Soyez les bienvenus à la 29e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
Cette réunion adopte une formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022: des membres y assistent en personne dans la pièce, d'autres le font à distance, grâce à l'application Zoom.
Conformément à l'alinéa 108(3)(i) et à la motion adoptée par le Comité le lundi 26 septembre 2022, nous poursuivons l'étude sur les scientifiques citoyens.
Voici quelques conseils à l'intention des témoins et des membres.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous l'aie nommément accordée. En visio, pour activer votre microphone, veuillez cliquer sur l'icône qui le représente, puis, entre vos prises de parole, veuillez l'inactiver.
Petit rappel: adressez vos observations à la présidence.
Je ferai de mon mieux pour éviter les dépassements de temps. Si vous — particulièrement les témoins — me voyez vous faire signe d'accélérer vers la fin de votre exposé de cinq minutes, apprêtez-vous à conclure. Sans vouloir vous offenser, nous sommes tenus d'entendre tous les témoins et de poser toutes les questions aujourd'hui.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que les témoins se sont préalablement pliés aux tests exigés de connexion.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux invités de notre comité. Nous entendrons d'abord la déclaration de Mme Moran, qui dispose de cinq minutes.
Madame Moran, à vous la parole.
:
Merci beaucoup de votre invitation. Je suis la présidente-directrice générale d'Ocean Networks Canada, que j'appellerai dorénavant ONC.
Nous exploitons l'un des plus grands centres de recherche du Canada, qui est financé par la Fondation canadienne pour l'innovation et le gouvernement du Canada.
Nous exploitons des observatoires océaniques câblés de pointe, dans les eaux canadiennes des océans Pacifique, Arctique et Atlantique, pour collecter et livrer en temps réel des données océanographiques à la science, à la société et à l'industrie. Grâce à notre système Oceans 3.0, ces données sont collectées sous toutes les formes, puis, après assurance de leur qualité, archivées et offertes en libre accès.
Après 17 années d'existence et de croissance, ONC répond aux besoins de plus de 22 000 utilisateurs du Canada et du reste du monde. Nous hébergeons actuellement 12 000 capteurs, dont beaucoup ont été fabriqués au Canada, et nous stockons actuellement plus de 1,2 pétaoctet de données, un monument archivistique qui est une ressource océanographique.
Le Canada possède le littoral le plus long du monde, 250 000 km, soit plus de six fois la circonférence de la Terre à l'équateur. Vu cette échelle de grandeur, les menaces inédites du changement climatique et le rôle particulier de l'océan dans la régulation de notre climat pour rendre la Terre habitable, les scientifiques citoyens contribuent à combler une lacune importante dans la compréhension de notre océan changeant, de ses répercussions et des moyens de les atténuer et de s'y adapter.
ONC a lancé ses programmes scientifiques citoyens en 2012, en déployant son premier observatoire câblé dans la baie Cambridge, au Nunavut. Tout en faisant appel à la communauté pour concevoir ce premier observatoire en son genre, ONC a appris que la communauté était avide d'informations en temps réel, particulièrement sur l'épaisseur de la glace de mer, dans un souci de la sécurité de ses membres, puisque le changement climatique avait rendu périlleux et imprévisibles les déplacements sur cette glace. Nous avons donc intégré un profileur de la glace de mer dans l'observatoire. Cette année‑là, la première, nous étions tous désireux de savoir si cet observatoire résisterait au rude environnement de l'Arctique. Je suis heureuse de vous dire qu'il y est parvenu, jusqu'à maintenant même. Dès ce premier jour, l'observatoire a fourni en temps réel des données sur l'épaisseur de la glace de mer à la communauté. Les données de tous les instruments présentent un intérêt particulier pour les jeunes de la communauté qui font régulièrement appel à la science d'ONC pour les analyser et comprendre le visage changeant que leur présente l'océan.
La réussite obtenue par ONC dans la baie Cambridge lui a ouvert des portes pour collaborer avec d'autres communautés côtières et mettre sur pied des projets de science citoyenne en de nombreux autres endroits. Les citoyens font d'excellents scientifiques, parce qu'ils comprennent que leurs données sont utiles à la prise de décisions locales et parfois nationales. Pour compléter les observatoires des communautés, ONC a créé le programme pour les pêcheurs des communautés, qui consiste à confier des instruments scientifiques aux citoyens. Beaucoup d'exploitants locaux de bateaux, de navigateurs et de citoyens bénévoles collectent régulièrement des données océanographiques pour guider la gestion responsable de l'océan. ONC appuie maintenant 37 observatoires communautaires et programmes de science citoyenne, principalement avec la collaboration de partenaires autochtones, sur les côtes des trois océans qui baignent le Canada. Nous prévoyons que leur nombre continuera d'augmenter.
Ces systèmes locaux d'observation complètent les activités régionales et mondiales de recherche sur la mer tout en donnant à de nombreux habitants des régions côtières, notamment des propriétaires d'entreprises autochtones, des communautés entières et les jeunes, l'occasion de s'instruire, de se former et de multiplier leurs contacts.
Des facteurs clés de réussite prouvent la valeur de ces programmes. Cette réussite repose incontestablement sur la clarté des rôles dans les partenariats et la compréhension des besoins particuliers des communautés. Un autre facteur est le respect de la souveraineté des Autochtones sur les données et l'application des principes de propriété, de contrôle, d'accès et de possession, les principes de PCAP. Les données doivent être fournies en libre accès aux communautés locales pour leur récupération facile, et leur qualité doit être maximale. Il importe également d'appuyer les citoyens qui souhaitent participer aux programmes. Dans notre cas, l'appui pourrait aller jusqu'à financer l'acquisition d'un bateau pour la communauté, qui servirait à collecter les données, ou à indemniser un participant dévoué de la communauté pour son temps précieux.
ONC a constaté que les scientifiques citoyens sont un groupe important d'acteurs qui contribue à combler les lacunes de nos connaissances de l'océan. Des programmes comme le Plan de protection des océans et le Fonds de restauration et d'innovation pour le saumon et, désormais, les objectifs du Canada pour la conservation des océans, qui seraient une trentaine d'ici à 2030, profiteraient beaucoup d'un élargissement de la conscience citoyenne dans laquelle de nombreuses communautés autochtones sont vraiment les intendants du littoral canadien. De tels programmes maintiennent le Canada comme chef de file en océanologie et fournissent des renseignements essentiels à la lutte contre les répercussions du changement climatique sur toutes nos côtes.
De retour depuis peu du 5e Congrès international sur les aires marines protégées, je suis en mesure d'affirmer que je considère le Canada comme le véritable chef de file mondial de la science citoyenne autochtone.
Merci beaucoup de votre temps.
:
Bonjour à tous. Je me nomme Jason Hwang. Je viens témoigner en ma qualité de vice-président chargé des programmes du saumon à la Fondation du saumon du Pacifique.
Je tiens à remercier le Comité de son invitation.
Avant mon arrivée à cette fondation, il y a quatre ans, j'ai travaillé 25 ans au ministère des Pêches et des Océans. Toutes ces années et jusqu'à maintenant, j'ai collaboré avec des scientifiques citoyens que j'ai appuyés. J'éprouve un profond respect et une immense gratitude pour leur travail.
Essentiellement, j'entends démontrer que le Canada néglige un potentiel énorme et inexploité en ne mobilisant pas les scientifiques citoyens, particulièrement dans les régions où le public s'intéresse naturellement à telle ou telle question. Pour l'expliquer, permettez que je prenne le hockey comme exemple des moyens qu'il mobilise pour y faire éclore les capacités et les talents dans nos communautés.
Pourquoi le Canada excelle‑t‑il dans ce sport? Parce qu'il possède les meilleurs joueurs et les meilleurs entraîneurs. D'où viennent‑ils? Ils sont issus de nos programmes de hockey dans les communautés. Chaque hockeyeur ou entraîneur canadien a d'abord été un joueur dans la communauté. Le hockey est davantage que les seuls joueurs de la Ligue nationale de hockey. C'est plutôt tout le réseau de bénévoles, d'amateurs et de professionnels qui ont tous un rôle dans l'excellence inégalée du Canada.
Il en va de même de la science. Elle a ses professionnels dans nos universités et nos organismes publics, mais il se trouve également des non‑professionnels dans nos communautés, qui peuvent être des maillons importants d'un réseau élargi et d'un système qui peut abattre plus de travail, étudier davantage de phénomènes et résoudre plus de problèmes que les professionnels ne le peuvent à eux seuls. Le Canada est un pays immense, et ses professionnels ne peuvent s'affairer partout à tout, mais certains de ses citoyens se trouvent au bon endroit pour participer à l'effort général. Nos équipes de hockey sont épatantes grâce à la mobilisation et à l'appui importants des communautés; nous pouvons répéter cette dynamique dans la science.
Comment appuyer et amplifier la capacité de la science citoyenne au Canada?
D'abord, il faut une stratégie et un système, mais pas des idées ou un financement improvisés que nous saupoudrons sans méthode en espérant pour le mieux. Ensuite, il faut apprendre aux gens à être utiles. Il faut les guider et les diriger un peu. Puis il faut transformer leur travail en quelque chose d'utile. À qui est‑il destiné? Comment peut‑il servir? Enfin, nous devons montrer que ce travail est important, estimé et apprécié. Nous devons faire acte de présence, prendre connaissance de ce qu'ils font et les remercier.
Le gouvernement fédéral, en général, n'est pas aussi bien placé pour mobiliser directement les scientifiques citoyens, mais il peut se servir d'organismes d'appui pour démultiplier le travail de la science citoyenne. Par exemple, notre fondation collabore depuis 35 ans avec l'administration fédérale et la province, des organismes des Premières Nations et des groupes communautaires. Nous avons une capacité à la fois administrative, scientifique et technique qui nous aide à relier le financement et les priorités fédérales à des programmes ayant des effets et des avantages importants pour les intérêts des communautés. Chaque dollar consacré à ces projets en crée à peu près 7, grâce aux efforts démultipliés des bénévoles dans les communautés.
Voici un exemple, révélé par notre travail, du genre de conséquences susceptibles de découler de notre mobilisation des scientifiques citoyens. Nous avons formé un partenariat avec le laboratoire Francis Juanes, à l'université de Victoria, pour l'étude du régime alimentaire du saumon adulte, et voici comment ça fonctionne. Quand des pêcheurs à la ligne bénévoles et scientifiques citoyens attrapent un saumon, ils en font parvenir l'estomac aux chercheurs du laboratoire qui en trient et en analysent le contenu. Ils obtiennent ainsi une représentation de ce dont le saumon se nourrit au fil des saisons de même que de la taille, du type et de la répartition géographique de ses poissons-proies.
Comme les échantillons sont prélevés par des pêcheurs bénévoles répartis sur toute l'aire du saumon, le programme s'est révélé efficace pour surveiller et suivre l'évolution des populations de poissons-proies dans la mer des Salishs. Du point de vue de la recherche et de la conservation, les résultats sont utiles à une meilleure compréhension des stocks de poissons-proies qui sont des sources essentielles de nourriture pour notre saumon sauvage. Le programme est également précieux, parce qu'il mobilise les pêcheurs sportifs et accroît leur compréhension de la science et leur enthousiasme pour elle. Ce projet merveilleux fournit des données qu'on ne pourrait se procurer par les méthodes ordinaires de la science.
Je vous laisse sur cette citation de Roméo LeBlanc, alors que, en 1978, il était ministre des Pêches et des Océans. Il s'exprimait sur le nouveau programme de mise en valeur des salmonidés de son ministère:
La véritable réussite de ce programme ne se mesurera pas tant par la longueur des frayères que par le respect des générations successives qui les fréquenteront ainsi que les cours d'eau à saumons… [C]e programme est un véritable investissement dans les Britanno-Colombiens — et non pour eux.
Ainsi inspirés, nous pourrons, si nous élaborons des stratégies et des systèmes pour appuyer la science citoyenne, mobiliser l'énorme potentiel inexploité de notre pays, puis accomplir plus de travail, étudier plus de phénomènes et résoudre plus de problèmes.
Merci.
:
Chaque communauté est différente. C'est ce que nous avons constaté. Il faut vraiment s'assurer d'instaurer un véritable dialogue avec elle. Chacune a ses propres priorités.
Par exemple, certaines, ici, sur la côte Ouest de la Colombie-Britannique, cherchent vraiment à comprendre le phénomène du bruit créé par la navigation et ses conséquences éventuelles sur les lieux de pêche ou à comprendre les populations de cétacés en haute mer.
Nous adaptons les méthodes de collecte des données à ces partenaires de manière à répondre à ces besoins. Bien sûr, ça nécessite de véritables discussions pour cerner le besoin essentiel de chaque communauté.
Je dois préciser que l'un des enjeux dominants qui semble omniprésent, universel, est la volonté, dans la plupart des communautés, de voir les jeunes comprendre les sciences, la technologie, le génie et les mathématiques.
:
C'est une grande question, mais je vais plutôt expliquer ce que peuvent faire, selon moi, les entités du gouvernement fédéral à cet égard. On peut considérer que ces entités sont très bien placées pour jouer un rôle de guide et de soutien en faisant concorder les priorités du gouvernement fédéral et les programmes de financement fédéraux avec les possibilités et les capacités qui existent dans le vaste réseau de scientifiques citoyens.
Par exemple, supposons que je m'intéresse à un ruisseau dans ma localité. Tous les jours, je pourrais prendre en note la température de l'eau à l'aide d'un moniteur de température — ou peut-être que ce serait seulement un thermomètre —, car on sait que la température des ruisseaux est en train de changer en raison des changements climatiques. La température est une information importante pour déterminer la qualité de l'eau et de l'habitat du poisson. Cependant, si je me contente de noter la température dans un cahier, que je conserve chez moi, et d'expliquer à quelqu'un ce que je fais, cela ne va rien donner.
Toutefois, si nous transmettons cette information grâce à un réseau aux personnes qui peuvent l'utiliser pour prendre de meilleures décisions et faire des investissements plus judicieux ou de meilleurs choix, nous pourrons ainsi appuyer la gestion et la conservation, et ce, sans qu'il en coûte un sou. Je serais heureux de me rendre tous les jours à ce ruisseau et de travailler avec mes voisins, sachant que je peux transmettre l'information à quelqu'un.
À l'heure actuelle, nous manquons d'organisation. Nous avons des programmes — notamment celui que vient de mentionner Mme Moran à titre d'exemple — qui existent depuis un certain temps et qui sont excellents, mais il pourrait y en avoir beaucoup plus. Nous pouvons comparer cela au hockey. Il existe de nombreuses équipes de hockey qui composent un grand réseau, mais il faut des gens pour organiser tout cela. L'organisation et le soutien à long terme, et non seulement consacrer 1 million de dollars à un nouveau programme en pensant que c'est fantastique, puis passer à autre chose... Il serait très utile d'offrir un peu de soutien et de la constance et d'organiser les choses.
:
Je vais répondre à votre deuxième question en premier. Oui, nous avons effectivement l'intention d'élargir les programmes de science citoyenne, particulièrement le programme s'adressant aux pêcheurs de la collectivité, afin que les collectivités côtières autochtones deviennent vraiment les gardiennes de nos côtes. Ce travail se fera dans le cadre des efforts visant les zones de protection marine, qui sont ambitieux et fantastiques. Le gouvernement fédéral vise 30 % d'ici 2030.
En ce qui a trait au financement annoncé par la — et j'étais ravie d'être présente lors de cette annonce —, il servira à bien des choses. Outre les programmes de science citoyenne et les observatoires côtiers, nous exploitons d'importantes infrastructures océaniques permettant de surveiller de nombreux aspects de l'océan.
Aux fins des priorités de Pêches et Océans Canada, nous cherchons à comprendre les courants océaniques, essentiellement pour contribuer à améliorer la sécurité maritime. Nous surveillons tous les aspects dans les endroits où nous avons des systèmes de capteurs, afin de comprendre les répercussions des changements climatiques sur nos océans et de recueillir des données sur le bruit océanique, qui a des effets négatifs sur les mammifères marins. Les données en temps réel sur le bruit océanique — et certaines des collectivités côtières recueillent ces données également — nous aident à atténuer l'impact sur les mammifères marins.
Ce sont là des exemples des nombreuses activités que nous menons grâce au financement que nous recevons — pour lequel nous sommes très reconnaissants — et des retombées de la recherche scientifique et des efforts déployés par le gouvernement du Canada.
:
Cela répond partiellement à ma question, monsieur Hwang.
Je vais vous aider un peu. Votre budget est de 11 millions de dollars — ce n'est quand même pas banal — dont 49 % viennent de soutien gouvernemental, dont celui du gouvernement fédéral.
J'ai remarqué que vous avez également un très beau site Internet. Ce qui m'a frappé, c'est que votre site Internet est seulement disponible en anglais. Je me demande comment vous croyez pouvoir mobiliser la population. À ma connaissance, il y a des communautés francophones en Colombie‑Britannique. Qu'est-ce qui explique le fait que vos communications, vos rapports, vos données et votre site Internet soient entièrement et uniquement en anglais?
N'êtes-vous pas tenus de le mettre en français?
Vous pouvez recevoir de l'argent du gouvernement fédéral, mais vous ne pouvez pas communiquer dans les deux langues officielles.
Dans ce cas-là, seriez-vous d'accord pour dire qu'il existe une inégalité concernant l'accès aux connaissances? Vous prenez de l'argent du gouvernement, c'est-à-dire l'argent des contribuables. Ces derniers sont majoritairement anglophones, mais aussi francophones, voire allophones, et ils n'ont pas accès aux connaissances au même titre que les anglophones.
Comment peut-on faire de la science citoyenne, si une partie de la communauté, dont les francophones, n'a pas accès à vos données, bien que vous soyez, je le rappelle, financés au moyen de fonds publics?
Je remercie les deux témoins pour leur présence ce matin.
Je vais d'abord m'adresser à M. Hwang.
Je vous remercie de soutenir avec passion la science citoyenne. La référence au hockey est utile, mais je…
Cette idée qu'il y a des Canadiens… De nombreux Canadiens aiment profiter de ce que le monde a à offrir et pratiquer diverses activités, qu'il s'agisse de la pêche, de l'ornithologie ou de la navigation de plaisance. Cette idée de veiller à ce que leurs activités… si nous pouvions seulement faire en sorte qu'elles servent à la réalisation d'études utiles.
Votre organisme aimerait en savoir davantage au sujet de l'environnement et de l'habitat du saumon. Dans quelle mesure travaillez-vous à la création de programmes à cet égard? Disons, par exemple, un programme pour mesurer la température des ruisseaux et des rivières.
Je présume que ce genre de programmes évoluent constamment et sont créés par votre organisme. C'est le pouvoir que vous avez.
:
Monsieur Cannings, je vous répondrais que oui.
J'aimerais aller au‑delà de ce que les gens pensent habituellement lorsqu'on parle de la science citoyenne. La science citoyenne est un bon terme, mais il n'y a pas lieu de se limiter à la science. On peut parler de l'intendance citoyenne et de la participation citoyenne. On peut inclure des activités qui pourraient être reliées à la science.
La Fondation du saumon du Pacifique ne travaille jamais seule. Nous travaillons toujours en partenariat et en collaboration avec d'autres et particulièrement avec des organismes communautaires. Sur le plan opérationnel, la Fondation s'emploie de plus en plus activement à faire participer des collectivités des Premières Nations et le vaste réseau d'autres gardiens qui souhaitent réellement travailler à la protection des ressources naturelles de notre région du pays.
Monsieur Cannings, je dirais que des personnes comme vous, qui préconisent la protection des ressources naturelles, le transfert des connaissances et l'échange d'informations, pour faire connaître à tout le monde les ressources dont nous disposons au Canada, nous aident à mieux faire notre travail de protection.
:
Je vous remercie pour votre question.
Puisque mon travail porte sur l'océan et que nous sommes tous préoccupés par les changements climatiques — qui auront une incidence sur nos côtes en premier lieu — je suis convaincue qu'il serait avantageux d'accroître le nombre de scientifiques citoyens le long de la côte afin de recueillir de l'information sur la situation et sur nos littoraux.
Je proposerais, en ce qui concerne les programmes de financement qui reçoivent beaucoup de demandes, de prévoir, non pas une exigence, mais l'attribution d'une cote plus élevée aux demandes qui incluent un programme de science citoyenne.
J'ajouterais une chose. En travaillant avec les collectivités autochtones, nous avons constaté que nous pouvons combiner les connaissances autochtones avec les nouvelles données recueillies. Grâce à ce partenariat, nous en apprenons beaucoup sur l'histoire des changements qu'ont subis les eaux côtières. Dans le cadre de ce travail, un plus grand nombre de connaissances sont portées à l'attention de tous.
En ce qui a trait aux collectivités, les sciences, les technologies et l'exposition aux méthodes et techniques scientifiques suscitent un vif intérêt chez les jeunes des collectivités.
Je vais vous faire part d'une anecdote. À Cambridge Bay, l'un des premiers jeunes à avoir collaboré avec nous en 2012 a étudié en sciences après le secondaire et il travaille maintenant dans le domaine des sciences au sein du gouvernement du Nunavut.
Nous voyons les retombées du travail que nous effectuons avec ces collectivités, qui nous permettent d'accroître notre capacité.
:
C'est une excellente question.
Nous avons un accord avec chacune des communautés avec lesquelles nous travaillons. Dans certains cas, les communautés veulent rester propriétaires. Nous avons un système de données incroyablement riche, qui respecte des principes stricts, des principes de soin et d'équité, de propriété, de contrôle, d'accès et de possession (PCAP), pour nous assurer que, par exemple, si une communauté autochtone veut être propriétaire de ses données, nous travaillions avec elle en suivant ces principes PCAP pour être sûrs de respecter et de partager ces données par des moyens qu'ils contrôlent fondamentalement.
Certaines organisations sont heureuses que Ocean Networks Canada, en tant que société, soit propriétaire des données et qu'ensuite, nous respections nos principes d'équité, qui sont des principes internationaux de saisie, d'archivage et d'accessibilité des données.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les deux témoins qui sont présents aujourd'hui.
Vous nous avez beaucoup parlé de partenariats avec des organismes et des citoyens participants. Vous avez aussi parlé de la collaboration avec les communautés autochtones.
J'ai vécu quelque chose de spécial, cette année, au Québec: le 23 janvier, la Ville de Victoriaville a été l'une des premières villes de 50 000 habitants et moins à créer un poste de conseiller scientifique municipal. Je me pose donc une question.
Étant donné que les municipalités et les communautés autochtones sont celles qui connaissent le mieux leur territoire et les étendues d'eau qui s'y trouvent, serait-ce une bonne idée que le gouvernement fédéral encourage les autres municipalités au Canada à se doter d'un tel poste?
Madame Moran, vous pouvez répondre la première, si vous le voulez.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Mes questions s'adressent à vous, madame Moran. Je vous remercie de votre présence à cette importante étude.
J'ai fait le tour de votre organisation, que je trouve extraordinaire. Vous avez beaucoup de compétences et de connaissances, notamment en matière de géotechnique marine et de tectonique marine. Je le souligne, et je salue la mission de votre organisation.
Madame Moran, j'ai visité le site Internet de votre organisation et j'ai jeté un œil aux rapports annuels. J'ai remarqué que votre site Internet n'a pas été complètement traduit en français. Cependant, je souligne les efforts de l'organisation. On peut y lire que la traduction française sera bientôt fournie. J'aimerais savoir à combien de temps correspond « bientôt ».
Madame Moran, sauf votre respect, votre organisation reçoit énormément d'argent du gouvernement fédéral. On parle d'un financement de plus de 25 millions de dollars pour une année, ce qui n'est pas banal.
Je me questionne humblement: de combien de millions de dollars avez-vous besoin pour maintenir un site Internet et y publier des communications dans les deux langues officielles?
Je voudrais m'adresser de nouveau à Mme Moran, cette fois pour parler de mégadonnées.
Vous avez fait mention de 1,2 pétaoctet. Nous entendons beaucoup parler de gigaoctets et de téraoctets, mais n'entendons pas souvent parler de pétaoctets. Je suis curieux.
Je dois vous dire que mon neveu, JJ Carr-Cannings, a été stagiaire chez Ocean Network Canada en programmation. C'est un ingénieur en logiciels de mégadonnées, ainsi c'est là‑dessus qu'il travaillait.
Je me demande où vont les données, qui y a accès et comment elles sont utilisées. Je suppose qu'il s'agit de données de source ouverte et que les scientifiques de par le monde peuvent y avoir accès. Pouvez-vous peut-être nous donner quelques exemples de la façon dont elles sont utilisées?
:
Je déclare la réunion de nouveau ouverte.
Je voudrais faire quelques commentaires avant de commencer la deuxième partie.
Pour ceux qui participent à la réunion en ligne, rappelez-vous que pour l'interprétation, vous pouvez choisir la salle, l'anglais ou le français en bas de votre écran Zoom. Pour ceux qui sont dans la salle, pouvez-vous s'il vous plaît, utiliser l'écouteur et sélectionner le canal désiré.
Je voudrais vous rappeler que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Je voudrais maintenant commencer avec nos témoins, pour des exposés de cinq minutes chacun.
Je vous demanderais de vous efforcer de vous restreindre à ces cinq minutes. Quand vous serez presque au bout de ces cinq minutes, je vous demanderai de conclure.
Pour commencer les cinq premières minutes, nous avons monsieur Nadeau.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Nous vous remercions grandement de votre invitation à cette rencontre. Nous l'avons acceptée avec grand plaisir.
Je m'appelle Patrick Nadeau. Je suis président-directeur général de l'organisme Oiseaux Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Jody Allair, notre directeur, Science citoyenne et engagement communautaire
Oiseaux Canada est un organisme national sans but lucratif. Depuis plus de 60 ans, nous agissons pour améliorer la connaissance, l'observation et la conservation des oiseaux au Canada.
Ce matin, en regardant par la fenêtre, j'ai vu une mésange qui tenait bon devant notre climat hivernal à Ottawa. Plusieurs personnes au pays ont fait la même chose que moi, puisque, selon Statistique Canada, près de 10 millions de Canadiens possèdent au moins une mangeoire à la maison.
Les oiseaux nous tiennent à cœur. Pour beaucoup d'entre nous, ils constituent une belle porte d'accès à la nature.
Malheureusement, il est alarmant de constater que nous avons perdu près de trois milliards d'oiseaux en Amérique du Nord depuis 1970, soit près d'un oiseau sur trois. Ce déclin révèle les effets à l'échelle mondiale des crises convergentes du climat et de la biodiversité. Notre capacité à évaluer l'ampleur de ces déclins est due, en grande partie, au travail de ceux qu'on appelle les citoyens scientifiques.
Oiseaux Canada gère 44 programmes de science citoyenne ou participative, qui mobilisent plus de 74 000 bénévoles, soit l'équivalent de près de 2 000 professionnels travaillant à temps plein. À notre connaissance, il s'agit de l'un des plus grands réseaux de citoyens scientifiques au pays.
[Traduction]
Oiseaux Canada gère, en collaboration avec des partenaires, des programmes tels que eBird, pour lequel il a reçu plus de 1,75 million de listes rien qu'en 2022, ou l'un des programmes les plus anciens de science citoyenne au monde, le Recensement des Oiseaux de Noël, auquel participent chaque année des dizaines de milliers de bénévoles.
La science citoyenne est accessible à tous, des néophytes aux experts. Les débutants peuvent participer au projet FeederWatch et faire rapport sur les oiseaux qu'ils observent dans leur jardin. Au chalet, le cas échéant, ils pourront participer à l'Inventaire canadien des Plongeons huards, qui nous permet de savoir comment se portent nos huards emblématiques dans l'ensemble du pays. Des ornithologues amateurs plus aguerris peuvent participer aux Atlas des oiseaux nicheurs. Ce sont des inventaires exhaustifs d'oiseaux, un peu comme les recensements que nous faisons pour les personnes. En comparant les résultats des atlas reconduits tous les 20 ans, nous comprenons les changements qui affectent toute une région. De telles entreprises seraient simplement impossibles sans la contribution des scientifiques citoyens.
L'enthousiasme pour la science citoyenne s'amplifie. Nous le savons par les chiffres, avec une participation record à nos programmes, participation qui augmente tous les ans. Les scientifiques citoyens contribuent à produire de véritables incidences scientifiques et de conservation. En 2021‑2022, les données des programmes d'Oiseaux Canada ont été utilisées dans 533 publications évaluées par des pairs. Les données de la science citoyenne ont aidé à déterminer des zones clés pour la biodiversité au Canada, qui ont fait l'objet d'un lancement officiel l'an dernier, et à produire des bulletins essentiels, tels que « le rapport sur l'état des populations d'oiseaux au Canada ». La liste est longue.
La science citoyenne fait plus que générer des données. Nous porter bénévole en tant que scientifique citoyen renforce nos liens avec la nature. Cela nous fait faire du plein air, avec de nets avantages pour la santé physique et mentale. Et ce qui est peut-être plus important, la science citoyenne peut être la porte vers des engagements plus profonds vis-à-vis des problèmes de la collectivité.
Nombre de programmes de science citoyenne d'Oiseaux Canada ont reçu le soutien du gouvernement du Canada. Et nous en sommes très reconnaissants. Nos programmes contribuent directement aux objectifs et aux mandats fédéraux, comme la conservation des oiseaux migrateurs. Nous avons clairement prouvé que nous savons tirer profit des investissements du gouvernement, en faisant plus que doubler ces contributions avec des dons privés, parmi lesquels, ceux de nombreuses organisations caritatives de ces mêmes scientifiques citoyens.
Nous espérons que désormais les choses seront claires: nous pensons que la science citoyenne est essentielle et nous voulons la voir poursuivre son épanouissement dans ce pays.
Cela dit, nous aimerions vous laisser trois courtes recommandations à l'intention du gouvernement fédéral.
Notre première recommandation est qu'il faut investir dans les programmes de science citoyenne bien sûr, y compris dans leur infrastructure de base. C'est-à-dire, dans les outils nécessaires pour que ces programmes soient efficaces à cette échelle, par exemple, les outils technologiques et de commercialisation modernes nous permettent de communiquer avec des milliers de bénévoles. C'est peut-être quelque chose que le GRSNG, le conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, peut entreprendre dans le cadre de son mandat de promotion des sciences à l'intention des Canadiens.
Notre deuxième recommandation est qu'il faut créer plus d'occasions de science citoyenne dans les sites gérés par le gouvernement fédéral, par exemple, dans les réseaux de nouveaux parcs nationaux urbains, proposés par Parcs Canada. Cela aurait des avantages connexes sur la santé humaine et ferait participer les visiteurs à l'action de conservation.
Notre troisième recommandation est qu'il faut continuer de soutenir les programmes de science citoyenne axés tout particulièrement sur les oiseaux. Les oiseaux sont reconnus pour être des indicateurs de l'état de l'environnement et sont très économiques à surveiller.
Vous vous rappelez ces 10 millions de Canadiens qui ont des mangeoires à oiseaux dans leur jardin? En ce qui nous concerne, nous sommes persuadés que nous avons parmi eux les scientifiques citoyens de demain. Il suffit de leur montrer la voie.
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui. Je prends la parole depuis le territoire traditionnel du peuple salish du littoral, dans le Sud-Ouest de la Colombie-Britannique.
Je suis professeur de biologie de la conservation à l'Université Simon Fraser. Je viens également de terminer quatre années à la présidence du COSEPAC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Cette expérience m'a donné un point d'observation privilégié pour voir comment nous pouvons utiliser le pouvoir de la science citoyenne dans l'évaluation de la conservation. Je vais vous en parler brièvement.
D'abord, je veux vous donner une idée de la portée de ce dont nous discutons. De plus en plus, nous avons tendance à appeler la science citoyenne la « science communautaire », mais il s'agit plutôt de l'exercice de la collecte d'informations scientifiques par des bénévoles. Comme l'a dit Patrick Nadeau, cette initiative n'est pas nouvelle. Elle existe depuis longtemps. Ce qui est nouveau, c'est l'offre de plateformes en ligne qui permettent de recueillir les données et les présenter aux gens d'une manière très conviviale et utile.
Je vais revenir sur ce commentaire à propos de eBird, qui est un portail en ligne où les ornithologues peuvent soumettre leurs listes d'observations. À l'heure actuelle, dans le monde entier, 16 826 listes ont été soumises à eBird. Ces données sont pour aujourd'hui plus de 16 000 listes d'observation. Nous ne parlons même pas de données recueillies pendant la fin de semaine. Il ne faut vraiment pas sous-estimer le pouvoir des scientifiques citoyens de recueillir d'énormes quantités d'informations.
Je voulais surtout parler de iNaturalist, parce que cet organisme change vraiment la donne, à mon avis, pour la science citoyenne. Contrairement à eBird, iNaturalist recueille des données sur toutes les espèces, les plantes, les animaux et les champignons. iNaturalist utilise les photos. Vous pouvez télécharger une photographie de n'importe quelle espèce sur la plateforme pour qu'elle soit ensuite identifiée. iNaturalist pourra même utiliser l'intelligence artificielle pour suggérer de quelle espèce il s'agit, si vous ne le savez pas. D'autres personnes peuvent voir votre observation. Elles peuvent intervenir et vous aider avec votre observation.
Le New York Times a récemment publié un article dans lequel il qualifiait iNaturalist comme étant « l'endroit le plus sympathique en ligne », car les gens y sont très solidaires, s'encouragent mutuellement à apprendre à identifier les espèces et célèbrent leurs succès lorsqu'ils découvrent des espèces intéressantes.
Au Canada, près de 10 millions d'observations ont été soumises à iNaturalist. Cela inclut des photos, des fichiers audio ou les deux. Dans le monde, 2,5 millions de personnes sont inscrites à la plateforme iNaturalist. Elles ont soumis 126 millions d'observations. L'utilisation du site a triplé au cours des trois dernières années. Il s'agit maintenant de la plus grande plateforme de science citoyenne au monde.
Pendant la dernière partie de mon exposé, j'aimerais prendre le temps de vous donner des exemples de ce que nous pouvons faire avec ces informations. Patrick Nadeau et Jason Hwang en ont parlé un peu plus tôt.
Je vais vous donner un exemple. Je suis le codirecteur d'un programme qui encourage l'utilisation de la plateforme iNaturalist pour faire des études de la biodiversité dans les parcs provinciaux de la Colombie-Britannique. M. Brian Starzomski de l'Université de Victoria est l'autre codirecteur de ce programme. Nous faisons ce travail à titre de bénévoles. Nous avons établi un partenariat avec la province de la Colombie-Britannique par l'entremise de son agence BC Parks — qui nous finance —, pour embaucher des équipes d'étudiants. Nous les envoyons camper un peu partout dans les parcs provinciaux de la province pour qu'ils prennent en moyenne 1 000 ou 1 500 photos par jour.
Ils sont parmi les meilleurs jeunes naturalistes de l'Ouest canadien. Ces jeunes sont vraiment la crème de la crème. Ils occupent le meilleur emploi du monde, comme vous pouvez l'imaginer. Nous avons pu choisir de très bons naturalistes. Nous les encadrons. Ils explorent la nature. Nous organisons aussi parfois des événements où les participants tentent de trouver le plus d'espèces possible — des bioblitz —, pour promouvoir l'utilisation de la science citoyenne pour que les gens interagissent avec la nature.
L'autre exemple que je peux vous donner provient du travail que j'ai fait au COSEPAC. Le COSEPAC est l'organisme mandaté par le gouvernement fédéral composé de scientifiques bénévoles qui évaluent le statut des espèces en vue de leur inclusion éventuelle dans la Loi fédérale sur les espèces en péril. Les rapports du COSEPAC à cet effet sont de plus en plus alimentés par des données provenant de la science citoyenne, en particulier celles sur les oiseaux, dans une très large mesure. Il y en a beaucoup d'autres aussi.
D'ailleurs, iNaturalist est très bien connu dans ce domaine. Nous nous référons constamment à iNaturalist pour découvrir où se trouvent les espèces et comment elles sont réparties. Ce sont des données clés que nous pouvons utiliser pour essayer d'évaluer le statut de ces espèces.
Pour conclure, je vous dirai qu'à mon avis, le soutien fédéral pourrait être utilisé à l'échelle locale pour parrainer des bioblitz et encourager les gens à y participer. Le gouvernement fédéral pourrait aussi financer les paliers supérieurs, et soutenir NatureServe Canada, qui promeut et diffuse des informations sur la science citoyenne.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins pour leur témoignage aujourd'hui.
J'aimerais d'abord parler de la technologie à laquelle les deux organismes ont fait référence. Vous avez parlé de l'application eBird, puis, monsieur Reynolds, vous avez parlé de votre application iNaturalist, que j'aurais vraiment aimé avoir il y a quelques étés lorsque j'ai marché dans du sumac vénéneux.
Dans le contexte du renforcement des capacités au sein de la communauté scientifique citoyenne, quels types d'investissements le gouvernement fédéral devrait‑il envisager en ce qui concerne la technologie que vous utilisez, non seulement pour renforcer les capacités au sein de l'organisation, mais aussi pour vous aider à mieux recueillir les informations et mieux suivre les données?
Je vais commencer par vous, monsieur Reynolds, puis je céderai la parole à M. Nadeau et M. Allair.
Votre recommandation concernant l'accès aux terrains fédéraux m'a beaucoup plu. Comme j'ai déjà été membre du conseil d'administration d'un office de protection de la nature, je sais qu'il faut parfois payer pour visiter nos plus belles aires naturelles, qu'elles appartiennent à la municipalité, à la province ou au pays. J'ai trouvé votre recommandation de soutenir l'accès aux sites gérés par le gouvernement fédéral très intéressante. On pourrait probablement l'appliquer aussi aux terrains provinciaux, ainsi qu'aux aires de conservation et parcs municipaux.
Monsieur Reynolds, appuyez-vous le concept qui sous-tend la recommandation présentée par Oiseaux Canada?
J'ai lu un article aujourd'hui dans le journal local au sujet du Grand dénombrement des oiseaux qui aura lieu le week-end du jour de la Famille. Je vais utiliser cela comme exemple. Si je proposais à mes enfants de sortir le jour de la Famille pour aller faire un dénombrement, il faudrait que je paye pour visiter des aires de conservation locales.
Comment le gouvernement peut‑il contribuer à réduire les coûts et à éliminer les obstacles qui bloquent l'accès aux aires naturelles?
Je demanderais à M. Reynolds de nous donner une réponse. Je me tournerai ensuite vers MM. Nadeau et Allair.
:
Merci, monsieur le président.
Je salue les témoins qui se sont joints à nous pour la deuxième heure de cette importante séance du comité.
Mes premières questions s'adresseront aux représentants d'Oiseaux Canada.
Messieurs Nadeau et Allair, je vous remercie d'être présents sur place aujourd'hui.
Monsieur Nadeau, je désire souligner votre bonne feuille de route en matière d'engagement. De plus, vous avez créé le plus grand réseau au monde de citoyens scientifiques qui prélèvent des échantillons de microplastique dans l'eau douce. Je tiens à vous féliciter et à le souligner. C'est important. Je crois fermement à la science citoyenne.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez parlé de certaines recommandations pour les infrastructures et les sites gérés qui pourraient évidemment l'être par le gouvernement fédéral, ainsi que du soutien aux programmes de science citoyenne.
J'aimerais que vous nous parliez davantage d'éventuels programmes du gouvernement fédéral pour soutenir les initiatives de science citoyenne.
De mon côté, je vais mentionner quelque chose qui existe déjà, car il ne faut pas nécessairement réinventer la roue. En effet, depuis 2019, les Fonds de recherche du Québec accordent du financement dans le cadre du programme Engagement. C'est un appel aux citoyens qui souhaitent mener leur propre projet de recherche dans le but d'encourager les sciences participatives dans la province. Malheureusement, il existe peu ou pas de programmes semblables au Canada.
On souligne évidemment le progrès et l'avant-gardisme du Québec. J'aimerais savoir si on pourrait s'inspirer de ce modèle et envisager, par la suite, de le lancer ici, au gouvernement fédéral.
Je remercie les trois témoins de leur présence. Je suis vraiment ravi de vous voir.
J'aimerais d'abord revenir à ce que M. Mazier disait au sujet du contrôle de la qualité pour approfondir la question. Si l'on prend les programmes d'Oiseaux Canada, par exemple, on constate qu'un travail très impressionnant de contrôle de la qualité est effectué dans les coulisses. Pour être parfaitement honnête, je participe à ces programmes depuis de nombreuses années.
Le travail n'est pas seulement fait par des experts. Étant donné les quantités énormes de données qui sont recueillies, de plus en plus souvent, les calculs liés au contrôle des données et aux limites de ce qui peut être présenté sont faits au moyen de l'apprentissage automatique.
J'inviterais M. Allair à nous en dire plus à ce sujet. Pouvez-vous nous expliquer brièvement les mesures qui sont prises dans les coulisses d'eBird, du Recensement des oiseaux de Noël et d'autres programmes pour assurer la qualité des données?
Permettez-moi de poser la même question à M. Reynolds par rapport à iNaturalist.
Je sais que c'est l'une de vos plateformes favorites, et c'est à cause de vous que je suis devenu un fanatique d'iNaturalist il y a quelques années, durant la pandémie. J'ai accompagné votre équipe dans des parcs provinciaux, et franchement, l'expérience a changé ma vie. Je dois admettre que j'ai pris une photo d'un énorme mille-pattes qui se promenait sur le plancher de l'édifice de la Confédération pendant une séance d'information pour découvrir ce que c'était.
Pour revenir au contrôle de la qualité, l'une des nombreuses particularités d'iNaturalist qui me fascinent, c'est que, lorsqu'on publie une photo, l'intelligence artificielle d'iNaturalist essaie de deviner de quelle espèce il s'agit. Puis, presque immédiatement, des experts de partout dans le monde répondent: « Non, c'est telle ou telle espèce », ou encore: « Oui, c'est bien cela. » Ces scientifiques citoyens sont de véritables scientifiques qui veillent bénévolement au contrôle de la qualité, et les gains ainsi réalisés sont énormes. C'est impressionnant qu'iNaturalist fasse progresser les connaissances sur les espèces peu connues grâce au grand nombre de gens qui y participent.
Je ne sais pas s'il y a une question dans tout cela. Voulez-vous nous en dire plus sur le rôle joué par les experts?
:
Je suis ravi qu'iNaturalist soit mis en vedette. Nous ne pouvons plus nous en passer.
Pour répondre à votre question sur la production de rapports, nous publions régulièrement des rapports sur tous les oiseaux dans le cadre de nos programmes. Nos données sont aussi utilisées pour produire le rapport sur l'état des populations d'oiseaux du Canada, qui est publié à intervalles de quelques années. Ce rapport dresse en quelque sorte le bilan de santé de nos populations d'oiseaux. Je vous recommande fortement de le lire parce qu'il met bien en lumière la situation périlleuse dans laquelle se trouvent les oiseaux du Canada.
Par ailleurs, nos données sont aussi souvent publiées dans des articles scientifiques. À titre d'exemple, en 2021‑2022, les données recueillies par Oiseaux Canada ont été utilisées dans 533 publications à comité de lecture. La majorité de ces données sont le fruit de la science citoyenne. De plus, 121 publications ont particulièrement bien illustré les répercussions des changements climatiques sur la biodiversité.
Ainsi, nous produisons régulièrement des rapports. Non seulement c'est essentiel pour sensibiliser la population aux enjeux, mais c'est aussi une façon de respecter une de nos valeurs fondamentales: l'ouverture des données. Nous contribuons à la collecte de données rigoureuses et nous participons à la création de programmes où les bénévoles recueillent des données rigoureuses. Ensuite, nous faisons de notre mieux pour faire circuler les données et pour les rendre accessibles à tous afin qu'elles puissent servir à orienter les décisions en matière de conservation, que l'objectif soit de publier un article ou de modifier une politique.
:
Je peux répondre en premier.
De nombreux facteurs affectent les oiseaux.
Un article a été publié dans Avian Conservation and Ecology, la revue que nous coéditons ici au Canada, au sujet des causes de mortalité des oiseaux attribuables aux humains. Cet article décrit toutes les causes principales de mortalité chez les oiseaux liées à l'activité humaine.
Les collisions avec les lignes de transport d'énergie et les éoliennes en font certainement partie. Cependant, les causes premières sont les chats en liberté — au Canada, les chats domestiques qui vont à l'extérieur tuent environ 100 millions d'oiseaux chaque année — et les collisions avec les fenêtres. En moyenne, les collisions avec les fenêtres tuent 25 millions d'oiseaux par année au Canada, que ce soit parce que des lumières qui devraient être éteintes sont laissées allumées ou parce que le code du bâtiment ne prévoit pas des installations adéquates pour les fenêtres.
Les rapports en question traitent principalement des changements climatiques et de la perte d'habitats, d'autres dangers qui guettent les oiseaux. Le rapport sur l'état des populations d'oiseaux du Canada rend compte des données. Il identifie les groupes d'oiseaux les plus touchés. Il nous appartient ensuite de faire le travail nécessaire pour corréler les facteurs et les déclins.
:
Je vois qu'iNaturalist est une initiative conjointe de la Californie et de National Geographic. Je pense que c'est ce que j'ai vu sur le site Web. Il y a un important engagement international.
Auparavant, vous nous demandiez d'appuyer les solutions conçues au Canada. Il y a probablement de la propriété intellectuelle associée à celle‑ci, ou une certaine valeur.
Mon intérêt porte sur le contenu canadien et la promotion continue de certains aspects.
Lorsque j'habitais à Toronto, des faucons à queue jaune ou à queue rouge — je ne sais plus — venaient souvent se percher sur les rebords de nos fenêtres, et y apporter leurs proies. C'était extraordinaire à regarder. Une famille de faucons nichait là, à Queen's Park.
À Mississauga, certaines cimenteries essaient de protéger les faucons pèlerins. Il y a même des tourterelles que l'on voit dans certaines régions. Ce sont des oiseaux magnifiques qui nichent ensemble.
Quant au point que vous avez soulevé, je vous suis reconnaissant du travail que vous faites et je suis heureux de voir une partie de cette faune dans nos arrière-cours, dans notre communauté. Dans la zone de conservation du marais Rattray, près de chez moi, il y a des ornithologues amateurs partout. C'est très important.
Monsieur Nadeau, vous parliez de reproduction. M. Lobb a parlé d'étalement urbain, du stress qui en découle, et du fait que cela gruge une partie de cette zone de reproduction. Que faisons-nous, dans ce cas? Comment pouvons-nous promouvoir l'éducation ou favoriser la prospérité de certaines de ces espèces d'oiseaux?
:
C'est une bonne question.
Cela nous ramène à la question de M. Lobb sur ce qui sous-tend nos décisions sur l'utilisation de toutes ces données de science citoyenne. Je pense en fin de compte que la raison d'être de notre organisation est de travailler à la conservation des oiseaux et au rétablissement des oiseaux touchés par l'effondrement de la biodiversité.
Aujourd'hui, nous avons indiqué d'entrée de jeu que nous avons perdu trois milliards d'oiseaux en Amérique du Nord depuis 1970. Les oiseaux que vous décrivez, que vous voyez à Toronto et à Mississauga, nous voulons que vous puissiez continuer à les observer à l'avenir, mais les tendances ne sont pas très bonnes.
Tous nos programmes de science citoyenne sont conçus de manière à ce que les résultats puissent avoir une incidence sur la conservation.
À titre d'exemple, nous avons récemment lancé le réseau des zones clés pour la biodiversité au Canada, avec l'aide du gouvernement fédéral. Ce sont essentiellement les joyaux, les zones les plus névralgiques pour la biodiversité au Canada. Avec nos partenaires, nous pouvons localiser ces endroits grâce à la science citoyenne.
La science citoyenne nous a permis de cartographier ces zones clés pour la biodiversité. Ces zones sont maintenant prises en compte, par exemple, dans la cible de 30 aires protégées d'ici 2030 du Canada, selon les cibles convenues par la communauté internationale à la COP15. Voilà un exemple des impacts directs et concrets des données de la science citoyenne sur les efforts de conservation.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais me tourner de nouveau vers M. Nadeau.
Dans votre présentation, vous avez évoqué à deux reprises une donnée qu'on ne peut passer sous silence et qui ne peut laisser personne indifférent: en Amérique du Nord: depuis 1970, nous avons perdu un oiseau sur quatre, soit 3 milliards d'individus. C'est énorme.
Cela démontre la nécessité de protéger la biodiversité et nos écosystèmes. Cela passe notamment par la science et la science citoyenne, dont nous discutons aujourd'hui. Je souligne les efforts de votre organisation. J'ai bien pris connaissance de vos différents rapports, et on remarque qu'il y a une mobilisation extraordinaire.
Ma question est très vaste: que peut-on faire, en matière de politiques publiques, pour vous aider davantage et pour valoriser la science citoyenne? Comment peut-on mobiliser les bénévoles?
:
Je vous remercie beaucoup.
Je ne peux pas parler de la perte de ces 3 milliards d'oiseaux sans avoir des frissons. On ne parle pas du temps de Jacques Cartier, on parle de 1970. Plusieurs d'entre nous étaient là, à cette époque. Cela ne fait pas si longtemps que nous avons perdu près du tiers des oiseaux. Il faut donc agir. On sait que l'humain a contribué beaucoup à ce déclin, mais il est aussi derrière les solutions potentielles.
Derrière cette trajectoire négative, il y a des exemples générateurs d'espoir. Par exemple, dans le cas des rapaces, on a réussi à infléchir la courbe. Ils sont maintenant dans une meilleure situation que dans ces années-là. C'est parce qu'on a compris qu'on utilisait certains pesticides, notamment, qui leur faisaient du tort.
Cela prouve que les humains sont capables de changer les choses, et cela est directement lié à la science citoyenne. On ne changera pas la situation sans impliquer la population. Cela prend des gens qui s'intéressent à ces questions et qui les comprennent mieux, du fait de leur propre participation.
La science participative, c'est assurément de la science, mais c'est aussi une prise de conscience collective.
:
Merci beaucoup, monsieur Nadeau.
Vous êtes assez dynamique, dans vos interventions, pour sensibiliser et éduquer la population.
Je remarque que le balado The Warblers est uniquement en anglais. Je vous mets au défi d'en faire un en français. Nous avons 300 millions de locuteurs sur la Terre, alors j'imagine que vous pourriez certainement trouver des oreilles pour vous écouter attentivement. Ce balado, dont je fais quand même la promotion, est monté en popularité à l'échelle mondiale pour atteindre le palmarès des 100 meilleurs balados. C'est assez incroyable, alors je vous en félicite.
Je remarque également la mobilisation et le taux de participation extraordinaires dans votre organisation. Vous avez parlé d'un jeune de 8 ans qui avait participé au grand dénombrement. Il y a eu une augmentation de 25 % à l'échelle mondiale.
Pouvez-vous nous faire part de vos trucs et de vos bons coups? Comment fait-on pour encourager les citoyens à participer à la science citoyenne?