Bonjour, tout le monde. Bienvenue à la 40e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride. Les membres du Comité assistent à la réunion en personne ou à distance à l'aide de l'application Zoom.
Je souhaite tout particulièrement la bienvenue à Sébastien Lemire, du Bloc, qui se joint à nous ce matin en tant que suppléant. C'est toujours un plaisir de vous voir dans la salle.
Nous allons poursuivre notre étude sur le soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle.
J'aimerais formuler quelques consignes à l'intention des témoins et des membres.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous nomme. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer et mettez-vous en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation pour ceux qui sont sur Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais et le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal de leur choix. Toutes vos interventions doivent être adressées à la présidence.
Pour les membres dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour les membres sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier et moi-même gérerons l'ordre des interventions de notre. Nous vous remercions de votre patience. Nous essaierons de garder un œil sur les membres qui sont sur Zoom.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion. Je remercie nos interprètes de nous avoir aidés.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous avons...
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Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à nos témoins, puis j'écouterai un rappel au Règlement, si vous voulez bien. Merci.
Trois groupes sont représentés ce matin.
Nous avons, à titre individuel, Neil Desai, chercheur principal, Centre for International Governance Innovation. À titre individuel, nous accueillons Anne-Marie Larose, ancienne présidente-directrice générale d'Aligo Innovation. De Copibec, nous accueillons Christian Laforce, directeur général, et Gilles Herman, vice-président.
Nous avons maintenant un rappel au Règlement de la part de M. Mazier.
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Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie de votre invitation.
Vous avez déjà entendu le président du Conseil canadien des innovateurs et le PDG du Collectif d’actifs en innovation. Il s'agit d'organisations auxquelles je suis affilié, et je m'efforcerai donc de faire en sorte que mes remarques soient complémentaires.
Il convient de mettre en contexte notre discussion en déclarant que nous nous trouvons à un moment important pour l'économie canadienne par rapport à l'économie mondiale. La compétitivité du Canada a diminué depuis plusieurs générations, alors que nos investissements publics cumulés dans l'« innovation » sont parmi les plus élevés de l'OCDE. Il serait facile de mettre ces résultats sur le compte de chercheurs et d'entrepreneurs inférieurs ou d'une culture de complaisance, mais ce serait là une simplification grossière. Je crois fermement que nous devons comprendre et évaluer les avantages si nous voulons vraiment nous attaquer à ce problème, qui est si important pour le maintien du niveau de vie au Canada.
Les avantages économiques de l'innovation au Canada, qui reposent en grande partie sur nos investissements publics, n'ont pas été axés sur la commercialisation des inventions canadiennes par des entreprises ayant leur siège au Canada, au profit de tous les Canadiens. Examinons quelques-uns des plus gros investissements en matière d'innovation réalisés par les contribuables canadiens: nos conseils subventionnaires de la recherche universitaire, le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, et le programme de recherche et de développement industriels. Ces investissements annuels de plusieurs milliards de dollars sont fortement axés sur la découverte, la recherche et le développement. Nous devons également compter les subventions accordées à nos universités et collèges, car le talent est essentiel au développement de nouvelles technologies et à la croissance des entreprises innovantes.
Ces investissements et nos autres vastes investissements publics dans l'innovation ont conduit à des découvertes scientifiques et à des technologies incroyables. Cependant, les avantages économiques généralisés pour les Canadiens n'ont pas été au rendez-vous, et je me demande pourquoi.
Une fois de plus, j'attire l'attention sur les considérations structurelles. Les lignes directrices de leur programme ne permettent pas les activités de commercialisation comme les stratégies de propriété intellectuelle, les projets pilotes de démonstration, les essais cliniques et les activités de vente et de marketing à l'échelle mondiale. Un écosystème d'innovation qui se concentre si fortement sur les investissements en amont dans la recherche et le développement sans que le Canada ne se concentre sur la commercialisation en aval, et dont l'économie est ouverte à l'investissement direct étranger, est mûr pour que ces investissements fuient au profit d'entreprises et de pays étrangers. Bien que je sois favorable à une économie ouverte, je m'interroge sur la logique qui veut que notre secteur public utilise l'argent des contribuables pour attirer des investissements directs étrangers dans le secteur technologique canadien sans s'assurer que ces investissements étrangers déboucheront sur des activités de commercialisation à partir du Canada et contribueront à notre résultat net.
Pour les entreprises canadiennes qui choisissent tout de même de commercialiser leurs inventions à partir du Canada, nous devons également tenir compte des obstacles structurels à l'expansion. J'insisterais particulièrement sur les obstacles fiscaux à l'expansion des entreprises technologiques canadiennes, comme le passage de l'impôt sur les petites entreprises au taux d'imposition des sociétés, les taux d'imposition des particuliers et l'imposition des options d'achat d'actions — un important outil d'incitation à long terme utilisé par les entreprises en croissance.
Au‑delà de ces considérations générales, j'aimerais que vous considériez certains défis et débouchés propres à des sous-secteurs.
Dans mon secteur, la cybersécurité, les administrations principales se rendent compte qu'une industrie nationale en croissance n'est pas seulement un moteur de prospérité, mais qu'elle fait également partie intégrante de la sécurité et de la souveraineté de leurs citoyens et de leur pays. À ce titre, elles apprennent à connaître leurs entreprises innovantes de manière intime et structurée. Elles exploitent les barrières non tarifaires, telles que les considérations de sécurité nationale, pour s'assurer que leurs entreprises nationales comprennent le paysage des menaces aiguës. Elles tirent parti de leurs régimes d'approvisionnement de manière stratégique pour élaborer, avec les entreprises qu'elles ont sélectionnées, des solutions permettant de relever les défis à l'échelle nationale, solutions qui pourront ensuite être exportées. Elles le font dans le respect de leurs obligations en matière de commerce international.
Je crois que la pandémie nous a appris que les capacités nationales — tant en matière de recherche et développement que de commercialisation dans des secteurs stratégiques comme les vaccins — favorisent à la fois la sécurité, la souveraineté et la prospérité. Toutefois, cela nécessite de la prévoyance, un engagement public-privé important et l'utilisation stratégique des ressources publiques. Je pense que les investissements publics cumulés du Canada dans l'innovation sont suffisants pour y parvenir. Les structures doivent être alignées pour inciter les entreprises canadiennes qui investissent massivement dans la recherche et le développement à démarrer, à s'étendre et à fonctionner à partir du Canada.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer et je me réjouis à l'idée d'approfondir ces remarques et de formuler des recommandations particulières au gré de notre conversation d'aujourd'hui.
Merci.
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Bonjour à tous, chers membres du Comité permanent de la science et de la recherche.
Je suis ravie de vous rencontrer ce matin afin d'échanger sur un sujet qui me passionne et sur un secteur dans lequel j'ai œuvré concrètement et activement au cours des 20 dernières années, celui du soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle, appelée PI, issue de la recherche publique.
En effet, j'ai été présidente-directrice générale d'Aligo Innovation, une des trois sociétés de valorisation de la recherche publique universitaire qui existaient au Québec avant la création d'Axelys. Aligo appartenait à 10 des 18 universités du Québec.
Les réflexions et les informations que j'aimerais vous transmettre ce matin se retrouvent dans un mémoire que j'ai corédigé avec Mme Brigitte Lespérance. Ce mémoire proposait, en janvier 2020, une refonte de la structure de valorisation de la recherche au Québec, basé sur le regroupement réussi de deux des quatre sociétés de valorisation par la création d'Aligo, et dans un contexte où les universités et le gouvernement du Québec avaient amorcé des réflexions afin de revoir le modèle de valorisation de la recherche universitaire au Québec.
J'aimerais vous parler ce matin plus spécifiquement de la commercialisation de la propriété intellectuelle, la PI, libre de droits de tiers, aussi appelée « PI orpheline ». On entend par « libre de droits de tiers » que la PI n'est pas soumise à des droits commerciaux accordés à des compagnies, ce qui est généralement le cas lorsque la recherche est financée ou cofinancée par des partenaires privés. Dans cette situation, le partenaire de développement commercial est déjà présent.
J'aimerais faire valoir, dans cette brève allocution, quelques enjeux, freins et facteurs de succès de la maximisation des retombées socioéconomiques de la PI.
Un premier point concerne le processus de transfert technologique, qui est un processus long et complexe. Il nécessite une vision et des mesures menées à long terme, et une patience et des moyens dont les universités ne disposent pas nécessairement.
Il faut retenir qu'environ 10 à 15 % des déclarations d'invention seront valorisées par un transfert de la PI. Il peut s'écouler de sept à dix ans, voire plus, entre une déclaration d'invention et les premières retombées de redevances d'un transfert.
L'exemple de l'Université Stanford est éloquent. Avec 500 déclarations d'invention par année, il lui a fallu près de 20 ans avant de voir ses revenus de redevances s'accroître de façon substantielle. Stanford se finance maintenant avec ces revenus, notamment grâce à quelques succès, comme Google, bien que moins de 1 % de ses ententes de licence lui rapportent des montants significatifs en redevances.
Mon deuxième point concerne la nécessité de prendre des décisions d'affaires à toutes les étapes du processus de transfert. Cela implique qu'il faut une équipe dévouée et aguerrie, ayant des compétences multisectorielles, une agilité et une intelligence collective pour évaluer et exécuter des plans de commercialisation de façon proactive, avec une indépendance et une capacité de prendre les bonnes décisions d'affaires.
Mon troisième point concerne la nécessité de réduire les risques technologiques et d'affaires des innovations, qui sont généralement à des stades trop précoces pour attirer des partenaires stratégiques ou financiers. Cela implique que, au-delà d'un budget pour financer des demandes de brevet, il faut également fournir une capacité de financement interne pour atténuer les risques des technologies.
Mon dernier point propose un changement de paradigme dans la façon de considérer la commercialisation de la PI libre de droits de tiers.
Il faut dissocier cette activité de commercialisation des autres formes de valorisation et de transfert, incluant la recherche ouverte et collaborative, car il s'agit d'activités dont les dynamiques et les orientations sont différentes.
Ainsi, par leur obligation de soutenir la recherche et les infrastructures de recherche, les universités accordent généralement la priorité à des activités qui génèrent des revenus à court et à moyen termes.
Au contraire, dans un processus de transfert technologique, la propriété intellectuelle doit être traitée comme un actif ayant une valeur économique, et toutes les activités et décisions concernant cet actif doivent être orientées vers le marché, avec un objectif clair de transfert et d'impacts socioéconomiques.
La finalité ne doit pas être le financement de la recherche, mais bien la création de nouveaux produits et de nouveaux services. Les décisions doivent être basées sur des impératifs commerciaux et d'affaires. Cette dynamique n'est pas orientée vers le besoin des universités, mais bien vers le marché.
En conclusion, puisque la commercialisation de la PI développée par des fonds publics et libre de droits de tiers vise la création de richesse socioéconomique, il serait judicieux que le gouvernement soutienne directement la totalité de ces activités et en exige un retour.
Je vous remercie de votre attention et demeure disponible pour répondre à vos questions.
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Bonjour. Je vous remercie de nous recevoir à ce comité.
Je m'appelle Gilles Herman. Je suis le directeur général des éditions du Septentrion et le vice-président de Copibec. Je suis accompagné de M. Christian Laforce, le directeur général de Copibec.
Le droit d'auteur est enchâssé dans l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il est cependant délicat de trouver l’équilibre entre l’accès à la connaissance et le respect du travail de celles et ceux qui l'ont produite. Ce n’est pas un exercice anodin: la liberté d’expression ne peut exister que lorsque les autrices et les auteurs sont capables de vivre de leur travail. Dans certaines démocraties fragiles, la création et le développement de sociétés de gestion collective sont un des leviers structurants qui contribuent à assurer une stabilité politique.
Une société de gestion collective est un organisme à but non lucratif ayant la charge d’administrer les droits qui lui ont été confiés, de collecter des redevances selon différents modèles établis et de redistribuer ces sommes aux titulaires de droit. Copibec est la société de gestion québécoise qui œuvre dans le secteur de l'écrit et représente des autrices et des auteurs, des maisons d’édition, des journalistes, des journaux, des revues et des artistes en arts visuels. Copibec gère aussi des ententes avec plus de 30 sociétés de gestion étrangères, assurant ainsi une réciprocité de la protection des œuvres sur tous ces territoires.
Le régime du droit d’auteur est la pierre angulaire qui permet, depuis plus de deux siècles, le développement de ce secteur économique. Aujourd’hui, les éditeurs canadiens génèrent un produit intérieur brut d’environ 750 millions de dollars et emploient près de 10 000 personnes. Le régime du droit d’auteur permet aux créatrices et aux créateurs de vivre de leur travail et aux maisons d’édition de trouver de nouveaux débouchés pour les œuvres dont ils sont les mandataires. Ainsi, en 2018‑2019, le marché de l’exportation de titres canadiens s’élevait à près de 100 millions de dollars, dont 7 millions de dollars rien qu’en ventes de droits.
Le droit d’auteur est aussi un moteur de développement social. Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’avoir accès à des œuvres qui leur ressemblent. Les étudiantes et les étudiants ont le droit d’avoir accès, durant toute leur scolarité, à des ouvrages faisant référence à leur environnement immédiat. Or, pour cela, les créatrices et les créateurs doivent pouvoir en vivre. Le monde de l’éducation a toujours été un grand consommateur de contenus culturels et intellectuels. Il est intrinsèquement lié au développement du secteur de l’écrit. Au fur et à mesure que l’accès à l’éducation s'est amélioré, les besoins du milieu de l’enseignement ont augmenté. Cela permet à plus de créatrices et de créateurs de vivre de leur travail, en partie grâce aux redevances qui leur sont versées par les sociétés de gestion.
En 2012, lors de la modernisation de la Loi sur le droit d’auteur, le législateur a ajouté plusieurs exceptions permettant de contourner la propriété intellectuelle, notamment en introduisant la notion d’usage équitable à des fins d’éducation, sans toutefois en préciser les limites d’application. Depuis, les établissements d’enseignement se sont massivement désengagés du régime du droit d’auteur. Les pertes financières directement imputables à ce trou béant dans notre législation, de l’ordre de 200 millions de dollars en 10 ans, font peser sur tout un secteur une menace qui nuit à son sain développement économique.
Quel entrepreneur, qu’il soit canadien ou étranger, voudrait aujourd'hui investir de l’argent dans un domaine dont un des principaux débouchés échappe désormais à une protection légale pourtant existante chez une vaste majorité de nos partenaires économiques? Les dommages causés par la Loi sur le droit d’auteur du Canada inquiètent d’ailleurs de nombreux pays, et des voix d’intervenants internationaux se sont à maintes occasions élevées pour la critiquer.
Dans leur lettre de mandat, le ministre du Patrimoine canadien et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie ont tous deux reçu la mission de corriger cette iniquité. Le budget fédéral de 2022 faisait même mention de l’engagement du gouvernement à assurer une rémunération équitable pour les créateurs et les titulaires de droits d’auteur. Pourtant, rien ne bouge.
En toute connaissance de cause, le gouvernement canadien fait preuve de négligence dans cette affaire. Il est temps de poser un geste fort et courageux, et de faire cesser cette injustice. Il faut changer le cadre législatif afin de favoriser la commercialisation du droit d’auteur, assurer la pérennité de l'industrie du livre et de l’édition et, du même coup, protéger la culture canadienne.
Je vous remercie de votre écoute. Nous sommes, bien sûr, prêts à répondre à vos questions.
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C'est une excellente question.
Au Québec, par exemple, on investit plus de 2,5 milliards de dollars en recherche, s'agissant principalement de fonds publics. Une grande partie de la propriété intellectuelle qui est générée est considérée comme de la propriété intellectuelle orpheline, puisqu'elle a été créée à l'aide de fonds publics, sans la présence d'un partenaire commercial. C'est ainsi qu'on définit la propriété intellectuelle orpheline.
Cela implique un processus un peu différent. Comme il n'y a pas de partenaire, il faut aller chercher le bon. Au Québec, dans près de 50 % des cas, une entreprise dérivée sera créée pour commercialiser la propriété intellectuelle orpheline, si cela en vaut le coup. Sinon, dans les autres cas, la propriété intellectuelle est transférée à des entreprises déjà établies pour les rendre plus compétitives.
En ce qui a trait à la quantité de propriétés intellectuelles orphelines au Québec, c'est une bonne question. Je n'ai pas de chiffres là-dessus, mais je dirais qu'environ 500 déclarations d'invention par année sont faites dans l'ensemble des universités du Québec et que la grande majorité d'entre elles constituent de la propriété intellectuelle orpheline.
J'espère avoir bien répondu à votre question.
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C'est une autre excellente question.
Différentes structures existent à l'intérieur et à l'extérieur des universités du Canada. Au Québec, il existe une société de valorisation qui fait maintenant ce travail. Pendant huit ans, j'ai été PDG d'une société de valorisation dont c'était exactement le mandat. Il s'agit d'évaluer, d'abord, la pertinence de la propriété intellectuelle, pour déterminer s'il y a lieu de la valoriser et de viser un transfert technologique. En fait, il ne faut pas attendre que le téléphone sonne, il faut tout simplement être proactif pour trouver les partenaires québécois, canadiens ou internationaux qui verront un avantage à acquérir cette propriété intellectuelle.
Il s'agit donc d'un travail qui demande une masse critique de compétences internes. Les petites universités ayant peu de ressources sont un peu désavantagées. Le regroupement de cette propriété intellectuelle orpheline pour la valoriser est certainement une avenue importante. Il faut être proactif et établir un plan de valorisation. Il faut aussi, comme je le disais, prendre des décisions d'affaires au fur et à mesure du processus de valorisation. Si on pense, au départ, qu'il y a une avenue commerciale et un partenaire potentiel, mais que, finalement, quand on parle aux entreprises, on se rend compte qu'il n'y a plus d'avenue commerciale, pour une raison ou pour une autre, il faut être capable d'arrêter le processus.
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Merci pour cette question.
Je commencerai ma réponse en précisant rapidement que, bien que j'aie été présenté avec un titre universitaire, mon travail quotidien se fait dans une entreprise appelée Magnet Forensics, une entreprise de cybersécurité située à Waterloo, en Ontario. Nous exportons dans plus de 100 pays. Je voulais juste donner ce contexte. Nous sommes une entreprise à forte intensité de propriété intellectuelle.
Pour répondre rapidement à votre dernière question, je ne veux pas simplifier à l'extrême, mais un catalogue serait utile. Des laboratoires fédéraux et des chercheurs universitaires travaillent dans notre domaine, un sous-ensemble de la cybersécurité appelé criminalistique numérique. Nous avons rencontré des chercheurs individuels dans le système des laboratoires fédéraux qui nous ont parlé d'incroyables catalogues de recherche en criminalistique numérique, mais il faut trouver la personne en question. Dans notre cas, il s'agissait d'un laboratoire situé dans une région rurale du Québec. Il est très difficile de les évaluer et, en tant qu'entreprise canadienne, d'investir pour les évaluer quand on ne sait pas, d'un point de vue pratique, ce qui existe. Je pense que nous pourrions envisager de simples investissements dans des catalogues de la propriété intellectuelle extrêmement coûteuse que nous avons générée publiquement dans ce pays.
En ce qui concerne votre question sur les impôts, on parle depuis longtemps dans ce pays de la réforme des crédits pour la recherche scientifique et le développement expérimental, la RS&DE. Examinons à nouveau les structures d'incitation. Ne soyons pas émotifs. Soyons hyperpratiques. Aujourd'hui, nous encourageons les entreprises qui ne sont pas rentables en leur accordant un meilleur crédit d'impôt qu'à celles qui commercialisent avec succès les technologies qu'elles développent grâce au crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental.
Si je devais encourager quelqu'un, je choisirais ceux qui réussissent à commercialiser leurs technologies pour créer des mécanismes positifs. En fait, le crédit d'impôt pour la RS&DE va aujourd'hui dans le sens contraire. C'est un exemple.
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Tout d'abord, Aligo Innovation a cessé ses activités en 2021, lors de la création d'Axelys. Au Québec, présentement, il n'y a qu'une seule société de valorisation qui regroupe les effectifs des trois sociétés qui existaient avant. Mon équipe de chez Aligo est maintenant chez Axelys. Ma superbe équipe a joint les effectifs d'Axelys.
Je ne peux pas parler du modèle d'affaires d'Axelys, mais je peux parler de la façon dont nous fonctionnions chez Aligo. Pour chaque dossier ou déclaration d'invention que nous recevions pour valorisation, nous devions établir une stratégie et mettre les efforts nécessaires pour trouver des partenaires commerciaux de façon proactive. Cela comportait plusieurs défis, dont celui qui a trait au manque de maturité des projets d'affaires et technologiques des universités. C'est un frein important.
Chez Aligo, nous avions une enveloppe interne de financement qui nous permettait de faire rapidement du prototypage et certaines validations. Quand on parlait à un partenaire d'affaires intéressé par une propriété intellectuelle ou si une entreprise en démarrage devait convaincre des investisseurs, nous avions la capacité de financer certaines activités et preuves de concept pour répondre à ces questions rapidement.
Il ne faut pas attendre d'avoir un contrat avec l'université et d'avoir la réponse six mois ou un an plus tard. Il faut fonctionner dans une dynamique d'affaires. C'est ce que nous faisions chez Aligo, et nous le faisions bien. Cela se poursuit chez Axelys, mais dans un modèle un peu différent.
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Monsieur le président, je vous remercie de votre accueil. C'est un plaisir et un honneur pour moi de siéger à ce comité.
J'avais soutenu les débats qui ont mené à la création de ce comité, bien que j'aie été déçu de voir ces sujets quitter le Comité permanent de l'industrie et de la technologie. Je pense néanmoins que c'est pour mieux les aborder ici.
L'enjeu important est celui qui est amené par les gens de Copibec sur la protection du droit d'auteur. Nous avons accueilli ces gens au comité de l'industrie il n'y a pas si longtemps. Ils ont également participé à des études semblables, tant au Comité permanent du patrimoine canadien qu'au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Ces comités ont produit d'excellents rapports en 2019. L'une des recommandations du comité du patrimoine, la recommandation 18, dit ceci:
Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur le droit d’auteur pour préciser que les dispositions relatives à l’utilisation équitable ne s’appliquent pas aux établissements d’enseignement si l’œuvre est accessible sur le marché.
Pouvez-vous nous parler de l'importance de la révision de cette loi pour votre industrie?
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Je vous remercie de souligner la longueur du processus.
La modernisation de la Loi a eu lieu en 2012. Bien sûr, on a tenu compte des recommandations de plusieurs commissions et comités. En 2011, par exemple, des représentants du milieu de l'enseignement ont dit que la nouvelle Loi ne servait pas à verser les redevances aux titulaires de droit d'auteur. La Loi comprenait un délai de révision de cinq ans. En 2017, on a donc enclenché les travaux. Aujourd'hui, nous sommes en 2023, mais rien n'a abouti. Comme vous l'avez dit, tant le Comité permanent du patrimoine canadien que le Comité permanent de l'industrie et de la technologie ont soumis de très bons rapports.
Aujourd'hui, la situation est critique. Je rappelle que l'industrie canadienne du livre et de l'édition contribue à hauteur de 750 millions de dollars au produit intérieur brut du pays et que la vente de livres rapporte 2 milliards de dollars. Or l'industrie est encrise, entre autres parce que les débouchés du milieu de l'enseignement s'amoindrissent à vue d'œil. On parle d'une perte de 200 millions de dollars en 10 ans, une perte directe qui n'a jamais été compensée.
Le risque, c'est que le secteur de l'éducation de demain n'enseigne plus de contenu canadien, parce que les éditeurs canadiens auront tout simplement disparu. On laisse donc le champ libre aux éditeurs américains, anglais ou français, qui pourront occuper nos salles de classe, ce qui est proprement scandaleux.
Il faudrait demander à , qui a le stylo en main pour faire les changements législatifs, pourquoi il n'a pas encore agi dans ce dossier. On le lui demande constamment.
Je suis ravi que nous parlions des droits d'auteur ici, car c'est un problème de la propriété intellectuelle. J'ai plus d'expérience dans ce domaine, car, comme vous le disiez, j'ai vu mes paiements de droits d'auteur vraiment réduits au cours des dernières années. Heureusement pour moi, je n'ai jamais écrit de livres pour gagner ma vie, mais je sais que certains de mes amis, de mes électeurs, dépendent de ces paiements pour vivre, et c'est très difficile pour eux.
J'aimerais obtenir un éclaircissement sur ce que vous avez dit à propos du Québec. D'après ce que j'ai compris de vos dernières observations, le gouvernement du Québec a pris des mesures pour payer les droits d'auteur des auteurs québécois, mais c'est à l'extérieur du Québec que nous avons constaté les pertes.
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Je suis ravi de savoir que vous êtes vous-même un auteur et que vous recevez des redevances grâce à vos écrits. Vous apprendrez que, si un extrait d'une de vos œuvres est utilisé dans un établissement d'enseignement au Québec, vous allez recevoir, par l'intermédiaire d'Access Copyright, qui est notre partenaire, des redevances, alors que, si votre œuvre est utilisée dans une université canadienne, vous ne recevrez probablement pas de redevances.
La particularité du Québec tient au fait que son gouvernement a voté une motion unanime pour défendre la question du droit d'auteur. Quand vient ainsi le temps de négocier des licences avec des établissements d'enseignement au Québec, l'état d'esprit général fait en sorte que les établissements n'ont pas encore osé se retirer complètement de la question du droit d'auteur. Cela dit, les redevances ont tout de même baissé de moitié depuis 10 ans, et on sent bien que les établissements d'enseignement regardent le reste du Canada et se disent que, finalement, peut-être qu'eux aussi devraient tout simplement se désengager et faire des économies sur ce point. C'est une question de temps.
La Loi sur le droit d'auteur est une loi fédérale. Ce n'est qu'un usage qui est fait au Québec pour l'instant, et qui est soutenu, mais rien n'empêcherait demain les établissements d'enseignement de tout simplement se désengager, comme le reste du Canada l'a fait.
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L'image du Canada à l'international a vraiment été malmenée en ce qui concerne le droit d'auteur. On parle maintenant de la grippe canadienne lorsqu'on parle de cette question.
Pas plus tard qu’hier, au cours d'une table ronde, je m'entretenais avec le directeur général de l'Union internationale des éditeurs. À la question posée sur ce qu'il pensait de la situation du droit d'auteur dans le monde aujourd'hui, il a répondu qu'il ne fallait pas faire comme le Canada. Cela vous montre l'état de l'esprit de ce que représente le Canada aujourd'hui auprès de nos partenaires, quand il est question du droit d'auteur.
Dans la plupart des pays, en Europe en particulier, il existe des sociétés de gestion collective. Encore une fois, le secteur de l'éducation est l'un des principaux utilisateurs de contenu et d'extraits de contenu. Les sommes viennent donc de cet endroit. Aujourd'hui, le Canada fait vraiment piètre figure et est un mouton noir, à tel point que des éditeurs se sont déjà retirés du marché canadien. La maison d'édition Oxford University Press s'est retirée du marché canadien et a déclaré qu'elle ne ferait plus affaire avec le Canada parce que ce dernier ne respectait pas ses droits. Gallimard, qui n'est tout de même pas le dernier des éditeurs en France, a déjà dit la même chose.
La situation actuelle est vraiment très inquiétante.
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C'est une très bonne question.
L'Université Stanford a commencé des activités de transferts technologiques il y a presque 40 ans, alors, depuis un bon moment déjà. Il faut donc être patient lorsqu'il s'agit de transfert de propriété intellectuelle orpheline, comme je l'ai mentionné. Ce processus est long et, pour obtenir des redevances d'importance, c'est long. Il faut aussi comprendre que l'Université Stanford a une masse critique de dossiers. Elle reçoit à elle seule 500 déclarations d'inventions par année, alors que l'ensemble des universités du Québec en reçoit le même nombre. C'est donc un élément important.
L'Université Stanford génère des statistiques intéressantes en raison du volume. En fait, 1 % des dossiers amène des revenus importants, et entre 2 et 5 % génèrent des revenus d'environ 100 000 $ par année. C'est donc peu. Je vous laisse faire les calculs pour le Québec avec ses 500 déclarations d'inventions par année. L'élément important dans tout cela, c'est que ces statistiques sont assez égales partout. D'ailleurs, j'ai travaillé en collaboration avec la Belgique, la France et d'autres groupes, et ce sont sensiblement les mêmes statistiques sur le plan des retombées, des efforts et des redevances.
L'Université Stanford est effectivement dans une classe à part en raison non seulement de la masse critique du volume de dossiers, mais aussi de la masse critique de son expertise qui, disons, est consacrée au transfert technologique...
Je crois qu'il faut partir du premier principe. Quelle est l'unité générale qui permet de commercialiser avec succès la propriété intellectuelle?
Nous avons consacré une grande partie de la conversation d'aujourd'hui aux universités. Je pense qu'elles sont d'excellentes sources d'idées qui se transforment en propriété intellectuelle, mais pour atteindre la réussite commerciale, comme dans de nombreux exemples qui ont été donnés ici, l'unité de base est une entreprise. Je crains que notre système n'incite pas les chercheurs à créer des entreprises.
Nous avons déjà donné l'exemple de Stanford. Il existe des filières que les chercheurs peuvent emprunter sans avoir à quitter l'institution universitaire, avec des possibilités de créer des entreprises. C'est ainsi que l'on obtient des boucles de rétroaction vertueuses sur une période de 40 ans.
Vous pouvez voir en cours de route les points structurels que je soulève. Ils sont hypertechniques, mais ils sont en même temps évidents. Aujourd'hui, les universités ne sont pas incitées à commercialiser la propriété intellectuelle. Si vous vous éloignez de votre banc de recherche, vous pouvez perdre votre bourse de recherche ou votre chance d'être titularisé. Il y a des obstacles structurels dans les systèmes universitaires.
J'ai mentionné les taxes sur la croissance d'une entreprise, mais je pense que nous pouvons aller encore plus en amont pour voir pourquoi les gens choisissent de ne même pas essayer de commercialiser leur propriété intellectuelle alors qu'il y a tellement de PI qui reste là et qui est engloutie par des entités étrangères ou qui reste sur les étagères parce que les gens ne la connaissent pas, comme c'est le cas pour des entreprises comme la mienne.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
Monsieur Desai, je commencerai par vous.
D'un point de vue international, des témoins nous ont parlé, lors d'autres réunions du Comité, de différentes régions du monde où l'on fait des politiques et des investissements qui peuvent différer quelque peu de ceux qu'offre actuellement le gouvernement du Canada. Fraunhofer vient en tête de liste. Il y a été fait référence à plusieurs reprises.
Pourriez-vous nous faire part de votre expérience en matière de modèles de politiques et d'investissements internationaux que nous pourrions adapter à nos propres politiques et copier?
Je vais changer de vitesse et me concentrer maintenant sur les provinces.
Je pense que vous avez dit que vous êtes situé dans la province de l'Ontario; vous avez donc probablement une certaine interaction avec la province de l'Ontario. J'ai constaté à mes débuts que les gouvernements travaillent souvent en vase clos, malheureusement. Les provinces font leur travail et le gouvernement fédéral fait le sien. Il y a parfois des chevauchements, mais souvent, il n'y a pas beaucoup de coordination et de collaboration.
Pourrais‑je avoir votre avis sur la manière dont les provinces et le gouvernement fédéral devraient travailler ensemble pour s'assurer que les investissements que nous faisons collectivement produisent de bons résultats? Dans votre cas, il s'agit du secteur de la technologie.
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Je pense que c'est une question d'alignement. Lorsque vous essayez d'atteindre les marchés mondiaux, d'accéder à de grandes idées pour créer des choses que l'économie n'a jamais vues auparavant et de faire avancer l'aiguille du PIB — parce que je crois que c'est l'objectif —, cela nécessite un alignement. Je suis heureux de constater que cela se produit dans certains secteurs, du côté des véhicules électriques et des batteries.
Il est très important d'entrer dans les détails et dans un débat sur la propriété intellectuelle. Il est également important de se concentrer non pas sur l'état actuel des choses, mais sur leur évolution, afin de prendre de l'avance sur des secteurs et de ne pas se contenter de faire comme nos homologues américains ou européens, mais de créer de nouvelles possibilités. Je ne parle pas seulement des chercheurs techniques ou des personnes qui vendent ces produits pour des emplois opérationnels. Il s'agit de créer de bons emplois, de grande qualité, pour la classe moyenne.
Cela fait appel à des paris et à des risques, et je pense que ces risques pourraient être mieux partagés entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les entreprises. À mon avis, le gouvernement a vraiment du mal avec les entreprises, alors je dirais, pour répondre à votre question sur l'alignement, que vous devriez inclure les entreprises dans l'équipe dans ces débats.
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C'est une bonne question.
Je dirais que le modèle des sociétés de valorisation du Québec est intéressant. Le fait de regrouper dans une même entité des personnes ayant une masse critique de compétences pour traiter les dossiers permet une gestion plus appropriée de la propriété intellectuelle.
La propriété intellectuelle relève de la compétence fédérale. Il y a certainement des choses à faire de ce côté pour améliorer l'accès à la propriété intellectuelle.
J'ajouterais que chaque université au Québec et au Canada a ses propres règles en matière de propriété intellectuelle. Il n'y a pas d'harmonisation des règles, ce qui représente des défis. Les règles sont semblables, mais certaines universités, par exemple, ont cédé sans trop de problèmes la propriété intellectuelle à un partenaire privé. D'autres universités ne voudront jamais céder la propriété intellectuelle, comme c'est le cas aux États‑Unis, d'ailleurs, où la propriété intellectuelle n'est jamais cédée. Il y a donc...
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Merci, monsieur le président.
La question du temps n'est effectivement pas banale. J'aurais aimé pouvoir poser plusieurs questions. Par exemple, en matière de financement, que représenterait une mesure comme la révision du droit d'auteur à 13,50 $ par étudiant? Que fait-on du regard que posent les autres pays sur le Canada?
Je remercie mon collègue Richard Cannings d'avoir posé cette question. Pour ma part, je vais poser aux gens de Copibec une question qui intéressera les analystes.
Quelles recommandations concrètes feriez-vous à notre comité pour faire avancer la question du droit d'auteur, qu'il s'agisse de vos droits ou de ceux des partenaires avec lesquels vous collaborez, l'Association nationale des éditeurs de livres, par exemple?
Il faut comprendre qu'aujourd'hui, il est nécessaire de changer les cadres législatifs pour permettre la commercialisation du droit d'auteur au Canada, c'est-à-dire dans notre marché national. Sans cela, il sera impossible pour les titulaires de droits de négocier avec les établissements d'enseignement, qui sont depuis longtemps d'importants utilisateurs de contenus.
Le rapport qu'a fait le Comité permanent du patrimoine canadien contenait 22 recommandations. Or nous demandons uniquement que la recommandation 18 soit mise en avant. Elle dit que, s'il existe une autre possibilité commerciale pour l'utilisation d'une œuvre, les universités devraient avoir l'obligation de payer ces redevances. C'est très simple.
Les équipes connaissent cette recommandation. Il ne faut qu'une volonté politique pour mettre en avant ce changement législatif.
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Oui, je pense que c'est certainement une chose à prendre en considération.
Les brevets sont un outil dans le cadre d'une stratégie de PI, mais il y en a d'autres, les secrets commerciaux étant un outil important et l'utilisation de logiciels en étant un autre.
Les entreprises de croissance raffinées qui exportent à l'échelle mondiale ont une stratégie de PI, et je pense que nous utilisons parfois « stratégie de PI » et « brevet » comme des synonymes, alors qu'il n'en est rien. Il y a des choses qu'il n'est pas possible de protéger par un brevet, et pour certaines choses, franchement, des stratégies de données combinées à d'excellentes stratégies de PI peuvent remplacer un brevet.
L'objectif des entreprises plus jeunes que la nôtre serait d'avoir une stratégie de PI. Souvent, il n'est peut-être pas possible d'aller chercher un brevet en raison des coûts. Il est impératif de comprendre ce sur quoi vous travaillez et où la valeur réside aujourd'hui ou pourrait résider à l'avenir pour garantir nos investissements publics. Je suis inquiet lorsque je constate des fuites, en particulier vers l'étranger, dans nos vastes investissements publics et qu'ils finissent hors du pays. Ce n'est pas seulement une question de prospérité. Il faut prendre en compte les considérations de sécurité.
Merci de votre question.
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Nous allons entendre le groupe de témoins suivant.
Bienvenue à nos témoins, qui sont ici en personne, ce qui est un plaisir. Je n'ai pas besoin de vous parler de Zoom et de tout le reste, mais je me contenterai d'indiquer que toutes les questions et observations doivent être adressées au président.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos deux témoins. À titre individuel, nous accueillons Todd Bailey, avocat en propriété intellectuelle, et Serge Buy, PDG du Conseil de l'innovation agroalimentaire.
Le premier intervenant est Todd Bailey. Vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous.
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Monsieur le président et honorables membres, je vous remercie de votre invitation.
Qui suis‑je? Je suis avocat, agent de brevets et de marques de commerce, et ingénieur. Au cours des 20 dernières années, j'ai travaillé sur l'aspect commercial de la propriété intellectuelle au Canada. J'ai déposé des milliers de brevets et j'ai personnellement formé à la propriété intellectuelle plus d'un millier d'ingénieurs, de technologues et de chefs d'entreprise. Aujourd'hui, je suis responsable de la PI au sein de la supergrappe Scale AI, où j'ai participé à plus de 100 projets canadiens d'intelligence artificielle. Ce sont toutes ces expériences qui m'amènent devant vous aujourd'hui.
Le droit de la PI est compliqué, mais en tant qu'outil commercial, la PI n'est pas compliquée. Les entrepreneurs, les gens d'affaires et les législateurs canadiens sont tous incroyablement dotés de bon sens et de jugement commercial, et toutes ces connaissances s'appliquent également au monde de la propriété intellectuelle.
Par exemple, ce soir, certains d'entre nous rentreront chez eux et se détendront avec leur service de diffusion en continu préféré — Netflix, Crave ou autre —, mais qu'allez-vous choisir de regarder? Choisirez-vous le service de diffusion en continu qui détient le plus de droits d'auteur? Choisirez-vous l'émission la plus innovante et la plus avant-gardiste? Probablement pas, car nous savons déjà, par notre expérience quotidienne, que la PI et l'innovation ne suffisent pas à faire le choix du client. Pour réussir, il faut des innovations que les clients souhaitent, et pour en tirer tous les avantages commerciaux, il faut des mesures de PI appropriées.
L'innovation technologique et les brevets fonctionnent exactement de la même manière. C'est l'innovation pertinente pour le marché qui est le moteur, et la PI joue un rôle de soutien très important.
Que savons-nous d'autre sur la commercialisation de l'innovation? Économie 101? C'est l'offre et la demande. Presque tous les témoins de ce comité se sont mis d'accord sur un point: bien que l'offre d'innovation au Canada soit assez bonne, la demande de l'industrie est faible.
Vous avez entendu dire que notre recherche universitaire est robuste, mais qu'il est difficile de trouver des partenaires industriels. Notre communauté d'entreprises en démarrage et de capital-risque est l'une des meilleures en dehors de la Silicon Valley, mais elle ne parvient pas à trouver les clients canadiens qu'exige l'expansion.
La commercialisation consiste à stimuler la demande. Nous ne pouvons pas commencer à vendre plus si les entreprises canadiennes n'achètent pas plus. Le récent rapport de recherche de Scale AI, « AI at Scale », arrive à la même conclusion en ce qui concerne la PI canadienne. Cependant, stimuler la demande d'innovation ne consiste pas seulement à assumer le risque financier. C'est pourquoi Scale AI met en relation des clients de l'industrie avec des universités et de jeunes entreprises, car ces liens favorisent la demande et permettent d'orienter l'innovation en fonction des besoins des clients. La Corporation d'innovation du Canada, la CIC, pourrait jouer un rôle similaire au Canada.
En ce qui concerne les brevets, que savons-nous déjà? Les brevets exercent un effet de levier sur la valeur commerciale de l'innovation. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que plus de la moitié des brevets n'atteignent pas leur cible commerciale, ce qui nuit gravement à leur valeur stratégique en tant qu'actif de PI. L'inventeur et le juriste qui travaillent ensemble couvrent la technologie et les aspects juridiques, mais plus de la moitié du temps, il n'y a pas d'orientation commerciale permanente pour diriger la création de cet actif.
Si nous nous contentons d'augmenter la production de brevets au Canada, nous pouvons nous attendre à un taux d'échec très élevé pour ce qui est d'atteindre nos objectifs en matière de PI. En réduisant ce taux d'échec, ne serait‑ce que légèrement, le Canada pourra atteindre une meilleure position de PI par rapport à ses homologues mondiaux. En tant que petit pays, le Canada doit travailler plus intelligemment.
Le dernier point que je souhaite aborder en particulier est l'éducation. Ce que nous enseignons et la manière dont nous l'enseignons sont importants. Si nous voulons former la prochaine génération de grands maîtres d'échecs, suffit‑il de leur enseigner la fabrication des pièces d'échecs et les règles de base du jeu? Si la PI est un outil commercial, nous devons ouvrir la porte à des tactiques commerciales propres au marché quant à la façon dont la PI crée un avantage concurrentiel.
La formation de champions et de modèles aura également un impact majeur. J'ai pu le constater directement au cours de ma carrière. Enseigner les règles et les stratégies génériques de PI ne fait pas avancer les choses, mais lorsque j'ai décidé de confier à des champions le soin de diriger leurs pairs, l'effet a été incroyable.
Il est essentiel que nous donnions à nos entrepreneurs les moyens de considérer la PI comme un levier commercial, afin qu'ils puissent appliquer leur riche expérience commerciale à la manière dont ils utilisent la PI. C'est également ainsi que nous parviendrons à réduire le taux d'échec que j'ai mentionné il y a un instant. Là encore, je pense que la CIC a un rôle à jouer.
Pour conclure, j'ai trois messages simples à faire passer. La commercialisation de l'innovation nécessite une demande, et la demande nécessite des relations. Nous pouvons dynamiser la PI canadienne en favorisant une PI pertinente pour les entreprises. En ce qui concerne l'éducation, ce que nous enseignons et la manière dont nous l'enseignons sont importants.
Je n'ai pas eu le temps d'aborder la question de l'intelligence artificielle, mais je répondrai volontiers aux questions.
Je vous remercie de votre attention.
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Comme vous cherchez à savoir comment soutenir la commercialisation de la propriété intellectuelle, et comme je ne suis pas juriste, mes remarques se limiteront à des observations et à des options en matière de politiques. À la fin de mon exposé, je formulerai des recommandations qui, je l'espère, seront prises en considération.
Le Conseil de l'innovation agroalimentaire est une organisation qui défend la recherche et l'innovation agroalimentaires au Canada. Notre histoire est longue, puisqu'elle remonte à 1920. Nous avons été fondés par des personnes qui croyaient que la recherche en agriculture alimenterait la croissance économique du Canada, et, en effet, à l'époque ils avaient raison — et ils auraient encore raison aujourd'hui.
Il y a eu tant d'innovations au Canada.
Monsieur le président, vous vous souviendrez de la sélection et du développement des nouvelles variétés d'asperges qui sont devenues les plus populaires en Amérique du Nord et ailleurs. Cela s'est fait dans votre circonscription de Guelph, je crois.
Monsieur Tochor, vous vous joignez à nous via Zoom, et tant d'innovations sont réalisées à Saskatoon, en grande partie grâce aux incubateurs et aux organisations qui existent, comme Ag‑West Bio et le Global Institute for Food Security.
Cependant, il y a plus à faire, et davantage encore. Notre organisation vient de tenir une réunion de deux jours à Ottawa avec des dizaines d'experts et de parties prenantes pour parler de la manière dont le système agroalimentaire canadien peut nourrir le monde de façon durable. Je peux vous assurer qu'il n'y a pas seulement eu de grandes idées, mais aussi des projets réels et tangibles qui produisent des résultats. Il y a eu tellement d'idées qui se sont dessinées, y compris certaines que je vais mentionner aujourd'hui.
Sommes-nous bien cotés en matière d'innovation? Non. Le fait est que nous sommes mal cotés. Nous sommes neuvièmes sur le plan des intrants et vingt‑et‑unièmes sur le plan des résultats. Cela devrait déjà vous donner une idée des problèmes qui se posent. Nous sommes bien en deçà de là où nous devrions être sur le plan de la commercialisation de l'innovation, selon divers indices et rapports de l'OCDE, Bloomberg, etc.
Pourrions-nous faire mieux? Oui, absolument. Examinons ce qui nous retient.
Le processus réglementaire est lourd et contraignant. De toute évidence, si le processus est trop lourd et trop contraignant, les entreprises chercheront à innover ailleurs, ce qu'elles ont déjà fait. Vous pouvez avoir un excellent régime de protection de la propriété intellectuelle, mais si les règlements ou les orientations réglementaires sont retardés, rien ne se passe et nous perdons de l'élan.
Les orientations de l'Agence canadienne d'inspection des aliments sur l'innovation dans le domaine de la sélection végétale, attendues depuis longtemps, en sont un bon exemple. Les retards inquiètent les innovateurs et les investisseurs, surtout lorsqu'ils considèrent que ces retards sont le résultat de lobbys influents et non scientifiques au sein de certaines parties du gouvernement. Ne me croyez pas sur parole: Vous pouvez vous reporter à un récent rapport du Sénat qui dit: « Au chapitre du fardeau réglementaire, le Canada enregistre l’un des pires bilans des pays de l’OCDE, se classant au 35e rang sur 38 pays membres. »
Le fardeau réglementaire est‑il injuste pour les PME? Absolument. Si l'on considère le poids de la réglementation, les PME ne peuvent pas rivaliser avec les grandes entreprises qui disposent de millions de dollars et d'équipes d'experts pour s'occuper de ces questions. Cela leur rend la tâche beaucoup plus difficile. Nous ne pouvons pas, d'un côté, faire l'éloge des PME qui alimentent notre croissance économique et, de l'autre, dire que nous allons leur imposer un fardeau réglementaire qui les empêchera de rivaliser avec les grandes entreprises. Nous devons être prudents sur ce point.
Nous devons protéger notre PI. Le Canada a investi dans le développement de l'innovation. Une multitude de programmes de financement — et j'y reviendrai plus tard — soutiennent le développement de l'innovation, mais la commercialisation de l'innovation signifie souvent la vente de la PI à une société étrangère. Alors que les contribuables canadiens ont investi dans cette innovation, les bénéfices qui en découlent échappent souvent aux Canadiens.
Il convient également d'examiner la manière dont la PI canadienne est protégée. Je crois savoir qu'aux États-Unis, s'il y a suffisamment de raisons de penser que des produits importés utilisent frauduleusement la PI américaine, ils sont saisis à la frontière. Au Canada, le gouvernement s'en lave les mains et dit à une entreprise dont la PI a été volée de la poursuivre en justice. J'ai parlé à une entreprise il y a quelques jours. Elle a un certain nombre de dossiers en cours. Elle vient d'investir 350 000 $ en frais juridiques dans une seule affaire. Je suis sûr que mon collègue de la communauté juridique, qui est juste à côté de moi, serait heureux d'entendre cela, mais je peux vous dire que les entreprises, elles, ne sont pas heureuses de l'entendre.
En ce qui concerne le soutien aux innovateurs, les incubateurs ont joué un rôle important en soutenant les innovateurs et notamment en les aidant à commercialiser la PI. Le Conseil de l'innovation agroalimentaire soutient le rôle joué par les incubateurs et pense que le gouvernement devrait continuer à les financer. Leur proximité avec les innovateurs renforce la crédibilité et la confiance. Les incubateurs ont démontré à maintes reprises qu'ils apportent des avantages économiques au Canada.
Nous voudrions...
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C'est une excellente question.
Les collectifs de brevets portent sur la liberté d'exploitation. Pour répondre rapidement à la question, dans le secteur de l'IA, la liberté d'exploitation est déjà assez bonne, alors il n'y a peut-être pas beaucoup d'avantages.
Pour ce qui est de la liberté d'exploitation, imaginez que vous ne pouvez pas profiter d'une occasion de commercialisation parce que vous en êtes séparé par un champ rempli de mines terrestres qui sont essentiellement des brevets. Vous voulez franchir ce champ. Vous devez soit naviguer prudemment entre tous ces obstacles, soit tracer la voie en acquérant des brevets, en les éliminant ou en faisant autre chose. C'est la liberté d'exploitation.
Les brevets ont des effets différents selon les domaines. Dans le secteur pharmaceutique, ils seront très explicites et personnalisés. À l'autre extrémité du spectre, dans le domaine des logiciels et de l'IA, c'est différent.
Il est important de comprendre certaines choses à propos de l'IA.
Tout d'abord, l'IA n'est pas une technologie. C'est une idée, et c'est essentiellement un panier contenant différents types de mathématiques.
La deuxième chose qu'il faut comprendre, c'est que l'IA existe depuis très longtemps. Les gens qui l'ont inventée sont tous morts, et ceux qui sont venus après eux ont de longs cheveux blancs. Nous attribuons des brevets à des nouveautés, pas à des choses qui sont anciennes. Cela signifie que beaucoup de choses peuvent déjà être utilisées, sans craindre d'enfreindre les droits de brevet.
La troisième chose à comprendre est qu'il est très difficile de breveter l'IA parce qu'elle se situe dans cette étrange zone où le droit des brevets dit qu'on ne peut pas breveter les mathématiques, les algorithmes et les choses de ce genre, ce qui rend la tâche très difficile. Beaucoup de demandes de brevets sont déposées, mais le taux d'échec est extrêmement élevé pour ce qui est de l'obtention de ces brevets.
Ce que je veux dire, c'est que lorsque nous parlons d'un collectif qui essaie de créer cette liberté d'exploitation dans un couloir d'un certain domaine, il y a un grand nombre de domaines qui sont tous différents en raison de la multitude de types d'IA. La quantité de brevets dans ce domaine n'est pas au même niveau que dans d'autres. Si vous vous intéressez, par exemple, à une technologie en plein essor comme l'informatique quantique, un domaine dans lequel le Canada est vraiment à l'avant-garde, elle sera très axée sur le matériel, et cela peut nous offrir des possibilités.
J'aimerais revenir brièvement en arrière. J'ai oublié de mentionner un point vraiment important concernant l'IA, et c'est que toute son infrastructure repose sur ce qu'on appelle la source ouverte, ou « l'open source », c'est-à-dire des logiciels que l'on peut utiliser gratuitement. Je pourrais ouvrir mon ordinateur portable dès maintenant et, avec quelques lignes de code, créer une intelligence artificielle qui analyserait, par exemple, tous les témoignages entendus par le Comité et aiderait à générer des conclusions, etc. Les logiciels de source libre offrent déjà de vastes zones de liberté d'exploitation et lorsque vous avez cela, l'ajout d'un collectif de brevets ne semble pas apporter beaucoup d'avantages. Par contre, cela pourrait être le cas dans certains autres domaines.
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À mon avis, c'est un bon problème. Si nous créons de la propriété intellectuelle que les gens veulent acheter, nous avons une bonne position de départ. Je crois que l'objectif d'accroître la propriété canadienne est un bon objectif, c'est un objectif solide.
Pour ce qui est de la situation actuelle, mes propres recherches figurant dans le rapport AI at Scale, que j'ai remis au greffier afin qu'il vous soit transmis, montrent que nous ne sommes pas au même niveau que les États-Unis ou la Chine. Cependant, ces pays ne sont pas nos pairs. Nous sommes sur un pied d'égalité avec Israël et la France. Nous sommes en avance sur la plupart des autres pays du G7, alors notre position n'est donc pas mauvaise au départ.
Nous voulons nous améliorer, mais même actuellement, par exemple lorsque des entreprises en démarrage sont achetées par des entreprises américaines, il y a de l'argent qui entre au Canada. Cet argent est injecté par des entrepreneurs qui profitent alors de ce qu'ils appellent un événement de liquidité et qui deviennent des investisseurs providentiels. Je crois que nous pouvons faire plus pour encourager ces apports financiers. J'ai parlé des entrepreneurs et des modèles, et il y a là une occasion à saisir.
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La première suggestion — je crois qu'il en a été question lors de la dernière réunion avec l'un des témoins précédents — concerne la façon dont nous jumelons nos chercheurs à nos entreprises en démarrage et aux clients et à l'industrie canadienne susceptibles d'utiliser leur savoir. J'ai mentionné dans mes observations qu'il ne s'agit pas seulement de soutien financier. Ce n'est pas comme s'il y avait un grand nombre d'entreprises qui se contentent de dire que c'est trop cher, et que par conséquent, elles n'en feront pas. D'après mon expérience, du moins, elles ne savent pas par où commencer. Elles ne connaissent pas les gens qui sont dans leur domaine. Elles ne savent pas qui possède l'expertise dont elles ont besoin.
Ce que Scale AI offre — et je pense que c'est à une échelle beaucoup plus petite, mais je vois que la Corporation d'innovation du Canada peut le faire à l'échelle nationale —, c'est une expertise concernant les chercheurs et les domaines dans lesquels ils se spécialisent et ce à quoi travaillent les entreprises en démarrage. Des entreprises viennent nous voir pour nous dire: « Nous voulons travailler dans l'intelligence artificielle. Par où devons-nous commencer? À qui devrions-nous parler? ». Parfois, elles nous consultent parce qu'elles ont un plan. Nos experts en affaires examinent ce plan pour déterminer s'il est voué à l'échec. Lorsque vous conseillez des entreprises qui innovent pour la première fois, vous ne voulez pas qu'elles échouent. Vous voulez qu'elles réussissent, qu'elles commencent à petite échelle, et qu'elles grandissent.
La Corporation d'innovation du Canada, si elle devient un centre d'échange central pour le financement gouvernemental — et je ne suis pas en première ligne de la Corporation, mais l'une des idées qui circulent, c'est que le Fonds stratégique pour l'innovation et d'autres y seront regroupés — vous donnera l'occasion d'acquérir de l'expertise dans différents domaines et de jouer un rôle d'agent de liaison. L'un des membres du Comité a mentionné plus tôt qu'il s'agissait en fait de jumelage. Il faut trouver les bonnes ressources et les appuyer.
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Je crois que la chose la plus importante que nous pourrions faire, c'est de proposer aux chercheurs et aux institutions canadiennes des clients canadiens pour qui ils pourraient travailler.
Nous savons que le financement de l'éducation et de la recherche est toujours insuffisant, et qu'il faut parfois trouver un partenaire corporatif sans avoir la latitude pour décider d'où vient ce partenaire corporatif. Pour que l'innovation soit vraiment pertinente, elle doit répondre à la demande des consommateurs. Si vous innovez sans but, en silo fermé, il y a certains domaines... Si vous êtes dans l'innovation médicale, vous savez que si vous arrivez à détruire un type de cellule, vous obtiendrez quelque chose. Cependant, dans la plupart des secteurs de la technologie, et surtout dans le cas de l'IA ou de tout ce qui est lié au domaine numérique, il y a en fin de compte un client.
En aidant l'industrie à trouver les universités, les collèges ou les entreprises en démarrage, vous lui donnez la capacité d'innover sur quelque chose que les gens veulent acheter.
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Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de rappeler que, lors de la réunion du Comité permanent de la science et de la recherche du 2 février 2023, mon collègue le député Maxime Blanchette‑Joncas a formulé deux demandes au ministère de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie.
La première est de fournir au Comité le nombre de demandes de financement et de bourses d'études, en français et en anglais, dans les universités francophones et bilingues du Canada, ventilé par université et par organisme subventionnaire, et ce, pour les 20 dernières années.
La deuxième demande porte sur le financement accordé par chaque organisme subventionnaire à chaque université québécoise au cours des 20 dernières années.
Après une première réponse transmise au Comité le 21 mars 2023, le Comité a dû relancer le ministère pour l'inviter à fournir les informations manquantes. M. Blanchette‑Joncas a également fait des suivis personnels auprès du ministre. Une seconde réponse a été transmise au Comité le lundi 24 avril. Malheureusement, cette réponse demeure partielle. Les données suivantes sont toujours manquantes: pour le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherches en sciences humaines, le nombre de bourses d'études décernées en anglais et en français, par établissement, pour les 20 dernières années; et pour les trois organismes subventionnaires, le montant des bourses d'études décernées en anglais et en français, par établissement, pour les 20 dernières années.
Le Comité a mis sur pause la rédaction et l'adoption du rapport sur la recherche et la publication scientifique en français pour attendre ces données, d'où l'urgence de les obtenir rapidement.
Vous avez donc reçu un avis de motion de mon collègue Maxime Blanchette-Joncas le 25 avril. Il est proposé:
Que le Comité demande au ministère de l’Industrie de fournir les informations manquantes relativement à la question posée par Maxime Blanchette‑Joncas au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l'Industrie lors de la réunion du 2 février 2023, qu'il le fasse au plus tard le jeudi 4 mai 2023 à 11 heures et que les informations manquantes à fournir soient les suivantes : i) le nombre de bourses d’études décernées en anglais et en français par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), par université, pour les 20 dernières années; ii) le montant des bourses d’études décernées en anglais et en français par les trois organismes subventionnaires, par université, pour les 20 dernières années.
Merci, monsieur le président.
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C'est une excellente question.
Vous le savez peut-être — en fait, je suis convaincu que vous êtes au courant —, mais il reste beaucoup d'éléments intéressants à venir dans la réglementation qui suivra le projet de loi . Un règlement sur ce qu'on appelle l'intelligence artificielle à incidence élevée est déjà prévu dans le projet de loi. L'intelligence artificielle est déjà réglementée. Nous en entendons beaucoup parler à cause de ChatGPT. C'est très chouette, mais ce n'est pas une nouvelle technologie. Elle existe depuis un certain temps, mais elle est maintenant appliquée sur une très grande échelle. Nous utilisons l'intelligence artificielle depuis 10 ans déjà.
L'approche qui a été adoptée me semble la bonne parce que le domaine de l'IA évolue rapidement. ChatGPT n'était pas connu il y a six mois. Cette application fait maintenant partie de nos vies et change beaucoup de choses. Si tout cela se retrouvait dans le projet de loi, ce serait très laborieux de le tenir à jour, et il serait de toute façon toujours en retard sur la technologie. Le recours à des règlements pour établir les règles et ce genre de choses permettra au moins au cadre législatif de rester en phase avec la réalité. C'est assez essentiel.
Il est aussi essentiel de comprendre que dans la plupart des cas, l'IA n'a pas une incidence élevée. Par exemple, pour ce qui est de la chaîne d'approvisionnement, SCALE AI utilise l'IA essentiellement pour des outils de productivité.
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Je vous remercie de votre réponse.
Si vous me le permettez, je vais soumettre votre nom comme témoin dans le cadre de notre étude, au Comité permanent de l'industrie et de la technologie. Je pense que votre point de vue vaut la peine d'être entendu.
Monsieur Buy, d'abord, je vous remercie de votre travail sur l'innovation dans le milieu agricole. On sait que les vaccins peuvent représenter une situation à potentiel de haut risque au Québec et au Canada.
Comment évaluez-vous la capacité de votre industrie à répondre à des crises sanitaires ou aux exigences? Avons-nous la capacité, au Québec et au Canada, de produire des vaccins qui vont répondre aux demandes du milieu agricole?
Je pense qu'un continuum s'est établi avec le secteur privé, qui intervient davantage pour assurer la protection de la PI. Mon collègue ici présent a mentionné que ce n'est pas forcément une mauvaise chose que la PI soit achetée… Je suis tout à fait d'accord, pourvu que les profits reviennent aux Canadiens.
Il arrive que des producteurs dont la PI a été achetée par des multinationales perdent l'accès aux résultats de leurs recherches parce qu'ils se retrouvent au sud de la frontière. C'est quelque chose qui nous préoccupe. Nous devrions mieux protéger ce qui a été produit avec l'argent des contribuables canadiens pour que les profits reviennent au Canada.
Je n'ai pas d'objection à ce qu'une petite entreprise vende sa PI à une plus grande entreprise. En revanche, je crois qu'il faut renforcer la protection de la PI qui a été créée grâce à l'argent des contribuables canadiens.
Je vais transmettre une liste au Comité après la réunion, mais je peux vous en présenter une partie maintenant.
Nous avons parlé de financement. Il a été question de financement et de la mise en place d'une nouvelle corporation. C'est formidable.
Cela dit, dans le secteur de la recherche et de l'innovation en agroalimentaire, le financement vient de 22 ministères et organismes gouvernementaux. Je parle seulement du secteur de l'agroalimentaire. Il n'y a à peu près pas de coordination. Nous avons demandé si on sait combien d'argent le gouvernement dépense pour soutenir la recherche et l'innovation en agroalimentaire, et on nous a répondu qu'on ne le sait pas. On le savait il y a quelques années, mais plus maintenant.
La réussite ne devrait pas être mesurée en fonction du nombre de programmes de financement du gouvernement, mais en fonction des résultats mesurables. Nous recommandons entre autres un examen de l'écosystème des programmes canadiens de financement afin de trouver des moyens efficaces d'améliorer l'efficience, notamment en fusionnant certains programmes et en améliorant la coordination.
Ce que je dis n'a rien de nouveau. Dominic Barton, dans un rapport publié il y a des années à la demande du gouvernement fédéral, faisait exactement la même recommandation. Il faut améliorer la coordination dans ce secteur.
Il faut également investir dans les services d'évaluation. Il ne suffit pas qu'une entreprise déclare qu'avec tel ou tel octroi du gouvernement fédéral, elle a créé tel ou tel nombre d'emplois et eu telle ou telle contribution au produit intérieur brut. Il faut vérifier l'information pour assurer un contrôle efficace des programmes et la prise de décisions éclairées.
Ce sont quelques-unes de nos recommandations. J'en ai d'autres. S'il me reste quelques secondes, j'ajouterai que nous recommandons d'encourager l'innovation canadienne en la soutenant. La situation est un peu différente dans le secteur de l'agroalimentaire. Elle s'apparente un peu à celle du secteur pharmaceutique. À un moment ou un autre, les consommateurs consomment nos produits, directement ou indirectement. Il y a énormément de règlements et d'exigences à respecter. Quand toutes les exigences du gouvernement ont été respectées, c'est assez frustrant quand il refuse de reconnaître la recherche scientifique qui a été menée en amont.
Le Canada a une conseillère scientifique en chef. Il faut améliorer et élargir son mandat pour qu'elle appuie les produits de la recherche scientifique au Canada.
Je m'arrête ici. Je vois que le président me fait des signes.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être présents aujourd'hui.
Monsieur Buy, vous avez un peu piqué ma curiosité. Dans votre discours, vous avez parlé des défis liés aux intrants. Nous avons justement présenté programme Solutions agricoles pour le climat, ou SAC, visant à mettre en œuvre des pratiques agricoles pour lutter contre les changements climatiques, comme les cultures de couverture, et il a une incidence sur les intrants.
À votre avis, des programmes comme celui-là, dont le deuxième volet a été mis en place en 2022, ont-ils des bienfaits pour la propriété intellectuelle des agriculteurs? Cela peut-il les aider à réduire ou à modifier leurs intrants et à mettre en œuvre des pratiques agricoles visant à lutter contre les changements climatiques?
Je ne dirai certainement pas que le programme n'est pas bon. Il a certainement un bon objectif. C'est donc une bonne chose, oui.
Je vais revenir à ce que je disais sur la multiplicité de programmes qui se propagent et qui vont dans tous les sens, ainsi que sur les inquiétudes du secteur à cet égard.
Cela dit, créer un programme de ce genre est une chose, mais comment les innovations seront-elles adoptées par les fermes par la suite? C'est une question un peu plus importante sur laquelle il faudrait se pencher. Il faut se demander si les producteurs ont la capacité d'adopter, de mettre en place et de développer ces innovations.
Il y a quelques mois, à un autre comité, j'ai parlé de la taxe sur le carbone, et un des députés de votre parti m'a dit qu'il existait des solutions innovantes permettant de remplacer l'essence. La réponse a été qu'aucune de ces solutions ne pouvait être mise en place partout.
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Vous comprenez, monsieur Buy, que ce comité tient aujourd'hui une réunion sérieuse.
Or, vous nous dites que, dans l'ensemble de ces 20 organismes, il manque de coordination en ce qui a trait à la propriété intellectuelle. Vous nous dites aussi que vous n'avez pas les chiffres, mais que les ententes dont vous avez entendu parler sont verbales.
Ici, nous demandons des chiffres concrets et des données techniques.
Voulez-vous dire qu'il n'existerait pas de données scientifiques permettant de faire avancer les dossiers de propriété intellectuelle concernant les programmes comme celui dont on vient de parler?
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Je vais vous répondre de deux façons.
Vous me demandez si le travail accompli par les universités est important et je vous réponds qu'il est crucial. Les universités font un excellent travail dans le domaine de la recherche et de l'innovation agroalimentaires. Nous appuyons absolument les demandes qu'elles présentent pour obtenir du financement pour leurs infrastructures de recherche. C'est important.
Leur capacité de produire l'innovation et de la commercialiser est autre. Ce que nous déplorons un peu, c'est qu'au Canada, et même au Québec, il n'y a pas de coordination sur la façon dont les entreprises peuvent travailler avec les universités relativement à la propriété intellectuelle. Il serait bon qu'il y ait un peu plus de coordination de ce côté.
Quant à savoir si les fonds versés sont suffisants, je vous réponds qu'il pourrait toujours y en avoir plus. Cependant, c'est à vous, les députés, de décider où ira l'argent. Ce que nous demandons la plupart du temps c'est si les fonds consacrés à la recherche agroalimentaire ne pourraient pas être utilisés de façon plus efficace. C'est pour cela que nous disons qu'une coordination permettrait cela.
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J'ai effectivement mentionné l'énorme écart entre le nombre de brevets demandés et délivrés dans le domaine de l'IA, à cause de la particularité de ce domaine. Il faut ajouter, concernant les demandes de brevets en Chine, que le gouvernement rémunère les chercheurs pour qu'ils fassent ces demandes, mais qu'ils ne touchent plus un sou après avoir encaissé leur chèque. Il n'y en aura pas d'autre. Ces brevets aboutissent pour la plupart dans la déchiqueteuse. Beaucoup de recherches, y compris des recherches menées au Canada, arrivent à la conclusion que moins de 1 % de ces demandes conduisent effectivement à la délivrance de brevets à l'extérieur de la Chine.
J'ai aussi souligné les différences entre les secteurs. Avoir un brevet ne veut pas dire… Les brevets n'ont pas tous la même valeur. Ce n'est pas comme l'argent. Je pourrais probablement obtenir un brevet pour des chaussures, mais je pourrais difficilement le faire valoir contre quiconque parce que les chaussures existent depuis très longtemps. Ce n'est pas un reproche contre le processus de demande de brevets. Je pourrais probablement ajouter une caractéristique à mes chaussures qui les rendraient uniques et obtenir un brevet pour cela. La réalité est que les brevets ne se valent pas tous.
Un témoin du groupe précédent a déclaré que dans le cas des logiciels et de l'IA, les brevets ne sont pas forcément la meilleure solution. Nous devons arrêter de voir les brevets comme la grande apothéose. Dans beaucoup de cas, la propriété intellectuelle, et particulièrement dans le domaine de l'intelligence artificielle, est commercialisée et protégée par d'autres moyens que les brevets, parce qu'ils ne sont pas toujours la meilleure solution.
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Non, je suis désolé. Merci, monsieur Lauzon.
Je remercie les témoins pour leurs excellentes réponses et les nuances qu'ils ont soumises à notre réflexion.
Mardi prochain, le 2 mai, il y aura une réunion en sous-comité de 11 heures à 11 h 50. Le comité plénier se réunira à huis clos de midi à 13 heures pour amorcer son étude du projet de rapport sur les programmes internationaux ambitieux. Les avis de convocation à ces réunions ont été publiés.
Êtes-vous d'accord pour lever la séance?
Des députés: D'accord.
Le président: Il semble que oui.
Je remercie de nouveau l'ensemble des témoins, et je remercie également les députés pour leurs excellentes questions.