'environnement. Ainsi, un comité consultatif scientifique et un comité consultatif sur le savoir conseillent le scientifique en chef et le gouvernement pour voir comment appliquer respectueusement le savoir et les connaissances écologiques autochtones traditionnels dans le programme des sciences de l'environnement en Alberta.
J'ai travaillé en soutien à la préparation du document sur le mandat et les rôles du comité consultatif sur le savoir autochtone dans le but d'établir le cadre nécessaire à cette fonction de conseil. J'ai joint le document à mon exposé.
Un modèle international de longue date nous vient de la Convention sur la diversité biologique, à laquelle le Canada est partie. C'est le premier mécanisme officiel, et celui qui est en vigueur depuis le plus longtemps, pour l'inclusion et l'intégration du savoir autochtone. Le fait qu'il s'agisse d'une obligation inscrite dans la loi a donné des résultats et permis d'établir des normes très fécondes quant au savoir autochtone. Ces normes ont façonné la politique internationale sur la biodiversité et bien d'autres politiques internationales.
Je vous recommande d'employer la législation actuelle comme le cadre de mise en œuvre relatif au droit à un environnement sain prescrit à l'article 5.1 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui prévoit des comités consultatifs ministériels. Je vous recommande aussi de préciser que ce travail s'inscrit dans la mise en œuvre du plan d'action 2023‑2028 du gouvernement du Canada relativement à la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
En conclusion, je dirais que nous ne cherchons pas par ce processus à maîtriser le savoir et les connaissances scientifiques autochtones dans le cadre de la science occidentale. Nous ne cherchons pas à imposer des fardeaux pénibles aux scientifiques actuels et futurs qui essaient de comprendre les systèmes de savoir autochtone. Je ne demanderais pas à un scientifique de passer trois jours à m'enseigner un concept scientifique, pour ensuite dire que je maîtrise ce concept. Tout comme les scientifiques passent leur vie à maîtriser leur domaine propre, les détenteurs du savoir autochtone passent leur vie à apprendre et à devenir des gardiens du savoir sur leurs terres et sur leurs eaux. Je vous recommande d'exprimer votre respect pour la multiplicité des systèmes de savoir en jeu et d'éviter de créer des catégories binaires arbitraires — nous et eux — ou des circonstances où nous demandons à un système de savoir d'en légitimer un autre, alors que ces gens ne le connaissent pas.
L'idée, c'est simplement d'élever les systèmes de savoir autochtone à un niveau où ils peuvent influencer et façonner l'élaboration des politiques gouvernementales ainsi que leur examen.
Avant de passer au prochain témoin, je signale que les techniciens tentent de vous joindre, madame Steinwand‑Deschambeault. Veuillez garder votre téléphone à portée de main pour qu'ils puissent régler les enjeux techniques.
Nous passons maintenant à Heather Sayine‑Crawford pour cinq minutes.
Je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
J'ai le privilège de travailler dans le domaine de la gestion de la faune dans les Territoires du Nord-Ouest. Je travaille dans un domaine qui suscite beaucoup de passion. Je travaille aux côtés d'un grand nombre de personnes qui se soucient vraiment de la faune et des décisions que nous prenons en matière de conservation. Je suis extrêmement heureuse de travailler dans un système qui inclut et valorise les connaissances et les perspectives autochtones en matière de gestion et de conservation de la faune.
Le GTNO, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, exerce ses responsabilités en matière d'intendance et de gestion de la faune et de l'habitat faunique au moyen d'un régime de cogestion bien établi qui prévoit la participation directe des gouvernements autochtones et des organisations autochtones. Ce régime de cogestion est déployé conjointement avec une politique plus générale du GTNO sur les connaissances traditionnelles, qui oblige le GTNO à tenir compte des connaissances traditionnelles accessibles dans toutes les mesures et décisions de gestion environnementale.
Ici, dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons des conseils de cogestion ou des conseils de ressources renouvelables, dont on a déjà parlé. Ce sont les principaux instruments de gestion de la faune établis dans les régions visées par des ententes sur les revendications territoriales. Ainsi, quatre conseils de cogestion de la faune ont été créés en vertu de quatre ententes distinctes sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale dans les Territoires du Nord-Ouest.
À l'extérieur des zones visées par des ententes sur les revendications territoriales, nous travaillons dans un esprit de cogestion, de manière à assurer la participation des autres gouvernements et organisations autochtones à la gestion de la faune.
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dispose de deux lois qui nous fournissent des outils pour favoriser la conservation de la faune et de son habitat: la Loi sur la faune et la Loi sur les espèces en péril des Territoires du Nord-Ouest. Les deux lois ont été corédigées sur plusieurs années, par le truchement d'un groupe de travail collaboratif comprenant des représentants des gouvernements autochtones dont les revendications territoriales ont été réglées et de leurs conseils de cogestion, ainsi que des représentants des gouvernements autochtones et des organisations autochtones n'ayant pas encore d'entente finale sur les terres, les ressources ou l'autonomie gouvernementale.
Cette approche a donné lieu à des lois fondées sur la collaboration, qui reconnaissent et respectent les droits ancestraux et issus de traités ainsi que l'esprit et l'intention des ententes sur les revendications territoriales. La Loi sur la faune et la Loi sur les espèces en péril reconnaissent officiellement les connaissances traditionnelles et scientifiques et les mettent sur un pied d'égalité.
Concrètement, cela signifie que les démarches que nous entreprenons favorisent des discussions ouvertes et éclairées sur les méthodes de gestion de la faune. Cela peut signifier d'entendre des préoccupations ou des points de vue divergents sur une question comme les quotas de pêche. Le système de cogestion permet des discussions fondées sur les meilleures connaissances locales, traditionnelles et scientifiques accessibles, ainsi que des discussions ouvertes et franches sur ce qui peut être fait pour régler un problème et sur les répercussions possibles de ces mesures.
L'une des stratégies uniques aux Territoires du Nord-Ouest vise les rapports de situation sur les espèces et l'évaluation d'espèces en vue de leur inscription à la liste prévue à la Loi sur les espèces en péril.
Dans les Territoires du Nord-Ouest, les rapports de situation sur les espèces sont produits par un comité des espèces en péril. Ils comportent deux volets: un volet connaissances autochtones et un volet connaissances scientifiques. Chaque groupe rassemble les meilleurs renseignements accessibles selon son système de connaissances. La préparation de chaque rapport de situation se fonde sur des instructions distinctes adaptées à chaque système de connaissances. Quand on essaie de conjuguer les deux systèmes de connaissances, cela a tendance à compromettre l'interprétation et l'exactitude de l'information.
À l'étape suivante du processus, quand on envisage d'inscrire une espèce à la liste, des évaluations parallèles ou doubles des espèces sont réalisées, l'une en fonction des connaissances autochtones, l'autre en fonction des connaissances scientifiques. L'évaluation effectuée en fonction de chaque système de connaissances est guidée par la partie correspondante du rapport de situation. Cette structure permet de garantir et de respecter l'autonomie, l'unicité et la validité de chaque système de connaissances.
Ce processus de double évaluation a pour principal avantage de permettre de tenir compte des critères propres à chaque système de connaissances séparément. Tous les membres du comité, quel que soit le système de connaissances qui représente le mieux leur expertise, participent au processus du début à la fin, de sorte que des experts de différents domaines peuvent ainsi apprendre les uns des autres. L'évaluation finale des espèces peut s'appuyer sur des critères issus de l'un ou l'autre des systèmes de connaissances, ou des deux, selon le cas. On peut s'attendre à ce que les évaluations propres à chaque système de connaissances donnent parfois des résultats différents. Par exemple, un groupe pourrait conclure qu'une espèce est « préoccupante » et l'autre, qu'elle est « menacée ». Rien dans ce double processus d'évaluation ne vise à prévenir ces différences. Il vise plutôt à favoriser une conversation respectueuse entre les membres du comité, qui représentent diverses visions du monde et qui sont déterminés à travailler ensemble pour le bien des espèces.
Outre ces exemples, les Territoires du Nord-Ouest utilisent diverses autres tribunes et processus de collaboration auxquels le GTNO participe avec d'autres partenaires de cogestion pour parler d'une seule voix à la table. À titre d'exemple, mentionnons les conseils de gestion du caribou, comme le Conseil de gestion du caribou de Beverly et de Qamanirjuaq, le Comité consultatif sur le caribou de Bathurst et le Conseil de gestion du caribou de Porcupine. Ces conseils réunissent des biologistes et des détenteurs de savoirs autochtones des gouvernements autochtones, des organisations autochtones et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qui travaillent ensemble pour partager ce qu'ils savent, juger de l'état des troupeaux et déterminer des mesures à prendre pour bien les gérer. Deux ensembles de connaissances et visions du monde aident ces conseils à prendre de meilleures décisions qui reflètent les valeurs et les réalités des Territoires du Nord-Ouest.
Mahsi cho pour le temps que vous nous consacrez aujourd'hui.
C'est très bien. Merci. Vous avez terminé juste à temps.
Nous avons encore de la difficulté à établir la connexion avec Mme Steinwand-Deschambeault. Nous n'avons pas encore réussi à régler les problèmes techniques, alors nous allons passer aux questions pendant que nous continuons d'essayer de joindre Mme Steinwand-Deschambeault.
Pour les six premières minutes, je donne la parole à M. Tochor. Allez‑y, s'il vous plaît.
Je tiens à remercier tous nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Madame Littlechild, j'ai lu un peu sur votre travail. Il y a un sujet que j'aimerais que vous approfondissiez pour la gouverne du Comité et pour notre rapport, et c'est ce que vous avez écrit sur l'espace éthique. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
L'espace éthique est un concept qui a été inventé par un philosophe non autochtone, en fait, dans les années 1960, puis qui a été adapté par Willie Ermine, un universitaire cri, qui a publié quelques documents à ce sujet. Ce concept a été adapté encore et mis en pratique par les aînés Reg et Rose Crowshoe, de la nation Piikani, sur le territoire visé par le Traité n o 7. C'est grâce à eux que j'ai découvert l'espace éthique, qui est essentiellement une approche méthodologique différente pour comprendre comment cocréer de nouvelles relations entre les peuples autochtones et non autochtones.
Le concept de l'espace éthique nous pousse à réévaluer notre propre positionnement par rapport à diverses questions et vise à élever les systèmes autochtones, sans ingérence des courants dominants. Autrement dit, l'espace éthique ne nous invite pas à essayer de nous adapter aux systèmes dominants, pour que s'y intègrent le savoir autochtone ou les systèmes autochtones, qui sont souvent des systèmes oraux ou verbaux, et non des systèmes écrits. Il s'agit également d'établir une collaboration entre différents types de normes qui se refléteront dans le dialogue et l'interaction entre les parties.
L'espace éthique laisse aussi place à la diversité des systèmes de connaissances. Autrement dit, il ne s'agit pas de créer l'idée binaire dont je parlais plus tôt, l'idée que toutes les connaissances autochtones forment une seule et même chose. Il y a une raison pour laquelle il y a un « s » à la fin du mot « peuples » dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ce « s » est l'aboutissement de 11 années de négociation, et s'il est là, c'est que nous ne formons pas un groupe homogène, nous avons une grande diversité, et l'espace éthique nous demande vraiment de reconnaître cette diversité.
Dans le même ordre d'idées, y a‑t‑il un domaine de la société ou de la politique gouvernementale où le concept de l'espace éthique pourrait vraiment changer la donne au Canada, selon vous?
Il me semble manifeste qu'il y a de l'intérêt et une volonté dans de nombreux ministères fédéraux avec lesquels j'ai travaillé au cours des dernières années pour travailler sur la base d'un concept comme l'espace éthique afin d'élaborer conjointement une nouvelle politique.
Chose certaine, j'ai collaboré en ce sens avec Parcs Canada et Environnement et Changement climatique Canada, et je crois qu'une grande partie du travail de base a déjà été fait. J'ai mentionné quelques mesures législatives qui me semblent pertinentes dans le cadre de cette conversation, mais je pense aussi que nous en sommes à un point critique où nous parlons de la mise en œuvre d'un cadre comme la Déclaration des Nations unies, qui a été décrite par la Commission de vérité et réconciliation du Canada comme « le cadre de la réconciliation ».
Nous avons déjà cet ensemble de normes dont nous pouvons nous inspirer, je pense, et sur lesquelles le gouvernement canadien a déjà passablement légiféré. Je crois qu'il y a déjà beaucoup d'infrastructures en place que nous pouvons utiliser pour adopter ce type d'approche.
Pour le temps qu'il me reste, je vais poser une question à Mme Sayine-Crawford.
Je repense à l'époque où j'ai été élu pour la première fois, il y a des années. Différentes choses dans la politique gouvernementale étaient lourdes, et il y avait des formalités administratives qui n'avaient tout simplement pas beaucoup de sens. Y a‑t‑il des modèles dans les pratiques et les connaissances autochtones que nous pourrions porter à l'attention du gouvernement, parce qu'il a beau avoir de bonnes intentions, mais il perd totalement son temps, en fait. Y a‑t‑il une meilleure approche qu'il pourrait privilégier pour l'environnement naturel et pour la société dans son ensemble?
J'étais heureuse, en fait, à l'écoute de la dernière séance, d'entendre des questions sur le processus d'évaluation des espèces en péril, parce que j'avais prévu vous fournir de l'information sur ce que nous faisons ici, dans les Territoires du Nord-Ouest, et sur l'approche différente que nous utilisons pour travailler avec les gens et entendre les problèmes qu'ils rencontrent dans le processus d'évaluation des espèces en péril en particulier.
Nous trouvions qu'il s'agissait d'un processus d'évaluation trop technique dans lequel les connaissances autochtones ne cadraient pas. Nos propres façons de faire sont fortement inspirées des modèles de l'UICN et du COSEPAC. Lorsque nous avons commencé à travailler là‑dessus et à en discuter avec les détenteurs du savoir traditionnel et les experts, ils ont d'abord dit: « Cela ne fonctionne pas pour nous. Comment pouvons-nous changer cela? »
Nous avons pris le temps de travailler ensemble, de comprendre le point de vue de chacun et de travailler à changer le système pour nous assurer de tous être sur un pied d'égalité. Ces relations, ces discussions, sont vraiment importantes pour changer la donne et faire avancer les choses dans la bonne direction.
Merci à tous les témoins qui sont ici aujourd'hui.
Il s'agit de notre dernier groupe de témoins à ce sujet. Votre témoignage d'aujourd'hui nous permet de clore ce travail en beauté, même s'il est un peu triste que notre étude tire à sa fin. J'ai trouvé tous les témoignages très instructifs et fascinants.
J'essaie de convertir certaines des choses que nous avons entendues en recommandations très pratiques à formuler dans le rapport à venir. J'ai beaucoup aimé ce qu'a dit Mme Littlechild au sujet de l'espace éthique. Nous avons aussi entendu les commentaires d'un autre témoin, Carole Lévesque, qui travaille au projet Dialog, le Réseau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones. Elle a parlé d'espaces d'interconnexion et d'interaction. Ce qu'elle décrivait pour la création de ce genre d'espaces ressemblait beaucoup au concept de l'espace éthique.
Comment pouvons-nous convertir cela en un processus d'élaboration de politiques gouvernementales fédérales tangibles? Que peut faire le gouvernement fédéral pour créer plus d'espaces d'interconnexion et d'interaction où nous tirons vraiment parti des deux systèmes de connaissances sans qu'un des deux intègre l'autre ou assimile l'autre, pour veiller à ce que cela se fasse dans le respect mutuel?
Madame Littlechild, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Ensuite, je m'adresserai peut-être à l'autre témoin.
Je pense que l'espace éthique est une méthodologie utile, car il ne s'agit pas d'une approche prescriptive. Elle est mise en place conjointement par les parties qui choisissent d'entrer ensemble dans un tel espace. Cette façon de faire a été très efficace pour en arriver à des résultats particulièrement intéressants.
Par exemple, nous avons utilisé l'espace éthique en Alberta pour une partie du travail que j'ai fait sur la santé. Nous avons collaboré avec la province et le gouvernement fédéral dans le cadre de la méthodologie de l'espace éthique pour produire de très importants résultats trilatéraux dans le contexte de l'élaboration de politiques et de l'établissement de normes en matière de santé autochtone.
Nous l'avons également utilisé dans le cadre du Comité mixte sur l'action climatique, dont les membres ont été nommés conjointement par le premier ministre et l'Assemblée des Premières Nations. Le principe de l'espace éthique a alors été mis à contribution pour en arriver à mieux comprendre comment intégrer le savoir autochtone aux fins de l'action climatique et des politiques en la matière au Canada.
On a pu aussi constater son utilisation dans plusieurs domaines de recherche. La méthodologie de l'espace éthique a ainsi été intégrée officiellement aux lignes directrices des trois conseils pour la recherche avec les peuples autochtones. C'est dans la première partie du chapitre sur les peuples autochtones. Je pense que cela faisait également partie des lignes directrices des Instituts de recherche en santé du Canada qui ont précédé celles des trois conseils.
L'espace éthique n'est donc pas vraiment un concept nouveau au Canada, loin de là. Il a été largement utilisé. C'est une méthode qui peut épouser de nombreuses formes différentes, et je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'en inquiéter. En fait, l'espace éthique est censé être instauré conjointement en vue d'obtenir un résultat précis ou dans le cadre d'un processus bien défini, en tenant compte du fait que les différentes parties ont des points de vue différents, le tout pour contribuer à stimuler un changement institutionnel nous permettant de cheminer vers la réconciliation.
Il ne s'agit pas de privilégier l'une des parties au détriment de l'autre. On cherche plutôt à créer un mécanisme en vue de prévenir le problème que nous avons constaté — et je pense que cela fait partie de votre mandat —, c'est-à-dire le risque d'un conflit entre les systèmes.
Dans l’exemple que j'ai donné concernant l’Alberta, on a choisi de mettre en place des comités consultatifs parallèles. Cette approche s'inspire également du concept d’espace éthique, parce que le même enjeu est soumis aux deux comités qui l'examinent dans le contexte de leur propre mandat et de leurs propres rôles, le tout à la lumière de leur expertise et des pratiques qui leur sont propres. Les résultats des deux groupes sont ensuite présentés au scientifique en chef du gouvernement de l'Alberta afin d'éclairer l'élaboration et la mise en œuvre des politiques et, suivant la méthodologie de l'espace éthique, aux fins d'un dialogue et d'une validation croisée de ces résultats.
Je vous remercie de cette excellente réponse très détaillée. Je vous en suis très reconnaissant, car je pense que notre rapport s'en trouvera amélioré.
Madame Sayine-Crawford, j'aimerais m'adresser à vous. Vous avez donné un certain nombre d'exemples fondés sur votre travail au sein du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
Quelles recommandations feriez-vous au gouvernement fédéral quant à l'adoption de certaines des pratiques que vous avez mentionnées dans vos observations préliminaires? J'ai eu l'impression que le processus d'évaluation mixte était particulièrement important.
Pouvez-vous nous faire un bref résumé des enseignements tirés de cette expérience?
Pourriez-vous nous transmettre une réponse écrite à ce sujet? Comme nous avons dépassé le temps alloué, ce serait l'idéal pour nous.
Nous allons maintenant essayer d'entendre Mme Steinwand-Deschambeault qui dispose de cinq minutes pour nous présenter ses observations préliminaires. Nous allons demeurer en contact avec nos interprètes pour nous assurer que notre solution technique fonctionne.
Madame Steinwand-Deschambeault, je vous remercie de votre patience. Vous avez cinq minutes.
J'aimerais commencer par dire mahsi au Comité permanent de la science et de la recherche de nous avoir invités à lui faire part de nos réflexions sur les connaissances traditionnelles en sciences et en élaboration de politiques gouvernementales.
Le savoir traditionnel, ou Tlicho nàowoò, est un concept englobant la langue, la culture et le mode de vie qui comprend les lois et les façons d'être traditionnelles permettant de comprendre le monde dans lequel nous vivons et d'y faire son chemin. Ces connaissances nous aident à vivre en harmonie avec toutes les autres formes de vie. Ce savoir traditionnel est enraciné dans notre lien intime avec notre terre et nos animaux.
Les générations passées à observer de près la manière dont les éléments, l’environnement et la faune interagissent les uns avec les autres ont aidé notre peuple à acquérir et à consolider ces connaissances traditionnelles qui nous aident à mieux comprendre notre monde en évolution. Le savoir traditionnel prend de l’expansion au fur et à mesure que les aînés de chaque génération ajoutent à ce qui est déjà connu leurs observations, leur expérience, leur sagesse et leurs idées. Ce savoir traditionnel a été et continue d’être préservé et partagé avec d’autres au moyen des récits oraux et, plus récemment, de documents.
Le gouvernement tlicho joue un rôle de premier plan dans la recherche, l’intégration et l’utilisation des connaissances traditionnelles pour la cogestion des populations de caribou dans notre région du monde. Le caribou fait partie intégrante de notre mode de vie depuis des temps immémoriaux, et revêt donc une importance capitale pour notre peuple.
En 2016, le gouvernement tlicho a mis sur pied Boots on the Ground, un programme de recherche sur le caribou. Nous, le peuple tlicho, voulions savoir pourquoi la population de caribou continuait de diminuer. Comme il s'agissait de notre propre programme, nous avons établi notre plan et nos priorités de recherche en utilisant la méthodologie de la surveillance totale. Le programme Ekwò Nàxoèhdee K'e, comme on l'appelle maintenant, est enraciné dans notre savoir traditionnel. Les anciens qui sont nés et qui ont grandi sur le territoire jouent un rôle essentiel dans tous les domaines de cette recherche. Véritable équipe de terrain sur les territoires traditionnels de Mowhi Gogha De Niitlee, nous commençons notre travail de recherche en reconnaissant notre puissance supérieure et Sa création et en faisant des offrandes à la terre pour la remercier de tout ce que nous avons et lui demander une bonne saison de recherche, la sécurité sur le territoire et sa protection contre tous les éléments.
En menant nos propres recherches, nous avons le contrôle et la mainmise sur le processus. Afin d’assurer une intégration efficace de notre savoir traditionnel aux politiques gouvernementales, nous collaborons avec les universités et les organismes gouvernementaux. Aux fins de cette collaboration, il est essentiel que le programme et les objectifs de recherche soient définis par les membres de la communauté.
Dans la région tlicho, nous avons un système de cogestion établi pour les territoires et le caribou. Le savoir traditionnel joue un rôle crucial dans la gestion du caribou, en particulier en notre qualité de membre du comité consultatif pour les troupeaux de Bathurst et de Bluenose-East. Ici, le savoir traditionnel et la science sont intégrés et se complètent pour évaluer la situation des troupeaux de caribou et proposer les mesures de gestion à recommander pour guider les politiques gouvernementales à mettre en œuvre.
Le gouvernement tlicho s'emploie à intégrer le savoir traditionnel aux différentes décisions concernant l’extraction des ressources et les projets de mines, de routes et de lignes électriques. Ainsi, nous faisons intervenir notre savoir traditionnel dans la conception des projets de mise en valeur des ressources afin de minimiser les perturbations et d'atténuer les répercussions sur le caribou et sur le territoire. Bien que l'intégration du savoir traditionnel et la démarche scientifique soient des méthodes distinctes qui produisent des résultats différents, il est fréquent que ces deux façons de procéder se complètent mutuellement, chacune comblant les lacunes de l'autre. Les avancées scientifiques permettent de faire voler des avions pour dénombrer les caribous, ce que le savoir traditionnel ne peut pas faire. En revanche, le Tlicho nàowoò permet de s'appuyer sur une connaissance approfondie et de longue date du caribou et de son habitat, ce qui échappe aux scientifiques. Les résultats peuvent donc se compléter. L'utilisation des deux méthodes en parallèle contribue à une compréhension plus exhaustive et détaillée du caribou.
Dans le cadre de sa vision à long terme, le gouvernement tlicho met l'accent sur l'inclusion des jeunes dans le travail de recherche s'appuyant sur le savoir traditionnel. On s'assure ainsi du transfert des connaissances des aînés aux jeunes tout en favorisant le maintien du lien crucial avec notre territoire.
Je salue les témoins qui se joignent à nous pour la deuxième heure de la réunion.
Ma première question s'adressera à vous, madame Littlechild.
J'ai bien écouté votre allocution, que j'ai trouvée très détaillée et très intéressante. J'ai vu que vous aviez suivi un parcours à l'international, ayant notamment travaillé à l'UNESCO. Je vous en félicite.
J'aimerais que vous nous aidiez à démêler quelques notions.
D'abord, existe-t-il une définition universelle du savoir autochtone?
Je pense que cela vient en partie du fait que, comme je l'ai dit plus tôt, les peuples autochtones ne forment pas un groupe homogène. Il y a une grande diversité parmi les peuples autochtones et les différents types de systèmes de connaissances qu'ils possèdent. Nous pouvons observer la même chose chez d'autres groupes qui détiennent des connaissances, comme les scientifiques. Différents types de scientifiques possèdent différents types de connaissances. Différentes cultures dans le monde ont différents systèmes de connaissances. De même, il y a une grande diversité de systèmes de connaissances autochtones.
C'est pourquoi je recommande au Comité de reconnaître expressément la difficulté à faire ressortir cette diversité dans le cadre d'une étude aussi brève, ainsi que l'autodétermination essentielle des peuples autochtones pour la description de leurs propres systèmes de connaissances.
Je crois que c'est le cas pour certaines définitions. Les normes déjà acceptées par le Canada nous fournissent sans doute les meilleurs éléments de réponse à ce sujet.
Par exemple, le Canada est partie à la Convention sur la diversité biologique, qui renferme, si je ne m'abuse, certaines définitions de ce qui est censé relever du savoir autochtone à l'échelle planétaire. On pourrait peut-être aussi examiner certaines des lois existantes au Canada pour retrouver de telles définitions.
Je ne crois toutefois pas que le Comité utiliserait de façon optimale le temps à sa disposition en essayant d'établir une définition, alors même que la communauté mondiale n'y est pas parvenue malgré des décennies d'effort. Cela s'explique simplement du fait qu'il est incroyablement difficile d'en arriver à une définition concise pour les systèmes de connaissances de peuples regroupant plus de 470 millions de personnes dans le monde.
Tout à l'heure, vous avez mentionné que les communautés autochtones n'étaient pas un groupe monolithique ou une entité homogène. Vous avez également affirmé que les croyances et le côté spirituel pouvaient être intégrés dans le savoir autochtone. Comment fait-on pour distinguer le vrai du faux?
Si une communauté a une tradition donnée ou une croyance quelconque, il va falloir tracer une ligne lors de la prise de décision concernant les politiques publiques. À quoi doit-on accorder la priorité? Selon vous, de quelle façon pourrait-on intégrer ces expériences dans le système actuel?
Je vous remercie de votre question. Je vous ai entendu poser exactement la même à de nombreux témoins, et vous avez eu droit à bien des réponses différentes.
Selon moi, vous cherchez surtout avec cette question à déterminer... On dirait que vous essayez de trouver une façon de légitimer ou de confirmer les connaissances provenant de différents systèmes. Je pense que c'est fondamentalement impossible, et c'est pourquoi vous avez reçu tant de réponses différentes.
Comme je l'ai dit plus tôt, il est très difficile de confirmer que quelque chose est vrai au sein d'un système que l'on ne comprend pas. Je vous ramène à l'exemple que j'ai donné précédemment. Si je m'assois avec un scientifique et que je lui demande de m'expliquer un concept scientifique complexe en trois jours, ou même en trois ateliers, je ne pense pas que je pourrai sortir de l'exercice en affirmant que j'ai pu confirmer que ce concept scientifique complexe était bel et bien valable de mon point de vue autochtone. Inversement, il est pour ainsi dire impossible également pour les intervenants des systèmes non autochtones de vérifier ou de confirmer d'une façon ou d'une autre la fiabilité des systèmes de connaissances autochtones.
Nous pouvons voir que les tribunaux du Canada ont également eu de la difficulté à tirer tout cela au clair. Pour les contestations, ils en sont arrivés en quelque sorte à établir un test comportant 10 critères pour définir les éléments fondamentaux de l'identité autochtone. Depuis de nombreuses années, la plupart de ces critères reposent sur des données probantes en sciences sociales comme si on voulait, par exemple, s'appuyer sur une étude non autochtone pour confirmer le tout.
J'aimerais beaucoup entendre ce que vous avez à dire au sujet de la Loi sur les espèces en péril des Territoires du Nord-Ouest. Je m'intéresse à la Loi fédérale sur les espèces en péril depuis de nombreuses années.
J'aimerais vous donner plus de temps pour nous en dire davantage à ce propos. Tout d'abord, comment cette loi s'harmonise-t-elle sur le plan juridique avec la loi fédérale? Comment ces deux lois s'appliquent-elles conjointement dans les Territoires du Nord-Ouest?
Notre Loi sur les espèces en péril s'applique dans les Territoires du Nord-Ouest. Il y a des différences fondamentales entre notre loi et celle du fédéral, mais je pense qu'en fin de compte, elles se complètent.
Par le passé, nous avons eu recours à différentes ressources fédérales — stratégies de rétablissement, plans de gestion ou rapports de situation sur les espèces — pour guider nos activités dans les Territoires du Nord-Ouest. À titre d'exemple, notre dernier plan de gestion pour le caribou des montagnes du Nord repose en grande partie sur le plan de gestion qui a été élaboré par le gouvernement fédéral et qui intégrait les informations provenant des Territoires du Nord-Ouest.
Je pense que la principale différence, c'est qu'ici, nous travaillons suivant un mode de collaboration. J'ai beaucoup parlé du régime de cogestion. Je pense qu'il y a un parallèle à faire avec l'espace éthique dont il a été question aujourd'hui. Il s'agit de réunir tout le monde autour d'une même table pour discuter, premièrement, des rapports de situation, puis de l'évaluation et, enfin, des listes à établir.
La Loi sur les espèces en péril des Territoires du Nord-Ouest se distingue du fait qu'elle prévoit un partage des responsabilités entre notamment les conseils de cogestion établis en vertu des accords sur les revendications territoriales qui ont été conclus et le gouvernement territorial, en plus de permettre aux autres gouvernements et organisations autochtones d'avoir leur mot à dire dans ces décisions.
Vous avez mentionné que vos processus pour l'évaluation et peut-être aussi pour la planification du rétablissement sont structurés différemment du processus fédéral en ce sens qu'il y a essentiellement deux voies, celle du savoir autochtone et celle de la science, qui demeurent en quelque sorte parallèles tout au long de la démarche. En revanche, le processus fédéral s'en remet notamment au sous-comité sur les connaissances traditionnelles autochtones du COSEPAC dans un effort pour conjuguer ces deux bassins de connaissances aux fins de l'élaboration d'un rapport d'évaluation final et de plans de rétablissement. Vous sembliez laisser entendre que cette approche ne fonctionne pas aussi bien que la vôtre.
Je me demande si vous pourriez nous en dire plus long à ce sujet. J'aimerais beaucoup savoir ce que vous en pensez.
Je pense que cela nous ramène à certains des éléments dont nous avons discuté aujourd'hui.
Comme je l'ai dit, nous nous en remettions en grande partie aux processus de l'UICN et du COSEPAC, lesquels sont fondés sur les connaissances scientifiques. Lorsque les détenteurs du savoir traditionnel sont venus à la table, ils ont été confrontés à une façon de faire qui ne correspondait pas à leur vision du monde et à leur perception des différentes espèces. En réalité, l'adoption d'un mécanisme comportant deux voies parallèles permettant à chaque système de connaissances de faire valoir ses propres informations nous a permis d'optimiser nos communications dans ce contexte
Un exemple concret serait celui du caribou de la toundra. Dans un rapport de situation scientifique, on va normalement traiter de la classification systématique et taxonomique de ce caribou qui est l'une des variétés du renne tarandus. Mais qu'est‑ce que cela signifie pour les Autochtones?
À l'inverse, les détenteurs de connaissances autochtones, les experts sur le terrain, vont plutôt traiter de la façon dont ils perçoivent l'espèce dans son ensemble et les troupeaux qu'ils sont à même d'observer. Ainsi, le rapport sur la situation du caribou de la toundra se fonde en grande partie sur des données scientifiques quant à la manière dont les troupeaux sont définis, tandis que le volet des connaissances autochtones permet de tenir compte d'éléments comme les déplacements du caribou de la toundra et son aire de répartition, ainsi que sa couleur, l'état de son corps et même le goût de sa viande. On obtient de cette façon un portrait différent des troupeaux.
J'aimerais m'adresser rapidement à Mme Littlechild.
Vous avez mentionné la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et le cadre de mise en œuvre du droit de vivre dans un environnement sain. D'après ce que je puis comprendre, cela ne s'applique que dans le contexte de la loi en question. J'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui exigerait la même chose, mais pour toutes les lois fédérales. Je me demande si vous pourriez nous parler brièvement de la pertinence d'une telle démarche.
Je pense que ce que vous proposez serait incroyablement utile, car il a été démontré que la mise en place de tels mécanismes structurés permet vraiment d'optimiser l'intégration des peuples autochtones. En l'absence de mécanismes semblables permettant d'invoquer une disposition bien précise d'une loi ou d'une politique, les efforts en ce sens me semblent moins pertinents. J'estime qu'il serait très bénéfique de ne pas limiter cette mesure à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Pour le prochain tour, nous allons devoir écourter les périodes d'intervention qui seront de deux fois trois minutes, puis de deux fois une minute. Nous allons ainsi empiéter quelque peu sur le temps qui doit être consacré aux travaux du Comité, mais avec l'indulgence du Comité, nous allons d'abord accorder trois minutes à M. Tochor.
Madame Sayine-Crawford, j'ai pu prendre connaissance de différents comptes rendus au sujet du pergélisol et des problèmes découlant du réchauffement climatique. Nous avons parlé du transfert des connaissances par les aînés, mais j'aimerais savoir si ces aînés s'entendent à propos des impacts du réchauffement climatique sur certains troupeaux de caribous dans le Nord.
Je pense que différentes collectivités nous apportent beaucoup de témoignages similaires, mais il existe des différences d'un bout à l'autre des Territoires du Nord-Ouest, car le territoire est très vaste. Il a une immense superficie et cinq écotypes différents de caribous y vivent, en fait, sur lesquels les gens se basent. Nous constatons des différences, mais il y a certains points principaux dont tout le monde parle.
Par ailleurs, les aînés parlent des défis que posent les climats plus chauds. Est‑ce qu'ils parlent de l'époque où le climat était plus froid? Je remonte jusqu'à la dernière période glaciaire. Ont-ils raconté des histoires sur les changements de climat qu'il y a eu au fil des ans?
Au sujet des populations de caribous, nos aînés racontent que dans le passé, lorsque les températures étaient très froides, on pouvait observer à la fois une diminution et une amélioration.
Nous savons que le climat a des répercussions sur le caribou. Nous observons également d'autres facteurs. Les recherches que nous avons menées dans la région du lac Contwoyto nous ont permis de constater que d'autres prédateurs arrivent, comme le pygargue à tête blanche. Il y a donc de nombreux facteurs différents qui, selon nous, ont une incidence sur les populations de caribous dans la région.
Je remercie les témoins de participer à notre réunion d'aujourd'hui.
Madame Littlechild, encore une fois, merci pour les recommandations pratiques que vous avez formulées. Les discussions d'aujourd'hui ont beaucoup porté sur l'environnement, la faune et ces domaines d'étude particuliers. J'ignorais qu'il y avait une direction des sciences de la faune et du paysage à Environnement et Changement climatique Canada et nous avons entendu parler des efforts qu'elle déploie pour intégrer le savoir autochtone.
Savez-vous si d'autres ministères fédéraux disposent de telles directions des sciences qui pourraient également bénéficier d'une plus grande collaboration et d'une meilleure intégration du savoir autochtone? Je pense bien sûr aux secteurs de la santé, des services sociaux — à ce type de domaine.
Oui, je pense qu'il y en a probablement un certain nombre. Comme je ne connais pas très bien les différents services des ministères canadiens, il m'est difficile de donner des exemples précis.
En ce qui concerne l'octroi de fonds pour la recherche, évidemment, le gouvernement fédéral y participe. Connaissez-vous les IRSC, le CRSNG, etc.? Réfléchissez-vous à des possibilités d'accroître les recherches menées par des Autochtones par l'intermédiaire de ces organismes subventionnaires fédéraux?
J'ai le privilège d'être cochercheuse principale dans le cadre du projet Arramat, dont vous avez entendu parler lors du témoignage de Mme Brenda Parlee, qui était l'une des cochercheuses principales dans le cadre du projet. Le projet est financé par la subvention du volet transformation du fonds Nouvelles frontières en recherche. Il s'agit d'un projet mondial pluriannuel de plusieurs millions de dollars qui porte sur la santé et le bien-être des Autochtones dans le contexte de la biodiversité et de la conservation.
Je pense que le financement de projets de ce type, qui sont dirigés par des Autochtones et basés sur les lieux, est l'un des meilleurs moyens de commencer à mettre en valeur les systèmes de connaissances des peuples autochtones, non seulement au Canada, mais à l'échelle mondiale.
Je pense que le fait que le Canada finance ce type de projets, et j'espère qu'il continuera à le faire, aura une influence non seulement sur la politique canadienne, mais aussi sur la politique mondiale par l'intermédiaire d'institutions comme les Nations unies et d'autres organisations qui cherchent à comprendre la place des systèmes autochtones par rapport à d'autres systèmes de connaissances et de science sur diverses questions environnementales.
Madame Littlechild, vous avez mentionné, dans votre allocution, que le savoir autochtone devrait être défini par les autochtones eux-mêmes, ou encore par les détenteurs de connaissances, les gardiens du savoir.
Vous dites que les deux systèmes de connaissances sont complètement différents. Cela veut-il dire que les connaissances et le savoir du monde occidental, comme les données probantes, ne devraient pas s'ingérer dans le savoir autochtone ou interférer avec lui?
Je pense qu'il y a eu de très bons témoignages sur les moyens de trouver des points communs entre les systèmes de connaissances. Je n'en parlerai donc pas.
Je parlerai d'un point que j'essayais de soulever plus tôt. Je pourrais peut-être utiliser l'exemple du comité consultatif de la sagesse autochtone de l'Alberta, qui conseille le scientifique en chef du gouvernement de l'Alberta. L'un des problèmes est que le scientifique en chef aura bien sûr ses propres préconceptions et ses propres limites quant à sa compréhension des conseils que fournit le comité consultatif de la sagesse autochtone. Ces conseils et cette contribution deviennent alors entravés par la compréhension limitée et les valeurs culturelles du scientifique en chef ou des représentants du gouvernement.
Je vais revenir à Mme Littlechild et parler des espèces en péril.
Lorsque j'ai travaillé avec des peuples autochtones au sujet de questions relatives aux espèces en péril, ils m'ont fait remarquer presque immédiatement que la Loi sur les espèces en péril ne s'applique en grande partie qu'aux terres fédérales. Au Canada, il s'agit donc des réserves indiennes et de tout ce qui se trouve au nord du 60e parallèle, où vivent d'importantes populations autochtones, qui soulignent alors qu'elles ont un savoir autochtone qu'elles aimeraient utiliser.
Vous avez employé le mot « autonomie ». Pourriez-vous nous parler brièvement de ce conflit entre les systèmes?
Je pense que l'un des défis a toujours été de comprendre le conflit entre les systèmes. De nombreux universitaires autochtones qui sont bien mieux établis et qui s'y connaissent beaucoup mieux que moi, comme Leroy Little Bear, ont beaucoup parlé de cette question dans leurs publications et leurs travaux.
De mon point de vue, le défi réside en partie dans le fait que ce n'est que tout récemment que l'on a commencé à faire de la place aux systèmes autochtones. Pendant de nombreuses années, les systèmes autochtones ont été considérés comme...
Je pense que nous allons nous arrêter là. Nous avons bien entendu une partie de votre réflexion. Malheureusement, nous avons dépassé le temps prévu. C'est le problème que nous avons eu tout au long de cette étude. Si vous pouvez nous fournir d'autres éléments de réponse par écrit, il serait bon de nous transmettre des éléments tels que l'étude que vous venez de mentionner pour le greffier et les analystes.
Mesdames Danika Littlechild, Tammy Steinwand-Deschambeault et Heather Sayine-Crawford, je vous remercie de votre témoignage et de votre participation. Je vous remercie d'avoir été patientes avec la technologie. Je suis très heureux que vous ayez pu échanger avec nous.
Pour l'instant, nous allons faire une pause. Vous êtes libres de partir. Nous allons maintenant passer aux travaux du Comité. Vous pouvez donc quitter Zoom, puis nous passerons directement aux travaux du Comité.
(1305)
Nous avons prévu de poursuivre la séance jusqu'à 13 h 30 pour les travaux du Comité. Nous avons donc prolongé brièvement la réunion d'aujourd'hui pour parler du budget de déplacement. Nous avons jusqu'à 13 h 30. La proposition comprend des ressources pour 12 voyageurs — sept députés, un greffier, deux analystes et deux interprètes — pour visiter les Laboratoires nucléaires canadiens à Chalk River, SNOLAB à Sudbury, le Centre canadien de rayonnement synchrotron à Saskatoon, l'Observatoire fédéral de radioastrophysique à Kaleden, en Colombie-Britannique et TRIUMF à Vancouver, en Colombie-Britannique.
Le voyage aurait lieu du 13 au 17 mai. Je vous rappelle que la demande doit être envoyée au sous-comité des budgets du Comité de liaison au plus tard ce vendredi, soit le 16 février.
Y a‑t‑il des observations au sujet du budget dont nous sommes saisis?
On mentionne Kaleden, Penticton et Kelowna ici comme s'il s'agissait de trois destinations distinctes. Il s'agit essentiellement d'un seul et même endroit. Nous nous rendrions à Kelowna, resterions probablement à Penticton et visiterions le centre de Kaleden. Ce n'est pas comme si nous allions partout.
À l'origine, une motion avait été proposée au Comité à l'époque où Kirsty Duncan en était membre. Nous avons simplement reproduit ce qui avait été approuvé par le Comité à ce moment‑là pour voir si le Comité actuel approuverait ce déplacement.
Je suis heureuse d'en parler, car c'était ma motion à l'origine. Je pense que Mme Metlege Diab et moi sommes les seules députées du côté du gouvernement qui sont ici depuis le début.
Je pense que cette motion est apparue après notre toute première étude, qui portait sur la grande science. C'est à peu près la première étude de ce comité. Nous avons reçu les témoignages de représentants de bon nombre de ces installations très intéressantes. Il me semble que leur taille et leur caractère unique font en sorte qu'il faut le voir pour le croire. C'est pourquoi nous l'avons proposé. Nous continuons à le proposer dans l'espoir que cela fonctionne.
Monsieur le président, je veux simplement faire remarquer qu'il n'y a aucune destination au Québec. J'espère qu'à l'avenir, on inclura des visites au Québec. Nous avons aussi un important rayonnement scientifique et des infrastructures extraordinaires.
J'aimerais comprendre une chose. Nous sommes revenus à la proposition originale, qui date de deux ans, quand même. Est-il possible de la modifier ou doit-on l'adopter telle quelle? Comment doit-on procéder?
Malheureusement, en raison de l'échéance, nous avons dû préparer un budget. Le greffier a établi un budget en fonction de ces emplacements et c'est ce dont nous sommes saisis.
Vous avez raison de dire qu'il y a de nombreuses excellentes infrastructures scientifiques au Québec, mais il faudrait revoir le budget, ce que nous n'avons pas le temps de faire à ce stade‑ci. Nous sommes en quelque sorte dans une situation où c'est tout ou rien.
Devrions-nous nous prononcer sur le budget, alors? Puis‑je demander au greffier de nous aider? Est‑ce que ce sera avec dissidence?
(La motion est adoptée.)
Le président: C'est unanime. Formidable. J'adore quand un plan se met en place. Merci au Comité. Merci au greffier.
J'ai une motion à proposer. Je propose que le Comité invite le ministre de l’Industrie et des fonctionnaires du ministère à se présenter pendant deux heures pour expliquer pourquoi Huawei ne figure pas sur la liste des organismes de recherche désignés de Sciences et Développement économique du Canada qui sont identifiés comme posant un risque élevé pour la sécurité nationale du Canada, et que le Comité fasse rapport à la Chambre.
C'est la motion sur laquelle j'aimerais que nous nous prononcions. Il s'agirait de ne tenir qu'une seule brève réunion pour voir comment les témoins peuvent expliquer que Huawei ne figure pas sur la liste qui exclut des entités chinoises actives au Canada. Je présente cette motion et j'espère qu'elle sera mise aux voix aujourd'hui. Nous avons encore 20 minutes pour discuter des travaux du Comité.
Étant donné que nous n'avons pas eu l'occasion de voir la motion et que M. Tochor l'a lue assez rapidement, pourrait‑on nous l'envoyer par courrier électronique, dans les deux langues officielles, afin que nous puissions la lire? Je suis quelqu'un qui a besoin...
Je vais faire mieux. Je distribuerai une copie en français et en anglais.
C'est une étude que nous voulons faire depuis un certain temps et nous en avons déjà discuté. J'aimerais que la motion fasse l'objet d'un vote aujourd'hui.
Je ne me souviens pas d'en avoir discuté, monsieur Tochor, mais ce n'est pas grave.
Vous pouvez peut-être nous remettre une copie de la motion. Je voudrais la recevoir par courriel afin de pouvoir l'examiner. Si nous voulons proposer un amendement, cela devrait être possible, n'est‑ce pas?
Nous pourrions peut-être faire une pause, attendre de la recevoir, puis reprendre la discussion, si possible. Je pense que c'est la norme dans la plupart des comités.
Je veux préciser quelque chose. Étant donné que nous sommes en train de discuter des travaux du Comité, nous n'avons pas besoin d'avoir une traduction. Le texte que j'ai lu est celui sur lequel j'aimerais que nous votions. La procédure n'exige pas que nous ayons une traduction.
Non, mais si un membre du Comité avoir la motion sous les yeux — c'est une motion plus longue et nous ne l'avons pas encore vue —, je pense que c'est une demande légitime de la part d'un député qui souhaite l'examiner.
M. Corey Tochor: Il s'agit d'une tentative, une fois de plus, de faire traîner les choses. Nous avons demandé pourquoi Huawei ne figurait pas sur la liste et on ne nous a donné aucune explication.
Nous formons le comité de la science. Nous devrions être chargés d'examiner pourquoi nos établissements d'enseignement postsecondaire continuent de travailler en partenariat avec Huawei. Cela fait des années maintenant que nous sommes au courant des problèmes associés à cette entreprise et de ses liens avec le gouvernement de Pékin. Nous connaissons les questions qui ont été soulevées au sujet de certaines recherches qui ont été effectuées pas plus tard qu'à la fin de l'année dernière avec cette entité.
Nous ne demandons qu'une étude de deux heures. Je ne comprends pas ce que le gouvernement essaie de cacher. Les réponses seront révélées. Il serait préférable qu'elles le soient dans le cadre des travaux d'un comité compétent comme le nôtre, un comité qui se penche sur nos établissements postsecondaires et sur la corruption de la part des acteurs de Pékin.
Je veux seulement clarifier les choses, monsieur Longfield. Nous ne votons pas là‑dessus. Nous nous cachons à nouveau. C'est encore une tentative de dissimulation.
Non, c'est une tentative de dissimulation. Il nous reste 20 minutes sur le temps imparti au Comité. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous vous cachez de Huawei.
Je lis la motion et j'essaie de comprendre son intention. Si j'ai bien compris, cette motion demande que l'on explique pourquoi une entreprise privée ne se trouve pas sur une liste. Je crois que la liste à laquelle il est fait référence concerne les organismes de recherche. Cette liste n'est pas censée inclure les entreprises privées, et j'ai donc du mal à comprendre l'intention de la motion.
Je pense qu'il y a aussi déjà une interdiction concernant le financement fédéral de Huawei. Je ne comprends donc pas très bien l'intention de la motion, les raisons qui rendent cette étude nécessaire et la pertinence de la motion.
Les députés du Parti conservateur, qui cherchent manifestement à épater la galerie dans cette affaire, pourraient peut-être nous donner une explication.
Quand j'ai vu la liste des organismes de recherche nommés qui a été publiée… Tout d'abord, je tiens à souligner que le gouvernement a mis beaucoup de temps à publier cette liste. Il a pris beaucoup plus de temps que prévu et une autre période de subventions à la recherche a eu le temps de passer.
Des témoins qui ont comparu devant le Comité nous ont appris que des partenariats avaient été établis, apparemment avec des organismes qui se trouvent actuellement sur la liste. Le ministre n'a toutefois pas comparu devant le Comité pour expliquer comment cette liste a été établie ou les critères qui ont été utilisés à cette fin.
Par ailleurs, pour répondre au commentaire de M. Turnbull, lorsqu'il s'agit d'entreprises dans le contexte des lois canadiennes, ce ne sont pas nécessairement des entreprises d'État qui ont des liens directs avec, par exemple, un gouvernement communiste. Ce n'est pas ce que signifie le mot « entreprise ». Lorsque nous parlons d'entités de recherche, de pays, d'organisations gouvernementales et d'autres systèmes gouvernementaux, une entreprise peut être une entreprise dirigée par l'État.
Étant donné que ce sujet a fait l'objet de nombreuses discussions avec de nombreux témoins au cours de l'année écoulée, je pense qu'il revient au Comité de comprendre ce qui a motivé le gouvernement à permettre à certaines entreprises de participer — encore une fois, le mot « entreprises » est entre guillemets — ou de ne pas participer au financement de la recherche au Canada.
Je pense que cela offrirait des éclaircissements aux universités canadiennes. Cela me semble un peu vague et j'aimerais donc beaucoup avoir la possibilité d'interroger des représentants à ce sujet.
Il ne reste que 12 minutes pour voter sur cette question aujourd'hui, à moins qu'il y ait une autre tentative de dissimulation. Je pense que c'est ce que les libéraux tentent de faire avec toute enquête sur les raisons pour lesquelles Huawei profiterait d'un accès spécial ou sur les raisons pour lesquelles nous établirions un partenariat avec une telle entité, puisqu'il a été prouvé qu'elle représente un risque pour notre sécurité.
C'est assez simple. Il s'agit d'organiser une réunion de deux heures avec des représentants pour découvrir pourquoi cet organisme qui a des liens avec Pékin ne se trouvait pas sur la liste. Si nous ne votons pas sur cette question, je pense que cela établira clairement qu'il s'agit d'une autre tentative de dissimulation par les libéraux, qui s'en prennent cette fois à la science.
Très respectueusement, je pense que nous ne voulons pas faire revenir le ministre pendant deux heures parce qu'il a traité de cette question la dernière fois qu'il a comparu et que des mécanismes sont en place pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de partenariat avec Huawei.
S'il s'agit d'un partenariat universitaire, il sera visé par la nouvelle liste dans le cadre de la réglementation, ce qui empêchera ce partenariat d'être établi. S'il s'agit d'un partenariat avec l'industrie, il sera visé par les règlements du programme Alliance, et la question devient sans objet.
Nous n'avons rien approuvé avec Huawei depuis l'automne 2022, et je ne vois donc pas la nécessité de prendre plus de temps du Comité, soit deux heures, pour entendre encore une fois le ministre au sujet d'une question qui a déjà été réglée par d'autres moyens.
Dans le même ordre d'idées, si je comprends bien, ce n'est pas le seul mécanisme dont nous disposons. Comme l'a dit ma collègue, le ministre a établi très clairement que toute décision concernant Huawei serait prise dans le cadre des lignes directrices sur la sécurité nationale pour les partenariats de recherche du programme Alliance. Encore une fois, nous tentons de fonctionner dans le cadre des lois existantes.
Ce point a été signalé en 2022, et nous avons donc déjà des outils à notre disposition pour garantir notre sécurité.
L'autre chose qu'il est important de garder à l'esprit, c'est que la liste dont nous parlons a été créée par Sécurité publique Canada. Lorsque ce ministère fait le travail en coulisse pour dresser une liste d'organismes de recherche, il fait certainement preuve de la diligence raisonnable. Huawei est déjà visée par une interdiction de financement en matière de recherche au Canada, puisque le gouvernement a déjà pris une décision à ce sujet. Les députés savent pertinemment que nous disposons déjà d'un cadre de sécurité pour la recherche.
Ce qui me semble intéressant, c'est que nous ferions comparaître à nouveau un ministre qui n'est pas celui qui a travaillé à l'élaboration de la liste des organismes de recherche. Il est intéressant de constater que cela ne concerne que le ministre de l’Industrie, plutôt que le ministre de la Sécurité publique, ou les deux. Je pense que les conservateurs ont raté une occasion dans ce cas‑ci.
Je suis d'accord avec mes collègues pour dire qu'il semble s'agir d'une question sans objet, car nous avons établi très clairement qu'il ne fallait pas autoriser le financement de la recherche par Huawei. La liste des organismes de recherche semble en grande partie composée d'établissements postsecondaires.
Si M. Tochor souhaite apporter des éclaircissements supplémentaires, cela me convient. Dans le cas contraire, je peux continuer.
Il est révélateur que vous alliez aussi loin pour protéger Huawei. Il est très révélateur que le Parti libéral du Canada refuse d'organiser une réunion pour comprendre l'un des plus grands risques pour notre sécurité et nos communications. Vous ajournez ce débat. Vous empêchez un comité d'enquêter sur une entreprise qui, on peut maintenant le présumer, a des renseignements compromettants sur certains libéraux. C'est la seule raison pour laquelle tous les libéraux défendent Huawei et refusent d'étudier cette question.
Très respectueusement, je n'arrive pas à croire que j'entends M. Tochor dire ce qu'il vient de dire. Aucun député de ce côté‑ci — et de l'autre côté, j'en suis sûre — n'a l'intention de protéger cette entreprise.
Au moins trois de mes collègues ont tenté de faire comprendre qu'il ne fallait pas prendre le temps du Comité pour faire quelque chose qui n'est pas dans son mandat. Ce n'est pas non plus dans le mandat du ministre. Ce n'est ni lui ni son ministère qui a créé cette liste.
Notre comité dispose de très peu de temps pour se réunir afin de véritablement travailler, se renseigner, entendre des témoins et réaliser des études sur des questions liées à la science et à la recherche. Je trouve cela très… Quel que soit le mot approprié, je ne suis pas satisfaite. Ils essaient de nous faire perdre du temps avec des questions qui n'ont rien à voir avec le comité auquel nous avons décidé de participer au départ.
Comme l'a dit ma collègue, Mme Bradford, nous sommes ici depuis le début, tout comme certains d'entre vous de l'autre côté. Nous avons décidé de faire partie de ce comité historique et exceptionnel parce que nous accordons une grande importance à la science et la recherche au Canada, en anglais et en français, et que nous pensons pouvoir apporter notre contribution.
[Français]
Selon moi, nous n'avons vraiment pas beaucoup de temps. Nous n'en avons pas assez, à ce comité, pour planifier nos travaux, pour faire venir des témoins qui veulent vraiment parler de science et de recherche au Canada. Il y a beaucoup d'études que j'aimerais proposer. Toutefois, notre temps est très limité à ce comité.
(1325)
[Traduction]
Depuis le début, les partis politiques agissent à tour de rôle, de sorte que notre côté n'a essentiellement pas eu le temps de proposer des études. J'aimerais pourtant que nous puissions consacrer notre énergie et notre temps à mener ces études. Nous pourrions utiliser le temps du Comité de manière avantageuse pour faire des choses qui, franchement, ne peuvent pas être faites par d'autres comités.
Il existe plus de 30 comités permanents de la Chambre des communes. Il existe donc certainement des comités mieux placés pour étudier certaines de ces autres questions qui ne cessent de surgir au sein du Comité permanent de la science et de la recherche, qui ne relèvent pas de son mandat et qui ne faisaient pas partie de son mandat au moment de sa création.
Monsieur Turnbull, je pense que vous aviez levé la main.
Était‑ce vous, madame Jaczek? Je suis désolée.
Je n'ai plus grand-chose à dire, mais de temps en temps, tous les quelques mois, cette question m'interpelle profondément, car au départ, lorsque j'ai été élue, j'ai dit à mon whip que j'aimerais faire partie de ce comité parce que je voulais entreprendre des initiatives que je trouve importantes pour la communauté des sciences et de la recherche, c'est‑à‑dire des initiatives qui n'avaient pas été entreprises auparavant. J'aimerais donc que nous consacrions notre précieux temps à ces initiatives.
Je me fais certainement l'écho des propos que j'ai entendus de la part de ma collègue, Mme Diab. Je suis impatiente d'entreprendre l'étude proposée par M. Blanchette-Joncas, par exemple. Je pense qu'il s'agirait d'une utilisation appropriée du temps du Comité.
Aujourd’hui, le gouvernement du Canada assure la sécurité à long terme de notre infrastructure de télécommunications. Dans ce contexte, le gouvernement a l’intention d’interdire l’utilisation des composantes et des services de Huawei et de ZTE dans le système de télécommunications du Canada.
Cela fait suite à un examen approfondi mené par nos agences de sécurité indépendantes et en consultation avec nos plus proches alliés.
Par conséquent, les entreprises de télécommunications qui exercent des activités au Canada ne seraient plus autorisées à utiliser les composantes ou les services désignés fournis par Huawei et ZTE. De plus, les entreprises qui utilisent déjà des composantes dans leurs réseaux devraient cesser leur utilisation et les retirer. Le gouvernement a l’intention de mettre en œuvre ces mesures dans le cadre de notre plan global visant à assurer la sécurité des réseaux de télécommunications du Canada et en consultation avec l’industrie.
Il s'agit donc d'un engagement ferme.
Le ministre Champagne a ajouté ce qui suit:
Notre gouvernement protégera toujours la sécurité des Canadiens et prendra toutes les mesures nécessaires pour protéger notre infrastructure essentielle de télécommunications.
Je pense que cette déclaration est claire comme de l'eau de roche et que c'est faire un mauvais usage du temps du Comité que de procéder de la manière suggérée par la motion.
Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie également mes collègues de leurs commentaires.
Je pense que la prochaine étude prévue à l'horaire est une étude du Bloc sur l'U15 et sur une répartition peut-être plus équitable du financement de la recherche au Canada. Je pense que ce sera une excellente étude.
Ensuite, je pense que le Comité a accepté de mener une étude sur la recherche dans l'Arctique, ce qui, selon moi, démontre que notre comité mène ses activités dans un esprit de collaboration, d'ouverture et de réflexion.
En ce qui concerne la motion dont nous sommes saisis, les conservateurs souhaitent peut-être organiser une réunion sur ce sujet dans le cadre d'une étude qui serait inscrite à l'horaire, mais j'ai l'impression qu'il y aura de nombreuses études avant que nous ayons le temps d'inclure une autre motion des conservateurs.
Il me semble, monsieur le président, qu'on bouscule l'ordre des choses lorsqu'on tente d'insérer une motion dans un horaire qui a déjà été approuvé et qui prévoit une étude après l'autre, ce qui occupera l'essentiel de notre temps pendant les semaines à venir.
Nous nous réunissons ce jeudi pour donner à nos analystes des instructions de rédaction pour le rapport dans le cadre de l'étude sur l'intégration du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones et nous fixerons également une date limite pour la présentation de mémoires écrits sur le sujet. Nous voulons également examiner une ébauche de rapport sur les répercussions de l'écart salarial dans les universités canadiennes que le greffier a déjà distribuée.
Par ailleurs, en ce qui concerne la comparution de la conseillère scientifique en chef le jeudi 27, j'aimerais que les membres du Comité précisent — nous pourrons peut-être en parler jeudi — s'ils souhaitent qu'elle comparaisse pendant une heure ou deux heures. Nous pourrons reprendre cette discussion jeudi prochain.
Ce sera à huis clos. Nous devons toutefois nous réunir en public pour discuter de cette motion, car dans le cas contraire, il s'agit d'une tentative de dissimulation.