[Français]
Je vous souhaite la bienvenue à la 21e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les membres participent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 16 juin, nous nous réunissons pour étudier la question de la recherche et de la publication scientifique en français.
[Français]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés. Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l'interprétation, pour ceux qui utilisent l'application Zoom, vous avez le choix de canal, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré. Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
Les membres présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Les membres qui utilisent Zoom sont priés d'utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même allons gérer l'ordre des interventions du mieux que nous pouvons, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
[Français]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
[Traduction]
Chers collègues, j'ai maintenant l'honneur de présenter les témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Nous sommes très heureux qu'ils aient accepté de se joindre à nous, en particulier ce soir.
Beaucoup parmi vous ont des enfants et c'est une soirée occupée. Joyeuse Halloween à tous.
[Français]
Du Consortium Érudit, nous accueillons Mme Tanja Niemann, directrice générale. De l'Université du Québec en Outaouais, nous accueillons M. Adel El Zaïm, vice-recteur à la recherche, à la création, aux partenariats et à l'internationalisation.
[Traduction]
Chacun disposera de cinq minutes pour sa déclaration préliminaire. Au bout de quatre minutes et demie, je vous montrerai ce carton. Vous saurez alors qu'il vous reste 30 secondes. Nous voulons être justes, alors vous ne pourrez pas dépasser ces 30 secondes.
Sur ce, je souhaite la bienvenue à Mme Niemann.
Vous avez la parole. Bienvenue. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Chers membres du Comité, je vous remercie de me recevoir. L'équipe et les membres du Consortium Érudit se joignent à moi pour vous dire que nous sommes honorés de pouvoir témoigner dans le cadre de cette importante étude sur la recherche et la publication en français. D'entrée de jeu, j'aimerais souligner trois choses au Comité.
Premièrement, sachez que le Canada possède en Érudit un joyau de la diffusion numérique des connaissances en sciences humaines et sociales en français, et aussi en anglais. En effet, depuis près de 25 ans, les membres fondateurs, soit l'Université de Montréal, l'Université du Québec à Montréal et l'Université Laval, investissent dans le Consortium Érudit. À cela se sont ajoutés des investissements d'envergure du gouvernement du Québec et, ensuite, du gouvernement du Canada par l'intermédiaire de deux agences, soit la Fondation canadienne pour l'innovation et le Conseil de recherches en sciences humaines. Grâce à ces fonds publics et à une capacité à fédérer les acteurs du milieu de la recherche, notamment les bibliothèques universitaires du Canada et de l'étranger, Érudit est devenu aujourd'hui un magnifique navire qui a le vent dans les voiles. Il constitue une réussite qui doit être soulignée. Le projet est né au Québec et, aujourd'hui, c'est un franc succès canadien.
Si vous voulez une bibliothèque numérique, la plateforme erudit.org offre une vitrine exceptionnelle en diffusant plus de 140 000 articles et en collaborant avec plus de 200 revues savantes d'ici dans des disciplines aussi diverses que la criminologie, la géographie, les arts visuels, l'histoire ou les sciences de la santé. Erudit.org est une infrastructure numérique combinant une technologie à la fine pointe et un savoir-faire humain. Les contenus sont diffusés, dans la très grande majorité des cas, sans frais pour les lecteurs, ils sont donc accessibles pour tous nos concitoyens: les universitaires, mais aussi, et surtout, le grand public. Nous œuvrons à la découvrabilité de la science en français et sommes engagés dans la diffusion du savoir en libre accès. La plateforme Érudit est très utilisée. Près de 34 millions de documents sont téléchargés annuellement, et ce, par 5,6 millions d'usagers. Près des deux tiers de ces consultations proviennent de l'étranger, ce qui démontre très bien que les connaissances produites au Canada sont recherchées internationalement.
Je remercie vivement tous ceux qui croient en Érudit, ceux qui nous soutiennent financièrement et comme partenaires-collaborateurs. Merci enfin aux milliers de chercheurs et chercheuses qui utilisent les services d'Érudit au quotidien.
Deuxièmement, je vous dirais que, en haute mer, là où navigue Érudit, il y a des défis immenses, des vagues à surmonter et des tempêtes. Le plus important défi en ce moment est d'être en mesure de rivaliser avec des titans, des mégaentreprises internationales. L'oligopole des grands éditeurs, dont il a déjà été question dans ce comité, diffuse peu la science en français, parce que celle-ci n'est pas assez rentable. Dans ce contexte, sans des acteurs comme Érudit, la science en français ne serait tout simplement pas diffusée ou le serait seulement pour un petit groupe capable de se la payer. Avec Érudit, le Canada préserve le patrimoine scientifique en sciences humaines et sociales, garde le contrôle sur les résultats de la recherche produite au sein des établissements et conserve ces connaissances et ces données sur des serveurs locaux pour les exploiter de façon autonome, sans impératifs commerciaux. Avec Érudit, nous soutenons aussi une fonction centrale des revues dites nationales et indépendantes, soit celle de fournir un lieu de publication pour les résultats des recherches qui portent sur des problématiques spécifiquement canadiennes, susceptibles de toucher directement notre société.
Troisièmement, et en guise de conclusion, je vous dirais que, en haute mer, là où navigue Érudit aujourd'hui avec ceux et celles qui dirigent ces revues savantes canadiennes, la mer est très agitée. Nous vivons une époque de turbulences et de changement. Il y a à la fois de grandes possibilités et des risques. Je vous dirais qu'il faut se réapproprier l'édition savante et cela nécessite du financement public stable et prévisible, ainsi que des politiques et des programmes de financement qui privilégient le modèle non commercial, la science ouverte, la valorisation et la reconnaissance des chercheurs et des chercheuses qui assurent la direction des revues, l'encadrement, la rédaction, l'évaluation et la révision des articles. Valoriser la production des connaissances en français à sa juste hauteur en tant que bien public est d'intérêt national pour nous. Nous avons bien besoin d'une concertation importante de tous les acteurs pour traverser cette tempête.
Les récentes annonces politiques sur la science ouverte et le libre accès, comme le Plan S ou la nouvelle politique de la Maison-Blanche, sont encourageantes selon moi.
Allons-nous enfin saisir ces possibilités pour bâtir un système le plus ouvert et le plus diversifié qui soit?
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, permettez-moi de vous remercier de votre excellent travail, qui aura une incidence sur le Canada de demain. De la part de l'Université du Québec en Outaouais, je vous assure de notre entière collaboration pour l'avenir de la science et de la recherche au Canada.
Comme vous le savez, cela fait des décennies que nous nous interrogeons sur la place des langues et sur la place de la langue française dans la recherche et la publication scientifiques. Les collègues qui m'ont précédé vous ont donné d'excellentes idées et vous ont transmis beaucoup de données.
De mon côté, j'aimerais vous inviter à réfléchir davantage aux raisons qui poussent un chercheur ou une chercheuse francophone à mener ses recherches et à diffuser ses résultats en langue anglaise. Je vous soumettrai aussi quelques recommandations.
Pour bien comprendre les problèmes, j'aimerais d'abord faire la distinction entre les deux étapes suivantes: concevoir et effectuer ses recherches, puis diffuser les résultats de ses recherches.
Dans la première étape, le chercheur conçoit son projet et rédige ses questions de recherche, ses hypothèses et sa méthodologie. Il fait aussi lire ses demandes de subventions et les soumet à l'évaluation, afin d'obtenir du financement avant d'entreprendre le travail. C'est à cette étape que la langue d'éducation et la langue de la discipline s'imposent, ainsi que la langue des collaborateurs et la langue de rédaction des propositions et des rapports de recherche.
Une discipline développée en langue anglaise ne peut pas s'imposer et foisonner en français si elle n'est pas complètement traduite, enseignée et diffusée dans cette langue. Le Canada a déjà été un pionnier en matière de nouvelle terminologie et de diffusion de science et de découvertes dans les deux langues.
Ma première recommandation est que le Canada s'engage à traduire les nouvelles sciences et les résultats de la recherche d'ici et d'ailleurs dans les deux langues officielles du pays.
Ma deuxième recommandation est que ces traductions et terminologies soient diffusées gratuitement et mondialement, surtout dans la francophonie canadienne et internationale.
Dans un pays comme le nôtre, on s'attend à ce que les universitaires soient bilingues, voire polyglottes, mais ce n'est pas toujours le cas. Lors de sa comparution devant le Comité, le vice-président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada a assuré que les propositions de projets en français sont traitées convenablement, ce qui sous-entend que les membres du jury sont en mesure de lire et d'évaluer les demandes en français. J'ai tendance à le croire. Il est plutôt question de la définition du bilinguisme et du degré de maîtrise de la langue française requis pour lire, pour comprendre et pour débattre en français.
En matière de langue, la paresse linguistique ou l'économie d'effort est bien connue. On change de langue pour communiquer plus facilement et pour mettre l'autre plus à l'aise. Cela s'applique aussi en matière de développement et d'évaluation de projets de recherche.
À ce stade, j'aimerais faire deux autres recommandations.
La première est que les évaluateurs de propositions de projets maîtrisent complètement la langue de rédaction de la proposition et soient en mesure d'en débattre publiquement.
La deuxième est que le Canada, au moyen des conseils de recherche, développe des mesures de renforcement de la maîtrise de la langue française des scientifiques anglophones.
La publication et la diffusion des résultats ont aussi leurs mécanismes et leurs obligations linguistiques. Les questions que nous devrions nous poser sont les suivantes: est-ce que la publication s'adresse aux étudiants, aux collaborateurs, à la communauté ou aux décideurs politiques? Quelle maison d'édition, plateforme ou revue publie les résultats et quel est son degré d'influence? Quels sont le rôle de l'indexation et l'influence des indicateurs, comme le facteur d'impact des revues?
Malheureusement, la plupart des revues et des bases de données internationales donnent peu d'importance aux langues autres que la langue anglaise. Les chercheurs désirant augmenter leur influence et le nombre de fois où ils seront cités vont recourir à la langue anglaise, alimentant ainsi le cercle vicieux.
J'aimerais faire deux autres recommandations.
La première est que le Canada s'allie avec d'autres pays pour augmenter le nombre de revues et de monographies en français et pour assurer leur diffusion et, surtout, leur indexation convenable, par exemple sur des plateformes comme Érudit.
La deuxième est que le Canada influence les diffuseurs des grandes bases de données pour accorder une place équivalente aux publications en français, quand il y en a.
La recherche scientifique est de plus en plus internationalisée grâce à la mondialisation et à cause de la résurgence de problèmes mondiaux qui interpellent les chercheurs et les décideurs. Cependant, même ces problèmes ont des spécificités locales qu'il est impératif d'étudier et de diffuser dans la langue locale.
Plusieurs pays l'ont appris à leurs dépens puisque la recherche publiée en anglais ou en langue étrangère n'était pas comprise par leurs propres citoyens et leurs décideurs.
Nous n'en sommes pas là au Canada. Nous avons cependant besoin d'une implication et d'un engagement sérieux de nos institutions pour nous assurer que tous les Canadiens peuvent développer...
:
M'entendez-vous? Je suis désolée de vous interrompre.
Je sais que les membres du Comité auront apprécié votre exposé. Je vous remercie d'être avec nous pour témoigner.
Nous passons maintenant aux membres du Comité; ils ont hâte de vous poser des questions. C'est M. Tochor qui ouvre le bal ce soir.
Avant de lui donner la parole, je souhaite la bienvenue au député Arya. De plus, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier notre greffier, nos analystes, les interprètes et tous ceux qui soutiennent le Comité. Nous leurs sommes tous reconnaissants.
Passons maintenant à M. Tochor. Vous avez cinq minutes, je vous en prie, allez‑y.
Nous sommes une plateforme et un diffuseur. Nous ne sommes pas un éditeur. Nous travaillons avec plus de 200 revues qui sont des entités éditoriales indépendantes et qui ont un contrat de production et de diffusion avec Érudit.
Nous rassemblons des contenus produits de façon indépendante sur nos campus par des chercheurs qui sont des directeurs ou directrices de ces revues. On en a, par exemple, en criminologie, en sociologie et en histoire, qui proviennent des campus de l'Université de Toronto, de l'Université de l'Alberta, de l'Université du Manitoba, de l'Université Simon Fraser, de l'Université Dalhousie et d'ailleurs un peu partout au pays.
Ensuite, nous intervenons à la fin du processus éditorial, soit quand tout le travail éditorial est terminé et que l'article est prêt. Nous recevons ces articles, nous structurons le contenu pour qu'il soit lisible par machine. Nous indexons cela dans des bases de données. Nous nous occupons d'une stratégie de préservation et nous envoyons toutes ces données dans le Web, dans les bases de données des catalogues et des bibliothèques partout dans le monde pour augmenter la chance de découvrir, de lire et de trouver ces articles quand on cherche un sujet avec un mot-clé.
En outre, on fait aussi en sorte que le tout se retrouve dans Google et soit repérable par Google.
[Français]
Je vous remercie de cette question.
Nous travaillons dans le domaine des sciences humaines et sociales.
Érudit a été fondé au Québec dans le but de préserver un lieu de publication pour les revues en français pour éviter que de grands éditeurs commerciaux ne les achètent et décident de ne pas en permettre la publication parce qu'elles traitent de sujets plutôt locaux, régionaux ou canadiens et qu'ils publient seulement des revues internationales. L'idée était de préserver cette capacité de publication pour les revues traitant de sujets d'ici.
Par ailleurs, Érudit ne se limite pas au français; il y a beaucoup de revues de ce genre venant du Canada anglais. À la base, Érudit héberge du contenu francophone parce que ses membres sont les universités québécoises qui l'ont fondé, mais aujourd'hui, c'est une plateforme nationale qui héberge du contenu dans les deux langues. Pour le moment, le contenu est majoritairement en français, mais beaucoup de contenu anglais s'est ajouté au cours des dernières années, grâce à des collaborations très structurantes et fructueuses avec des bibliothèques universitaires et d'autres revues anglophones.
Ce qui nous empêche d'avoir une croissance encore plus rapide, ce sont nos capacités limitées. Ce projet est financé par des fonds de recherche, et on doit même souvent insister pour la création de programmes de financement auxquels nous sommes admissibles. C'est un montage financier complexe basé sur différentes sources de financement. Nous sommes un organisme à but non lucratif, alors nous dépendons du soutien des universités. Nous développons beaucoup de partenariats, et cela est très exigeant. Pour le moment, nous utilisons au maximum les ressources que nous avons et le financement que les bailleurs de fonds nous donnent.
:
Merci de votre question.
La tendance marquée en ce qui concerne les universitaires et les chercheurs est de publier en anglais, parce que c'est surtout l'anglais qui est considéré comme la lingua franca dans le domaine des sciences.
Malgré tout, nous avons beaucoup de collègues en Europe, par exemple, qui ont mis en place des organismes de diffusion sans but lucratif comme le nôtre. De plus en plus, on sent une volonté de créer des plateformes pour la publication multilingue et pour la publication d'articles sur des enjeux nationaux, régionaux ou locaux dans la langue parlée où ces enjeux et questions de société sont d'actualité.
Partout dans le monde, de plus en plus, des efforts sont déployés pour préserver ces plateformes de diffusion afin de permettre la publication en différentes langues. Par contre, cette tendance est surtout observable dans le secteur des sciences humaines et des sciences sociales, parce que, dans le secteur des STIM, c'est l'anglais qui domine.
:
Je voulais mentionner que j'ai eu l'honneur d'assister à la cérémonie de remise des prix du CRSNG de 2022 la semaine dernière au Musée de la nature. J'invite d'ailleurs tout le monde à visiter ce musée dont les installations sont incroyables.
En tout cas, ce que je voulais dire, c'est que la majeure partie de la remise des prix s'est déroulée en français. Il n'y avait pas de service d'interprétation. Les chercheurs présents ne venaient pas tous d'universités francophones. Il y avait des gens de l'Université de Toronto, de l'Université métropolitaine de Toronto et de l'Université de Waterloo. J'ai trouvé très intéressant que la remise des prix se fasse surtout en français.
Nous avons entendu différentes informations contradictoires quant à l'accès au financement pour les chercheurs francophones. Certains témoins ont affirmé que les établissements d'enseignement postsecondaire ne soutiennent pas suffisamment les chercheurs francophones et d'autres ont dit qu'il manquait de financement. D'autres encore ont affirmé que le financement était disponible, mais que les chercheurs ne font pas de demandes.
Pouvez-vous nous dire où se situent, d'après vous, les problèmes et ce qui pourrait être fait pour soutenir la recherche en français au Canada?
:
Merci, madame la présidente.
J'aimerais d'abord saluer les témoins qui se joignent à nous ce soir et les remercier de leur présence.
Monsieur El Zaïm, c'est un plaisir renouvelé de vous accueillir au Comité. Je me rappelle très bien les propos que vous avez tenus lors de votre dernière comparution. Vous aviez dit que le français était fondamental, notamment dans le domaine de la recherche.
Dans votre allocution, vous avez fait certaines recommandations. Vous avez parlé de la possibilité de traduire dans les deux langues officielles l'ensemble des recherches et des publications.
Plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité nous ont dit que cela pourrait être une partie de la solution, mais certaines personnes avaient des doutes et des craintes concernant le fait de traduire des publications scientifiques, notamment dans certaines sciences humaines ou sciences sociales. Selon ces personnes, quand on fait des recherches scientifiques, la langue, c'est plus que des mots, c'est une façon de réfléchir et de voir les choses. Ainsi, il ne serait pas nécessairement possible de traduire l'ensemble des publications scientifiques.
Qu'en pensez-vous?
En fait, beaucoup de pays ont déjà fait des efforts énormes pour traduire la somme des connaissances disponibles dans leur langue nationale, parce que ces pays ont compris qu'il fallait faire ces traductions pour leurs citoyens, leurs étudiants et leurs chercheurs. Des pays publient même des livres anciens, comme des livres de philosophie allemande, russe ou chinoise, dans des langues nationales. Je pense à la langue arabe, par exemple, qui est ma langue maternelle. Des pays consacrent des sommes énormes à la publication d'œuvres traduites.
La traduction professionnelle est faisable. Cela prend des efforts structurants comme l'élaboration et la publication de terminologies, par exemple. Je rappelle que le Canada et le Québec sont très forts dans l'élaboration de terminologies. Nous avons offert des solutions au monde entier en français et en anglais, et nous pouvons continuer cet effort. Cela prend beaucoup d'investissements, et certains concepts sont évidemment différents, mais, quand on traduit les œuvres d'un philosophe allemand en français, il y a un art de la traduction. On sait comment les traduire et comment transférer la terminologie dans la langue de destination.
J'ai donc la prétention de dire que c'est faisable.
[Français]
Oui, c'est en effet très important. Ce sont des directives, des politiques et des mouvements politiques auxquels des gouvernements adhèrent, présentement, et qui sont en faveur de la science ouverte et du libre accès.
En Europe, le Plan S, développé par la cOAlition S, prescrit aux gouvernements souscrivant à ce mouvement de rendre la recherche en accès libre complet. Il est accompagné de mesures et d'exigences techniques auxquelles les éditeurs et ceux qui publient doivent se conformer. C'est vraiment un mouvement politique, un cadre politique qui prescrit le libre accès et la science ouverte dans une volonté d'augmenter la découvrabilité, le rayonnement et la diffusion de la science, ainsi que de répondre aux problèmes que nous rencontrons avec les grands éditeurs commerciaux.
Pour ce qui du deuxième point de votre question, aux États‑Unis, la Maison-Blanche a publié une directive enjoignant à toutes les agences fédérales de mettre en place au cours des prochaines années des programmes prescrivant et dictant le libre accès à la recherche financée par le gouvernement.
:
Merci de votre question.
Je n'ai pas fait de plan d'affaires pour un projet national comme celui-là. Je me suis basé sur l'expérience de certains pays et de certaines organisations qui publient. Au Canada, le Bureau de la traduction pourrait faire éventuellement une telle étude de faisabilité. Nous savons que les efforts existent.
Bien sûr, on parle de publier la plupart des articles, mais surtout selon les besoins et dans les directions qu'on veut. Ainsi, est-ce qu'on a besoin de publier en français plus d'articles sur l'intelligence artificielle qui sont rédigés originalement en anglais? S'agit-il de les traduire en français ou vice-versa?
Je ne suis pas en train de parler d'un projet de 100 000 $ ni d'un projet d'une année. C'est un projet de vie, c'est un projet national qu'un pays devrait se permettre de faire. C'est un processus continu.
Il faut reconfirmer le leadership canadien et l'affirmer davantage. Les communautés internationales francophone et non francophone nous regardent avec beaucoup d'attention et demandent notre collaboration. Je dirais même que le Canada a un rôle à jouer pour sauver la francophonie dans certains pays francophones. Il y a une compétition mondiale à cet égard.
Certains pays francophones sont en train de s'angliciser. Je suis récemment allé en Tunisie et au Maroc, et j'ai visité plus d'universités anglophones que francophones. Les gens que j'ai rencontrés s'adressaient davantage à moi en anglais qu'en français. Cela dit, je n'ai rien contre l'anglais, au contraire. Je veux que tout le monde devienne polyglotte. Par contre, il me fait mal d'assister à la disparition ou à l'affaiblissement de la langue française.
Le Canada, le Québec et toutes les autres provinces doivent être des chefs de file en matière de francophonie mondiale. En fait, nous devons y reprendre notre place.
:
Merci beaucoup de votre question.
La plateforme Érudit a près de 25 ans d'histoire et elle s'accroît chaque année. Sa capacité actuelle nous permet d'y ajouter annuellement entre 20 et 25 titres, parfois 30. Très peu d'entre eux sont en français seulement. Ces titres sont plutôt bilingues, ou ce sont des contenus de revues qui publient en anglais seulement.
Je pense que la plateforme n'est toujours pas saturée. Année après année, nos services offerts à la communauté de recherche sont très demandés. De nouvelles revues sont créées, et d'autres souhaitent reprendre un sujet éditorial qui a été laissé de côté, parce que cela leur permet de communiquer avec leurs collègues des communautés de recherche à l'international et de bâtir des réseaux autour de ces revues. En effet, c'est souvent par l'intermédiaire des revues que se forment des communautés de recherche dynamiques.
Plutôt que de procéder en vase clos, nous continuons évidemment à développer le contenu francophone, de pair avec le contenu anglophone, pour qu'il soit intégré dans les réseaux internationaux.
Il ne faut pas oublier la très grande importance de la collaboration internationale avec des plateformes qui diffusent des contenus dans d'autres langues que l'anglais. Il faut notamment continuer à collaborer avec les collègues en France, en Amérique latine ou en Amérique du Sud, où il existe une très forte tendance à publier dans des revues non commerciales. C'est même une tradition.
Érudit a un budget annuel d'à peu près 4,3 millions de dollars. Environ 18 % de ce montant proviennent des universités fondatrices. Les contributions de ces dernières incluent, par exemple, le financement de l'hébergement dans les locaux de l'Université de Montréal de l'équipe de 40 personnes d'Érudit que je dirige. Parfois, le financement se fait plutôt sous forme de contributions en nature.
Depuis cette année, le gouvernement du Québec contribue à hauteur de 500 000 $, montant qui a été augmenté très récemment. Les revenus qui proviennent des bibliothèques universitaires, eux, totalisent 1,4 million de dollars. Le reste du budget de 4,3 millions de dollars est constitué des contributions du gouvernement fédéral, provenant de la Fondation canadienne pour l'innovation et du Conseil de recherches en sciences humaines.
:
Je vous remercie de la question.
À mon avis, il est très important d'avoir un plan national axé sur la science ouverte et le libre accès.
[Français]
Il faut arrimer à un tel plan les programmes de financement et de subventions de recherche. Il faut aussi y lier ce qui se passe en ce moment dans les bibliothèques universitaires. Ces dernières cherchent aussi à contribuer à la science ouverte et au libre accès pour se libérer du fardeau de payer les grands éditeurs commerciaux. Il faut également travailler avec les universités et se réapproprier le processus éditorial et l'édition savante pour la soutenir pleinement de façon horizontale et verticale, afin de ne pas être à la merci des grandes maisons d'édition commerciales.
Je pense qu'il faut se baser sur un horizon relié au financement public pour soutenir l'édition savante dans un pays attaché à un plan axé sur la science ouverte. D'autres pays l'ont d'ailleurs déjà fait. Il faut réfléchir sur la manière dont nous aménageons les infrastructures numériques. Tout ce que nous faisons, c'est de la technologie. Notre technologie ouverte et les infrastructures numériques sont des données et du savoir-faire humain, qui doivent être préservés plus longtemps que sur la base de subventions de recherche de deux ans. Il faut retenir cette main-d'œuvre et y investir pour avoir des retombées à long terme et atteindre de plus grandes capacités dans le futur.
Il importe aussi que les politiques et les programmes soient alignés, sinon il est très difficile à la base et de façon opérationnelle de passer à la prochaine étape du développement et de favoriser l'innovation pour se tailler une place parmi les grands joueurs, qui sont toujours de nature commerciale en ce moment.
Je vais passer à une courte question. Monsieur El Zaïm, de nombreux témoins nous ont dit que toutes les parties prenantes doivent jouer un rôle pour soutenir les publications scientifiques en français au Canada et accroître leur nombre.
Dans les recommandations que vous nous avez présentées, dans le cadre de votre déclaration préliminaire, vous avez expliqué très clairement ce que sont vos attentes envers le gouvernement fédéral. Quel rôle les établissements postsecondaires de la province ont-ils joué dans l'élaboration des recommandations que vous nous avez soumises plus tôt ce soir?
Je demanderais une réponse écrite, si possible, madame la présidente, parce que je crois que mon temps de parole est écoulé.
:
Merci de votre question.
Je suis tout à fait en faveur de cela. Tous les jours, mon travail au sein d'Érudit consiste à promouvoir le libre accès et le rayonnement ouvert. Nous nous estimons chanceux de pouvoir compter sur les contributions que nous recevons déjà de la part des gouvernements du Québec et du Canada.
Toutefois, pour prendre de l'expansion et avoir plus d'envergure et un plus grand effet, un aspect sur lequel il a été beaucoup démontré ici que nous avons besoin de travailler, des actions encore plus concertées sont nécessaires pour nous permettre de faire avancer davantage la science ouverte et le libre accès.
Il faut avoir des actions concrètes pour les revues, et augmenter les subventions pour leur permettre d'effectuer la transition vers ce libre accès, en rupture avec le modèle économique actuel. Les gens sont aux prises avec cela. Personne n'est contre le libre accès, mais il faut se pencher sur la façon de financer ce passage vers le libre accès et de mettre en place les outils et le service requis pour soutenir cette diffusion. Il faut certainement trouver les moyens de le faire et d'investir dans ces questions.
:
Oui. C'est une autre motion, que j'ai eu l'occasion de distribuer à mes collègues qui sont ici présents. Je vais vous la lire. Ensuite, le greffier pourra la transmettre aux membres du comité qui participent virtuellement à la réunion. Je propose:
Que le Comité invite à nouveau le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, François‑Philippe Champagne, à venir témoigner dans le cadre de l'étude de la recherche et publication scientifique en français à l'une des rencontres tenues par le Comité durant le mois de novembre.
Je vais vous donner le contexte, chers collègues. J'ai déjà demandé à ce que le vienne témoigner en comité. Le greffier a fait les démarches, mais le ministre a malheureusement refusé, sans que nous sachions pourquoi. Il a probablement un agenda assez rempli. J'aimerais pourtant lui donner l'occasion de venir témoigner.
Pour ma part, cette étude m'importe beaucoup. De plus, alors que nous étudions la modernisation de la Loi sur les langues officielles et que le gouvernement fédéral reconnaît le déclin du français, il me semble que les circonstances sont bonnes.
Je tiens à ce que le ministre se joigne à nous lors de cette étude du Comité et nous fasse part de ses orientations et nous dire comment le Comité peut l'aider en lien avec les mesures qu'il souhaite mettre en place pour accroître la place du français dans la recherche et la publication scientifique au Canada.
Je compte donc sur votre collaboration pour que nous puissions recevoir le ministre au Comité.
:
Chers collègues, nous reprenons les travaux.
Bon retour à tous.
Nous accueillons maintenant le deuxième groupe de témoins. Je souhaite la bienvenue aux témoins et je les remercie de leur grande amabilité.
Le deuxième groupe de témoins sera avec nous jusqu'à 20 h 30.
[Français]
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des nouveaux témoins.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre microphone. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, si vous participez à la réunion au moyen de l'application Zoom, vous avez le choix de canal, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Si vous êtes dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins, qui comparaissent à titre personnel.
Nous recevons Janice Bailey, directrice scientifique, Nature et technologies, au Fonds de recherche du Québec. Nous recevons aussi Yves Gingras, professeur d'histoire et de sociologie des sciences à l'Université du Québec à Montréal.
[Traduction]
Chaque témoin aura cinq minutes pour faire sa déclaration préliminaire. Au bout de quatre minutes et demie, je montrerai cette carte pour indiquer qu'il reste 30 secondes. Nous essayons d'être justes.
Encore une fois, je souhaite aux témoins la plus cordiale des bienvenues.
Nous entendrons d'abord Janice Bailey, qui disposera de cinq minutes.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je pensais m'exprimer en français seulement, mais, après avoir fait mes devoirs, j'ai compris que la plupart des membres du Comité préfèrent l'anglais. Je peux toutefois vous assurer que je maîtrise les deux langues.
Je m'appelle Janice Bailey. Comme il a été mentionné, je suis la directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec — Nature et technologies, ou le FRQNT, un des trois organismes gouvernementaux de soutien et de promotion de la recherche au Québec.
Avant mon arrivée en poste en 2019, j'ai été durant 25 ans professeure-chercheuse à l'Université Laval, spécialisée dans le domaine de la reproduction. J'ai travaillé sur la reproduction animale et humaine ainsi que sur les effets de l'environnement sur la santé des générations futures. Je m'exprime aujourd'hui dans le cadre de cette consultation en mon nom personnel.
Je viens de Brandon, au Manitoba. Je suis anglophone. J'ai commencé ma carrière de chercheuse en anglais, à l'Université du Manitoba, puis à l'Université de Guelph et à l'École de médecine Perelman de l'Université de Pennsylvanie, à Philadelphie.
J'ai développé mon expertise, bâti ma réputation d'experte et établi mon réseau de contacts dans un univers anglophone, mais on m'a offert un poste de professeure à l'Université Laval en 1994. Ainsi, mon mari — qui est aussi un chercheur et un anglophone, mais qui vient du Sud de l'Ontario — et moi avons décidé de poursuivre notre aventure dans le milieu scientifique en français et avons mis le cap sur le Québec. Ce fut difficile parce que ni moi ni mon mari ne parlions bien le français à l'époque. Toutefois, la décision s'est révélée payante au bout du compte. En fait, la capacité de parler français nous a donné un accès formidable à des communautés et des réseaux scientifiques d'une grande richesse, ce qui a considérablement élargi nos perspectives professionnelles. Je ne serais pas où j'en suis aujourd'hui si je ne parlais pas français.
Nous avons mené des projets de recherche et diffusé nos connaissances dans les deux langues. Nous avons établi de précieuses collaborations au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde, en anglais et en français. Même si nous parlons en anglais à la maison, nos journées se déroulent en français et notre fils, qui est aujourd'hui un adulte, a étudié en français à l'école secondaire, au cégep et à l'université. Nous croyons vraiment en l'importance du français.
Cette ouverture au français m'a aussi permis de constater que certaines connaissances issues de la recherche ne sont pas pleinement accessibles si on se limite à l'anglais. L'anglais est certes la langue principale en science dans le monde, mais il est essentiel d'avoir accès aux savoirs scientifiques produits dans d'autres langues; au Canada, on parle du français, bien entendu, mais aussi des langues autochtones.
Nous ne devons pas ou ne pouvons pas vraiment lutter contre l'utilisation de l'anglais en science, et ce n'est pas ce que je tente de faire valoir. Nous devons plutôt mieux promouvoir le français dans le milieu scientifique, ce qui inclut la recherche et la publication en français. Les sciences visent le bien-être et le progrès de la société. Les connaissances scientifiques en français ou dans toutes autres langues sont tout aussi importantes que celles en anglais. Restreindre les sciences à une seule langue limite considérablement leur accessibilité. Pendant les 25 années où j'étais professeure, j'ai enseigné en français et j'ai régulièrement mené des activités de sensibilisation du public dans cette langue, souvent avec mes étudiants diplômés.
L'accès aux savoirs produits dans différentes langues est particulièrement important dans les domaines comme les sciences naturelles. Je souligne que l'accès au vocabulaire et aux savoirs traditionnels autochtones devrait améliorer notre compréhension des sciences de la biodiversité, par exemple. L'avenir de la planète est en jeu, et les langues contribuent à l'acquisition et à la diffusion de connaissances.
La diffusion des savoirs dans diverses langues permet aussi de renforcer la confiance du public envers la science et la recherche. Or, le phénomène de la désinformation a pris de l'ampleur au cours des 10 dernières années, notamment avec l'émergence des réseaux sociaux.
L'information scientifique fait partie des victimes de cette désinformation, laquelle nuit aux liens entre science et société. La désinformation mine la crédibilité de l'information scientifique, en plus d'avoir des répercussions sur la prise de décision individuelle ou collective et sur les politiques touchant des sujets importants. L'accès à des savoirs de qualité dans diverses langues, qui sont fondés sur des données robustes tirées de la science et de la recherche, devrait être une priorité sociétale. Personnellement, je n'aime pas trop les médias sociaux, mais j'y prête attention. Le FRQNT fait activement la promotion de la recherche en français.
Le Canada est un pays riche, l'un des plus riches au monde. Nous nous plaignons, mais nous sommes très privilégiés. Cette richesse vient avec une obligation de partage, surtout avec les pays les moins favorisés. Les connaissances scientifiques font partie de cette richesse et elles doivent circuler librement. Elles doivent être accessibles au plus grand nombre de personnes possible, ce qui passe notamment par la langue. Les communautés scientifiques francophones du Canada et du Québec peuvent et devraient être très proactives et construire des ponts avec les communautés scientifiques francophones dont les besoins sont énormes. Par exemple, j'ai travaillé...
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Je vous remercie de cette invitation. J'imagine qu'on m'a invité ici parce que je travaille sur la question de la transformation des sciences depuis presque 40 ans. En 1984, j'ai publié le premier article expliquant sociologiquement ce qu'on appelle la valeur d'une langue dans un champ scientifique. En 1991, j'ai participé à une étude commandée par le gouvernement du Québec sur la place de la langue française dans les publications scientifiques. J'ai également travaillé avec Camille Limoges, qui a occupé pendant très longtemps les fonctions de sous-ministre au Québec, à une étude sur l'usage des manuels dans les cours de sciences. Ce qui me frappe, c'est la raison pour laquelle on revient ici, après 40 ans, pour discuter du même problème: c'est parce qu'on utilise des catégories générales, confuses et qui manquent de précision.
Je vais donc utiliser les trois minutes qu'il me reste pour au moins démêler les problèmes. Je veux ainsi m'assurer que les mesures qui seront prises par le gouvernement seront rationnelles et efficaces. Je vais vous démontrer qu'il est très facile d'avoir des visions généreuses, mais qui sont inapplicables et qui ne correspondent pas à la réalité de la dynamique de la science.
La première des choses, c'est qu'il faut cesser de parler des sciences de façon générale. Cela ne veut rien dire. Il faut séparer les sciences de la nature, d'un côté, et les sciences sociales et humaines, de l'autre, pour une raison très simple: la dynamique de la communauté scientifique des chercheurs est totalement différente.
Depuis le début des années 1980, dans les sciences de la nature, par exemple la physique, la chimie ou la biologie, la langue universelle des revues savantes est l'anglais. Il ne faut pas confondre cela avec l'enseignement des sciences dans les universités francophones, qui se fait en français, et la langue des manuels ou des notes de cours, qui doit aussi être le français. D'un côté, nous avons le marché de la publication scientifique; de l'autre, la vie de laboratoire. À mon avis, dans un laboratoire de l'Université de Montréal, par exemple, les choses doivent se passer en français, l'enseignement doit se faire en français et les manuels doivent être accessibles dans cette langue. Il ne faut donc pas parler des sciences de façon générale.
Quand on découvre un électron, par exemple, c'est très spécialisé. On a cette idée généreuse que la population doit avoir accès à la connaissance parce que c'est elle qui paie, mais c'est absurde. Sauf votre respect, je dois dire que probablement personne d'entre vous, ici, ne comprendrait un article sur l'intelligence artificielle. Ce n'est pas grave, puisque les journalistes scientifiques francophones et les revues de vulgarisation en français, comme Québec Science, ont pour fonction de vulgariser en français une connaissance très technique, par exemple au sujet des ordinateurs quantiques, qui est généralement publiée dans des revues savantes très spécialisées. La revue Québec Science est en français. Il se fait donc une vulgarisation en français par des chercheurs québécois qui, comme Yoshua Bengio, publient leurs travaux fondamentaux dans la langue de l'informatique, qui est l'anglais.
Il faut donc cesser de tout mélanger et de penser que la traduction de toutes les publications scientifiques dans les deux langues aura un effet. Un peu plus tard, si nous en avons le temps, je vous parlerai de la France, où on a fait exactement cette expérience. J'en avais d'ailleurs prédit l'échec. En effet, 10 ans plus tard, on a cessé de faire cette expérience, qui consistait à traduire systématiquement les revues de sociologie et de science politique qui étaient complètement en anglais, comme s'il y avait un marché, à priori, alors qu'il n'y avait pas de demande. On a gaspillé des millions d'euros parce qu'on a mélangé la physique, la sociologie, l'histoire et les mathématiques. Les dynamiques des communautés scientifiques sont différentes et il faut en tenir compte.
En ce qui concerne le français, la chose la plus importante pour nous est de nous assurer de ne pas appliquer aux sciences sociales et humaines les pratiques des sciences de la nature. Or, c'est ce qu'on fait dans les universités par l'évaluation des soi-disant revues internationales. Un peu plus tôt dans la rencontre, on a utilisé l'expression « facteur d'impact ». Le facteur d'impact est une obsession des sciences de la nature qu'on a transposée aux sciences sociales. J'ai écrit un livre complet sur cette question. J'y démontre à quel point on confond le facteur d'impact, qui mesure l'impact de la revue savante, avec l'article lui-même. Ce n'est pas la même chose. Il y a énormément de confusion.
Dans un esprit de générosité, on pense que traduire les articles scientifiques va soudainement rendre la science plus visible. J'espère avoir le temps, au cours de la période de questions qui suivra, de vous démontrer en détail que, si on veut régler des problèmes, il faut chaque fois préciser de quoi on parle. Parle-t-on de la recherche en physique ou en sociologie? Parle-t-on de la plateforme Érudit ou du libre accès? Parle-t-on du libre accès du Plan S, en Europe? Ce sont toutes des choses différentes et, lorsqu'on mélange tout cela, on crée de la confusion et de la non-efficacité.
Merci.
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Oui. En pratique, lorsqu'on parle de science en anglais, il s'agit des sciences naturelles.
Vous venez de donner l'exemple des demandes de subventions. Encore une fois, la question est différente. En ce qui concerne les demandes faites au CRSH, au CRSNG ou aux IRSC, des données statistiques du CRSH permettent de suivre le taux de réussite des francophones et des anglophones pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de préjugé.
Ce suivi est réalisé, puisque la question se pose pour une raison très simple. Si vous faites une demande en français au CRSH, qui souhaite que des Canadiens l'évaluent, en pratique, bien que la plupart des professeurs d'université francophones soient bilingues, on ne peut pas en dire autant des professeurs d'université anglophones, qui ne sont pas bilingues. Il faut également faire la distinction entre la capacité de lire le français et l'anglais, de parler le français et d'écrire le français ou l'anglais. Je peux faire les trois, mais certains savent lire une langue sans pouvoir la parler. Il faut être précis.
Pour répondre à votre question, le CRSH fournit le taux de réussite exact. Selon moi, une raison explique la différence: il est très bien que les trois organisations aient tendance à penser que le CRSH devrait être avec le CRSNG et que les trois conseils devraient être ensemble, mais il y a un effet pervers à appliquer les mêmes critères aux sciences sociales et aux sciences humaines, parce qu'en sociologie, je qualifie les sciences sociales d'« indiciaires », c'est‑à‑dire qu'elles sont locales.
Lorsque je réalise des travaux sur le frère Marie-Victorin à propos de la science québécoise, il serait absurde d'en publier la documentation en anglais en Australie. Pour commencer, cela ne les intéresserait pas. Ensuite, les Québécois ne liront pas sur Marie-Victorin. Si je parle de galaxies, il n'existe pas de galaxies québécoises ni de galaxies canadiennes. Les galaxies sont universelles.
L'historique de la langue utilisée dans les sciences sociales et dans les sciences humaines est différent de celui de l'utilisation de la langue et de l'anglais. Le problème que nous avons maintenant — et je pourrais donner des exemples en français —, c'est qu'on pense que pour être international en sciences sociales, il faut rédiger en anglais.
J'ai écrit un article expliquant que l'analyse statistique est fausse. Pendant 10 ans, on a traduit la Revue française de sociologie en anglais. Cette version était dépourvue de citations pour une raison simple: si vous êtes un Américain qui travaille sur la France, vous pouvez lire le français. Si vous ne pouvez pas lire le français, c'est que vous ne travaillez pas sur la France.
Même si je traduisais l'article pour vous, vous ne le liriez pas. Ce n'est pas parce qu'il est inintéressant, mais parce que ce n'est pas votre domaine de prédilection. Il y a une confusion totale à propos de toutes ces choses.
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Je remercie les deux témoins d'être avec nous ce soir. C'est fascinant.
Je suis d'accord avec le député Soroka. C'est vraiment fascinant, madame Bailey, que vous ayez fait toutes vos études et tous vos travaux en anglais. Vous êtes originaire du Manitoba, mais vous avez fait votre carrière en français. C'est vraiment remarquable et louable.
Quoi qu'il en soit, je me suis intéressée à la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche, ou la DORA. Elle énonce des recommandations visant à améliorer les méthodes d'évaluation de la recherche scientifique, notamment en abandonnant les paramètres de publication d'articles comme indicateur de la qualité de la recherche.
Le Fonds de recherche du Québec a annoncé en 2020 qu'il était signataire de la DORA. Jusqu'à présent, le Comité a entendu des témoignages selon lesquels une dépendance excessive à l'égard de la publication d'articles comme indicateur de la qualité de la recherche peut pénaliser des chercheurs qui publient en français, étant donné le nombre relativement faible d'articles en français et le lectorat relativement limité par rapport à l'anglais.
Quelles formes a prises l’application des principes de la DORA au Fonds de recherche du Québec?
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C'est une excellente question.
Quand on parle de la DORA, on a tendance à insister sur le facteur d'influence. Le professeur Gingras a parlé de l'importance historique du facteur d'influence, en particulier dans mon domaine, les sciences naturelles, où les gens lisent divers articles et sont exposés à des facteurs d'influence différents. Historiquement, nous avons eu tendance à l'utiliser comme un signe de qualité de la recherche. Si vous publiez un article dans Cell, on a tendance à dire que c'est un bon article, même sans l'avoir lu. En revanche, si vous le publiez dans le journal de la culture des carottes, on pensera qu'il ne peut pas être très intéressant puisqu'il ne s'agit que de la culture des carottes.
C'est terrible, car l'important c'est qu'il s'agisse d'une recherche financée par des fonds publics. Il est important de transmettre ces renseignements à la communauté scientifique, et je pense que l'influence vient avec le temps.
Nous avons signé la Déclaration de San Francisco en 2020. C'est donc encore un changement de culture auquel j'essaie personnellement d'aider notre communauté de chercheurs à s'adapter. Le FRQNT est petit, mais nous avons une grande force. Je pense que nous pourrions donner un petit coup de pouce à la culture scientifique, en collaboration avec d'autres.
Pardonnez-moi, madame Bradford, si je ne réponds pas très bien à votre question.
Pour l'instant, je pense que le message important, c'est que la recherche soit publiée dans des revues à comité de lecture et que ces renseignements soient accessibles au plus grand nombre. Voilà ce qui est important. Ce n'est pas nécessairement le nom de la revue dans laquelle vous publiez un article qui compte.
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Je pense qu'il pourrait y avoir un changement positif, car, par exemple, j'ai encore quelques étudiants dans mon entourage et j'aimerais vraiment les encourager à publier en français. Parfois, les étudiants francophones des universités françaises mettent du temps avant de publier en anglais. C'est parfois très intimidant pour eux de soumettre un article en anglais, mais je leur dirais: « Publiez-le en français. En le rédigeant en français, vous l'aurez pour votre thèse. » Je pense que les étudiants et leurs professeurs seraient alors beaucoup plus ouverts à l'idée de soumettre et de publier leurs articles en français et de partager l'information en français.
Je comprends bien ce que le professeur Gingras a dit sur le fait de traduire tout ce qui est déjà publié en anglais et sur le fait que le français n'est peut-être pas utile, mais cela ne veut pas dire qu'un travail de recherche fondamentale qui serait publié en français deviendrait inutile. Je pense que ce serait très intéressant. Je pense notamment que les articles de synthèse, qui constituent un véritable phénomène dans la sphère des sciences naturelles, sont très utiles, et je pense qu'il y a beaucoup de place pour eux.
Par ailleurs, j'aimerais beaucoup qu'au Québec, nous puissions avoir des revues contenant des articles de synthèse que nous pourrions rédiger collectivement avec d'autres personnes dans le monde. Ce genre de revues serait tellement utile aux nations francophones. Je me suis rendue au Mali, où l'on ne parle pas anglais et on n'a pas accès à la documentation anglaise de toute façon, alors cela n'a pas d'importance. Ces gens n'ont pas beaucoup d'accès à quoi que ce soit, et je pense que si nous pouvions leur procurer de tels articles en français, ils constitueraient pour eux une ressource formidable. Ces articles sont peut-être plus faciles à lire pour le grand public ou pour les gens très instruits, par opposition aux articles de recherche fondamentale, qui peuvent s'avérer très complexes, comme le professeur Gingras l'a mentionné, à juste titre.
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Merci, madame la présidente.
Je salue les témoins qui se joignent à nous pour la deuxième heure de notre rencontre.
Mes questions s'adresseront au professeur Gingras.
Professeur Gingras, je vous remercie de votre présence. Je vous remercie de nous aider à démêler la question et à faire la distinction entre les sciences humaines et sociales et les sciences de la nature.
Je veux m'assurer de bien avoir compris la distinction qu'il faut faire, selon vous. D'une part, il y a la publication scientifique en anglais; d'autre part, il y a l'enseignement et la vulgarisation qui doivent se faire en français, notamment au Québec, mais aussi dans des communautés francophones hors Québec.
Si je comprends bien votre point de vue, la traduction systématique n'est pas une bonne solution et n'est pas quelque chose qui se fait dans certaines sciences de la nature. Est-ce exact?
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Non seulement cela ne se fait pas, mais, si cela se faisait comme on en a tenté l'expérience en France, ce serait un échec.
Dans le cas des sciences de la nature, on a une expérience naturelle. En sociologie, on ne peut pas toujours faire de l'expérimentation, car ce n'est pas éthique, mais il se fait quand même de l'expérimentation.
La France a versé des millions de dollars au Centre national de la recherche scientifique pour qu'on traduise au complet la Revue française de sociologie, car on jugeait qu'elle n'était pas assez internationale. C'était faux, mais c'est ce qu'on croyait. On s'est dit que, si on traduisait en anglais l'entièreté de cette revue, elle deviendrait internationale. C'est ridicule. J'ai mesuré, du point de vue de la bibliométrie, les effets des citations pendant 10 ans, et il s'est avéré que l'effet était à peu près nul. Pourquoi? C'est pour les raisons que je vous ai expliquées: c'est sur la France que porte le travail de cette revue.
De la même façon, l'American Journal of Sociology n'est pas une revue internationale, mais bien une revue américaine de sociologie. De fait, 90 % de ses auteurs sont des Américains.
Le domaine des sciences sociales et humaines n'est pas celui des sciences de la nature. Pourquoi? C'est parce qu'il est indexical. La société québécoise s'appuie sur des revues québécoises de sociologie comme Recherches sociographiques ou Sociologie et sociétés. De la même façon, il existe ailleurs The British Journal of Sociology, l'American Journal of Sociology ou la Revue française de sociologie.
Y a-t-il des revues de physique propres à chaque pays? Non. Je suis également physicien et, à ce titre, je suis membre de l'association américaine des physiciens et je suis abonné à une revue américaine de physique. Pourquoi? C'est parce que les travaux de physique menés par les Américains sont importants. Quand on parle d'électrons, par exemple, c'est souvent en anglais qu'on en parle.
Il faut donc mettre les sciences sociales dans une catégorie à part.
Par ailleurs, il faut investir là où c'est nécessaire. Par exemple, si l'éditeur Polity Press demande à traduire en anglais le livre que j'ai écrit en français, alors là, cela vaut la peine de subventionner la traduction. Par contre, s'il doit être traduit simplement parce que cela s'inscrit dans une demande généralisée de traduction, c'est absurde, c'est de l'argent gaspillé.
Qu'est-il arrivé, en France? En 2017 ou en 2018, les Français ont cessé de tout traduire, après avoir finalement compris ce que j'essayais de leur faire comprendre. Les données empiriques que j'ai recueillies l'ont effectivement démontré, tout traduire est irrationnel sur les plans économique et scientifique. En décidant de tout traduire, on confond ce que mon père va lire et ce que la communauté scientifique va lire; mon père va lire Québec Science, mais il ne lira pas un article sur l'intelligence artificielle écrit par Yoshua Bengio, qui a gagné le prix Turing. C'est absurde.
Il est important de bien séparer les choses et d'investir au bon endroit.
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Dans le domaine des sciences de la nature, le français occupe une place importante pour ce qui est de l'enseignement. Il peut cependant arriver qu'une université francophone, au nom de la concurrence internationale, embauche une personne qui jouit d'une belle renommée, mais qui est incapable de prononcer un mot en français.
Il y a quelques années, Le Devoir a publié la lettre d'une étudiante inscrite en physique à l'Université de Montréal. Elle était arrivée dans son cours de séminaire de maîtrise et s'était rendu compte que le cours était en anglais. Pourtant, comme elle le disait, elle ne s'était pas inscrite à l'Université McGill, mais bien à l'Université de Montréal.
C'est pour cela que je dis qu'il faut faire la distinction entre l'enseignement et la publication. Si une personne s'inscrit à la maîtrise à l'Université de Montréal et que le professeur ne parle pas français, elle aurait mieux fait de s'inscrire à l'Université McGill ou à l'Université Concordia.
Il faut que les recteurs cessent de dire qu'ils veulent à la fois que leur université soit concurrentielle à l'échelle internationale et qu'elle offre des programmes en français. Souvent, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Il y a donc des priorités autres que verbales. Là-dessus, je suis un peu carré, puisqu'on a très peu de temps. Si on est sérieux, la concurrence internationale implique-t-elle nécessairement qu'on embauche une personne unilingue anglaise? Est-ce que cette personne est vraiment meilleure? Penser que c'est meilleur parce que c'est en anglais relève d'une forme de colonialisme; c'est souvent faux.
Je remercie les témoins. Tout cela est très intéressant.
Je vais commencer par Mme Bailey pour préciser quelque chose que M. Soroka a mentionné au sujet de l'acceptation des demandes faites en français.
Je suis retourné dans mes notes du professeur Fortin du CRSNG, qui a mentionné que 26 % des candidats du CRSNG sont francophones, mais que seulement 10 % des demandes sont soumises en français. Il a aussi indiqué que les demandes en français des universités bilingues comme l'Université McGill et l'Université d'Ottawa avaient un taux de réussite supérieur à celles qui sont soumises en anglais. Ce n'est pas ce que M. Soroka disait, du moins dans ce cas‑ci. Je n'ai rien trouvé de général, mais il semble que les demandes faites en français aient eu autant de succès, voire plus, dans ces cas‑là.
Je me demande si vous pourriez nous parler des cas où l'on soumet une demande ou l'on travaille dans un milieu bilingue, comme celui de l'Université d'Ottawa ou de l'Université McGill, et où l'on baigne dans une communauté qui peut nous aider à rédiger en français, par exemple. Nous en avons entendu parler par certains...
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Je me réjouis que M. Fortin ait fourni ces données. Je sais que, comme l'a dit le professeur Gingras, les trois conseils suivent ces données de très près. Pour autant que je sache, l'écart n'est pas considérable. La langue dans laquelle on soumet la demande ne semble pas avoir une incidence sur les taux de réussite. Je peux me tromper, car ce n'est pas quelque chose que j'ai examiné récemment.
En ce qui concerne le milieu, si vous êtes un scientifique, vous réfléchissez très soigneusement à la langue dans laquelle vous allez soumettre votre demande. Si vous essayez de l'écrire en anglais et que vous êtes francophone, vous aurez besoin de l'aide de quelqu'un et vice versa. C'est ce que j'observe en général.
Je dois dire que McGill, d'après mon expérience, est beaucoup plus anglophone. Je ne considère pas vraiment que McGill comme bilingue, en soi, mais je pense que la plupart des gens ou, du moins, un grand nombre de candidats de McGill ont une connaissance fonctionnelle du français et de l'anglais.
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En quelques mots, c'est le fait qu'une fois que vous avez acquis une certaine visibilité, on vous attribuera plus de qualité que vous en avez en réalité. Je pense que c'est le cas pour l'anglais. Je vais être très franc.
On parle de « rente ». Il y a la rente pétrolière, comme en Alberta. On peut se contenter de profiter de la rente. Il y a aussi la rente linguistique dont on ne parle jamais. Au Québec, McGill et Concordia jouissent d'une rente linguistique. On pense que ces universités font meilleure figure dans les palmarès des universités. Je connais très bien ces classements et j'ai beaucoup écrit sur ce sujet. Il s'agit d'une rente linguistique, car si on n'est qu'un francophone dans le monde, on n'est pas aussi visible qu'un anglophone. « Oui, nous connaissons très bien McGill et Concordia, mais l'Université du Québec à Montréal, c'est quoi? »
Il y a une rente linguistique et c'est la même chose que l'effet Mathieu. Par exemple, si je rédige un article avec un étudiant, il signe son nom à côté du mien. Puisque je suis relativement connu, on dira: « Gingras a écrit cet article. » J'aurai beau affirmer que, non, l'article a été corédigé avec mon étudiant, on s'en moquera. C'est à moi que l'on attribuera le mérite. Voilà ce qu'est l'effet Mathieu.
L'effet Mathieu a aussi une incidence sur le facteur d'impact. Nous avons rédigé un article très important où nous prouvons que le facteur d'impact fait lui-même l'objet de l'effet Mathieu. C'est pourquoi on devrait interdire le recours au facteur d'impact au CRSNG. Je le réclame depuis des années, mais le CRSNG refuse de le faire. Il devrait être interdit pour un membre du Comité de dire: « Le facteur d'impact de cette revue est plus élevé. » Cela devrait être interdit. C'est facile à faire. C'est un critère que l'on devrait appliquer aux Instituts de recherche en santé du Canada et au Conseil de recherches en sciences humaines, ou CRSH. En fait, on n'y a pas recours au CRSH, mais le CRSNG a cette manie en ce qui concerne les sciences biomédicales. Les mathématiciens ne l'utilisent pas beaucoup, car ils savent que c'est de la foutaise.
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Non. Personnellement, je ne crois pas à cela. La science est basée sur l'excellence et sur l'évaluation par les pairs. Il faut juste s'assurer que les pairs ont les outils pour bien faire l'évaluation.
Le choix de la langue de publication revient au chercheur, en fonction de sa stratégie de publication. Quand je travaille sur le frère Marie‑Victorin, j'écris en français au Québec. Quand je travaille sur Albert Einstein, j'écris en anglais dans une revue internationale, parce que mon auditoire n'est pas le même. Quand j'écris sur les électrons, mon auditoire comprend tous les experts des électrons, y compris les Chinois et les Japonais. Alors, je ne peux pas commencer à enterrer mon texte et à créer des revues artificielles.
On a mentionné, tantôt, l'idée de créer des revues de synthèse. Je vous rappelle que, dans les années 1980, on a créé la revue médecine/sciences. Cela aussi a été un échec, parce qu'on a mal compris la dynamique de la science. La science est une communauté sociologique qui a ses règles, et il faut les connaître avant de vouloir les transformer.
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Merci tout le monde. Je suis désolée du retard.
La séance reprend.
Nous passons au troisième groupe de témoins de la soirée.
Je remercie les témoins de leur présence. C'est très gentil de votre part de nous faire part de vos connaissances et d'être parmi nous un soir d'Halloween.
[Français]
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des nouveaux témoins.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui participent à la réunion au moyen de Zoom peuvent choisir, au bas de l'écran, entre le parquet, l'anglais et le français; ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les interventions des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
J'aimerais maintenant accueillir les témoins.
Nous avons le bonheur d'accueillir ce soir M. Nipun Vats, sous-ministre adjoint, Secteur des sciences et de la recherche d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE; et Mme Valérie La Traverse, vice-présidente, Affaires générales, au Conseil de recherches en sciences humaines.
Bienvenue à vous deux. Vous disposez chacun de cinq minutes pour votre exposé. Au bout de quatre minutes et demie, je montrerai cette carte rose pour que vous sachiez qu'il vous reste 30 secondes. Nous nous efforçons d'être justes envers tout le monde.
Là‑dessus, monsieur Vats, nous sommes impatients de...
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
[Français]
Je vous remercie de l'invitation, membres du Comité. Je suis heureux de revenir témoigner devant vous aujourd'hui.
J'en profite pour vous présenter virtuellement ma collègue Mme Valérie La Traverse, vice-présidente des affaires générales du Conseil de recherches en sciences humaines. Je sais que le Comité a déjà entendu le témoignage de représentants du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada sur ce sujet. J'espère que le Comité trouvera utile d'obtenir une vue d'ensemble de la question, car nous travaillons en collaboration avec les conseils subventionnaires, sur ce sujet comme sur plusieurs autres.
J'aimerais commencer par vous donner un aperçu des sciences et de la recherche au Canada, avant de discuter de la recherche et de la publication scientifique en français.
[Traduction]
Alors que l’économie mondiale évolue, le Canada possède tous les atouts pour prospérer. Pour appuyer et protéger les travaux de recherche et scientifiques canadiens, le gouvernement a réalisé des investissements de plus de 14 milliards de dollars depuis 2016. Ces investissements contribuent à renforcer la position du Canada en tant que chef de file mondial de la recherche et de l’innovation, et à établir une image de marque mondiale qui attirera les talents et les capitaux pour les années à venir.
Notre main-d’œuvre est l’une des plus instruites au monde. Nous disposons d’établissements de recherche de calibre mondial dont un demi-million d'étudiants sont diplômés chaque année. Cela nous place au premier rang des pays de l’OCDE au chapitre de la proportion des diplômés universitaires ou collégiaux. Nous pouvons également être fiers de notre communauté scientifique: bien qu’il ne représente que 0,5 % de la population mondiale, le Canada génère plus de 4 % du savoir mondial.
La recherche de calibre mondial est rendue possible grâce à des partenariats nationaux et internationaux, y compris la collaboration entre les chercheurs, les entreprises et les établissements de recherche. Nous sommes résolus à préserver une approche collaborative et ouverte en matière de sciences et de découvertes, tout en protégeant la recherche et la propriété intellectuelle canadiennes contre l’ingérence étrangère, l’espionnage et le vol.
Pour faire en sorte que nos investissements dans l’innovation, les sciences et la recherche maximisent les avantages pour les Canadiens, le budget prévoit également des fonds pour la mise en œuvre des Lignes directrices sur la sécurité nationale pour les partenariats de recherche.
En somme, nous avons les éléments de base nécessaires pour bâtir une économie forte et un système de recherche sûr et collaboratif.
[Français]
En ce qui concerne le sujet de cette réunion, la recherche et la publication scientifique en français, il est essentiel que nous assurions un traitement équitable de nos deux langues officielles, afin de permettre à toute l'étendue de l'excellence en recherche dans les établissements postsecondaires canadiens de rayonner. Au sein d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada et des organismes de financement de la recherche du portefeuille, à savoir le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines, nous veillons à ce que nos programmes s'harmonisent avec les objectifs du gouvernement dans des domaines clés, y compris la promotion de l'équité, de la diversité et de l'inclusion, et l'alignement sur les politiques et les lois qui régissent les langues officielles et les publications scientifiques.
Bien que le ministère ne finance pas ni ne coordonne directement de publications et de journaux scientifiques, il verse des fonds par l'intermédiaire d'ententes de contribution avec des organismes tiers indépendants qui sont engagés dans le financement et la réalisation de recherche et de formation, ainsi que dans la promotion des sciences.
Afin de promouvoir les langues officielles, ces ententes de contribution exigent que l'organisme bénéficiaire fournisse ses communications et ses services dans les deux langues officielles et contribue à garantir l'harmonisation avec les politiques et les obligations du gouvernement du Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles.
Par exemple, le Conseil des académies canadiennes, qui est financé en partie par le ministère, publie ses résumés de projets et ses rapports complets dans les deux langues officielles sur son site Web, rendant cette recherche accessible à tous.
[Traduction]
Toujours à ISDE, le Centre de recherches sur les communications, ou CRC, publie régulièrement les résultats de ses recherches dans des revues spécialisées en ligne, dont celles de l’Institute of Electrical and Electronics Engineers, ou IEEE, et de Springer. Le site Web du CRC fournit un lien vers les articles de ses revues, trouvés sur le site Web des tiers, ainsi que les résumés. Le CRC s’assure que les résumés publiés sur son site Web sont disponibles en anglais et en français. En plus des publications de recherche, le CRC présente sur son site Web des histoires et des vidéos liées à la recherche, en anglais et en français.
[Français]
En tant que principaux bailleurs de fonds de la recherche et de la formation associée, les conseils subventionnaires respectent les politiques et les lois pertinentes qui régissent les langues officielles et les publications. Ils ont les systèmes, les processus, le personnel et la capacité nécessaires pour évaluer en profondeur le mérite scientifique d'une demande, qu'elle soit rédigée en français ou en anglais.
[Traduction]
Je souligne que, dans son témoignage devant le présent comité, mon collègue Marc Fortin du CRSNG, a parlé du taux de succès des soumissions aux concours du CRSNG rédigées en français, et je crois que Mme La Traverse vous parlera des programmes de base du CRSH, où les taux de réussite des demandes rédigées en français sont comparables ou supérieurs à ceux des demandes rédigées en anglais, pour les subventions de talents, les subventions de savoir et les subventions de développement de partenariat.
Madame la présidente, je me demande combien de temps il reste.
Je suis Valérie La Traverse, vice-présidente des affaires générales du Conseil de recherches en sciences humaines, que l'on connaît bien sous le nom de CRSH. Je suis responsable des politiques, de la stratégie, du rendement, de l'évaluation, de même que des relations internationales du CRSH.
Merci de m'offrir l'occasion de vous parler aujourd'hui des efforts du CRSH en soutien à la recherche et la publication en français. Je tiens aussi à vous remercier de votre leadership en soutien à la recherche et à la science au Canada.
Comme plusieurs d'entre vous le savent, le CRSH est l'organisme subventionnaire fédéral qui encourage et appuie la recherche et la formation en recherche en sciences humaines au Canada. De plus, le CRSH administre les programmes interorganismes au nom des trois organismes fédéraux de financement de la recherche, soit les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, et le CRSH. Ces programmes interorganismes incluent, entre autres, le Programme des chaires de recherche du Canada, le Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada et le fonds Nouvelles frontières en recherche.
[Traduction]
Le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada contribue à l'étude des défis les plus importants auxquels notre société doit faire face à l'échelle nationale et mondiale, qu'il s'agisse de la relance après la pandémie, de la croissance économique, de la durabilité environnementale, du logement abordable ou de la réconciliation.
Il s'agit essentiellement de bâtir une société juste, durable et prospère.
[Français]
Le CRSH a un véritable intérêt à soutenir la recherche canadienne dans les deux langues officielles. Étant un organisme fédéral, le CRSH doit bien sûr se conformer à la législation sur les langues officielles en vigueur au Canada. Cependant, c'est bien plus qu'une obligation pour le CRSH, qui est résolu à accroître l'incidence de la recherche canadienne en sciences humaines qui est menée et publiée en français.
Il est en effet essentiel de se brancher et de miser sur le foisonnement d'idées et de connaissances produites en français pour accroître le bassin de solutions à des problèmes mondiaux urgents qui nous concernent toutes et tous.
Comme vous le savez, les travaux de recherche et d'érudition sont de plus en plus axés sur l'interdisciplinarité et la collaboration, au pays comme à l'étranger. C'est pourquoi il est si important que les chercheurs que nous finançons puissent participer pleinement à des collaborations internationales, et ceci, en français et en anglais.
[Traduction]
De façon globale et dans un contexte mondial, la dualité linguistique est un atout pour le Canada et le réseau canadien de la recherche. Cela permet au Conseil de recherches en sciences humaines, ou CRSH, d'évaluer et de financer des travaux de recherche ainsi que de la formation en recherche dans les deux langues officielles, de renforcer le secteur de la recherche, d'élargir les horizons et de trouver plus de solutions qui contribuent à bâtir le Canada et le monde que nous voulons voir aujourd'hui et dans l'avenir.
Sur le plan plus régional, au Canada, nous savons à quel point il est important que les communautés de langue officielle minoritaires aient accès, dans leur collectivité et leur région, à un établissement leur permettant de faire des études postsecondaires dans leur langue. Nous sommes conscients que, pour les communautés francophones de l'extérieur du Québec, ces établissements — souvent de taille modeste —, ont un effet considérable sur la vitalité de la communauté en tant qu'employeurs et carrefours communautaires qui contribuent à l'éducation, au développement des compétences, et à l'innovation locale.
Le CRSH est heureux de soutenir ces communautés en offrant des subventions à des établissements et des particuliers pour la recherche, la formation en recherche et la mobilisation des connaissances.
[Français]
Je travaille au sein de la fonction publique depuis plus de 20 ans, et je suis vraiment impressionnée par la force de la main-d'œuvre au sein du CRSH, très bilingue, et par sa culture organisationnelle, tout aussi bilingue. C'est grâce à cela que nos activités sont pensées dans les deux langues et tiennent compte de la dualité linguistique.
En terminant, au CRSH, nous demeurons à l'affût des bonnes pratiques internationales et des défis auxquels la communauté de recherche francophone au Canada fait face, ce qui nous permet d'assurer une plus grande équité dans le financement et la diffusion de la recherche en français.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être des nôtres ce soir.
Monsieur Vats, tout au long de l'étude, bon nombre de témoins nous ont dit qu'il y a évidemment une foule de mesures pour promouvoir la recherche en français au Québec, et cela n'a rien d'étonnant. Cependant, comme nous l'avons entendu, nous savons aussi que des travaux de recherche sont menés en français en dehors de cette province, et qu'il peut y avoir des difficultés et des obstacles à surmonter pour certains chercheurs ou organismes qui veulent promouvoir les publications en français.
Avez-vous des recommandations quant aux mesures que le gouvernement peut prendre pour apporter de l'aide, voire bonifier les programmes provinciaux ou postsecondaires qui peuvent exister à l'extérieur du Québec?
Je dirais, à tout le moins, que les coûts de publication associés aux revues qui exigent des frais de publication font partie des dépenses admissibles au titre de certains programmes de subventions offerts par le conseil subventionnaire. Il y a donc de l'aide à cet égard.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux processus d'évaluation par les pairs aux fins de l'attribution des subventions, je crois qu'il n'y a pas vraiment d'efforts qui sont déployés afin d'égaliser les chances pour les deux communautés linguistiques. C'est ce qui ressort de certaines statistiques sur le taux de réussite. Cela dit, il faut admettre que, de façon générale, une plus faible proportion de chercheurs francophones soumettent leur demande en français par rapport au pourcentage de la population. On pourrait peut-être se pencher là-dessus.
En dehors du Québec, il y a des établissements bilingues ou francophones qui offrent de l'aide à leurs chercheurs. À part cela, il y a d'autres moyens de se faire publier. Par exemple, on peut opter pour des types de publications à accès libre qui permettent de publier dans l'une ou l'autre des langues officielles. C'est aussi un moyen efficace de diffuser des documents.
Il y a une foule de mesures d'aide. Je ne crois pas qu'il existe une solution miracle au problème, mais, en ce qui a trait à l'aide financière fournie dans le cadre des programmes fédéraux, je crois qu'il faut s'efforcer de ne pas défavoriser une langue par rapport à une autre lorsqu'on évalue des demandes.
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Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais, car ce sera plus facile pour moi. Veuillez m'excuser. Parfois, il est un peu difficile pour moi de me débrouiller en français sur certains sujets, comme celui-ci.
[Traduction]
La langue de la publication ou la langue dans laquelle la demande est présentée reflète également, dans une certaine mesure, la langue de travail dans une discipline. J'aimerais espérer, bien que je n'aie pas de preuves à cet effet, que les candidats qui sont francophones, s'ils choisissent de faire leur demande en anglais, agissent ainsi parce que leur environnement de travail, lorsqu'il s'agit de communiquer des connaissances scientifiques, est davantage anglophone que francophone. C'est peut-être la nature de certaines disciplines de recherche.
Pour être honnête, je ne dispose pas de données suffisamment détaillées pour pouvoir valider cela. Je peux certainement dire qu'en ce qui concerne les sciences naturelles et les disciplines du génie, la grande majorité de la communication de la recherche se fait en anglais. Il se peut que cela influence le choix de la langue des demandes elles-mêmes. Encore une fois, cela ne repose pas sur une analyse.
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Merci, monsieur Vats. Je vais tenter de vous poser des questions plus précises. Vous pourrez ensuite partager vos données avec nous.
Je reviens sur les demandes de financement reçues par les organismes subventionnaires. Je tente de savoir s'il y a un déséquilibre concernant la proportion en français et en anglais, pas pour ce qui est du taux de succès, mais bien des montants octroyés pour chaque langue officielle. Pouvez-vous nous communiquer les données pertinentes couvrant les 20 dernières années?
Je veux aussi parler de la part du financement de la recherche qui est allouée aux universités francophones et anglophones, non seulement au Québec, mais aussi dans les communautés francophones en situation minoritaire. Avez-vous remarqué l'évolution d'une tendance au cours des 20 dernières années? Je voudrais une réponse de votre ministère à ce sujet.
Je reviens à l'exemple du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Ce sont quand même 50 % des francophones au Canada qui décident de déposer une demande en anglais. Votre ministère l'a-t-il constaté? Quelles mesures et quels mécanismes ont été mis en place par votre ministère pour favoriser les francophones en leur permettant de déposer leurs demandes dans leur langue et de faire des recherches et des publications dans la langue officielle de leur choix?
Je remercie les deux témoins.
Je veux donner suite à certaines des questions posées par M. Blanchette‑Joncas, peut-être avec Mme La Traverse du CRSH.
Nous avons entendu le CRSNG. M. Fortin nous a donné un exemple. Je crois que c'était que 26 % des demandeurs étaient francophones, mais que seulement 10 % des demandes étaient présentées en français. Il a fourni des données, qui, je pense, se limitaient à l'Université McGill et à l'Université d'Ottawa, selon lesquelles les demandes en français au CRSNG avaient plus de succès que les demandes en anglais.
Je me demande si le CRSH dispose de données similaires. Vous ne connaissez peut-être pas les chiffres exacts aujourd'hui, mais nous pourrions peut-être obtenir ces données par écrit de la part du CRSH dans un avenir proche. Quelle est la proportion de demandes au CRSH provenant de francophones, combien sont présentées en français et combien sont présentées en anglais proportionnellement, et quel est le taux de réussite de ces différentes demandes en fonction de la langue? Est‑ce quelque chose que le Comité pourrait obtenir?
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Oui, absolument. Je peux vous dire que pour les 10 dernières années, le pourcentage de demandes en français pour tous nos programmes se situe entre 15 et 19 %, et cela dépend vraiment du programme précis ou de la possibilité de financement. Ces chiffres sont assez stables depuis 10 ans.
En ce qui concerne le taux de succès des demandes en français, nous avons constaté qu'il était assez stable. Il varie de 14 % à 26 %, encore une fois, en fonction de la possibilité de financement. Nous avons tendance à avoir un taux de succès plus élevé pour nos programmes de partenariat, mais cela pourrait être dû à plusieurs facteurs. Tout cela pour dire que le taux a été assez stable au cours des 10 dernières années. Nous n'avons pas vraiment vu de creux ou de chute libre, comme cela a été mentionné plus tôt.
Je dirais également qu'au cours de l'exercice 2021‑2022, et j'inviterais... Je serais heureuse de vous fournir notre rapport sur les concours, mais nous avons en fait constaté un taux de succès plus élevé dans l'ensemble parmi les candidats francophones l'exercice dernier. Encore une fois, nous faisons une évaluation, un examen et un rapport chaque année sur tous nos concours, ventilés par possibilité de financement, programme et langue; je pense que vous trouveriez cela très intéressant.
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Comme je l'ai mentionné, nous avons des subventions pour les universités. Nous avons des suppléments pour les petites universités, qui sont généralement les universités francophones dont vous parlez. Nous avons également, par l'entremise de notre fonds de soutien à la recherche — comme je l'ai mentionné plus tôt — un calcul qui nous permet de fournir, potentiellement, le remboursement d'une plus grande proportion de coûts indirects à ces établissements.
J'ajouterais que ces subventions aux établissements peuvent servir à soutenir les activités de recherche dans les universités en question. L'université pourrait choisir d'utiliser cette subvention, ces fonds, pour promouvoir la recherche en français.
Je dirais également que nous sommes très actifs sur le plan de la sensibilisation. Notre président visite fréquemment ces universités. Évidemment, ce n'était pas le cas pendant la pandémie. Cependant, nous sommes présents. Nous nous rendons auprès d'elles et nous les écoutons. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques préliminaires, le CRSH, en tant qu'organisme, croit au caractère bilingue de notre pays. Nous nous faisons un devoir de visiter ces établissements afin de comprendre quelles peuvent être leurs préoccupations.
M. Vats en a parlé plus tôt, et je n'ai pas eu l'occasion de le dire: j'ajouterais également que 25 % de nos examinateurs correspondent en français dans nos comités d'examen du mérite. C'est un chiffre assez considérable. Nous demandons également que tous les examinateurs du mérite soient bilingues dans une certaine mesure.
J'espère que cela répond à votre question en ce qui concerne le soutien que nous apportons aux établissements de langue minoritaire hors Québec.
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Il y a plusieurs niveaux.
Premièrement, une grande partie de notre travail, en plus de soutenir la recherche dirigée par les chercheurs et fondée sur l'enquête, se fait à l'autre bout du spectre; il s'agit de tenter de mieux relier les résultats des recherches à la société et à l'économie. Cela se fait grâce à certains des programmes qui ont été développés par les conseils. Cela se fait également grâce à certains des programmes d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada qui visent à promouvoir le passage des innovations du laboratoire au marché. Ces types de soutien aux entreprises sont fournis dans les deux langues officielles.
Il y a un effort pour essayer de connecter les chercheurs de tout le pays aux entreprises de tout le pays, où que soient les forces, et beaucoup de nos programmes essaient d'adopter cette approche de plateforme nationale.
Je vois que la présidente signale qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Je ne sais pas si j'ai le temps de terminer la réponse.