La séance est ouverte.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue à la 10e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
[Traduction]
Je vais passer en revue quelques règles.
Le Bureau de régie interne exige que les comités respectent les protocoles sanitaires suivants, qui sont en vigueur jusqu'au 23 juin 2022. Toutes les personnes qui veulent entrer dans la Cité parlementaire doivent avoir reçu tous les vaccins requis contre la COVID‑19. Toutes les personnes qui assistent en personne à la réunion doivent porter un masque, à l'exception des membres qui sont à leur place pendant les travaux. Veuillez contacter notre excellent greffier pour de plus amples détails sur les mesures préventives en matière de santé et de sécurité.
En tant que présidente, je veillerai au respect de ces mesures et, comme toujours, je vous remercie de votre coopération.
[Français]
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021.
[Traduction]
Des services d'interprétation sont offerts pour cette réunion. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir d'entendre le déroulement de la séance en anglais ou en français. Si vous souhaitez prendre la parole, cliquez sur le bouton « lever la main » qui se trouve dans la barre d'outils principale.
[Français]
Je vous rappelle que vous devez vous adresser à la présidence dans toutes vos interventions.
[Traduction]
Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être mis en sourdine. Le greffier du Comité et moi-même tiendrons à jour une liste de tous les intervenants pour tous les membres.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos excellents témoins de ce soir. C'est passionnant. Il s'agit de la deuxième étude de ce comité inaugural, qui porte sur les meilleurs talents, la recherche et l'innovation.
Dans ce premier groupe de témoins, nous avons d'abord Thomas Bell, professeur à l'Imperial College London. De l'Union des étudiants du Québec, nous avons Jonathan Desroches, président; et de l'Université de Toronto, Munk School of Global Affairs, nous avons David Wolfe, professeur et codirecteur, Innovation Policy Lab. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous allons entendre des déclarations de cinq minutes de chacun d'entre vous.
Nous commençons par le professeur Bell. La parole est à vous, monsieur, pour cinq minutes.
:
Merci beaucoup, madame la présidente, de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui à titre personnel, en tant que Canadien et en tant qu'universitaire vivant à l'étranger.
Bien que je vive à l'étranger depuis un certain nombre d'années, j'ai un lien solide avec le Canada. Je visite souvent le pays et j'ai une grande expérience du système canadien de financement par subventions, ayant siégé pendant trois ans au comité des subventions à la découverte du CRSNG pour l'écologie et l'évolution, comité que j'ai ensuite coprésidé pendant un an. Dans le cadre de ces fonctions, j'ai lu et évalué les programmes de recherche d'une grande partie de la recherche en écologie et en évolution au pays, et je suis donc bien conscient de la qualité de la science canadienne.
Je vais vous parler un peu de mon parcours. J'ai grandi à Montréal et j'ai fait mon baccalauréat en biologie à McGill. J'ai obtenu mes deux diplômes d'études supérieures grâce à des bourses du CRSNG, avec d'abord une maîtrise à l'Université de la Colombie-Britannique, puis un doctorat à l'université d'Oxford, en Angleterre. J'ai rapidement été embauché comme chargé de cours à Oxford pendant plusieurs années, puis j'ai obtenu une bourse de recherche de la Royal Society, qui a financé mon salaire pendant huit ans, ce qui m'a permis de me concentrer exclusivement sur ma recherche. Pendant cette période, je me suis joint à l'Imperial College où j'ai été nommé professeur titulaire il y a deux ans. J'ai récemment reçu une importante subvention pour créer et diriger un nouveau centre de recherches, ce qui m'occupera pendant les 10 prochaines années, au moins.
Si je vous ai décrit mon parcours, c'est que je crois qu'il est pertinent pour le travail du Comité, et je crois comprendre que c'est la raison pour laquelle vous m'avez demandé de venir aujourd'hui. Ayant été attiré hors du Canada par de nouvelles perspectives, je me suis intégré dans le système ici. Comme pour toute carrière, et comme, j'en suis sûr, beaucoup de membres du Comité peuvent le comprendre, plus le temps passe, plus il devient difficile de déménager. C'est en partie parce que l'on apprend comment le système fonctionne, et en partie parce que les situations personnelles changent; on fonde une famille, on achète une maison, et ainsi de suite, tous ces éléments ancrent une personne dans un endroit. Je crois qu'il est important que le Comité se penche sur ce qui motive les scientifiques à déménager ou à rester.
Comment retenir et attirer les meilleurs scientifiques au Canada? Je peux parler de mon expérience personnelle.
Tout d'abord, les meilleurs scientifiques sont attirés par la science de pointe, et le reste, à mon avis, n'est que de la poudre aux yeux. Ce n'est pas une opinion nouvelle et c'est vrai depuis la création du système universitaire.
Bien que les gouvernements aient le désir compréhensible de se concentrer sur l'innovation technologique plutôt que sur la découverte scientifique, l'un n'est pas possible sans l'autre. Les meilleurs scientifiques ne viendront pas au Canada et n'y resteront pas s'ils ont l'impression que leur science en pâtira. L'inspiration et l'innovation proviennent presque toujours d'environnements où l'on côtoie d'autres scientifiques de calibre dans des domaines complémentaires. Cela peut créer une boucle de rétroaction positive où la force s'appuie sur la force, et où les meilleurs scientifiques viennent parce que les meilleurs scientifiques sont déjà là.
Dans une large mesure, la question de savoir comment attirer et retenir les meilleurs scientifiques devrait donc être ancrée dans la façon dont l'innovation scientifique peut être encouragée au Canada dès maintenant. Comme on dit, si vous le construisez, ils viendront.
Le deuxième point que je veux faire valoir est que l'attraction des scientifiques et la rétention des scientifiques sont deux questions distinctes. Le déménagement des laboratoires entraîne des coûts importants. C'est très perturbateur. Emballer et réassembler un laboratoire prend du temps, ce qui entraîne souvent des mois d'inactivité. Déménager dans une nouvelle université signifie réapprendre tous les systèmes internes et toutes les façons de faire les choses, et changer de pays est doublement perturbant. Les scientifiques qui s'installent au Canada pour la première fois doivent apprendre comment fonctionnent le financement et l'embauche, comment attirer les étudiants, et ils doivent bâtir leurs réseaux de collaboration à partir de zéro. Beaucoup auront de jeunes familles et devront apprendre le fonctionnement du système scolaire. Le coût du déménagement est donc très élevé pour un scientifique, de sorte qu'il est plus difficile d'attirer les meilleurs scientifiques au Canada que de les retenir. Si vous voulez attirer les meilleurs scientifiques de l'extérieur du pays, ces coûts supplémentaires importants doivent être pris en compte.
Mon troisième point est que les scientifiques juniors et seniors ont des motivations différentes. Il suffit souvent d'un coup de pouce dans un sens en début de carrière pour changer une trajectoire universitaire. Les chercheurs en fin de carrière — les « talents prouvés » — présentent moins de risques, mais coûtent plus cher à déplacer et ont souvent un restant de carrière scientifique plus court devant eux. Je crois que le Comité devrait examiner attentivement ces motivations divergentes lorsqu'il fait des recommandations sur la façon de retenir les scientifiques à différents stades de leur carrière.
Enfin, je pense qu'il est utile de mentionner que vous êtes en concurrence pour les meilleurs scientifiques sur un marché mondial. Pour attirer et retenir les meilleurs scientifiques, vous devez comprendre quelles sont les récompenses financières et scientifiques qui les attireront au Canada, sinon ils iront ailleurs. En Grande-Bretagne et en Europe, les possibilités de financement sont beaucoup plus nombreuses et variées qu'au Canada, et la concentration des universités est également beaucoup plus grande et variée. Le système ici est loin d'être parfait, mais de ce point de vue, le Canada part avec un désavantage.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Jonathan Desroches, et je suis président de l'Union étudiante du Québec, l'UEQ.
L'UEQ représente 91 000 étudiants et étudiantes universitaires au Québec et travaille sur la scène fédérale en partenariat avec l'Alliance canadienne des associations étudiantes, l'ACAE. Ensemble, l'UEQ et l'ACAE représentent plus de 365 000 étudiants et étudiantes de tous les cycles à l'échelle du pays.
Je tiens d'abord à remercier le Comité de son invitation à témoigner et à présenter le point de vue étudiant sur les enjeux de la recherche au fédéral.
Les travaux que vous menez sont importants et permettent de mettre finalement en lumière le sous-financement des programmes de bourses étudiantes des trois organismes subventionnaires fédéraux, soit le Conseil de recherches en sciences humaines, ou CRSH, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ou CRSNG, et les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC. Ce sous-financement a des conséquences majeures sur l'ensemble de l'écosystème de la recherche au Canada. D'ailleurs, les différents invités avec lesquels vous avez abordé la question au cours des derniers mois ont tous reconnu que les programmes étudiants des organismes subventionnaires fédéraux n'étaient pas financés adéquatement.
Je vous donne quelques chiffres pour expliquer ce problème. Au cours des 10 dernières années, la part du budget du CRSNG allouée aux programmes de bourses étudiantes est passée de 13 à 8 % de son financement total. Pour le CRSH, cette part était de 17 % il y a 10 ans, et elle est maintenant de 13 %. Pour la même période, celle des IRSC est passée d'environ 7 à 5 %. Cela dit, il est presque impossible d'avoir accès aux chiffres des IRSC, et il est difficile d'en dresser un portrait détaillé.
Pour retrouver la proportion du financement accordé aux programmes de bourses étudiantes d'il y a 10 ans, l'UEQ estime qu'un investissement de 120 millions de dollars dans ces programmes est nécessaire. Concrètement, ce financement doit notamment servir à répondre à l'une des préoccupations soulevées dans le rapport Naylor de 2017, soit l'augmentation de la durée des bourses étudiantes. Actuellement, les bourses de maîtrise durent un an et les bourses de doctorat, trois ans, alors qu'une maîtrise prend en général au minimum deux ans, et un doctorat, quatre ans.
On se trouve donc à couper la source de revenus de nos étudiants et de nos étudiantes aux cycles supérieurs des dernières années de leur parcours. Cela allonge les temps des études, l'étudiant devant trouver une source de revenus alternative pour répondre à ses besoins tout en terminant son doctorat. Cela peut même rendre impossible l'obtention d'un diplôme.
Le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante de l'Université de Montréal a montré que les étudiants et les étudiantes qui reçoivent du financement ont plus de chances d'obtenir un diplôme que ceux et celles qui n'en reçoivent pas. Évidemment, ce n'est pas une grande surprise.
Pour que les bourses permettent réellement aux étudiants et aux étudiantes de se concentrer sur leur maîtrise ou leur doctorat, il faut s'assurer que la valeur des bourses est adéquate. Comme cela a été mentionné par un témoin à ce comité au cours des dernières semaines, au Canada, la valeur des bourses étudiantes n'a pas augmenté depuis deux décennies. Je parle, par exemple, des bourses de 21 000 $ du CRSNG et de celles de 20 000 $ du CRSH. Il faut que le montant des bourses soit suffisant pour permettre aux étudiants et aux étudiantes de se concentrer sur leurs études et leurs recherches. Évidemment, l'indexation de ces bourses serait une bonne idée pour ne pas perdre leur valeur à long terme.
Si l'on veut augmenter le nombre d'étudiants et d'étudiantes qui choisissent d'entamer un doctorat, de faire de la recherche au plus haut niveau et de participer, maintenant et plus tard, à l'innovation dans tous les secteurs et tous les domaines de la recherche au Canada, il faut augmenter le nombre de bourses offertes par les programmes étudiants des organismes subventionnaires fédéraux. Le manque de financement nous empêche de profiter du vivier de talents qui est déjà présent. Les excellentes candidatures sont au rendez-vous, il s'agit de les appuyer.
Évidemment, comme pour n'importe quoi, le financement est le cœur du problème, mais il y a un autre élément qui ne demande pas d'investissement et qui peut améliorer les choses. Il n'y a pas de représentation étudiante dans les conseils d'administration des subventionnaires fédéraux, contrairement à ce qu'on peut voir au Québec. Dans chaque conseil d'administration du Fonds de recherche du Québec, l'homologue québécois des organismes subventionnaires fédéraux, il y a une représentation étudiante. Au sein des organismes subventionnaires fédéraux, la voix étudiante n'est pas entendue, et on soupçonne que c'est l'une des raisons pour lesquelles les difficultés des étudiants en recherche sont mises de côté.
Pour améliorer la situation, nous vous invitons à vous inspirer du modèle mis en place par Rémi Quirion, le scientifique en chef du Québec, et à modifier les trois lois sur la composition des conseils d'administration des organismes subventionnaires fédéraux afin d'y ajouter une représentation étudiante.
En conclusion, je rappelle que la maîtrise et le doctorat représentent la porte d'entrée d'une carrière en recherche et en innovation. Les étudiants et les étudiantes des cycles supérieurs sont non seulement les chercheurs et les chercheuses de demain, mais ils sont aussi ceux et celles d'aujourd'hui, puisque leur contribution à des publications scientifiques et à l'évolution des connaissances pendant leurs études est déjà considérable. Il faut donc leur donner les moyens d'apporter cette contribution.
Je vous remercie. Je me ferai un plaisir d'en discuter davantage avec vous.
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Merci, madame la présidente. Je tiens à souligner que je vous parle ici en tant que professeur à l'Université de Toronto et codirecteur de l'Innovation Policy Lab. Je ne représente pas l'école Munk, et je ne suis certainement pas autorisé à parler au nom de l'Université de Toronto dans son ensemble.
J'ai étudié l'innovation au Canada au cours des 40 dernières années. En 2018, j'ai été membre du groupe d'experts qui a produit le rapport Rivaliser dans une économie mondiale axée sur l’innovation pour le Conseil des académies canadiennes... Je souhaite développer un peu le mandat que m'a confié le Comité, pour aborder l'aspect innovation de votre titre.
Comme l'a reconnu le récent budget fédéral, le Canada vit actuellement une crise de l'innovation dans les entreprises. On reconnaît de plus en plus que, pour réussir, nous devons investir davantage dans les petites et moyennes entreprises axées sur la croissance qui ont un fort potentiel d'innovation sur le plan de l'exportation. Ces entreprises sont souvent qualifiées d'entreprises « en expansion ».
La recherche que nous avons entreprise à l'Innovation Policy Lab, au moyen de l'examen le plus complet des microdonnées de Statistique Canada, révèle que ces entreprises ont un effet disproportionné sur la création d'emplois et la génération de revenus. Comparativement aux autres entreprises, elles ont une incidence beaucoup plus importante sur la génération de revenus, elles innovent davantage et sont plus productives, et elles exportent souvent davantage, ce qui est essentiel pour le Canada.
Le défi crucial pour nous est de cerner les soutiens politiques dont les entreprises en expansion ont besoin pour maintenir leur succès et continuer à exporter et à se développer. Nous avons également mené des entrevues approfondies avec des entreprises en expansion dans le domaine de la technologie au Canada afin de déterminer ce dont elles ont besoin. Les résultats de la recherche sont clairs et non ambigus: pour croître, les entreprises en expansion doivent avoir accès au capital, accès aux talents et accès aux marchés. Les types de politique gouvernementale qu'elles recherchent sont ceux qui leur fourniront ces trois ingrédients indispensables pour soutenir leur croissance.
Rien n'est plus difficile que le besoin de capital de croissance à un stade ultérieur. Il n'y a tout simplement pas assez de programmes au Canada pour aider les entreprises en expansion à se développer une fois qu'elles ont atteint un certain seuil critique, souvent autour de 50 millions de dollars de revenus et de ventes. Une fois ce seuil atteint, elles sont souvent laissées à elles-mêmes pour trouver du financement de croissance, qui provient généralement de l'étranger. Cela se traduit souvent par la vente d'un contrôle majoritaire à des investisseurs étrangers, ce qui augmente les chances d'une sortie prématurée avant que l'entreprise canadienne n'ait atteint son plein potentiel.
En ce qui concerne le talent, qui est également essentiel, les entreprises en expansion sont heureuses des mesures qui ont été prises ces dernières années par le gouvernement fédéral pour accélérer l'embauche de travailleurs étrangers spécialisés en technologie et possédant des compétences uniques ou spécialisées qui peuvent les aider à croître. Cependant, ce n'est qu'un aspect d'un tableau beaucoup plus complexe.
Dans nos études détaillées des grappes technologiques partout au Canada au cours des 20 dernières années, nous avons constaté une constante. C'est la profondeur du marché du travail local pour les compétences essentielles qui permet d'ancrer en place bon nombre de nos grappes technologiques les plus prospères, et nos universités, nos écoles polytechniques et nos collèges communautaires ont été les fournisseurs essentiels de bon nombre de ces compétences techniques.
Une autre conclusion clé est que les établissements postsecondaires sont relativement bons pour lire et anticiper les conditions du marché du travail local et pour élargir leur offre de programmes afin de répondre à la demande anticipée. Cependant, il y a souvent un décalage, surtout en période d'expansion rapide comme aujourd'hui, lorsque la demande de compétences peut dépasser la capacité des établissements postsecondaires à y répondre.
Le dilemme de la période actuelle est exacerbé par le nombre spectaculaire de multinationales étrangères qui établissent des opérations de recherche dans les centres de haute technologie du pays, comme Vancouver, Montréal et Toronto, afin d'exploiter les compétences spécialisées de ces marchés du travail. Cela crée une concurrence sur les marchés du travail locaux entre les entreprises nationales qui tentent de croître et le flux d'investissement des multinationales. Cela génère également une pression sur les salaires locaux, ce qui est avantageux pour les personnes embauchées, mais qui exacerbe les défis auxquels sont confrontées les entreprises nationales dans leur expansion.
Il se peut que nous soyons dans une situation où les établissements postsecondaires ont besoin d'un soutien public plus important à court terme pour augmenter rapidement leur nombre d'étudiants dans des programmes où la demande de diplômés est élevée. Je pense ici au Programme d'accès aux perspectives d'avenir, qui a été mis en place par le gouvernement de l'Ontario à la fin des années 1990 pour augmenter le nombre de diplômés en informatique dans les universités ontariennes de 20 000 par an sur trois ans — soit 60 000 diplômés financés par le gouvernement provincial sur trois ans.
Je reconnais qu'il s'agit principalement d'un domaine de compétence provinciale, mais il existe de nombreux précédents où le gouvernement fédéral a fourni des fonds pour soutenir l'éducation postsecondaire. Le gouvernement fédéral le fait encore en principe par le biais des transferts existants en matière de santé et de programmes sociaux.
Le dernier domaine de politique est l'accès aux marchés. L'une des préférences les plus souvent exprimées par les entreprises en expansion est que le gouvernement canadien joue un rôle plus actif dans l'utilisation, de façon ciblée, d'instruments axés sur la demande tels que les marchés publics, afin d'agir en tant que teneur de marché pour soutenir les entreprises en expansion dans les secteurs technologiques stratégiques. Les marchés publics ont souvent été cités comme une occasion manquée de permettre aux entreprises canadiennes de surmonter les pressions pour une sortie précoce, en utilisant le gouvernement comme client de référence...
:
Excellent. Merci beaucoup pour votre témoignage.
Je vais changer un peu de vitesse et m'adresser à M. Desroches, président de l'Union étudiante du Québec.
Vous avez parlé d'un financement accru de 120 millions de dollars, je crois, qui satisferait la demande. L'éducation, en grande partie, a été indiquée comme étant provinciale. En ce qui concerne cette demande, c'est une demande positive, mais malheureusement, compte tenu de la réalité de l'endettement actuel de notre pays, nous devrons peut-être aller dans l'autre sens.
Si vous deviez économiser 10 millions de dollars sur l'éducation postsecondaire au Québec, où pensez-vous que la première compression serait faite?
:
Je vous remercie de la question.
J'aimerais préciser que le financement des études supérieures relève du provincial, mais que le financement de la recherche relève en bonne partie du fédéral. Je parle ici des bourses de recherche qui relèvent du gouvernement fédéral et des organismes subventionnaires fédéraux.
En effet, je suis conscient qu'il y a des choix difficiles à faire. C'est pour cela que nous parlons de recherche et d'innovation parce que cela contribue à long terme à la capacité d'innovation et donc à l'économie du pays. En effet, quand on est en mesure de bien soutenir nos chercheurs et nos chercheuses, ils peuvent ultimement créer des entreprises dans le domaine privé ou dans des organismes à but non lucratif.
On sait que, avant, les chercheurs et les chercheuses restaient dans le milieu universitaire. Ce n'est plus du tout le cas maintenant. Une fois qu'ils ont terminé leur doctorat, des chercheurs et des chercheuses peuvent créer des organismes et des compagnies privées, par exemple. Ce serait donc très bénéfique pour l'économie du pays.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais d'abord me permettre de saluer mes collègues et les témoins qui assistent à la réunion.
Ma première question s'adresse à M. Desroches.
Monsieur Desroches, votre allocution d'ouverture était très claire; vous avez bien exposé la situation et vos revendications.
Ce que j'en comprends, c'est qu'il y a du talent au Canada, et particulièrement au Québec. Pour que ce talent se développe, on a besoin de réunir les conditions gagnantes. Une de ces conditions, c'est le financement. Vous avez notamment parlé de l'investissement de 120 millions de dollars, une somme qui a été investie avant les compressions de 2011. Depuis 2019, il y a eu un réinvestissement, mais celui-ci est insuffisant et ne permet pas de combler l'écart que l'on a vu entre 2011 et 2019.
Croyez-vous que le réinvestissement fait depuis 2019 est suffisant?
:
Je vous remercie de votre question.
En effet, il y a eu des compressions entre 2011 et 2015. Depuis 2015, il y a eu un réinvestissement en recherche, mais pas dans les bourses étudiantes.
Les programmes étudiants ont également subi des compressions, comme les autres programmes de chaire ou le financement de la recherche en général. On s'explique mal pourquoi les bourses n'ont pas été financées après 2015.
Dans le budget de 2019, en effet, la situation a été corrigée en partie. Cependant, il manque toujours de financement pour revenir au niveau qu'il y avait avant les compressions, soit avant 2011.
Je rappelle que les organismes subventionnaires fédéraux ont des critères d'excellence. Lorsque les étudiants et les étudiantes répondent à ces critères et qu'on n'est pas en mesure de les financer, on perd des occasions de développer des travailleurs et des travailleuses ayant le plus haut niveau de qualification. C'est malheureux.
:
À l'échelon fédéral, le CRSNG a lancé un certain nombre de programmes très novateurs. L'Ontario en avait un qui ciblait les collèges communautaires. Je crois que certains visaient les polytechniques.
Quant à l'interaction des universités avec l'industrie et les entreprises, je crois que nous devons la considérer comme faisant partie d'un continuum. La collaboration en matière de recherche fondamentale, comme celle dont a parlé M. Bell, se situe à une extrémité. À l'autre extrémité, il y a les innovations incrémentielles plus appliquées au sujet desquelles les gens des collèges communautaires et des polytechniques peuvent travailler avec les entreprises. Nous devons considérer l'ensemble du spectre.
C'est une erreur, à mon avis, de dire qu'il n'y a qu'un seul pot d'argent pour la recherche fondamentale élémentaire ou axée sur la découverte, et que nous devons le répartir entre tous les établissements postsecondaires. Nous devons examiner les différents rôles de ces établissements dans le soutien à l'innovation et nous demander si nous avons la combinaison appropriée de politiques ciblant le rôle que les différents établissements postsecondaires peuvent avoir et veiller à ce qu'ils soient financés de manière adéquate.
L'autre chose que je dis depuis longtemps, c'est que nous devons changer un peu notre façon d'envisager cette relation. Nous avons tendance à avoir un modèle de résultats de recherche axé sur l'offre. En d'autres termes, nous finançons la recherche fondamentale dans les universités, puis nous réfléchissons à la manière de pousser ces résultats vers les entreprises privées, mais si vous parlez aux entreprises privées, elles vous diront souvent: « J'ai un problème technique que j'essaie de résoudre. Je suis sûre qu'il y a quelqu'un dans mon université, mon école polytechnique ou ma collectivité qui peut m'aider à le résoudre. Mais je ne sais pas où aller pour trouver la solution. »
Nous devons également penser à ce que sont les mécanismes appropriés d'attraction de la demande pour aider à attirer les connaissances scientifiques ou l'expertise technique des établissements postsecondaires et les mettre au service des entreprises qui tentent de résoudre des problèmes techniques concrets.
:
Je vous remercie de votre question.
Si l'on se fie au travail que fait le scientifique en chef du Québec avec les conseils provinciaux, le fait d'avoir une représentation étudiante au sein des conseils d'administration de la recherche permet de présenter le point de vue étudiant et de soulever ces préoccupations en matière de financement des bourses étudiantes.
Par exemple, quand du financement sera accordé aux organismes subventionnaires fédéraux à l'avenir, des personnes pourraient s'assurer systématiquement qu'une part de ce financement est versé à la relève, aux étudiants et aux étudiantes à la maîtrise et au doctorat.
Or le Canada peut aussi prendre en exemple ce qui est fait par le scientifique en chef du Québec. La conseillère scientifique en chef du Canada, Mona Nemer, est appuyée par un conseil jeunesse. Si j'avais une suggestion à faire, ce serait que ce conseil jeunesse sélectionne des personnes afin qu'elles siègent aux conseils d'administration des organismes subventionnaires fédéraux.
:
Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier les trois témoins, MM. Bell, Desroches et Wolfe.
Je vais poser ma première question à M. Wolfe, qui est professeur de science politique à l'Université de Toronto.
En 2018, vous avez participé à la création d'un rapport intitulé « Creating Digital Opportunity for Canada ».
Ce qui a attiré mon attention dans ce rapport, c'est que vous dites, à la page 31, que le gouvernement fédéral a mis en place plus de 90 programmes. Selon vous, ces investissements qui ont été faits dans les entreprises canadiennes ont contribué à la formation et la rétention des talents dans nos établissements scolaires.
J'aimerais que vous parliez au Comité de l'impact de cet élément, que vous avez mentionné dans votre rapport.
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Je n'ai pas le rapport sous les yeux, alors je ne suis pas sur terre ferme. Je crois que je faisais valoir le même argument que les deux autres témoins. Vous devez financer la science. Il faut financer l'éducation postsecondaire, et il faut financer les étudiants, et veiller à ce que les étudiants de tous les niveaux postsecondaires soient financés, afin de créer un grand bassin de talents techniques.
Nous vivons à une époque qui se définit de plus en plus comme une économie intangible, une économie qui carbure aux données, à la propriété intellectuelle, à l'image de marque et au marketing, et les biens immatériels reposent sur des personnes capables de comprendre le talent pour créer la propriété intellectuelle, faire la recherche et analyser les données.
J'étudie ces domaines depuis plus de 20 ans. J'ai travaillé au gouvernement il y a 30 ans. Le monde a changé de façon spectaculaire au cours des 30 dernières années. Le talent était important à l'époque; il l'est dix fois plus aujourd'hui. Si nous ne finançons pas, ne soutenons pas et n'entretenons pas ce talent et ne le mettons pas à la disposition du marché du travail local, nous n'avons pas la base nécessaire pour faire croître nos propres entreprises nationales ou pour attirer d'autres entreprises dans nos régions. C'est le point fondamental que je pense avoir essayé de faire valoir dans ce rapport.
:
M. Desroches peut parler du Québec. Je ne suis pas qualifié pour le faire. Je peux parler de l'Ontario.
En réalité, si l'on remonte à la fin de la formule de financement global du gouvernement fédéral aux provinces en 1995, la part fédérale du financement qui va aux établissements postsecondaires a diminué de façon constante depuis 25 ans. L'Association des universités et collèges du Canada a demandé l'adoption d'une formule de financement global consacrée aux établissements postsecondaires.
À mon université, si je ne me trompe pas, le niveau de financement public représente actuellement environ 25 % du coût de fonctionnement total de l'université. Le reste provient des frais de scolarité, des subventions de recherche externes et de la philanthropie. Il ne provient pas du secteur public, et très peu de ces 25 % viennent du gouvernement fédéral.
Si le gouvernement fédéral s'inquiète vraiment de la façon dont l'éducation postsecondaire est financée dans ce pays et de son accessibilité pour les étudiants de tous les niveaux, il doit examiner attentivement la façon dont les formules de partage des coûts entre le gouvernement fédéral et les provinces ont changé au cours des 27 dernières années, car le résultat net de ces changements a été une diminution de la part des transferts fédéraux qui servent à financer l'éducation postsecondaire.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Mes questions s'adressent à M. Desroches. Lorsque j'enseignais à l'université, je n'ai pas perdu beaucoup d'étudiants en raison de problèmes scolaires. J'ai perdu beaucoup d'étudiants à cause de la pauvreté et de leur incapacité à payer leurs études — certains des esprits les plus brillants dans mes classes — et c'était tragique.
Vous avez, bien sûr, parlé un peu de la nécessité d'un meilleur financement pour les étudiants. Une chose pour laquelle je me suis battue est un revenu de base garanti, y compris pour les étudiants, afin que ceux‑ci puissent se concentrer sur leurs études et exceller dans leur domaine.
Pensez-vous qu'un revenu de base garanti aiderait les étudiants à se concentrer sur leurs études? À mon avis, l'étudiant qui a le temps de se concentrer sur ses études devient le meilleur. Vous obtenez ainsi la crème de la crème.
:
Je suis désolée de devoir vous arrêter ici.
[Traduction]
Chers collègues, nous remercions tous les témoins pour leur temps, leurs efforts et leur expertise. Messieurs, nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de nous parler.
Monsieur Bell, nous sommes conscients de l'heure qu'il est pour vous. Nous espérons que l'expérience a été agréable pour vous, et nous vous remercions.
Nous allons suspendre brièvement la séance pour nous préparer à accueillir notre deuxième groupe de témoins.
:
Chers collègues, nous reprenons nos travaux avec le deuxième groupe de témoins pour la deuxième étude de ce comité inaugural.
Nous aimerions commencer par souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous sommes ravis que vous vous soyez joints à nous, et nous avons hâte de vous écouter. Vous avez un comité qui s'intéresse vraiment à votre travail.
Ce soir, dans notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons Shiri Breznitz, professeure agrégée au Munk School of Global Affairs, Université de Toronto. De l'Université Dalhousie, nous avons Alice Aiken, vice-présidente, Recherche et innovation. De l'Université du Québec, nous avons Etienne Carbonneau, conseiller-cadre, Relations gouvernementales, et Céline Poncelin de Raucourt, vice-présidente, Enseignement et recherche.
Nous allons entendre une déclaration préliminaire de cinq minutes de la part de chacun d'entre vous. Au bout de quatre minutes et demie, vous me verrez lever un carton jaune, ce qui signifie qu'il vous reste 30 secondes.
Nous avons hâte d'entendre votre témoignage, et nous allons commencer par Mme Breznitz.
À vous la parole, madame.
Mesdames et messieurs les membres du Comité de la science et de la recherche, je suis Shiri Breznitz, professeure agrégée à la Munk School.
Dans ma déclaration, j'insisterai surtout sur l'importance de la formation à l'entrepreneuriat et sur le rôle des études à l'étranger dans l'entrepreneuriat.
Pour les décideurs, les universités sont depuis longtemps des collaborateurs importants en matière d'entrepreneuriat, de création d'emplois et de croissance économique. Ces dernières années, de nombreuses études ont porté sur l'impact des entreprises lancées par des étudiants et des diplômés. Aux États-Unis, des études révèlent que l'influence majeure des universités s'exprime par les entreprises en démarrage lancées par des étudiants plutôt que par des professeurs. Pour cela, nous avons besoin d'entrepreneurs.
Premièrement, j'aimerais aborder l'importance de la formation à l'entrepreneuriat. Des études révèlent l'importance des petites et moyennes entreprises pour une économie prospère et innovante. Voilà où la formation à l'entrepreneuriat devient un outil important. Nos recherches montrent que par rapport à l'absence totale de formation à l'entrepreneuriat, les cours d'entrepreneuriat ont un effet positif sur l'entrepreneuriat en général, mais surtout sur l'entrepreneuriat des étudiants.
De plus, la combinaison de la formation à l'entrepreneuriat dispensée par différentes organisations comme les organismes gouvernementaux, les incubateurs, les accélérateurs et les universités favorisent la création d'entreprises de haute technologie, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de n'importe quelle entreprise, mais d'entreprises de haute technologie.
En ce qui concerne les politiques, cela signifie que nous avons besoin que le gouvernement appuie une gamme d'organismes de soutien qui enseignent l'entrepreneuriat et qui aident les entrepreneurs.
Deuxièmement, je voudrais souligner que si l'enseignement des STIM est important pour une main-d'oeuvre technologique, il n'augmente pas le nombre d'entreprises en démarrage ou établies. Les études débattent de l'importance de l'enseignement des STIM pour l'entrepreneuriat. Mes travaux révèlent une relation positive entre un diplôme obtenu dans d'autres disciplines que les STIM et les possibilités d'entrepreneuriat. Peu importe comment nous définissons l'entrepreneuriat, les diplômés des STIM ne surpassent pas leurs homologues qui n'ont que des diplômes dans d'autres disciplines. Cela dit, nous avons aussi constaté que la possession des deux types de diplômes a un effet positif sur l'activité entrepreneuriale. On suppose qu'en étudiant à la fois des sujets liés et non liés aux STIM, les étudiants des cycles supérieurs acquièrent des connaissances et des compétences plus variées. Il faut en retenir que le fait d'accorder beaucoup d'attention à la main-d'oeuvre en STIM ne conduit pas forcément à un taux d'entrepreneuriat plus élevé.
Troisièmement, j'aimerais aborder l'importance des études et du travail à l'étranger sur l'entrepreneuriat. De nombreuses études révèlent que les étudiants étrangers ont davantage l'esprit d'entreprise que les étudiants canadiens. Notre étude portant sur les anciens étudiants de l'Université de Toronto confirme ces études et constate que les étudiants ayant suivi une formation à l'étranger surpassent les autres étudiants en matière de création d'entreprises. Cependant, nous constatons que peu importe leur pays d'origine, les étudiants qui ont obtenu un diplôme à l'étranger, ce qui comprend non seulement les étudiants non canadiens qui viennent au Canada, mais aussi les Canadiens qui poursuivent des études supérieures à l'étranger, sont plus susceptibles de devenir des entrepreneurs.
L'éducation n'est qu'un aspect de l'expérience internationale qui peut aussi consister à travailler dans un pays étranger. Comme nous avons aussi analysé les différences entre les études et le travail à l'étranger ainsi que l'effet de ces deux expériences sur l'entrepreneuriat, notre recherche empirique a montré que l'expérience des études à l'étranger compte davantage, donc les études comptent davantage pour l'entrepreneuriat que l'expérience professionnelle internationale.
Lorsque nous décomposons l'analyse et que nous examinons les matières dans lesquelles les étudiants ont étudié, l'expérience internationale semble plus importante que la matière étudiée ou les diplômes obtenus, peu importe ce que les étudiants ont étudié à l'étranger. L'expérience des études à l'étranger a un effet positif sur l'entrepreneuriat.
Pour les décideurs, la leçon à retenir est de prêter attention aux étudiants canadiens qui ont obtenu des diplômes universitaires hors de leur pays d'origine, voire de créer des programmes de soutien aux études à l'étranger. De nombreux pays comme la Chine, l'Inde, l'Espagne et la Nouvelle-Zélande ont instauré des politiques pour inciter des travailleurs qualifiés à retourner dans leur pays d'origine. Le Canada devrait envisager des politiques similaires.
Je vous remercie de votre temps.
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Je vous remercie de votre invitation à représenter l'Université Dalhousie pour discuter des possibilités que nous avons, en tant que nation, d'attirer et de retenir les meilleurs talents en recherche dans nos établissements postsecondaires.
Pour étudier cette question pressante, nous devons nous demander quelles mesures d'encouragement sont nécessaires pour convaincre les faiseurs d'opinion du monde entier à faire de la recherche et de l'innovation au Canada et quels investissements sont nécessaires pour garantir qu'ils restent au Canada afin de former la prochaine génération de chercheurs et d'innovateurs.
La bonne nouvelle, c'est que le Canada a déjà rattrapé beaucoup de terrain pour attirer et retenir des talents. Les programmes des chaires de recherche du Canada, les CRC, et des chaires d'excellence en recherche du Canada, les CERC, ont eu un effet considérable. Nous avons été encouragés par la promesse de créer 1 000 nouvelles CRC dans la plus récente lettre de mandat du et l'annonce du financement de jusqu'à 25 nouvelles CERC dans le budget de 2022 était elle aussi bienvenue, évidemment.
Cet encouragement est toutefois tempéré par le fait que le Canada est loin derrière de nombreux autres pays de l'OCDE en ce qui concerne le pourcentage du PIB que nous investissons dans la recherche. Plusieurs de ces pays augmentent résolument leurs investissements dans la recherche. La concurrence à laquelle nous sommes confrontés s'intensifie. Lorsque le moment sera venu pour les chercheurs les plus talentueux du monde de décider quel pays leur offrira les moyens de donner leur pleine mesure, comment pouvons-nous faire en sorte qu'ils choisissent le Canada?
Avant d'aborder cette question, examinons d'abord ce que les programmes des CERC et des CRC ont déjà accompli, car il y a beaucoup à célébrer. Par exemple, la semaine dernière, la société Planetary Technologies de la Nouvelle-Écosse a remporté un prix XPRIZE de 1 million de dollars de la Fondation Musk pour son innovation qui utilise l'océan pour capter le carbone de l'atmosphère.
Leur objectif est de retirer une gigatonne de carbone par an. C'est un objectif remarquable. Qu'est‑ce qui leur donne l'assurance qu'ils peuvent les réaliser? Eh bien, ils s'appuient sur un partenariat de recherche avec l'Université Dalhousie, dirigé par Doug Wallace, chercheur émérite de la CERC et actuel titulaire de la CRC, et les chercheurs de partout dans le monde qu'il a contribué à attirer à l'université. Une technologie comme celle‑ci place le Canada atlantique à la fine pointe de la capture et de la séquestration du carbone dans les océans et cela ne serait pas possible sans l'investissement de la CERC qui a attiré M. Wallace au Canada.
Un autre exemple est celui de Jeff Dahn, de Dalhousie, titulaire d'une CRC de niveau 1. Pendant près de 40 ans, il a été un chef de file mondial dans l'avancement de la science et de la technologie des batteries au lithium-ion. Grâce à ses recherches, ces batteries sont devenues la source d'énergie de prédilection des appareils électroniques portables, des véhicules électriques et bien d'autres applications. Comment avons-nous pu le garder à Dalhousie? Le programme des CRC a joué un rôle fondamental et l'effet d'entraînement a été énorme.
Le laboratoire de recherche de M. Dahn a donné naissance à deux entreprises dérivées, dont Novonix, basée à Halifax, qui a récemment célébré son inscription au NASDAQ. Plus important encore, les travaux de M. Dahn ont attiré au Canada d'autres chercheurs de haut niveau et une toute nouvelle génération d'étudiants des cycles supérieurs du monde entier. Lorsque vous investissez dans les meilleurs talents, les avantages sont considérables pour ce qui est des recherches et des innovations qui en résultent et de la formation de personnel hautement qualifié.
Comment pouvons-nous nous assurer de ne pas perdre de terrain? Eh bien, les CRC et les CERC aident à attirer des talents, mais la valeur des CRC n'a pas augmenté au fil du temps et, en réalité, elle a diminué par rapport aux programmes offerts par les pays qui sont nos concurrents. Pour nous assurer de continuer à attirer les meilleurs chercheurs, nos investissements dans chaque chaire doivent augmenter. Pour attirer les meilleurs talents, qu'il s'agisse ou non de combler des chaires, le Canada doit s'assurer d'avoir des programmes de financement solides pour soutenir la recherche d'avant-garde qu'il souhaite mener, ce qui signifie d'investir dans nos organismes subventionnaires fédéraux.
Grâce aux investissements réclamés dans le rapport Naylor, les IRSC, le CRSH et le CRSNG viennent de rattraper leurs homologues internationaux après avoir été sous-financés pendant de nombreuses années, mais les deux derniers budgets prévoyaient peu d'argent pour financer la recherche menée à l'initiative de chercheurs ou la croissance au sein de nos organismes subventionnaires. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras croisés, au risque de prendre à nouveau du retard. Nous devons aussi nous assurer de disposer de l'infrastructure, de l'équipement et du personnel nécessaires pour épauler les chercheurs qui ont des ambitions de classe mondiale. Cela signifie qu'il faut investir dans nos milieux de recherche ainsi que dans l'entretien et la gestion de cette importante infrastructure de recherche, car dans le domaine de la recherche, la célèbre citation cinématographique est vraie: « Si nous la construisons, ils viendront ».
Je vous remercie encore de m'avoir invitée aujourd'hui. Ce fut un grand plaisir de parler des réussites et de discuter des possibilités et j'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci.
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Je vous remercie de m'accueillir à cette séance de travail du Comité permanent de la science et de la recherche.
Je suis effectivement vice-présidente à l'enseignement et la recherche de l'Université du Québec, qui est un réseau collaboratif de 10 établissements répartis sur tout le territoire du Québec.
Le Comité aborde aujourd'hui deux enjeux distincts, mais interreliés: l'attraction des talents et le soutien de la recherche.
Commençons en rappelant que les étudiants et les étudiantes, les chercheuses et les chercheurs, ainsi que le personnel professionnel des universités constituent un bassin exceptionnel de personnel hautement qualifié. Ils soutiennent l'innovation requise pour une économie verte et résiliente. À l'université, comme dans l'industrie ou les organisations en général, ces personnes savent générer ou mobiliser le savoir requis pour apporter des solutions innovantes à des problèmes complexes. Si elles contribuent au rayonnement mondial du Canada, ces personnes hautement qualifiées sont aussi essentielles pour apporter des réponses appropriées quand les enjeux globaux s'incarnent dans des défis qui sont vécus par nos communautés à l'échelle locale ou régionale.
Or le personnel hautement qualifié se fait rare; c'est pourquoi nous recherchons les talents.
Je souhaite signaler aux membres du Comité qu'une part très significative des talents dont le Canada a besoin et que nous souhaitons attirer et retenir peut être trouvée plus près qu'on ne le pense. Le potentiel du Canada est, en effet, majeur. Vous savez comme nous, madame la présidente, qu'au Canada, selon l'OCDE, seulement 34 % des personnes de 25 à 34 ans détiennent un diplôme universitaire. C'est plus de 15 points de pourcentage derrière les champions en cette matière.
Plutôt que de nous étendre sur ce retard, nous vous proposons de considérer l'occasion à saisir. Au Canada, il y a un réel et formidable potentiel de croissance en matière de personnel hautement qualifié. Une approche transformatrice quant à l'attraction et à la rétention des talents consisterait donc à développer et à soutenir les talents d'ici. Ce choix est doublement gagnant, puisque ces personnes sont déjà enracinées dans nos milieux, ce qui réduit le problème de la rétention.
Autrement dit, et c'est là le principal message de notre intervention aujourd'hui, le Canada dispose d'un immense bassin de ressources présentes sur son vaste territoire et dans lequel il peut choisir d'investir. Pour ce faire, il doit mobiliser l'ensemble des universités canadiennes, y compris celles de petite ou de moyenne taille, ou situées en dehors des grands centres urbains du pays. Les liens privilégiés entre les universités et les milieux dans lesquels elles sont ancrées, tout comme l'accès à l'enseignement supérieur qu'elles facilitent pour la population de leurs villes et de leurs régions, constituent des atouts très importants pour le développement des talents et de la science au Canada.
Le réseau de l'Université du Québec en est une preuve vivante, et je pourrais vous en donner quelques exemples au cours de la discussion qui suivra. Le potentiel de transformation que représentent ces talents que nous développons est d'autant plus grand que, dans les universités, on forme la relève à la recherche et par la recherche.
Les recherches faites au Canada et qui ont une réelle portée internationale, ainsi que celles faites dans la majorité des établissements canadiens, s'incarnent dans des thématiques scientifiques cruciales pour les communautés qui composent le Canada. À l'Université du Québec, par exemple, nos chercheuses et nos chercheurs excellent dans des domaines comme l'érosion côtière et les changements climatiques, la prévention du suicide dans les communautés nordiques, l'intelligence artificielle dans le secteur minier, la mise en valeur des produits dérivés du bois, les savoirs autochtones et les soins de santé en milieu rural, par exemple.
Il y a deux angles d'approche: la formation de personnel hautement qualifié et la recherche. Pour ces deux angles, nous disposons d'une immense capacité, avec une centaine d'universités actives d'un bout à l'autre du Canada. Pourtant, nous observons depuis plusieurs années que les investissements en science et en recherche sont marqués par un déséquilibre qui peut affecter cette capacité. Tandis que les budgets des conseils subventionnaires stagnent, des programmes de financement qui offrent un nombre limité de subventions, souvent de très haute valeur et pour des thématiques très ciblées, ont été lancés au cours des dernières années.
Ces subventions ont profité à très peu de personnes et d'établissements. Ainsi, année après année, à peine 10 % des chercheuses et chercheurs du Canada se partagent entre 50 et 80 % des fonds publics pour la recherche, selon les domaines.
Ce type de politique scientifique, dont le rapport Naylor a soulevé bien des limites, a un effet immédiat sur les capacités de plusieurs dizaines d'universités. Il fait obstacle à des milliers de chercheuses et chercheurs aptes à participer pleinement au développement de la recherche et de la science. Alors que quelques grandes villes ou quelques grands établissements captent la majorité des ressources, cette situation a un effet réel sur le développement des territoires et des populations régionales. Leur capacité d'attirer et de développer les talents est aussi amoindrie. Nous craignons que cela produise un effet à long terme sur nos capacités collectives à maitriser les nombreux défis qui touchent tous les secteurs et toutes les régions du pays.
Nous proposons donc de réviser cette approche pour investir dans des programmes qui sont fondés sur trois grands principes: développer le potentiel des talents là où ces personnes se trouvent partout au pays; soutenir ce potentiel tôt dans le parcours des personnes étudiantes; et s'assurer que tous les secteurs d'activité de partout au pays peuvent s'appuyer sur du personnel hautement qualifié, dont la culture scientifique est essentielle aux transformations requises pour faire face aux défis de demain.
Je vous remercie.
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Le réseau de l'Université du Québec a été créé pour favoriser l'accès à l'enseignement supérieur en faisant abstraction des obstacles géographiques. Il y a plusieurs années, un statisticien du gouvernement fédéral a démontré que la population d'une région n'a pas tendance à poursuivre des études supérieures lorsque l'université la plus proche se situe à plus de 70 kilomètres de distance.
On observe donc des niveaux de scolarisation plus bas dans certaines régions. On sait également que, bien avant le revenu familial, l'un des facteurs déterminants de la fréquentation des établissements d'enseignement supérieur est ce qu'on appelle le « capital scolaire », soit la fréquentation par les parents d'un collège ou d'une université.
Par exemple, dans certains de nos établissements, près de 60 % des étudiants sont ce qu'on appelle des « étudiants de première génération ».
Le fait que des universités à part entière font de la recherche et de la formation dans diverses régions du territoire québécois aide vraiment à capter les talents là où ils se trouvent. On sait que les jeunes ont tendance à sous-estimer leur valeur, et la présence d'établissements d'enseignement supérieur à proximité peut les inciter à l'exploiter.
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L'un des messages que nous transmettons régulièrement est de faire très attention à ne pas concentrer le financement dans une discipline en particulier. Par exemple, avec la pandémie, des investissements majeurs ont été consentis à des établissements axés sur la recherche médicale. Même si c'était une excellente chose, cela a contribué encore à concentrer le financement.
Dernièrement, aucun investissement n'a été consacré à la recherche sur les dimensions autres que médicales de la pandémie, par exemple sur les effets de la pandémie sur la santé mentale et l'adaptation des écosystèmes locaux.
Au Canada, une quinzaine d'universités se partagent 72 % du financement public consacré à la recherche. Nous ne sommes pas du tout contre l'idée d'investir dans des pôles d'excellence, car il faut le faire. Cependant, nous devons disposer d'un écosystème vivant, qui permet de répartir la capacité d'innovation sur tout le territoire. Comme je le disais, la proximité d'une université sur un territoire attire les talents, mais permet aussi à l'écosystème local d'innover grâce à la présence de chercheurs qui comprennent bien la réalité et qui sont présents sur le territoire.
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Merci beaucoup, madame la présidente. Permettez-moi de remercier aussi tous les témoins qui sont présents ce soir.
[Traduction]
Merci beaucoup à tous nos témoins de ce soir alors que nous poursuivons notre étude sur les meilleurs talents, la recherche et l'innovation.
En tant que résidente de la côte Est et députée de Halifax-Ouest, je suis toujours très heureuse de voir quelqu'un de la Nouvelle-Écosse, du Canada atlantique, participer à ces discussions.
Merci beaucoup, madame Aiken, de votre présence parmi nous. Permettez-moi tout d'abord de souligner votre service dans les forces armées et l'aide que vous apportez depuis longtemps à nos anciens combattants et à nos militaires. Merci beaucoup pour cela.
Permettez-moi de dire d'abord que ce n'est pas un secret qu'en Nouvelle-Écosse et dans le Canada atlantique, notre population est parmi les plus vieillissantes. Pouvez-vous nous dire, de votre point de vue, si ce constat s'applique aussi à la communauté des scientifiques et des chercheurs? J'aimerais ensuite vous demander comment nous pouvons nous assurer d'attirer et de retenir les meilleurs et les plus brillants? Avons-nous un bassin suffisant dans notre pays? Comment nous assurer que ceux que nous avons au Canada restent au Canada?
Nous avons entendu dans des témoignages précédents, et ce sont des faits avérés qu'il est toujours plus coûteux et qu'il en coûte plus cher au chercheur, à quiconque vient de l'étranger, d'apprendre à connaître notre système, à s'y adapter et à tirer parti des réussites de ceux qui sont déjà ici. Ensuite, la question se pose: en avons-nous assez ici? Comment faire? Comment faire alors pour trouver les étudiants étrangers les plus brillants à l'échelle internationale, d'après votre expérience, celle de Dalhousie et celle de la côte Est?
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Merci, madame Diab. Je suis ravie moi aussi d'être ici.
Bien que le vieillissement de la population de la Nouvelle-Écosse soit disproportionné par rapport à de nombreuses autres provinces, je ne dirais pas que c'est le cas du corps professoral de notre secteur postsecondaire. Comme vous le savez, nous avons 10 universités et un collège communautaire. Nous sommes en mesure d'attirer et de retenir beaucoup de talents. En fait, en Nouvelle-Écosse, Halifax en particulier est l'une des 10 premières villes d'Amérique du Nord pour la proportion de la population qui a fait des études postsecondaires.
Je pense effectivement que nous produisons beaucoup de talents. Si Dalhousie attire beaucoup d'étudiants de l'extérieur de la province, beaucoup d'autres universités attirent davantage de personnes dans la province. Nous avons tendance à cultiver beaucoup de nos propres talents.
Cela dit, les gens voyagent au Canada et dans le monde entier. Comment attirer et retenir les meilleurs talents est une excellente question. Cela tient en partie à l'écosystème. L'écosystème de la recherche au Canada a quelque chose de très attrayant, dans la mesure où, contrairement aux États-Unis, les professeurs ne tirent pas leur rémunération de leurs subventions de recherche. En réalité, il en coûte moins cher de faire la même somme de recherche ici parce que vous ne payez pas tous les professeurs qui font partie de la subvention de recherche. Il en coûte moins cher de faire de la recherche ici qu'aux États-Unis. Nous sommes souvent en mesure d'attirer d'importantes subventions des États-Unis pour faire de la recherche ici. C'est un aspect très attrayant du Canada. Beaucoup de professeurs américains trouvent cela très attrayant. Ils doivent en fait prélever une partie de leur salaire de leurs subventions. Au Canada, ce n'est généralement pas le cas. Les professeurs sont généralement salariés. C'est un environnement attrayant de ce point de vue.
Vous avez raison, il peut être très difficile de s'installer dans un nouvel écosystème pour la recherche et la courbe d'apprentissage peut être raide si vous n'y êtes pas habitué.
Je pense que les chercheurs canadiens veulent rester au Canada. Nous savons que les étudiants canadiens veulent rester au Canada. En fait, nous avons un problème: ils ne veulent pas aller faire des stages à l'étranger parce que nous vivons dans un bon pays, un pays sûr. Je pense que c'est encore plus important aujourd'hui. Je crois que nous avons le bon environnement pour garder nos chercheurs ici, mais nous devons avoir l'argent nécessaire pour qu'ils puissent poursuivre leurs intérêts. Nous en avons vraiment besoin. En somme, c'est le nerf de la guerre.
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Merci beaucoup pour cette réponse. Je vous en suis vraiment reconnaissante au nom de mes collègues du Comité. Nous n'avons pas souvent quelqu'un de la Nouvelle-Écosse ou de l'Est du Canada. J'aime obtenir ce point de vue de votre part.
Vous avez raison. Pour une province d'un million d'habitants, nous avons 10 universités en Nouvelle-Écosse et un collège communautaire qui compte 13 campus. Je le sais très bien, ayant été ministre de l'Enseignement supérieur à l'échelle provinciale...
Je sais aussi que la Nouvelle-Écosse a été très dynamique pour attirer et retenir des étudiants étrangers. De plus, bien honnêtement, nous n'avons pas à faire grand-chose, mais nous attirons aussi beaucoup d'étudiants du Canada. Bien sûr, l'Université Dalhousie a été l'une des principales bénéficiaires de toutes ces bonnes choses.
À Dalhousie, quelle proportion d'étudiants ou de chercheurs pensez-vous que nous attirons de l'intérieur du Canada?
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Comme je le mentionnais précédemment, le fait que des universités soient situées sur le territoire permet d'inciter les jeunes à s'y inscrire et permet aux personnes qui sont sur le marché du travail de retourner aux études pour développer leur talent, si elles le souhaitent.
J'ai aussi parlé de la population étudiante dont les parents ne sont jamais allés à l'université. La présence de ces établissements est importante pour cette population. De plus, quand une personne suit une formation dans une région géographique particulière, cela a un effet sur la rétention de ce talent et du personnel hautement qualifié.
Je peux vous donner quelques chiffres à cet égard.
Environ 100 000 étudiants sont inscrits à une université qui fait partie du réseau de l'Université du Québec. Selon une étude interne, à peu près 30 % des étudiants disent qu'ils ne seraient jamais allés à l'université s'il n'y en avait pas eu une sur leur territoire.
De plus, les données de suivi relatives aux diplômés démontrent que les personnes qui ont étudié dans leur région y poursuivent généralement leur carrière. Je pense, par exemple, aux talents en sciences infirmières. Les universités de Trois‑Rivières, de Rimouski et d'Abitibi‑Témiscamingue offrent ce programme. Entre 80 et 95 % des professionnels formés par ces universités restent sur le territoire pour y travailler.
La formation des talents passe par le fait que l'université existe et qu'elle existe dans toutes ses dimensions, c'est-à-dire dans sa mission de formation, sa mission de recherche et sa mission de service aux collectivités.
Le Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada, le Programme des chaires d'excellence en recherche du Canada et le fonds Nouvelles frontières en recherche sont des fonds qui servent à faire de très grands investissements dans de supergrappes ou des zones d'expertise pointue.
Ce sont des investissements extrêmement intéressants qui permettent de développer des zones de pointes. Or ils créent un déséquilibre. En plus de ces financements, il faut qu'il y ait un réel investissement dans les organismes subventionnaires qui, eux, ont des mécanismes permettant une diversité et une équité en matière de financement de la recherche.
J'aimerais vous faire part d'un autre chiffre.
On a parlé des talents. Le développement des talents passe par la participation des étudiants à la recherche, par la formation de la relève. Ces étudiants sont subventionnés par des bourses, mais aussi par les subventions de recherches accordées aux chercheurs qui embauchent ces étudiants.
Une étude menée en 2017 démontre que 56 % des étudiants, soit plus de la moitié d'entre eux, sont formés dans des universités qui ne disposent que du quart des ressources allouées à la recherche. La concentration du financement dans les mains des chercheurs va aussi déséquilibrer la capacité des étudiants qui ne sont pas dans ces grandes zones à s'insérer dans des projets.
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Effectivement. Au-delà du financement de la recherche, les établissements doivent être en mesure d'offrir un milieu de recherche propice à la rétention des talents; c'est crucial. Je m'explique: on dit vouloir attirer, développer et soutenir les talents partout sur le territoire, mais il faut que les universités aient les moyens de leurs ambitions. L'écosystème doit aussi les soutenir. Comme on le sait, le milieu de la recherche est de plus en plus exigeant.
Pour exercer leur métier et obtenir des subventions, les chercheurs doivent faire de plus en plus de démonstrations relatives à l'équité, à la diversité, à l'inclusion, à la gestion des données de la recherche et à la sécurité nationale de la recherche. Il y a donc une complexification de la recherche et des exigences auxquelles les chercheurs doivent satisfaire avant d'obtenir une subvention de recherche.
Le succès de l'obtention de ces subventions passe souvent par les équipes de soutien aux chercheurs. Ces dernières sont dans des services centraux et aident les chercheurs à rédiger leurs demandes et à expliquer comment ils satisfont à ces exigences.
Dans les établissements où il y a moins de subventions de recherche, les équipes qui aident les chercheurs à obtenir des subventions sont moins nombreuses. Ainsi, il est possible que deux personnes doivent être partout à la fois, en plus d'être des expertes en matière d'exigences. Cela devient impossible.
Obtenir des fonds qui permettent d'offrir un soutien aux chercheurs, des fonds équivalents d'un établissement à l'autre, devient un enjeu très important. Ce qui est important, c'est que les établissements aient accès aux subventions de renforcement de la capacité.
Quand on a beaucoup développé l'équité, la diversité et l'inclusion, les organismes subventionnaires ont mis en place des programmes qui permettaient aux établissements de plus petites tailles, par exemple, de renforcer leur capacité pour être en mesure de développer une expertise en équité, en diversité et en inclusion et de mieux accompagner les chercheurs pour que ces derniers puissent transformer leur pratique en la matière.
Le soutien à l'environnement de recherche est donc déterminant pour que la recherche puisse se développer partout au pays.
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Merci pour cette question.
En fait, je suis actuellement présidente intérimaire du conseil d'administration des IRSC, qui ont été le premier organisme subventionnaire à déclarer que 4 % des fonds iraient à des chercheurs autochtones parce que 4 % de la population du Canada est autochtone. Ils ont été les premiers à faire ce genre de déclaration sur l'équité. Je crois que cela a donné de très bons résultats. Ce n'est pas limité à 4 %, mais c'est un minimum de 4 %.
Dans le dernier budget, nous avons vu une enveloppe réservée explicitement aux chercheurs canadiens noirs. Je crois qu'il s'agissait de 24 millions de dollars, mais vous le sauriez mieux que moi. Je pense que l'une des mesures à prendre serait de fixer des cibles de financement de la recherche en fonction de la population.
Là où je pense que nous avons encore des difficultés en tant que pays... Ce n'est la faute de personne, mais nous avons vu pendant la pandémie que les femmes étaient vraiment touchées de manière disproportionnée. C'était le cas dans tous les domaines, mais c'était vraiment étonnant dans le domaine de la recherche. Le nombre de publications soumises par des chercheuses a chuté et celui des publications soumises par des chercheurs a explosé. C'est vrai dans la plupart des disciplines.
Le nombre de demandes de subvention présentées par des femmes a considérablement diminué, contrairement aux hommes.
Alors que nous pensions que nous faisions de bons progrès en tant que pays en général, je pense que cela a vraiment fait ressortir les domaines où nous ne sommes peut-être pas aussi équitables que nous le pensions. J'aimerais bien avoir cette réponse pour vous, mais je ne l'ai pas. Je pense qu'il s'agit d'un problème auquel nous devons nous attaquer en tant que pays.
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C'est une excellente question.
Je suis tout à fait d'avis que si nous parlions directement des titulaires de doctorat et des chercheurs, les gens connaissent les institutions. Si quelqu'un détient un doctorat d'un autre pays, nous connaissons l'institution et il est reconnu.
Je trouve intéressant que les diplômes professionnels, comme les diplômes de médecine et de génie et les autres types de diplômes ne soient pas immédiatement reconnus. Évidemment, chaque pays a ses normes. Au Canada, chaque province a ses normes que nous devons respecter en matière d'agrément professionnel, mais cela devrait se faire beaucoup plus rapidement.
Nous sommes un pays d'immigrants. À part les Premières Nations, nous avons tous été des immigrants à un moment donné. Je crois que c'est un domaine sur lequel nous pourrions vraiment travailler pour améliorer l'emploi professionnel et l'entrepreneuriat.
Il est intéressant de constater que les entrepreneurs ne sont souvent pas aussi touchés. S'ils viennent et lancent leur propre entreprise, qu'il s'agisse d'une entreprise d'ingénierie ou autre, ils ne sont souvent pas aussi touchés que les professionnels qui doivent obtenir des permis d'exercer.
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C'est une excellente question.
Je pense que les universités ont essayé de cultiver leur esprit d'entreprise, comme Mme Breznitz l'a dit. Nous voyons un corps étudiant beaucoup plus allumé que, par exemple, lorsque j'étais étudiante. Ils posent des questions sur où cela va les mener et ce que leur diplôme va leur apporter.
Je pense qu'en proposant des programmes d'innovation et d'entrepreneuriat, nous les mettons en rapport avec le milieu dans lequel ils travailleront et nous leur inculquons peut-être un esprit d'entreprise. Ils peuvent ou non créer une entreprise, mais ils seront de meilleurs employés s'ils reçoivent ce genre de formation.
Pour ce qui est d'attirer des chercheurs ici, nous n'avons pas autant d'argent que d'autres pays. Je pense que c'est en partie d'ordre financier, mais il y a aussi beaucoup de choses à aimer dans le fait de venir au Canada comme chercheur.
Je vois que la présidente va me retirer le micro.
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Merci, madame la présidente et merci à tous les témoins de leur présence.
Madame Aiken, je vais commencer par vous, si vous voulez bien.
L'an dernier, les États-Unis ont investi, si je ne m'abuse, 250 milliards de dollars dans la recherche scientifique et l'innovation. Il s'agissait en partie de compenser l'exode de cerveaux qu'ils ont subi pendant les années Trump, sans tomber du tout dans la partisanerie. Je pense que nous avons tous été témoins de l'effet de leurs politiques d'immigration archaïques et, à certains égards, discriminatoires sur la capacité à attirer les meilleurs talents dans tous les secteurs et la façon dont ils ont connu un exode de cerveaux de ceux qui se sentaient un peu mal à l'aise avec ces politiques et qui ont quitté le pays pour d'autres cieux.
Pouvez-vous nous dire comment les politiques d'immigration de notre pays peuvent contribuer à nos efforts pour attirer les meilleurs talents? Pouvons-nous prendre des mesures pour modifier le système actuel afin qu'il soit plus facile pour les universités canadiennes de faciliter la migration d'étudiants ou d'autres personnes vers nos établissements d'enseignement?
:
C'est une excellente question.
Comme je l'ai dit, nous sommes un pays d'immigrants. Je suis la fille d'immigrants. Je pense que le Canada a d'excellentes politiques d'immigration et ce, depuis longtemps. Nous sommes très accueillants. Il se trouve que je travaille dans une université qui obtient les meilleures notes dans les classements pour le caractère cosmopolite de son corps professoral. Nous attirons des gens au Canada parce que nous avons de bonnes politiques d'immigration.
Je ne suis pas une experte en la matière, donc je ne peux pas me prononcer sur des détails des politiques d'immigration, mais comme je l'ai dit, nous reconnaissons les types de compétences des autres universités. Si quelqu'un arrive avec un doctorat en tant que chercheur, nous connaissons l'université. Nous savons que c'est légitime et nous sommes en mesure d'accueillir cette personne.
Nous sommes vraiment capables d'attirer des talents d'autres pays et nous retenons beaucoup de nos propres talents parce que le Canada est un endroit où il fait bon vivre. C'est un pays relativement sûr. Même si nous aimons tous nous en plaindre, pas un seul Canadien ne renoncerait à notre système de soins de santé. Nous avons aussi des réseaux d'éducation exceptionnels.
Je pense que nous faisons ce que nous pouvons. Nos politiques sont bonnes. Je pense aussi que la politique qui permet à des étudiants de rester jusqu'à deux ans après avoir terminé leurs études au Canada a été remarquable pour attirer des étudiants étrangers ici. Je pense que c'est une excellente politique.
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Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité.
[Français]
Merci de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
Je m'appelle Edris Madadian. Je suis le président de l'Association canadienne des postdoctorantes et postdoctorants. Je suis également un postdoctorant à l'Université de Waterloo, financé par la fondation AMTD Waterloo Global Talent. Je suis un immigrant de première génération, un scientifique et un défenseur des postdoctorantes et postdoctorants canadiens.
[Traduction]
D'entrée de jeu, et au nom du conseil exécutif de l'Association canadienne des stagiaires post-doctoraux, j'aimerais reconnaître la présence durable et les connaissances ancestrales profondes, les lois et les philosophies des peuples autochtones avec lesquels nous partageons ce territoire aujourd'hui. Nous sommes tous des signataires de traités et nous avons la responsabilité d'honorer toutes nos relations.
J'aimerais commencer mes remarques en soulevant une question. Connaissez-vous quelqu'un d'extrêmement talentueux qui possède d'immenses connaissances dans son domaine et qui a accompli de grandes choses, mais qui se heurte à des problèmes systémiques qui l'empêchent d'exploiter pleinement ses capacités?
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de ces personnes, les chercheurs postdoctoraux, et de leur rôle dans la promotion de l'écosystème de la recherche et de l'innovation du Canada. Auparavant toutefois, laissez-moi vous expliquer qui nous sommes. CAPS/ACPP est une association professionnelle à but non lucratif qui défend les intérêts des postdoctorants canadiens. Nous défendons une gamme de cheminements de carrière. CAPS/ACPP a été fondée en 2009 avec pour mandat d'améliorer la vie, la formation et l'expérience professionnelle de tous les postdoctorants canadiens. La vision qui guide ce mandat est celle d'une communauté forte dans laquelle tous les postdoctorants canadiens bénéficient d'une rémunération, d'avantages, de droits, de privilèges et d'une protection juste et raisonnable ainsi que d'un réseau social constructif et de possibilités concrètes de soutien, de formation et de cheminement de carrière.
Actuellement, il y aurait plus de 10 000 postdoctorants au Canada et environ 30 % d'entre eux font partie de l'ACPP. Un postdoctorat est un poste temporaire qui permet aux titulaires d'un doctorat de poursuivre leur formation de chercheurs et d'acquérir des compétences et une expérience qui les prépareront à leur carrière universitaire. Les postdoctorants sont des personnes hautement qualifiées et motivées qui aident les universités à forte intensité de recherche à stimuler la recherche universitaire au Canada tout en créant des réseaux locaux de capital intellectuel. Les chercheurs postdoctoraux ont démontré leurs tendances et leurs capacités à se surpasser en obtenant un doctorat. Ils constituent un capital humain important dans les économies fondées sur le savoir et ils apportent une contribution majeure à la recherche, à l'innovation, aux arts, à la culture, à la science et à l'élaboration de politiques dans le monde entier.
En plus d'accéder à des postes universitaires, ces personnes exercent fréquemment des fonctions dans différents domaines, notamment en travaillant dans des industries en plein essor et en mettant sur pied de nouvelles entreprises. En ce sens, les postdoctorants représentent le futur écosystème de l'innovation du Canada. Cependant, en raison de l'ambiguïté législative entourant ces postes, puisqu'aucune loi provinciale ne définit la nature des postes postdoctoraux, certaines personnes se retrouvent dans des situations défavorables, se voyant refuser tous les avantages liés à l'emploi et même, dans certains cas, l'accès aux protections d'emploi obligatoires.
Un sondage mené par l'ACPP a révélé que la situation des postdoctorants dans les universités canadiennes est très variable et précaire. Les sources de financement dictent souvent la façon dont un postdoctorant est intégré dans un institut universitaire, ce qui se traduit par un accès très variable, voire inexistant, à d'importantes infrastructures sociales comme les soins de santé ou le congé parental pour les postdoctorants au sein du même institut.
En raison de cette situation et de la nature relativement courte des contrats de postdoctorat, les postdoctorants sont souvent négligés lorsqu'il s'agit d'élaborer des politiques de soutien. Le degré élevé d'incertitude et de précarité pour un postdoctorant peut être attribué aux facteurs suivants, qui peuvent avoir un effet de dissuasion pour ce qui est d'attirer et de retenir des talents.
Premièrement, les postdoctorants sont décrits et traités comme des étudiants et des stagiaires alors qu'ils sont en réalité des professionnels qualifiés. Deuxièmement, la rémunération moyenne des postdoctorants canadiens ne suit pas les tendances mondiales et, troisièmement, les possibilités de carrière pour les titulaires de doctorat au Canada ne correspondent pas au nombre de titulaires de doctorat qui sortent des universités canadiennes.
Je vous ferai parvenir le résumé de mon intervention, mais avant de conclure, je m'en voudrais de ne pas vous remercier pour l'aimable et généreux soutien que nous avons reçu au cours des dernières années de la part des trois conseils subventionnaires, soit le CRSNG, le CRSH et les IRSS, du Fonds Burroughs Wellcome et de tous les membres de l'ACPP à la grandeur du Canada.
Encore une fois, je vous remercie de votre invitation et j'ai hâte de participer à notre discussion.
Par rapport aux normes mondiales, ils ne sont pas compétitifs. En fait, l'ACPP a mené quatre sondages nationaux auprès des postdoctorants et nous avons constaté jusqu'à présent que le salaire moyen est de 52 000 $ et que 25 % des postdoctorants gagnent moins de 44 000 $, ce qui n'est pas du tout compétitif par rapport aux postdoctorants d'autres pays. Par exemple, en Australie, les postdoctorants gagnent plus de 80 000 $ par an. Aux États-Unis, ce n'est pas aussi élevé qu'en Australie, mais c'est quand même plus élevé qu'au Canada.
C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles ils éprouvent une certaine frustration lorsqu'ils ne peuvent pas obtenir un poste universitaire et ils cherchent désespérément d'autres options, parce que le salaire n'est littéralement pas suffisant pour payer leurs factures.
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Absolument. Je vous remercie de cette question.
C'était en fait un élément du résumé de ma déclaration, mais je ne voulais pas dépasser les cinq minutes, alors je vais profiter de cette question pour y revenir.
Nous croyons qu'il y a cinq façons de retenir les postdoctorants comme un groupe de talents de premier ordre composé de Canadiens ou d'immigrants au Canada. La première est d'augmenter le salaire moyen des postdoctorants, comme nous venons d'en parler.
La deuxième est de reconnaître universellement les postdoctorants comme des chercheurs professionnels et non comme des étudiants ou des stagiaires. Le fait est que cela a une incidence sur le processus d'immigration. Il y a beaucoup d'avantages dont ils ne peuvent pas bénéficier.
Troisièmement, nous devons nous assurer que les postdoctorants ont accès à des protections essentielles comme le RPC et l'assurance-emploi ainsi qu'à des avantages sociaux comme l'assurance-maladie. Dans notre sondage, 18 % des postdoctorants ont dit qu'ils n'avaient même pas accès aux soins de santé provinciaux, ce qui est très préoccupant.
La quatrième consiste à harmoniser la législation relative aux postdoctorants à l'échelle fédérale dans des secteurs comme l'immigration, l'emploi et la fiscalité. Je connais un postdoctorant qui gagnait 50 000 $ dans le cadre d'une bourse de recherche. Comme il ne s'agissait pas d'un salaire ou que ce n'était pas quelque chose que nous considérions comme tel, il n'y avait aucune trace de ce salaire qui aurait satisfait une banque.
La cinquième est d'augmenter les dépenses fédérales pour la recherche, en particulier pour les chercheurs en début de carrière comme les postdoctorants qui sont à la fine pointe de leur domaine, ce qui augmenterait les possibilités d'innovation dans les milieux universitaires.
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Eh bien, le constat est basé sur les chiffres dont nous disposons. Nous avons observé que le taux d'acceptation des postdoctorants est presque identique pour les femmes et les hommes.
Cependant, la question se pose: quelle est la prochaine étape? Le postdoctorat est un poste temporaire. La plupart des personnes qui veulent faire un postdoctorat veulent s'engager dans une carrière universitaire, même si certaines pensent, ce que je défends également, qu'elles ne veulent pas forcément devenir professeurs, mais qu'elles veulent avoir leur propre institution, une entreprise en démarrage ou quelque chose du genre basé sur la recherche.
À cet égard, il existe des programmes sur lesquels le gouvernement travaille depuis longtemps, à savoir les CERC et les CRC, les chaires d'excellence en recherche du Canada et les chaires de recherche du Canada. D'après les chiffres que j'ai vus, ces programmes soutiennent les femmes parmi les postdoctorants, ce qui est absolument formidable, pour qu'elles entrent dans les universités pour des mandats plus longs.
En ce qui concerne les postdoctorants, je ne vois pas vraiment de différence entre les hommes et les femmes.
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Je vous remercie, madame la présidente.
J'aimerais remercier le M. Madadian d'être ici ce soir.
Je savais peu de choses sur l'Association canadienne des postdoctorantes et postdoctorants. Je suis content de savoir qu'il existe une telle association pour les jeunes qui sortent des universités.
Cela m'a aussi permis de savoir que vous avez présenté au gouvernement fédéral des mémoires prébudgétaires, dont le dernier remonte à 2019 et s'intitule « Investir dans le système de formation postdoctorale canadien ». Ce rapport a été soumis juste avant la pandémie.
J'aimerais savoir ce qui a changé pendant la pandémie depuis la présentation de votre dernier rapport de 2019.
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La question à l'étude est d'une grande importance. Beaucoup de choses ont changé pendant la pandémie par rapport à ce qu'elles étaient au moment où les mémoires prébudgétaires que vous venez d'évoquer ont été soumis.
Selon une édition récente de Nature, les chercheurs novices, qui sont surtout des post-doctorants, ont été les plus touchés par la pandémie. Ils occupent des postes temporaires, et beaucoup d'entre eux devaient être productifs puisque c'est une des compétences recherchées quand ils postulent un emploi, surtout dans les universités. Ils doivent faire paraître des publications. Ils doivent acquérir de l'expérience en mentorat, mentorer des étudiants. Les stages post-doctoraux offrent les conditions idéales pour cela. Malheureusement, durant la pandémie, et même si c'était une courte période d'une ou deux années, une grande inquiétude a gagné les post-doctorants quand ils ont vu le temps filer.
Pour ce qui est des chiffres... C'est un des points que nous avons essayé de faire valoir. Nous avons demandé aux trois organismes subventionnaires d'accorder une prolongation à ces post-doctorants parce qu'ils l'ont méritée et parce qu'ils n'ont pas pu être productifs durant cette période.
De toute évidence, les répercussions peuvent être différentes selon les domaines. Pour certaines personnes, le fait de travailler à la maison n'était pas un problème et elles ont pu maintenir leur productivité, mais d'autres ont pâti. C'est un des aspects du problème. Les budgets ont...
L'inflation a aussi des contrecoups. Il n'y a pas vraiment eu d'indexation des salaires pour les post-doctorants. Leurs hausses ont été minimes. Les trois organismes subventionnaires et d'autres organismes, y compris certains du secteur privé, n'accordent pas de hausses salariales annuelles aux post-doctorants, pas même 2 ou 3 %. Absolument rien. Ils gagnent quelque chose comme 45 000 $ la première année, et le même salaire la deuxième année. C'est un autre aspect qui n'a pas changé, et les répercussions sont pires maintenant avec l'inflation en hausse.
Selon moi, c'est une partie... La pandémie n'a pas aidé, mais le problème général vient de ce que je viens de parler. On ne peut pas tout mettre sur le dos de la pandémie.
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Volontiers. Merci de me le demander.
Tous les quatre ans, nous réalisons une enquête nationale. La dernière remonte à 2016. Nous avons fait une enquête en 2020, mais la publication des résultats a été reportée parce que beaucoup de personnes — l'ACCP compte sur une équipe de bénévoles, comme je l'ai dit — ont été touchées. Nous avons été incapables de traiter les résultats et nous voulions faire une comparaison longitudinale avec ceux des années précédentes.
Pour le moment, je peux vous confirmer que c'est presque prêt. Le rapport sera publié au cours du prochain mois. Il contiendra des comparaisons avec les résultats des enquêtes des années précédentes pour ce qui concerne les hausses salariales, les changements démographiques, la situation relative à l'immigration et à la citoyenneté des post-doctorants par rapport à 2016 et, bien entendu, les difficultés liées aux avantages sociaux dont j'ai parlé précédemment.
Concernant les chiffres... Par exemple, si 18 % des post-doctorants ne sont pas admissibles au régime provincial d'assurance-maladie — c'est ce qui ressort de la dernière enquête dont nous nous apprêtons à publier les résultats —, ou si 20 % seulement reçoivent une aide des trois organismes subventionnaires, alors 80 % des post-doctorants sont soutenus en interne, par le professeur ou le chercheur principal du projet. C'est une situation qui peut devenir problématique dans les universités ou les établissements où aucune convention collective ne fixe des règles claires.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Bonsoir, monsieur Madadian. C'est un plaisir de vous voir parmi nous.
J'ai pris connaissance de votre mémoire prébudgétaire de 2019, qui porte notamment sur l'investissement dans le système de formation postdoctorale canadien. Vous avez parlé tout à l'heure de votre première recommandation, qui porte sur le statut des postdoctorants, notamment en ce qui a trait à l'assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada.
Vous recommandez également la création d'une politique nationale uniforme en matière de recherche postdoctorale et de formation. Pouvez-vous nous donner plus d'information à ce sujet?
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Vous soulevez une question très importante. Comme je l'ai dit, aucune loi provinciale ne donne de définition précise du terme « post-doctorant ». C'est un problème puisque chaque université ou établissement de recherche peut avoir sa propre définition.
Je sais notamment qu'au Québec, des universités considèrent les post-doctorants comme des étudiants, alors que d'autres les considèrent comme des professeurs. C'est la même chose en Colombie-Britannique. Des universités accordent un titre de professeur aux post-doctorants, mais pas les avantages qui viennent normalement avec ce titre. Ailleurs, les post-doctorants sont des membres du personnel, tout simplement, ou font partie de l'administration.
La situation est essentiellement la même dans toutes les provinces où des post-doctorants ont répondu à notre enquête. Une politique est nécessaire pour établir la définition de post-doctorant, leurs responsabilités et la rémunération minimale que doivent leur verser les établissements.
Le flou engendre énormément de précarité et d'incertitude dans beaucoup d'universités. J'ai connu un post-doctorant qui était payé 25 000 $ par année, ce qui ne se compare même pas à ce que gagne un étudiant au doctorat qui touche une bourse.
Ce sont les raisons essentielles pour lesquelles nous demandons la création d'une politique, mais il y en a d'autres, bien sûr. Il faut faire plus d'enquêtes. Il faut avoir une meilleure compréhension de la situation, mais l'ACPP est constituée de bénévoles et elle ne reçoit pas de financement permanent ou annuel. Quand nous voulons mener une enquête sur un sujet donné, nous devons demander du financement aux trois organismes subventionnaires ou à d'autres organismes. Nous voulons réaliser au moins une enquête nationale auprès des post-doctorants tous les quatre ans.
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Avec plaisir. Merci de poser cette question.
Si j'ai bien compris... Je crois que le problème vient en partie des avantages sociaux comme l'assurance-emploi, le RPC ou l'assurance-maladie, dont nous avons déjà parlé. Toutes sortes de problèmes interreliés découlent du fait qu'il n'existe pas de définition de post-doctorant.
Par ailleurs, notre enquête révèle que 20 % seulement des personnes font une carrière universitaire. Comme les stages sont par nature temporaires, une personne n'obtient pas forcément un poste dans une université la première fois. Il faut faire un deuxième, un troisième, et même un quatrième stage, et dans ce cas la qualité peut être moindre à cause de la législation applicable aux trois organismes subventionnaires. Par exemple, il peut y avoir une période d'admissibilité et un diplômé du doctorat ou un post-doctorant peut ne pas être accepté si son doctorat remonte à plus de trois ans. C'est le genre de problèmes rencontrés.
Les post-doctorants qui veulent atteindre un objectif doivent parfois faire plusieurs tentatives, mais s'ils n'ont plus accès à du financement... Ils peuvent continuer seulement si une université accepte de verser du financement privé.
Ce sont les aspects qui me viennent en tête concernant le point que vous avez évoqué.
En plus de la rémunération, qui est évidemment l'élément central, et des avantages sociaux. L'autre aspect très important est celui de l'immigration. Comme je l'ai mentionné en introduction, il y a plus de 10 000 post-doctorants au Canada, dont 60 % sont internationaux. Ils doivent penser à leur avenir. Ils sont ici à court terme. Ils peuvent passer d'un stage post-doctoral à l'autre... La question de l'immigration fait partie de celles qu'il faut absolument clarifier. D'une province à l'autre, selon ce que j'ai entendu, les lois semblent changer. Sur le plan administratif, il se peut que des personnes qui sont rattachées à différentes universités ne soient pas conscientes de certaines choses à cause de ce genre d'ambiguïtés dans les politiques. Il faut une définition de post-doctorant applicable à l'échelon des provinces et du fédéral.
Considérant le grand nombre de post-doctorants, il est clair que l'enjeu de l'immigration doit faire partie du débat.
[Français]
Je vous remercie, monsieur Blanchette‑Joncas.
[Traduction]
Nous sommes aussi conscients des efforts que vous avez faits pour être ici ce soir, et nous vous en sommes reconnaissants.
Monsieur Madadian, comme vous n'avez pas l'habitude de répondre à autant de questions, je vais vous donner une petite minute pour reprendre votre souffle. C'est loin d'être facile.
Nous passons maintenant à Mme Gazan, pour six minutes.
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Merci de cette question.
Comme j'ai connu plusieurs milieux universitaires d'un bout à l'autre du Canada, j'ai déjà été représenté par l'AFPC, et je peux dire que son soutien est très important. Il est même essentiel si nous voulons que les choses avancent plus vite. En réalité, la présence des syndicats dans les universités est essentielle.
Dans le Regroupement des universités de recherche du Canada, U15, 2 connaissent l'ACPP et 10 ont des associations post-doctorales et des syndicats. Les cinq autres n'ont rien de cela.
Je parle de U15, mais le Canada compte 61 établissements qui font des recherches post-doctorales. Ce sont de petites universités. Je pense par exemple à Mount Saint Vincent, à Halifax, ou à l'université Northern British Columbia à Prince George, qui sont des établissements de petite taille où il n'y a certainement ni syndicat ni association.
C'est vraiment un problème. Si jamais l'AFPC approche ces post-doctorants, ce qui est moins que certain vu leur petit nombre, il sera loin d'être simple d'en arriver à une convention collective qui obligera l'université à reconnaître leurs droits et à les respecter.
L'AFPC fait un travail très utile. Vous avez parlé de Carleton, mais je ne connais pas assez cette université pour me prononcer. Je sais toutefois qu'à Dalhousie, où j'étais avant, l'AFPC fait un travail important et qu'elle nous aide beaucoup. J'aimerais vraiment en dire autant pour toutes les provinces et toutes les universités canadiennes.
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C'est un sujet dont il faut absolument parler.
Bon nombre de post-doctorants traînent des dettes qu'ils ont contractées durant leurs études de doctorat et qu'ils doivent rembourser au gouvernement ou à l'université. Le problème est qu'ils ne gagnent pas assez pour rembourser leur dette. C'est simple: leur priorité est de payer les factures, pas de rembourser leur prêt, même si le montant est très élevé. Ils n'ont pas d'argent pour faire ces remboursements. Cette dépense vient au deuxième ou au troisième rang des priorités.
Si le prêt vient d'une université, c'est plus facile, mais il faut quand même payer des intérêts, qui s'accumulent d'année en année. Ceux qui décrochent un emploi bien payé réussiront à rembourser la totalité de leurs dettes, mais ce n'est pas le cas de tous.
C'est un enjeu important, même si ce n'est pas quelque chose qui a été mentionné par beaucoup des post-doctorants qui ont répondu à nos enquêtes parce qu'ils ont plusieurs autres problèmes qui semblent plus graves. L'endettement n'est donc pas forcément en haut de la liste, mais je suis pas mal certain, si je me fie à tous ceux avec qui nous avons été en contact, que c'est un problème. C'est assurément un sujet qui pourrait être inclus pour avoir des chiffres exacts et être en mesure de faire une analyse dans notre prochaine enquête.
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Merci beaucoup, madame Gazan, pour vos questions.
Merci aussi aux autres membres du Comité pour les questions soulevées.
Je veux remercier enfin M. Madadian. Je sais à quel point il peut être difficile de se présenter devant le Comité et de répondre au feu roulant des questions des députés.
Vous avez fait du très bon boulot, et je suis certaine que mes collègues vous sont aussi reconnaissants que moi.
Nous allons suspendre la séance et nous reprendrons nos délibérations à huis clos. Nous avons quelques questions à régler.
Merci, monsieur Madadian.
[La séance se poursuit à huis clos.]