Bienvenue à la 33e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes. La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés assistent à la réunion en personne ou à distance par l'application Zoom. Nous allons poursuivre, avec le premier groupe de témoins, notre étude sur le soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Des services d'interprétation sont offerts. Les personnes qui participent par Zoom peuvent choisir, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes sur place peuvent utiliser leur écouteur et sélectionner le canal souhaité. Je vous rappelle que vous devez adresser vos commentaires au président. Les députés sur place qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Les députés qui participent par Zoom sont priés d'utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous pourrons. Conformément aux motions de régie interne, j'informe le Comité que les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Nous commencerons la séance avec les déclarations liminaires des deux témoins, qui disposeront de cinq minutes chacun.
J'invite donc Mme Beauger à prononcer sa déclaration de cinq minutes.
La parole est à vous.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour.
Je vous remercie, vous et les membres du Comité, de m'accorder du temps, aujourd'hui. Je remercie aussi particulièrement Mme Diab de son invitation.
Au cours des sept dernières années, j'ai été présidente-directrice générale d'IRICoR, un centre d'excellence en commercialisation et en recherche, spécialisé en découverte de médicaments et basé à l'Institut de recherche en immunologie et en cancérologie, ou IRIC, de l'Université de Montréal.
Forte des mes 14 années chez IRICoR, j'ai été interpellée par le thème de la commercialisation de la propriété intellectuelle, une activité qui a fait le succès de l'organisation en vue de la création de solutions thérapeutiques pour les patients atteints de cancer et de maladies rares.
Voici ce que nous avons vu au cours de dernières années. Au plus fort de la pandémie de COVID‑19, en 2020, selon Statistique Canada, on dénombrait, en première position, 80 000 décès dus au cancer, et au deuxième rang, 50 000 décès dus aux maladies cardiovasculaires. Les décès dus à la COVID‑19 occupaient le troisième rang.
Pour ce qui est du cancer, la situation était et demeure particulièrement alarmante parce que le nombre de diagnostics avait chuté de façon draconienne, et cela sans recul de l'incidence.
La découverte de solutions thérapeutiques et novatrices dans ce domaine est plus pertinente que jamais si l'on veut contrer la vague de nouveaux cas de cancer, notamment.
Selon moi, une des solutions est la commercialisation efficace de la propriété intellectuelle au Canada. Cette activité est au cœur du mandat pancanadien d'IRICoR, c'est-à-dire accélérer la découverte et le développement de projets pouvant mener à la commercialisation de nouvelles thérapies. Pour nous, la commercialisation se traduit par l'établissement de partenariats de codéveloppement avec l'industrie biopharmaceutique et la création d'entreprises dérivées.
Les retombées socioéconomiques de nos activités vont au-delà de la mise en marché de nouveaux médicaments. La solution IRICoR de financement et d'accompagnement des meilleurs projets et découvertes de médicaments en cancer et maladies rares vers leur prochain point d'inflexion de valeur revêt toute sa pertinence pour que l'innovation canadienne soit effectivement au bénéfice des patients.
Année après année, ce modèle contribue à bonifier la valeur des investissements faits par le gouvernement dans la recherche fondamentale. Il contribue également à propulser le Québec et le reste du Canada par l'attraction de capitaux étrangers qui financent directement la recherche-développement au Canada par la création et le maintien d'emplois à forte valeur ajoutée dans un secteur de pointe pour notre pays et par la création de nouvelles entreprises.
Nous avons conclu des partenariats au Canada et à l'international avec des joueurs de premier plan du secteur privé, comme Ipsen, AbbVie et Bristol Myers Squibb, ou BMS, pour promouvoir l'innovation canadienne issue de projets initialement soutenus par ces entreprises. La clé est que nous utilisons les financements gouvernementaux avant l'établissement de partenariats avec l'industrie ou la création d'entreprises. Cela nous permet de créer de la propriété intellectuelle de haute valeur et de conclure des gains financiers d'envergure pour nos établissements universitaires, pour nos équipes de recherche et pour des organisations comme la nôtre tout en maintenant le savoir-faire au Canada. Ce savoir-faire créé ou co-créé entre le public et le privé, qu'on ne trouve pas traditionnellement dans les milieux universitaires, est un actif de taille, qui sert par la suite au développement de nouveaux projets.
Les investissements et le soutien d'affaires d'IRICoR sont aussi un pôle d'attraction pour des organisations complémentaires à la nôtre, comme les sociétés de valorisation technologique canadiennes, le réseau de cellules souches basé à Ottawa, le Centre for the Commercialization of Regenerative Medicine, ou CCRM, de Toronto, adMare Bioinnovations, des firmes d'investissement locales comme le Fonds CTI Sciences de la vie, le Fonds de solidarité du Québec et des firmes internationales également, comme Advent Life Sciences. Tout cela est orienté vers la création d'entreprises dérivées basées au Québec et menant des études cliniques partout dans le monde. Je parle ici, par exemple, d'ExCellThera, Epitopea et RejuvenRx, que nous avons contribué à créer.
En 2019, le Canada présentait le plus faible niveau de financement en recherche-développement provenant des entreprises parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, et du G7. Depuis, le gouvernement fédéral a déployé plusieurs initiatives d'importance, comme le Fonds stratégique des sciences, mais nous pouvons en faire davantage.
IRICoR est un modèle de référence, qui doit continuer à être soutenu par le gouvernement fédéral, et même reproduit dans d'autres secteurs pour positionner le Canada parmi les meilleurs en matière de commercialisation de la propriété intellectuelle.
Je vous remercie beaucoup de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.
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Bonjour. Merci de m'avoir invité à témoigner.
Je m'appelle Karim Sallaudin et je suis vice-recteur associé à la commercialisation et à l'entrepreneuriat à l'Université de Waterloo.
Je souligne que la vaste partie de nos activités à l'Université de Waterloo sont menées dans le territoire traditionnel des peuples des Neutres, des Anishinabes et des Haudenosaunees. Le campus principal se trouve sur les Terres de Haldimand, qui ont été attribuées aux Six Nations et qui s'étendent sur 10 kilomètres de chaque côté de la rivière Grand.
À sa fondation, l'Université de Waterloo était un établissement non conventionnel. Elle est devenue grâce à ce statut un chef de file dans le domaine du développement et de la commercialisation de la propriété intellectuelle. La politique de propriété intellectuelle de l'université, qui octroie la pleine propriété à l'inventeur, a donné naissance à une culture universitaire qui valorise la commercialisation des projets innovateurs pilotés par des étudiants et par des groupes de recherche.
J'attire votre attention sur deux de nos plus importantes initiatives de commercialisation.
L'incubateur d'entreprises le plus productif au Canada, Velocity, a aidé à démarrer 434 entreprises depuis 2008. Ces entreprises ont par la suite généré plus de 35 milliards de dollars en valeur d'affaires et créé plus de 5 000 emplois. Plus de 1 100 entreprises ont reçu du soutien grâce à la collaboration entre le milieu universitaire et l'industrie dans le cadre du partenariat Advanced Manufacturing Consortium entre les universités McMaster, Western et Waterloo.
Le débat sur l'innovation et les lacunes en matière de productivité au Canada est souvent centré sur la recherche et le développement dans des entreprises privées déjà établies. Toutefois, les activités conduites dans les établissements d'enseignement postsecondaires comme l'Université de Waterloo et le rôle que jouent ces établissements comblent cette lacune, à laquelle les entreprises privées sont incapables de remédier. Voici comment ils y arrivent.
Premièrement, les universités comme Waterloo forment des cohortes de jeunes entrepreneurs qui sont extrêmement motivés, grâce au programme d'enseignement coopératif, à commercialiser des innovations axées sur la productivité. Souvent, les étudiants atteignent ce stade plus rapidement que les entreprises établies, car ils ne sont pas limités par un modèle d'affaires comme le sont la plupart des PME. Grâce à des formes de soutien essentielles telles que l'incubateur Velocity, ces étudiants sont de formidables agents de changement capables de mettre sur pied des licornes axées sur la productivité au Canada. Les entreprises ApplyBoard et Faire sont des exemples récents de licornes.
Deuxièmement, les établissements d'enseignement postsecondaires génèrent la majorité des découvertes en R‑D dans le domaine des technologies profondes. Pensez à ce qui est arrivé à Kodak après l'arrivée des caméras numériques, et aux Pages jaunes après l'arrivée de la recherche en ligne. Pour commercialiser les technologies profondes, il faut du capital et de la main-d'œuvre technique spécialisée. Or, la plupart des entreprises canadiennes ne veulent pas ou ne peuvent pas commercialiser ce type de technologies. Une autre voie à considérer pour les technologies profondes est celle des jeunes pousses dans les universités. Ces entreprises travaillent avec les inventeurs universitaires, surtout parce que ce sont les inventeurs qui possèdent le plus de connaissances tacites sur la mise en marché. En outre, ces entreprises en démarrage sont soutenues par un bassin de diplômés hautement spécialisés qui assurent le transfert des connaissances de l'université à la jeune pousse. Ces étudiants acceptent souvent des postes de leadership au sein de l'entreprise au lieu de déménager au Sud, où ils pourraient dénicher des occasions plus lucratives.
Troisièmement, la croissance économique et les répercussions sociales sont souvent mal alignées. Les problèmes tels que l'économie carboneutre, les changements climatiques, les soins de santé durables, les inégalités et l'insécurité alimentaire n'ont pas disparu malgré des décennies de forte croissance économique. Les entreprises privées ne s'attaquent pas à ces problèmes, car les rendements financiers sont modestes et sont loin d'être immédiats. Toutefois, les entreprises sociales durables issues des campus universitaires comme Waterloo peuvent relever avec brio ces défis sociétaux. Elles attirent des employés qualifiés animés par une mission sociale, et elles puisent le capital nécessaire à leur croissance dans une nouvelle génération d'investisseurs soucieux d'avoir un impact social et dans les programmes gouvernementaux qui valorisent à la fois les impacts sociaux et les rendements financiers.
Je vais faire trois recommandations.
Premièrement, le gouvernement du Canada devrait fournir plus d'investissements axés sur l'accroissement des capacités de commercialisation dans les universités. La recherche, l'innovation et la commercialisation font partie d'un continuum. Si nous restreignons une partie de ce pipeline au profit d'une autre, l'ensemble de l'écosystème et de la société canadienne en souffriront.
Deuxièmement, les universités devraient faire partie de tous les nouveaux programmes offerts par la Corporation d'innovation du Canada, la CIC, pour que toutes les possibilités d'innovation soient considérées. Nous avons besoin de la CIC et d'autres programmes destinés aux universités pour mieux préparer les nouvelles technologies à se transformer en entreprises en démarrage ou à intégrer le secteur privé.
Troisièmement, le CIC devrait collaborer étroitement avec les spécialistes dans les universités et les pépinières d'entreprises qui ont fait leurs preuves dans la commercialisation des technologies spécialisées. Pour combler ses lacunes en R‑D, le Canada doit beaucoup mieux coordonner son approche. Si nous continuons à considérer l'éducation, la recherche et la commercialisation comme des domaines mutuellement exclusifs, l'écart de productivité continuera à s'élargir.
Merci. Je suis prêt à répondre aux questions.
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C'est une excellente question.
Je ne connais pas les chiffres exacts ou la proportion de la propriété intellectuelle qui sort du Canada, mais je peux dire que les technologies profondes, qui renferment une grande part de propriété intellectuelle, sont difficiles à commercialiser au Canada pour les raisons que j'ai mentionnées. D'une part, les entreprises n'ont pas la capacité de les commercialiser, ou parfois, la volonté de le faire. Ce n'est donc pas surprenant que la propriété intellectuelle sorte du Canada pour aller là où elle pourrait être commercialisée.
D'autre part, pour juguler le phénomène, nous devons donner aux entreprises canadiennes les moyens de commercialiser les technologies profondes et de rester au Canada. J'ai mentionné que les entreprises établies n'avaient pas toujours la capacité ou la volonté de commercialiser ces technologies. Les entreprises en démarrage constituent une solution très intéressante. Les jeunes pousses ont un lien inné avec le Canada, puisque leurs inventeurs sont rattachés aux universités. Si nous attirons les étudiants diplômés et que nous les convainquons de ne pas quitter le pays en leur offrant des possibilités de leadership, ils resteront.
En un sens, l'essor des technologies profondes au Canada est concentré dans les entreprises en démarrage issues des universités comme Waterloo. Voilà une solution possible.
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C'est une bonne question, qui est également très précise.
Grâce au financement qu'elles reçoivent du gouvernement, les universités peuvent faire passer les technologies, telles que les technologies profondes, au stade du prototype. Par exemple, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, un des trois organismes subventionnaires fédéraux, offre, entre autres, le programme De l'idée à l'innovation, qui soutient la construction de prototypes.
Une fois le prototype mis au point, il faut transférer la technologie dans le secteur privé ou dans une entreprise en démarrage. Les fonds doivent provenir d'investisseurs providentiels ou d'investisseurs en capital de risque. Actuellement, le Canada ne compte pas beaucoup d'investisseurs en capital de risque prêts à investir dans les technologies profondes à haut risque. Il faut donc compter sur les investisseurs providentiels.
Souvent, une autre solution est de faire appel à des investisseurs stratégiques, c'est‑à‑dire à d'autres entreprises canadiennes qui pourraient voir une valeur dans la technologie en question. Comme elles n'ont pas elles-mêmes les ressources pour investir, ces entreprises vont investir dans une jeune pousse, qu'elles vont faire croître.
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Merci beaucoup, madame Diab.
Je peux parler un peu plus en détail de notre secteur, soit celui de la découverte de médicaments. Comme je le mentionnais, la pandémie a mis en évidence l'importance de ce secteur pour l'économie du Canada.
Je vais soulever un élément qui fait un peu le lien avec les commentaires précédents. Je vais prendre l'exemple d'IRICoR, mais je crois que c'est un modèle qu'on pourrait appliquer plus largement au Canada. Nous constatons la nécessité d'avoir des actifs de haute valeur qui peuvent être développés en milieu universitaire avant la création d'entreprises. Cela permettrait d'atténuer le risque qui peut être perçu par les sociétés de capital de risque canadiennes, mais également américaines. D'ailleurs, je vois que mon collègue le professeur Sallaudin‑Karim développe ces activités au sein de l'Université de Waterloo. Je crois que ce sont des modèles comme celui-ci qui permettent d'augmenter la valeur de l'innovation et de la propriété intellectuelle canadienne avant d'établir des partenariats avec l'industrie.
Quand je parle de partenariats, comme vous le mentionniez, selon notre expérience au sein d'IRICoR, ce sont des partenariats avec des compagnies pharmaceutiques internationales. Il s'agit donc de montrer que l'innovation canadienne permet d'attirer des financements majeurs. De notre côté, par exemple, au cours des 10 premières années, nous avons financé des projets en découverte de médicaments, à différents stades de développement, à hauteur de 5 ou 6 millions de dollars. Ces investissements nous ont permis d'attirer de 50 à 60 millions de dollars de financement en recherche-développement provenant d'entreprises internationales.
Contrairement à ce qui est le cas dans le domaine des technologies profondes, les sièges sociaux des entreprises pharmaceutiques sont à l'extérieur du Canada. Malgré tout, nous avons pu attirer ces fonds.
Par ailleurs, ce qui complète les gains pour le Canada, au-delà du financement de la recherche-développement, ce sont les contrats que nous établissons avec ces entreprises. On parle de propriété intellectuelle et de développement de savoir-faire. Chez IRICoR, nous avons développé, avec les équipes de recherche du Canada, de la nouvelle propriété intellectuelle. Cependant, il faut savoir que, par la suite, nous établissons aussi des partenariats de collaboration avec de grandes compagnies pharmaceutiques, ce qui permet un transfert de connaissances entre les équipes de recherche universitaires et les équipes de recherche de compagnies pharmaceutiques.
Ce savoir-faire développé conjointement génère des gains pour les équipes de recherche, les établissements universitaires au Canada et les organisations comme la nôtre, et cela nous permet de les réinvestir dans des projets de recherche et d'assurer une pérennité à partir de fonds gouvernementaux fédéraux et provinciaux.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je salue les témoins qui se joignent à nous pour prendre part à l'étude.
Mes premières questions s'adresseront à Mme Beauger.
Madame Beauger, c'est un plaisir de vous accueillir au Comité aujourd'hui dans le cadre de cette importante étude.
Je souligne évidemment votre engagement au sein d'IRICoR. Je sais que vous y avez travaillé pendant plusieurs années et que vous semblez maintenant voguer vers de nouveaux défis. Tout de même, je tiens à souligner votre excellent travail et à mentionner que c'est une fierté d'avoir une organisation comme IRICoR en sol québécois. Il s'agit d'une véritable force de frappe dans la transformation de la recherche menée au Québec, mais aussi, bien sûr, ailleurs au Canada et dans le monde, en matière de solutions thérapeutiques hautement innovantes.
Je vais poursuivre dans le même sens que ma collègue. J'aimerais en connaître davantage sur l'état de la situation en ce qui concerne le Canada et sur la place qu'il occupe pour ce qui est de la commercialisation de la propriété intellectuelle.
Selon les dernières données que nous avons obtenues d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada et qui datent tout de même de 2016, le Canada se classait au 31e rang sur les 37 pays de l'OCDE pour ce qui est du nombre de demandes de marques de commerce par habitant.
Quelles sont vos observations à ce sujet?
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Je vous remercie beaucoup de vos bons mots.
Comme je le mentionnais, je crois que nous sommes capables de faire mieux.
Vous avez parlé d'une partie également très importante liée à la propriété intellectuelle, soit les marques de commerce. Or au-delà des marques de commerce, il y a également les brevets. C'est l'un des aspects qu'il faut suivre.
Je crois que, compte tenu du niveau d'innovation et d'investissement des gouvernements fédéral et provinciaux dans la recherche, nous sommes capables de transformer ces investissements précoces en une propriété intellectuelle commercialisable de plus grande envergure. Nous en sommes manifestement capables.
Encore une fois, je crois que c'est ensemble que des organisations comme la nôtre, qui travaillent de concert avec des sociétés de transferts technologiques, et d'autres organisations de partout au Canada peuvent vraiment augmenter la valeur de la propriété intellectuelle.
Nous pouvons même créer de la nouvelle propriété intellectuelle au moyen de nos fonds publics afin de pouvoir établir des partenariats avec l'industrie. Cela nous permettra certainement de mieux nous situer au sein des pays de l'OCDE et du G7.
Je me permets de renchérir sur vos propos.
Évidemment, il faut nuancer. Comme vous l'avez mentionné, il faut aussi parler des brevets. Au chapitre des brevets de triade, comme on appelle une série de brevets pour la même invention inscrits aux registres de l'Europe, du Japon et des États‑Unis, le Canada se classait, par habitant, au 19e rang sur 37 pays. Je ne suis pas si fort que cela en mathématiques, mais, 19e sur 37, cela veut dire que le Canada ne passe pas nécessairement le test, pour un pays du G7.
Je vais quand même poursuivre avec d'autres questions.
Dans votre allocution d'ouverture, madame Beauger, vous avez par la suite parlé du faible investissement du gouvernement canadien en matière de recherche-développement. Vous avez mentionné que le Canada était en queue de peloton des pays du G7 en 2019.
Je me permets quand même d'ajouter que le Canada est le seul pays du G7 à avoir réduit ses investissements au cours des 20 dernières années. Il est également le seul à avoir perdu des chercheurs au cours des six dernières années. Je pense que le portrait est quand même assez sombre et je tente de comprendre.
En tant que personne ayant été à la tête d'une organisation comme IRICoR, pouvez-vous nous dire comment les entreprises de ce secteur font pour être compétitives et pour tenter de se démarquer sur la scène internationale, alors que nous avons un gouvernement qui ne fait pas de l'investissement en recherche-développement l'une de ses priorités?
J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
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Effectivement, la situation laisse à désirer selon les chiffres que vous avez cités. Ce que j'avais mentionné pour 2019, c'est que c'était le financement en recherche-développement provenant d'entreprises qui plaçait le Canada au plus bas niveau du classement.
Je crois encore que le Canada peut faire mieux. Je parlais d'une donnée datant de 2019, et, depuis lors, du financement supplémentaire a été accordé au pays. Il faut continuer de telles initiatives, parce que — et je reviens un peu à la question des brevets —, pendant trop d'années, on a utilisé le nombre de demandes de brevets déposées comme unique indicateur de performance.
Or, ce que nous voyons dans notre domaine en particulier, sur le plan de la découverte de médicaments, c'est qu'il faut s'assurer de développer des brevets et de déposer des demandes de brevets de haute valeur, soit sur la composition de matières, qui permettent d'avoir des gains financiers importants. C'est vraiment une façon de procéder qui nous permettra de nous démarquer et d'augmenter la valeur de ce que nous avons au Canada.
Pour revenir à votre question, je crois que, pour le gouvernement, il s'agit vraiment de canaliser son financement et de l'orienter vers les organisations qui fonctionnent et qui offrent des actifs de haute valeur, ce qui permettra d'attirer ce financement en recherche-développement de l'extérieur du secteur privé.
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Certainement. Je vous remercie pour la question.
Pour y répondre, je vais reprendre quelques points qui viennent d'être soulevés.
L'un d'entre eux concerne la raison pour laquelle le Canada accuse du retard au chapitre des brevets et des marques de commerce.
La réponse est liée au nombre de grandes entreprises pharmaceutiques et de haute technologie que nous avons au pays. Les États-Unis et le Japon — les États-Unis surtout — comptent beaucoup d'entreprises de haute technologie comme Google, Apple et Facebook. Ces entreprises sont des vecteurs de brevets. Les marques de commerce sont le fruit de la mise au point de nouveaux produits, et les secteurs des produits pharmaceutiques et de haute technologie sont toujours en train de mettre au point de nouveaux produits, d'où le nombre élevé de demandes de marques de commerce.
La raison pour laquelle le Canada accuse du retard, c'est qu'il ne compte pas de grandes entreprises pharmaceutiques et de haute technologie. Nous en avons des moyennes, comme OpenText, mais avant, nous avions Nortel et BlackBerry. Ces entreprises étaient très actives sur ce plan. Aujourd'hui, il n'y en a plus de pareilles.
Pour répondre directement à votre question, comment les États-Unis obtiennent-ils de si bons résultats?
Je pense qu'ils investissent plus efficacement que nous dans les premières étapes de l'innovation. Cela nous ramène aux trois recommandations. J'ai déjà parlé des programmes de recherche en innovation et de transfert de technologie pour les petites entreprises qu'offrent les États-Unis. Ces deux programmes sont accessibles non seulement aux petites entreprises américaines, mais aussi aux universités. Les chercheurs peuvent sortir des universités ou des laboratoires nationaux, ils peuvent démarrer une entreprise et ils peuvent recevoir des fonds par l'intermédiaire de ces programmes pendant deux ans. Ainsi, ils ont la possibilité d'arriver à mettre au point un prototype assez avancé pour attirer des investissements en capital de risque.
Au fil du temps, en offrant constamment un tel soutien, les États-Unis ont créé un réseau d'innovation. C'est ce qui leur donne un avantage à long terme.
Le Canada n'a pas de programme pareil. En fait, quand nous mettons des programmes sur pied, nous cherchons à placer les universités et la recherche, l'éducation et la commercialisation dans des catégories différentes. Nous devons commencer à réunir ces trois secteurs pour leur permettre de travailler en synergie.
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Je vous remercie pour la question.
Je nuancerais un peu. Chez IRICoR, quand les grandes entreprises pharmaceutiques collaboraient avec les équipes de recherche avec lesquelles nous travaillions, il y avait une reconnaissance initiale de la valeur de la recherche que nous développions ensemble. Les entreprises paient une partie des frais initiaux de licence.
L'autre élément que je soulignerais, c'est que les équipes de recherche et les entreprises pharmaceutiques mettent au point de la propriété intellectuelle qu'elles détiennent conjointement. La propriété intellectuelle conjointe est reconnue au moyen de paiements qui sont versés tout au long des projets auxquels participent des entreprises basées aux États-Unis ou en Europe, c'est‑à‑dire que les entreprises soient canadiennes ou étrangères. Le secteur public canadien réalise constamment des gains financiers grâce aux projets de collaboration.
C'est la réalité de notre modèle. Par exemple, pour les entreprises pharmaceutiques, le marché canadien est très petit; il va donc de soi qu'elles lancent leurs produits à l'extérieur du Canada. Toutefois, la portion de l'innovation est cruciale. Au moyen de notre modèle, nous avons démontré que les innovations conçues ici permettent au Canada d'enregistrer des gains importants.
J'ajouterais aussi que des redevances sont versées aux institutions et aux organismes publics en contrepartie des innovations canadiennes qui sont introduites sur le marché. Voilà tous les gains concrets que nous réalisons.
En fait, j'ajouterais aussi quelque chose au sujet du savoir-faire. Quand les équipes de recherche des universités collaborent avec celles des grandes entreprises pharmaceutiques, toutes les connaissances ainsi acquises deviennent un atout précieux pour les universités: elles peuvent tirer parti de ce savoir-faire dans le cadre de leurs projets ultérieurs et créer de la nouvelle propriété intellectuelle au Canada.
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Merci, monsieur le président.
Merci aussi aux deux témoins. Vos points de vue sont très intéressants et différents. Je vous remercie tous les deux de votre présence et de votre participation à notre importante discussion.
Comme je viens de la région de Waterloo, je vais poser mes questions à M. Karim.
Avant, j'aimerais souligner, par rapport aux questions que le député Williams a posées tout à l'heure au sujet du capital de risque, que nous avons invité M. Chris Albinson, président-directeur général de Communitech, à venir témoigner devant le Comité. J'ai organisé une table ronde récemment. Il a les réponses à toutes vos questions. Je vais me concentrer sur la propriété intellectuelle, mais j'espère sincèrement qu'il pourra se joindre à nous parce qu'il en sait beaucoup sur le capital de risque et les questions connexes.
Relativement à la propriété intellectuelle, monsieur Karim, pouvez-vous nous expliquer comment le programme ÉleverlaPI, qui a été annoncé récemment, contribuera à relever certains défis liés à la propriété intellectuelle? À l'heure actuelle, le programme finance des centres partout au pays, et je suis ravie qu'il y ait des bénéficiaires de l'Ouest jusqu'à Halifax. Comment le programme aidera‑t‑il les entreprises à progresser? Comme vous le savez, ce n'est jamais le démarrage qui pose problème; on dirait que c'est toujours le passage à l'étape suivante.
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Absolument. Merci, madame Bradford.
Le gouvernement a annoncé qu'il affectait des fonds au programme ÉleverlaPI. L'objectif de ce programme est d'aider les accélérateurs et incubateurs d'entreprises à fournir aux jeunes entreprises canadiennes les outils nécessaires pour comprendre, pour gérer et pour exploiter leur propriété intellectuelle. C'est ce que le programme ÉleverlaPI est censé accomplir. Par conséquent, les universités n'y jouent probablement pas un rôle aussi direct que les accélérateurs et incubateurs d'entreprises. Les fonds doivent servir à aider les jeunes entreprises à comprendre, à gérer et à exploiter leur propriété intellectuelle.
Cependant, pour les jeunes entreprises, une des plus grandes difficultés... Tout le monde sait que la propriété intellectuelle est importante. La question, c'est comment la payer, parce que les coûts associés à la propriété intellectuelle sont élevés. Le programme aidera les jeunes entreprises à comprendre et à gérer leur propriété intellectuelle, mais je ne sais pas s'il leur permettra de payer les frais y afférents.
Normalement, durant ses premières années d'exploitation, une jeune entreprise touche entre 300 000 $ et un million de dollars. Or le coût d'un brevet aux États-Unis, du dépôt de la demande à la délivrance du brevet, varie entre 25 000 $ et 30 000 $. La facture peut grimper très rapidement et devenir une partie considérable des coûts de la jeune entreprise. Je reconnais la valeur du programme, mais je ne suis pas convaincu qu'il atteindra ses objectifs.
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Madame Beauger, je vais devoir vous interrompre. Le temps file, et je veux passer à la question suivante, qui est en lien avec votre réponse.
Le Québec, principalement la ville de Montréal, a longtemps été considéré comme une plaque tournante de l'économie dans l'industrie pharmaceutique sur le plan mondial. Je peux citer quelques entreprises qui en font partie, soit Merck Canada, Pfizer Canada, AstraZeneca Canada, Boehringer Ingelheim Canada et GlaxoSmithKline. Ce sont toutes des entreprises qui étaient présentes sur le sol québécois dans les années 2000.
Vous vous êtes jointe à IRICoR à la fin des années 2000. Vous avez été présidente et directrice générale pendant près de sept ans. Vous savez que ces entreprises n'ont pas fermé parce qu'il faisait froid au Québec pendant l'hiver.
Quelles sont les raisons pour lesquelles ces entreprises ont quitté le sol québécois et canadien?
Pourquoi le Canada a-t-il été le seul pays du G7, encore une fois, à ne pas produire de vaccins contre la COVID‑19?
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Bonjour à tous. C'est un honneur pour moi de participer à cette réunion.
Je m'appelle Pina D'Agostino, et je suis professeure de droit à la Osgoode Hall Law School de l'Université York depuis 17 ans. Je me spécialise dans la propriété intellectuelle, les technologies émergentes et le droit et les politiques de l'innovation. J'ai effectué des recherches, publié des articles, enseigné et conseillé plusieurs ordres de gouvernement. J'ai aussi été citée par la Cour suprême du Canada.
Les questions dont nous sommes saisis me passionnent tellement que j'ai décidé de fonder, il y a 13 ans, la IP Innovation Clinic, la première clinique juridique pro bono sur la propriété intellectuelle au Canada. Avec cette clinique, j'ai subventionné des frais juridiques à hauteur de plus de 2 millions de dollars, qui auraient autrement été facturés, afin d'aider des entrepreneurs démunis à démarrer leurs entreprises. Cette initiative a abouti à de nombreuses réussites et à la création d'emplois au Canada.
En dehors du milieu universitaire, j'ai de l'expérience en tant qu'avocate en entreprise et je travaille avec des entrepreneurs. De plus, je siège au conseil d'administration d'Alectra, une entreprise locale de l'Ontario, qui est la deuxième plus grande société de distribution d'énergie municipale en Amérique du Nord. J'ai pu constater bon nombre des défis auxquels les entreprises canadiennes sont confrontées et le rôle crucial que la propriété intellectuelle joue et devrait jouer dans le processus de la commercialisation. J'aimerais également souligner le rôle essentiel des données dans ce domaine.
Le Canada jouit de talents et d'une créativité en plein essor. Il peut se targuer d'avoir fait ses preuves dans tous les domaines de la science et de la technologie grâce à d'éminents lauréats de prix Nobel, à ses industries et, plus récemment, à l'intelligence artificielle.
Notre histoire est riche en enseignements. Banting et Best ont découvert l'insuline en Ontario, mais ce composé salutaire n'a pas été commercialisé ici. Aujourd'hui, la commercialisation de l'insuline représente une industrie de plusieurs milliards de dollars. Il s'agit d'une occasion que nous avons manquée, et il ne faut pas répéter cette erreur. Nous pouvons et devons faire beaucoup mieux.
La propriété intellectuelle est souvent mal identifiée, protégée ou exploitée. La commercialisation de ce talent et de cette créativité constitue un défi de taille. Il est essentiel d'élaborer des stratégies de propriété intellectuelle à tous les niveaux, depuis les entreprises émergentes jusqu'aux grandes entreprises. La propriété intellectuelle est la nouvelle devise mondiale qui favorise l'innovation.
Trop souvent, s'ils n'ont pas de garantie que la propriété intellectuelle sera protégée, les investisseurs ne dépenseront pas l'argent nécessaire à la création d'entreprises et à l'épanouissement des talents locaux. Nous faisons donc face à divers défis et occasions. Je n'en citerai que quelques-uns.
Premièrement, les universités sont les plaques tournantes de l'innovation et sont bien placées pour résoudre les grands problèmes d'aujourd'hui. Cependant, la plupart des universitaires ne sont pas des entrepreneurs qualifiés. Ils doivent être renseignés au sujet de la propriété intellectuelle et ont besoin d'un soutien spécialisé dès le début de leur parcours. Les universités fortement axées sur la recherche font de leur mieux avec leurs maigres ressources, mais elles restent sous-financées et doivent composer avec des approches institutionnelles cloisonnées.
Deuxièmement, le personnel chargé du transfert de technologie joue le rôle de gardien, mais il n'a souvent qu'une expérience et des connaissances limitées en matière de propriété intellectuelle et ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour la soutenir. Lorsqu'un scientifique a une idée de génie, le personnel peut soit ne pas reconnaître correctement la précieuse propriété intellectuelle à protéger, soit protéger l'invention en déposant un brevet. Cependant, en raison des politiques institutionnelles et des contraintes financières, il est obligatoire, pour que le brevet puisse aller de l'avant, de conclure un contrat de licence dans un délai d'un an. Il en résulte des occasions manquées.
En sciences biomédicales, par exemple, les cellules souches, une autre invention canadienne révolutionnaire, ont ajouté le fardeau de la réalisation d'études précliniques pour la démonstration des principes. Ce délai arbitraire d'un an signifie que des brevets précieux risquent d'être abandonnés trop tôt. Il est possible de remédier à cette situation en modifiant les pratiques d'une institution et en investissant dans la commercialisation. Il convient toutefois de noter qu'il n'existe pas de solution à taille unique. Dans d'autres secteurs, une politique d'un an peut suffire, par exemple dans le cas des logiciels. Voilà pourquoi nous avons besoin d'une approche institutionnelle propre à chaque secteur. Nous devons nous demander quelle est la meilleure stratégie en matière de propriété intellectuelle pour chaque secteur et pour chaque innovation.
Bien entendu, le recrutement du personnel le plus qualifié en matière de transfert de technologie, les investissements et la rémunération des esprits les plus brillants peuvent faire toute la différence. En Ontario, l'initiative Propriété intellectuelle Ontario du gouvernement provincial, a récemment lancé un appel à tous pour fournir de l'aide en transfert de technologie. Ce genre de soutien est de plus en plus nécessaire.
Troisièmement, nous devons nous engager à trouver une solution canadienne. Nous devons opérer un changement culturel et prendre des risques, tout en nous dotant d'un plan d'affaires à long terme. Cela signifie qu'il ne faut pas chercher la voie la plus rapide une fois que la propriété intellectuelle est obtenue et simplement s'en décharger. Agir ainsi a un prix puisque la propriété intellectuelle d'aujourd'hui et ses versions subséquentes aboutiraient probablement aux États-Unis. Ce qui s'est passé avec l'insuline en est un bon exemple.
Je terminerai en disant que pour que la commercialisation de la propriété intellectuelle soit couronnée de succès, c'est l'ensemble du système socio-économique qui doit être pris en compte. Je vous dis cela même s'il est tentant pour moi, en tant qu'avocate, de dire qu'il faut modifier la loi. Voilà pourquoi je vous remercie de mener cette étude.
Je le répète, nous avons besoin d'une approche sectorielle. Pour ce faire, nous devons d'abord inculquer une culture de l'innovation et la récompenser. Il faut ensuite intégrer des politiques et des pratiques institutionnelles solides à tous les niveaux, et favoriser une société plus inclusive et à l'écoute des communautés sous-représentées qui ont été mises à l'écart de l'écosystème de l'innovation depuis bien trop longtemps. À cet égard, je me concentre sur deux groupes dans le cadre de mes travaux: les femmes et les communautés autochtones.
Je vous remercie de votre attention. Je recevrai avec plaisir vos commentaires et vos questions.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité permanent de la science et de la recherche.
Je représente aujourd'hui l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, ou IPIC. Je suis avocat en pratique privée, et je suis également ingénieur. Je travaille dans le monde des brevets depuis environ 25 ans.
L'IPIC travaille depuis plusieurs années de concert avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada ainsi qu'avec l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, ou OPIC, afin de promouvoir la propriété intellectuelle et de sensibiliser la population à l'importance de celle-ci. Il veille également à l'élaboration de stratégies en matière de propriété intellectuelle ancrées dans la stratégie d'affaires des entreprises ainsi qu'à la mise en place d'incitatifs à la propriété intellectuelle en général.
Au seul titre de la formation et de la sensibilisation, nos membres participent chaque année à des activités non rémunérées à hauteur de plusieurs dizaines, voire des centaines, d'heures par personne auprès d'entreprises, d'incubateurs, d'accélérateurs, d'universités et collèges, de chambres de commerce et autres organisations.
Parmi plusieurs initiatives, notre association a déposé en mai 2017 un mémoire sur le même sujet qui préoccupe le Comité aujourd'hui. Depuis notre dernière comparution, et passant outre la crise sanitaire encore présente, il s'est produit deux événements importants qui méritent l'attention du Comité.
D'une part, le gouvernement a lancé en 2018 la Stratégie en matière de propriété intellectuelle. Cette initiative mérite d'être soulignée et saluée pour ce qu'elle a permis d'accomplir en procurant des outils d'information sur la propriété intellectuelle, en modernisant le cadre réglementaire des agents de brevets et en mettant sur pied le Collectif d'actifs en innovation, ou CAI.
D'autre part, la récente décision rendue par la Cour fédérale dans l'affaire Janssen Inc. et al. c Sandoz Canada Inc. vient de considérablement handicaper les entreprises canadiennes.
Dans cette affaire, on a examiné la question de la portée du privilège du secret professionnel de l'agent de brevets, ou plus précisément la confidentialité des communications. La Cour a adopté une interprétation extrêmement restrictive des dispositions législatives de la Loi sur les brevets à ce sujet.
En fait, la situation est pire aujourd'hui qu'elle ne l'était avant l'adoption des dispositions législatives conférant ce privilège aux agents de brevets et marques. Le gouvernement doit agir par voie législative pour remettre les pendules à l'heure et assurer aux entreprises qui retiennent les services d'agents de brevets et de marques qu'elles bénéficient d'un tel privilège.
L'étude en cours porte sur le soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle, mais quelques questions doivent dorénavant se poser pour circonscrire l'étendue de l'objet d'étude qui préoccupe le Comité.
Qui est responsable de la commercialisation? De quelle propriété intellectuelle parle-t-on? D'où provient-elle et comment est-elle protégée?
En tentant de répondre à ces questions, nous pouvons commencer par explorer les défis liés à la commercialisation de la propriété intellectuelle.
Le premier défi est la méconnaissance de la propriété intellectuelle par les petites ou moyennes entreprises, ou PME, et les grandes entreprises, ainsi que les mythes qui l'entourent.
Le gouvernement a mis en place sa stratégie en matière de propriété intellectuelle en 2018, ce qui représente une importante initiative.
Les programmes ÉleverlaPI et Assistance PI viennent d'être lancés, mais il est encore un peu tôt pour en évaluer l'incidence. Toutefois, les réactions initiales suscitées par le programme Assistance PI sont très positives.
Néanmoins, certains programmes qui financent la recherche et le développement ne comportent pas de volet de commercialisation. Par exemple, le programme sur les encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental n'impose à l'entreprise qui en bénéficie aucune obligation de se doter d'une stratégie de protection intellectuelle pour la recherche effectuée, encore moins une obligation de protéger les fruits de cette recherche ou de les transformer en objet ou service commercialisable. Selon le ministère des Finances, ces encouragements ont représenté en 2022 des investissements de 3,5 milliards de dollars.
En raison de ce premier défi, plusieurs entreprises peinent à définir la protection intellectuelle créée et ne sont donc pas en mesure de la commercialiser adéquatement puisqu'elle risque de ne pas être bien protégée.
Le second défi est lié à l'aspect temporel entre la cristallisation d'un titre de propriété intellectuelle et son évolution pour en faire un objet ou un service commercialisable.
Le fait d'avoir été en mesure de protéger une innovation ne signifie pas pour autant qu'elle est prête à être commercialisée. Plusieurs innovations protégées par brevet ne voient jamais une tablette de magasin ou une entrée sur un site web.
Les raisons de cette inadéquation entre la propriété intellectuelle et la commercialisation sont variées: un marché pas tout à fait prêt; un manque de fonds; des caractéristiques inadaptées aux besoins commerciaux des clients potentiels, entre autres choses. Un appui soutenu qui permettrait aux entreprises de passer de l'actif de propriété intellectuelle à un objet commercialisable est souhaitable.
Le troisième défi est lié à l'existence de propriété intellectuelle détenue par des tiers pouvant empêcher la libre fabrication et la vente de l'innovation. Ce défi, bien que réel, doit cependant être précédé par une bien meilleure utilisation de la propriété intellectuelle par les entreprises innovantes afin de créer des actifs de propriété intellectuelle pouvant attirer une valeur et servir de contrepoids dans le cadre d'une dispute, présente ou appréhendée.
Les témoins précédents et les membres du Comité ont évoqué la question de la recherche fondamentale effectuée au sein des universités. D'ailleurs, notre mémoire de 2017 offrait certaines pistes de réflexion afin d'atténuer les difficultés liées à cette question. Je tiens à souligner que des organisations, comme Axelys, un nouveau centre de transfert technologique au Québec, se penchent activement sur l'élaboration de programmes, de stratégies et d'incitatifs pour sensibiliser les chercheurs à l'importance de la propriété intellectuelle et à l'importance de la protéger, parfois au risque de retarder la publication des résultats de leur recherche.
Cette question est complexe et elle nécessite un profond changement de culture au sein des milieux universitaires. Une approche unique ne pourra servir les besoins de tout un chacun. Les différences entre les établissements universitaires et les régions, voire entre les domaines scientifiques, nécessiteront de la flexibilité et de l'adaptabilité.
Cela dit, une des lacunes importantes est le manque de personnel formé...
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Après avoir dit « Eurêka! », le scientifique se tourne d'abord vers le bureau de transfert de technologie, qui est généralement le bureau qui s'occupe des questions touchant l'innovation à l'université. Certaines personnes y sont embauchées pour travailler aux côtés des inventeurs pour les aider à déposer et à protéger leurs brevets.
Je vous ai donné l'exemple des cellules souches. Parfois, le personnel en transfert de technologie n'a ni l'expérience ni l'expertise requise dans un secteur donné pour bien comprendre la technologie en question. Il s'agit là d'un premier problème. Il existe également des contraintes financières au sein des bureaux de transfert de technologie. Il pourrait être utile de vous adresser directement à une personne chargée du transfert de technologie. Je comprends l'incidence de ces contraintes lorsque ces gens me font part de leur réalité.
Supposons qu'un membre du personnel dépose votre demande de brevet. Le personnel du bureau de transfert de technologie est préoccupé et veut s'assurer qu'il a misé sur un brevet gagnant. Pour que le brevet continue sur sa lancée, on voudra voir vos contrats de licence, savoir ce qui se passe avec la technologie en question, et être au courant de la situation. Parfois, le personnel du bureau de transfert de technologie dira qu'il ne peut donner suite à votre demande de brevet.
À mes yeux, c'est une occasion manquée. Le processus prend du temps. Le témoin précédent vient d'en parler. Le processus dépendra de la technologie pour laquelle on dépose un brevet. Dans le cas des sciences biomédicales, il faut disposer d'un peu plus de temps et d'argent pour faire avancer les choses. Ce n'est pas le cas pour d'autres technologies.
C'est pourquoi l'une de mes recommandations est de vraiment se pencher sur la technologie, d'adopter une approche sectorielle et de veiller à ce que les bureaux de transfert de technologie soient dotés de membres du personnel spécialisés. Nous devons nous assurer qu'ils sont correctement rémunérés et qu'ils ont la compréhension et la patience nécessaire pour expliquer le processus de dépôt de demande de brevet aux inventeurs. Ils s'occupent des premières étapes parce qu'ils sont le premier point de contact. Si les demandes de brevet ne sortent pas du bureau des brevets de l'université, le processus s'arrête, et notre écosystème d'innovation en sort perdant.
Ce que je vous dis est essentiel. J'ai vu que ce genre de situation se produisait. C'est la raison pour laquelle j'ai retroussé mes manches pour faire ma part, au sein de l'université, pour que ce genre de situation ne se présente plus. J'espère que, en travaillant directement avec Innovation York à la clinique juridique sur la propriété intellectuelle de l'Université York... Elle est soutenue par Innovation York, et nous travaillons donc ensemble. Cette façon de faire est aussi un moyen d'éviter le travail en vase clos dont nous avons parlé et que nous observons.
Je ne parle que de York. J'ai constaté les mêmes pratiques dans d'autres universités.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins pour leurs exposés.
Madame D'Agostino, je vous félicite pour vos réalisations et votre expertise. J'ai trouvé vos propos intéressants. Je vais d'abord m'adresser à vous, puis à M. Gravelle.
Nous avons parlé d'augmenter les activités et d'attirer du capital-risque. Nous avons aussi amplement parlé de la propriété intellectuelle et de sa commercialisation. Je comprends à quel point c'est essentiel.
Vous avez mentionné le délai d'un an, qui est préoccupant. Placez-vous dans le contexte gouvernemental. Les députés vont vous demander où vous investissez votre argent et pourquoi c'est un échec. Ce sera cela la critique. Ce soi-disant gardien est là pour protéger le contribuable. Les contribuables disent ne pas vouloir que leur argent soit investi dans du capital-risque où ils ne peuvent pas obtenir de garantie ou avoir confiance que ce sera une réussite. C'est le point que vous avez fait valoir. On tente de faire tout ce qui est possible pour obtenir un ou deux gros succès. C'est un problème.
Lorsque j'entends parler de vol plutôt que de vente... Je pense que nous cédons notre propriété intellectuelle dans les débuts parce que nous sommes à la recherche de capitaux et de cette volonté d'investir à long terme. Nous nous tournons vers des investisseurs privés à l'étranger, car, au Canada, on ne semble pas avoir le désir socioéconomique d'investir. Prenons Nortel, par exemple. Durant sa liquidation, tous les actifs et leur valeur — même ce qui était d'origine canadienne — sont allés à des sociétés de propriété intellectuelle aux États-Unis. Nous avons perdu beaucoup de possibilités d'aider les travailleurs et les retraités. Nous les avons perdues parce que la propriété intellectuelle était détenue à l'étranger, car ce marché étranger a assumé le risque.
Vous avez formulé quelques recommandations. Les pôles universitaires devraient avoir un grand esprit entrepreneurial. C'est fantastique. J'aimerais bien dire que c'est le cas. Comment favoriser cela? Comment encourager les techniciens à se pencher précisément sur les divers secteurs, à adopter une vision à long terme plutôt qu'à court terme? En fin de compte, lorsqu'on considère la culture, cet appétit pour...
Nous nous penchons là‑dessus depuis longtemps. Nous discutons du même sujet depuis un bon moment. Certaines sociétés canadiennes de gestion de fonds de pension qui ont des ramifications cherchent à cultiver cela davantage que le gouvernement. Le gouvernement joue un rôle, mais quelqu'un doit assumer le risque.
Comment favoriser cela?
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Je ne suis pas convaincu que le gouvernement doit prendre davantage de risques qu'à l'heure actuelle. Il a mis en place des programmes financés par la BDC dans le cadre desquels il assume une partie des risques associés aux entreprises de haute technologie et à celles qui produisent beaucoup de propriété intellectuelle.
Ce que je pense, et vous y avez fait allusion dans vos commentaires, c'est que nous avons un problème de comportement. Si le gouvernement canadien souhaite changer le comportement des acteurs, alors il devrait chercher à créer des incitatifs qui vont contribuer à modifier ce comportement.
En ce qui a trait à la pénurie de personnel ou la pénurie de personnel qualifié au sein des bureaux de transfert de technologie, le gouvernement disposait il y a environ 20 ans d'un programme dans le cadre duquel il finançait une partie du salaire des experts en transfert de technologie et des experts en propriété intellectuelle, ce qui permettait aux bureaux d'accroître leurs effectifs.
Ce programme a été éliminé il y a environ 20 ans. Il serait peut-être judicieux de le rétablir, car il permettrait de subventionner les bureaux de transfert de la technologie ou de les aider à transmettre le savoir plus efficacement. Il permettrait aussi de bâtir une expertise au sein des bureaux, pour favoriser un transfert plus efficace de la technologie des universités aux entrepreneurs, qui peuvent ensuite commercialiser la propriété intellectuelle.
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Merci, monsieur le président.
Je salue les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
Monsieur Gravelle, c'est un plaisir de vous revoir et, bien sûr, de vous accueillir à ce comité, un important comité dont l'étude actuelle porte sur la propriété intellectuelle.
Dans votre allocution, vous avez exposé le portrait de la situation et vous avez également énuméré quelques solutions. J'ai bien pris connaissance de vos recommandations prébudgétaires de 2022. Évidemment, celles de 2023 seront à venir.
Vous avez recommandé que le gouvernement mette en place le programme Premier brevet. Ce programme a déjà existé au Québec, mais il a été aboli par la suite. Il permettait notamment de couvrir les coûts de la recherche initiale, d'établir une stratégie en matière de propriété intellectuelle ainsi que de faire l'ébauche d'une demande de premier brevet sur une invention.
Pouvez-vous nous expliquer l'importance de mettre sur pied un tel programme à nouveau?
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D'accord. Je vous remercie beaucoup de soulever cet élément.
Selon moi, les groupes sous-représentés, les femmes et les Autochtones, sont les laissés-pour-compte du régime de la propriété intellectuelle. Ils sont les laissés-pour-compte des brevets, car, lorsqu'on parle de se doter d'un système et d'un processus de commercialisation dynamiques, au bénéfice de tous les Canadiens, ces groupes ne sont pas à la table des discussions, car ils ne sont pas les propriétaires de la propriété intellectuelle. Ils ne déposent pas de demandes de propriété intellectuelle.
Les chiffres à cet égard sont bien documentés. L'Office de la propriété intellectuelle du Canada, ou OPIC, le USPTO et l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle ont tous effectué des études à ce sujet. L'an dernier, j'ai présenté des chiffres à des représentants de Services aux Autochtones Canada. C'est très triste. Au lendemain de la Journée internationale des femmes, il est bien triste de constater en 2023 que les femmes sont propriétaires de seulement 16 % des brevets. Nous devons faire mieux.
Je fais ma part, dans un sens, et, à bien des égards, le gouvernement fédéral prend des mesures. Il a ciblé les femmes et les Autochtones comme étant deux groupes ayant besoin de soutien. Il a offert ce soutien grâce à certains programmes. J'en ai bénéficié dans le cadre d'une demande que j'ai présentée concernant mon robot conversationnel, qui permet d'automatiser le processus de commercialisation pour qu'il soit mieux adapté aux femmes et aux Autochtones — même davantage que les écosystèmes traditionnels —, qui souvent ne disposent pas des ressources nécessaires pour poser des questions et obtenir des réponses.
C'est l'un des outils que j'ai créés grâce à la clinique.
Indigenous Friends est l'une des fantastiques entreprises en démarrage que j'ai aidées par le biais de la clinique. Il s'agissait essentiellement d'étudiants diplômés de l'Université York qui se sentaient tenus à l'écart. Ils ont mis au point une technologie et une application intelligente, qui ont été financées par le gouvernement provincial et qui sont maintenant accessibles à l'échelle du Canada. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
ELLA est un autre groupe de l'Université York qui s'intéresse précisément aux femmes et qui tente de les aider à commercialiser leurs inventions avec succès.
Il y a de nombreux exemples, mais j'encouragerais le Comité à examiner des moyens d'éviter le cloisonnement. Beaucoup d'argent est consacré à soutenir ces groupes et de nombreux programmes sont mis sur pied à cette fin, mais il nous faut réellement un diagramme pour voir ce qui est fait, pour obtenir une reddition de comptes et de la transparence, pour prendre connaissance des succès et faire les liens nécessaires.
Il faut éviter à tout prix le cloisonnement. C'est ce que je vois dans les établissements, et c'est ce qui peut se produire au sein du gouvernement canadien. C'est ce qui se produit au sein des gouvernements provinciaux et des administrations municipales. Nous devons tous travailler ensemble.
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Merci, monsieur le président.
Madame D'Agostino, je vous remercie pour votre présence aujourd'hui.
J'ai bien aimé votre analogie au début avec le Dr Best et le Dr Banting, relativement, bien sûr, à l'insuline. Je suis originaire de Belleville, en Ontario, où vivait le Dr Collip.
Le Dr Collip est la meilleure analogie avec le Canada. Il était le héros méconnu. Il était l'un des co‑inventeurs de l'insuline et il a joué un grand rôle, mais personne ne le savait vraiment. Je crois qu'on peut dire la même chose du Canada. Nous jouons un grand rôle dans la création de la propriété intellectuelle, grâce à nos institutions qui mènent des recherches d'envergure et qui font de la recherche appliquée, mais le problème, c'est que nous n'arrivons pas à la garder. Souvent, nous aidons d'autres pays.
Je voudrais me concentrer sur votre expertise dans le domaine du droit de la propriété intellectuelle. Y a‑t‑il des éléments dans le droit canadien de la propriété intellectuelle qui freinent nos innovateurs, comparativement à d'autres pays occidentaux? Si c'est le cas, que pouvons-nous modifier?
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C'est une excellente question.
Pour revenir à l'exemple de l'insuline, je dirais que si nous voulons apporter des changements, il faudrait, notamment, examiner ce qui s'est passé dans ce cas‑là, d'un point de vue juridique. Les inventeurs, Banting et Best, ont vendu leur brevet à l'Université de Toronto pour la somme d'un dollar; seulement un dollar. Cela a fait en sorte que quiconque pouvait réaliser le brevet. Ainsi, les États-Unis, qui jouissaient d'un secteur manufacturier plus robuste et qui n'étaient pas du tout réfractaires au risque, ont commencé, il y a une centaine d'années, à bâtir leur capacité de production, et aujourd'hui, ils ont une industrie de plusieurs milliards de dollars. Sur le plan juridique, ce que nous voulons éviter... Je dois mentionner qu'en cours de route, en présentant une demande de propriété intellectuelle subséquente, après l'expiration du brevet, les États-Unis ont été en mesure de la commercialiser, car elle leur appartenait. Voilà comment nous avons raté le coche.
Plus tôt, M. Gravelle a parlé de cette propriété intellectuelle subséquente, et j'en ai fait mention durant mon exposé. Nous voulons nous assurer d'avoir cet arsenal, ce portefeuille de la propriété intellectuelle. D'un point de vue juridique, nous ne pouvons pas la céder. Nous devons adopter une approche stratégique en ce qui a trait à la façon de la conserver, aux licences et à la commercialisation. Si nous voulons la céder, alors il faut obtenir de l'argent en retour, car il peut arriver qu'il ne soit pas logique de la conserver, dépendamment de la stratégie d'affaires, car il s'agit peut-être d'une innovation — et je pense à Alectra, par exemple — qui n'a rien à voir avec le modèle d'affaires.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins.
J'aimerais d'abord m'adresser à la professeure D'Agostino. Ayant longtemps siégé à titre de conseiller municipal à Hamilton, je suis familier avec les pratiques innovantes de l'Université McMaster et avec son parc de l'innovation. Au fil des ans, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de visiter le projet « next gen » du Dr Ali Emadi, qui travaille sur l'intelligence artificielle, l'IA. Je sais que vous connaissez très bien ce projet grâce aux travaux que vous effectuez à l'Université York. Les projets de recherche sur les véhicules électriques et les véhicules autonomes, ainsi qu'une grande partie de l'innovation qui a lieu à l'Université McMaster, sont tributaires des trois ordres de gouvernement.
Vous êtes le premier témoin à y faire référence. Je sais que nous n'en sommes qu'au début de l'étude, mais je rappelle que le parc de l'innovation de l'Université McMaster est soutenu par plusieurs gouvernements municipaux en ce qui concerne l'achat des terrains sur lesquels la propriété est située. Quant aux gouvernements fédéral et provinciaux, ce sont eux qui ont investi dans les infrastructures. Par ailleurs, en interrogeant le Dr Emadi et ses étudiants, j'ai appris qu'une grande partie des fonds de fonctionnement provenait du secteur privé. L'Université McMaster a pu obtenir, dans ce cas, des millions de dollars de l'industrie automobile et d'intervenants connexes.
Je leur ai demandé comment le gouvernement fédéral pourrait obtenir le double ou le triple des investissements qu'il leur consacre aujourd'hui. Comment stimuler un milieu axé sur l'innovation à l'Université McMaster? Je suppose qu'il en va de même à York, à Waterloo et dans d'autres villes du pays. Comment le gouvernement fédéral peut‑il contribuer à stimuler l'innovation? Je crois que vous y avez fait référence dans votre premier point.
Ma deuxième question est de savoir comment aider l'Université McMaster à trouver des partenaires privés. Pour certains, je pense qu'il s'agit probablement d'une tâche aisée. Pour d'autres, c'est beaucoup plus difficile, surtout s'il s'agit d'innovation sociale. Ce sont mes deux premières questions.
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En effet, c'est un bel exemple d'une approche multisectorielle et multidimensionnelle de l'innovation, et nous constatons le même phénomène à York.
Vous voulez savoir comment approcher des partenaires potentiels de l'industrie. Cela se produit à tous les niveaux. Le gouvernement fédéral a une vue d'ensemble des acteurs clés, mais il a tendance à oublier certains acteurs plus petits à l'échelle locale. C'est ici qu'entrent en jeu les différents pôles d'innovation, comme les cliniques, les BTT et les municipalités, qui sont conscients des besoins de leurs industries locales et qui travaillent en partenariat avec elles.
J'ai parlé d'une grille d'évaluation, mais nous avons également besoin d'établir une plus grande connectivité, car c'est en travaillant ensemble que nous pouvons éviter les doublons, être plus efficaces et plus innovants.
Il y a quelques jours, un autre témoin a parlé d'une telle approche de regroupement. Nous devons nous regrouper autour de technologies et de secteurs dans le but d'atteindre une masse critique. À mon avis, nous avons vraiment avantage à financer l'IA au Canada, et c'est d'ailleurs ce que le gouvernement fait déjà. Le Parlement est actuellement en train d'étudier le modèle AIDA. Le Canada peut également compter sur de nombreuses jeunes entreprises. J'ai même lu quelque part qu'il y a plus de jeunes entreprises au Canada dans le domaine de l'IA que partout ailleurs dans le monde. N'oublions pas non plus l'apport des chercheurs, et j'en suis une, qui restent éveillés la nuit en imaginant les possibilités offertes par ChatGPT, et qui réfléchissent à la manière dont nous allons continuer à innover. Bref, le Canada est un terreau fertile pour l'innovation dans le domaine de l'IA.
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Je vous remercie de me donner la possibilité de présenter mon point de vue.
J'ai entendu aujourd'hui des termes comme « vol », « perte » et « profiter » à propos de la propriété intellectuelle au Canada. Nous devons nous montrer très prudents lorsque nous employons des termes comme ceux‑là.
Au cours des 30, 40 et 50 dernières années, le Canada s'est généralement avéré être une destination très attrayante pour les investisseurs étrangers. Nous avons été en mesure d'attirer des entreprises étrangères, qui ont ouvert des bureaux au pays, dont des bureaux consacrés à la commercialisation, et surtout, à la recherche et au développement. Ces entreprises embauchent des employés à l'échelle locale, et c'est d'ailleurs une des raisons qui les ont poussées à venir s'établir ici. Elles subventionnent des programmes de recherche et développement, et possèdent la propriété intellectuelle qui en résulte. Il n'y a donc pas de vol de propriété intellectuelle ni de perte. Ces entreprises viennent s'établir au Canada, paient leurs employés pour effectuer de la recherche et du développement, et elles détiennent la propriété intellectuelle. C'est aussi simple que cela.
Le problème fondamental est que les entreprises canadiennes qui font de la recherche et du développement au pays n'exploitent pas adéquatement les outils de propriété intellectuelle dont elles disposent pour constituer des actifs à partir desquels créer de la valeur. C'est pourtant essentiel. Dès la création d'une entreprise, ou dès la mise en place d'un projet ou de la conquête d'un nouveau marché, il est fondamental d'élaborer une stratégie par rapport à la propriété intellectuelle. La propriété intellectuelle pourra ensuite être protégée, de sorte que nous puissions bâtir des actifs qui demeureront au Canada, du moins autant que possible.