SRSR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la science et de la recherche
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 mai 2024
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Bienvenue à la 87e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
Avant de commencer, je demande à tous les députés et aux autres participants dans la salle de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents de rétroaction acoustique. Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris celles de nos interprètes. Utilisez seulement une oreillette noire approuvée. Il ne faut plus utiliser les anciennes oreillettes grises. Gardez votre oreillette loin de tous les microphones en tout temps. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, placez‑la directement sur l'autocollant placé sur la table à cette fin. Je vous remercie tous de votre collaboration.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Je vais énoncer quelques règles à suivre pour la gouverne des participants à distance.
Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont offerts pendant la réunion. Vous pouvez choisir, au bas de votre écran, le parquet, l'anglais ou le français. Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez m'en informer immédiatement et nous veillerons à ce que l'interprétation reprenne avant de poursuivre les travaux.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre microphone en sourdine. Je vous rappelle que tous les commentaires des députés doivent être adressés à la présidence. Le greffier et moi ferons de notre mieux pour dresser une liste unique d'intervention pour tous les membres du Comité, qu'ils participent à la réunion virtuellement ou en personne.
Conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 31 janvier 2023, le Comité reprend son étude sur la science et la recherche dans l'Arctique canadien en lien avec le changement climatique.
C'est maintenant avec plaisir que j'accueille nos témoins qui comparaissent par vidéoconférence et à titre personnel: Richard Boudreault, professeur associé à l'Université de Waterloo et à Polytechnique Montréal et scientifique en chef à la Société canadienne des mines spatiales; Andrew Derocher, professeur de sciences biologiques à l'Université de l'Alberta; et William Quinton, professeur à l'Université Wilfrid-Laurier. Vous disposerez d'un maximum de cinq minutes pour prononcer vos déclarations préliminaires, après quoi nous passerons aux séries de questions.
Étant donné que nous avons un vote prévu à 11 heures et qu'il est un peu retardé, il se peut que je demande à un moment donné le consentement unanime pour poursuivre jusqu'à 10 minutes avant la fin du vote afin que nous puissions aller voter.
Allez‑y, madame Rempel.
Je ne sais pas exactement ce qui se passe à la Chambre en ce moment, alors j'hésite un peu à donner le consentement unanime jusqu'à ce que nous...
Je ne l'ai pas encore demandé. J'ai demandé que la télévision soit allumée pour que nous puissions voir ce qui se passe, parce que je ne sais vraiment pas pourquoi les travaux sont retardés.
Oui, nous en parlerons en temps et lieu. Au moins, nous nous trouvons dans le même édifice — nous sommes parfois de l'autre côté de la rue —, alors ce sera un peu plus facile de nous précipiter à la Chambre.
Pour en revenir à nos témoins, un maximum de cinq minutes sera accordé pour les déclarations liminaires, après quoi nous passerons aux séries de questions.
Monsieur Boudreault, je vous invite à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
[Français]
[Traduction]
Je remercie les membres du Comité de m'avoir invité. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Vous pouvez me poser des questions en français, en anglais ou en mohawk.
Je fais de la recherche sur les changements climatiques depuis 40 ans et je m'intéresse à l'Arctique depuis au moins deux ou trois décennies. C'est donc sur cette base que s'appuie mon interprétation de tout ce qui se passe.
L'Arctique a connu des périodes de température dépassant les 30 degrés au cours des deux dernières années, ce qui n'avait jamais été observé par le passé et qui représente un changement très important. L'Arctique se réchauffe environ trois fois plus vite que le Canada, et le Canada se réchauffe environ deux fois plus vite que le reste de la planète. Le réchauffement de l'Arctique est donc six fois plus important que dans le reste du monde. De toute évidence, si les températures ont augmenté de 1,5 °C depuis les années 1880, l'augmentation est de 7 à 8 °C dans le Nord, ce qui a également été largement démontré.
Différents points de bascule relèvent du Canada, se trouvent sur le territoire canadien ou très près de celui‑ci. On emploie l'expression « points de bascule » en français pour désigner des points de non-retour, où nous sommes passés d'un état météorologique et environnemental à un autre. Le retour à l'état antérieur peut être extrêmement difficile, voire impossible.
Ces changements ont des répercussions sur un bon nombre de réalités. Permettez-moi d'énoncer les cinq points de bascule au Canada. Nommons la fonte des glaces polaires. À un certain stade, les glaces ne peuvent pas se rétablir. On pense que la fonte des glaces au Groenland a atteint un point de non-retour. Il y a du méthane de pergélisol dans l'Arctique, qui est créé et rejeté dans l'atmosphère. Le méthane a un effet carbonique environ 86 fois plus important que le CO 2. Des feux font rage dans la forêt boréale, comme nous l'avons vu au cours des dernières années. Nous voyons cette année encore que le problème se répète. Pensons aussi au courant de l'Atlantique, le Gulf Stream, qui refroidit la partie est du pays, mais qui tempère aussi les températures en Europe.
Tous ces facteurs sont autant d'éléments sur lesquels d'autres nations pourraient nous demander des comptes à l'avenir. Ces phénomènes se produisent sur notre territoire. Nous devons comprendre leurs effets et signaler les situations qui pourraient ne jamais être renversées.
Le passage du Nord-Ouest est en train de fondre, et la majeure partie de sa superficie est accessible. Les vortex polaires provoquent de grands changements de température au Canada, aux États-Unis et maintenant au Mexique en raison de leur intensité. La température de l'océan augmente aussi très rapidement. L'augmentation de la température des océans entraîne davantage de problèmes environnementaux, comme les typhons et les tempêtes très destructrices.
Il est intéressant de noter que l'un des principaux facteurs à l'origine de la fonte des glaces dans le Nord est le dépôt de la suie. Cette suie est créée par l'exploitation de génératrices et par la combustion de charbon. Elle a tendance à s'accumuler dans le Nord. Elle se dépose sur la neige et accélère donc la fonte.
Il est très important de comprendre que la glace de l'Arctique constitue le principal point de bascule. C'est le premier point de bascule qui se répercute sur tous les autres points de bascule, y compris sur la taille de la forêt pluviale et sa capacité à capter le CO 2. La suie contribue grandement à la fonte des glaces polaires. D'autres pays nous tiendront probablement pour responsables pour ce qui se passe.
Si nous nous comparons aux pays de l'OCDE qui s'intéressent à l'Arctique, nous voyons que nous comptons entre 4 et 15 fois moins de scientifiques que ce dont nous aurions besoin en fonction de la superficie en kilomètres carrés du Canada.
Je suis désolée, monsieur Boudreault, mais le temps est écoulé. Avec un peu de chance, vous aurez l'occasion de faire d'autres commentaires en répondant à nos questions.
Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion d'être parmi vous aujourd'hui.
Je mène des recherches dans l'Arctique — au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut, dans le Nord du Manitoba et dans le Nord de la Norvège — depuis plus de 40 ans. J'étudie principalement les ours polaires, mais je m'intéresse aussi aux grizzlis de l'Arctique, aux phoques de l'Arctique, aux caribous, aux mouflons d'Amérique et aux loups. Même si la majeure partie de mon travail porte sur l'Arctique canadien, j'ai été chercheur scientifique sur l'ours polaire pour le gouvernement norvégien pendant sept ans. Je suis professeur permanent à l'Université de l'Alberta depuis 22 ans. J'ai abordé le problème des changements climatiques pour la première fois en 1993 dans la publication Possible Impacts of Climatic Warming on Polar Bears.
J'aimerais commencer sur une note positive en reconnaissant les contributions du Programme du plateau continental polaire de Ressources naturelles Canada. Le soutien du ministère a été essentiel tout au long de mon travail dans l'Arctique, et plus récemment au printemps dernier sur la glace de mer de la baie d'Hudson. Sans le soutien de ce programme, il y a longtemps que j'aurais arrêté la recherche sur l'Arctique. Le programme est la colle qui maintient l'unité de la recherche dans l'Arctique canadien et, à ce titre, c'est un élément essentiel de l'infrastructure de recherche dans l'Arctique canadien.
J'aimerais soulever plusieurs points, mais je dirai d'abord que la trajectoire de recherche que j'ai eu la chance de suivre au cours des dernières décennies est probablement impossible pour les nouveaux universitaires. Bon nombre de mes collègues abandonnent la recherche sur l'Arctique, et les nouveaux la considèrent comme une trajectoire non viable dans le milieu universitaire. J'aimerais aborder la question du financement et de la prévisibilité.
J'ai quitté la Norvège pour revenir au Canada en 2002, alors que le rapport de 2000 intitulé De l'état de crise à la relance. Rétablir le rôle du Canada dans la recherche nordique, publié par le CRSNG et le CRSH, énonçait un désir public d'élargir la recherche dans l'Arctique. Bien qu'il y ait des programmes fructueux dans l'Arctique, comme ArcticNet et l'Année polaire internationale, la capacité du Canada de soutenir la recherche dans l'Arctique axée sur les changements climatiques est limitée. Les niveaux de financement n'ont pas augmenté au même rythme que les coûts et les attentes en matière de recherche. En raison de sa nature même, la recherche sur les changements climatiques exige un engagement à long terme, mais le financement est souvent à court terme et dure moins de cinq ans. Si les espèces que j'étudie ne suscitaient pas autant d'attention, mon travail dans l'Arctique aurait pris fin il y a longtemps. Mon financement provient principalement des organisations non gouvernementales.
De plus, en tant qu'ancien membre et ancien président du comité d'examen du programme des suppléments en recherche nordique du CRSNG, j'ai trouvé décourageant de constamment sous-financer — ou de ne pas financer — de nombreux chercheurs canadiens qui méritaient qu'on les appuie. Le niveau de financement du CRSNG pour ce programme n'a pas changé depuis de nombreuses années. Le supplément actuel moyen pour le Nord couvrirait environ le billet aller-retour à Resolute pour un professeur et un étudiant de deuxième ou troisième cycle.
D'un point de vue logistique, le Canada ne dispose pas de l'infrastructure appropriée pour mener des recherches à long terme dans l'Arctique. Le nombre limité d'endroits à partir desquels mener des recherches constitue une contrainte importante. Bien que la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique, ou SCREA, offre du soutien dans cette région, l'Arctique canadien serait mieux desservi par un modèle en étoile. Une série d'installations de recherche bien financées et soutenues par les communautés dans le Nord augmenterait la capacité de recherche et la collaboration entre la communauté et les chercheurs.
Au sujet de cette collaboration, la recherche à long terme est par défaut collaborative, mais il y a peu de moyens de relier les chercheurs de l'Arctique aux collectivités et aux possibilités de recherche. La recherche conjointe entre les divers ordres de gouvernement, les intervenants et les universités est essentielle pour maximiser les résultats de la recherche. Sans ma collaboration à long terme avec Environnement et Changement climatique Canada, ma recherche serait gravement minée.
Les chercheurs dans le Nord sont parfois critiqués parce qu'ils se rendent dans la région pour leurs recherches et en repartent aussitôt. Cependant, le calendrier de la recherche est souvent dissocié des résultats, ce qui rend la communication avec les collectivités difficile. Les chercheurs du Sud doivent collaborer avec les collectivités du Nord, mais cette coopération est difficile puisque le financement de la recherche est insuffisant pour retourner dans les collectivités lorsqu'ils sont disponibles pour les rencontrer. Une collaboration accrue entre les chercheurs et les collectivités locales augmenterait l'efficacité de la recherche au Canada, tout comme des équipes de chercheurs plus intégrées. Cependant, les possibilités de collaboration avec les communautés varient grandement selon le sujet de recherche, le lieu et le financement. Les centres de recherche communautaires faciliteraient les collaborations entre les chercheurs et les communautés de façon durable et à long terme.
Merci.
Merci, madame la présidente.
Je m'appelle William Quinton et je suis professeur en hydrologie des régions froides à l'Université Wilfrid-Laurier de Waterloo, en Ontario. Je travaille dans les régions arctiques et subarctiques du Canada depuis 1987.
L'objectif général de mes recherches est de mieux comprendre l'incidence du réchauffement climatique sur les ressources en eau du Nord canadien. Ce type de recherches est nécessaire parce qu'il fournit la compréhension mécaniste permettant d'élaborer, notamment, de meilleurs outils et modèles de prévision afin de mieux prévoir ce que nous apporteront les changements climatiques. Nous pourrons ainsi mieux gérer le réchauffement climatique et les ressources hydriques dans le Nord canadien.
Le fait de vivre dans le Sud du Canada, mais de travailler dans le Nord, me donne un point de vue unique sur le contraste frappant entre le Nord et le Sud en ce qui concerne l'incidence, les tendances et les répercussions du réchauffement climatique, qui sont toutes beaucoup plus évidentes dans le Nord, même pour un simple observateur. Depuis 1999, je travaille dans ce qu'on peut appeler la limite sud du pergélisol. C'est la partie sud du pergélisol qui s'étend d'est en ouest de notre pays, et mon travail est principalement axé sur les Territoires du Nord-Ouest.
Dans cette région, les Canadiens sont aux premières loges des effets des changements climatiques. Ils assistent depuis quelques années ou quelques décennies à de nombreux changements soudains, y compris des hivers plus chauds et plus courts; des changements dans les systèmes de précipitations, qui entraînent des changements dans les cours d'eau et les régimes de débit de cours d'eau; des changements dans la fréquence des événements extrêmes, y compris les sécheresses, les inondations et les feux de forêt; ainsi que d'autres changements.
Pour donner un visage humain à cette réalité, je pense à une de nos collègues et amies qui est également une ancienne grande cheffe des Premières Nations du Dehcho dans les Territoires du Nord-Ouest. En 2021, elle et toute sa communauté de Jean Marie River, sur les rives du fleuve Mackenzie, ont perdu leurs logements à cause d'inondations, comme de nombreuses autres communautés voisines. Elle et de nombreux membres de sa communauté ont dû construire leurs nouvelles maisons ailleurs, dans la communauté d'Enterprise, non loin de là. Deux ans plus tard, cette communauté a été réduite en cendres. Quatre-vingt-dix pour cent de la communauté ont brûlé, y compris sa maison. En moins de deux ans, elle a perdu deux maisons à cause d'événements extrêmes. Je ne vois tout simplement pas d'exemples équivalents dans le Sud du Canada, et elle est loin d'être la seule personne à vivre ce genre d'expérience dans le Nord.
La zone à la limite boréale peut être comparée aux lignes de front du dégel du pergélisol. C'est là que le pergélisol est suffisamment mince et ne fait que de 5 à 10 mètres d'épaisseur. Il y fait relativement chaud — à peu près la température du point de fonte —, et le pergélisol y est irrégulier. Ces trois caractéristiques sont très favorables au dégel rapide. En fait, dans cette région, le pergélisol ne dégèle pas seulement rapidement: il est en train de disparaître, et ce, à un rythme croissant. La disparition du pergélisol a de profondes répercussions sur les ressources hydriques, l'environnement et les écosystèmes, l'infrastructure et, bien sûr, les communautés.
Je pense que je vais terminer mon aperçu général ici. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Quinton.
Nous allons maintenant passer à notre première série de questions. Nous allons commencer par M. Soroka, pour six minutes.
Merci, madame la présidente.
Avant de passer aux questions, j'aimerais faire un bref commentaire sur une question importante. Le 27 février, la conseillère scientifique en chef, Mme Mona Nemer, a comparu devant notre comité pour discuter de l'important travail que fait son bureau. Lors de sa comparution, plusieurs réponses écrites aux questions ont été demandées par les membres de ce comité, notamment par les députés du Parti conservateur, du Bloc québécois et du Parti libéral.
Mme Nemer s'est par la suite engagée à fournir ces réponses d'ici le 10 mai, ce qui lui donnait amplement de temps — plus de deux mois. Nous sommes maintenant le 21 mai et nous n'avons toujours pas reçu les réponses. Ce retard est préoccupant, car l'un des principaux mandats du Comité est d'examiner le travail de la conseillère scientifique en chef. L'absence de réponses en temps opportun mine notre capacité à nous acquitter efficacement de ce mandat.
Je demande instamment à la présidente et au greffier de faire un suivi auprès de Mme Nemer pour veiller à ce que ces réponses soient produites en temps opportun, de préférence cette semaine. Il est important d'obtenir des réponses à nos questions afin que nous puissions poursuivre ce travail essentiel avec les renseignements nécessaires.
Merci, madame la présidente.
On vient de m'informer que le greffier a fait un suivi auprès d'elle avant cette réunion, alors vous êtes manifestement sur la même longueur d'onde.
Je vais commencer par M. Boudreault.
Compte tenu de votre expérience en génie de l'environnement et en technologie propre, comment voyez-vous le rôle de la recherche scientifique dans la lutte contre les changements climatiques dans l'Arctique, et quelles technologies ou approches novatrices sont actuellement mises au point ou utilisées pour relever ces défis?
Je vous remercie de la question.
Nous devons mieux comprendre la situation environnementale dans l'Arctique. Je l'ai fait en tant que président de la SCREA et je le fais maintenant à l'institut de recherche du Collège Aurora. Nous essayons de mettre en place de nouvelles technologies pour fournir de l'énergie, et de nous détourner des génératrices au diésel qui rejettent beaucoup de suie dans l'atmosphère. Nous comprenons un peu les phénomènes. Un gros aérogénérateur a été construit à partir d'un acier qui ne fonctionnait pas bien dans l'Arctique. Il y a eu différents types de processus. On nous dit qu'on ne peut pas utiliser les photovoltaïques dans le Nord, mais c'est en fait faux. On peut bien suivre le soleil dans le Nord pendant l'été, et ces ressources sont beaucoup moins coûteuses que d'autres.
Notre plus gros problème — mes collègues vous en ont dit autant —, c'est que nous devons étudier davantage ce qui se passe. Nous devons en faire plus dans le cadre de nos activités. Nous devons davantage coopérer avec les Inuits, qui ont des connaissances essentielles pour nous. J'aimerais vous en donner un exemple à un moment ou à un autre, mais ce n'est pas l'objet de la question. De toute évidence, nous avons besoin d'environ quatre fois plus de scientifiques que nous en avons actuellement au Canada. Nous n'arrivons à la hauteur d'aucun autre pays dans le monde; nos chiffres s'apparentent seulement à ceux des pays équatoriaux. La plupart des autres pays envoient plus de gens travailler dans la région. Nous avons besoin de 1 500 scientifiques supplémentaires. Comme on l'a déjà dit, il est difficile de les maintenir en poste, parce qu'il est très difficile d'être dans l'Arctique et...
Je préférerais ne pas devoir vous interrompre, mais je vais vous poser une autre question.
Avez-vous participé à la conception de matériaux de pointe et de technologies propres, et comment ces innovations peuvent-elles être appliquées pour améliorer la gestion des ressources dans l'Arctique? Travaillez-vous à des technologies ou des projets précis qui pourraient particulièrement aider la région de l'Arctique?
Oui, il y en a beaucoup. Je n'en nommerai qu'un ou deux.
Nous captions le CO 2 des générateurs pour réduire la quantité de CO 2 dans l'atmosphère. Nous devons filtrer toute la suie, car elle a une incidence sur les résidants et sur la glace. Nous avons également mis au point de nouvelles technologies, comme un réacteur micronucléaire, doté de capacités environnementales très élevées, qui répondrait aux besoins et qui fournirait des ressources et de l'énergie dans le Nord à très faible coût.
Je pourrais nommer beaucoup de projets. Je travaille encore à différents projets dans le Nord pour générer une meilleure qualité environnementale.
L'un d'entre eux est très intéressant, parce que l'Arctique est un désert dans une certaine mesure. On n'y trouve pas beaucoup d'eau potable, alors nous avons mis au point une technique qui a recours à la nanotechnologie pour extraire de l'eau de l'atmosphère à très faible coût, ce qui permet de fournir une grande quantité de matériaux et de produits de consommation dont les gens ont besoin pour vivre.
Je vous remercie.
Je vais passer à M. Quinton.
Quels progrès technologiques sont les plus importants dans vos recherches sur l'hydrologie des régions froides et les changements climatiques? Y a‑t‑il des technologies émergentes qui, selon vous, vont révolutionner le domaine au cours des prochaines années?
Comme j'ai peu de temps, je vais seulement vous donner un exemple.
Nos recherches sont souvent dirigées par les communautés autochtones avec qui nous collaborons. Bien souvent, cela se fait à petite échelle — à l'échelle de chaque municipalité et de chaque communauté. Les changements climatiques entraînent des problèmes très concrets. L'un des éléments technologiques est la mise au point de systèmes de congélation du sol. Ce n'est rien de particulièrement nouveau. Si vous connaissez les thermosiphons, qui permettent essentiellement...
Je suis désolée. J'ai bien peur que votre temps soit écoulé. Vous avez la possibilité de terminer votre réponse par écrit, car c'est très intéressant.
Merci, madame la présidente.
J'aimerais, à mon tour, souhaiter la bienvenue à nos témoins, qui se joignent à nous par Zoom.
En ce qui concerne l'éthique de la recherche, comment les universités, les comités d'éthique et les organismes qui distribuent les fonds veillent-ils à ce que la recherche dans l'Arctique soit menée dans le respect des droits et des priorités des collectivités locales?
Vous avez soulevé un point très important.
Chaque fois qu'il y a un groupe autochtone dans l'Arctique ou au sud de l'Arctique, les universités doivent passer par un comité d'éthique. En raison du nouveau rayonnement de la recherche autochtone dans toutes les universités, de nombreux comités d'éthique ont décidé de ne pas s'occuper de ces questions dès le départ. Ces types de comités font cruellement défaut. Je suis président de l'Université des Premières Nations du Canada. Nous essayons de résoudre ce problème. La plupart des universités n'arrivent pas à établir le comité d'éthique dont elles ont besoin pour prendre des décisions. Il faut quand même faire de la recherche, et nous sommes donc un peu tiraillés.
Chacune des collectivités du Nord participe de son propre chef à une partie de la recherche. Cela fait l'affaire pour l'instant, mais ce n'est toujours pas au même degré qu'un comité d'éthique de la recherche. Voilà le problème.
Dans les universités et les collèges qui collaborent davantage avec les Premières Nations, comme l'Université des Premières Nations du Canada, nous pourrions créer un comité d'éthique de la recherche qui permettrait à des chercheurs de différentes universités de présenter leurs projets afin d'en évaluer les répercussions sur les habitants du Nord et les membres des Premières Nations. C'est ce qu'il nous faut.
Nous avons récemment terminé une étude sur l'intégration du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales. C'était justement un objectif important de la motion: discuter de la façon dont la science et la recherche dans l'Arctique sont menées de manière constructive avec les communautés autochtones locales.
Pensez-vous que cela contribue à votre travail, et y a‑t‑il des...
Oui, tout à fait.
Encore une fois, j'ai été président de la SCREA et je suis toujours président de l'Institut de recherche Aurora et de centres de recherche dans différentes universités. Les Premières Nations sont des multiplicateurs de force pour la recherche. C'est là une expression militaire, mais elle est tout de même très pertinente. Les Premières Nations nous aident à trouver les choses plus rapidement, parce qu'elles savent où les échantillons doivent être prélevés.
Nous avons créé un programme au Collège de l'Arctique pour former des gens dans le Nord afin qu'ils deviennent des techniciens spécialistes de l'environnement. C'est un programme qui fonctionne très bien. Nous l'avons fait parce que nous avions besoin de plus d'employés venant du Nord au sein de la SCREA, la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique. Nous avons été les derniers à recruter ces gens. L'industrie minière nous avait devancés.
L'exemple clé de l'intégration du savoir traditionnel autochtone dans la recherche a été démontré et s'est avéré très efficace à de nombreuses reprises. Prenons l'exemple d'un projet simple. Nous devions repérer les navires de Franklin. C'était un élément important pour la souveraineté nationale. La nature historique de cette recherche est intéressante, mais il était très important de retrouver ces navires pour démontrer que le Canada est présent dans le Nord depuis longtemps. Les forces armées étaient censées trouver ces personnes. Elles n'ont pas réussi à le faire. Nous sommes allés consulter un historien inuit, qui nous a dit...
Je suis désolée de vous couper la parole. C'est parce que je manque de temps.
Selon vous, que faut‑il encore au gouvernement du Canada pour mettre en œuvre le Cadre stratégique pour l'Arctique et le Nord? Quels sont les chaînons manquants?
Nous avons trouvé un moyen de signer une autre entente avec Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, qui est l'organe politique des Inuits du Sud. Beaucoup de travail a été fait pour l'intégrer dans la recherche. Cette intégration s'est avérée extrêmement efficace lorsqu'on s'en sert correctement.
Il doit y avoir une relation entre ITK et le centre de recherche ou l'autorisation de recherche... Je suis désolé. Le nom m'échappe.
Ne vous en faites pas. Si le nom vous revient, vous pourrez nous le communiquer également.
Je ne sais pas s'il me reste du temps, madame la présidente.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je salue les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
Monsieur Boudreault, dans votre allocution, vous avez mentionné des faits assez éloquents, notamment que le réchauffement se fait plus rapidement dans le Nord. Nous avons également des informations de la part du gouvernement fédéral selon lesquelles le réchauffement climatique se fait de façon trois fois plus rapide dans le Nord...
[Traduction]
Je peux entendre le son faiblement. Il faut, semble‑t‑il, monter le volume assez haut.
Nous allons continuer.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Monsieur Boudreault, je disais que le réchauffement climatique se faisait trois fois plus rapidement dans le Nord.
J'aimerais qu'on revienne à la base. Qu'est-ce qui cause le réchauffement climatique? Selon ce que je comprends, cela vient des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. En 2021, un rapport du gouvernement fédéral nous apprenait qu'au Canada, 28 % des émissions de gaz à effet de serre venaient principalement du secteur de l'exploitation pétrolière et gazière.
Alors, monsieur Boudreault, ma question est simple: l'augmentation de la production de pétrole et de gaz augmente-t-elle les émissions de gaz à effet de serre et fait-elle en sorte d'accélérer le réchauffement climatique, et ce, d'une façon encore plus marquée dans le Nord?
D'accord.
J'aimerais faire appel à votre expertise scientifique, monsieur Boudreault.
Le projet pétrolier Trans Mountain va faire passer la production de pétrole de 300 000 barils par jour à 890 000 barils par jour, soit une augmentation de près de 200 %. Selon l'Agence d'évaluation d'impact du Canada, cela va entraîner une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de 21 millions à 26 millions de tonnes par année.
Devant tous ces faits, diriez-vous qu'augmenter l'extraction, la production et le transport de pétrole, et ce, en utilisant des fonds publics, est une bonne décision basée sur des données scientifiques de la part du gouvernement?
Par contre, il faut aussi avoir les idées claires.
Le pétrole émet beaucoup de CO2 dans l'atmosphère. Il en émet aussi après la combustion. Cependant, le plus grand problème que nous avons présentement, c'est l'augmentation radicale du méthane dans l'atmosphère. Le méthane a 86 fois la force du CO2 en tant que gaz à effet de serre. Il suffit donc d'émettre une tonne de méthane, qui peut venir de n'importe où dans la chaîne logistique du pétrole et des gaz naturels, pour créer une situation qui est 86 fois pire.
Alors, vos chiffres sont bons, mais puisque vous ne tenez pas compte du méthane, qui est encore très inconnu, parce qu'il n'y a pas assez de recherche là-dessus, vous êtes conservateur.
Oh, ce n'était peut-être pas le terme approprié. Ha, ha!
Ha, ha! D'accord. Je suis député du Bloc québécois, monsieur Boudreault, mais cela me fera plaisir de comprendre ce que vous voulez dire concernant les projections des émissions de gaz à effet de serre qui font augmenter le réchauffement climatique, particulièrement dans le Nord, où il est accéléré.
Monsieur Boudreault, je reviens à l'essentiel de notre étude. Maintenant qu'on a compris comment fonctionne le réchauffement climatique, j'aimerais vous entendre sur ce que le gouvernement fédéral fait en matière de financement.
Des chercheurs du Centre d'études nordiques de l'Université Laval, qui a près de 60 ans d'expertise en recherche nordique, nous ont dit qu'ils constataient une baisse du financement, que cela aurait des répercussions sur leur capacité à se rendre sur le terrain par avion, notamment, et que les infrastructures étaient désuètes.
Que pouvez-vous nous dire à cet égard?
C'est vrai. Le transport nordique est extrêmement coûteux. Les chercheurs sont moins en mesure de se financer. C'est pour cela que, en plus de tous les chercheurs supplémentaires dont nous avons besoin pour savoir ce qu'il se passe et travailler sur le terrain, il nous faut aussi des sous supplémentaires pour envoyer ces gens dans le Nord et pour nous associer à des scientifiques de l'étranger, des partenaires internationaux, pour faire de la recherche avec nous. Nous avons besoin d'environ 500 millions de dollars de plus par année pour investir dans la recherche en Arctique, et au moins trois ou quatre fois plus de chercheurs pour atteindre l'effectif moyen de nos collègues aux alentours du cercle polaire.
Ainsi, nous regardons très peu ce qu'il se passe, et nous allons avoir des surprises. Nous avons déjà des surprises. Les gens, à l'étranger, vont nous demander comment il se fait que nous ne les ayons pas avertis avant. C'est un problème important.
Oui, monsieur Boudreault. Ce que vous nommez est très important. Vous dites que d'autres pays s'intéressant au cercle polaire investissent davantage.
Avez-vous des données à cet effet, sur le fait que le Canada sous-investit dans la recherche nordique?
Oui, j'ai mis dans mes notes un tableau que j'ai fait de la densité relative de chercheurs de différents pays en Arctique. J'ai attribué au Canada la densité relative de 1. Les Américains sont bien en dessous de nous, à 0,6. La Russie est à peu près à la même densité que nous, mais compte plus de chercheurs, car elle a un plus grand territoire. Par contre, la Norvège est 10 fois mieux nantie en chercheurs que le Canada; la Suède est 5 fois mieux nantie; la Finlande est 6 fois mieux; le Danemark est 1,8 fois mieux doté. En proportion de la superficie du pays, l'Islande a 13 fois plus de chercheurs par mètre carré en Arctique que le Canada.
Nous ne sommes donc pas des chefs de file en recherche nordique. C'est ce que je comprends, monsieur Boudreault. Le Canada est en queue de peloton.
C'est exact.
Cependant, nous avons un avantage: nous avons le terrain. Le Canada a le terrain. Nous pouvons donc inviter les gens à travailler avec nous parce que nous avons une étendue de terrain qui est immense et qui va pouvoir être utilisée pour établir des relations avec l'étranger.
[Traduction]
Merci à vous tous d'être des nôtres aujourd'hui. Tout cela est très intéressant. J'aurais aimé que nous ayons plus de temps, comme d'habitude.
J'aimerais m'adresser à M. Derocher.
Je suis très heureux que vous ayez évoqué le financement du plateau continental polaire. J'ai eu la chance de profiter de ce financement en 1983. J'avais passé l'été à faire de la recherche à Old Crow et à Herschel Island grâce à ce programme.
Je crois que c'est en 2018 que j'ai appris que ce financement n'avait pas du tout augmenté depuis 20 ans. Cela ressemble à la situation que nous venons d'examiner en ce qui concerne les bourses d'études supérieures. Si je ne m'abuse, on a corrigé le tir peu de temps après.
Je me demande si vous pourriez nous parler du financement du plateau polaire. Quel en est le montant actuel, et à combien devrait‑il s'élever? Comme vous l'avez dit, ce programme est la colle qui maintient l'unité de la recherche. C'est ce qui assure le soutien logistique. Le principal problème des chercheurs dans l'Arctique, c'est le déplacement.
Pourriez-vous prendre une minute ou deux pour nous parler du plateau polaire, de son importance et de l'état actuel du financement?
Je travaille depuis le milieu des années 1980 avec l'organisme chargé du programme du plateau polaire. Il est pratiquement impossible pour un chercheur canadien moyen d'établir par lui-même une grande partie du soutien logistique qui est offert dans le cadre de ce programme. Bien entendu, on peut réaliser des économies en faisant appel à un grand organisme pour mettre en place les procédures qui s'imposent. Étant donné qu'une grande partie de ma recherche se fait par hélicoptère, je demande qu'on me fournisse l'hélicoptère et, très souvent, le carburant nécessaire pour mener des recherches à divers endroits.
Le financement n'a pas suivi le rythme de la hausse des coûts. Il représente une très petite fraction de mon budget de recherche. Au printemps dernier, c'était de l'ordre de 20 %. Cependant, c'est le soutien logistique qui met les choses en place, ce qui me permet d'aller chercher d'autres fonds et d'être plus efficace.
Je ne travaille pas à Resolute en ce moment, mais dans le passé — dans les années 1980 —, lorsque je siégeais au comité directeur scientifique du plateau continental polaire, j'avais insisté pour que nous tentions de conserver la base que nous avions à Tuktoyaktuk à l'époque. Sa fermeture a porté un dur coup aux efforts de recherche dans l'Arctique de l'Ouest. C'était une plaque tournante pour une grande partie de la recherche à laquelle vous avez probablement participé dans la région de l'île Herschel à l'époque.
Le problème, c'est qu'à l'heure actuelle, le plateau polaire se trouve à Resolute, mais nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire pour travailler à partir de nombreuses autres régions. Il est extrêmement coûteux de se déplacer dans différentes régions de l'Arctique. Pour vous donner une idée de l'étendue de l'Arctique canadien, même si la SCREA représente un grand pas en avant, elle ne parvient pas à bien desservir le Nunavik et les autres régions du nord du Nunavut. Encore une fois, je pense que nous avons besoin de cette infrastructure.
Si nous pouvions faire une chose, ce serait d'accroître le soutien au programme du plateau polaire et au CRSNG, en plus de bonifier le supplément aux subventions à la découverte en recherche nordique. Le financement actuel ne suffit vraiment plus.
Je vais poursuivre avec M. Derocher.
Vous étudiez les ours polaires, qui sont souvent considérés comme le symbole de la mobilisation contre les changements climatiques dans le monde. Lorsque je siégeais au Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, nous avions de la difficulté à évaluer l'état des populations d'ours polaires, et nous nous sommes souvent appuyés sur vos travaux pour nos délibérations.
Je me demande si vous pourriez nous dire quel est l'état des ours polaires ces temps‑ci. Quelles sont les répercussions des changements climatiques sur leur environnement?
En bref, il y a 19 populations dans l'Arctique circumpolaire, dont 13 se trouvent en tout ou en partie au Canada. L'état de ces populations varie considérablement selon l'endroit que l'on examine.
La population du sud de la mer de Beaufort, au nord du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, a diminué de 50 %. Il en va de même pour celle de l'ouest de la baie d'Hudson, au Nunavut et au Manitoba. Celle du sud de la baie d'Hudson a également diminué, mais dans une moindre mesure. Les autres populations se portent très bien. Cela repose vraiment sur les tendances de la glace de mer. Si la glace de mer change, les populations sont touchées.
Au bout du compte, il s'agit d'une grande préoccupation pour les habitants des collectivités du Nord qui dépendent des ours polaires pour leur subsistance. De plus, sur le plan culturel, la chasse à l'ours blanc est très importante. Cette situation crée beaucoup de défis pour l'avenir, car nous avons une ressource en déclin, mais une population en croissance qui aimerait chasser l'ours blanc dans le cadre de ses activités culturelles.
À l'avenir, je pense que les ours polaires seront gravement touchés. Nous verrons de plus en plus de problèmes en matière de conservation. Je tiens à souligner qu'à l'échelle fédérale, le programme sur l'ours polaire d'Environnement et Changement climatique Canada n'est pas adéquatement financé ni doté en personnel depuis de nombreuses années.
Merci, madame la présidente.
Je m'adresse à l'ensemble des témoins. Lorsqu'on examine la stratégie du gouvernement pour l'Arctique et le Nord, on constate que l'adaptation n'y est mentionnée qu'une poignée de fois, notamment dans le préambule. On y lit que lors des tables rondes, des « personnes étaient d'avis que les activités d'adaptation devraient avoir préséance sur les mesures d'atténuation dans la région », en raison de la « petite empreinte des émissions » et des « répercussions amplifiées ». On y indique également que les questions de conservation « ont suscité des réactions diverses » chez les gens de la région et que certains se sont dits inquiets du « poids de la réglementation et de son incidence sur la mise en valeur des ressources ».
Je me demande comment nous pouvons résoudre la quadrature du cercle, parce que la stratégie précise que ces thèmes ont été abordés lors des tables rondes, mais ils n'ont pas été transformés en objectifs. D'après ce que j'ai compris de certains de vos témoignages, ces enjeux ne figurent pas non plus dans les stratégies de recherche du Canada.
Je vais commencer par ceci. Seriez-vous en faveur d'une recommandation voulant que le gouvernement mette davantage l'accent sur des mesures d'adaptation concrètes dans sa stratégie officielle pour l'Arctique et le Nord? Cette question s'adresse à qui veut bien y répondre.
Il y a un certain fossé entre la politique et la réalité. Nous voyons des gens dans le Nord qui sont essentiellement désavantagés. Ils se trouvent paralysés à cause de la fonte des glaces, et il est très difficile de faire avancer les choses.
J'ai très peu de temps. Je cherche des recommandations concrètes.
La question était la suivante: appuyez-vous une recommandation voulant que le gouvernement mette davantage l'accent sur des mesures d'adaptation concrètes dans sa stratégie officielle pour l'Arctique et le Nord?
Je dirais que non, parce que nous devons nous assurer de réduire la quantité de suie et de méthane dans l'Arctique. C'est ce qui nous permettra d'obtenir des résultats au bout du compte.
Ce que vous dites, c'est que le gouvernement devrait faire fi de la rétroaction des intervenants qui lui demandent d'adapter des choses comme le logement et la chasse autochtone aux changements climatiques et que nous devrions plutôt nous concentrer sur la réduction des émissions dans une région qui n'en produit pas beaucoup. Est‑ce bien ce que vous recommandez?
Oui, parce que, par exemple, l'été dernier, dans les Territoires du Nord-Ouest, en raison des feux de forêt, nous avons dû vider tout le territoire. Tout le monde est parti.
Bien franchement, il me semble un peu fou que nous ne soutenions pas l'adaptation aux changements climatiques, sachant que des gens vivent là‑bas.
L'adaptation est très peu coûteuse. Les villages sont très petits. L'une des mesures d'adaptation...
C'est une question intéressante. Là où je travaille dans la région du Dehcho, les choses évoluent si rapidement que tout le monde se mobilise, et il y a toujours une volonté de travailler en partenariat avec n'importe quelle organisation. Je pense que le défi tient parfois au grand nombre d'organisations. Il y a un gouvernement territorial fédéral, un gouvernement régional du Dehcho et un gouvernement local.
Là où je veux en venir, c'est qu'il est très clair que les gens qui vivent dans le Nord ont dit avoir besoin d'aide pour s'adapter aux changements climatiques...
... et pourtant, notre stratégie ne tient pas compte de tout cela. J'ai maintenant devant moi des universitaires qui ne vivent pas dans le Nord et qui me disent objectivement que nous devrions peut-être passer outre à l'avis des gens du Nord, qui nous conseillent d'envisager des stratégies d'adaptation. Je ne dis pas qu'il faut se débarrasser des stratégies d'atténuation. Il me semble que nous devrions aider les gens de la région à s'adapter plus efficacement aux changements climatiques. On me dit cependant que non. Je trouve cela bizarre.
Eh bien, je ne dis pas non. Si j'ai bien compris votre question, il s'agissait de savoir si le gouvernement fédéral devait élaborer des stratégies d'adaptation. Pour être clair, ces stratégies doivent être élaborées en collaboration avec les communautés locales, et je crois que nous développons simultanément la science et les connaissances...
La recommandation serait alors que le gouvernement soutienne le développement conjoint de stratégies d'adaptation pour faire face au changement climatique et aux défis de la vie dans une région où le changement climatique a des répercussions très importantes sur les habitants qui y vivent, ou que le gouvernement mette davantage l'accent sur un tel développement. Est-ce une recommandation que l'un d'entre vous soutiendrait?
De mon point de vue, cette recommandation serait bien accueillie par les communautés avec lesquelles je travaille.
J'appuierais aussi la recommandation, mais la question que vous avez posée au début était de savoir si nous devions faire l'un ou l'autre. Je soutiens que nous devons faire les deux.
Ce n'était pas ma question. Vous l'avez peut-être mal entendue, mais je serais heureuse de vous faire parvenir la transcription.
Je vous remercie de votre réponse.
Oui, je l'ai peut-être mal entendue. Ce serait formidable, et je suis impatient d'obtenir la transcription.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins de leur présence.
J'aimerais commencer par interroger le professeur Derocher.
Au cours de votre témoignage, vous avez mentionné la logistique nécessaire et le modèle de plaques tournantes possible. Je me demande de quelle façon la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique, ou SCREA, pourrait jouer un rôle. Je crois savoir qu'elle a été établie à Cambridge Bay en 2019 et qu'elle a été transférée à Savoir polaire Canada en 2023, je crois. Cette organisation pourrait-elle accroître la capacité si nous lui accordions l'attention nécessaire?
L'un des problèmes de la SCREA — et j'ai participé à certaines des premières consultations à ce sujet —, c'est que la plupart d'entre nous n'ont pas plaidé en faveur d'un emplacement unique dans l'Arctique canadien. L'étendue du territoire est tout simplement trop grande. Nous avons accepté l'idée qu'une plaque tournante serait utile. La plupart d'entre nous ont d'ailleurs recommandé que la plaque tournante soit située à Resolute, car l'installation du Programme du plateau continental polaire s'y trouvait déjà. Ensuite, une série de stations plus petites seraient établies dans les collectivités et gérées par celles-ci, des stations où les chercheurs pourraient s'intégrer plus facilement dans les collectivités. J'ai travaillé longtemps dans ces collectivités. Il est difficile de trouver un logement dans des petites localités comme Ulukhaktok. Il est difficile pour les chercheurs de se rendre dans ces collectivités et d'y trouver un logement.
Désormais, la SCREA existe, et c'est une excellente chose. Cependant, je n'aurais pas choisi cet emplacement pour une station de l'Extrême-Arctique. Selon mes critères, elle se trouve dans le Moyen-Arctique. Je précise encore une fois qu'elle permet d'effectuer de nouvelles recherches, mais elle ne facilite pas vraiment les recherches à long terme qui se déroulent dans de nombreuses autres régions de l'Arctique, comme les recherches menées sur l'île Bylot par des chercheurs de l'Université Laval. La station est très éloignée et, bien qu'elle soit utile, elle doit être reproduite à plus petite échelle dans l'ensemble de l'Arctique.
Dans le cadre de notre étude et pour mieux comprendre le réseau, je suis allé à Eureka, et nous avons fait le plein à Cambridge Bay. Je dirais qu'il s'agit d'une passerelle vers d'autres endroits aussi. Ce que vous dites, c'est qu'il est également important d'examiner ce que nous avons déjà à Resolute.
Oui, certainement à Resolute, mais je dirais qu'il y a d'autres collectivités à prendre en compte. Igloolik dispose déjà d'une base d'opérations pour les spécialistes de la recherche sur les espèces sauvages et d'autres chercheurs. Il y a beaucoup d'endroits dans l'Arctique. Je travaille actuellement dans une région subarctique, au Centre d'études nordiques de Churchill, qui est un excellent établissement, mais qui manque cruellement de fonds.
Nous disposons de quelques noyaux pour travailler, mais nous ne soutenons pas vraiment la diversité des chercheurs. C'est aussi une communauté qui s'étiole. Je pense que si nous construisons ces stations, ils viendront, mais nous devons aussi obtenir le soutien nécessaire pour y parvenir.
Je vous remercie de votre réponse.
J'aimerais maintenant interroger le professeur Boudreault au sujet du transfert de l'administration de la SCREA à Savoir polaire Canada.
Avez-vous des observations à formuler à ce sujet? Je crois que vous faisiez partie du conseil d'administration.
Oui, je présidais le conseil d'administration.
Il est important de noter que différentes villes ont compétitionné pour accueillir la SCREA, qui était un projet des conservateurs. Nous avons rassemblé les ressources à cet endroit parce qu'il donnait accès à un segment assez important du pays... Nous avions également l'intention de fusionner avec le Programme du plateau continental polaire et de fournir tous ces services. Toutefois, cela ne s'est pas produit jusqu'à maintenant. C'était l'une des idées stratégiques qui nous aurait permis d'offrir un genre d'installation pour les gens de l'ouest et de l'est.
Il y a de nombreux petits centres de recherche très démunis qui...
Je suis désolé de vous interrompre, mais nous manquons de temps.
Existe-t-il un document qui présente des commentaires formulés par votre groupe, qui a étudié cette question, un document que vous pourriez fournir au greffier pour contribuer à notre étude?
Ce serait génial. Merci.
Je m'adresse à vous très rapidement, professeur Quinton. Vous avez mentionné les feux de forêt, qui ont déjà commencé, et leurs répercussions sur l'Arctique.
Nous n'avons que 10 secondes pour vous entendre à ce sujet.
Les incendies ont des répercussions importantes et des trajectoires inconnues vers des territoires inconnus. C'est sans commune mesure avec ce que nous avons vécu récemment, au cours de la période étudiée.
Je vous remercie.
Nous allons maintenant donner la parole au député Blanchette-Joncas pendant deux minutes et demie.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Monsieur Boudreault, il a été question, un peu plus tôt, du Programme du plateau continental polaire. La conseillère scientifique en chef, Mme Mona Nemer, a publié un rapport sur ce programme et sur l'essor de la recherche nordique.
Dans la conclusion du rapport , elle indique notamment qu'il faut un effort plus stratégique et mieux coordonné pour soutenir la recherche scientifique dans le Nord en renforçant la capacité scientifique et le rôle des communautés locales, en accroissant le soutien logistique global à la recherche scientifique et en canalisant cette augmentation sur la base d'une vision commune à long terme et de priorités bien établies. Elle indique aussi qu'il faut fournir la capacité de soutien spécialisé requise par les nouvelles technologies. Tous ces besoins sont connus.
À votre connaissance, qu'a fait le fédéral, concrètement, depuis le dépôt de ce rapport, pour passer à l'action et suivre les recommandations de sa scientifique en chef?
Parmi ces recommandations, des changements structurels doivent être effectués. Or ces changements structurels n'ont pas été faits.
Par exemple, la Station canadienne de recherche dans l’Extrême‑Arctique est située dans l'Ouest de l'Arctique canadien. Il en faut une dans l'Est. Par ailleurs, elle devrait être beaucoup plus importante et être en mesure de financer les petits centres de recherche et d'en soutenir la logistique, ce qui n'est pas fait présentement. Cette station reçoit énormément de gens de l'étranger pour faire de la recherche, mais elle a très peu de systèmes pour pouvoir faire la même chose que le Programme du plateau continental polaire. Au sein de la Station, on travaille avec le Programme du plateau continental polaire, mais cette fusion est nécessaire. Il faut intégrer un ensemble de centres de recherche qui appartiennent à des universités et faire un réseau qui permettrait de distribuer la recherche dans le Nord.
Encore une fois, il nous faudrait quatre fois plus de chercheurs pour faire les mêmes choses que nos voisins de l'Arctique.
Monsieur Boudreault, on connaît le portrait de la situation, on connaît les enjeux et les besoins, mais j'aimerais que vous nous parliez aussi des conséquences. Nous ne sommes pas parfaits, nous avançons, mais il semble que ce soit à pas de tortue.
Quelles seront les conséquences si nous n'agissions pas rapidement pour soutenir davantage la recherche nordique?
Il y aurait un retard énorme par rapport aux autres pays autour du pôle Nord. De plus, il y aurait une dépopulation du Nord, puisque des gens dans le Nord voudraient quitter leur région pour venir dans le Sud, ce qui poserait un énorme problème structurel en matière de souveraineté nordique, parce que nous devons avoir des ressources là-bas.
Choisir de ne pas savoir ce qui se passe, c'est comme se mettre un bandeau sur les yeux et des bouchons dans les oreilles, et espérer que les choses vont bien aller. Or, selon l'information que nous avons présentement, cela n'ira pas bien.
[Traduction]
[Français]
Madame la présidente, j'aimerais avoir une réponse par écrit de M. Boudreault s'il souhaite nous communiquer des informations supplémentaires.
Merci.
[Traduction]
Merci.
Je vais continuer à interroger le professeur Boudreault.
Au cours de votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné qu'il y avait cinq seuils critiques dans l'Arctique. J'avais noté la fonte des glaces polaires, le pergélisol, le méthane, les incendies dans la forêt boréale et la circulation de l'Atlantique. En ai-je oublié un?
Il y a l'amenuisement des glaces polaires, qui est le seuil critique le plus important parce qu'il influe sur le reste de la planète. Il y a aussi le pergélisol, qui émet du méthane, et les incendies dans les forêts boréales. L'un des facteurs les plus importants est que les feux pourraient se propager partout au Canada. Nous n'avons vu que le début des incendies. Il y a aussi le Gulf Stream de l'Atlantique, qui régule la température, le gel du passage du Nord-Ouest et le vortex polaire qui s'étend sur le nord et influe, de manière catastrophique, sur les conditions météorologiques dans le sud. C'est ce que nous avons constaté au cours des trois ou quatre dernières années, ainsi que l'augmentation de la température de l'océan. Ce sont des facteurs liés à ces seuils critiques.
Vous avez également mentionné plus tôt que le méthane émis par le pergélisol était l'un des facteurs les plus importants.
Je l'ai constaté au cours de mes brefs voyages dans le Nord. Je suis allé sur l'île Herschel, par exemple. Comment se passe cette surveillance? Comme vous le savez, le méthane est un gaz à effet de serre très puissant. Où en est le Canada en ce qui concerne la surveillance du méthane en général et du méthane dans l'Arctique en particulier?
Je dirais qu'elle est plutôt médiocre. Nous ne nous en sortons pas très bien. Il est probable que le méthane joue un rôle important dans le changement climatique mondial. En fait, c'est un facteur important de la crise, et nous disposons très peu d'informations à ce sujet.
Lorsque le pergélisol fond, il se transforme en eau. Une partie du méthane est absorbée par l'océan ou les rivières, et une autre partie est rejetée dans l'atmosphère. Le méthane est une matière très puissante, qui va amplifier le changement climatique dans le Nord. Nous devons être en mesure de mieux le mesurer. À cet effet, il existe des systèmes satellitaires et un système optique, mais nous ne les avons pas répartis dans l'ensemble du Canada.
Il sera important pour notre propre survie de comprendre ces émissions de CH4 ou de méthane. Il s'agit d'un problème existentiel.
Nous allons maintenant donner la parole aux conservateurs. Je ne sais pas qui interviendra pendant cinq minutes.
Oh! nous avons atteint la fin de l'audience. J'en suis désolée.
Je remercie nos témoins, c'est-à-dire le professeur Richard Boudreault, le professeur Andrew Derocher et M. William Quinton, de leurs témoignages. Ils ont été fascinants et très instructifs.
Vous pouvez soumettre des renseignements supplémentaires par l'intermédiaire du greffier, et certains d'entre vous ont été invités à le faire. Pour toute question, veuillez vous adresser au greffier.
Nous allons suspendre la séance brièvement pour la reprendre à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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