:
Chers collègues, je déclare la séance ouverte.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue à la huitième réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
[Traduction]
Comme vous le savez, le Bureau de régie interne exige que le Comité respecte les protocoles en matière de santé qui étaient déjà en place et qui sont désormais en vigueur jusqu'au 23 juin 2022.
Si vous avez des questions, veuillez communiquer avec notre greffier pour obtenir de plus amples renseignements sur les mesures préventives en matière de santé et de sécurité, à savoir les mêmes que celles qui s'appliquaient déjà.
En ma qualité de présidente, je vais appliquer ces mesures, et je vous remercie sincèrement de votre collaboration. Je suis fière de notre comité.
[Français]
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 24 novembre 2021.
[Traduction]
Voici les quelques règles que nous devons suivre. Des services d'interprétation sont offerts pour cette réunion. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre l'audio du parquet, l'anglais ou le français.
Si vous souhaitez prendre la parole, la fonction « Lever la main » se trouve dans la barre d'outils principale. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence. Lorsque vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
Le greffier du Comité et moi-même tiendrons une liste d'intervenants à jour pour tous les membres du Comité.
Nous sommes heureux d'accueillir nos témoins ce soir. Nous sommes ravis que vous puissiez vous joindre à nous.
À titre personnel, nous accueillons M. Ken Coates, professeur à l'Université de la Saskatchewan.
Soyez le bienvenu.
Nous accueillons également M. Jim Balsillie, cofondateur et président du Conseil canadien des innovateurs.
Bienvenue à vous aussi.
Nous accueillons aussi Mmes Rachael Maxwell, directrice exécutive, et Farah Quaiser, directrice, Recherche et politiques, d'Evidence for Democracy.
Nous allons maintenant entendre nos excellents témoins. Vous avez cinq minutes chacun. Au bout de quatre minutes et demie, je lèverai un carton jaune pour que vous sachiez qu'il vous reste 30 secondes. Je vais m'assurer que les règles sont justes pour tout le monde.
Sur ce, je demanderais à M. Coates de prendre la parole pour cinq minutes.
Merci.
:
Merci, madame la présidente. C'est un honneur d'être parmi vous aujourd'hui.
Le sujet à l'étude — à savoir les réussites, les défis et les opportunités pour la science au Canada — est l'un des enjeux les plus importants de notre époque. Nous traversons l'une des périodes les plus intenses de l'histoire du monde sur le plan scientifique. La plupart des scientifiques de l'histoire — selon la définition occidentale de « scientifique » — sont vivants aujourd'hui. Leur nombre augmente à un rythme très rapide, particulièrement en Chine et en Asie de l'Est, et le mouvement se déplace dans le reste du monde.
Nous en sommes maintenant venus à considérer la science non pas comme une discipline limitée au monde universitaire, mais plutôt comme quelque chose d'essentiel à la compétitivité économique. Les gouvernements investissent beaucoup et détournent leur attention de la science de la découverte au profit de toute la question de la science à des fins commerciales, ce qui profite à la société dans son ensemble. Il y a donc une certaine tension entre la science pure et les développements pratiques, productifs et commerciaux.
Le Canada a eu du mal à suivre le rythme à ce chapitre. Nous faisons des efforts et nous sommes sérieux dans notre démarche, comme nous le sommes toujours au Canada. À l'instar de la plupart des pays, nous avons en fait suivi une équation très simple, que j'appellerai l'« équation de l'innovation ». Nous avons investi beaucoup d'argent dans l'éducation postsecondaire, le Canada étant un chef de file mondial dans ce domaine. Pour ce qui est d'investir massivement dans la science fondamentale, nous obtenons de bons résultats; nous ne sommes pas en tête de liste, mais nous ne sommes pas si mal non plus. De plus, nous mettons beaucoup d'argent dans la commercialisation des découvertes scientifiques et technologiques. Nous nous débrouillons bien sur le plan des intrants — nous investissons de l'argent pour les incubateurs et ce genre de choses —, mais nous ne sommes pas aussi efficaces sur le plan des extrants, pour ce qui est de susciter une intense activité économique.
Au Canada, nos scientifiques se tirent très bien d'affaire. Nous avons un rendement élevé, supérieur aux attentes, mais sur le plan économique, la situation n'est pas aussi bonne. Nous avons des pôles vraiment très intéressants à Kitchener-Waterloo, Toronto, Montréal, Ottawa et Vancouver, sans parler de ce qui se passe à l'Île‑du‑Prince-Édouard, à Sherbrooke, à Saskatoon, à Kelowna et à Victoria.
L'innovation, non seulement au Canada, mais partout dans le monde, est devenue plus imitatrice qu'innovatrice. En fait, l'innovation n'est plus un élément innovateur dans l'ensemble de notre société.
À mon avis, le Canada doit envisager une série de changements précis. Nous n'avons pas de plan nous permettant de savoir à quoi ressemblera notre pays lorsqu'il sera doté de capacités technologiques. Quelle est notre vision d'un pays à vocation scientifique? Nous devons absolument donner à nos scientifiques, à nos technologues et à nos entreprises un but vers lequel ils doivent tendre. Nous devons reconnaître que l'accès aux avantages de la science et de la technologie est inégal, qu'il s'agisse d'une éducation de grande qualité, qui n'est pas offerte uniformément dans tout le pays, de l'accès à Internet, qui manque également d'uniformité, de la disponibilité d'applications pratiques des technologies de pointe... Ce que nous constatons, en fait, c'est le renforcement de ce que j'appelle les « États-villes » au Canada, l'élargissement de l'écart entre les régions rurales et les petites villes, et la marginalisation accrue des Autochtones, ainsi que des personnes pauvres vivant en milieu urbain.
Je pense que nous devons aussi faire un bien meilleur usage du gouvernement comme agent de changement, et avoir recours au gouvernement et à son pouvoir de dépenser comme agent de changement positif. Nous voyons cela en Israël. On le voit aussi en Estonie, à Taïwan et en Inde, mais pas autant au Canada, ce qui est malheureux.
Nous devons aussi accélérer considérablement la prise de décisions. Cette dernière doit se faire à la même vitesse que l'innovation et les affaires mondiales. Nos processus actuels sont lourds, lents et très prévisibles. Nous ne prenons pas beaucoup de risques.
Je pense que nous devons mettre beaucoup plus l'accent sur les défis propres au Canada, en offrant des soins de santé dans les collectivités éloignées, en répondant à la crise nationale du logement dans les régions urbaines, rurales et éloignées, en rétablissant la faune et les stocks de poissons et en améliorant l'extraction de nos ressources. Nous pouvons d'abord régler les problèmes au Canada, puis exporter des technologies dans le reste du monde.
Nous devons trouver un meilleur équilibre entre la science pure et les applications pratiques des changements technologiques. J'encouragerais votre comité à se pencher sur le secteur polytechnique, qui fait un excellent travail pour ce qui est de l'application concrète de la science en laboratoire. Je suis certain que vous serez en rapport avec ces gens‑là. Je vous encourage à veiller à ce que notre pays investisse également dans la littératie scientifique. L'un de nos problèmes fondamentaux, c'est qu'il y a un écart énorme entre les politiciens et les fonctionnaires, ainsi que les scientifiques et même les innovateurs qui s'occupent de l'aspect commercial. Le dialogue entre eux n'est pas particulièrement bon, parce que la littératie n'est pas aussi avancée que nous le voudrions.
Vous avez un très grand défi devant vous. Au Canada, la science et la technologie doivent répondre aux besoins légitimes et urgents de l'ensemble du pays. L'argent fait partie du problème, mais je crois franchement que le Canada doit mettre davantage l'accent sur l'orientation, l'engagement et la compréhension collective. Nous devons déterminer comment les découvertes scientifiques peuvent faire du Canada un meilleur pays. Nous devons faire en sorte que notre pays soit plus riche et plus fort. Je pense que vous avez une tâche formidable devant vous.
Je vous souhaite la meilleure des chances dans vos délibérations. Merci beaucoup.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
Je m'appelle Jim Balsillie et je représente le Conseil canadien des innovateurs.
Comme le Comité étudie actuellement les réussites, les défis et les opportunités pour la science et la recherche au Canada, il est important d'évaluer à la fois les intrants et les extrants de cet écosystème. Le Canada a dépensé des dizaines de milliards de dollars de fonds publics pour renforcer la capacité en sciences et en technologie. Ces investissements ont propulsé nos universités au sommet du classement mondial pour ce qui est des publications universitaires et de la formation de diplômés, dont les connaissances sont très prisées.
Là où le Canada échoue, c'est dans la commercialisation de ses idées. Nous investissons dans la science et la recherche et nous développons des idées qui ont un potentiel commercial important, puis nous gaspillons cela ou nous en faisons profiter d'autres. En termes simples, le Canada n'a pas la capacité critique nécessaire pour transformer ses bonnes idées de façon à faire progresser considérablement notre prospérité et notre sécurité.
Il y a 40 ans, l'économie traditionnelle axée sur la production a commencé sa transformation en économie fondée sur le savoir et, plus récemment, en économie fondée sur les données. Le monde, qui reposait auparavant sur la science ouverte et partagée et sur la libéralisation du commerce, grâce à des réductions tarifaires et à un système de brevets conçu pour récompenser l'innovation authentique, s'est transformé en un monde de science et de marchés fermés, ainsi que de monopolisation du savoir et de l'information.
Compte tenu de l'importance croissante de la propriété intellectuelle, en 1980, les États-Unis ont adopté la Bayh-Dole Act, une loi de grande portée qui traite de la propriété des inventions découlant de la recherche financée par l'État. Le Canada a continué d'ignorer l'importance de la propriété intellectuelle. En 2016, même si la part mondiale du stock de capital composé d'actifs incorporels a augmenté de façon spectaculaire, la part de ces actifs a en fait diminué dans l'économie canadienne.
Les initiatives répétées visant à promouvoir la croissance économique ne comportaient pas de stratégie pour générer et commercialiser la propriété intellectuelle ou étaient conçues pour transférer des décennies de propriété intellectuelle financée par l'État à des entreprises étrangères. Aujourd'hui, 40 ans après l'avènement de l'économie du savoir, le déficit du Canada en matière de paiements et de recettes au titre de la propriété intellectuelle s'accroît à un rythme alarmant, une situation que nous partageons avec les pays en développement.
Ces résultats ont des conséquences sur notre prospérité, notre sécurité et notre souveraineté, comme l'a démontré une récente séance d'information interne du . L'OCDE a récemment prévu que l'économie canadienne sera l'économie avancée la moins performante en 2020‑2030 et dans les trois décennies qui suivront, ce qui aura une incidence sur la capacité du Canada de payer pour les biens et les services que nous apprécions.
Pour mettre fin à cette naïveté et ces préjudices au chapitre des résultats, je propose trois recommandations. Premièrement, il faut rétablir le Conseil économique. Le Canada a besoin d'une capacité institutionnelle dans le contexte de l'économie contemporaine du savoir et des données. Deuxièmement, il faut prévoir des dispositions pour les accords de recherche qui sont conformes à ce que nos partenaires du Groupe des cinq ont fait. Il faut délimiter adéquatement les technologies stratégiques nécessitant une surveillance et une réglementation qui sont élaborées à partir de la recherche financée par les fonds publics. Troisièmement, il faut investir dans des sociétés de gestion de la propriété intellectuelle, qui peuvent fournir des ressources professionnelles et centralisées au milieu de la science et de la recherche.
En conclusion, malgré sa population très instruite et les investissements publics en R‑D, le Canada a toujours été un important importateur net de propriété intellectuelle. Les antécédents d'excellence en recherche et en éducation du Canada méritent de meilleurs résultats sur le plan des possibilités de commercialisation là où elles existent. La voie à suivre ne consiste pas à dépenser plus d'argent ou moins d'argent en R‑D. Il s'agit plutôt de renforcer la capacité stratégique pour l'économie contemporaine, y compris la façon dont le savoir est généré, monopolisé et commercialisé.
Merci.
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Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres de ce nouveau comité permanent, de nous donner l'occasion de nous adresser à vous.
Je m'appelle Rachael Maxwell. Je suis la directrice exécutive d'Evidence for Democracy.
Je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue Farah Qaiser.
Evidence for Democracy est une organisation nationale sans but lucratif non partisane qui s'efforce de combler le fossé entre les décideurs, comme vous, et les meilleures données scientifiques et probantes disponibles. Nous y parvenons grâce à des recherches originales, à une formation axée sur les compétences et à des campagnes axées sur les enjeux. Nous le faisons parce que nous croyons que nous sommes tous gagnants lorsque les gouvernements prennent des décisions éclairées par les meilleures données scientifiques et probantes disponibles.
L'histoire de nos origines nous rappelle que les Canadiens se soucient de l'importance de données bien fondées dans les politiques publiques. En 2012, des milliers de scientifiques canadiens et leurs partisans préoccupés par la diminution du rôle de la science au sein du gouvernement ont organisé des rassemblements nationaux pour souligner la disparition des données probantes. Leur message était clair: nous avons besoin de politiques fondées sur des données probantes pour avoir une démocratie forte. Forts de cette expérience, les organisateurs de l'événement ont créé Evidence for Democracy.
Dans la décennie qui s'est écoulée, beaucoup de choses ont changé. Le Canada a rétabli le poste de conseiller scientifique en chef en 2017, dont le bureau s'est fait le champion d'un réseau de conseillers scientifiques ministériels et de la mise en œuvre de politiques sur l'intégrité scientifique. Depuis 2015, les lettres de mandat comprennent toutes un engagement à l'égard de l'utilisation de la science et de la prise de décisions fondées sur des données probantes. Ces mesures sont louables, mais il reste encore beaucoup à faire.
Nous appuyons les appels déjà lancés pour que des investissements audacieux dans la science soient faits aujourd'hui. Le Canada doit suivre le rythme et voir plus grand. Toutefois, l'investissement dans la science ne constitue qu'un premier pas dans la bonne direction.
L'été dernier, la professeure britannique Ruth Morgan a déclaré que la science a toujours eu pour rôle de faciliter les progrès. Il suffit de penser à l'envoi d'humains sur la Lune, à la façon dont nous avons transformé la médecine... ou simplement à la façon dont nous en sommes venus à comprendre le fonctionnement de notre planète.
Ce sont là des progrès essentiels pour améliorer la qualité de vie des Canadiens, progrès qui méritent d'être poursuivis avec vigueur et ambition. Mais Mme Morgan a également fait remarquer que la science devra aller plus loin que cela si nous voulons faire des percées relativement aux enjeux mondiaux auxquels nous sommes actuellement confrontés.
L'opportunité pour la science sur laquelle je veux insister aujourd'hui est la suivante: bien que le rendement de nos investissements dans la science et la recherche soit très important en matière d'innovation et d'objectifs économiques, nous devons veiller à ce qu'il soit tout aussi important pour notre démocratie et pour éclairer les décisions qui y sont prises, parce que la politique publique a plus que jamais besoin de la science.
Pratiquement toutes les questions de politique auxquelles vous devrez faire face en tant que parlementaires peuvent bénéficier de la science, d'autant plus que des défis toujours croissants se posent concernant les changements climatiques, la sécurité alimentaire, l'augmentation des inégalités sociales, et bien plus encore. Nous devons travailler ensemble pour placer les données probantes au cœur des politiques publiques.
Premièrement, nous devons veiller à ce que le gouvernement fédéral se fasse le porte-parole de la science, car tous les gouvernements devront inévitablement avoir accès à des conseils scientifiques au cours des décennies à venir.
Nous encourageons le Comité à considérer des efforts pour protéger et officialiser le Bureau de la conseillère scientifique en chef. D'autres ressources consultatives, comme un agent scientifique parlementaire ou un élargissement de la capacité scientifique et de recherche à la Bibliothèque du Parlement, pourraient aussi être envisagées.
Nous devons revoir les investissements dans les activités scientifiques du gouvernement fédéral, afin de nous assurer que les scientifiques du gouvernement sont en mesure de mener à bien leurs travaux.
Au‑delà de l'échelon fédéral, les conseils scientifiques à l'échelle du pays exigent une approche pancanadienne. Des exemples historiques de coordination scientifique de ce genre existent et devraient être reconsidérés dans le contexte actuel.
Deuxièmement, la COVID‑19 a mis en lumière la relation trilatérale entre la science, la société et les politiques. Nous avons besoin de plus d'occasions délibérées pour les scientifiques et les décideurs politiques de se réunir, afin de mieux servir la société.
Pour obtenir les bonnes données probantes, il faut d'abord poser les bonnes questions. Des programmes permettant aux décideurs politiques et aux scientifiques d'élaborer conjointement des questions de recherche pourraient contribuer à produire plus de données probantes pertinentes et opportunes. Pour mieux servir la société, il faut aussi réinventer les compétences dont ont besoin les scientifiques et les décideurs, de même que les aider à acquérir ces compétences.
Nous venons tout juste de terminer notre programme de formation Science to Policy Accelerator. Plus de 250 chercheurs ont manifesté leur intérêt, ce qui montre clairement que les scientifiques veulent contribuer aux politiques publiques.
Pour les chercheurs, certaines compétences importantes pour contribuer à l'élaboration de politiques comprennent la communication concise des données probantes et la démonstration de leur pertinence dans le contexte des problèmes stratégiques, ainsi que la mobilisation des intervenants pour établir la confiance et la crédibilité à l'égard des données scientifiques.
Pour leur part, les décideurs peuvent bénéficier d'une meilleure compréhension de la nature et des limites des preuves scientifiques, ainsi que des risques et de la littératie statistique.
En terminant, je tiens à souligner que, bien que la science n'ait jamais été aussi avancée et que la capacité de tirer profit d'une grande quantité de données soit inégalée, nous croulons sous la pression de menaces, comme les changements climatiques, la désinformation et les inégalités incontrôlées. Pour assurer l'avenir de notre pays et de notre économie, il faut adopter une approche plus audacieuse et utiliser la science pour absorber les chocs au cours des décennies à venir. Cela s'applique à la fois à la façon dont nous investissons dans la science et la recherche aujourd'hui, ainsi qu'à la façon dont l'impact de la recherche financée par les fonds publics se répercute sur vous et sur les décideurs de tout le pays.
Merci beaucoup de votre temps.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Monsieur Balsillie, tout le travail que vous avez fait au sujet de la propriété intellectuelle et de sa protection au Canada m'intéresse beaucoup. Vous en avez parlé un peu aujourd'hui. En 2019, le Canada a généré pour environ 39 milliards de dollars de propriété intellectuelle, mais les États-Unis, 6,6 billions de dollars, soit 169 fois la valeur de notre propriété intellectuelle.
Vous avez fait des recommandations ce soir, mais qu'est‑ce que les États-Unis font précisément, que nous ne faisons pas, pour générer autant de propriété intellectuelle, juste au sud de chez nous?
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Les choses que j'ai recommandées pour le Canada, et bien plus encore, ont été entreprises aux États-Unis il y a 40 ans. Il y a une expression qui dit que le meilleur moment pour planter un arbre, c'était il y a 20 ans, mais que le deuxième meilleur moment est maintenant. Nous n'avons tout simplement aucune stratégie, aucune orientation et aucune capacité pour générer et contrôler les actifs incorporels. Aux États-Unis, on utilise un principe de droits négatifs ou de restrictions, ce qui se situe tout à fait à l'opposé de l'économie tangible traditionnelle. Nous n'avons tout simplement aucune capacité et aucune orientation à cet effet.
Il y a une relation de cause à effet directe. Le Canada se classe au dernier rang des pays de l'OCDE pour ce qui est de la croissance de la productivité au cours des 46 dernières années, selon les prévisions pour les 30 prochaines années. Il y a une relation de cause à effet directe au fait de ne pas s'occuper de générer, de contrôler et de commercialiser des actifs incorporels. J'ai fait des affaires dans 156 pays, et cela fait partie intégrante de tous les aspects de la gestion de la recherche, de la commercialisation, de l'éducation, et ainsi de suite, dans les économies d'innovation prospères. Cela se situe à l'épicentre.
J'ai présidé un groupe d'experts sur cette question pour l'Ontario, qui a abouti à trois recommandations simples, assez semblables à celle que nous avons ici.
Nous n'avons tout simplement pas suivi l'évolution du monde.
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Protéger davantage la propriété intellectuelle, c'est un peu comme augmenter le loyer des sans-abri. Vous ne pouvez pas protéger quelque chose que vous n'avez pas. Le problème, c'est que ceux qui en ont beaucoup viennent au Canada en disant qu'il faut augmenter la protection, de sorte que nous leur versons davantage d'argent. Ils créent une fausse impression, selon laquelle des loyers plus élevés catalyseront la création d'un plus grand nombre d'actifs incorporels au Canada, ce qui ne fait aucun sens.
La meilleure chose pour le Canada, c'est de réduire les mesures de protection, parce que nous sommes des consommateurs de propriété intellectuelle. Malheureusement, nous avons signé des traités qui prévoient des mesures de protection pour des décennies à venir. Nous devons suivre les règles du jeu en place et, fondamentalement, nous adapter à la situation. Je ne pense pas que nous aurons l'occasion d'éliminer ces mesures. Nous avons endossé des dispositions comportant des restrictions extrêmement grandes dans l'Accord Canada-États-Unis-Mexique, le Partenariat transpacifique, les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne. C'est donc ce qui est prévu, que cela nous plaise ou non, pour les décennies à venir.
Mes recommandations ne visent pas toutes à changer le système, parce que cela est impossible. Elles visent plutôt à mieux en tirer parti. Je répète que nous aurions dû faire cela il y a 40 ans, mais il n'est pas trop tard pour aller de l'avant maintenant.
Je remercie tous nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Monsieur Balsillie, je viens d'être élue et je représente Kitchener-Sud—Hespeler. Je suis évidemment très intéressée par votre point de vue. Vous avez une perspective très unique avec le Conseil canadien des innovateurs et l'histoire de BlackBerry, qui est encore aujourd'hui l'une des entreprises technologiques les plus emblématiques du Canada, qui nous a apporté les courriels mobiles. Bon nombre d'entre nous ne se souviennent même pas de ce qu'était la vie avant cela.
Nous savons que le succès de la région de Waterloo est largement attribuable à la politique de l'Université de Waterloo qui permet au promoteur de la propriété intellectuelle de la conserver et de la commercialiser. C'est une situation assez unique parmi de nombreuses universités, où la propriété intellectuelle appartient à l'établissement. Cela a permis d'attirer des professeurs et des étudiants qui trouvent cela très attrayant.
J'ai trouvé intéressant ce que vous avez dit au sujet des sociétés de gestion de la propriété intellectuelle. Pourriez-vous nous expliquer comment cela pourrait fonctionner?
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Tout d'abord, je ne suis pas au courant de cas où la politique de propriété intellectuelle de l'université de Waterloo a vraiment contribué au succès de Waterloo. Je ne connais pas une seule entreprise à Waterloo qui a été créée grâce à la recherche universitaire au cours des 20 dernières années. Bien sûr, vous avez d'excellents étudiants qui ont fait des tentatives en ce sens. Le rendement de la commercialisation à Waterloo a été minime — entre 50 $ et 500 000 $ brut par année, avec six ETP et demi et des centaines de millions de dollars en recherche. J'aimerais être mis au courant si la politique de Waterloo en matière de propriété intellectuelle a contribué au succès de la région de Waterloo, mais à ma connaissance, cela n'a pas été le cas au cours des deux dernières décennies.
Les sociétés de gestion de la PI sont très courantes dans le monde. Innovation, Sciences et Développement économique Canada mène actuellement un projet pilote dans la région de Waterloo pour les technologies propres et les technologies axées sur les données. Le Canada s'est bâti sur des sociétés de gestion collective, qu'il s'agisse de coopératives de crédit pour le financement des collectivités, de sociétés mutuelles d'assurance, de coopératives céréalières, de coopératives d'équipement ou d'autres organisations de ce genre. Et je pourrais continuer encore et encore. Le Canada s'est bâti grâce à des stratégies coordonnées. C'est ainsi que nous fonctionnons.
Ces sociétés de gestion sont très répandues dans le monde entier. On en retrouve plusieurs au Japon, ainsi qu'en France, en Corée du Sud, en Allemagne et à Singapour. Il s'agit d'une structure organisée, qui conserve et gère la propriété intellectuelle, plutôt que de la fragmenter.
À titre d'exemple, les Instituts Fraunhofer — les 72 instituts de recherche en Allemagne qui comptent 29 000 chercheurs — ont une agence centralisée. En Ontario, où j'ai présidé un groupe d'experts sur la question, on en compte entre deux et trois douzaines, selon la définition utilisée, et elles représentent une fraction de la taille des Instituts Fraunhofer. Il s'agit de deux ordres de grandeur de la fragmentation de l'organisation structurelle.
C'est pourquoi je dis que c'est vraiment une question d'organisation. Pour résumer, il s'agit d'un principe structurel organisationnel, dont il existe des tonnes d'exemples dans le monde.
L'Ontario a lancé Propriété intellectuelle Ontario sur la recommandation de notre groupe. Ottawa a un projet pilote. Mis à l'échelle, cela ne représente que quelques sous. Cela ne fait qu'aider ceux qui en ont vraiment besoin. C'est un échec en termes de marché et de capacité. On parle de très petites sommes, voire de rien du tout.
Je ne critique pas les universités. On leur demande de faire un travail qui ne correspond pas à ce qu'elles font normalement ou à leurs compétences. Vous ne voudriez pas que je sois votre chef, parce que je n'ai pas les compétences nécessaires, mais j'en ai d'autres.
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La première chose que je vous suggérerais de faire, c'est de convoquer un groupe d'experts pour répondre à cette question précise, parce que les règles sur la gestion des talents étaient autrefois relativement conventionnelles, mais tout a changé maintenant, avec la COVID, le travail à distance et tout cela.
Il y a énormément de choses que le Canada peut faire. Comme les gens peuvent vivre là où ils le veulent, et travailler là où ils le peuvent, ainsi que travailler et vivre au même endroit, la qualité de vie est devenue centrale, et toutes les infrastructures pour y arriver... Il n'est plus pertinent de mettre l'accent sur l'ouverture de succursales à l'étranger, parce que la plus grande concurrence pour les entreprises de Waterloo, par exemple, est le travail à distance de Waterloo pour Silicon Valley.
Je pense qu'il faut s'attaquer au problème. Il faut avoir des stratégies bien définies, comme accélérer l'immigration, appuyer les bons chercheurs, avoir une infrastructure appropriée pour eux en ce qui concerne la large bande, des logements de qualité et toutes ces choses, ainsi qu'un droit du travail approprié.
Nous vivons dans un monde nouveau et nous pouvons faire beaucoup de choses, mais si au départ le Canada offre beaucoup, avec une excellente qualité de vie, il devrait être un pôle d'attraction pour les talents.
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Merci beaucoup, madame la présidente. Permettez-moi de saluer les témoins qui sont parmi nous ce soir.
Je vais poser mes premières questions à Mme Maxwell, de l'organisme Evidence for Democracy.
J'ai bien vu le rapport que votre organisation a produit en novembre dernier. Il incluait un suivi des progrès réalisés en réponse à chacune des 35 recommandations du rapport Naylor, dont nous soulignerons les cinq ans au cours du printemps, soit au mois d'avril.
Vous arrivez à la conclusion que seulement neuf des 35 recommandations ont été menées à terme par le gouvernement libéral au cours des cinq dernières années. L'une des recommandations centrales du rapport Naylor consistait à mettre sur pied le Comité de coordination de la recherche au Canada. Or, après un appel de candidatures en 2019, aucun progrès n'a été fait dans le dossier.
Je tiens à vous dire, madame Maxwell, que j'ai questionné à ce sujet la conseillère scientifique en chef du Canada, Mme Nemer, mais que je n'ai pas obtenu de réponse. Elle ne savait pas de quoi il était question. J'ai aussi questionné, en février dernier, le sous-ministre adjoint, Secteur des sciences et de la recherche, M. Nipun Vats, qui devait nous faire parvenir une réponse. Malheureusement, un mois plus tard, nous ne l'avons toujours pas reçue. Nous cherchons à savoir ce qu'il en est de cet appel de candidatures, au ministère.
Voici ma question. Comment cette absence de progrès, dans la foulée des recommandations du rapport Naylor, peut-elle nuire à la compétitivité et à la productivité de l'écosystème scientifique canadien?
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Merci, madame la présidente et monsieur Blanchette-Joncas, de votre question.
La recommandation dont vous parlez concerne le CCNRI, le Conseil consultatif national sur la recherche et l'innovation. Vous avez raison de dire qu'il n'y a eu aucune mise à jour depuis.
Lorsque nous avons effectué cette recherche pour examiner les progrès réalisés, nous avons constaté qu'il n'y avait pas de détails publics au sujet de ce conseil. Il y a eu un appel de candidatures en 2019, mais il n'y a pas eu de mise à jour depuis. Il y avait un secrétariat. Deux employés figuraient sur la liste du secrétariat du Conseil des sciences et de l'innovation, mais je n'arrive plus à trouver cette information.
Cet organisme devait assurer une surveillance générale de la recherche et de l'innovation au niveau fédéral. Il devait inclure des scientifiques, ainsi que des leaders de l'innovation issus des entreprises et de la société civile, et servir d'organisme rassembleur pour établir des liens réels entre la recherche et l'innovation.
Pour ce qui est d'une mise à jour émanant de quelqu'un au sein du gouvernement fédéral, je vous renvoie à un article récent. Il a été publié dans University Affairs, le 2 mars 2022, par le journaliste Brian Owens. On y trouve une citation d'un porte-parole d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada, qui fait remarquer que le gouvernement continue de travailler à la mise en œuvre du conseil, sans détails précis ni échéancier.
Je partage votre frustration. Je n'ai malheureusement pas d'autres renseignements à vous communiquer, mais nous attendons avec impatience des détails à ce sujet. Cet organisme pourrait aider à relier la recherche et l'innovation dans l'écosystème scientifique du Canada.
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Absolument. Je tiens à souligner que neuf recommandations sont terminées, mais qu'il y en a 13 en cours. Techniquement, 22 recommandations sur 35 ont connu des progrès. C'est une victoire remarquable. Mais vous avez raison de dire qu'il y a 13 recommandations qui ne sont toujours pas réglées.
Cela comprend celle concernant le CCNRI, ou le Conseil des sciences et de l'innovation dont vous avez parlé. Parmi les autres recommandations non résolues, mentionnons la tenue d'une conférence des premiers ministres sur l'excellence en recherche, qui devrait réunir des intervenants provinciaux et fédéraux pour discuter de la science et de la recherche, ainsi que de l'investissement dans ces domaines. Une autre recommandation non résolue concerne l'harmonisation de la législation dans l'ensemble des organismes de financement fédéraux, ainsi que l'examen de l'affectation actuelle des fonds dans ces organismes.
Je ferai remarquer que ces questions ne sont toujours pas réglées, mais je tiens à souligner qu'il y a quelques réserves à prendre en considération lorsqu'il s'agit de l'examen du soutien fédéral aux sciences fondamentales. Cet examen a été publié en 2017. Cela fait presque cinq ans. Il y a eu deux mandats et deux gouvernements depuis. Nous avons également traversé la pandémie de COVID‑19. Le paysage scientifique au Canada a changé, tout comme le paysage scientifique mondial.
Je tiens également à souligner que, même si l'examen du soutien fédéral aux sciences avait une vaste portée, il n'incluait pas tous les différents intrants de l'écosystème scientifique du Canada, notamment la science à l'échelle gouvernementale, ni la science appliquée, alors il ne s'agit pas d'un rapport très complet.
Dans les 30 secondes qui me restent, je tiens à souligner que, peu importe si nous utilisons ou non l'examen du soutien fédéral aux sciences comme guide, il est urgent que nous continuions d'investir dans l'écosystème des sciences et de la recherche du Canada. Les défis auxquels nous faisons face — les changements climatiques, les futures pandémies — ne disparaîtront pas. À long terme, il en coûtera beaucoup plus cher de ne pas disposer des données probantes appropriées que les coûts immédiats de l'investissement dans la science et la recherche aujourd'hui.
Merci.
:
Je vais intervenir brièvement, puis je céderai la parole à ma collègue. C'est elle qui a dirigé les travaux de
Eyes on Evidence.
J'ai mentionné d'entrée de jeu que, depuis 2015, les lettres de mandat ont toutes fait état d'un engagement à l'égard de l'utilisation de la science et des données probantes pour la prise de décisions. Nous apprécions vraiment ces signaux répétés, mais ce qui nous a vraiment incités à faire preuve de transparence, c'est que, de notre point de vue, si le public doit évaluer les progrès réalisés au chapitre de la prise de décisions fondée sur des données probantes, il faut lui donner l'occasion d'examiner le lien entre les données probantes et les décisions stratégiques qui ont une incidence sur lui. Ce genre de transparence donne aux citoyens la possibilité de se demander s'ils sont d'accord avec la façon dont les données probantes sont utilisées pour formuler les politiques publiques. C'est pourquoi la transparence est vraiment essentielle à l'élaboration de politiques fondées sur des données probantes.
À partir de cette position, nous avons entrepris l'étude Eyes on Evidence pour examiner la transparence au sein du gouvernement fédéral. Plus simplement, le grand public peut‑il trouver les données probantes qui sous-tendent les décisions stratégiques, ou quelqu'un de l'extérieur du gouvernement peut‑il comprendre ce que le gouvernement se propose de faire et pourquoi?
Je vais céder la parole à ma collègue. En fait, Mme Qaiser a dirigé ces travaux et pourra vous donner plus de détails.
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Dans le cadre de ces travaux, comme Mme Maxwell l'a mentionné, nous nous sommes demandé si le public peut trouver les données probantes qui sous-tendent les décisions stratégiques. Nous avons utilisé le cadre de transparence élaboré au Royaume-Uni par Sense About Science. Celui‑ci comprend différentes catégories, comme le fait de demander quels renseignements nous connaissons sur la question proprement dite, la façon et le moment de savoir si la politique a fonctionné et la raison pour laquelle l'intervention précise a été choisie. Pouvons-nous trouver des données probantes à l'appui de ces questions?
Nous avons fini par réunir un total de 100 politiques fédérales de façon aléatoire, émanant de 10 ministères et organismes fédéraux différents. Toutes ces politiques ont été annoncées entre janvier 2021 et juin 2021. Nous avons appliqué le cadre de transparence et nous leur avons donné des notes entre zéros et trois. Dans chaque cas, on s'est demandé si on pouvait trouver les données probantes à l'appui de la question à l'étude ou de l'intervention proposée, et quand nous pourrions savoir si les politiques fonctionnent.
Malheureusement, nous avons constaté que, dans l'ensemble, la transparence quant à l'utilisation des données probantes dans l'ensemble des politiques fédérales a obtenu de très faibles résultats, soit zéro ou un. Cela signifie qu'il est très difficile pour le public de trouver des données probantes à l'appui des politiques. Des questions sont restées en suspens. Si une politique est annoncée, comment saurons-nous quand les résultats de cette politique se manifesteront? Comment saurons-nous pourquoi cela a été fait? Par exemple, pourquoi a‑t‑on proposé une interdiction plutôt qu'un remboursement d'impôt, une remise, un avis d'éviction ou quelque chose du genre?
Nous avons constaté que les cotes de transparence variaient selon les ministères et organismes fédéraux. En général, nous sommes restés dubitatifs. Oui, des données probantes étaient mentionnées, mais aucune source ou référence n'était fournie, ou nous avons remarqué qu'il y avait des éléments dans différentes parties de sites Web, qui n'étaient toutefois pas inclus dans l'annonce de la politique au départ.
Bref, nous avons constaté qu'il est très difficile pour le public de trouver des données probantes, mais nous voyons des signes prometteurs. Dans les conversations que nous avons eues avec les ministères et organismes fédéraux, nous avons constaté que les gens étaient surpris par les conclusions. Ils ne se rendaient pas compte de l'ampleur du problème, et ils réfléchissent maintenant à la façon de rendre ces éléments de preuve plus accessibles au public.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais commencer par M. Balsillie.
Monsieur, comme je représente la circonscription de Hamilton-Est—Stoney Creek, je ne peux m'empêcher de vous remercier pour la campagne « Make It Seven » qui a eu lieu dans les années 2000. J'étais membre du conseil à l'époque, et je sais que vous y avez consacré beaucoup de votre temps, de votre énergie et de vos ressources. Un grand merci du fond du cœur pour tout ce que vous avez essayé de faire pour Hamilton.
Hamilton a dû composer avec Bettman, un personnage qui veut toujours avoir le dernier mot, un peu comme Newman, dans la série Seinfeld. Inutile de faire des commentaires à ce sujet, mais je vous remercie de tout ce que vous avez fait, monsieur.
J'ai consulté le site du Conseil canadien des innovateurs. L'accès aux fonds est un sujet que vous mettez en relief dès la page d'accueil. J'ai entendu les critiques constructives que vous avez formulées en réponse à d'autres questions qui vous ont été posées, plus précisément, sur les investissements... dans les institutions et ce qu'ils ont donné sur le plan de l'innovation. Je sais que les gouvernements provinciaux successifs, de différentes allégeances politiques, ont fait de gros investissements dans votre région d'origine, Kitchener—Waterloo. À Hamilton, le parc de l'innovation McMaster fait actuellement un travail extraordinaire sur les vaccins et les véhicules autonomes, parmi d'autres projets.
Il me semble que vous avez dit — et je veux que ce soit clair — que nous investissons dans l'innovation, mais peut-être pas là où il faut.
Pouvez-vous préciser ce que vous avez dit plus tôt? Sur votre site Web, on peut lire: « Nous croyons que les investissements du gouvernement au profit de l’innovation doivent être faits dans des entreprises à forte croissance. » J'essaie simplement de faire le point entre cette affirmation et vos autres déclarations, et je voudrais que vous me donniez une idée de la répartition des investissements pondérés entre les institutions et d'autres organisations qui s'intéressent à l'innovation.
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Bien sûr. Je vous remercie de votre question et de votre aimable commentaire.
Je m'en remettrais au groupe que j'ai présidé pour la province de l'Ontario. Nous n'avons formulé que trois recommandations qui venaient à dire que les problèmes les plus complexes et contrariants ont parfois une solution toute simple. Déjà au départ, nous n'enseignons pas l'innovation, nous ne gouvernons pas pour elle et nous ne lui fournissons pas de services. Tout le reste du monde le fait. Il ne s'agit pas de savoir s'il faut dépenser plus ou moins, mais de renforcer la titularité de ce que nous produisons. La propriété des idées repose sur un principe fondamentalement opposé à l'économie des biens matériels. Par exemple, vous êtes matériellement propriétaire de la veste que vous portez. C'est ce qu'on appelle un droit positif. Mais la conception de cette veste est un droit négatif. Je peux vous empêcher de la fabriquer si j'en détiens la propriété intellectuelle. Mais c'est très difficile à faire sans formation adéquate, sans gouvernance adéquate et sans services adéquats.
Je ne dis pas qu'il faut dépenser plus ou moins d'argent, mais simplement qu'il faut avoir la capacité, les institutions et les structures de reddition de comptes nécessaires pour s'y prendre de façon responsable. Si vous creusez un tant soit peu, vous serez très déçus de la façon dont nous avons traité cet actif de sécurité nationale et de prospérité au cours des quatre dernières années. C'est une bien triste histoire, mais la bonne nouvelle, c'est qu'on peut régler le problème très rapidement et pratiquement sans argent.
Dans ce domaine, la communauté politique du Canada a véhiculé des mythes selon lesquels il y a une complaisance, un manque d'intensité concurrentielle ou des récepteurs faibles pour le milieu des affaires. Il faut comprendre que les recherches gouvernementales mènent à celles qui sont effectuées par les entreprises dans l'économie de production traditionnelle, mais dans l'économie des biens incorporels, la recherche pour le gouvernement doit ensuite se traduire par ce qu'on appelle la liberté d'exploitation ou la propriété intellectuelle, qui oriente naturellement les investissements des entreprises. Nous avons raté l'étape du milieu dans la nouvelle économie.
Par exemple, si je dis que je veux créer le prochain Google et voici 5 milliards de dollars pour construire un centre de données, il est évident que ce sera peine perdue. Si quelqu'un avait voulu devenir un fabricant de briques il y a 100 ans, il aurait pu le faire, parce que cette idée n'a pas de propriétaire. La raison pour laquelle nous perdons le fil entre les dépenses brutes pour la recherche et le développement et les dépenses des entreprises à ce chapitre, c'est que nous avons manqué la partie intermédiaire institutionnelle de la liberté de fonctionnement. C'est la faille fondamentale de notre politique publique.
Si nous avions l'expertise de la fonction publique par l'entremise d'un nouveau conseil économique et d'un cadre d'analyse approprié, la question recevrait l'attention qu'elle mérite et les progrès ne se feraient pas attendre. C'est précisément ce que font les provinces pour régler ce problème et suivre le projet pilote d'Innovation, Sciences et Développement économique. Voyons quel est le véritable problème et concentrons-nous là‑dessus.
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Bonsoir à tous. Chers collègues, nous reprenons nos travaux.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins ce soir.
Vous avez un très beau comité ici qui est vraiment intéressé par ce que vous avez à dire. Nous sommes ravis que vous soyez des nôtres et nous avons hâte d'entendre votre témoignage.
Ce soir, nous accueillons M. Alan Winter, ancien commissaire à l'innovation de la Colombie-Britannique.
Nous accueillons M. Jeremy Kerr, professeur de biologie à la Faculté des sciences et titulaire d'une chaire de recherche de l'Université d'Ottawa.
Nous accueillons aussi Mme Denise Amyot, présidente-directrice générale, Collèges et instituts Canada. Nous avons entendu dire qu'elle vient de remporter un prix d'excellence.
Et enfin, M. Don Lovisa, président du Collège Durham.
Bienvenue à tous.
Vous avez cinq minutes pour parler.
Sur ce, nous allons commencer par M. Winter, pour cinq minutes. Allez‑y, je vous en prie.
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Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs. Je m'appelle Alan Winter, et je suis heureux d'avoir été invité à comparaître devant vous.
Ce travail est très important pour l'avenir du Canada, et j'espère pouvoir vous expliquer pourquoi. Bien que j'aie récemment été commissaire à l'innovation de la Colombie-Britannique, je comparais à titre personnel aujourd'hui. Je vais donc me présenter, car cela vous donnera un contexte pour mes observations.
Je suis venu au Canada pour mon doctorat à l'Université Queen's en raison de la réputation du Canada comme troisième pays dans le secteur spatial et parce que le programme spatial était axé sur une mission visant à fournir au Canada des communications, de la télédétection et des possibilités économiques partout au pays, particulièrement dans le Nord.
Le programme spatial a été alimenté par d'excellents travaux scientifiques canadiens menés en étroite collaboration avec le gouvernement, l'industrie et le milieu universitaire dans le cadre d'un solide partenariat visant à surmonter les défis et à profiter au pays. Après mon doctorat, j'ai travaillé comme scientifique du gouvernement au Centre de recherches sur les communications dans le cadre de programmes sur les satellites et j'ai dirigé un projet international réussi appelé SARSAT. Des entreprises canadiennes ont mis au point l'équipement clé, qui est maintenant utilisé à l'échelle internationale.
À mon entrée dans le monde commercial, je suis devenu directeur de l'ingénierie pour Télésat Canada à une époque où nous avons lancé six nouveaux vaisseaux spatiaux et étendu les liaisons par satellite aussi loin au nord qu'Eureka sur l'île d'Ellesmere. Nous avons déménagé dans l'Ouest et je suis devenu président-directeur général de diverses entreprises de télécommunications et de technologie, dont MPR Teltech, qui était à l'époque, je crois, la plus grande entreprise de technologie à l'ouest de l'Ontario. Nous avions de solides liens de recherche avec les universités et nous avons créé six entreprises sous ma présidence. J'ai également présidé pendant deux ans la division spatiale de Com Dev dans la région de Waterloo.
Lorsque j'ai quitté le monde des affaires et que je suis retourné à Vancouver, j'ai participé au projet du génome humain et à Genome BC en 2001. Pendant les 15 années où j'ai été président-directeur général de Genome BC, nous avons réussi à recueillir plus de 700 millions de dollars pour la Colombie-Britannique grâce à des partenariats avec le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et l'industrie pour investir dans la science de la génomique pour la bioéconomie et la santé — et je crois, madame la présidente, que lorsque vous étiez ministre, vous nous avez rendu visite là‑bas —, ce qui a bénéficié le secteur des sciences de la vie au Canada, particulièrement pendant la pandémie.
De 2018 à 2020, j'ai été le premier commissaire à l'innovation de la Colombie-Britannique à conseiller le gouvernement en matière de recherche et d'innovation et à aider à attirer des investissements à la province. Deux de mes rapports ont été rendus publics et je vous ai fourni l'information pour y avoir accès.
À mon avis, cette expérience nous a fait remporter des succès spectaculaires dans le domaine des sciences au Canada, et je suis certain que les témoins pourront vous le confirmer lors de vos diverses réunions.
Les gouvernements fédéraux successifs doivent être félicités de leurs importants investissements dans le domaine scientifique.
Cependant, comme beaucoup l'ont rappelé, le monde a changé et nous avons besoin d'un cadre ou d'une politique scientifique au Canada qui encourage la science à être un moteur important de l'économie du savoir et à relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Il me semble qu'il y a eu des discussions à ce sujet au cours de la première heure.
De cette façon, nous encouragerions le côté de la demande de la science ainsi que le côté de l'offre. À mon avis, ce cadre scientifique nous aiderait à reconnaître plusieurs points.
Aujourd'hui plus que jamais, il nous faut rajeunir les activités scientifiques du gouvernement pour contribuer à la réglementation et aux normes complexes de notre société et aux négociations commerciales dans un monde de plus en plus protectionniste et, plus récemment, instable sur le plan géopolitique.
Nous devons encourager la mégascience dans des domaines soigneusement choisis et financer les activités fondamentales à 100 %. Le financement de contrepartie de la mégascience n'a tout simplement pas de sens.
Nous devons tirer des leçons de la pandémie pour appliquer nos connaissances scientifiques à des mesures préventives et pour développer des chaînes d'approvisionnement sûres et essentielles au pays, pas seulement dans le domaine de la santé. Nous l'avons appris clairement pendant la pandémie.
Nous devons mettre au point un système de prévision scientifique en collaboration avec le Conseil des académies canadiennes et d'autres parties prenantes afin de cerner les sciences émergentes qui misent sur la force et favorisent la compétitivité du Canada.
Nous avons au moins trois solitudes au Canada: le gouvernement, l'industrie et le milieu universitaire. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour établir un lien entre l'excellente science que nous faisons et le reste du système d'innovation, les défis auxquels nous sommes confrontés au pays et, par conséquent, notre sécurité et notre prospérité.
Il est temps de prendre les choses au sérieux. Il n'y a aucune raison pour que nous ne puissions pas tirer parti de l'intensité que nous avons apportée au programme spatial pour relever des défis comme les changements climatiques, notre système de santé, notre défense, nos océans, la durabilité dans une économie de plus en plus mondiale et d'autres encore.
Le Canada jouit depuis longtemps de ressources naturelles abondantes, d'une géographie attrayante et d'un accès favorable aux marchés nord-américains.
Cependant, malgré d'excellentes données scientifiques, nous avons vendu des matières premières pour acheter de la technologie.
Cela a mené à une complaisance concurrentielle, particulièrement depuis une vingtaine d'années, et a laissé le pays à la traîne en matière d'innovation, de productivité et, en particulier, d'investissement des entreprises dans la recherche et le développement.
Nous devons récupérer la souveraineté économique de notre pays, et j'ai hâte de voir les recommandations de votre Comité sur la façon dont notre excellente science peut nous aider à ouvrir la voie.
Merci.
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Je suis très heureux de me joindre à vous ce soir. Je salue chacun d'entre vous, du territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin. Je lui témoigne ma gratitude pour son intendance.
Je suis professeur de biologie à l'Université d'Ottawa, chercheur en écologie, titulaire de la chaire de recherche, ancien président d'une société scientifique et membre exécutif du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. J'ai longtemps travaillé dans le domaine scientifique pour éclairer les politiques et soutenir la science. Qui plus est, je suis un parent qui se soucie du monde dont mes enfants hériteront. Comme chacun d'entre vous, je porte de nombreux chapeaux. Comme tout le monde ici ce soir, je fais de mon mieux pour changer les choses en bien pour autrui.
Il y a un long chemin à parcourir pour devenir scientifique. Il est franchement difficile d'obtenir un diplôme de premier cycle en science. Ce diplôme aboutit souvent à un projet de recherche qui donne un avant-goût des exigences à remplir dans le domaine de la découverte. Il est facile de douter de soi au cours de ces années difficiles. Vais‑je découvrir quelque chose? Ai‑je ce qu'il faut? Et que se passera‑t‑il ensuite?
Pour un chercheur en formation, ce qui vient ensuite, c'est l'école supérieure. Pour beaucoup, cela signifie un doctorat. Le meilleur pont entre un diplôme de premier cycle et un diplôme d'études supérieures est une bourse d'études d'un conseil subventionnaire fédéral. Ces bourses aident énormément, mais elles tombent de plus en plus loin sous le seuil de la pauvreté. Elles sont aussi incroyablement difficiles à obtenir.
L'hyperconcurrence qui en résulte impose un filtre qui empêche de nombreuses personnes talentueuses de poursuivre leur rêve de contribuer à la science. J'ai tiré le terme « hyperconcurrence » du récent rapport sur les recherches du Conseil des académies canadiennes sur la corruption au Canada. Cela signifie simplement que la concurrence est si féroce que d'excellentes personnes sont exclues de manière arbitraire.
Une étudiante qui termine son doctorat est habituellement à la fin de la vingtaine, loin de devenir une scientifique indépendante. Elle passera bien des années encore comme chercheuse postdoctorale, ce qui exige toujours plus de demandes de bourses hyperconcurrentielles. Et voilà qu'elle se retrouve dans la trentaine, au bas mot. Si elle trouve un poste de chercheuse, elle devra obtenir plus de financement. De ces fonds, 60 % vont directement au soutien aux étudiants. Pour soutenir sa carrière, elle va devoir publier fréquemment ses découvertes et celles de son équipe dans des revues de recherche prestigieuses, ce qui est un privilège extrêmement dispendieux.
Il y a des tas de portes à franchir avant de devenir scientifique. Chacun d'entre nous vit ces passerelles, ces filtres, différemment. Je n'ai pas eu droit à des épithètes racistes haineuses en prenant l'autobus, comme certains de mes étudiants. Lorsque j'assiste à des réunions, je n'ai pas besoin d'esquiver tout contact physique non désiré dans les couloirs. Et pourtant, de telles choses, et pire, peuvent être une réalité pour certains dans notre milieu. Le travail acharné que nous faisons pour favoriser l'inclusion doit se faire dans les conseils subventionnaires, dans les institutions et dans nos laboratoires.
Pourtant, il y a de nombreux moments extraordinaires qui font du métier de scientifique la carrière la plus valorisante que je puisse imaginer. Les moments de découverte et d'apprentissage font que toutes ces années de formation et d'effort vaillent la peine. Pour moi, la découverte de façons dont les changements climatiques poussent les espèces vers l'extinction a profondément trouvé écho, et a également proposé des solutions. Le fait de diriger des étudiants dans le cadre du programme de conservation Serengeti a changé ma vie et celle de mes étudiants.
Les scientifiques jouissent d'une confiance extraordinaire de la part de la société. Cette confiance est à la fois sacrée et provisoire, et elle a besoin d'un renouvellement constant. La science citoyenne, qui mobilise les collectivités pour qu'elles participent à la collecte de données, est un excellent moyen d'y parvenir. Nous avons commencé à élaborer de tels programmes dans mon laboratoire il y a plus d'une décennie, en commençant par les papillons canadiens. Comment voulez-vous que les gens remettent en question des preuves qu'ils ont recueillies eux-mêmes?
Le Canada a besoin que ses scientifiques restent engagés et parlent avec passion et humilité des mystères de la nature que nous étudions. Ainsi, dans votre étude de la science et de la recherche au Canada, j'espère que vous vous souviendrez que ce sont nos chercheurs qui rendent la science canadienne extraordinaire. Tant que l'hyperconcurrence et les préjugés étoufferont ou excluront l'excellence, nous raterons des occasions de mettre tous nos talents au service des défis et des mystères déterminants de notre époque.
Sur ce, je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole ce soir.
Bonsoir, madame la présidente, mesdames et messieurs. Aujourd'hui, je veux discuter du rôle que jouent nos membres dans les sciences et la recherche au nom de nos 142 collèges, cégeps, instituts et écoles polytechniques financés par l'État.
[Français]
Comme 95 % des Canadiens et 86 % des peuples autochtones vivent à moins de 50 kilomètres d'un campus collégial, nos membres sont profondément ancrés dans leurs communautés. Ils sont des partenaires de confiance de la communauté et de l'industrie, et ils servent de porte d'entrée locale à l'écosystème de l'innovation. Nos membres contribuent de deux façons essentielles au développement de la science au Canada. Premièrement, nous préparons les étudiants à des carrières dans les domaines des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques. Parmi les programmes offerts par nos membres, environ 1 500 sont des programmes scientifiques, et un certain nombre d'autres programmes intègrent aussi naturellement du contenu scientifique. Ces programmes répondent aux besoins de l'économie locale en fournissant aux étudiants et aux étudiantes des compétences et une formation qui les rendent prêts à travailler.
[Traduction]
Deuxièmement, les collèges du Canada proposent une forme unique de recherche appliquée. La recherche appliquée est un élément essentiel de l'écosystème de recherche du Canada, qui utilise le processus de découverte pour résoudre des problèmes pour des partenaires, souvent des entreprises, en particulier petites et moyennes. Notre approche scientifique et nos recherches axées sur les entreprises rendent le Canada plus productif, plus concurrentiel et plus résilient.
Notre approche est unique à trois égards: la question de la recherche est formulée par le partenaire; le partenaire conserve la propriété intellectuelle; et nous élaborons des solutions rapidement, 85 % des projets étant terminés en moins d'un an.
[Français]
Les petites ou moyennes entreprises, ou PME, trouvent notre approche particulièrement attrayante, puisqu'elles représentent environ 70 % des partenaires de la recherche appliquée. Au cours des 10 dernières années, les investissements dans la recherche appliquée ont augmenté de façon notable. Premièrement, les revenus ont doublé, puis, deuxièmement, le financement du secteur privé correspond dollar pour dollar aux investissements fédéraux. Par exemple, en 2019‑2020, plus de 8 000 entreprises ont reçu du soutien d'un collège, que ce soit de l'expertise technique, de l'équipement ou encore de l'accès à une main‑d'œuvre talentueuse. Plus de 42 000 étudiants ont participé à la recherche appliquée et plus de 5 500 nouveaux processus, produits ou prototypes et services ont été développés.
[Traduction]
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, Don Lovisa, président du Collège Durham.
Madame la présidente, c'est un privilège pour moi de comparaître devant vous pour représenter le Collège Durham et parler de l'impact de la recherche appliquée.
Nos partenaires de recherche apprécient notre collaboration parce qu'ils savent que nous pouvons offrir des solutions pertinentes et opportunes et qu'ils en détiendront la propriété intellectuelle.
Un exemple d'entreprise avec laquelle nous nous sommes associés pendant la pandémie est 4Pay Inc., une entreprise de technologie financière spécialisée dans les portefeuilles numériques. Le centre d'intelligence artificielle du Collège Durham l'a aidée à créer un outil de gestion optimisé pour gérer les cartes-cadeaux dans le portefeuille numérique exclusif de l'entreprise.
Autre exemple, ConnexHealth Inc., une entreprise pionnière de la prestation de soins à la personne qui dessert des aînés partout au pays. Le centre d'intelligence artificielle du Collège Durham a aidé l'entreprise à configurer son service de santé numérique pour aider les clients à faire des choix afin d'optimiser l'horaire et la prestation des services.
Nous sommes toujours reconnaissants envers nos principaux bailleurs de fonds pour nos recherches: le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil national de recherches du Canada. Le soutien à la commercialisation est toutefois limité dans le contexte de financement actuel. Sans aide, les entreprises peuvent avoir de la difficulté à franchir les diverses étapes, dont la conformité aux exigences réglementaires, la certification, la recherche de partenaires d'investissement solides, les ventes, le marketing, la fabrication et la distribution. L'absence de soutien pour les petites et moyennes entreprises est un facteur qui freine leur succès. Les ressources locales pour soutenir la croissance sont limitées, et les collèges ne bénéficient d'aucune autre ressource au‑delà du financement des projets.
Pour l'avenir, nous explorons la possibilité de créer un centre d'innovation axé sur les métiers, qui serait le premier dans son genre, et qui établirait un nouveau lien intéressant entre les divers métiers afin de collaborer et d'élaborer de nouvelles solutions pour l'industrie.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous ce soir. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins d'être ici ce soir. Ayant débuté ma carrière d'ingénieure chimiste dans la recherche, séparant des membranes de fibres creuses pour des reins artificiels en dialyse, j'apprécie d'autant plus toutes vos contributions.
J'aimerais commencer par vous, monsieur Winter. Si je regarde ce qui s'est passé au cours des dernières années, nous avons éliminé le ministère des Sciences, les 4 milliards de dollars de financement supplémentaire proposés dans le rapport Naylor n'ont jamais fait surface, et nous avons investi dans les supergrappes, mais pas vraiment dans la participation à l'innovation mondiale, me semble‑t‑il.
Qu'aimeriez-vous que le gouvernement fédéral fasse pour vraiment stimuler l'innovation au Canada?
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Je crois qu'en ce qui concerne ce que nous dépensons actuellement dans les domaines des sciences, de la technologie, de la recherche et du développement, nous devons en avoir plus pour notre argent. Nous en avons discuté pendant la première heure.
Au‑delà de cela, je crois que nous devons reconnaître que nous sommes l'un des seuls pays de l'OCDE à avoir réduit d'année en année, dans une certaine mesure, notre investissement total dans la recherche et le développement ainsi que dans la science et la technologie, que ce soit du côté de l'enseignement supérieur, du gouvernement ou des entreprises, mais surtout du côté des entreprises. Notre investissement total, si vous voulez, est d'environ 1,6 % du PIB. La moyenne de l'OCDE est d'environ 2,6 %. C'est une différence de 1 %, ce qui représente quelque 26 milliards de dollars.
Ce n'est pas au gouvernement de financer cela, mais il doit créer un climat où des montants aussi élevés soient dépensés pour des produits de plus grande valeur. Ce n'est qu'en ayant des produits de grande valeur que nous pourrons atteindre la productivité et les revenus qui en découlent.
Je pense que ce qu'il faut avant tout, c'est en avoir plus pour notre argent. Ensuite, il s'agira de réunir le gouvernement, le milieu universitaire et l'industrie dans des centres d'excellence. Dans mes rapports pour le gouvernement de la Colombie‑Britannique, il a été question de recommandations sur la façon de le faire à l'échelle provinciale et d'encourager la participation active non seulement des universités, mais aussi des collèges, du milieu des affaires et du gouvernement ainsi que d'autres intervenants, à des centres d'excellence qui seraient en mesure de soutenir la concurrence sur la scène mondiale.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous ce soir. Votre témoignage a été très utile et apprécié.
En ma qualité de député de la Colombie‑Britannique, j'aimerais commencer par M. Winter. Je représente la belle circonscription de Coquitlam—Port Coquitlam, alors nous sommes pratiquement voisins
J'ai apprécié le sondage que vous avez fait sur votre histoire, la vaste portée de votre expérience et ce que vous apportez à la table. Dans votre liste, un élément principal, le premier point, c'est que nous devons « rajeunir la science gouvernementale ».
Ces quelques mots semblent couvrir un vaste territoire. J'aimerais que vous nous en disiez davantage.
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Je pense que les travaux scientifiques du gouvernement ne sont pas vraiment appréciés au pays et ce, pour diverses raisons, dont le fait que la plupart sont confiés à des sous-traitants, nous privant ainsi de certains des avantages dont nous avons besoin dans les négociations nationales, comme celles auxquelles j'ai participé sur le spectre dans le monde des satellites. Notre pays n'aurait pu s'en tirer aussi bien qu'il l'a fait sans l'aide des scientifiques du gouvernement qui nous ont fourni des renseignements de base et assuré la liaison avec les principaux décideurs à l'époque.
Au Canada, nous consacrons environ 0,13 % du PIB aux activités scientifiques du gouvernement, et la moyenne de l'OCDE est d'environ 0,25 %, soit environ le double — ce n'est pas nécessairement un montant énorme, mais il représente tout de même quelque 2,5 milliards de dollars par année.
Il suffit de songer à tous les domaines où nous avons des défis à relever dans ce contexte, pas seulement le commerce et les télécommunications, mais aussi la santé, comme nous l'avons vu, l'économie, notre défense internationale, nos programmes dans l'Arctique, et ainsi de suite, pour comprendre que nous avons besoin de gens au gouvernement qui maîtrisent les données scientifiques et qui peuvent fournir de bons conseils, parfois confidentiels. C'est la voie que nous devrions prendre.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Permettez-moi de saluer les témoins qui se joignent à nous ce soir.
Ma première question s'adressera à Mme Amyot, de Collèges et instituts Canada.
Madame Amyot, c'est un plaisir renouvelé de vous voir ce soir et d'échanger avec vous. Je vous remercie de votre présence.
J'ai bien pris connaissance des recommandations que vous avez déposées au Comité permanent des finances dans le cadre des consultations prébudgétaires. Il y a un élément qui me frappe réellement, soit la question du financement dans la recommandation 4. Vous y mentionnez un financement de 40 millions de dollars par année, de manière permanente et récurrente, pour « développer la capacité de recherche appliquée des collèges et instituts ».
Pouvez-vous nous parler davantage de cette recommandation?
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Merci, madame la présidente.
J'allais m'adresser à M. Kerr au sujet des bourses d'études, car plusieurs témoins nous en ont parlé, et je pense que c'est important. C'est une politique sur laquelle le gouvernement doit vraiment se pencher. Mais comme Mme Gladu lui a posé la question avant moi, je vais passer à autre chose.
Vous avez parlé de la science citoyenne. Comme vous le savez peut-être, c'était une grande partie de ma vie avant que je me consacre à la politique. J'ai participé à l'élaboration de programmes de science citoyenne pour aborder la question, en particulier en ce qui a trait à l'analyse des tendances des populations d'oiseaux et à la mise à profit de l'expertise et de l'enthousiasme des ornithologues partout au pays. J'avais quelque 20 000 personnes qui travaillaient pour moi pour l'amour de l'art — des gens qui en savaient plus sur les oiseaux que les scientifiques — de vrais scientifiques, je suppose.
Je me demande si vous pourriez nous en dire plus à ce sujet, car je pense que la science citoyenne est une partie très importante de la recherche au Canada, et cette étude est peut-être le seul endroit où elle est mentionnée, alors j'aimerais vraiment en savoir plus sur ce que vous pensez de la science citoyenne et où elle pourrait nous mener.
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Madame la présidente, j'aimerais dire que le député Cannings et toute sa famille sont en quelque sorte des superhéros de la science pour le reste d'entre nous, et leurs contributions sont tout simplement incroyables.
C'est vraiment un plaisir d'avoir l'occasion de discuter avec vous de ces choses.
La science citoyenne met le processus de collecte de données, et parfois même les complexités de l'analyse des données, entre les mains des membres de nos collectivités. Nous parlons parfois de science participative. C'est l'une des façons dont nous pouvons ouvrir les portes de la tour d'ivoire et nous assurer que la lumière entre, mais aussi que les idées entrent dans la tour d'ivoire. Cela fonctionne dans les deux sens. Nous voulons que tout le monde puisse avoir une conversation sur des questions qui sont pertinentes dans leur collectivité ou qui les passionnent personnellement.
Je pense que nous savons tous les deux qu'il n'y a pas de groupe de naturalistes plus passionnés que les ornithologues. Des choses comme les relevés et les atlas des oiseaux nicheurs ont permis à des dizaines de milliers de personnes sur plus d'un demi-siècle — près de 60 ans maintenant, si ma mémoire est bonne — de surveiller ce qui se passe et de détecter que le monde change de façon à toucher non seulement les gens, mais aussi la nature.
C'est la science citoyenne qui a rendu cela possible, et non pas nous, les scientifiques de la tour d'ivoire. Nous aurons beau déployer des efforts, il n'y a pas comme le pouvoir de nos collectivités pour pénétrer dans la nature et détecter tout changement.
Je dois dire que, bien que mes prédispositions personnelles à ce sujet soient très fortement axées sur la diversité biologique, il existe de nombreuses applications de la science citoyenne qui vont bien au‑delà du dénombrement des oiseaux ou des papillons. Des initiatives comme l'examen de l'état des ponts, par exemple, feraient un excellent programme de science citoyenne, ou encore la détection des risques de la maladie de Lyme. Il y a un million d'activités possibles. La science citoyenne met ce pouvoir entre les mains de nos collectivités, et je pense que c'est une très bonne idée.
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Je pense que mes commentaires sur la somme totale d'argent que notre pays investit dans la recherche et le développement s'appliquent non seulement au gouvernement, mais aussi aux entreprises. Donc, une partie de ce que nous devons faire au gouvernement — et cela faisait partie de mon travail auprès du gouvernement de la Colombie-Britannique —, c'est de déterminer comment créer un climat propice à attirer des entreprises désireuses d'investir dans la propriété intellectuelle, dans de nouveaux produits, etc., ici au Canada.
Prenons, par exemple, l'industrie forestière. Bon nombre des entreprises qui œuvrent dans ce secteur au pays se sont très bien débrouillées au fil des ans, mais ce sont en fait des entreprises de bois d'œuvre; elles exportent du bois d'œuvre. Si vous regardez les entreprises forestières d'autres pays, elles ont généralement gravi les échelons de la chaîne d'approvisionnement et de la chaîne de valeur ajoutée en produits chimiques, en fibres, en matériaux de différents types, etc. Tout cela parce que le gouvernement, le milieu universitaire et l'industrie se sont réunis et ont décidé, pour la Finlande, la Nouvelle-Zélande ou d'autres pays, que c'était vraiment important pour leur pays. Si nous réussissons à réunir ces groupes, nous pourrons alors nous concentrer sur la demande pour le pays, mais aussi sur l'exportation. Encore une fois, dans le secteur des ressources naturelles, nous n'avons généralement pas développé la capacité d'exporter une grande partie de l'expertise liée, par exemple, à l'exploitation minière. En Australie, le PIB par habitant généré par les services que l'industrie minière fournit au reste du monde est en fait plus élevé que celui des ressources naturelles exportées par ce pays.
Nous devons être en mesure d'utiliser les ressources dont nous disposons de la façon la plus efficace possible. La seule façon de s'y prendre, à ma connaissance, c'est d'en faire une priorité dans une province ou au sein d'un gouvernement et de pouvoir réunir l'industrie, le milieu universitaire et le gouvernement pour nous assurer que tous les outils dont nous disposons appuient le domaine dans lequel nous comptons investir. C'est du développement économique pour vrai. Ce qui nous manque, en fait, c'est une conjoncture favorable aux investissements que nous voulons faire.
Je n'ai peut-être pas répondu à toutes vos questions, mais voilà au moins pour une partie.
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Merci. C'est une excellente question, et je suis heureux que le Comité en ait été saisi.
Il y a eu énormément de progrès dans ce dossier au cours des dernières années. Je pense que nous avons assisté au début d'une révolution en vue de créer un environnement de recherche plus inclusif pour tout le monde au Canada. Les raisons pour lesquelles nous y tenons sont on ne peut plus simples.
Tout d'abord, il y a des questions de justice fondamentale. Nous ne voulons pas participer à quelque injustice que ce soit, et qui dit exclusion, dit injustice. C'est inacceptable. De plus, d'un point de vue stratégique, l'inclusion signifie que nous avons mis toute notre excellence au service des problèmes de notre époque, et c'est important.
Ce qui s'impose et qui a en fait commencé à se faire de manière très appréciable dans le paysage canadien, c'est de veiller à ce que toute notre collectivité sache ce que signifie former et exploiter un laboratoire de recherche de façon inclusive. Mme Duncan, à titre de ministre des Sciences, a supervisé des changements non négligeables, notamment au niveau de l'administration des subventions, moyennant l'introduction d'un critère selon lequel il nous faut reconnaître explicitement le besoin d'offrir une formation réfléchie qui tient compte des différences individuelles ainsi que des obstacles systémiques potentiels.
Ce n'est qu'un exemple de progrès, et je pense que c'est important, mais si nous devions signaler les principaux obstacles, je dirais que l'une des pires choses à surmonter, ce sont les mauvaises habitudes. C'est une autre façon de dire que c'est vraiment la partie la plus difficile à régler.
Il s'agit de pratiques culturelles très ancrées qui ont configuré nos façons d'aborder des situations qui remontent à une époque révolue, et nous devons revoir notre façon de penser. Les microagressions, par exemple, peuvent être conséquentes, voire traumatisantes pour certaines personnes. Le fait que, dans certaines cultures, il est très difficile de poser une question à un haut responsable signifie que nous devons tenir compte de cela lorsque nous essayons de comprendre ces gens et de communiquer avec eux.
Il faut nous assurer de maintenir la pression et, en essayant de surmonter les obstacles à un environnement de recherche vraiment inclusif, nous devons penser à toutes les personnes et à toute l'excellence qu'elles représentent, ce qui peut aider à résoudre les problèmes auxquels nous sommes tous confrontés.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais poursuivre de ce pas mes questions en m'adressant à Mme Amyot, de Collèges et instituts Canada.
Madame Amyot, je tente de faire comprendre au Comité ce que sont les CCTT, les centres collégiaux de transfert de technologies et de pratiques sociales novatrices. C'est une innovation québécoise qui vient de chez nous, dans le Bas‑Saint‑Laurent. On voulait répondre à des besoins précis dans le domaine de la recherche appliquée, notamment pour l'entreprise Bombardier.
Il y a 59 CCTT dans les différentes régions du Québec, à l'heure actuelle. En 2010, le modèle québécois a donné l'idée au Canada, notamment, de mettre sur pied les centres d'accès à la technologie, ou CAT. Cependant, on remarque que les CCTT ne sont pas encore reconnus au même titre que les CAT sur le plan du financement. Dans le reste du Canada, les CAT reçoivent 350 000 $ de financement, tandis que les CCTT, au Québec, reçoivent seulement 100 000 $...