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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 112e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride.
J'aimerais faire quelques rappels à l'intention des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être formulés par l'intermédiaire de la présidence. Chers collègues, veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole, que vous participiez en personne ou par Zoom. Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous n'avez pas la parole. Pour l'interprétation sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français.
Merci à tous de votre collaboration.
Conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 31 octobre 2024, le Comité reprend son étude sur l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir nos trois témoins.
Nous accueillons Mme Pari Johnston, présidente-directrice générale de Collèges et Instituts Canada; M. Dylan Hanley, vice-président exécutif de U15 Regroupement des universités de recherche du Canada; M. Gabriel Miller, président-directeur général d'Universités Canada.
Vous aurez cinq minutes chacun pour vos déclarations préliminaires, puis nous passerons aux séries de questions.
Madame Johnston, je vais commencer par vous. Vous avez cinq minutes tout au plus pour votre déclaration préliminaire.
Je m'appelle Pari Johnston, et je suis la présidente-directrice générale de Collèges et Instituts Canada. Au nom de nos 134 collèges, instituts, écoles polytechniques et cégeps membres, je tiens à remercier le Comité de prendre le temps de mener cette étude.
Lors de ma comparution dans le cadre de l'étude sur l'organisation-cadre, nous avons discuté de l'importance de veiller à ce que les investissements fédéraux en recherche aient une incidence réelle et concrète sur la vie quotidienne des Canadiens, et mènent donc à des résultats qui favorisent la prospérité économique et le bien-être de l'ensemble de la société, qui stimulent l'innovation dans les collectivités et les entreprises, et qui permettent de relever les importants défis auxquels notre pays est confronté. Pour ce faire, nous devons repenser notre façon d'investir dans la recherche et redéfinir ce que nous valorisons. Il faut redéfinir notre manière d'évaluer et de récompenser la recherche pour aller au‑delà de concepts d'excellence principalement définis selon une approche axée sur les universités.
[Français]
Nous devons également nous concentrer sur l'impact, la pertinence et la portée de la recherche.
La recherche axée sur l'impact implique qu'il faut commencer par déterminer la nature d'un problème et concevoir un programme de recherche qui mobilise tous les bons partenaires et utilisateurs finaux pour le résoudre, qui exploite tous les outils de recherche à sa disposition et qui applique des critères d'évaluation inclusifs qui valorisent l'application et l'impact.
La recherche axée sur l'impact permet de construire de meilleures maisons plus rapidement, d'accroître les variétés de cultures agricoles résistantes à la sécheresse et de déterminer comment inciter les agriculteurs à les planter, de développer de nouvelles méthodes pour mobiliser des outils génomiques dans les cliniques locales.
C'est exactement le type de recherche effectuée dans les collèges et les instituts.
[Traduction]
Les collèges mènent des recherches en partenariat, axées sur les problèmes et en temps réel, qui génèrent des connaissances appliquées et éliminent les risques liés à la mise au point et à l'adaptation des technologies. L'amélioration de l'application et de la mobilisation des connaissances, la conservation de la propriété intellectuelle par le partenaire commercial local et l'adoption accrue des technologies par les partenaires locaux des secteurs économiques et sociaux prioritaires représentent des avantages concrets sur le terrain.
En 2021-2022, nos membres ont dirigé plus de 8 000 projets de recherche appliquée qui ont abouti à la création de 6 500 nouveaux processus, produits, services et prototypes dans des domaines comme la construction domiciliaire, la fabrication de pointe, l'agriculture adaptée au climat, la production alimentaire et l'innovation sociale. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de nos partenaires sont des entreprises et des organisations à but non lucratif canadiennes, ce qui permet de conserver les fruits de nos recherches chez nous, au Canada.
Les trois recommandations suivantes devront être mises en œuvre pour optimiser l'incidence des investissements fédéraux en recherche.
Premièrement, les organismes subventionnaires fédéraux et les bailleurs de fonds de la recherche doivent redéfinir et rééquilibrer la pondération des critères actuels pour l'attribution des fonds fédéraux afin d'évaluer et de récompenser adéquatement l'incidence de la recherche. Il s'agit notamment d'aller au‑delà des critères d'excellence conventionnels comme les listes de publications, les citations et autres critères visant à établir l'expertise en recherche universitaire. Des critères comme l'utilisation des résultats de la recherche par les partenaires, le potentiel d'un projet de mener à la mise au point de nouvelle propriété intellectuelle ou à une application novatrice d'une technologie existante, ou encore des rapports sur les politiques qui permettent d'améliorer les voies de mise en œuvre, sont des indicateurs qui témoignent de l'incidence de la recherche.
Deuxièmement, les bailleurs de fonds fédéraux de la recherche doivent veiller à ce que les comités d'examen du mérite comprennent des représentants de divers types d'établissements, d'utilisateurs finaux et de partenaires industriels et communautaires pouvant offrir une perspective écosystémique plus holistique sur les programmes de recherche et les façons de veiller à élargir la portée des avantages sur le terrain. Actuellement, la plupart des comités d'examen du mérite sont presque exclusivement composés de représentants d'universités. Pour appuyer l'impact, les comités d'examen doivent inclure des représentants issus de l'ensemble de l'écosystème de la recherche, notamment les collèges, les utilisateurs finaux et des décideurs qui connaissent bien la mise en œuvre et la présentation efficaces des résultats de recherche.
Troisièmement, il est temps que le ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique et les organismes subventionnaires fédéraux élargissent l'admissibilité des collèges et instituts à tous les programmes existants des trois conseils. Actuellement, les collèges ne peuvent pas être les demandeurs principaux pour le programme Alliance du CRSNG, l'initiative de partenariat phare de l'organisme. Il faut en outre éliminer les obstacles non officiels, comme le fait de ne pas permettre l'utilisation des subventions de recherche pour couvrir les congés de cours des professeurs de collège ou d'embaucher des professeurs de remplacement pour mener des projets de recherche.
Les Canadiens et leurs communautés s'attendent à ce que les programmes de recherche fédéraux soient à la hauteur de leurs attentes. La mise en œuvre de ces trois recommandations contribuera à l'atteinte de cet objectif.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les membres du Comité permanent de la science et de la recherche de l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
U15 Canada est une association qui regroupe les principales universités de recherche du Canada. L'étude d'aujourd'hui porte sur l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada. La promotion de l'excellence est au cœur même du travail de l'U15. Je suis certain que les Canadiens devraient être très fiers de l'impact et de la compétitivité de notre réseau de recherche universitaire à l'échelle mondiale, car il se distingue particulièrement sur la scène internationale, notamment sur le plan du rapport qualité-prix.
Prenons à titre d'exemple l'Université de Toronto, que la revue Nature a classé au deuxième rang mondial pour l'impact sur la recherche en santé, derrière Harvard et même devant Johns Hopkins, alors qu'elle forme chaque année plus d'étudiants que l'ensemble des établissements de l'Ivy League.
Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres de l'apport de nos principales universités de recherche pour le Canada et les Canadiens, et ce, à faible coût initial. Les universités du groupe U15 remettent à elles seules 160 000 diplômes chaque année, ce qui comprend la grande majorité des médecins et dentistes du pays, créant ainsi un important bassin de talents.
Nous savons également que les recherches effectuées dans nos universités ont des retombées concrètes. Il s'agit notamment des recherches menées à l'Université de la Saskatchewan pour protéger l'industrie porcine canadienne contre les risques liés à la peste porcine africaine; des recherches sur le captage et stockage du carbone à l'Université de l'Alberta visant à améliorer les perspectives pour un avenir énergétique propre au pays, ou des travaux de pointe à l'Université Laval sur la surveillance de l'Arctique qui contribueront à suivre les répercussions des changements climatiques et à renforcer notre souveraineté dans l'Arctique.
Les principales universités de recherche sont également un moteur de l'innovation. De l'intelligence artificielle à l'agriculture, le partenariat entre les entreprises et les établissements d'enseignement postsecondaire est une caractéristique essentielle du système de recherche-développement du Canada, classé troisième parmi les pays du G7 et parmi les 10 premiers de l'OCDE pour le pourcentage de la R‑D du secteur privé effectuée en partenariat avec des établissements d'enseignement postsecondaire.
Il est également important de souligner que l'impact de nos universités de recherche est véritablement pancanadien. Nos universités agissent comme des centres d'expertise au sein de vastes réseaux regroupant d'autres établissements d'enseignement postsecondaire, des hôpitaux de recherche, des industries novatrices et des organismes communautaires. En 2022‑2023 seulement, nos 15 universités ont collaboré avec plus de 3 600 partenaires et organismes différents dans le cadre de recherches financées par les 3 organismes, et ce, dans presque toutes les collectivités et circonscriptions du pays.
L'excellence de la recherche canadienne a été rendue possible notamment grâce à un consensus de longue date entre les partis.
Le gouvernement Chrétien a créé les Instituts de recherche en santé du Canada et a lancé la Fondation canadienne pour l'innovation et le Programme des chaires de recherche du Canada. Le gouvernement Harper a fait d'importants investissements dans la FCI, lancé le Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada — ou FERAC — et les chaires d'excellence en recherche du Canada, et financé des bourses d'excellence. De plus, le gouvernement actuel a fait d'importants investissements dans la recherche dirigée par les chercheurs, le Fonds Nouvelles frontières en recherche et des programmes essentiels dans les domaines de la science quantique, de l'intelligence artificielle et de la génomique.
Le FERAC est expressément conçu pour créer des plateformes compétitives à l'échelle mondiale pour exploiter les forces de la recherche canadienne. Ces réseaux ont une incidence à la grandeur du pays. Cela comprend des projets dans des domaines en évolution qui sont importants pour le Canada, notamment les travaux sur les liens entre le cerveau et la santé cardiaque à l'Université d'Ottawa, sur les changements climatiques et les sciences océaniques à l'Université Dalhousie et sur la santé et le bien-être des enfants à l'Université de Calgary.
Le Programme des chaires d'excellence en recherche du Canada est un autre exemple. Il attire au Canada des chercheurs de calibre mondial et leurs talentueuses équipes dans le but de créer des grappes d'excellence et d'expertise ici au pays.
Le Programme des chaires de recherche du Canada est un autre pilier important de notre réseau d'excellence. Il offre du financement aux universités pour l'embauche de certains des meilleurs et plus brillants chercheurs dans tous les domaines de recherche.
Permettez-moi de proposer les principes clés suivants pour que les activités de recherche au Canada puissent continuer à prospérer.
Le premier est le principe des meilleures idées. Il importe de souligner que l'excellence en recherche repose sur l'examen par les pairs, à savoir que ce sont des experts du domaine qui déterminent quelles propositions seront retenues et recevront du financement.
Le deuxième est la force et la santé des établissements. Nos universités de recherche de classe mondiale sont une force nationale dont, encore une fois, tous les Canadiens devraient être fiers. Or, nos établissements sont confrontés à des défis financiers sans précédent en raison de décennies de stagnation ou de baisse du financement gouvernemental, et des perturbations liées aux étudiants internationaux.
Le troisième est la libération de l'impact. Nos établissements travaillent avec acharnement pour libérer l'immense potentiel de la recherche au sein de nos entreprises, nos collectivités et notre société grâce à des programmes d'entrepreneuriat, des centres de connectivité pour les entreprises et des partenariats élargis avec les gouvernements et les organismes à but non lucratif du secteur social.
Nous pouvons certainement en faire plus, et nous devrions le faire ensemble.
Merci. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Bonjour, madame la présidente, et bonjour aux membres du Comité.
Je vous remercie beaucoup de votre invitation.
Je m'appelle Gabriel Miller. Je suis le président-directeur général d'Universités Canada, la voix nationale des universités publiques du Canada.
Je tiens à féliciter le Comité d'avoir décidé d'entreprendre cette étude. J'espère qu'elle représente le début d'une discussion continue sur une question primordiale pour l'avenir du Canada.
Alors que nos défis gagnent en complexité et que notre technologie devient plus avancée, l'excellence en recherche doit être au cœur de tout plan sérieux visant à créer des emplois, accroître notre prospérité et améliorer notre qualité de vie. Les investissements fédéraux en recherche sont un pilier essentiel de notre système d'enseignement supérieur, un système qui offre à des millions de Canadiens la possibilité d'élargir leurs perspectives de carrière, d'accroître leur sécurité d'emploi et de gagner des salaires plus élevés qui les aideront à composer avec les coûts croissants de l'hypothèque ou du loyer et pour subvenir aux besoins de leur famille.
Notre système de recherche est un milieu de formation pour les futurs médecins, ingénieurs et entrepreneurs dont nous avons besoin pour soutenir notre économie et satisfaire aux besoins de notre population vieillissante. C'est grâce aux activités de recherche que le Canada peut créer les connaissances et développer les talents qui favoriseront l'innovation et la productivité dans les secteurs vitaux de notre économie: énergie, agriculture, fabrication, arts et culture.
Aujourd'hui, j'aimerais vous présenter trois recommandations générales.
Premièrement, nous devons nous appuyer sur les principes fondamentaux du remarquable système de recherche du Canada, qui a été bâti au fil des décennies grâce à l'appui des gouvernements successifs et des parlementaires de tous les partis. Ces principes varient d'un programme à l'autre, mais comprennent presque toujours la nécessité d'apporter une contribution originale à la discipline, d'offrir des occasions de formation pour un personnel hautement qualifié et de démontrer la faisabilité d'un projet avec les ressources disponibles.
Deuxièmement, je recommande que nous poursuivions le travail difficile, et souvent imparfait, qu'est l'élargissement des possibilités à davantage de personnes et de communautés. Qu'est‑ce que cela signifie? Cela signifie qu'il faut aider les universités de toutes tailles et de toutes les régions à contribuer pleinement aux activités de recherche. Le Fonds de soutien à la recherche doit être renforcé afin que les coûts administratifs croissants ne freinent pas les activités de recherche des petites universités et ne ralentissent pas celles des plus grandes universités.
Cela signifie qu'il faut renforcer le rôle unique des universités en tant que tribunes indépendantes de pensée, de discussion et de découverte, où des points de vue très diversifiés, tant sur le plan politique qu'idéologique, peuvent être débattus et étudiés. Personne — conservateur, progressiste ou autre — ne devrait être exclu d'une participation au débat scientifique et à la découverte. Cela signifie que nous devons poursuivre la lutte contre le racisme et la discrimination sous toutes leurs formes et réduire les obstacles qui ont privé trop de gens de l'occasion de contribuer grâce à leurs compétences ou leurs points de vue.
[Français]
Enfin, nous devons soutenir la recherche en français, qui fait face à des défis uniques lorsqu'il s'agit de soumettre des demandes ou de publier en français. Des obstacles systémiques persistent dans la recherche francophone, notamment des écarts dans les taux de réussite en fonction de la langue.
Nous sommes encouragés par le comité que le gouvernement a mis sur pied pour examiner cette question. Un nouvel organisme‑cadre pourrait également promouvoir l'excellence de la recherche en français.
[Traduction]
Ce que j'ai décrit n'est pas une conception étroite de la diversité, mais plutôt un engagement à libérer les incroyables talents que l'on trouve au pays. C'est une vision que nous devrions adopter avec passion, mais avec prudence. Nous devons entreprendre ce travail en toute humilité.
De nombreux Canadiens ont des questions, des préoccupations et des critiques par rapport aux moyens les plus efficaces d'élargir les possibilités et aux mesures qui sont prises au nom de la diversité, d'après ce qu'ils ont constaté ou entendu. Nous — les gens du milieu universitaire — devons être à l'écoute. Nous devons apprendre et participer à ces discussions. Nous devons évaluer les outils qui sont utilisés et accorder la priorité aux outils qui réduisent les obstacles tout en renforçant l'excellence en recherche.
Pour terminer, j'aimerais souligner que les prochains votes sur les crédits comprennent du financement important pour la recherche et les bourses d'études supérieures pour l'année prochaine. Je ne saurais trop insister sur l'importance de ce financement pour les étudiants des cycles supérieurs des établissements d'un bout à l'autre du Canada et pour la création d'une meilleure fondation pour remédier à bon nombre des questions dont j'ai parlé aujourd'hui.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Ma première question s'adresse à M. Hanley.
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. M. Gaffield s'en tire toujours très bien aussi lorsqu'il vient ici.
Bon nombre de subventions que j'ai examinées — et cela représente des millions, j'en suis sûr — n'ont rien à voir avec la recherche au Canada. Cela ne signifie pas que nous devons être ignorants, en tant que société, et ne pas regarder au‑delà de nos frontières, mais devrions-nous envisager d'investir davantage au Canada et d'adopter, en matière de recherche, une approche axée sur le Canada d'abord? Qu'en pensez-vous?
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Je vous remercie de la question. C'est une bonne question.
Premièrement, concernant la répartition des fonds entre les conseils, un peu moins de 80 % de tous les nouveaux fonds vont à la recherche en santé, en sciences naturelles et en génie, soit au CRSNG et aux IRSC. Voilà où va la grande majorité des fonds. Je pense qu'une bonne partie de cela peut faire l'objet d'un partenariat à l'extérieur du pays, mais il ne s'agit pas de recherches sur un aspect propre au Canada ou non.
Quant à la valeur de la recherche par rapport aux questions mondiales, il est essentiel d'étudier à la fois ce qui se passe au Canada et ce qui se passe dans le monde. Dans mon propre parcours, mes recherches aux cycles supérieurs ont porté sur le Moyen-Orient et la non-prolifération nucléaire en rapport avec Israël et l'Iran. Cela m'est‑il utile dans mon travail actuel pour les universités? Je n'en suis pas sûr, mais il est important que les Canadiens s'intéressent aux enjeux d'importance à l'échelle mondiale.
Ce qui est le plus intéressant, à mon avis, c'est que de nombreuses recherches menées ces dernières années sur notre histoire, ici au Canada, ont porté sur les aspects des cultures autochtones, des cultures régionales locales, etc., aspects que nous n'aurions peut-être pas compris sans ces recherches.
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Les études que vous avez mentionnées sont très impressionnantes. Je ne remettrais jamais cela en question, car il s'agit d'un sujet d'étude fort intéressant.
Cependant, j'ai vu que des subventions de recherche ont été accordées pour étudier les paroles des chansons de Dolly Parton. J'en ai parlé au Comité. Je pense que M. Chen a mal au ventre lorsque j'évoque la question. Il y a une étude sur le musée Maidan, en Ukraine. La liste est longue. On pourrait penser qu'il y a deux ou trois études, mais je dirais qu'il y en a des centaines. On parle de millions de dollars. J'ai essayé de faire des tests et ce sont peut-être des exemples choisis, mais lorsque je suis dans ma circonscription, la fin de semaine, et que les gens me demandent ce que je fais, je leur réponds que nous menons cette étude et que cela fait partie de ce que nous étudions. Ils sont stupéfaits d'apprendre que leur argent — l'argent des contribuables — sert à financer des choses de ce genre.
J'essaie de présenter les choses de façon équitable. Certaines des choses que vous avez mentionnées sont tout à fait formidables. Les gens en seraient fiers. Cependant, devrait‑on prendre du recul et examiner certains des projets que nous finançons?
Toutefois, j'ignore combien de fois nous avons accueilli ici des gens qui ont dit: « Monsieur Lobb, vous ne pouvez pas défier les gens qui prennent ces décisions. Ce n'est pas sain. Il n'est pas sage de choisir ce qui nous convient. Nous devons tout examiner. » Pourtant, je n'en crois toujours pas mes yeux quand je parcours la liste.
En voici une. Mon optométriste m'a dit que j'avais besoin de lunettes à double foyer. Vous savez quoi? Il a raison. J'en ai besoin. J'arrive à peine à lire ça. Le titre se traduit ainsi: « Comprendre et traiter les répercussions du travail non rémunéré sur la santé mentale des femmes à Bogota, en Colombie ». Si c'était au Canada, je dirais: « Super ». Mais c'est à Bogota, en Colombie. Pourquoi la Colombie ne paie‑t‑elle pas pour cette étude? Ensuite, nous ferons une étude sur le travail non rémunéré au Canada.
Quelle est la valeur d'une telle étude pour le contribuable canadien?
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être venus ici aujourd'hui. J'espère que vous avez eu l'occasion de consulter certains des témoignages que nous avons entendus la semaine dernière, car certaines de mes questions seront axées sur ce que nous avons entendu, et j'aimerais connaître votre opinion.
Ma première question s'adresse à M. Miller. La semaine dernière, des témoins ont indiqué qu'en recherchant l'équité, la diversité et l'inclusion, on réduit inévitablement les résultats de recherche d'un établissement ou du pays. Pourriez-vous nous dire, selon votre expérience, dans quelle mesure l'EDI joue un rôle dans l'évaluation des demandes de financement, de financement fédéral? On a fait valoir que cela s'apparentait à l'« action positive », ce que j'ai toujours considéré comme quelque chose qui s'applique aux ressources humaines et à l'embauche de personnes, et non aux demandes de recherche. Pourriez-vous en dire davantage sur une telle analyse liée à l'EDI?
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Par votre entremise, madame la présidente, je dois d'abord dire que je ne suis pas chercheur, mais, bien sûr, je travaille avec les universités depuis plusieurs années et avec Universités Canada depuis maintenant huit mois.
Ce que je dirais, c'est que, dans toutes mes interactions avec les trois Conseils et avec les chercheurs de notre communauté, je vois qu'ils recherchent avant tout, dans leur travail et dans leur évaluation des projets de recherche, ces caractéristiques: l'excellence; le potentiel de créer un véritable changement au sein de la discipline; la capacité de contribuer à la formation des étudiants des cycles supérieurs; et l'évaluation fondée sur le mérite. Il ne fait aucun doute qu'il y a un intérêt croissant, des discussions et, dans certains cas, des politiques visant à élargir les possibilités afin qu'un plus grand groupe de Canadiens puissent participer et apporter leurs points de vue et leurs talents, ce qui, en soi, contribue grandement à l'excellence. D'après ce que j'ai observé, la communauté déploie des efforts concertés pour élargir les possibilités afin de soutenir le mérite et l'excellence, et non pour favoriser les rivalités.
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Écoutez, je pense que tous nos établissements sont déterminés à ce que tous les Canadiens soient traités équitablement, à la fois pour accéder à l'éducation universitaire s'ils le souhaitent — c'est toujours la mesure la plus transformatrice qu'on puisse prendre pour son avenir économique, et nous pensons qu'elle apporte évidemment d'autres avantages — et pour que le plus grand pourcentage possible participe à la recherche.
En ce qui concerne l'EDI, je pense que, depuis quelques années, dans nos établissements, comme dans la société dans son ensemble, on reconnaît davantage les obstacles systémiques perpétuels et traditionnels. On tente donc de les éliminer, d'ouvrir le terrain et d'inclure le plus de participants possible tout en s'assurant qu'ils sont traités équitablement. Au cours des dernières années — et c'est assez récemment que nous avons entrepris ces efforts avec beaucoup d'énergie —, certaines mesures et certains programmes qui ont été mis en place ont fait l'objet de critiques. Nous sommes réceptifs à ces critiques et nous sommes prêts à améliorer la situation dans nos établissements. On mène régulièrement des examens programmatiques pour voir ce qui... Et cela ne s'applique pas seulement à ces politiques, mais bien à toutes les politiques en cours dans l'ensemble de l'administration, alors je pense que nous sommes déterminés à mener cet exercice.
Du côté de la recherche, encore une fois, comme mon collègue l'a dit, je pense qu'il faut inviter une diversité de points de vue dans les discussions afin d'améliorer la recherche. Nous savons que, dans les équipes organisationnelles, la diversité des points de vue et des perspectives améliore les choses et donne de meilleurs résultats.
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Je pense que nous devons nous demander si ces comités représentent bien ceux qui composent l'écosystème de la recherche. Nous constatons, à ce jour, que les utilisateurs finaux de la recherche, les experts de la mise en œuvre des politiques et les intervenants du système collégial sont sous-représentés.
Nous partons du principe que l'excellence, la pertinence et les répercussions devraient faire partie de notre réflexion sur nos investissements en recherche. Si on accepte cette prémisse — et je pense qu'il nous incombe de commencer à y réfléchir très activement par rapport à nos investissements en recherche —, il va de soi que l'examen du mérite et les comités d'examen doivent représenter les intervenants qui composent l'écosystème de recherche.
Je dirais que nous pourrions par ailleurs envisager les examens en deux temps. Comment pouvons-nous examiner la recherche — en particulier le financement de la recherche fondée sur les défis — en commençant par une première étape d'examen scientifique et technique, pour ensuite mener un deuxième examen des répercussions? Cette deuxième étape se ferait également avec des membres du comité représentant fidèlement les groupes qui bénéficieront de la recherche.
À notre avis, nous devons faire des efforts plus délibérés pour représenter les groupes qui composent l'écosystème de recherche.
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Je ne suis pas certain que cela accomplirait grand-chose. Comme vous le savez, il y a du financement provincial pour la recherche, bien que les niveaux varient d'une province à l'autre et que ce ne soit pas la part du lion de la recherche.
Traditionnellement, la recherche est une responsabilité fédérale, tout comme aux États-Unis. Je ne sais pas ce que le transfert aux provinces ferait concrètement pour améliorer les résultats ou l'excellence, notamment.
Je dirai que les provinces collaborent avec le gouvernement fédéral pour structurer le système. Ce sont elles qui façonnent les établissements, qui élaborent les processus d'inscription et qui réglementent les établissements postsecondaires partout au pays, alors je pense qu'elles influencent le réseau.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
À titre de députés, notre travail consiste à garantir que les contribuables en ont pour leur argent. Si notre objectif en matière de recherche est d'atteindre l'excellence, nos investissements devraient nous aider à réaliser ce but.
Dans notre prochain groupe de témoins, nous allons entendre l'organisation Retraction Watch, qui réussit avec brio à exposer les recherches falsifiées ou de piètre qualité. Son travail nous permet de nous rapprocher de l'excellence en recherche.
En 2017, le gouvernement libéral a créé le fonds du Programme des chaires de recherche Canada 150. Monsieur Hanley, votre organisation s'en est réjouie, naturellement. L'un des nouveaux titulaires de chaires de recherche était Jonathan Pruitt, titulaire de la chaire des dystopies biologiques. Il a reçu une subvention fédérale ponctuelle de 350 000 $ pendant sept ans, pour un total de 2,4 millions de dollars de l'argent des contribuables. Avec cet argent, il a rédigé une série d'articles en utilisant des données falsifiées. Grâce à Retraction Watch, nous savons que 15 de ces articles ont été retirés en trois ans.
Dans notre quête vers l'excellence en recherche, comment pouvons-nous prévenir ce type de fraude à l'avenir? Quelles lacunes potentielles devons-nous combler pour éviter qu'un tel cas ne se reproduise?
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C'est une excellente question.
Lorsque j'ai commencé à travailler pour U15 — nous avons un comité de vice-présidents à la recherche —, les questions relatives à l'intégrité universitaire, à la fraude et à l'éthique de la recherche étaient au cœur de nos préoccupations, bien qu'il n'était pas question de ce cas précis. Personne n'a... Tous les établissements ont absolument intérêt à maintenir la robustesse du système, qui doit être entaché au minimum de ce genre de comportement.
J'avoue ne pas être au courant du cas dont vous parlez, alors je ne peux pas vraiment en parler directement. Or, nous sommes absolument déterminés à ce que nos universitaires fassent preuve de rigueur et à ce que les études présentées soient de calibre mondial.
Cette situation souligne l'importance des examens par les pairs, quoiqu'il soit toujours possible qu'une mauvaise étude passe entre les mailles du filet. Vous avez entendu parler de quelques études célèbres aux États-Unis qui ont posé le même problème. Je ne pense pas qu'il soit possible de l'éliminer complètement, mais nous faisons tout en notre pouvoir pour essayer de l'éradiquer, et je pense que notre engagement à cet égard sera inébranlable.
Je dirais que c'est le cas pour toutes les exigences réglementaires. Nous manipulons des matières dangereuses en laboratoire. Les universités doivent appliquer de nombreux règlements. Nous pensons que nous le faisons avec brio, mais il faut souligner que ce sont nos réputations qui sont en jeu lorsque ces enjeux déraillent. Nous croyons que nos réputations sont de calibre mondial, et nous faisons tout ce que nous pouvons pour les protéger également.
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C'est un défi et, je le répète, je ne suis pas au courant de cette affaire. Je ne sais pas quels périodiques ont publié ces articles, si ce sont des périodiques canadiens ou non, ni quels processus d'évaluation étaient en place.
Pour essayer de gérer ces situations dans l'ensemble de leurs établissements, les vice-présidents de la recherche se penchent sur la pression exercée sur les chercheurs pour qu'ils publient des articles et sur l'arrivée de périodiques dont les processus de publication sont parfois moins stricts que d'autres. Ils se demandent ce que nous pouvons faire pour contrôler la prolifération de ces périodiques s'ils ne sont pas soumis à des exigences suffisamment strictes.
De plus, je dirais qu'il faut trouver un équilibre entre, d'une part, cette question et le fait de vouloir une science ouverte et collaborative, et, d'autre part, le refus que quelques revues prestigieuses comme Nature and Science aient le monopole universitaire.
Le cas dont vous parlez est manifestement extrême, et je vais me faire un devoir de m'informer sur cette affaire après la réunion du Comité.
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Merci, madame la présidente.
J'ai un commentaire qui, je pense, mènera aux questions que je vais vous poser à tous les trois.
Notre dernière réunion était pour le moins intéressante. Nous avons reçu des chercheurs qui avaient un point de vue particulier — un point de vue de centre droit — et qui étaient quelque peu insensibles. Nous avons entendu des commentaires au sujet des groupes minoritaires et des femmes qui n'arrivent pas à la cheville, disons, de gens comme moi — des hommes.
Je me suis demandé si je devais en parler. Je pense qu'il est important de mettre la lumière du soleil sur ces enjeux, car c'est le meilleur désinfectant. Je ne suis pas d'accord avec ces témoins; ils avaient le droit de dire ce qu'ils avaient à dire, même si je m'y opposais avec véhémence.
Lorsque je pense au commentaire sur les femmes qui ne sont pas à la hauteur, je pense à des personnes comme Mme Cheryl Bartlett, de l'Université Cape Breton. Je pense à Mme Jane Lewis, à Mme Coleen Moore-Hayes et à Mme Shelley Denny, qui est micmaque.
Dans l'un des commentaires formulés à la dernière séance, on semblait insinuer que le savoir autochtone et la recherche autochtone sont sans importance dans le milieu universitaire et la recherche. Je me demande si vous pourriez réagir aux commentaires comme « ces recherches ne tiennent tout simplement pas debout » ou « ces recherches ne sont tout simplement pas aussi valables que d'autres types de recherche. »
N'importe qui peut répondre en premier.
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Je me ferai un plaisir de répondre à cette question en premier.
Il est très important que nous ayons continué, au cours des dernières années, à investir dans la recherche dirigée par les Autochtones et la recherche sur les questions qui touchent les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits du Canada. Certains de nos membres se trouvent dans des communautés éloignées, rurales et nordiques, et ils sont très dévoués à la recherche axée sur les problèmes dans leurs communautés. Les membres de ces communautés souhaitent vraiment travailler avec nos chercheurs en recherche appliquée pour trouver des solutions aux problèmes auxquels ils sont parfois confrontés en raison de la rareté des aliments ou des changements environnementaux qui ont une incidence sur les réseaux d'aqueduc locaux.
À mon avis, il est essentiel d'avoir une diversité d'équipes, y compris des équipes qui travaillent avec les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits pour résoudre les problèmes qu'elles définissent comme importants.
Je vais demander à M. Hanley de parler de la pression de publier des articles.
Nous avons entendu des statistiques selon lesquelles 22 articles, je crois, ont fait l'objet d'un examen par les pairs défavorable. Je viens de vérifier en ligne, et entre deux et huit millions d'articles sont publiés chaque année; 22 articles représentent donc une goutte d'eau dans ce total. Cela montre que les chercheurs subissent une réelle pression pour publier des articles, à la fois pour l'avancement de leur carrière et pour obtenir des subventions.
Pourriez-vous nous en dire plus sur la façon de mesurer l'incidence et l'excellence de cette recherche lorsque nous finançons la recherche au Canada? C'est au cœur de notre étude.
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C'est une excellente question.
Même si j'ai obtenu un diplôme d'études supérieures, je ne suis pas chercheur de formation comme vous.
Je le répète: nous prenons la fraude universitaire extrêmement au sérieux. Je pense qu'un infime pourcentage d'articles sont frauduleux. Surtout lorsqu'il est question d'études scientifiques critiques, il en va de la réputation de l'université, mais d'autres enjeux importent également. Ces études sont critiques pour la crédibilité de toute la méthode scientifique. La fraude donne de la crédibilité aux théories du complot et à toutes sortes d'autres phénomènes odieux dans la société. Je pense que nous devons rester sur nos gardes.
En ce qui concerne l'incidence de la recherche à l'échelle du Canada — pour répondre à votre question précédente sur les provinces —, je pense que la recherche et surtout certains des projets axés sur l'excellence — le Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada en est un bon exemple — permettent vraiment de réunir des chercheurs de différentes universités et régions. Oui, ces projets ont en quelque sorte un ancrage géographique, mais ils comptent tous des grappes et des partenariats partout au pays. Ils rassemblent des chercheurs de tout le pays qui sont des sommités de leurs domaines, ainsi que des organismes sans but lucratif, des entreprises et d'autres. Ces projets se veulent vraiment un exercice de type « À nous le podium! » pour le Canada.
Il s'agit vraiment de mettre en place des plateformes qui nous aident à être concurrentiels sur la scène mondiale.
Encore une fois, la recherche a une incidence sur nos vies tous les jours, qu'il s'agisse de la recherche en cardiologie qui sauve la vie de Canadiens; de la recherche sur les nanoparticules lipidiques que vous connaissez, qui a été menée à l'Université de la Colombie-Britannique et qui a aidé à concevoir les vaccins à ARNm; de la recherche sociale; de la théorie économique; ou de toute autre recherche qui résout des problèmes et nous donne de nouvelles perspectives sur les enjeux.
Merci beaucoup à nos témoins, Pari Johnston, Dylan Hanley et Gabriel Miller, de leurs témoignages et de leur participation aux études du Comité.
Veuillez vous adresser au greffier pour toute question. Si vous aimeriez soumettre des renseignements supplémentaires, vous pouvez le faire par son entremise.
Nous allons suspendre la séance très brièvement pour permettre aux témoins de partir. Nous reprendrons la séance avec notre deuxième groupe de témoins.
Nous allons reprendre la réunion pour terminer en temps voulu.
Je rappelle brièvement aux participants par vidéoconférence de cliquer sur l'icône de microphone pour activer votre microphone et de le mettre en sourdine quand vous ne parlez pas. Concernant l'interprétation pour ceux sur Zoom, vous pouvez choisir le parquet, l'anglais ou le français au bas de votre écran.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir Sarah Watts‑Rynard, directrice générale de Polytechnics Canada; Alison Evans, présidente et directrice générale de Recherche Canada: Une alliance pour les découvertes en santé; et en ligne, Ivan Oransky, co‑fondateur de Retraction Watch.
Nous vous souhaitons la bienvenue.
Vous aurez chacun cinq minutes pour présenter votre exposé, après quoi nous allons passer aux séries de questions.
Madame Watts‑Rynard, je vous invite à présenter votre exposé de cinq minutes maximum.
:
Merci, madame la présidente.
Je suis ravie d'être de retour devant le Comité pour son étude des critères utilisés dans l'octroi du financement fédéral pour la recherche.
Les polytechniques et les instituts de technologie participent à l'écosystème de recherche au Canada depuis plus de 20 ans. En tant qu'experts de la recherche axée sur les partenaires, ces établissements aident des organisations de toutes les tailles à adopter, mettre en oeuvre et commercialiser de nouveaux produits et de nouveaux processus grâce à la recherche appliquée. Malgré 20 ans de travail, il y a un certain nombre d'obstacles pour accéder au financement fédéral de la recherche. Aux fins de mon exposé aujourd'hui, je vais vous en présenter trois.
Il y a l'accès minimal au financement en appui à la recherche, la mauvaise compréhension de la composante salariale des principaux chercheurs des polytechniques, et les critères d'arbitrage favorisant les candidats qui mènent beaucoup de recherche et publient beaucoup d'articles.
Commençons par le premier obstacle. Le gouvernement fédéral investit plus de 450 millions de dollars par année dans le Fonds de soutien à la recherche. Selon son site Web, il appuie les établissements postsecondaires pour entretenir des laboratoires et de l'équipement modernes, protéger la recherche contre les menaces, permettre la gestion de la recherche et le soutien administratif, ainsi que répondre aux normes réglementaires et éthiques. Pour les polytechniques et les collèges, ce fonds est largement inaccessible. En fait, ils représentent ensemble environ 0,5 % du Fonds de soutien à la recherche. Le programme d'innovation collégiale et communautaire est exclu des calculs d'admissibilité. Autrement dit, il n'y a pratiquement aucun financement pour le soutien administratif, la sécurité de la recherche ou l'entretien des laboratoires et de l'équipement. Il faut financer ces activités autrement.
Pour ce qui est du deuxième obstacle, les polytechniques et les collèges embauchent des professeurs pour dispenser des cours dans les classes. Tandis qu'on rémunère leurs homologues à l'université qui consacrent une partie de leur temps aux activités de recherche, les professeurs des polytechniques ont une charge de cours complète. Par conséquent, il faut remplacer les experts qu'on trouve dans les classes pour participer à la recherche. Ce ne serait pas un obstacle du tout si les programmes fédéraux de financement de la recherche avaient des modalités pour alléger la charge des professeurs qui en ont besoin. Au lieu de cela, parce que les programmes sont conçus pour le modèle universitaire, on désavantage activement nos établissements membres dès les étapes de proposition. Cela signifie que les conditions gagnantes ne sont pas réunies.
Le troisième obstacle nous amène droit au coeur de l'affaire. La vaste majorité des subventions fédérales se fondent sur un processus de demande axé sur les chercheurs principaux. On évalue souvent les demandes selon l'expérience de la personne qui prépare la demande. Par exemple, c'est assez courant dans les concours pour obtenir une subvention qu'on juge le mérite d'une demande sous l'angle de la qualité, la quantité et l'importance de l'expérience et des publications.
Dans le contexte des polytechniques, la recherche appliquée est un effort d'équipe. Bien que les projets de recherche soient souvent menés par des professeurs, le travail se fait au bureau de la recherche appliquée. Même si cette approche ne diminue en rien la qualité de la recherche, cela présente des défis à la participation dans un système fondé sur l'expertise d'une seule personne. Bien que l'examen par les pairs et l'excellence en recherche soient des critères extrêmement importants dans l'octroi du financement fédéral de la recherche, ils ne suffisent pas à eux seuls. Le système actuel a un parti pris pour la recherche faite de la même manière par le même genre de chercheur, comme c'était le cas bien avant que les polytechniques et les collèges aient même commencé à développer leur capacité de recherche, et c'est très restrictif.
Pour exploiter pleinement l'écosystème au Canada, il faut réexaminer et reconsidérer le processus d'octroi du financement.
Merci beaucoup de m'avoir invitée aujourd'hui, et je répondrai à vos questions avec plaisir.
:
Merci, madame la présidente.
[Français]
Bon après-midi à tous.
Membres du Comité permanent de la science et de la recherche, je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner dans le cadre de votre étude sur l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada.
[Traduction]
Je m'appelle Alison Evans et je suis PDG de Recherche Canada, qui est une alliance pour les découvertes et l'innovation en santé. Parmi plus de 130 membres, nous comptons des instituts de recherche hospitaliers, des entreprises pharmaceutiques et des sciences de la vie, de jeunes entreprises de technologie médicale et d'intelligence artificielle, des établissements postsecondaires, des organisations de santé provinciales et des organismes caritatifs du secteur de la santé. À Recherche Canada, nous travaillons ensemble et avec des partenaires nationaux, des intervenants et des gouvernements pour nos intérêts communs. Cela comprend une vision pour un système de recherche et d'innovation en santé de calibre mondial dynamique et productif. Il doit donner de meilleurs résultats grâce à des équipes dans les instituts de recherche hospitaliers et les laboratoires privés et universitaires, dans le cadre d'essais cliniques et au chevet des patients. Ce système est essentiel pour freiner la détérioration de la santé et de la prospérité des Canadiens et réaffirmer la position du pays sur l'échiquier mondial.
Nos défis sociétaux les plus complexes exigent de plus en plus des solutions et des stratégies novatrices pour rassembler de nombreux points de vue venant de divers domaines. La recherche est plus internationale, collaborative et interdisciplinaire. Nous devons donc améliorer de façon continue le système de soutien à la recherche pour incarner l'excellence et l'intégrité; favoriser la collaboration entre les chercheurs, les entrepreneurs, les établissements d'enseignement et les entreprises; renforcer notre capacité de réagir aux occasions et aux défis liés à la santé, l'environnement, l'économie, la démographie, l'énergie, la technologie et autres; nous aider à attirer, soutenir et retenir les gens les plus talentueux; reconnaître que le savoir découle de nos jours de la recherche amorcée par le chercheur principal et que cette même recherche va nous aider à répondre aux besoins de demain axés sur la mission; prendre des risques calculés; et employer les données probantes afin de favoriser l'amélioration continue.
Nous accueillons ce dialogue qui tombe à point nommé sur la façon de financer la recherche et la discussion d'aujourd'hui sur l'excellence en recherche sous toutes ses formes. Bien sûr, c'est un vaste mandat, qui exige un examen exhaustif et continu. Il englobe la façon de concevoir, mener, évaluer, financer et utiliser la recherche. Il est propre au contexte et reconnaît qu'il faut adopter des solutions flexibles et adaptées. Il s'ajuste à mesure que de nouvelles données sous mises au jour et que la science et la société évoluent.
Au Canada, la promotion de l'excellence en recherche est une aspiration et une responsabilité de bien des organismes subventionnaires fédéraux et d'autres organismes de financement. Les processus d'examen fondés sur le mérite indépendants, concurrentiels et structurés orientent la prise de décision. Dans le cas de la santé, ils aident à consolider tout le pipeline de la recherche menant à un impact, de la découverte à la recherche appliquée, axée sur la mission et translationnelle à l'étude de la prestation des soins de santé elle‑même; et de la mise en place de traitements et de processus novateurs qui sauvent des vies, y compris l'intelligence artificielle, dans le système de santé à notre état de préparation aux futures pandémies et aux autres urgences sanitaires.
Au Canada, nous avons la chance de compter sur de nombreuses personnes qui protègent et promeuvent l'excellence en recherche pour laquelle le Canada est reconnu mondialement. À l'aide du travail du conseil consultatif sur le soutien fédéral de la recherche et de ceux qui l'ont précédé — les organismes subventionnaires, les gouvernements, les autres organismes de financement et les innombrables intervenants —, nous cherchons collectivement à profiter de l'occasion qui se présente à nous de moderniser notre système de recherche et d'innovation pour garantir plus d'agilité, de réactivité et de retombées positives pour tous.
Dans un monde en changement, le Canada prend malheureusement du retard. L'écart en matière de talent, d'innovation et de concurrence s'élargit entre le Canada et d'autres économies avancées. Il faut trouver de nouvelles solutions face à la dégradation de notre santé, notre prospérité et notre qualité de vie. Nous devons utiliser nos forces de longue date et l'importance croissante que nous avons en IA, en énergie propre, en biotechnologie et en sciences de la vie; notre population très éduquée; et nos stratégies pour viser l'excellence afin de réaffirmer notre position dans le monde et de stimuler la croissance économique, la prospérité, la création d'emploi et des résultats qui comptent pour tous les Canadiens.
[Français]
Je serai ravie d'en discuter davantage.
Je suis maintenant prête à répondre aux questions des membres du Comité.
:
Madame la présidente, membres du Comité, merci de me permettre de vous présenter mes commentaires sur cet enjeu important aujourd'hui.
Je suis le co‑fondateur de Retraction Watch, une organisation médiatique à but non lucratif établie aux États‑Unis qui s'intéresse aux inconduites scientifiques et aux réactions des universités, des éditeurs et des organismes subventionnaires, entre autres. Nous entretenons aussi la base de données la plus exhaustive au monde sur les rétractations d'universitaires pour Crossref, une autre organisation à but non lucratif qui a fait l'acquisition de la base de données en 2023.
Je suis aussi un journaliste en résidence distingué au Arthur Carter Journalism Institute de l'Université de New York et rédacteur en chef de The Transmitter, une publication sur les neurosciences.
Mes commentaires se fondent sur 14 ans de journalisme et de rédaction sur les enjeux pertinents à Retraction Watch.
L'an dernier, il y a eu bien plus de 10 000 rétractations dans la littérature universitaire. Fait notable, seulement quelques douzaines des plus de 10 000 rétractations en 2023 comprenaient des chercheurs affiliés à des universités canadiennes. Même si ces 10 000 rétractations représentent une hausse de 88 % par rapport à 2022, cette hausse reflète la tendance générale depuis le tournant du siècle.
L'examen accru de la littérature est principalement responsable de cette hausse, mais 2023 nous a montré qu'une grande partie de ce qui est publié tous les ans — des estimations prudentes indiquent au moins 2 %, même si c'est sans doute plus que cela —, ne sert qu'à influencer les mesures qui déterminent le succès dans sa carrière et son établissement.
Pour citer Dan Pearson, qui étudie comment les chercheurs peuvent rejoindre plus de gens: « Les publications universitaires, c'est un jeu lucratif pour les gagnants. »
Ce jeu est en grande partie l'affaire de ce qu'on appelle les usines à articles — des organisations louches qui vendent des textes aux chercheurs qui veulent désespérément publier, sinon cela en est fait de leur carrière. Elles vendent aussi les droits d'auteur, et nos reportages révèlent que certaines organisations vont même jusqu'à soudoyer des éditeurs pour qu'ils publient les articles de leurs clients.
Tout cela est une réaction entièrement prévisible aux incitatifs normaux dans le milieu universitaire. Les universités de par le monde exigent que les chercheurs publient un grand volume d'articles — le plus possible dans des revues prestigieuses. Cela s'explique par le fait que les classements internationaux influents, comme le Times Higher Education, accordent la priorité aux citations, qui sont bien sûr des références au travail du chercheur dans des publications subséquentes.
Les citations sont très faciles à truquer, comme le savent les usines à articles. Les cartels de citation savent que les citations comptent dans le calcul souvent utilisé pour juger la qualité et l'effet de la recherche, et ils s'assurent que le compte de citations de leurs membres augmente. Tout cela pour dire qu'il y a une vérité malaisante qui se cache derrière les communiqués, les publicités et d'autre matériel qu'utilisent les universités et les pays pour se vanter de leurs classements élevés. Ces classements se fondent sur un château de cartes construit avec des cartes truquées.
Avec de bonnes intentions, c'est facile pour les gouvernements et les organismes de financement de tomber dans le même panneau. Après tout, nous nous fions tous à l'heuristique et aux raccourcis apparemment validés, si l'on veut, pour prendre des décisions, surtout lorsqu'il y a beaucoup de choix, mais l'heuristique des citations ouvre la voie aux mauvais comportements et aux rétractations.
La Chine peut servir d'exemple ici. Ses incitatifs à la publication sont parmi les plus extrêmes dans le monde. Bien qu'elle se trouve au sommet de certains classements sur l'impact et l'innovation, elle se situe probablement en haut d'un classement sans le vouloir: plus de la moitié des rétractations dans le monde viennent d'auteurs affiliés à des universités chinoises.
C'est pourquoi j'étais ravi d'apprendre, comme l'a entendu le Comité de la part de Jeremy Kerr la semaine dernière, que cinq grands organismes de financement de la recherche au Canada ont signé la Déclaration sur l'évaluation de la recherche. D'autres ont avancé qu'au lieu de compter les articles et les citations, les organismes de financement devraient examiner une petite sélection d'articles choisis par les chercheurs évalués. Autrement dit, il faut préférer la qualité à la quantité.
De telles mesures exigeront des efforts et des ressources, mais les progrès en recherche en valent la peine.
Merci de votre temps. C'est avec plaisir que j'en dirai plus durant la période de questions et réponses avec les membres du Comité.
:
Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
Monsieur Oransky, j'aimerais vous poser mes premières questions.
Comme nous l'avons entendu durant votre exposé, Retraction Watch fait état des inconduites et des rétractations scientifiques de nombreuses entreprises. J'ai de nombreuses questions sur bien des choses que vous avez dites, mais j'attire l'attention du Comité sur ce qu'on peut voir sur votre site Web. C'est un article intitulé Psychiatrist in Canada faked brain imaging data in grant application, U.S. Federal Watchdog says.
J'ai lu dans Retraction Watch que Romina Mizrahi a reçu des subventions de près de 3 millions de dollars canadiens des Instituts canadiens de recherche en santé et qu'elle a travaillé à cela au Département de psychiatrie de l'Université McGill, mais il semble qu'aucun de ses articles n'a pas encore fait l'objet d'une rétractation.
Voici ma question: en récompensant la quête de publication, comment valorisons‑nous l'argent des contribuables?
:
Si vous le permettez, j'aimerais faire valoir que durant son étude sur la façon d'examiner et d'évaluer la recherche — et le commentaire vaut bien sûr pour le gouvernement —, votre comité pourrait aussi prendre en compte les contributions et le financement qui visent spécifiquement à examiner les problèmes dans la littérature. Autrement dit, il faut examiner les comportements des examinateurs, qui sont pour la plupart des bénévoles à l'heure actuelle, même si les éditeurs et les universités bénéficient de leur travail.
Si l'on prend l'exemple de l'Office of Research Integrity, responsable aux États‑Unis de la surveillance de la recherche des National Institutes of Health et d'autres organismes, son budget s'élève à environ 15 millions de dollars, par rapport aux quelque 48 millions de dollars américains des NIH.
Je vous demanderais peut‑être tous de chercher une façon d'utiliser une partie du financement qui sert directement à la recherche à l'heure actuelle pour financer l'analyse et la surveillance de la recherche. Je crois que la population aura bien plus confiance dans ce qu'elle lit sur ce qu'elle finance avec ses impôts et ce qui, dans bien des cas et certainement dans le cas que vous avez mentionné, peut aider, si l'on s'y prend de la bonne manière, à favoriser la santé et de meilleurs résultats.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui pour la poursuite de notre étude sur la façon dont nous octroyons le financement fédéral à la recherche.
Si vous me le permettez, dans les quelques minutes dont je dispose, j'aimerais demander à Mme Evans de parler un peu de Recherche Canada et des découvertes en santé. Votre organisation se consacre à l'avancement de la recherche et de l'innovation en santé, et vous avez mentionné qu'elle compte plus de 130 membres, qui travaillent en collaboration avec divers partenaires, je présume.
Dans le domaine de la santé, comment pouvons-nous nous assurer que les décisions relatives au financement se prennent à l'abri de toute ingérence, qu'elle soit politique ou autre? Je place les choses dans le contexte qui prévaut depuis la pandémie, qui existait peut-être même avant, mais nous l'observons très nettement depuis. Constatez-vous une méfiance accrue à l'égard des chercheurs et de la recherche en général? Selon vous, quel devrait être le rôle d'un parlementaire dans tout cela? Encore une fois, je vous pose ces questions en raison de votre compétence et de votre expérience dans le domaine de la santé, et du rôle que vous y jouez.
:
Je vais me lancer et j'espère aborder les éléments qui sont importants pour vous.
Tout d'abord, je suis très heureuse qu'il y ait un comité parlementaire non partisan sur la recherche en santé, qui rassemble des parlementaires de tous les partis. Cela nous donne l'occasion de présenter au Parlement et aux décideurs les sujets de l'heure dans la recherche et l'innovation en santé. En fait, nous sondons fréquemment nos membres pour savoir quels sont les thèmes les plus importants dans l'esprit des gens qu'ils représentent.
Je pense qu'on peut dire sans se tromper que la santé nous préoccupe tous, tout le temps, qu'il s'agisse de la nôtre, de celle de nos proches, de celle de nos collègues ou de celle des personnes que nous représentons. C'est un grand privilège de pouvoir vous présenter les derniers développements. Je pense que la pandémie a en fait, à bien des égards, fait saisir l'importance de la recherche en santé à bien des Canadiens. La réponse a vraiment été incroyable, on a vu rapidement se mettre en branle des recherches axées sur la mission et l'intervention rapide. Le gouvernement a travaillé avec tous les ministères, les entreprises (les grandes multinationales pharmaceutiques) et les centres d'innovation et de recherche des universités de partout au pays. Toutes les régions du pays ont participé au mouvement. Nous en tirons des leçons qui nous rendront encore plus forts la prochaine fois.
Je suis d'accord avec vous. Je me suis isolée chez moi lorsque la COVID a frappé, comme la plupart des gens, et j'étais en politique provinciale à l'époque. Il y avait beaucoup non pas de discussions, mais d'appels téléphoniques ou de courriels avec des électeurs à l'époque. À la lecture des médias sociaux et des articles publiés dans les journaux qui étaient encore là à l'époque, il paraissait vraiment nécessaire que le Canada en fasse plus, qu'il fasse mieux ou qu'il ait ses propres laboratoires de recherche, et nous nous demandions comment cela était possible et ce que nous pouvions faire pour mieux nous préparer pour la prochaine fois.
Quelques années plus tard, lorsque la pandémie s'est terminée et que tout le monde est ressorti de sa maison et de son sous-sol, loin des écrans et tout, il me semble que la conversation a bien changé. Il y avait encore des gens qui pensaient cela, mais d'autres sont devenus un peu cyniques à l'égard de la recherche, et la perspective, pour beaucoup, a également bien changé.
Comment pourriez-vous nous aider à remédier à cela? Diriez-vous qu'il y a de la valeur, ou quelle serait la valeur des projets de recherche qui pourraient contribuer de façon plus générale à ce type de recherche?
:
Je pense que tout dépend, encore une fois, de l'endroit où les discussions ont lieu. Les discussions auxquelles je participe au quotidien portent sur des choses comme la façon dont l'intelligence artificielle va révolutionner la prestation des soins de santé. Lorsqu'on pense aux coûts exorbitants de la prestation de soins de santé, aux budgets des provinces et à la façon dont nous essayons de révolutionner les choses, la science suscite en fait beaucoup d'enthousiasme.
Je pense à une grande annonce qui a été faite en Ontario, il y a environ une semaine, entre Roche Canada et Investissements Ontario, qui créera plus de 250 nouveaux emplois dans le domaine de la recherche clinique. Je pense aux chercheurs que nous avons perdus au profit d'universités américaines, qui espèrent vraiment revenir au Canada et embaucher des Canadiens dans leurs propres entreprises manufacturières de pointe.
Je pense qu'il y a beaucoup d'enthousiasme. Il faut faire la part des choses entre les questions qui se posent, les débats sains qui ont cours et l'excellence et le travail incroyable qui se fait. Il faut aussi parfois nous permettre d'être enthousiastes à l'égard de l'avenir que nous sommes en train de bâtir.
:
C'est bien compris. Je vous remercie beaucoup, madame Watts‑Rynard.
Je vais poser mes prochaines questions à M. Oransky.
J'aimerais entendre vos commentaires au sujet des publications, les travaux du professeur Yves Gingras, qui confirment que le système bibliométrique a d'abord été conçu pour recenser les publications, mais qu'il est désormais utilisé comme outil de sélection pour l'attribution du financement. C'est un système qui pousse à produire un grand nombre d'articles pour augmenter son indice h et son facteur d'impact.
Selon vous, cela favoriserait-il la prolifération d'articles forcés ou frauduleux, qui sont souvent retirés par la suite?
Je pense qu'il y a un lien direct à faire entre le fait d'utiliser ces paramètres et d'autres paramètres de façon trompeuse — vous avez mentionné l'indice h — et la production de recherches bâclées, si je puis dire. C'est certain. Autrement dit, il s'agit de surproduction de recherche.
Il y a une tension entre la quantité et la qualité. Je pense que le système survalorise et récompense tellement la quantité que la qualité en souffre beaucoup. Chez Retraction Watch, nous disons souvent que la fraude, l'inconduite et le manque de rigueur viennent tous de la même source, soit de la pression de publier.
Pour certains chercheurs, je dirais même pour la plupart d'entre eux, cela signifie simplement de redoubler d'effort, d'essayer de faire mieux. Mais pour un petit pourcentage, même si je ne pense pas qu'il soit aussi faible que beaucoup de chercheurs, de scientifiques et de décideurs aimeraient le croire, cela signifie qu'il y a des gens qui fraudent le système, qui se mettent à produire des articles en série ou qui trafiquent leurs résultats d'une manière ou d'une autre.
Je pense que c'est un vecteur important de la recherche problématique.
Je vais moi aussi m'adresser à M. Oransky pour commencer.
Par coïncidence, je viens de recevoir aujourd'hui sur mon téléphone un avis de la revue Science au sujet d'une autre fraude dans le monde scientifique concernant l'examen par les pairs. Des pirates informatiques se sont introduits et se sont fait passer pour des scientifiques écrivant des commentaires favorables. C'est un gros problème.
Comme je l'ai mentionné lors de témoignages précédents, entre un et huit millions d'articles sont publiés chaque année. C'est un véritable tsunami d'articles. Je pense que leur nombre a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années. Vous connaissez probablement très bien les chiffres. J'ai des collègues qui refusent carrément de réviser des articles maintenant, parce que c'est peut-être tout ce qu'ils feraient.
Je suppose que vous avez avancé quelques pistes de solutions pour essayer d'atténuer le problème. Il vient d'ailleurs en partie, comme vous l'avez dit, de la pression de publier en quantité, et peut-être de déjouer le système sur le plan de la qualité.
On se réfère constamment à la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche, la DORA. Je voudrais simplement vous donner un peu de temps pour parler de cette initiative, de son fonctionnement et du fait que nous devrions peut-être nous en inspirer davantage pour évaluer la qualité des données scientifiques produites.
Je tiens à préciser que même si nous avons fait rapport sur la DORA et que je la connais, je ne parle en aucun cas au nom des auteurs ou des signataires de la DORA.
Il s'agit essentiellement d'un manifeste. En fait, il y en a un autre qui s'appelle le Manifeste de Leiden, qui propose un angle un peu différent, mais qui aborde le même problème. Il s'agit d'une analyse de ce qu'on appelle la bibliométrie — je pense que ce terme a déjà été utilisé pendant la séance —, afin de déterminer s'il s'agit ou non d'une bonne façon de mesurer ou d'évaluer la recherche.
Je tiens d'ailleurs à souligner qu'il y a d'excellents chercheurs en bibliométrie au Canada et dans le monde, mais surtout au Canada. Vincent Larivière, à Montréal, fait un travail important à et égard. Je vous recommanderais de jeter un oeil à ses travaux et peut-être de l'inviter à témoigner devant vous, si ce n'est déjà fait.
Il est difficile de vraiment parler en profondeur de la DORA et des autres manifestes en si peu de temps, mais l'idée générale est qu'il faudrait envisager d'utiliser d'autres outils de mesure, au besoin, ou simplement d'évaluer la recherche autrement, comme d'autres témoins de ce groupe l'ont déjà dit. Par exemple, on pourrait se demander si la recherche fait une différence ou non pour en évaluer l'impact. Autrement dit, a‑t‑elle littéralement un impact? Est-elle citée dans des documents stratégiques? A‑t‑elle suscité des changements? A‑t‑elle mené à de meilleurs résultats?
C'est toutefois une façon très en aval de mesurer l'impact de la recherche. Je dirais aussi qu'il y a d'autres façons de mesurer si une recherche en particulier ou un groupe de découvertes en général contribue à notre compréhension de l'univers, de la biologie ou des neurosciences. Je pense que ce sont autant de pistes de solutions, si nous devions remplacer des paramètres de mesure comme le facteur d'impact, même si je répète que nous avons tous besoin de l'heuristique et que nous nous fions tous à l'heuristique.
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Il est encore assez rare qu'on voie quelque chose d'aussi flagrant, où on en voit la preuve, autrement dit. Ce qui est beaucoup plus courant, probablement beaucoup plus que quiconque voudrait l'admettre, ce sont les pressions exercées sur les auteurs, parfois même par des rédacteurs en chef de revues qui veulent accroître leur facteur d'impact — comme nous venons d'en parler, bien sûr —, et ils ne le diront pas nécessairement ouvertement, mais ils diront... Les auteurs reçoivent des recommandations d'examen et des lettres où il est écrit « qu'on leur serait vraiment reconnaissant », ou « ce serait mieux » s'ils citaient un article du journal en question, ou quelque chose du genre.
Ensuite, cela devient encore plus complexe, un peu plus difficile à suivre lorsque sévissent des « cartels de citation » — j'ai utilisé cette expression dans mon témoignage —, que les gens organisent des genres de réseaux de citation. Encore une fois, nous ne savons pas exactement à quel point c'est répandu, mais si vous parlez aux chercheurs, je doute que vous en trouviez un seul qui pourrait dire, en toute honnêteté — j'ose croire qu'ils seraient honnêtes — qu'il n'en a jamais vécu l'expérience, que jamais personne ne l'a incité d'une manière ou d'une autre à citer son travail, que ce soit un examinateur, un rédacteur en chef ou même quelqu'un d'autre.
Encore une fois, il s'agit d'une conséquence naturelle, si l'on veut, d'un effet tout à fait prévisible. Les gens répondent simplement aux incitatifs, ils savent que leur indice h doit être élevé. Comment peuvent-ils l'améliorer? En faisant en sorte d'être cités plus souvent.
:
Je vais changer un peu de sujet.
Tout d'abord, je vous remercie du travail que vous faites. C'est un service public non seulement pour les Américains, mais aussi pour le monde entier, pour que nous disposions des meilleures données scientifiques possible.
Il y a une chose que vous avez dite qui est un peu troublante, c'est combien nous en attrapons peu ici, au Canada. Est‑ce un bon signe que la recherche se porte bien au Canada, ou est‑ce peut-être simplement que nous ne surveillons pas tout cela aussi rigoureusement que d'autres pays?
:
Je dirai quelque chose qui aurait peut-être été controversé il y a quelques années: il devrait y avoir plus de rétractations au Canada. Je ne veux pas manquer de respect à votre grande nation. Il devrait y avoir plus de rétractations aux États-Unis d'Amérique aussi. Et ailleurs. Le fait est que ce sont de bonnes nouvelles quand nous les repérons. Il y a des domaines et même des revues parfois, qui... Le groupe de témoins précédent a évoqué le cas de Jonathan Pruitt. C'est une très mauvaise nouvelle lorsqu'une telle inconduite se produit. Je crois que le nombre de rétractations... Je pourrais revérifier notre base de données. La pire nouvelle, cependant, c'est qu'il a fallu une éternité pour mettre cette affaire en lumière et en juger. C'est une leçon à tirer de cette histoire.
Cependant, voici une bonne nouvelle: un groupe de chercheurs de partout dans le monde s'est réuni et a dit qu'ils ne voulaient pas que des gens comme Jonathan Pruitt causent plus de dommages collatéraux qu'ils n'en ont déjà causés. Cela a mené à beaucoup de rétractations, mais aussi à la protection des chercheurs qui ont été victimes de Jonathan Pruitt.
Je pense que ce genre d'histoire est toujours complexe. On me demande souvent: « Comment est‑ce dans tel ou tel domaine? Comment est‑ce dans notre pays? » Je dis que quand il y a moins de rétractations, c'est que les gens ne vérifient pas. J'ai confiance quand je vois qu'il y a plus de rétractations. C'est peut-être facile à dire pour moi, compte tenu de mon travail, mais je pense en fait que c'est une façon importante de voir les choses.
:
C'est une bonne question. Je vais répondre de façon hypothétique, évidemment.
Je pense que ce serait vain, en fait, de financer un grand bassin de recherches. Je ne suis même pas certain qu'il serait nécessaire de les financer. Il y a d'autres choses qu'on peut faire pour s'assurer que des travaux soient publiés, cités et qu'ils finissent par se retrouver dans des documents stratégiques, des lignes directrices et des règlements.
Je ne parle pas d'un domaine en particulier, mais je pense qu'il n'est pas si difficile de donner une certaine tangente à un domaine de recherche, à l'aide des leviers de la publication.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais essayer de poser des questions à chacun d'entre vous, mais comme je n'ai que cinq minutes, nous verrons bien ce que nous arriverons à faire.
Madame Watts‑Rynard, je vous remercie d'avoir parlé des écoles polytechniques et de la différence dans la façon dont les organismes responsables évaluent la recherche qui s'y fait comparativement à celle qui est menée dans les universités. Dans ma région, l'école polytechnique est le Collège communautaire de la Nouvelle‑Écosse. Je vous remercie d'avoir fait cette distinction quant aux critères utilisés tout en soulignant la nécessité de modifier ces critères.
M. Lobb a donné l'exemple d'une avancée technologique qui peut aider à déplacer des briques et à construire différentes choses, et j'estime que tout cela peut être fort utile. Je pense aussi que les sciences humaines ont de la valeur. Il ne faut toutefois pas comparer des pommes avec des oranges. À titre d'exemple, je ne sais pas d'emblée quel est le but de l'étude sur le travail non rémunéré des femmes à Bogotá, mais je pourrais essayer de tirer cela au clair si j'allais au fond des choses. Cette étude pourrait servir à établir une comparaison entre le Canada et Bogotá. Ce n'est qu'une hypothèse de ma part. On pourrait vouloir tirer des enseignements des meilleures pratiques en usage ailleurs dans le monde. Encore là, ce n'est qu'une supposition, parce que je ne me suis pas vraiment penché sur la question.
Je veux toutefois revenir à la recherche appliquée.
Je pense que nous avons accès à un très vaste banc d'essai en matière de recherche appliquée. Vous avez formulé certaines recommandations, mais j'aimerais approfondir la question.
Quelle est la recommandation la plus importante — et nous en aurons beaucoup — que vous souhaiteriez voir dans notre rapport quant à la possibilité que les écoles polytechniques obtiennent des investissements substantiels pour en arriver à faciliter la vie aux Canadiens et — on ne devrait pas hésiter à le dire — aux citoyens du reste de la planète?
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Oransky, on sait qu'au Canada, 80 % du financement est concentré dans 15 universités seulement, et que 80 % du financement total va à seulement 20 % des chercheurs.
Pourquoi certaines organisations choisissent-elles de ne pas adhérer à la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche, communément appelée DORA? Quels avantages tirent-elles, selon vous, du maintien d'un système qui privilégie les facteurs d'impact et les classements universitaires au détriment d'une approche plus inclusive?
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Si j'ai bien compris, je pense devoir malheureusement vous dire que la réponse se trouve dans votre question même, en ce sens que les riches s'enrichissent et que les puissants le sont de plus en plus.
Un facteur d'impact, comme n'importe quel autre critère ou instrument de mesure utilisé, peut servir essentiellement à confirmer et à consolider le financement et, je pourrais même dire, le pouvoir — mais c'est en fait une autre raison pour laquelle ces outils d'évaluation sont si problématiques.
Les chercheurs de ces établissements ont tendance à être cités plus souvent de toute manière. Ils peuvent donc simplement en rajouter, de sorte qu'ils n'ont pas d'incitatif particulier. Je félicite les établissements qui sont bien nantis en matière de financement et qui ont signé la déclaration ou pris d'autres mesures semblables, car je pense que cela témoigne d'une véritable honnêteté intellectuelle et d'une volonté de changement qui pourrait profiter à tout le monde au lieu de laisser l'effet Matthieu se perpétuer.
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C'est une idée très intéressante. J'ai lu quelques-uns des reportages à ce sujet, en plus de prendre connaissance de certaines études menées après coup.
Je pense que nous en sommes encore aux balbutiements, si bien que nous devrions, comme toujours, procéder de façon expérimentale. Nous devrions nous assurer qu'un projet pilote permet une véritable mise à l'essai débouchant sur une analyse attentive des données probantes.
Par ailleurs, certaines données sur l'incidence future, ou même sur les éventuelles citations, aussi imparfaite cette mesure soit elle, nous apprennent que les pairs examinateurs — et je parle ici de ceux qui travaillent pour les organismes subventionnaires — ne font souvent pas mieux qu'une simple sélection aléatoire. Je trouve cela quelque peu troublant. J'estime cependant aussi qu'il faudrait peut-être faire l'essai d'un tel système, au moins pour une certaine proportion des subventions, éventuellement dans le cadre d'un programme pilote.
Je tiens également à vous recommander de prendre connaissance des travaux et des écrits de Stuart Buck qui participe au Good Science Project. Il a réfléchi de façon très lucide à bon nombre de ces questions, et en particulier à l'examen des subventions...
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La recherche dans tous les domaines est en quelque sorte une entreprise mondiale, et les chercheurs collaborent au‑delà des frontières géographiques lorsqu'ils tentent de répondre à des questions très complexes. C'est pourquoi j'indiquais que nous devons considérer l'excellence en recherche dans une perspective plus large et mieux adaptée qui suit l'évolution de la science et de la société.
Dans le cas de la santé, je me réjouis vivement, étant donné les populations que la recherche en santé et la recherche clinique en particulier sont censées servir, du fait que l'on tienne compte pour les essais cliniques et les autres types de recherche des personnes que nous voulons avoir comme bienfaiteurs et des répercussions que nous souhaitons avoir. C'est vraiment important.
Je pense que les mêmes principes s'appliquent aux différentes activités dont nous avons déjà parlé au cours de cette réunion. Il faut penser à l'éthique. Nous devons avoir l'intégrité à l'esprit. L'ouverture est devenue un thème très important aujourd'hui. Il faut que les chercheurs comprennent bien que leurs travaux et les résultats qu'ils vont obtenir seront ouverts et publics de manière à pouvoir être scrutés à la loupe et communiqués, et pour que d'autres puissent s'appuyer sur les enseignements tirés de leurs efforts.
Il faut aussi s'assurer que les connaissances sont traduites. Cela a été mentionné par certains de mes collègues qui ont présenté des exposés aujourd'hui. Il faut concrétiser les idées pour en venir à commercialiser les changements que nous apportons au système de soins de santé ou qui sont pris en charge par des entreprises, et il faut que les Canadiens aient accès à ces avancées, sans tarder et à un coût abordable.
J'espère que cela répond à votre question.
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D'accord, c'est parfait.
Merci beaucoup à nos témoins. S'il y a quelque chose que vous vouliez mentionner et dont vous n'avez pas eu l'occasion de traiter aujourd'hui, vous pouvez le soumettre par écrit à notre greffier.
Je tiens à vous remercier de votre participation.
Je veux informer le Comité que je vais présenter à la Chambre jeudi notre rapport sur le financement des établissements postsecondaires.
De plus, le jeudi 5 décembre est la date limite pour soumettre votre liste de témoins en vue de l'étude sur la résistance aux antimicrobiens.
Nous nous reverrons jeudi.
Plaît‑il au Comité de lever la séance?
Je suis désolée. Oui, monsieur Blanchette‑Joncas.