Bienvenue à la 54e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement. Les membres sont présents dans la salle et à distance au moyen de l'application Zoom.
J'aimerais prendre quelques minutes pour faire des commentaires à l'intention des députés et des témoins.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone. En ce qui concerne l'interprétation, encore une fois, monsieur Cannings, vous connaissez très bien le fonctionnement. Vous pouvez choisir le parquet, l'anglais ou le français.
Bien que cette salle soit équipée d'un puissant système audio, de la rétroaction acoustique peut se produire et s'est déjà produite. Ces incidents peuvent être très dommageables pour les interprètes et causer des blessures graves. Veuillez éloigner votre oreillette du microphone afin de ne pas causer de rétroaction acoustique.
Conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests de connexion pour les témoins, nous avons fait le test pour M. Cannings. Au cours de la deuxième heure, nous entendrons également un témoin qui se joindra à nous par vidéoconférence.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 6 juin 2023, le Comité entreprend son étude sur l'utilisation des subventions, des fonds et des contributions du gouvernement fédéral en recherche et développement par les universités et les établissements de recherche canadiens ayant des partenariats avec des entités liées à la République populaire de Chine.
J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
Tout d'abord, à titre personnel, nous accueillons Margaret McCuaig-Johnston, agrégée supérieure à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales et Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique de l'Université d'Ottawa. Nous recevons également Anna Puglisi, chercheuse principale au Center for Security and Emerging Technology de l'Université Georgetown.
Vous aurez chacune cinq minutes pour votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
Nous allons d'abord écouter Margaret McCuaig-Johnston pendant cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le Comité de me donner l'occasion de parler des questions de collaboration scientifique avec la Chine.
J'ai eu la chance de travailler au gouvernement pendant 37 ans, principalement dans le domaine des politiques, des programmes et du financement en sciences et en technologie, mais ma maîtrise porte sur la Chine. Je parle un peu le mandarin et, au fil des ans, j'ai souvent été la fonctionnaire qui discutait avec la Chine de recherche et de développement, y compris pendant sept ans au sein du Comité mixte Canada-Chine de coopération scientifique et technologique. De plus, pendant cinq ans, j'ai été la sous-ministre adjointe responsable des laboratoires énergétiques à Ressources naturelles Canada, ou RNCan, et, pendant quatre ans, j'ai été la première vice-présidente du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ou CRSNG. Je connais donc à la fois la recherche et le développement avec la Chine au sein du gouvernement et dans les universités.
Depuis plus de 10 ans que j'ai pris ma retraite, j'écris sur le régime d'innovation de la Chine. Lorsque j'ai commencé à percevoir des sources de préoccupation, il y a environ neuf ans, j'ai commencé à renseigner mes anciens collègues du gouvernement pour les sensibiliser aux risques.
Ma principale préoccupation est la politique de la Chine sur l'intégration du développement technologique militaire et civil. C'est devenu une priorité absolue du gouvernement chinois à partir de 2014, et le président Xi préside lui-même la commission nationale pour le développement militaire et civil. Le risque pour le Canada, c'est que nos scientifiques universitaires établissent peut-être des partenariats avec des scientifiques ou des ingénieurs civils d'universités chinoises sans savoir que leurs recherches sont envoyées par des moyens détournés à l'Armée populaire de libération, ou APL. Comme je l'ai dit à maintes reprises, l'APL n'est pas notre amie.
Je suis heureuse de voir que le Comité reconnaît cet enjeu en relevant cinq domaines de recherche précis, qui sont tous des priorités pour l’APL, et en stipulant que d’autres domaines pourraient poser problème. L’Australian Strategic Policy Institute, ou ASPI, en a dressé une liste, et j’y ajouterais la science spatiale, la recherche polaire et la génomique. Le Canada ne devrait pas s'associer à la Chine dans ces domaines.
Le deuxième enjeu est la présence directe de scientifiques et d'ingénieurs militaires chinois dans nos universités et nos partenariats. Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, élabore des lignes directrices depuis son annonce du 14 février. L'ASPI a créé un outil pour compiler les universités et les laboratoires militaires chinois. Cette liste devrait être remise à tous les laboratoires universitaires et gouvernementaux canadiens, à qui on devrait conseiller de ne pas s'associer à des gens de ces établissements. Les employés des laboratoires doivent également faire preuve de diligence raisonnable à l'égard d'autres établissements, puisque les scientifiques chinois inscrivent parfois un autre établissement sur la liste pour dissimuler d'où ils viennent vraiment. Les provinces doivent faire partie de cette démarche.
Troisièmement, les chercheurs canadiens s’associent à des entreprises de technologies militaires et de surveillance chinoises comme SenseTime, Tencent, Alibaba, iFlytek et Huawei, qui travaillent avec l’armée et qui conçoivent et vendent de l’équipement pour réprimer les Ouïghours et d’autres groupes. Ces entreprises devraient être ajoutées à la liste que j'ai mentionnée. Nous savons ce que les députés pensent du génocide des Ouïghours. Les chercheurs canadiens devraient partager ces préoccupations.
C'est ce qui m'amène à la question de la liberté universitaire. Je comprends tout à fait que les chercheurs veulent pouvoir établir des partenariats avec qui bon leur semble. Je leur rappellerais simplement le point de vue éthique qu'ils devraient appliquer en tant qu'être humain ayant des valeurs canadiennes. S'ils avaient devant eux un Ouïghour ou un Taïwanais, ils auraient certainement honte de décrire leur rôle ayant contribué à la répression ouïghoure et aux armes pour attaquer Taïwan. N'oublions pas non plus le risque pour la réputation de leur université où de telles recherches sont menées.
Le gouvernement du Canada saisit la gravité des enjeux que j'ai soulevés et a pris de nombreuses mesures pour y réagir, y compris l'organisation de séances d'information à l'intention des administrateurs et des chercheurs universitaires; l'élaboration de lignes directrices faciles à comprendre pour protéger nos recherches; l'examen préalable des propositions aux conseils subventionnaires pour des raisons de sécurité nationale; et la disposition conditionnelle selon laquelle le gouvernement ne financera pas la recherche avec les organismes associés à l'APL.
Les récentes recommandations du Conseil canadien des affaires sont également importantes. On peut en faire plus, surtout pour harmoniser notre approche avec celle de nos alliés du Groupe des cinq.
Je vais m'arrêter ici. Merci.
Distingués membres du Comité et du personnel, je vous remercie de me donner l'occasion de participer à la réunion d'aujourd'hui. C'est un honneur d'être ici aux côtés de mon estimée collègue.
Je suis actuellement chercheuse principale au Centre pour la sécurité et les technologies émergentes de l'Université Georgetown. Auparavant, j'ai été agente nationale de contre-espionnage en Asie de l'Est pour les États-Unis et j'ai passé la majeure partie de ma carrière à examiner les stratégies de développement en sciences et technologies et d'acquisition de technologies de la Chine.
À la demande du Comité, mon témoignage d'aujourd'hui portera sur la coopération en sciences et technologies avec la Chine. Je donnerai un aperçu du régime de sciences et de technologies de la Chine, je décrirai en quoi les politiques et les programmes chinois défient les normes mondiales de la science et je parlerai enfin de la sécurité de la recherche.
Enfin, je vous ferai part de certaines leçons apprises et je ferai ressortir les tromperies.
Le problème ne touche pas seulement le Canada ou les États-Unis, mais toutes les démocraties ouvertes, parce que le système de la Chine est différent du nôtre. Il adopte une approche holistique à l'égard du développement de la technologie et il brouille les frontières entre les secteurs public, privé, civil et militaire. Nos politiques et nos stratégies d'atténuation doivent tenir compte de cette réalité.
Peu importe leurs opinions personnelles, les scientifiques, les gens d'affaires et les fonctionnaires chinois qui interagissent avec nos universités ou nos entreprises doivent répondre au gouvernement ou aux services de sécurité de la République populaire de Chine si on leur demande des renseignements ou des données.
La Chine intimide ses opposants et les réduit sans vergogne au silence. Ce phénomène n'a fait que prendre de l'ampleur au cours des dernières années, et il touche de plus en plus les citoyens à l'étranger, tant au Canada qu'aux États-Unis.
Nos établissements ne sont pas outillés pour contrer la menace à la liberté universitaire et la manipulation de l'opinion publique que posent les politiques et les actions de la Chine. À bien des égards, Pékin comprend nos tensions sociétales, et son habileté politique est dirigée contre elles; la Chine fait valoir que tout changement de politique constitue du profilage ethnique. Cet effort peut compter sur un financement généreux.
C'est en raison de ce dernier élément que je tiens à souligner à quel point ces questions peuvent être difficiles et complexes. La xénophobie ou le profilage ethnique n'ont pas leur place dans les démocraties libérales ouvertes. Ces attitudes vont à l'encontre de tout ce que nous défendons. De plus, précisément en raison de ces valeurs, nous devons aller de l'avant et trouver une façon fondée sur des principes d'atténuer les politiques d'un État-nation qui est de plus en plus autoritaire.
L'importance de la science et de la technologie est la raison pour laquelle la Chine cible nos universités et nos laboratoires. Les technologies émergentes sont de plus en plus au centre de la concurrence mondiale; elles offrent la recherche fondamentale et les développements qui sous-tendent les industries futures et stimulent la croissance économique. Le génie de l'avenir reposera sur la 5G, l’intelligence artificielle, la biotechnologie, les nouveaux matériaux, la science quantique et les domaines actuellement étudiés dans nos universités, nos laboratoires gouvernementaux et nos centres de recherche et développement.
Pékin considère cette technologie et l'infrastructure robuste de sciences et de technologies nécessaire pour la développer comme un actif national. La façon dont la Chine a structuré son système pour atteindre cet objectif va fondamentalement à l'encontre des principaux principes des normes mondiales, qui comprennent la transparence, la réciprocité et le partage. Pékin, en particulier le président Xi, voit ce développement dans une perspective à somme nulle. Mon mémoire écrit donne beaucoup plus de détails sur les politiques, les programmes et l'infrastructure qui appuient ces efforts.
Le système juridique de la Chine complique également les collaborations, car ses lois obligent ses citoyens à communiquer des renseignements et des données à des entités chinoises si on le leur demande, peu importe les restrictions imposées à ces renseignements. Plus important encore, à qui appartiennent ces renseignements? Je vous ai également fait part de ces points dans mon mémoire.
À l'avenir, nous devons tenir compte de ce qui suit.
Nous devons nous doter de politiques pour la Chine telle qu'elle existe et non pour la Chine que nous voulons. Jusqu'à présent, la plupart des mesures stratégiques ont été tactiques et n'ont pas été conçues pour contrer tout un système qui est structurellement différent du nôtre.
Il est essentiel que les démocraties libérales ouvertes comme le Canada et les États-Unis investissent dans l'avenir, mais nous devons intégrer la sécurité de la recherche dans ces programmes de financement. Les politiques et les lois actuelles ne suffisent pas à lutter contre l'influence que le Parti communiste chinois exerce dans notre société, surtout dans le milieu universitaire. Il faut commencer par imposer des exigences plus strictes en matière de déclaration de fonds étrangers dans nos instituts universitaires et de recherche ainsi que des exigences claires en matière de divulgation.
Il faut aussi assurer une réelle réciprocité dans nos collaborations. Depuis trop longtemps, nous fermons les yeux lorsque la Chine ne respecte pas les règles et ne donne pas suite aux détails des collaborations en sciences et technologies. Il doit y avoir des répercussions si on ne communique pas les données, si on donne accès aux installations et, comme ma collègue l'a mentionné, si on cache la véritable affiliation des scientifiques chinois.
En conclusion, ce qui compliquera également les choses, c'est que la réalité que représente la Chine ne convient pas à ceux qui en bénéficient à court terme. Cela comprend les entreprises qui cherchent à réaliser des profits rapidement, les universitaires qui profitent personnellement du financement ou de la main-d'œuvre bon marché dans leurs laboratoires et les nombreux anciens représentants du gouvernement qui se transforment en lobbyistes chèrement payés au service de sociétés d'État ou soutenues par l'État en Chine.
Je tiens à remercier encore une fois le Comité de poursuivre la discussion sur cette question.
Il s'agit là de conversations difficiles que les sociétés ouvertes et démocratiques doivent avoir si nous voulons protéger et promouvoir notre compétitivité, nos réalisations futures et nos valeurs. Si nous ne pointons pas du doigt les politiques de la Chine qui violent les normes mondiales et nos valeurs — et si nous n'y résistons pas —, nous ajoutons foi à un système qui mine l'équité, l'ouverture et les droits de la personne. Les Chinois méritent mieux, tout comme, je crois, les Canadiens et les Américains. Notre avenir en dépend.
Merci.
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Je me suis inquiétée du fait que les choses devraient aller plus vite, mais je sais qu'au sein du gouvernement et dans l'ensemble du gouvernement, les fonctionnaires ont essayé de comprendre exactement ce qui se passait et quels leviers ils avaient pour modifier le cours des choses.
L'un des problèmes, bien sûr, c'est qu'à l'échelon fédéral, le levier, c'est le financement fédéral en recherche et développement. Alors comment le gouvernement doit‑il aborder cela?
C'est quelque chose qui doit se faire en étapes. Ils ont commencé par des séances d'information à l'intention des administrateurs. Ils ont ensuite élaboré des lignes directrices très conviviales. J'ai été impressionnée par ce qu'ils ont pondu. Maintenant, ils sont rendus à l'application de contrôles de sécurité nationale pour les propositions soumises au Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada. Deux tiers de ces propositions ont déjà été renvoyés à leurs demandeurs. On leur a dit qu'elles étaient refusées parce qu'elles présentaient un risque pour la sécurité nationale. Voilà qui a de quoi inquiéter, puisque cela signifie que pendant toutes ces années, une forte proportion de propositions présentait un risque pour la sécurité nationale.
Je suis très heureuse que le gouvernement aille de l'avant et examine ce qu'il peut faire d'autre. J'attends avec impatience le rapport de ce comité, car je pense qu'il viendra s'ajouter à l'ensemble des travaux sur ce qui peut être fait de plus.
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La députée a elle-même très bien expliqué comment les gouvernements peuvent travailler ensemble.
J'ai passé mes huit premières années au gouvernement de l'Ontario, principalement dans le domaine des relations fédérales-provinciales. J'aimerais que les provinces soient présentes à chaque étape du processus et qu'elles participent au processus décisionnel quant à ce qui est communiqué aux universités.
Il sera donc important que les provinces fournissent des listes et des directives aux universités concernant les entreprises avec lesquelles elles ne doivent pas s'associer, par exemple, et qu'elles apportent une aide supplémentaire aux chercheurs universitaires.
Tout au long de ce processus, les provinces ont eu tendance à dire qu'il s'agit de sécurité nationale et que la sécurité nationale n'est pas de leur ressort — que c'est l'affaire du gouvernement fédéral —, mais le gouvernement fédéral a pris ses responsabilités. Il assume ses responsabilités et il peut aider les provinces à relayer le message à leurs universités.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je me permets d'abord de saluer nos collègues qui se joignent à nous. Je trouve intéressant que le gouvernement veuille ajouter de nouveaux membres à cet important comité. Depuis six mois, nous attendons la venue du . Tous les membres du Comité étaient d'accord pour l'inviter à venir témoigner et nous expliquer les décisions de son budget. À défaut de recevoir le ministre, nous accueillons maintenant d'anciens ministres parmi nous. Nous avançons, il faut le souligner.
Je reviens aux choses concrètes et à notre étude d'aujourd'hui.
Madame McCuaig‑Johnston, je vous félicite et vous remercie de votre engagement des 37 dernières années. Ce n'est pas banal. Vous avez de l'expertise en la matière, et nous sommes contents que vous soyez parmi nous aujourd'hui.
Lors de la dernière réunion du Comité, mercredi dernier, je vous ai citée en parlant des approches à privilégier dans les cas de collaboration scientifique. Vous aviez déclaré qu'un ensemble de règles différentes devrait s'appliquer dans l'évaluation des collaborations scientifiques avec des chercheurs issus de régimes autoritaires, comme la Russie ou la Chine. Différents témoins nous ont fait part de leurs opinions mitigées sur cette proposition. M. Gordon Houlden a souligné la nécessité de s'attarder également au sujet de la recherche, alors que Mme Cherie Wong, une autre témoin, a parlé d'une approche sans égard au pays.
Pouvez-vous parler en détail de votre approche? Par ailleurs, que pensez-vous des positions des autres témoins?
En fait, nous n'avons pas encore commencé à remettre les listes aux universités. Nous avons dit que tout ce que ces dernières proposent et que les conseils subventionnaires — en consultation avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité — jugent délicat sera examiné. Ce que nous devons vraiment faire, c'est donner les listes des établissements aux universités et leur dire qu'elles ne s'associeront à aucune d'entre elles.
Je pense en outre — et M. Houlden l'a également laissé entendre — que cela a aussi à voir avec les sujets et les disciplines. Même pour quelque chose d'apparemment innocent dans une université civile, nous savons que, dans le cadre de la politique d'intégration du développement technologique civil et militaire, les chercheurs civils sont obligés de s'associer à l'armée chinoise si on le leur demande. C'est ce qui m'a amené à me préoccuper de cette situation il y a de nombreuses années.
Il s'agit à la fois d'une liste d'établissements et d'une liste de sujets. Je pense que le pire scénario serait que les universités reçoivent simplement une liste très restreinte d'universités dont les noms contiennent les mots « militaire » ou « défense ». Ce ne serait pas du tout suffisant.
C'est ainsi que les chercheurs voient les choses. Ils déclarent ce qui suit: « Mes amis qui vivent en Chine et que je connais depuis 25 ans ne feraient jamais rien d'inconvenant ». Toutefois, lorsque des chercheurs militaires participent au processus de recherche, ils peuvent réorienter la recherche vers les priorités qu'ils poursuivent au sein de l'APL, que ce soit par l'intermédiaire du National University of Defense Technology, ou NUDT, ou d'une université civile qui travaille en partenariat avec l'armée chinoise.
Nous entendons souvent l'expression « double usage ». Cette expression donne l'impression qu'il s'agit d'un équipement qui se trouve sur une étagère quelque part et que l'on peut l'utiliser pour fabriquer du matériel de défense ou un dispositif du domaine civil, comme un avion ou quelque chose d'autre. Quiconque vous parle de double usage dans le contexte du programme de fusion militaire et civile de la Chine ne sait pas de quoi il parle, à mon avis, parce que c'est une approche beaucoup trop simpliste. Les choses sont beaucoup plus nuancées. Le fait que des chercheurs chinois — même ceux qui travaillent en partenariat avec des chercheurs civils, qui à leur tour travaillent en partenariat avec des Canadiens — fassent partie de ce processus de recherche redirigera l'innovation canadienne vers l'armement de l'APL, et nous ne saurons jamais comment cela s'est passé. Cela se produit parce que le système de recherche chinois n'est pas transparent.
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Merci, monsieur le président.
Mes questions s'adressent aux deux témoins, qui seront dans la meilleure position pour y répondre.
J'aimerais connaître leur opinion sur le témoignage que nous avons entendu la semaine dernière, selon lequel la compétitivité du Canada, notamment avec la Chine, pourrait aiguiser l'appât du gain chez certains chercheurs. Je pense que vous connaissez l'état de la situation.
Les investissements du gouvernement fédéral en recherche‑développement ont diminué au cours des 20 dernières années. Pourtant, la Chine a considérablement augmenté ses investissements: de moins de 1 % de son PIB, en 2000, ses investissements frôlent maintenant les 2,5 %. Quant à lui, le Canada investissait 2 % de son PIB au début du millénaire, et, en 2020, il a investi un peu plus de 1,5 %.
Le fait que certains chercheurs étaient intéressés à faire affaire avec certains pays a-t-il déjà compromis la sécurité nationale de la recherche?
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C'est fantastique. Je vous remercie toutes les deux de vos témoignages.
Je remercie les membres du Comité de leurs excellentes questions.
Je vous remercie encore une fois, Mme McCuaig-Johnston et Mme Puglisi, d'avoir été avec nous aujourd'hui pour participer à notre étude. Comme nous avons dû couper court à certaines questions, si vous avez de l'information supplémentaire à nous fournir, veuillez l'acheminer à la greffière. De plus, si vous avez des questions, la greffière est là pour nous aider dans toute la mesure du possible.
Nous allons maintenant suspendre la séance brièvement. Si M. Cannings peut rester en ligne, nous allons accueillir nos prochains témoins. Nous devrions reprendre dans trois ou quatre minutes, alors ne vous éloignez pas trop.
Je vous remercie encore une fois.
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Nous reprenons, et bon retour à tous.
Nous allons passer à notre prochain groupe de témoins. Nous avons eu des discussions fort intéressantes au cours de la première heure, et j'attends avec impatience celles qui vont suivre.
Nous menons cette étude conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 5 décembre 2022. Le Comité entreprend son étude sur les répercussions à long terme de l'écart salarial entre les sexes et des groupes en quête d'équité dans le corps professoral des universités canadiennes.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons tout d'abord, Airini, provost et vice-présidente académique, de l'Université de la Saskatchewan, et Joy Johnson, présidente, de l'Université Simon Fraser, qui témoigne par vidéoconférence.
Je vous remercie toutes les deux d'être avec nous aujourd'hui.
Nous allons commencer par la déclaration liminaire d'Airini. Vous avez cinq minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
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Bonjour. Je vous remercie sincèrement de votre invitation à venir témoigner.
Je m'appelle Airini. Je suis professeure spécialisée en équité dans l'enseignement supérieur. Au cours de ma carrière, j'ai travaillé pour des gouvernements, l'OCDE et les Nations unies, et j'occupe aussi le poste de provost et vice-présidente académique à l'Université de la Saskatchewan.
J'aborderai aujourd'hui trois sujets: le contexte entourant les écarts salariaux à l'Université de la Saskatchewan, les mesures que les universités peuvent prendre et les mesures que le gouvernement fédéral peut prendre. Ensemble, nous pouvons faire progresser la science et la recherche au profit d'un Canada plus équitable et plus prospère.
L'Université de la Saskatchewan est semblable à de nombreuses universités au pays. Actuellement, dans la nouvelle cohorte de professeurs adjoints, nous avons plus de femmes que d'hommes. Au cours de la prochaine décennie, nous nous attendons à ce que les femmes représentent près de 50 % des professeurs titulaires.
Malgré ces bonnes nouvelles, nous savons qu'il existe un écart salarial, en particulier à l'échelon des professeurs titulaires. Nous suivons des points de données précis. Nous nous efforçons d'évaluer les performances de manière inclusive et d'appliquer une rémunération équitable pour les professeurs féminins, autochtones, de couleur, 2SLGBTQIA+ et ceux qui ont un handicap.
Les causes de l'écart salarial entre les sexes que nous constatons concernent l'échelon des professeurs titulaires et des personnes qui accèdent à ce rang, les salaires de départ et la productivité de la recherche. Les responsabilités liées aux soins aux personnes âgées et aux enfants influent sur la productivité, comme nous l'avons constaté en particulier pendant la pandémie. Mon collègue, le professeur Scott Walsworth, et d'autres ont récemment écrit sur ce sujet. Il y a le travail de service qui prend beaucoup de temps, l'accroissement de la tâche d'enseignement, et il y a aussi la discrimination en milieu de travail et les réalisations des femmes qui sont dévaluées et sous-estimées. Cela semble indiquer qu'en plus des mesures qui ciblent l'écart salarial entre les sexes, il faut des mesures qui ciblent l'écart salarial lié à la discrimination.
Que peut donc faire une université pour s'attaquer à ce problème d'inégalité entre les sexes?
En 2015, l'Université de la Saskatchewan a instauré l'augmentation relative à l'équité salariale entre les sexes, qui a été négociée avec l'association des professeurs et a servi à augmenter le salaire de base. Cette mesure a permis de réduire l'écart salarial de 2 % pour les professeurs féminins. Il s'agissait toutefois d'une solution de fortune, et nous travaillons sur des solutions systémiques, notamment la progression de carrière, la formation à l'EDI — l'équité, la diversité et l'inclusion —, la lutte contre la discrimination, la flexibilité des modalités de travail et l'accès aux services de garde d'enfants. Nous savons que des provinces et des établissements ont instauré la transparence salariale. La recherche a montré que cela peut réduire l'inégalité entre les sexes et réduire les salaires.
Au sujet de l'écart de salaire qui concerne les Autochtones et les personnes visées par l'équité, la diversité et l'inclusion, notre université a instauré en 2023 une politique de vérification de la citoyenneté autochtone. Cela signifie que nous pouvons désormais effectuer un suivi des mesures d'inégalité comme la rémunération. À l'instar d'autres universités, l'Université de la Saskatchewan procédera à un recensement périodique de l'équité, et les données obtenues nous permettront d'examiner la diversité et les écarts salariaux entre les sexes et de déterminer les mesures à prendre. Nous avons dû mettre en place des politiques pour pouvoir commencer ce travail.
L'inégalité entre les sexes aura deux répercussions à long terme: l'une sur les pensions — et nous savons que le Comité a entendu parler des recherches menées par la professeure Smith-Carrier et son équipe sur l'écart entre les salaires et les pensions des hommes etdes femmes, qui est d'environ un demi-million de dollars et s'accroît tout au long de la carrière d'un professeur féminin —. et l'autre sur le recrutement de talents en science et recherche. Si le Canada veut recruter des chercheurs de haut niveau dans un marché mondial hautement concurrentiel, il est indispensable qu'il se démarque au chapitre de l'égalité des sexes et de l'inclusion. Autrement, nous risquons de continuer à perdre des scientifiques féminins et en quête d'équité malgré leurs hauts niveaux de productivité et de potentiel.
Vous vous dites sans doute que la majeure partie des mesures nécessaires pour remédier à l'écart salarial dans les universités seront du ressort des universités, et c'est vrai. Néanmoins, le gouvernement pourrait envisager trois leviers de changement: les investissements, le leadership et l'information.
Sur le plan des investissements, les conseils subventionnaires sont la principale voie par laquelle le gouvernement peut exercer des pressions. Le gouvernement pourrait souhaiter demander aux universités les données qu'elles récoltent et s'en servir pour orienter ses politiques. C'est ce que les chaires de recherche du Canada ont fait avec beaucoup de succès. Les conseils subventionnaires pourraient demander aux bénéficiaires de subventions de garantir l'équité salariale au sein de leurs équipes de recherche.
Sur le plan du leadership, le rapport du Comité sera important, car les écarts salariaux ont des répercussions sur la science et la recherche. Le gouvernement pourrait demander que les résultats sectoriels fassent l'objet d'un rapport.
Sur le plan de l'information, des audits continus sur les salaires et le genre sont déjà en cours grâce au Cadre des résultats relatifs aux genres du gouvernement. De pair avec les universités, ce cadre pourrait servir à produire des études de cas, tout d'abord sur les écarts salariaux constatés chez les professeurs des universités canadiennes.
En conclusion, chacun a le droit d'être rémunéré équitablement. Le gouvernement et les universités peuvent travailler ensemble pour attirer et retenir les talents nécessaires à l'avancement de la science et de la recherche au profit d'un Canada plus équitable et plus prospère.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup. Je vais probablement faire écho à certains points d'Airini dans son excellent exposé.
Je veux remercier le Comité de son invitation à témoigner aujourd'hui. Je tiens à souligner que je m'adresse à vous aujourd'hui depuis les territoires traditionnels non cédés des peuples Musqueam, Squamish, Tsleil-Waututh et Kwikwetlem qui se trouvent sur la pluvieuse côte Ouest.
Je vous suis reconnaissante de pouvoir participer à ce dialogue.
À l'Université Simon Fraser et dans les universités du secteur postsecondaire, nous sommes conscients de l'importance de la diversité des points de vue et des perspectives. Dans un secteur historiquement dominé par les hommes, comme l'ont été les universités par le passé, nous prenons très au sérieux la question de la diversité des genres au sein du corps professoral.
L'université a fait d'importants progrès en augmentant le nombre de professeurs féminins, mais nous savons aussi que ces chiffres ne reflètent pas toute la réalité. La Colombie-Britannique a l'un des écarts salariaux entre les sexes les plus élevés au Canada, les femmes y gagnant 17 % de moins que les hommes en 2022. Ce problème systémique se retrouve dans l'ensemble du réseau d'enseignement postsecondaire.
En 2015, l'université a réalisé une étude sur les disparités salariales entre les sexes dans son corps professoral. L'étude a révélé que même si nous faisions des progrès en matière de parité hommes-femmes, la représentation accrue ne se traduisait pas par une hausse du salaire des femmes par rapport à celui des hommes. À l'époque, cet écart salarial était d'environ 10 %.
Il est intéressant de noter que ce résultat ne semble s'appliquer qu'aux professeurs-chercheurs. Nous n'avons trouvé aucune preuve d'un écart salarial entre les hommes et les femmes parmi nos professeurs-enseignants. Nous avons également constaté que l'écart salarial entre les hommes et les femmes parmi les professeurs-chercheurs était largement attribuable à ce que nous appelons des suppléments salariaux « hors échelle », ou à ce que l'on pourrait considérer comme des primes de marché, plutôt qu'à un écart entre les hommes et les femmes dans le classement sur l'échelle des salaires de base.
Nous avons également constaté que les professeurs qui prennent des congés parentaux ou médicaux, quel que soit leur sexe, ont moins de chances d'être promus, et nous continuons donc à conclure que l'écart salarial entre les hommes et les femmes est réel et systémique. Cependant, il s'agit d'un phénomène complexe, avec de nombreux facteurs qui se chevauchent. C'est pourquoi la présente conversation est si importante.
J'aimerais vous donner un bref aperçu de certaines des mesures que nous prenons à l'université pour combler l'écart.
À l'instar de l'Université de la Saskatchewan, nous avons procédé en 2016 à des rajustements salariaux pour commencer à combler l'écart. Ces rajustements comprenaient une augmentation de salaire permanente de 1,7 % pour nos professeurs féminins, ainsi qu'une allocation financière supplémentaire de 1,7 %. Depuis, nous avons constaté que l'écart salarial chez les professeurs-chercheurs se réduit. Il était de 10 %, et il est aujourd'hui de l'ordre de 7 %.
Il y a encore des progrès à faire.
L'un des plus grands défis que nous ayons eu à relever pour approfondir la question a été le manque de données exhaustives. Au cours des dernières années, nous avons été de plus en plus préoccupés par les limites des données et les données administratives qui reproduisent la conception binaire du genre, ainsi que par l'absence d'informations sur d'autres dimensions de la diversité pertinentes pour comprendre les inégalités salariales. Nous avons une nouvelle vice-présidente responsable des personnes, de l'équité et de l'inclusion. Dans son travail, elle s'emploie à s'attaquer à ce problème.
En Colombie-Britannique, plusieurs lois ont été adoptées récemment, notamment une loi sur la transparence salariale et une loi de plus grande portée pour lutter contre le racisme. Nous pensons qu'il s'agit là de mesures législatives importantes qui nous aideront dans notre travail.
Nous nous efforçons également de réduire les disparités pour d'autres groupes visés par la Loi sur l'équité en matière d'emploi, notamment les personnes handicapées, les Autochtones et les minorités visibles.
Une grande partie de ce travail repose sur une meilleure collecte de données. À cette fin, nous mettons en place un cadre de données sur la diversité au niveau organisationnel. L'objectif, en fin de compte, est de recueillir de meilleures données, de faire un suivi et de réfléchir très attentivement à nos objectifs en matière de diversité et aux moyens de nous donner un campus plus équitable et plus inclusif.
Lorsque je suis devenue présidente en 2020, j'ai fait de l'équité, la diversité et l'inclusion l'une de mes priorités. Je pense que c'est une question très importante pour nous tous. Je tiens à dire qu'il reste encore beaucoup de travail à faire. Je suis fière des progrès que nous avons accomplis, tout en étant consciente que nous n'avons pas encore atteint notre but.
J'ai hâte de répondre à vos questions et de participer à la discussion.
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Merci, monsieur le président.
Merci, chers collègues, pour cet accueil chaleureux au sein de votre comité.
Je vis cette vie depuis 20 ans. À l'époque, je l'ai également vécue par l'entremise de mon ex‑conjointe. Nous appartenions tous deux au même groupe d'universitaires, qui évoluaient ensemble au sein de l'université.
Il existe un parti pris inhérent, pas uniquement pour les postes d'enseignement, mais pour tous les postes. Dans notre cas, c'était un tiers pour l'enseignement, un tiers pour la recherche et un tiers pour les services. Pour tous les exercices liés au mérite et à l'avancement, on accordait bien plus de poids au tiers de la recherche qu'au tiers des services, ce qui, au fil du temps, a créé des écarts exponentiels, car, comme le souligne l'un des documents qui nous ont été transmis, pour une raison ou pour une autre, les femmes, plus particulièrement, sont souvent davantage associées aux services.
J'aimerais poser une question plus particulièrement à Mme Johnson: Qu'est‑ce qui fonctionne?
Depuis la fin des années 1990, nous disposons au Québec d'un très bon système de garde d'enfants. Ma famille en a beaucoup bénéficié à une époque. Il a bien aidé deux universitaires à l'époque. Existe‑t‑il des différences régionales basées sur des politiques comme celles relatives à la garde d'enfants ou des politiques ciblées que certaines universités ont pu adopter pour traiter la question de l'équité salariale au fil des ans? Qu'est‑ce qui a fonctionné?
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Oui, je pense que certaines choses ont fonctionné. J'estime que la garde d'enfants en fait partie. Nous disposons sur notre campus d'une garderie accessible à nos enseignants et à notre personnel, mais elle est sursollicitée. Il n'y a pas assez de places. Je pense que ce service peut faire une grande différence.
Je pense que la formation sur un grand nombre de préjugés inconscients que nous dispensons désormais aux comités d'embauche fonctionne également. J'estime qu'elle est très utile. En toute franchise, il existe une tradition au sein des universités qui veut que les gens se remplacent eux‑mêmes. Le corps professoral est majoritairement masculin et blanc, et ses membres pensent que c'est ce à quoi ressemble l'excellence. Il y a un sentiment de remplacement ou une conception de l'excellence qui se résume à un certain type de productivité.
Pour répondre à votre question, je pense qu'il a été largement documenté que les femmes se sont investies dans les universités en présidant des comités, en participant à des groupes de travail, etc. Je crois que les chefs de département, les présidents et les doyens examinent maintenant très attentivement cette question pour veiller à ce que le travail soit mieux réparti.
Voilà quelques-unes des mesures qui peuvent, selon moi, être utiles. Je pense que nous devons continuer de réfléchir à l'établissement de rapports, rester transparents à ce sujet, essayer d'aider les départements et les facultés à comprendre où ces lacunes commencent à apparaître et comment ils peuvent y remédier.
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Merci, monsieur le président.
Je salue les témoins qui se joignent à nous pour la deuxième heure de la réunion.
Ma première question s'adresse à Mme Johnson.
J'ai pris le temps d'analyser un rapport qui concerne une étude sur l'écart salarial entre les sexes au sein du corps professoral des universités canadiennes. Cette étude a été menée sur une période de 10 ans, soit de 1996 à 2016. Bien sûr, elle ciblait les 15 plus grandes universités canadiennes. Dans cette étude, on notait que la rémunération des hommes était, en moyenne, de 2,14 % supérieure à celle de leurs collègues féminines. L'étude a aussi relevé que les écarts étaient d'autant plus importants au sein des grandes universités de recherche du Canada, aussi connues sous le nom « U15 ».
Madame Johnson, avez-vous des hypothèses qui expliquent pourquoi les écarts salariaux entre les hommes et les femmes sont plus importants au Regroupement des universités de recherche du Canada, le U15?
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C'est une question intéressante. Je pense que ma collègue de la Saskatchewan y a fait allusion.
Le Programme de chaires de recherche du Canada est un programme fédéral. Il a introduit des directives très claires sur l'équité pour ce qui est de la distribution de ces chaires, et a créé des exigences en matière de production de rapports. Les universités ont réagi, lentement, certes, mais elles ont réagi.
J'estime qu'il est important de cerner les leviers existants au niveau fédéral. Je pense qu'ils passent principalement par les conseils subventionnaires. Comme vous le savez, l'enseignement postsecondaire relève de la compétence des provinces, mais le financement de la recherche relève du gouvernement fédéral, par l'intermédiaire des trois conseils et de leurs différents programmes, comme le Programme des chaires de recherche du Canada, les programmes des conseils subventionnaires et le Programme des chaires d’excellence en recherche du Canada.
Nous avons constaté que les trois conseils avaient commencé à s'assurer que les enjeux liés à l'équité étaient pris en compte, mais ces efforts se limitent à la représentation. Ils n'approfondissent pas davantage la question de l'écart salarial. Ils veulent s'assurer que les universités créent des opportunités pour les femmes, les personnes handicapées, les personnes autochtones et les personnes noires et de couleur, etc. Toutefois, ils ne vont pas plus loin et ne tentent pas de déterminer si ces personnes jouissent également d'une véritable équité salariale.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais me concentrer sur les recommandations que le Comité pourrait présenter au gouvernement fédéral et qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. Je sais, Airini, que vous avez commencé à faire quelques suggestions, et vous aussi, madame Johnson. Je pense que ces deux programmes étaient principalement axés sur les leviers fédéraux de financement de la recherche.
Je considère qu'il est très important que nous nous penchions sur cette question. En ce qui concerne vos deux points de vue, il importe de souligner que je pense qu'il s'agit d'une question de compétitivité des talents pour le Canada ainsi que d'une question d'équité, mais comme vous l'avez mentionné, madame Johnson, une partie de la question relève des gouvernements provinciaux.
Je tiens à dire, aux fins du compte rendu, qu'il y a eu quelques débats dans une province sur la question des chaires de recherche du Canada, particulièrement au Québec. Un professeur d'histoire du Collège Dawson de Montréal a déposé une plainte en matière de droits de la personne contre l'Université Laval et le Programme des chaires de recherche du Canada, alléguant que ces changements étaient discriminatoires. Par la suite, le ministre de l'Éducation du Québec a présenté une motion — en décembre dernier, je pense — dans laquelle il demandait à l'Assemblée nationale d'exprimer sa préoccupation au sujet de l'exclusion de certains candidats de l'obtention des chaires de recherche du Canada sur la base de critères qui ne sont pas liés à la compétence.
La question me semble être un peu une pomme de discorde. Y a‑t‑il des façons dont le gouvernement fédéral pourrait peut-être aider à régler cette question sans que cela ne l'amène à se battre avec les provinces, particulièrement avec le Québec, compte tenu de certaines des préoccupations qui ont été soulevées à l'Assemblée nationale?
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Je vous renvoie à la Déclaration d'Universités Canada sur l'excellence inclusive. Je pense que c'est une excellente déclaration. Pour être claire, nous voyons de temps à autre une dynamique semblable à l'œuvre à notre université, où certains groupes se sentent exclus en raison des exigences relatives aux chaires de recherche du Canada.
Les choses changent, cependant, et on fait appel à des gens qui n'étaient pas invités à la table et on reconnaît des gens qui ne l'étaient pas par le passé. Je pense que c'est une bonne chose. En fait, c'est bon pour la recherche, car cela fait intervenir toute une gamme de points de vue différents. Cela favorise vraiment l'excellence, et nous le savons, mais il y a de la résistance, parfois légère, parfois forte. En Colombie‑Britannique, la question n'a pas soulevé de problème.
Cela dit, il y a certains éléments, au sein de notre université, qui se sont opposés à ces mesures de temps à autre, mais je pense que ce que nous observons...
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Ce sont des points récurrents, bien que j'en aie un nouveau à ajouter.
Les cas récurrents concernent les postes de professeur titulaire: qui obtient ces postes et en combien de temps.
Il y a aussi les salaires de départ. Nous connaissons l'effet cumulatif du salaire de départ. Le Comité se penche sur les répercussions à long terme des écarts salariaux.
L'autre chose que nous constatons — et qu'il est très important de garder à l'œil —, c'est l'incidence de la COVID sur le parcours de recherche des femmes membres du corps professoral.
Mon collègue, M. Scott Walsworth, et d'autres collègues se sont penchés sur les répercussions de la COVID. Ils ont constaté qu'il y avait des preuves d'un déclin perçu de la productivité plus marqué chez les femmes que chez les hommes pendant la pandémie.
Le fait d'être le principal fournisseur de soins constitue l'une des principales causes du problème. Ce n'est pas tant le nombre d'enfants, mais le fait d'être le fournisseur de soins principal dans le ménage qui compte. La recherche, qui est très utile pour préparer le terrain pour d'autres études et une surveillance plus poussée de cette question, nous oblige à repenser, potentiellement, les critères de promotion sur un horizon de 10 ans, et à réfléchir de nouveau à ce qu'il faut faire pour poursuivre une carrière universitaire, pour être actif dans le domaine des sciences et de la recherche et pour contribuer aux soins primaires. Nous avons des exemples à l'échelle internationale de la façon dont une vision plus inclusive contribue à faire progresser la reconnaissance du rendement des gens.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais continuer à parler des pistes de solution. On a vu le portrait de la situation, et les données contenues dans certaines études démontrent qu'il y a réellement un problème du côté des écarts salariaux.
Madame Johnson, tout à l'heure, vous avez dit que des mécanismes étaient déjà en place, dont des fonds fédéraux pour les organismes subventionnaires et les chaires de recherche, afin d'atténuer l'écart salarial ou de respecter l'équité salariale.
Selon vous, les problèmes en lien avec tout ce qui touche les fonds octroyés par le fédéral ont-ils été réglés? Selon vous, reste-t-il encore des disparités concernant l'écart salarial, tant du côté des chaires de recherche que de celui des trois organismes subventionnaires? Aujourd'hui, peut-on dire que c'est réglé et passer à autre chose? Peut-on maintenant se concentrer sur les politiques qui touchent directement les universités, le gouvernement du Québec ou ceux des autres provinces?
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Je vous remercie de cette question. Je ne pense pas que le problème ait été résolu avec le Programme des chaires de recherche du Canada, parce que tout ce que le programme a fait, c'est assurer une représentation diversifiée sur le plan des chaires de recherche du Canada. Cela n'a pas réglé la question de la paye.
C'est intéressant. Je réfléchis à ce qui pourrait être fait à l'échelon fédéral, et je dirais que les universités doivent présenter une demande et être reconnues comme un établissement qui peut obtenir des fonds des trois conseils. Habituellement, cette reconnaissance est fondée sur la présence de bonnes fonctions de vérification, la capacité de gérer les fonds et ce genre de critères, mais il y a d'autres leviers qui pourraient être utilisés pour indiquer qu'une université est admissible à un financement du gouvernement fédéral afin d'obtenir des fonds des trois conseils. Par exemple, l'établissement devrait avoir certaines politiques et pratiques en place.
Il n'y a pas eu beaucoup de progrès à cet égard. Certains de mes collègues présidents m'en voudront d'avoir suggéré ce qui suit, mais je pense que nous devons envisager à la fois la carotte et le bâton, et ce serait un bâton qui pourrait être utilisé et auquel on pourrait réfléchir.
Encore une fois, c'est ce à quoi je réfléchis. Quels sont les leviers réglementaires que le gouvernement fédéral peut utiliser pour nous aider à régler ce problème?
J'aimerais poursuivre avec Mme Johnson en ce qui concerne mon dernier point. Cela s'écarte peut-être un peu de la question à l'étude, soit l'écart salarial, mais il me semble que l'une des choses que le gouvernement fédéral fait et qu'il pourrait faire mieux, c'est de financer les étudiants — qu'ils soient à la maîtrise, au doctorat ou au postdoctorat — qui sont en train de devenir des chercheurs et de travailler dans les universités dont nous parlons aujourd'hui, et de financer adéquatement les bourses d'études et de recherche qui sont gelées depuis 20 ans.
C'est le grand filtre, je pense, qui écarte les femmes qui essaient de faire progresser leur éducation, parce qu'elles font les choses dont vous avez parlé, comme prendre soin de leur famille. Il écarte les personnes de couleur et les personnes à faible revenu.
Je me demande si ce facteur pourrait avoir une incidence à cet égard.
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Merci beaucoup d'avoir soulevé ce point.
Le soutien aux étudiants des cycles supérieurs est absolument essentiel pour nous, au Canada. Comme vous l'avez souligné, le financement est gelé depuis 20 ans, et je suis profondément préoccupée par les obstacles qui empêchent les gens de faire des études supérieures. Ils n'ont tout simplement pas le soutien nécessaire. Nos étudiants des cycles supérieurs nous le disent continuellement, et je pense, comme vous l'avez dit, que nous l'entendons surtout de la part des femmes qui ont peut-être des responsabilités en matière de soins aux d'enfants. Pour d'autres groupes, ce financement a réellement une incidence.
Nous demandons depuis longtemps que le gouvernement corrige la situation, et je pense que nous devons examiner la question dans son ensemble, comme vous l'avez souligné, pour nous assurer que les talents entrent dans le système. Encore une fois, c'est un domaine où il pourrait y avoir des exigences en matière de représentation, et il devrait y en avoir.
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Vous lisez dans mes pensées. En ce qui concerne la dernière question, je pensais aux chercheurs en début de carrière et à l'équité à cet égard, parce que nous savons que c'est aussi un groupe sous-représenté. Ceux qui sont financés ont tendance à recevoir du financement, mais ceux qui en sont aux premières étapes sont souvent négligés.
Je remercie Airini et Mme Johnson de cette discussion très intéressante et de leur participation à notre étude sur les répercussions à long terme de l'écart salarial entre les sexes et des groupes en quête d'équité. S'il y a d'autres renseignements qui peuvent nous aider à nous informer, je pense que notre comité a l'avantage de pouvoir réunir les débats afin que d'autres universités puissent également voir de quoi nous parlons. Bien sûr, elles pourraient aussi soumettre des commentaires et des mémoires.
Nous nous réunirons le mercredi 27 septembre pour reprendre ces deux études. Je vous rappelle rapidement qu'il y a des activités de défense des droits sur la Colline en ce moment. Le groupe Soutenir notre science se réunit dans la salle 306 de l'édifice de la Bravoure jusqu'à 19 heures. Ses membres aimeraient rencontrer des gens qui s'intéressent à la science, si vous avez le temps.
Cela mis à part, je voudrais lever la séance.
M. Maxime Blanchette‑Joncas: Je le propose.
Le président: Merci, monsieur Blanchette‑Joncas.
Merci à tous pour cette excellente réunion. Nous nous reverrons mercredi.
La séance est levée.