Bienvenue à la 111e séance du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
Avant de commencer, je demanderais à tous les participants sur place de lire les lignes directrices figurant sur les cartes mises à jour sur la table. Ces mesures sont en place pour aider à prévenir les incidents audio et de rétroaction, et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, en particulier de nos interprètes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride. J'aimerais rappeler à tous les membres du Comité les points suivants. Veuillez attendre que je vous donne la parole par votre nom avant de parler. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole, que ce soit en personne ou par Zoom. Le greffier et moi-même allons gérer l'ordre des interventions de notre mieux. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et, s'il vous plaît, mettez-le en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour l'interprétation sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, le français ou l'anglais. Merci à tous pour votre collaboration.
Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 31 octobre 2024, le Comité entreprend son étude de l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir, à titre personnel, M. Eric Kaufmann, professeur à l'Université de Buckingham, par vidéoconférence; M. Jeremy Kerr, professeur de biologie à l'Université d'Ottawa et président du Comité de la recherche axée sur la découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, ou CRSNG; et M. Yuan Yi Zhu, professeur adjoint de relations internationales et de droit international, Université de Leyde, également par vidéoconférence.
Vous disposerez d'un maximum de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
Monsieur Kaufmann, vous avez la parole pour une déclaration préliminaire de cinq minutes.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais soulever des préoccupations au sujet de plusieurs aspects du financement de la recherche au Canada qui relèvent de la diversité, de l'équité et de l'inclusion, ou DEI, parfois appelée EDI.
Le point principal que je veux faire valoir, c'est que la DEI, telle qu'elle est pratiquée par les trois conseils de recherche, reflète une vision du monde particulière. C'est une vision de gauche que j'appelle « socialisme culturel ». C'est une vision du monde valable, mais elle est particulière.
Le socialisme culturel, tel que je le définis, est constitué de deux composantes. La première est la diversité et l'équité. Cela signifie par exemple qu'au lieu de niveler les résultats selon la classe — comme suivant le socialisme marxiste traditionnel —, il faudrait plutôt les niveler selon la race et le sexe, au moyen d'une forme de discrimination. La deuxième composante du socialisme culturel est l'inclusion, selon laquelle les groupes minoritaires doivent être protégés contre les préjudices émotionnels, pour leur assurer ce qu'on appelle la « sécurité émotionnelle » ou la « protection contre les traumatismes émotionnels ». Cela signifie qu'il faut censurer la liberté d'expression et la recherche de la vérité parce qu'elles pourraient être offensantes. Cet aspect de la DEI sous-tend ce qu'on appelle communément la « culture de l'annulation ».
Ce que je veux dire, c'est que la DEI est un objectif politique; elle n'est pas neutre. Pour le prouver, quand j'ai demandé à un échantillon représentatif, dans un sondage Maru mené auprès de 1 500 Canadiens en septembre 2023, s'ils étaient d'accord pour déployer le drapeau de la fierté sur les édifices du gouvernement, ceux qui se sont identifiés comme étant « de centre gauche » ont approuvé dans une proportion de 63‑24, tandis que ceux qui se sont identifiés comme étant « de centre droit » ont désapprouvé l'idée à 74‑15. Les modérés ont aussi désapprouvé, dans une proportion plus modeste de 42‑35. Le fait est que [difficultés techniques].
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Difficultés techniques] évident à la fois dans les énoncés sur la diversité figurant dans les formulaires de demande et sous forme d'une discrimination fondée sur la race et le sexe dans les appels à l'embauche et au financement.
Je vais dire trois choses au sujet de la DEI. Premièrement, la plupart des Canadiens ne l'appuient pas. J'ai constaté que 59 % des Canadiens étaient en faveur d'une approche de lutte contre le racisme qui traite les gens comme des personnes à part entière sans égard à la race, contre seulement 29 % en faveur d'une approche fondée sur une prise en compte de la race, afin de mieux tenir compte des inégalités. Il convient également de signaler qu'aux États-Unis, une majorité de personnes, y compris une majorité de Noirs et d'Hispaniques, appuient la décision de la Cour suprême qui interdit les préférences raciales dans les admissions à l'université.
Deuxièmement, la DEI est contraire à l'excellence en recherche. En 2004, Richard Sander a montré avec éloquence que l'admission à la faculté de droit d'étudiants noirs ayant obtenu des notes plus faibles correspondait à l'obtention de notes plus faibles à la faculté de droit. Cela n'a rien d'étonnant si vous êtes admis avec une note plus faible. Plus récemment, j'ai examiné des données sur le milieu universitaire tirées d'un article paru dans la revue Nature en 2024. On y a montré que les travaux des universitaires de sexe féminin étaient cités beaucoup moins souvent que ceux de leurs homologues masculins, même en tenant compte du domaine d'études et des années d'expérience dans la profession. De même, les travaux des chercheurs noirs et hispaniques étaient cités beaucoup moins souvent que ceux des Blancs ou des Asiatiques, bien que l'écart n'ait pas été aussi grand que pour le sexe. Quelle qu'en soit la cause — on peut soutenir qu'il peut y avoir des inégalités dans la société, et c'est tout à fait juste, ou des inégalités en amont —, le fait de réduire artificiellement le bassin de talents en truquant le résultat au bout du processus ne corrige pas le problème. Il ne fait que donner la priorité à l'équité ou au socialisme culturel plutôt qu'à l'excellence.
Troisièmement, la DEI crée les conditions propices à la délégitimation du financement de la recherche. Le niveau de confiance dans l'enseignement supérieur aux États-Unis est passé de près de 60 % en 2015 à 36 % en 2024, soit une diminution de près de la moitié. Le déclin le plus marqué est observé chez les électeurs républicains, avec un pourcentage qui est passé de 56 % à 20 %, soit une diminution de près des deux tiers.
Au Canada, la confiance à l'égard de l'enseignement supérieur est plus grande, mais elle est également à risque. Par exemple, dans mon sondage, j'ai constaté que seulement 49 % des Canadiens qui votent pour le Parti conservateur font confiance aux professeurs de sciences sociales et humaines, comparativement à 69 % de ceux qui appuient les partis de gauche ou le Parti libéral. Ce pourcentage de 49 % est plus élevé que celui de 34 % chez les républicains pour la même question aux États-Unis, mais cela montre que lorsqu'un secteur commence à être perçu comme étant animé par un esprit partisan, il perd la confiance de ceux qui sont de l'autre côté du clivage politique. Songez que seulement le quart des conservateurs font maintenant confiance aux médias. Cela se rapproche des niveaux observés aux États-Unis. L'appui à des institutions établies comme CBC/Radio-Canada est en déclin...
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de mon point de vue et de mon expérience sur ces sujets.
Je suis membre du conseil exécutif du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, où j'ai conseillé les trois derniers présidents sur les orientations stratégiques et la mise en œuvre des politiques, et je préside son Comité de la recherche axée sur la découverte. Essentiellement, je fais partie de l'instance intermédiaire entre le milieu de la recherche au Canada et le CRSNG, mais je suis d'abord et avant tout professeur.
Les programmes de subventions à la recherche sont extraordinaires pour appuyer l'excellence. Le Canada ne manque pas de personnes talentueuses dignes de ce soutien, même si nous devons aussi reconnaître la nécessité d'une évolution continue et rapide pour maintenir notre réputation internationale de pays de découverte.
Permettez-moi d'entrer rapidement dans les détails d'un programme exemplaire que je connais bien, celui des subventions à la découverte. Il stimule la productivité de la recherche scientifique au Canada. Soixante-deux pour cent de toutes les publications canadiennes en sciences naturelles et en génie proviennent de chercheurs qui ont reçu une subvention à la découverte. Plus important encore, l'effet de portefeuille de ces programmes crée deux résultats supplémentaires et essentiels. Les subventions à la découverte maximisent l'efficacité économique des découvertes par dollar dépensé et elles accroissent la capacité du Canada de soutenir la concurrence internationale dans le domaine des sciences. À l'échelle du Canada, des programmes comme les subventions à la découverte jettent les bases d'avancées spécialisées et de changements transformateurs. Nous avons besoin des deux types de découvertes.
La transformation repose sur des générations de travail spécialisé et même incrémentiel. Que ce soit au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le CRSH, aux Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, au CRSNG ou dans d'autres conseils ou organismes subventionnaires, la façon dont nous évaluons les demandes de subvention continue d'évoluer rapidement, en partie grâce à l'amélioration de la coordination de la recherche par l'entremise du Comité de coordination de la recherche au Canada, le CCRC. La San Francisco Declaration on Research Assessment, ou DORA, est une approche moderne de l'évaluation de la recherche qui permet d'évaluer de façon réfléchie ce que les chercheurs ont accompli, plutôt que d'examiner des facteurs comme leur impact dans les revues savantes ou d'autres paramètres réducteurs, et potentiellement fondés sur une paresse intellectuelle. La communauté a adopté cette approche, tout comme des organismes du Canada, des États-Unis et d'ailleurs.
Quels sont certains des principaux critères d'attribution et comment favorisent-ils l'excellence? Tous les programmes d'octroi de subventions que je connais suscitent un profond scepticisme de la part des universitaires. Le demandeur a-t-il accompli des faits d'armes impressionnants qui ont changé les choses dans son domaine ou, de façon plus générale, dans la société? Y a-t-il des lacunes dans la proposition? Les demandeurs peuvent-ils faire le travail comme ils le disent? Facteur important, assurent-ils efficacement la formation de la prochaine génération?
Je vais m'attarder sur les aspects des subventions de recherche qui ont trait à la formation. Plus de 60 % des subventions de recherche de base servent directement à lancer la carrière de la prochaine génération de talents canadiens. Un excellent programme de formation permet de transmettre des compétences qui aident ces personnes à trouver des postes pertinents dans n'importe quel secteur qui utilise ces compétences ou de créer leurs propres postes grâce à l'innovation. Quand des chercheurs contribuent à la création de merveilleuses expériences de formation, ces efforts « résonnent dans l'éternité », pour reprendre une expression attribuée à Marc Aurèle. Le lancement de la carrière de cet étudiant devient mémorable de la meilleure façon possible et pourrait avoir une incidence sur les gens qu'il aidera à former dans l'avenir.
En toute franchise, il est vraiment difficile d'assurer la formation des étudiants. Ils sont aussi diversifiés que le Canada. Leur capacité de se lancer rapidement dans leurs domaines de travail varie énormément, et leurs expériences vécues peuvent déterminer comment ils s'intègrent à certains types de groupes de recherche. L'évaluation des demandes de subvention exige maintenant que les demandeurs tiennent compte des pratiques exemplaires pour composer avec cette diversité. Autrement dit, le programme de formation vise l'atteinte de l'excellence, et non le clonage du superviseur.
Le Canada fait face à une concurrence mondiale. Nous échangeons avec des organismes et des chercheurs de partout et nous apprenons d'eux. Nos organismes subventionnaires ont évolué en conséquence, et le Canada peut se vanter d'avoir un superbe portefeuille de chercheurs à tous les niveaux et dans tous les domaines. La façon dont nous évaluons les subventions ici reflète à la fois les changements évolutifs que les organismes ont reconnus et adoptés, et les décisions de principe et politiques concernant les meilleures façons de veiller à ce que la recherche génère des réponses qui comptent pour les Canadiens.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du Comité. C'est un plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui.
Chaque année, le gouvernement fédéral du Canada consacre des milliards de dollars au financement de la recherche. Les Canadiens s'attendent, à juste titre, à ce que cet argent soit attribué aux chercheurs les plus méritants en fonction de l'excellence — et de l'excellence seulement — afin qu'ils puissent mener des recherches de haute qualité qui profiteront aux Canadiens.
Malheureusement, ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, le financement fédéral de la recherche est souvent attribué en fonction de la race, du sexe, de la conformité idéologique et d'autres critères qui n'ont rien à voir avec la recherche de la vérité et de l'excellence.
Par exemple, les chaires de recherche du Canada, qui sont financées par le gouvernement fédéral, ne sont offertes qu'aux personnes d'une certaine race, d'un certain sexe ou d'une combinaison des deux, même si aucune de ces caractéristiques n'a quoi que ce soit à voir avec la qualité de la recherche d'une personne. En effet, selon les plans annoncés par le gouvernement du Canada, les universités perdront leur financement dans le cadre du Programme des chaires de recherche du Canada à moins qu'elles ne répondent aux exigences de diversité en matière de recrutement, ce qui signifie que les gens ne sont plus embauchés uniquement sur la base de leur recherche.
Il y a aussi des programmes de recherche financés par le gouvernement fédéral où ce dernier s'attend à ce que les demandeurs « démontrent clairement leur engagement solide à l’égard de l’EDI dans leurs demandes » — l'EDI étant, bien sûr, l'équité, la diversité et l'inclusion — et à ce qu'ils intègrent l'EDI dans la « conception et la pratique de la recherche ». En tout respect, la conception de la recherche doit viser à favoriser la réalisation de bonnes recherches, et non de promouvoir des objectifs idéologiques précis comme l'EDI.
De plus, il existe de nombreux obstacles informels à la poursuite de l'excellence au sein du système fédéral de financement de la recherche. Par exemple, dans les sciences humaines et sociales, mon milieu, il est bien connu que les propositions de recherche qui contiennent un jargon à la mode et un langage politique progressiste dans l'air du temps ont de bien meilleures chances d'être retenues que les propositions qui portent sur des sujets plus traditionnels, qui préconisent des approches plus classiques et qui ne contiennent pas de mots à la mode. Cela signifie que, dès le début de leur carrière, les jeunes universitaires et chercheurs apprennent que la façon d'avancer dans le milieu universitaire est d'être conformiste et de chercher de l'argent sous forme de subventions en utilisant un jargon à la mode, peu importe ce qu'ils estiment réellement pertinent sur le plan intellectuel.
Je m'adresse maintenant au Comité en tant qu'ancien bénéficiaire du financement fédéral de la recherche par l'entremise du Conseil de recherches en sciences humaines, le CRSH. Sans ce financement, je n'aurais pas pu poursuivre ma carrière universitaire, qui m'a amené dans différents pays, et j'en suis très reconnaissant.
Naturellement, je crois fermement à l'importance d'investir des fonds publics dans la recherche. Cependant, en cette conjoncture économique difficile, de nombreux Canadiens s'interrogent déjà sur la valeur du financement de la recherche universitaire, qui peut parfois sembler sans rapport avec leur vie quotidienne, et l'imposition brutale de l'EDI et d'autres exigences idéologiques dans le financement de la recherche mine le soutien public au financement de la recherche. C'est un problème auquel il faut s'attaquer de toute urgence.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Zhu, si vous me le permettez, je vais commencer par vous.
Nous venons tout juste de terminer une étude sur notre nouvelle organisation-cadre proposée pour le financement de la recherche, et nous avons eu l'occasion d'entendre des professionnels du domaine de la recherche. L'étude que nous entreprenons aujourd'hui aidera à définir les critères du Canada pour la poursuite de l'excellence.
Je suis curieux. Y a-t-il autre chose dont vous vouliez parler et que vous n'avez peut-être pas eu le temps de dire dans votre déclaration préliminaire?
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Oui. Merci, monsieur Viersen.
Tout d'abord, comme je l'ai mentionné, l'EDI constitue, à mon avis, un problème majeur. Un autre gros problème est le manque de diversité idéologique au sein du milieu universitaire canadien, ce qui n'est pas un problème propre au Canada, bien sûr. Les universitaires du monde entier ont tendance à être plus progressistes, et il y a de nombreuses raisons à cela, dont certaines sont peut-être parfaitement compréhensibles. Cependant, je pense qu'il est juste de dire qu'au sein du milieu universitaire canadien, il existe une monoculture en vertu de laquelle, si vous vous écartez même très légèrement de ce qui est à la mode et de ce qui est communément accepté par vos pairs, non seulement vous serez ostracisé, mais souvent vous ne pourrez même pas envisager une carrière universitaire.
Malheureusement, lorsque je conseille mes étudiants, je dois leur dire: « Vous savez, si vous n'êtes pas progressistes, vous devez le cacher jusqu'à ce que vous ayez au moins une dissertation d'acceptée, sinon vous ne progresserez jamais. »
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Je faisais l'analogie entre ce qui est arrivé au niveau de confiance dans les médias... Aux États-Unis, la confiance dans les médias est très faible chez les gens de la droite. Les républicains font très peu confiance aux médias. À l'heure actuelle, ils font très peu confiance au milieu universitaire. Au Canada, la confiance dans les médias, chez les gens de la droite, est très faible. Je pense que la confiance dans le milieu universitaire, qui est en train de diminuer, a le potentiel de baisser comme aux États-Unis.
J'aimerais revenir sur ce que Yuan Yi Zhu vient de dire. Lorsque nous réfléchissons à la façon dont les conseils fonctionnent, l'attribution des fonds provient d'experts universitaires. Parce qu'ils proviennent du milieu universitaire, ils vont refléter les perspectives du milieu universitaire, ce qui est une bonne chose sur le plan de la qualité. Cependant, sur le plan idéologique...
Je vais citer quelques-unes de nos études. Chris Dummitt et Zach Patterson, je crois, ont publié l'an dernier une étude sur le Canada. Ils ont montré que 88 % des universitaires canadiens s'identifient à la gauche. Des travaux et des sondages que j'ai faits montrent que ce chiffre est d'environ 75 %, avec seulement 5 % de conservateurs. Ce déséquilibre...
L'autre chose à signaler, c'est que les gens qui jouent un rôle actif dans l'établissement des politiques ont tendance à être encore plus à gauche dans le domaine des sciences humaines. S'ils sont actifs dans le domaine des politiques, je pense qu'ils seront encore plus à gauche. Il en résulte que la frange de la population la plus à gauche, grosso modo, de l'opinion publique, joue un rôle démesuré dans l'établissement des politiques.
Si vous croyez que le plus important consiste à refléter la population canadienne en fonction de la race et du sexe — encore plus important que l'excellence —, je comprends. C'est une vision du monde tout à fait valable. Cependant, ce que j'essaie de souligner, c'est que ce n'est pas la vision du monde de la plupart des Canadiens qui paient des impôts pour soutenir l'activité de recherche. Plus les trois conseils se dirigent dans cette voie... Ils y sont déjà. De plus, le fait d'inclure des énoncés sur la diversité dans votre demande, où vous pouvez indiquer que vous adhérez au socialisme culturel ou à la DEI, entraînera une discrimination politique. La discrimination politique est une réalité.
Selon un autre sondage que j'ai effectué, environ 45 % des universitaires canadiens n'embaucheraient pas un partisan connu de Trump pour un poste universitaire. Aux États-Unis, cette proportion est de 40 %. En Grande-Bretagne, le tiers des universitaires n'embaucheraient pas un partisan connu du Brexit. Ces données pourraient être légèrement imprécises, mais en gros, on observe un biais politique important. Il y a eu beaucoup d'études, surtout américaines, qui démontrent un préjugé contre les demandes de subventions qui penchent vers la droite. Les universitaires admettent ouvertement qu'ils leur accordent une moins bonne note, de sorte qu'il existe un biais politique systémique en faveur de ces politiques, je crois, dans les processus d'attribution et de sélection. Je me demande ce que s'imaginent les gens. Vont-ils nier la réalité, conserver le statu quo et espérer que ce qui se passe aux États-Unis ne se produira jamais au Canada?
J'aimerais que les conseils prennent les devants et adoptent une approche fondée sur le mérite sans égard à la race. Qu'ils suppriment les critères politiques comme les énoncés obligatoires sur la diversité. Ce ne sont pas des valeurs universelles qui font consensus. Ce sont des valeurs partisanes, et chaque sondage révélera un grand écart sur ces questions en fonction des allégeances politiques.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins qui sont ici aujourd'hui. C'est un sujet intéressant, et ce sont des points de vue intéressants, et je pense qu'il est important que nous les entendions tous.
Je vais commencer par M. Kerr.
Une chose qui est courante dans cette salle et en ligne en ce moment, que vous soyez député ou témoin, c'est que tout le monde a son parti pris politique et son point de vue. Certains croient que les changements climatiques sont réels, et d'autres étudient les changements climatiques du point de vue de la biodiversité, ou du déclin de la biodiversité.
J'aimerais approfondir la question avec vous. Comment les opinions politiques inhérentes influent-elles sur le travail des universitaires et, surtout, quel processus pouvons-nous mettre en place pour veiller à ce que la recherche au pays demeure exempte de biais politiques?
Soit dit en passant, je n'ai certainement pas travaillé comme chercheur dans le milieu universitaire, mais j'ai travaillé à l'Université du Cap-Breton et au Nova Scotia Community College, où il se faisait plus de recherche appliquée que de recherche traditionnelle à l'Université du Cap-Breton. J'ai remarqué qu'il y avait une pléthore de points de vue chez les chercheurs. Certains étaient à l'extrême droite, d'autres à l'extrême gauche, et d'autres étaient plus au centre dans leur approche.
Je me demande si vous pouvez nous en parler et, aussi, si vous pouvez expliquer l'importance de la diversité et de l'inclusion dans la recherche lorsqu'il s'agit de produire des données fiables et exactes.
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En effet. Merci beaucoup. Si j'oublie quelque chose dans ma réponse, je vous prie de me le rappeler et j'essaierai de faire un suivi.
Tout d'abord, en ce qui concerne la présence de biais politiques dans l'exécution des politiques des conseils subventionnaires, je ne l'ai jamais observée. Les organismes répondent aux impératifs de la collectivité et ils favorisent la recherche visant ce que nous considérons comme l'excellence. Nous pouvons peut-être la mesurer différemment parfois, mais je tiens à préciser que mon expertise personnelle est au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, que je viens donc de ce milieu, et que notre critère suprême, lorsque nous demandons des subventions de recherche, ce sont les indicateurs de mérite, c'est-à-dire les aspects par rapport auxquels le groupe d'experts évalue si notre niveau d'excellence est à un niveau bon, mauvais ou neutre. Vous ne trouverez nulle part dans cet ensemble d'indicateurs du mérite quoi que ce soit de politique, de mon point de vue peut-être privilégié dans la communauté scientifique.
De plus, si quelqu'un devait introduire un critère politique décisif dans une discussion au sein de ces conseils subventionnaires pour évaluer une subvention, l'agent de programme, qui est toujours présent dans la salle pendant ces délibérations, mettrait fin instantanément à cette discussion s'il faisait bien son travail. Ayant fait ce travail du côté de l'évaluateur pendant de nombreuses années, je n'ai jamais vu une seule fois quelqu'un essayer d'appliquer un filtre politique à l'évaluation de la recherche.
Il y a peut-être des considérations implicites. Par exemple, j'étudie la biologie de la conservation, et si vous ne pensez pas qu'il est important de protéger la biodiversité, eh bien, c'est votre droit, mais je pense qu'en notre qualité de scientifiques, nous avons un contre-argument à y opposer, mais il repose entièrement sur des données probantes, et non sur une idéologie. Dans l'ensemble, j'aborde mes convictions après les avoir évaluées à l'appui des données probantes. Cela définit ce que je fais, et donc l'idée qu'une sorte de critère de conformité politique soit appliqué aux demandes est un concept entièrement étranger que je n'ai jamais observé, dans quelque mécanisme d'évaluation que ce soit au niveau des trois conseils.
Je suis désolé. Je sais que vous aviez posé d'autres questions.
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Pourquoi voudrions-nous essayer de...? Je veux être très clair. Comme je l'ai dit, notre objectif n'est pas de mettre en œuvre un programme d'action positive, mais d'atteindre l'excellence, au nom des Canadiens, dans nos recherches. Je pense que la question purement rhétorique qui se pose, en ce qui concerne ce champ d'enquête, est très simple: comment peut-on être concurrentiel à l'échelle internationale si on laisse la moitié de son équipe sur la touche? C'est effectivement ce qui s'est produit par le passé dans le cadre de programmes comme les chaires de recherche du Canada.
Je pense qu'il y a déjà eu un ou deux exemples de ce qui semble être un programme d'embauche axé sur l'action positive. Je crois qu'il est difficile de soutenir cette mesure, et je ne l'appuie pas personnellement. Cependant, il y a eu une affaire devant la Cour fédérale qui a été soumise et réglée relativement à la façon dont ce programme était administré, parce qu'il était systématiquement biaisé contre tout le monde, sauf les gens qui me ressemblent.
Comme je l'ai dit dans mon exposé — et je le dis en toute sincérité —, lorsque je cherche à inclure des gens dans mon groupe de recherche, la dernière chose que je veux, c'est de faire en sorte que tout le monde soit d'accord avec moi. Je veux que les gens de mon groupe ne soient pas d'accord avec moi. Je veux avoir des désaccords avec eux au sujet de nos données scientifiques et de la nature des preuves. Ces franches discussions rendent la découverte plus solide et nous permettent d'évaluer ces idées de plus d'un point de vue. Si tout le monde pense comme moi, notre point de vue sur la question à l'étude devient plus limité, et notre capacité de soutenir la concurrence internationale en aval, à quelques étapes de ce point, se dégrade, ce qui va à l'encontre des objectifs de tout ce que nous faisons.
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La DEI dans les universités...? Je parle du Conseil canadien de recherches... Le Programme des chaires de recherche du Canada, par exemple, a limité l'embauche en fonction de critères de race et de sexe en particulier. Je commente les énoncés sur la diversité dans lesquels, si vous affirmez votre engagement envers la DEI, votre demande est cotée plus favorablement. C'est de cela qu'il s'agit lorsque je parle d'appliquer une idéologie à l'attribution des fonds de recherche.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question ou si je l'ai bien comprise — j'aurais peut-être dû l'écouter en français plutôt que de passer à la traduction —, mais ce que je dirais, c'est que, simplement parce que les gens disent « Ne votez pas pour untel »... La définition de ce qui est politique... Ce que je dis, c'est que, lorsque vous parlez de la façon dont vous allez promouvoir la diversité et l'équité dans vos recherches, c'est un énoncé politique, même si vous ne dites pas « Comment allez-vous inciter les gens à voter pour le Parti libéral? » La définition de « politique » ne se limite pas strictement à la politique de partis.
En ce qui concerne les idéologies politiques, j'ai dit que les sondages montrent très clairement que les attitudes à l'égard de la diversité, de l'équité et de l'inclusion se divisent très fortement en fonction du parti pour lequel vous votez et d'où vous vous situez par rapport à la gauche ou à la droite. Cela signifie qu'elles sont politiques, et je pense donc qu'il y a un peu de sémantique dans ce que nous avons entendu, en fait, dans l'idée que ce n'est pas un objectif politique. Ça l'est clairement, au contraire.
J'espère avoir répondu à votre question.
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J'utilise l'exemple de cette étude où nous avons examiné le nombre de publications multiplié par le nombre de fois où elles sont citées. C'est la mesure standard de l'indice h qui est utilisée pour l'évaluation de la recherche, et je suis prêt à la défendre, soit dit en passant.
Nous avons vu très clairement, dans l'article paru dans Nature en 2024, que les universitaires hispaniques ou noirs et de sexe féminin — en tenant compte du nombre d'années dans la profession et dans la discipline — avaient une production nettement inférieure à celle des universitaires blancs ou asiatiques et de sexe masculin. Je pense qu'il est raisonnable de présumer et — bien que je sois ouvert à d'autres données; je veux voir des données à ce sujet et des preuves scientifiques — je crois qu'en insistant sur la DEI, vous nuisez aux résultats de la recherche. Je serais prêt à parier là-dessus.
Est-ce le facteur le plus important? Non, mais c'est un facteur. Cela va réduire la production d'un certain volume, et c'est peut-être un compromis que les gens sont prêts à faire. Ils se disent peut-être: « D'accord, l'équité et la diversité sont des facteurs plus importants » ou « Disons simplement que nous allons avoir 20 % ou 30 % d'équité et de diversité, et que nous sommes prêts à sacrifier une certaine quantité de résultats de recherche. » Cependant, je ne suis pas certain que le contribuable canadien soit prêt à financer cela et à appuyer ces valeurs. Ces valeurs sont, bien sûr, appuyées parce que, si 75 % des universitaires sont à gauche, ce sont eux qui établissent ces politiques. Pour eux, c'est naturel et ce n'est pas politique, et je le comprends, mais ils vivent dans une bulle.
Combien d'universitaires votent pour le Parti conservateur? Très peu. Comme je l'ai dit, c'est 10 %, donc...
Je vais commencer par M. Kerr.
Nous y voici. Nous parlons d'excellence dans la recherche canadienne, et il semble qu'il y ait deux aspects à la discussion d'aujourd'hui. La première est la façon dont le gouvernement fédéral évalue l'excellence de la recherche quand il la finance. Il y a ensuite la question secondaire de savoir comment nous choisissons les chercheurs qui occuperont des postes au gouvernement fédéral, comme pour les chaires de recherche du Canada, par exemple. Ce sont des aspects de cette question qui semblent assez différents.
De votre point de vue au CRSNG, je suppose que vous vous occupez davantage du premier, c'est-à-dire de la façon dont vous évaluez les gens qui demandent du financement pour la recherche par l'entremise du CRSNG, des subventions à la découverte ou de quoi que ce soit d'autre. Vous avez parlé de certains des critères généraux. Vous avez également parlé de la San Francisco Declaration on Research Assessment, la DORA.
Notre comité a déjà entendu parler de préoccupations au sujet de l'utilisation des évaluations d'impact des documents en fonction du nombre de citations, du nombre de documents qu'une personne a rédigés et du nombre de fois où ses publications sont citées. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les données qui sous-tendent ce critère ou sur ses répercussions, et pourquoi ce changement semble se produire?
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L'une des difficultés consiste à déterminer quels domaines scientifiques sont favorisés et la nature des publications dans les revues savantes qui se font dans ces domaines scientifiques. Les observations que les gens font dans certaines branches de la science peuvent être vues par un petit nombre de spécialistes. Vous pouvez être extrêmement productif, mais les taux de citation pour vos articles peuvent être très limités.
Je donne l'exemple de la systématique, qui nous permet de décrire la diversité biologique sur la Terre. Si vous n'avez pas de capacité dans ce domaine, vous examinez essentiellement tout et vous n'avez pas de nom pour tout, pour la façon dont tout a évolué ou pour ce à quoi pourrait ressembler l'avenir de cette voie évolutive. Les publications des systématiciens n'ont pas tendance à être particulièrement citées. Dans un domaine que je connais mieux personnellement, les taux de citation peuvent être beaucoup plus élevés.
La simplicité et l'aspect réducteur de ce genre de paramètres biaisent nos orientations en fonction d'une popularité momentanée. Je vais vous donner des exemples du XIXe siècle. Charles Darwin s'intéressait vraiment aux pouces-pieds, mais il n'a presque jamais été cité à ce sujet pendant longtemps. Ses découvertes dans ce domaine ont changé le monde de la façon la plus fondamentale, mais à l'époque, personne n'en avait conscience. Au bout du compte, c'est de cette façon qu'on arrive aux résultats les plus significatifs.
L'idée que nous devrions suivre un simple processus de dénombrement pour estimer et mesurer, comme si c'était un indice fiable, la valeur de la science... C'est simplement un concours de popularité. Je me fonde sur une certaine expérience de ce genre de mesures pour l'affirmer. Si j'étais parfaitement égoïste à ce sujet, je serais ravi de voir que nous nous fions tous à l'indice h, mais le fait est que c'est le reflet d'une foule de choses, dont seulement quelques-unes sont en fait liées à l'importance des découvertes que l'on peut faire. C'est peut-être une simple question d'efficacité ou non du réseau social d'une personne. C'est un critère réducteur.
La DORA existe pour que nous réfléchissions à ces critères, au lieu de les simplifier.
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Merci, madame la présidente.
Merci, chers témoins, pour votre présence aujourd'hui. Elle est très appréciée.
Docteur Zhu, je comprends que vous nous entendez, mais que nous ne vous entendons pas, malheureusement. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos observations ou de tout élément de cette conversation que vous pourriez ajouter de votre point de vue.
En fin de compte, vous savez… Il est intéressant de noter que nous examinons actuellement une étude sur le financement fédéral de l'excellence en matière de recherche. L'étude que nous venons de terminer traitait de l'organisation-cadre de financement de la recherche. Les trois conseils et le CNRC étaient présents mardi. Je leur ai alors posé une question très simple sur leur objectif. La décision a-t-elle été prise en fonction des mérites individuels, d'une part, des chercheurs sollicitant un financement et, d'autre part, de la qualité des recherches qu'ils proposent? Ils étaient d'accord avec cela. C'est ce qu'ils ont fait.
Docteur Kerr, vous avez fait cette déclaration aujourd'hui lorsque vous avez parlé des subventions à la découverte, et ainsi de suite. Elles existent. Le Dr Zhu a abordé des aspects similaires. Nous n'avons pas tout entendu, mais je pense qu'il serait d'accord avec cela. Il a également parlé des mots à la mode.
Lorsque nous examinons des questions telles que la diversité, l'équité et l'inclusion et cet aspect, et ces mots à la mode que les gens veulent entendre, nous sommes préoccupés par ce que nous entendons de la part des chercheurs dans tout le pays qui pensent que lorsqu'ils font une demande de recherche, tout est basé sur ces deux points, ces deux objectifs. Pourtant, ils constatent qu'il existe un troisième élément, la DEI, qui fait obstacle à ce qu'ils présentent, alors que le mérite devrait se fonder sur la qualité de leur recherche.
Docteur Kerr, votre argument est que si cette personne n'est pas compétente dans ce domaine, elle ne devrait pas faire cette recherche, mais c'est là que va le financement. Il y a beaucoup de croisements entre les sciences naturelles de base, les sciences de la santé et même les sciences sociales. Il peut y avoir des chevauchements, donc il peut y avoir des croisements. Comment s'assurer que, lorsque cela sera fait, les personnes qui prennent cette décision sur le financement fédéral et qui fournissent ce financement pour l'excellence de la recherche… Lorsque nous parlons de l'argent fédéral, dont nous sommes responsables, comment nous assurer que le financement est basé sur ces deux principes et pas sur autre chose?
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Je vous remercie de votre question. En effet, je crois et je soutiens pleinement l'idée que l'excellence doit être le critère déterminant dans ce domaine. Permettez-moi de dire qu'il y a une troisième catégorie qui est pratiquement universellement présente dans l'évaluation des subventions, et c'est la qualité du programme de formation. Cela en fait également partie.
J'essaierai très rapidement de répondre sur deux points. Le premier est que parfois, comme l'a fait remarquer un collègue témoin à ce comité, nous voulons inclure une reconnaissance de la diversité dans certaines circonstances, c'est-à-dire lorsque c'est approprié, dans la conception de la recherche. Je vais vous donner un exemple de la raison pour laquelle cela peut parfois être absolument vital.
De nos jours, toutes les voitures sont équipées de coussins gonflables. Ces coussins gonflables sont adaptatifs. En d'autres termes, le poids de la personne assise sur le siège avant et la proximité de cette personne par rapport aux coussins gonflables déterminent la force avec laquelle ces coussins exploseront sur vous en cas de collision. Lorsque ces coussins gonflables ont fait leur apparition, ils ont eu tendance à tuer des femmes de petite taille et des enfants. Pourquoi? Parce que les recherches qui ont été menées pour créer cez coussins l'ont été essentiellement sur de jeunes hommes. La proposition initiale concernant les coussins gonflables était de protéger les jeunes hommes de 25 ans et moins qui ne portaient pas de ceinture de sécurité. Omettre de tenir compte du sexe dans ce cas a eu pour conséquence de tuer beaucoup de personnes qui n'avaient pas besoin de mourir. La prise en compte des aspects de la diversité dans la conception de la recherche peut s'avérer très utile.
L'autre partie est le programme de formation. C'est là que…
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Merci, madame la présidente.
Je commencerai par poser une question à M. Kaufmann, puis je poserai une question complémentaire au professeur Kerr.
Nous avons entrepris de nombreuses études au sein de ce comité. Au début de notre mandat, il y a eu une étude sur le savoir traditionnel autochtone, un sujet avec lequel je n'avais pas d'expérience directe. Je ne suis pas chercheuse, même si des membres de ma famille ont fait de la recherche et ont obtenu des doctorats dans différentes catégories, alors le savoir traditionnel autochtone était nouveau pour moi. C'est à ce moment-là que nous avons appris les différents types de connaissances qui ne font pas partie du courant dominant et la manière dont elles peuvent nous aider à couvrir davantage de domaines de recherche avec une meilleure compréhension. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti après avoir réalisé cette étude.
La question qui vous est posée se base sur ce que vous venez de déclarer. Ne pensez-vous pas que ces points de vue sont précieux et que ces communautés méritent d'avoir leur mot à dire? Ce n'est certainement pas le courant dominant. Je sais que nous parlons de mots à la mode. L'anglais n'étant pas ma langue maternelle, je ne suis pas certaine d'être d'accord avec une grande partie de la terminologie que j'entends ici. Je n'y suis pas habituée. Mais nous n'aurions jamais entendu parler de certains de ces points de vue si nous avions simplement choisi, soyons honnêtes, un homme blanc typique qui mène une recherche.
Allez-y.
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La première chose à dire est que je ne pense pas qu'il n'y aurait que des hommes blancs si l'on organisait un concours basé sur le mérite. Je pense que c'est un peu un homme de paille.
En ce qui concerne le savoir autochtone, je pense qu'il y a beaucoup à apprendre, mais je pense que si elles ont une valeur pour la science, alors elles feront partie de la science. S'il s'agit de folklore, il sera étudié par des folkloristes. Je ne pense pas qu'il faille accorder une dérogation spéciale au savoir autochtone.
Je pense en fait que les personnes qui essaient d'élever le savoir autochtone au même niveau que la science — une science poppérienne falsifiable, mesurable et vérifiable — sont en fait une menace pour la recherche de la vérité. Je dois dire que je trouve cette idée, que nous pouvons mettre le savoir autochtone, simplement parce qu'il est autochtone, au même niveau que le savoir scientifique qui a été acquis par la méthode scientifique, profondément contraire à ce qui devrait être la mission des conseils, et contraire à ce que le public appuierait.
Je ne pense pas que ce soit quelque chose qui devrait être enseigné à l'université, à moins que ce soit en accord avec la science. Il se peut que certains médicaments et certaines connaissances scientifiques sur les médicaments s'appuient sur les connaissances autochtones. En ce sens, c'est une excellente chose, mais devrions-nous avoir une dispense spéciale ou une action positive pour intégrer ces points de vue? Je ne pense pas, non.
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Je comprends votre point de vue. Je ne suis pas d'accord, mais c'est mon point de vue. Je laisserai un autre député suivre cette question s'il le souhaite.
Passons maintenant au professeur Kerr.
Je sais que vous êtes professeur de biologie, mais vous avez également parlé des subventions à la découverte, de l'évaluation des bourses, et ainsi de suite. Non seulement vous avez affaire à des chercheurs, mais aussi à des étudiants. D'après votre expérience, que se passe-t-il si nous ne tenons pas compte de la diversité et de l'inclusion dans certains de ces financements, par exemple pour les femmes, ou pour les personnes dont l'anglais n'est pas la première ou même la deuxième langue, ou pour les personnes d'origines ethniques différentes? J'aimerais connaître votre point de vue.
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Je suis très favorable à l'approche que j'ai décrite, à la discrimination positive préconisée par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Students for Fair Admissions, qui, ne l'oublions pas, a été introduite principalement parce que les Américains d'origine asiatique faisaient l'objet d'une discrimination. Rappelons que le revers de la médaille… En réalité, l'« action positive » est un euphémisme pour désigner la discrimination à l'encontre de certains groupes, soit les Asiatiques, les Blancs et les hommes, essentiellement. Il existe également une discrimination à l'encontre des conservateurs, mais elle ne se produit pas par le biais de l'action positive. Ce que je dirais, c'est qu'il faut examiner cette décision, qui a été soutenue non seulement par une majorité d'Américains blancs, mais aussi par une majorité d'Américains hispaniques, d'Américains noirs et d'Américains asiatiques. Il s'agit d'une valeur faisant consensus.
En Californie, un certain nombre de référendums ont été organisés pour tenter de réintroduire l'action positive parce qu'elle avait été abrogée par une initiative populaire. Cependant, chaque fois qu'ils essaient de le faire, c'est toujours rejeté, parce que le public ne veut pas de préférences raciales dans l'attribution, que ce soit de places à l'Université Harvard ou de subventions de recherche. C'est contraire aux valeurs.
J'ai mentionné que, dans l'enquête canadienne, 59 % des personnes interrogées souhaitaient une approche qui ne tient pas compte de la couleur, tandis que 29 % seulement souhaitaient l'inverse. Mais quelle est l'approche adoptée? Les trois conseils ont adopté une approche qui tient compte de la couleur. Je pense que cela est en décalage avec l'opinion publique. Ils pourront peut-être s'en tirer un peu plus longtemps, mais en fin de compte, je ne pense pas que cela soit bénéfique pour l'organisme de recherche.
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Merci, monsieur Cannings.
Bien sûr, les universitaires sont tristement célèbres pour être des bavards, et je ne fais pas exception.
Le domaine dans lequel l'équité, la diversité et l'inclusion sont prises en compte de façon particulière est le plan de formation, et pratiquement nulle part ailleurs. Par conséquent, cela ne fait pas partie de la qualité de la proposition, fondamentalement, à moins qu'il ne soit nécessaire d'inclure la diversité dans la manière dont elle est évaluée. L'idée est la suivante: la porte de la formation est-elle ouverte à tout le monde ou à une sélection de personnes?
Un exemple extrêmement important pour moi de la manière dont cela a été fait avec succès dans le passé est celui d'un professeur anglophone travaillant dans la langue commune de la science, qui est l'anglais, qui a mis en œuvre un certain nombre d'actions très précises dans le contexte de son groupe de recherche, de son département et, en fait, de son université pour tenter de favoriser et de protéger l'utilisation de la langue française sur le lieu de travail.
Je ne vois pas pourquoi nous voudrions faire autre chose que cela. Ce sont des occasions pour nous de prendre toute l'équipe et de lui permettre de participer à l'exercice académique, mais cela est évalué dans le cadre du processus de candidature. L'objectif est simplement de savoir si cette personne sait comment former des personnes qui ne sont pas nécessairement d'autres hommes blancs.
Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer et mettez-vous en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour l'interprétation des personnes sur Zoom, vous avez le choix, en bas de votre écran, entre le français, l'anglais ou l'espagnol.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir par vidéoconférence le Dr Christopher Dummitt, professeur d'études canadiennes à l'Université Trent, le Dr Daniel O'Donnell, professeur d'anglais à l'Université Lethbridge, et Bruce Pardy, professeur de droit à l'Université Queen's, qui comparaissent à titre personnel.
Nous disposerons de cinq minutes pour les déclarations préliminaires, après quoi nous procéderons à une série de questions.
Monsieur Dummitt, je vous invite à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
Je dois dire que je suis un historien de la politique canadienne et que c'est un grand honneur de me retrouver ici. Je suis très heureux d'être ici, mais je ne suis pas là pour parler de l'histoire de la politique canadienne, malheureusement. Je suis ici pour parler d'une enquête que j'ai réalisée avec un analyste de données de l'Université Concordia sur les professeurs d'université, leurs opinions politiques et leurs attitudes à l'égard de la liberté académique et de la diversité.
La nouvelle que je souhaite vous communiquer, et les autres témoins m'ont un peu devancé, c'est que les organismes de financement fédéraux, les organismes de recherche fédéraux et le programme de recherche du Canada ignorent actuellement le problème de diversité le plus important et le plus flagrant dans l'enseignement supérieur, à savoir la diversité des points de vue. Cela peut sembler être une déclaration partisane, et je comprendrais que vous le pensiez, mais il s'agit simplement d'une description exacte de la réalité.
Dans notre enquête — Eric Kaufmann a obtenu des résultats légèrement différents —, 76 % des professeurs interrogés ont voté pour le Parti libéral ou le NPD. Seuls 7,6 % ont voté pour les conservateurs. Nous leur avons demandé, parce que l'identification à un parti n'est peut-être pas la seule chose à laquelle vous voulez penser, comment ils s'identifiaient politiquement, sur le spectre de la gauche ou de la droite, et 88 % d'entre eux se sont identifiés comme étant de gauche. Il s'agit bien entendu d'une différence significative par rapport au reste de la population et d'une catégorie d'ampleur qui ne ressemble à aucune autre préoccupation de diversité dont l'enseignement supérieur se préoccupe à l'heure actuelle.
Il pourrait être tentant de considérer qu'il s'agit d'une préoccupation exclusive des conservateurs. Encore une fois, je comprendrais que certains pensent que c'est le cas, et il y a certainement des conséquences pour les conservateurs. Dans notre enquête, ils ont fait état de taux élevés d'autocensure, d'hostilité sur le lieu de travail et de toute une série de problèmes. Je dois dire que nous avons également constaté que les centristes, parfois même les universitaires de gauche, en particulier les universitaires féministes qui considèrent le sexe biologique comme une catégorie vraiment importante, ont également fait part de leurs grandes inquiétudes concernant la discrimination politique.
Cependant, je tiens à vous dire qu'il ne s'agit pas d'une préoccupation de droite ou de gauche. Il s'agit d'une préoccupation qui concerne l'objectif de l'enseignement supérieur en tant qu'entreprise de recherche visant la vérité et la validation de la vérité. Je pense que le manque de diversité des points de vue nuit considérablement à l'objectif de l'enseignement supérieur, que je soutiens fermement.
Comment ce manque se fait-il sentir? Tout d'abord, il réduit l'efficacité de l'évaluation par les pairs. John Stuart Mill a déclaré quecCelui qui ne connaît que sa propre version de l'affaire ne sait en fait pas grand-chose. L'évaluation par les pairs est censée vous permettre d'obtenir les meilleures critiques de la part des personnes les plus compétentes qui seront les plus critiques à l'égard de votre travail. Vous n'êtes pas obligé de changer d'avis simplement parce que vous êtes confronté à cette critique, mais vous connaîtrez votre camp et serez beaucoup plus solide en le sachant. Le fait est qu'un secteur de l'enseignement supérieur universitaire aussi dépourvu d'opinions divergentes empêche que cela se produise.
Il y a d'autres préoccupations. L'autocensure ne fait qu'aggraver la situation. Le petit nombre de conservateurs parmi les universitaires présents nous a rapporté que près de la moitié d'entre eux étaient trop effrayés de révéler à leurs collègues leurs opinions politiques. Leur capacité à procéder efficacement à l'évaluation par les pairs, en particulier dans le domaine des sciences sociales et humaines, est fortement diminuée.
Cela conduit à ce que certains psychologues sociaux appellent des « cascades réputationnelles ». Il s'agit d'un processus par lequel des informations fausses, ou du moins partielles ou inexactes, peuvent être acceptées dans certains groupes comme étant exactes si ceux qui ont des points de vue différents ne s'expriment pas et ne sont pas en mesure de le faire. Il s'agit d'une préoccupation majeure.
Cela nous amène également à un autre problème, à savoir qu'une institution qui manque de diversité de points de vue, comme c'est le cas dans l'enseignement supérieur, entraîne également la possibilité d'une polarisation des groupes. La polarisation des groupes est un phénomène bien connu selon lequel dans les groupes, petits ou grands, où de nombreuses personnes pensent déjà de la même manière, l'absence d'opinions divergentes rend l'opinion individuelle de chacun — qui peut être plus modérée après les processus de discussion et d'évaluation — encore plus radicale à la fin, parce qu'elle n'est pas confrontée à des opinions et à des discussions correctives. Il s'agit d'une préoccupation grave. Paradoxalement, les politiques actuelles en matière de DEI des organismes des trois conseils et du programme de recherche du Canada pourraient en fait aggraver la situation. Dans la mesure où des déclarations sur la diversité sont exigées, elles constituent une sorte de déclaration politique.
J'ai entendu le professeur Kerr parler de l'importance de la diversité et de la présence de différentes perspectives dans la recherche, et je suis fondamentalement d'accord avec ce qu'il dit, mais les déclarations sur la diversité demandent certains types de compréhension de la diversité et certaines manières politisées de comprendre la diversité. Il ne s'agit pas d'éliminer la discrimination. Il s'agit d'avoir une idée très politiquement partisane de ce que signifie la DEI. Si ces termes ne figurent pas dans votre évaluation, il est fort possible que vous soyez moins bien noté et éliminé. Soit vous mentez dans votre évaluation, soit vous risquez de ne pas obtenir de financement.
De plus, l'autre problème est que souvent les programmes destinés à attirer des groupes méritant l'équité ou des groupes sous-représentés sont associés non seulement à un désir d'améliorer ces groupes, mais — et je ne sais pas dans quelle mesure cela atteint ce niveau — à certains types d'autres qualifications, de sorte que des choses comme un poste ou un financement peuvent être annoncés pour quelqu'un qui s'est engagé, disons, dans la décolonisation ou la pédagogie antiraciste. J'ai vu cela dans des publicités pour tout un tas de choses, et ce sont des déclarations politiques…
Madame la présidente, mesdames et messieurs, vous connaissez peut-être The Big Bang Theory — pas l'explosion, mais la série télé. Il s'agit de quatre intellos qui travaillent comme scientifiques dans une université de recherche. Dans un épisode, ils discutent avec le président de l'université, qui leur dit: « Permettez-moi de vous poser une question. Quelle est selon vous la raison d'être de cette université? ». « La science? » répond l'un d'eux. « C'est l'argent », grogne le président.
Au Canada, les universités ne sont pas seulement une affaire d'argent; c'est l'argent du gouvernement. Les universités canadiennes doivent chercher à obtenir le plus d'argent possible du gouvernement. Elles sont devenues des bénéficiaires chroniques de l'aide sociale qui, à l'instar de CBC/Radio‑Canada, dépendent des largesses du gouvernement et n'ont aucune chance de devenir autosuffisantes. Ce sont des trous noirs profonds qui engloutissent des tonnes d'argent.
Si vous êtes un jeune professeur aujourd'hui, votre université ne se soucie probablement pas tellement de votre travail. Elle se préoccupe davantage de savoir si vous obtenez des subventions fédérales. Les universités écrèment une bonne partie de chaque subvention — environ 40 %. Pour obtenir la subvention, il faut promouvoir des recherches qui plaisent aux conseils subventionnaires, et les universités ont des départements entiers d'administrateurs qui se consacrent à convaincre leurs universitaires de présenter la recherche d'une façon qui plaira aux gens qui tiennent les ficelles de la bourse.
Les fonds fédéraux consacrés à la recherche corrompent la vocation intellectuelle des universités. Mes collègues universitaires et moi faisons partie des nombreux Canadiens qui se nourrissent à l'assiette publique. Le secteur public représente 40 % de l'économie canadienne. Ce n'est pas viable. C'est une des nombreuses raisons pour lesquelles notre pays est en train de s'appauvrir. Qui paie les violons choisit la musique. L'argent du gouvernement est toujours assorti de conditions — idéologiques et politiques. Ce n'est pas avec des organismes subventionnaires gouvernementaux que l'on peut faire des recherches neutres sur le plan politique.
Vous étudiez s'il faut réformer le financement fédéral de la recherche. Ne le réformez pas, abolissez‑le carrément. Débarrassez‑vous‑en. Les universités sont de compétence provinciale. S'il vous plaît, arrêtez de vous en mêler. S'il vous plaît, arrêtez de prendre l'argent des camionneurs et des caissières pour le donner à des établissements d'élite. Veuillez cesser de corrompre l'entreprise intellectuelle. Veuillez cesser d'exiger et de financer la discrimination contre les Blancs, les Asiatiques et les hommes. Veuillez cesser de dicter comment et par qui la recherche doit être effectuée. Je vous en prie, retirez l'argent du gouvernement fédéral des universités canadiennes.
Merci beaucoup.
:
Bonjour, mesdames et messieurs.
Je m'appelle Daniel O'Donnell, et je suis professeur d'anglais médiéval et d'humanités numériques à Iniskim, c'est-à-dire à l'Université de Lethbridge.
Je suis ravi de comparaître devant le Comité permanent de la science et de la recherche pour présenter mon témoignage.
[Traduction]
Je poursuis donc en anglais, puisque c'est la première fois que je comparais devant ce Comité.
Il y a une dizaine d'années, le chercheur italien Domenico Fiormonte a publié dans la revue Historical Social Research un article sur ce qu'il appelait une « hégémonie anglo-américaine », quelque chose qui selon lui contrôlait l'accès aux revues, aux conférences et aux normes les plus en vue dans la discipline rapidement croissante des humanités numériques.
Cette discipline a été et demeure aujourd'hui un moteur clé de l'application de l'informatique aux problèmes culturels, sociaux et politiques. C'est dans ce domaine qu'on a d'abord modélisé le David de Michel‑Ange en 3D, qu'on a contribué à la création de mécanismes essentiels pour le traitement informatique des textes, et qu'on a aidé à développer les encodages de caractères standards qui nous permettent d'utiliser des ordinateurs dans des langues autres que l'anglais.
Aujourd'hui, les chercheurs en sciences humaines numériques sont à la fine pointe des applications culturelles dans le domaine de l'intelligence artificielle, des mégadonnées et de l'examen critique de la façon dont l'infrastructure façonne les questions que nous nous posons à notre sujet. Si c'est le travail des scientifiques de résoudre des problèmes et si c'est le travail des humanistes de problématiser des solutions, les humanistes numériques finissent par faire les deux. Ils mettent au point des outils à la fine pointe de la technologie et offrent également des critiques technologiquement fondées sur ces mêmes solutions lorsqu'elles ne sont pas à la hauteur ou s'il y a lieu de les améliorer.
Cela m'amène à la motion dont votre Comité est saisi. L'affirmation de Fiormonte selon laquelle il y avait une « hégémonie anglo-américaine » dans le leadership des humanités numériques mondiales était en fait erronée. Dans la mesure où il y avait un petit groupe de chercheurs qui dirigeaient les organes et les projets les plus importants du domaine, ces gens n'étaient ni britanniques ni américains. Ils étaient canadiens. En fait, il y avait autant de Canadiens francophones sur la liste de Fiormonte qu'il y avait de Britanniques. Ce qui est tout aussi important, c'est que ces Canadiens ne siégeaient pas chez les suspects habituels, soit nos membres les plus proéminents de l'U15, dont l'Université de Toronto, l'Université McGill, l'Université de la Colombie‑Britannique ou l'Université de l'Alberta. Ils venaient plutôt de membres plus modestes ou de membres francophones comme McMaster et l'Université de Montréal, et surtout de petites universités de recherche approfondie comme Victoria, Guelph et mon université à moi, l'Université de Lethbridge.
Je le signale parce que, comme le laisse entendre le rapport Bouchard, les chercheurs canadiens, surtout ceux des petites universités de recherche approfondie, ont perdu beaucoup de terrain depuis que Fiormonte a écrit son article. À l'époque, le Canada se classait au deuxième rang, derrière les États‑Unis, pour le nombre de centres d'humanités numériques. Aujourd'hui, nous sommes loin de la troisième ou de la quatrième place.
Nos chercheurs ont eux aussi déménagé. Les universités membres de l'U15 dominent maintenant les sciences humaines numériques canadiennes, en grande partie parce qu'elles ont les ressources nécessaires pour attirer les talents des universités plus modestes. Des huit Canadiens figurant sur la liste de Fiormonte en 2012, six ont été recrutés par des établissements du regroupement U15, et il ne reste que deux titulaires de chaires de recherche du Canada dans de petites universités. Moi aussi, j'étais sur la liste et j'ai été recruté, parce qu'on m'a offert un emploi à l'Université de la Saskatchewan, mais j'ai dû refuser pour des raisons personnelles.
Je suis resté à l'Université de Lethbridge parce qu'elle a déjà appuyé ma recherche financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le CRSH, sur le balayage des premières croix médiévales en 3D et mon travail à titre de président de l'Initiative d'encodage de textes, une importante norme informatique internationale. Cependant, au moment même où nous nous parlons, je suis en train de discuter du transfert d'un grand projet textuel financé par le CRSH et de l'étudiant de deuxième cycle qui y est associé à une autre université membre de l'U15, parce qu'à Lethbridge nous n'avons plus les moyens de créer un poste pour l'auxiliaire qui nous a proposé le projet au départ.
En préparant mon allocution, j'ai passé en revue les témoignages de mes collègues Vincent Larivière, de l'Université de Montréal, et de Dena McMartin, ma vice-présidente à la recherche, et tous deux ont souligné l'importance de comprendre l'excellence au sens le plus large comme une question de capacité plutôt que de concurrence.
Dans « Excellence R Us: university research and the fetishisation of excellence », un article que j'ai corédigé avec divers collègues du Royaume‑Uni, de l'Australie et du Canada, nous avons fait valoir que la capacité nationale de recherche est beaucoup plus importante pour le succès de la recherche que l'accent mis sur l'identification des gagnants et des perdants. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de développer le type de réservoir de connaissances que le rapport Bouchard décrit comme ayant été essentiel à la réponse mondiale à la COVID. Et je dirais que cela sous-tend notre consensus sociétal et notre compréhension de choses comme l'égalité du mariage il y a 20 ans, l'équité entre les sexes et les préjugés systémiques. Une grande partie du réservoir se trouve dans des universités mondiales, comme l'alma mater de ma fille à Harvard ou la mienne à Toronto et à Yale, mais des universités comme Lethbridge, Guelph et Victoria jouent elles aussi un rôle essentiel.
Notre système a toujours su favoriser la recherche à l'échelle du pays, plutôt que de la concentrer dans quelques endroits d'élite. C'est peut-être une forme typiquement canadienne de faire preuve d'excellence dans le domaine de la recherche. Or, compte tenu de l'évolution des humanités numériques au fil des 10 dernières années, nous commençons à perdre cette longueur d'avance.
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Merci. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de l'exprimer comme il faut.
Les énoncés sur la diversité sont un exemple classique de discrimination systémique. Ils font semblant d'être neutres, et ils le sont ostensiblement. Il n'y a que la diversité qui les intéresse. Cependant, ils s'attendent à ce qu'un candidat la décrive d'une façon qui s'inscrit dans une certaine norme politique.
Il y a diverses façons de concevoir la façon de créer une société pour qu'il n'y ait pas de discrimination. Quand on s'attend à inclure ces choses... Comme je disais, quand on s'attend à ce qu'un candidat s'engage à prononcer un mot comme « décolonisation », sachant qu'il n'y a pas un seul conservateur qui travaille dans le domaine de la décolonisation, cela peut paraître une affirmation neutre, mais il s'agit dans le fond d'un critère politique décisif. C'est une discrimination systémique qui fait partie intégrante de l'engrenage.
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Je suis tout à fait d'accord avec M. Dummitt. Les ficelles politiques sont telles qu'il les décrit, inévitablement.
Cela dit, vous pouvez changer la nature de ces ficelles, et ce serait une amélioration, je suppose, pour encourager la diversité des points de vue, c'est certain. Nous avons le problème dont il parle. Cela ne fait aucun doute, mais si vous le conservez et que vous le réformez, vous n'obtiendrez que des ficelles différentes.
À mon avis, le problème, c'est que les surveillants ont le pouvoir d'orienter les activités des chercheurs et des universités proprement dites. Ces programmes exigent une certaine conformité, non seulement de la part des demandeurs, mais aussi des établissements. Ils exigent des plans d'action en matière d'équité, de diversité et d'inclusion pour le compte des établissements. Pour être admissibles aux chaires de recherche du Canada, par exemple, les établissements doivent se conformer aux exigences documentaires des trois conseils subventionnaires. Cela signifie que l'établissement tout entier est animé par le programme idéologique politique qui est enchâssé dans les programmes des trois conseils.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins qui se joints à nous pour cette deuxième heure d'étude.
Monsieur Dummitt, dans un mémoire que vous avez rédigé en collaboration avec 38 de vos collègues et que vous avez déposé le 24 mai 2024 lors de notre dernière étude sur la répartition du financement de la recherche dans les établissements d'enseignement postsecondaires, vous avez exprimé des préoccupations quant aux critères d'équité, de diversité et d'inclusion. Vous avez souligné le fait qu'ils pénalisaient souvent les universités de petite taille et les régions sous-représentées.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi ces critères nuisent aux chercheurs des établissements d'enseignement qui sont loin des grands centres?
Quels aménagements recommanderiez-vous pour donner plus de place à ces chercheurs, tout en préservant l'excellence universitaire?
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Eh bien, je pense que c’est lié de très près à notre discussion sur la diversité des points de vue. L’idée qu’il y a 15 ans, les sciences humaines numériques étaient essentiellement l'apanage de petites universités... Ce n’était pas seulement une affaire canadienne. Si vous prenez les universités aux États-Unis, par exemple, les universités les plus dominantes en sciences humaines numériques se trouvaient dans des endroits comme le Nebraska, pas à Yale. L’une des raisons était la capacité et la liberté d’expérimenter, ce que vous aviez dans les petites universités à l’époque.
Je pense que si les choses ont changé, ce n’est pas parce que nous perdons au sein des trois conseils... Les lettres et sciences humaines sont mes domaines. Je suis professeur d’anglais. J’ai reçu plus d’un million de dollars en subventions au cours de ma carrière — ce qui, pour un humaniste, n’est pas un mauvais chiffre —, mais comme je l’ai dit, j’ai une professeure associée non titularisée qui est devenue la responsable d’un projet vieux de 40 ans en sciences humaines numériques. Pour en revenir exactement à ce que disait mon collègue, elle nous l’a présenté à titre d'associée. Son embauche dans notre département pour garder les cinq étudiants aux cycles supérieurs qui l'ont suivie — cette subvention de 300 000 $ augmenterait d’environ 12 % mon effectif de professeurs, dans le département que je dirige — était beaucoup demandé pour nous, comparativement à l’Université de l’Alberta ou à l’Université de Toronto.
Je pense que l'enjeu qui pointe vraiment à l'horizon... Les grandes universités en sciences humaines numériques étaient en retard au début parce qu'elles abritent de grands départements qui, dans de nombreux domaines, sont assez consensuels, et ce sont les petits départements, où il y avait un peu plus de liberté intellectuelle pour mener des recherches tôt et rapidement qui ont défriché le domaine. Cependant, il est beaucoup plus facile pour une grande université de faire du rattrapage et il est tout à fait vrai qu’une grande université ne perdra jamais une subvention Savoir parce qu’elle ne peut pas créer un poste pour quelqu’un. Je pense que c’est ce qui s’en vient... Ce n’est même pas la taille de l’équipement dont vous disposez, mais l’échelle.
Ironiquement, les petites universités... Je ne sais pas comment les subventions globales ou les subventions couvrant les frais généraux étaient versées autrefois. Normalement, au Canada, vous obtenez une subvention globale qui est accordée à votre université en fonction du succès de votre recherche de financement. Je pense que le seuil critique est fixé à environ 7 millions de dollars. Sous ce montant, vous obtenez moins d’argent et vous n’obtenez pas non plus un pourcentage, contrairement aux grandes universités alors que ce devrait vraiment être l’inverse, parce que le coût du maintien d’une subvention dans une petite université par rapport à la taille globale de la cagnotte est très différent.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous d’être ici. Vos exposés sont très appréciés alors que nous entamons cette nouvelle étude sur la façon dont nous pouvons améliorer l’excellence.
Comme vous le savez peut-être, dans le cadre d’une étude que nous avons menée, nous nous sommes penchés sur l'organisme-cadre et tout ce qui concerne la façon de prendre le financement fédéral et de le déléguer. Ce que j’entends autour de la table, ce sont des préoccupations exprimées de différentes façons au sujet des partis pris politiques susceptibles de se manifester. Nous devrions plutôt examiner le mérite individuel d’un chercheur et la qualité de la recherche proposée. Nous parlons maintenant d'enjeux comme l'équité, la diversité et l'inclusion, peu importe l'ordre dans lequel nous les considérons. Ce sont là certains des aspects.
Je vais commencer par vous, monsieur Dummitt.
Que pouvons-nous faire pour empêcher cela? Que nous suggérez-vous? Comment pouvons-nous résoudre ce problème avec les professeurs, qu’ils présentent une demande dans de grandes universités, celles qui sont membres de l'U15 ou les petites?
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Eh bien, je pense que c’est peu probable, mais si elles doivent exister, alors je pense qu’elles devraient inclure les points de vue et non se limiter aux autres catégories. Si je devais les réformer, j'aimerais qu’elles soient fondées non pas sur les niveaux au sein de la population générale, mais sur l’entonnoir des demandeurs.
Je le comprends. À mon université, lorsque nous pensons à notre pourcentage des chaires de recherche du Canada, nous devons égaler le pourcentage d’un certain groupe identitaire au sein de la population en général, que le bassin de candidats soit ouvert et diversifié ou non. C’est tout simplement insensé. Ce sont de mauvaises statistiques. Il faut voir combien il y a de membres de ce groupe. S'il n'y en a pas au doctorat, le problème ne tient pas à l’embauche, mais aux raisons pour lesquelles ils ne sont pas attirés à ce niveau. Y a-t-il des obstacles en aval?
Je les réformerais en réfléchissant à cet aspect et en ne présumant pas que la discrimination est le problème. Où est le problème? S’agit-il de discrimination? Peut-être, mais il peut s’agir de toute une série de facteurs que l'on tient simplement pour acquis dans le système actuel.
Monsieur O’Donnell, je peux vous dire que j’ai eu l’occasion de visiter l’Université de Lethbridge l’été dernier. Je jouais au golf juste à côté. C’est une excellente université.
Nous parlons ici de petites universités. Tout au long de notre discussion, nous parlons des chercheurs. Les chercheurs qui font ces demandes présentent évidemment le concept de ce qu’ils font. Ils envisagent peut-être de travailler avec des étudiants aux cycles supérieurs. Il peut s’agir de postdoctorants qui travaillent. Ils financent leurs postes. Cela fait partie de leur programme.
Qu’en est-il du point de vue de l’établissement? Évidemment, s’ils font de la recherche, ils utilisent les installations de cet établissement. Combien leur en coûte-t-il pour utiliser les laboratoires et le reste? Établit-on un contrat à la pièce?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à tous les témoins des deux groupes. La discussion est fascinante.
Madame la présidente, j’aimerais revenir à l’objet de notre étude, soit l'examen des critères utilisés dans l’évaluation des propositions de recherche et les modifications que nous pourrions recommander. Je dirais qu’il aurait été très utile que nous commencions notre étude en ayant une idée très claire des critères actuels.
Monsieur O’Donnell, vous avez beaucoup d’expérience. De toute évidence, au cours de votre carrière, vous avez bien tiré votre épingle du jeu pour financer vos recherches. Pourriez-vous nous aider et nous décrire les critères précis qui sont recherchés dans une demande?
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D’après mon expérience au sein des comités de financement, j’ai aussi fait pas mal de travail d’évaluation. Je pense qu’au CRSH, j’ai tout fait, sauf les subventions Savoir.
Les critères varient d’une subvention à l’autre. Par exemple, les subventions de partenariat qui visent à créer des réseaux de chercheurs mettront l’accent sur l’adhésion de partenaires et sur la preuve de contributions. Les subventions aux conférences mettront l’accent sur la preuve que d’autres contributions sont attendues. Cela varie vraiment d’une subvention à l’autre.
Dans l’ensemble, je pense qu’il est juste de dire qu'on vous évalue en fonction de la capacité, soit la preuve que vous êtes en mesure de faire le genre de recherche que vous comptez faire. On vous juge en fonction du mérite intrinsèque, propre au domaine, de la recherche que vous proposez, de la conception globale de la recherche et d’éléments de cette nature.
Lorsque vous faites partie d’un comité au CRSH — ce qui correspond, encore une fois, à la majeure partie de mon expérience; j’ai également participé au fonds Nouvelles frontières —, les critères vous sont présentés sur un bout de papier, comme un menu que vous avez sous les yeux au cours de la discussion. Le comité fait le tour, en passant essentiellement les rubriques en revue. Il y a plusieurs lecteurs. Ils discutent à la fin. À la toute fin, encore une fois, ils affichent un document à l’écran. Au CRSH, on divise les catégories en ces fameuses cases. Essentiellement, sous la rubrique « capacité » ou « formation des étudiants », entre autres, on demande si le projet est excellent, bon, satisfaisant ou mauvais et le comité doit en arriver à un consensus.
Je vais poursuivre avec M. Dummitt au sujet de la diversité des points de vue. Je suis biologiste et écologiste et M. Kerr parlait d’évolution, de sélection et ainsi de suite.
En vous écoutant, je pensais à l’autosélection. Quand nous sommes jeunes et que nous réfléchissons à ce que nous voulons être dans la vie, nous faisons des choix en fonction de nos intérêts.
Je vais vous raconter une petite anecdote au sujet de la diversité des points de vue. Dans une vie antérieure, j’ai siégé à quelques conseils d’administration de très haut niveau où l’on avait besoin d’un biologiste et tous les autres administrateurs étaient des milliardaires ou des PDG de très grandes sociétés. C’était un environnement où j'évitais de révéler mes allégeances politiques parce que je n'étais clairement pas dans la majorité. Par exemple, on tenait des propos très incendiaires autour de cette table au sujet du NPD. Je n’étais pas membre du NPD à l’époque, mais j’ai enduré sans rien dire.
Cependant, dans mon milieu universitaire, lorsque j’étais à l’Université de la Colombie-Britannique, les étudiants qui venaient suivre mes cours avaient choisi d’étudier l’écologie, l’environnement ou un sujet du genre. C'est la même chose, je pense, si vous vous destinez aussi au travail social. Iriez-vous en travail social si...? Même si vous aviez certains points de vue au départ, une fois que vous avez travaillé dans ce domaine avec des gens défavorisés et à faible revenu et que vous avez vu leurs difficultés, je pense que vous retiendriez la candidature de gens qui auraient ces opinions politiques. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.