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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 43e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
Conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. La plupart de nos membres sont présents dans la salle, mais quelques autres sont avec nous par le truchement de Zoom. Il y en a au moins un.
J'aimerais formuler quelques consignes à l'intention des témoins.
Merci aux témoins de leur présence.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne par votre nom. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer ce dernier. Lorsque vous prenez la parole, veuillez parler lentement et clairement pour permettre à nos interprètes de faire leur travail.
Merci à nos interprètes.
Lorsque vous ne parlez pas, assurez-vous de mettre votre micro en sourdine.
En ce qui a trait à la langue d'interprétation, vous avez le choix en bas de votre écran entre le français, l'anglais et l'espagnol. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
Je vous rappelle que toutes les interventions doivent se faire par l'intermédiaire de la présidence.
Conformément à l'article 108(3)(i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 14 février, le Comité entame son étude sur les programmes des bourses d’études supérieures et des bourses postdoctorales du gouvernement du Canada.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir nos témoins. En personne, de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, nous avons Justine De Jaegher, directrice des actions politiques et des communications. En ligne, de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, nous avons Michel Lacroix, président et trésorier.
Vous avez chacun un maximum de cinq minutes pour faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des députés. Je vous ferai signe lorsque les cinq minutes dont vous disposez tireront à leur fin.
Nous allons commencer par Mme De Jaegher.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous.
J'aimerais d'abord souligner que la présente réunion se tient sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
Je vous remercie d'étudier cette question d'importance cruciale pour les perspectives de réussite du Canada en matière de recherche et de science. Je suis reconnaissante de l'invitation qui m'a été faite de représenter l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, l'ACPPU. L'ACPPU représente plus de 72 000 professeurs, bibliothécaires et membres du personnel professionnel répartis dans plus de 125 établissements d'enseignement postsecondaire à l'échelle du pays.
Nous travaillons dans l'intérêt public afin d'améliorer la qualité et l'accessibilité de l'enseignement postsecondaire au Canada. Les universités, les collèges et les écoles polytechniques sont essentiels à la préservation, à la diffusion et à l'avancement des connaissances au profit de tous.
Les étudiants diplômés d'aujourd'hui sont les chercheurs de pointe de demain. Ils sont une partie intégrante des forces vives du Canada dans le domaine de la science et de la recherche. S'il est vrai que le Canada et le monde entier comptent sur cette main-d'œuvre pour créer les connaissances nécessaires à l'amélioration de la qualité de vie et pour relever des défis cruciaux, la fécondité présente et future du milieu de la recherche ne saurait être assurée sans investissements et planification.
Voici les conséquences de la négligence actuelle dans ce domaine.
Premièrement, le Canada ralentit la constitution d'un bassin de talents dans le domaine de la recherche et des sciences, car la valeur modeste des bourses fait en sorte qu'il lui est de plus en plus difficile d'attirer et de retenir de jeunes chercheurs et innovateurs talentueux.
Deuxièmement, le monde universitaire est de moins en moins considéré comme un endroit où faire carrière. La diminution du nombre d'emplois pour les chercheurs hautement qualifiés en sciences fondamentales est un facteur dissuasif et elle contribue à la fuite des cerveaux. Comme l'a dit l'un de nos membres à l'occasion d'une récente enquête sur l'état de la profession universitaire: « Je perds le rythme de mes recherches parce que les exigences de mon très demandant contrat d'enseignement me prennent beaucoup de temps et que ledit contrat ne m'autorise aucune recherche. Je dois donc constamment concevoir des moyens créatifs de rester impliqué dans la recherche et de faire mes propres recherches. Si j'avais su que le monde universitaire allait fonctionner comme cela, je n'aurais pas cherché à obtenir un doctorat. »
Troisièmement, il y a les retards dans la réalisation d'une plus grande équité, d'une plus grande diversité et d'une plus grande inclusion. Les données limitées dont nous disposons pour notre secteur montrent que la plus grande diversité de chercheurs qualifiés est surreprésentée dans les emplois à temps partiel ou les contrats d'une durée d'un an, et que les gens issus de la diversité sont par conséquent moins susceptibles de s'engager dans des activités de recherche.
Je vais focaliser mon exposé sur l'importance de bonifier les bourses — y compris les subventions de recherche qui sont utilisées pour employer et former la grande majorité des étudiants diplômés — et d'investir dans le renouvellement de l'effectif.
Selon un sondage effectué récemment auprès de nos membres, 65 % des répondants estiment que l'aide fédérale accordée aux salaires des étudiants diplômés est modeste ou très modeste. Comme nous l'avons constaté lors du récent débrayage Soutenez notre science et de divers moyens de pression exercés par notre secteur à l'échelle du pays, les étudiants des cycles supérieurs et les boursiers postdoctoraux sont à bout de souffle. L'ACPPU est solidaire de ces groupes et se fait l'écho de leurs demandes d'augmentation et d'amélioration des bourses d'études et de recherche.
Les subventions de recherche doivent également être augmentées. La plupart des étudiants ne sont pas financés par des bourses d'études, mais plutôt par des postes d'assistants de recherche financés par des subventions de recherche. Pour améliorer les salaires des étudiants, il faut également augmenter la taille des subventions et le nombre de subventions offertes.
À cet égard, l'ACPPU appuie la recommandation formulée dans le rapport Bouchard d'augmenter les programmes de subventions de base des conseils subventionnaires d'au moins 10 % par année pendant cinq ans. Cette mesure serait un premier pas pour l'amélioration de la rémunération et viendrait donner le coup de pouce dont le financement de la recherche a besoin.
Enfin, la question de la précarité et la nécessité de renouveler l'effectif universitaire ne peuvent être ignorées. Si nous investissons dans les étudiants diplômés, nous devons également développer notre personnel scientifique et de recherche, et à cet égard, nous perdons du terrain. Au moins un tiers des professeurs des universités et collèges canadiens occupent des postes d'enseignement uniquement contractuels.
Au cours de la dernière décennie, le nombre de professeurs d'université travaillant à temps partiel ou une partie de l'année a augmenté de 79 %. Dans notre sondage sur l'état de la profession académique, la majorité des professeurs interrogés ont dit qu'ils aimeraient avoir un poste qui irait dans le sens de leur recherche. En outre, le nombre de postes de professeurs assistants ou de chercheurs en début de carrière au Canada a diminué de 18 % au cours de la dernière décennie.
Une stratégie de renouvellement de l'effectif est nécessaire pour appuyer et alimenter la constitution de la prochaine génération de talents. Le Canada est au 26e rang des pays de l'OCDE pour l'obtention de diplômes d'études supérieures. Sans stratégie, il sera difficile pour le Canada d'améliorer sa position et d'être concurrentiel à l'échelle mondiale.
Il est temps d'agir sur la base des preuves claires et abondantes que nous avons et des recommandations d'experts qui ont été formulées sur l'écosystème de financement de la recherche au Canada. Pour soutenir la prochaine génération d'universitaires, de leaders d'opinion, de chercheurs et de moteurs de l'innovation canadienne, nous exhortons le gouvernement du Canada à augmenter le nombre et la valeur des bourses d'études supérieures et des bourses postdoctorales, à accroître le financement de la recherche par l'intermédiaire des trois conseils et à assumer un rôle de leader en collaborant avec les provinces pour remédier au renouvellement déficient de l'effectif en science et en recherche.
Merci beaucoup. J'attends vos questions avec impatience.
Je remercie le Comité permanent de la science et de la recherche de son invitation. Je suis honoré que nous puissions intervenir à la suite de nos collègues et camarades de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, ou ACPPU, que je salue au passage.
La Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, ou FQPPU, représente 19 syndicats et associations de professeurs d'université au Québec, lesquels rassemblent près de 95 % du corps professoral québécois. En sus de la défense des intérêts de nos membres, nous avons pour mission de défendre l'université comme service public largement accessible et voué à la création et à la transmission des savoirs, notamment des savoirs critiques. Ce sont ces principes qui orientent mon intervention devant vous aujourd'hui.
L'intégration des étudiantes et des étudiants des cycles supérieurs à la recherche et à la création est un sujet qui intéresse vivement les professeurs d'université, non seulement parce qu'elles et ils sont, d'une part, les professeurs de demain, et seront donc responsables à leur tour des universités et des autres institutions vouées à l'invention, la promotion et la transmission des savoirs, mais aussi parce qu'elles et ils seront, d'autre part, les vecteurs de diffusion de ces savoirs dans leur pratique professionnelle, quel que soit le milieu.
Or le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer à cet égard, notamment par l'entremise des programmes de bourses étudiantes des conseils subventionnaires, aussi bien que par celle des programmes de subvention et de chaires de recherche. Cependant, plusieurs données et plusieurs interventions récentes signalent de façon assez nette que cet appui ne se déploie pas à la hauteur des défis et des potentialités contemporains. En ce sens, nous rejoignons les positions de l'ACPPU, du Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche, qui a produit le rapport Bouchard, ainsi que du mouvement Soutenez notre science, pour ne parler que de ceux-ci.
Pour permettre au plus grand nombre possible d'étudiantes et d'étudiants des cycles supérieurs de se consacrer pleinement à leurs recherches et pour faire en sorte qu'elles et ils puissent surmonter les obstacles socioéconomiques entravant l'accès aux savoirs et à la communauté scientifique, il faut que le gouvernement hausse substantiellement le montant des bourses de maîtrise et de doctorat et qu'il l'indexe de façon permanente. On vous l'a déjà répété plusieurs fois ici, ce montant stagne depuis 20 ans et se situe désormais bien en dessous du seuil permettant à une personne vivant seule de vivre hors de la pauvreté. Dans une économie marquée par la pénurie d'employés et une pression inflationniste, cela crée une pression structurelle favorisant le travail dit alimentaire et, éventuellement, l'abandon des études supérieures, en plus de défavoriser les personnes venant de milieux modestes.
Il faut aussi que le gouvernement fasse en sorte que les conseils subventionnaires puissent offrir un nombre nettement plus élevé de bourses étudiantes dans tous les domaines. Pour affronter les défis culturels, écologiques, économiques et sociaux qui viendront, le Canada aura besoin du plus grand nombre de personnes aptes à renouveler les savoirs et à les disséminer.
Enfin, il importe de hausser le budget total des subventions décernées par les conseils de recherche, car, comme on vient de le dire du côté de l'ACPPU, c'est par l'entremise des subventions, entre autres, qu'une part significative de l'appui financier aux étudiantes et aux étudiants est accordée. Pour citer un de nos membres, ces bourses et contrats d'assistanat de recherche viennent du financement des professeurs, mais les montants ne suivent pas.
En terminant, j'ajouterai deux ou trois éléments, si j'en ai le temps. Pour promouvoir une plus grande accessibilité et une distinction plus nette entre le soutien à la relève et la reconnaissance de l'excellence la plus rare, l'intégration du plus grand nombre à la recherche et la logique du prestige, les conseils subventionnaires devraient viser à offrir des bourses aux montants semblables à la maîtrise et au doctorat, quel que soit le domaine, tout en recourant aux prix pour distinguer les candidatures et les parcours exceptionnels.
D'autre part, pour faire le lien entre notre mémoire soumis en décembre dernier à votre comité et la présente consultation, le soutien à la relève étudiante devrait aussi prendre diverses formes d'initiatives visant à favoriser la diffusion de la recherche en français.
Finalement, il faudrait aussi envisager, d'une certaine manière, la collaboration avec les provinces pour que le financement mène à un plus grand nombre de professeurs et à un meilleur encadrement, car l'augmentation du nombre de professeurs n'a pas suivi l'augmentation du nombre d'étudiants aux cycles supérieurs. L'écart est majeur.
Je vous remercie de votre écoute, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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C'est formidable. Je vous remercie.
Je remercie nos deux témoins de leurs exposés. Je sais que nous aurons beaucoup de questions à leur poser.
J'ai négligé de saluer Eric Melillo, du Parti conservateur, qui nous rend visite aujourd'hui.
C'est toujours un plaisir de vous voir dans la salle.
Nous commencerons nos questions par le Parti conservateur.
Le premier intervenant est M. Soroka, pour six minutes.
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La question de la fuite des cerveaux fait absolument partie des préoccupations. Il suffit de regarder, par exemple, le financement de la recherche en Allemagne, qui est supérieure de deux points de pourcentage par rapport au financement accordé par le Canada.
Oui, nous voyons des chercheurs partir à l'étranger pour diverses raisons, et, bien sûr, le manque de financement y est pour beaucoup. J'ai cité cette statistique de l'OCDE. Nous y sommes mal classés en ce qui concerne l'obtention de diplômes d'études supérieures et, aussi, le maintien aux études.
Bien entendu, le coût de l'éducation en général est à l'origine de tout cela. C'est pourquoi nous considérons que l'indexation des bourses d'études supérieures sur l'inflation serait, à tout le moins, une première étape pour combler l'écart qui a été créé, mais il faudra également injecter des fonds pour rattraper le retard accumulé depuis 2003.
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En ce qui concerne la recherche appliquée avec un type particulier de résultat commercialisable, il y a assurément de meilleures et de pires façons de procéder que les partenariats. Il est certain que nous aimerions des partenariats qui protègent la liberté académique et la recherche scientifique et qui tiennent ces dernières séparées des objectifs de l'entreprise privée.
Je pense qu'un problème plus important concernant notre besoin de financement en recherche est que nous voyons la recherche fondamentale reculer de façon concrète au profit de cette recherche appliquée. Cela ne veut pas dire que cette dernière n'est pas nécessaire, mais nous constatons un changement dans l'équilibre entre ces deux orientations.
De toute évidence, nous sortons d'une pandémie et on a souvent dit que si nous ne financions que la recherche appliquée, nous aurions peut-être le meilleur poumon d'acier du monde, mais nous n'aurions pas de vaccin contre la polio. Cela décrit bien la situation dans laquelle nous nous trouvons présentement. Nous voulons chercher des solutions et des partenariats avec l'industrie, et parfois cela peut faire partie de la solution, mais cela ne compense pas le manque de recherche fondamentale.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je salue les témoins qui sont parmi nous ce matin et leur souhaite la bienvenue.
[Traduction]
Madame De Jaegher, je vais vous permettre de répondre à cette question maintenant, car c'est un peu ce que je voulais sonder.
Je pense que les membres du Comité reconnaissent qu'il faut plus de financement pour les chercheurs diplômés et postdoctoraux, pour les chercheurs en général.
Que peut faire le gouvernement — ou d'autres que le gouvernement — pour les aider, en dehors du financement direct? Y a‑t‑il autre chose que nous pouvons faire?
Nous parlons beaucoup de l'écosystème de la recherche au Canada. Aujourd'hui, l'accent est mis sur les bourses d'études pour les diplômés et les postdoctorants. Nous parlons aussi du financement de la recherche fondamentale, du financement de la recherche par l'intermédiaire des trois Conseils, pour veiller à ce que nos membres puissent, dans bien des cas, offrir aux diplômés un salaire équitable grâce aux allocations de sorte qu'ils les aident à mener leurs travaux. C'est une partie importante de l'écosystème de la recherche.
Au‑delà de cet écosystème, nous en avons un autre assez général, soit celui des études postsecondaires. C'est là, bien sûr, que l'on peut augmenter le financement et que nous devrions le faire, pour des choses comme le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, soit le mécanisme fédéral de versement des fonds d'exploitation de nos établissements postsecondaires. Nous aimerions qu'il y ait des fonds réservés à notre secteur, un peu sur le principe du Transfert canadien en matière de santé, des fonds réservés en plus du Transfert canadien en matière de programmes sociaux pour financer l'exploitation et, bien sûr, un élargissement de la portée des programmes de bourses pour les étudiants en général afin de les aider avec, entre autres, les droits de scolarité.
En ce qui a trait au logement, là encore, il faut agir sur certains des aspects mis en évidence dans la Stratégie nationale sur le logement et veiller à ce que l'on réponde aux besoins particuliers des étudiants en matière de location à plus court terme dans les régions associées à des collèges et à des universités, où les loyers sont très souvent fort élevés.
C'est une question qui, selon moi, nécessite une approche à volets multiples afin de s'y attaquer sous différents angles. Au bout du compte, c'est une question de coût de la vie, ce qui va au‑delà de la nécessité de stimuler l'innovation et la recherche.
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J'ai une question complémentaire, puis une autre ensuite. Je vais les poser en même temps.
Si vous aviez un volet de ces fonds d'exploitation, ou s'ils étaient augmentés, comment cela aiderait‑il ces diplômés et postdoctorants....
J'aimerais également vous entendre sur quelque chose dont vous avez parlé et qui m'intéresse énormément. Je l'ai noté. Il s'agit du changement dans l'équilibre entre les deux volets. Vous décrivez cela comme la recherche appliquée commercialisable, d'une part, et la recherche fondamentale dirigée par des chercheurs, d'autre part. Cette dernière m'intéresse énormément.
Pourriez-vous nous donner des exemples de la deuxième? Je crois que c'est utile et important. Pourriez-vous nous parler de ceux qui mènent des travaux et qui enseignent dans nos établissements, de la valeur de ce travail, mais aussi du conflit inhérent? Que pourriez-vous nous dire qui nous aiderait, au sein de ce comité?
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En somme, une augmentation des fonds publics d'exploitation pour les collèges et les universités doit se traduire, comme cela a toujours été le cas, par une baisse des droits de scolarité, car les établissements n'ont pas à demander des frais d'utilisateurs privés, des partenariats privés, etc., pour financer leur mandat premier.
Plus particulièrement en recherche fondamentale dirigée par des chercheurs, nous aimons donner l'exemple des technologies de production de vaccins, un exemple qui est évidemment très à propos et depuis un bon moment d'ailleurs. La science fondamentale qui sous-tend les vaccins à ARN messager et tous les vaccins est en grande partie le fruit de travaux de recherche dirigée par des chercheurs, qui ne ciblaient pas forcément un résultat précis. Évidemment, ces travaux ont donné de merveilleux résultats et, dans ce cas‑ci, des vaccins.
Il faut que les scientifiques et chercheurs soient en mesure de mener des travaux de façon absolue afin de faire des découvertes fort innovantes qui alimentent des choses comme les vaccins, par exemple.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je salue les témoins qui se joignent à notre importante étude aujourd'hui.
Cela fait 20 ans que les bourses d'études aux cycles supérieurs n'ont pas été indexées. Monsieur le président, je vous mets au défi de me trouver une chose que vous connaissez qui n'a pas augmenté depuis 20 ans. J'ai posé la question au gouvernement et j'attends toujours la réponse. Je pense qu'il cherche encore à trouver.
Depuis 20 ans, nous ne soutenons pas la relève scientifique. Les problèmes que cela entraîne sont très importants, et les conséquences le sont encore plus. Nous pourrions en parler toute la journée. Il y a la précarité économique, les effets sur la santé mentale, la pénurie de main-d'œuvre et l'attrait du marché du travail, l'exode des cerveaux. S'il n'y a pas d'étudiants ni de postdoctorants, cela veut dire qu'il n'y a pas de relève et pas de science. S'il n'y a pas de science, il n'y a pas d'innovation, et c'est sans compter la perte de notre souveraineté scientifique.
Le rapport intitulé « Investir dans l'avenir du Canada : Consolider les bases de la recherche au pays », aussi appelé rapport Naylor, commandé par le gouvernement libéral, en 2016, signalait déjà qu'il y avait un problème dans l'écosystème des bourses d'études supérieures.
Cinq ans plus tard, le gouvernement a tenté de se donner encore une fois une belle image et a commandé un nouveau rapport. Le Rapport du comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche, le rapport Bouchard, publié le 20 mars 2023, a aussi abordé la question des bourses d'études. On peut y lire ce qui suit:
Par conséquent, elles n'ont pas suivi l'augmentation du coût de la vie ni les tendances mondiales en matière de rémunération des stagiaires de recherche. Cette situation a considérablement érodé la position du Canada en tant que plaque tournante mondiale pour l'attraction et la rétention des meilleurs talents en recherche et cette érosion sera accélérée par l'augmentation des investissements de nos pairs internationaux.
Je ne l'invente pas. C'est dans un rapport que le gouvernement a lui-même commandé. Je pourrais vous en parler très longtemps et, bien sûr, je pourrais vous donner des exemples concrets expliquant pourquoi le Canada est en queue de peloton, et pourquoi il y a urgence d'agir.
Je suis très content de faire cette étude aujourd'hui. Par contre, je ne sais pas combien il faudra d'études, de rapports, de consultations et de comités avant que le gouvernement comprenne que, s'il n'agit pas maintenant, il sera trop tard. En effet, nos voisins, nos compétiteurs s'arrachent les meilleurs cerveaux. Vous savez que la recherche scientifique ne se fait pas juste dans un garde-robe sans éclairage, elle se fait sur la scène internationale. Ainsi, pendant que nos compétiteurs font du sprint, nous, nous tentons de ramper tranquillement par terre.
Je vais tout de même poursuivre avec des questions constructives sur le constat de la situation actuelle. Je me tourne donc vers M. Lacroix.
Je suis très content que vous soyez parmi nous, aujourd'hui, monsieur Lacroix.
Vous avez mentionné qu'il ne fallait pas seulement augmenter la valeur des bourses d'études fédérales, mais aussi le financement général de la recherche. En effet, la plupart des étudiants obtiennent du financement non pas par le programme de bourses du gouvernement fédéral, mais plutôt directement à même les subventions du chercheur pour lequel ils travaillent.
Selon vous, quelles seraient les conséquences pour ces chercheurs si le gouvernement se contentait de n'augmenter que le montant de ces bourses?
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Je vous le précise avec plaisir, monsieur Lacroix: ma question porte sur tout ce qui touche les bourses fédérales. Cela vous permettra également de mettre en lumière votre réalité.
Monsieur Lacroix, les résultats obtenus par Statistique Canada par l'entremise du Système d'information sur les étudiants postsecondaires indiquent qu'en moyenne, les étudiants à la maîtrise ont besoin de 2,13 ans pour obtenir leur diplôme, tandis que les étudiants au doctorat ont besoin d'environ 4,84 ans.
Le Programme de bourses d'études supérieures du Canada au niveau de la maîtrise et le Programme de bourses d'études supérieures du Canada au niveau du doctorat offrent du financement pour une période maximale d'étude de deux ans et de trois ans, respectivement.
J'aimerais que vous nous expliquiez les répercussions de l'imposition d'un montant maximal sur les étudiants à la maîtrise et au doctorat. Ceux-ci prennent plus de temps pour déterminer leur projet d'étude que la période de versement des fonds maximale.
Devrait-on allonger la période de couverture des bourses d'études?
Merci aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Je vais commencer par Mme De Jaegher.
Nous sommes tous d'accord ici sur le fait qu'il est incroyable que ces bourses n'aient pas augmenté depuis 20 ans, mais il y a bien d'autres facteurs qui viennent aggraver la situation. Il y a bien d'autres facteurs expliquant ce que vivent les universités, ce que vivent les étudiants, ce que vivent vos membres, soit les enseignants et les professeurs.
Je souhaite prendre un peu de recul et regarder le contexte historique. Vous y avez fait allusion il y a quelques minutes à peine. Vous avez dit que, avec le temps, l'investissement du gouvernement dans l'éducation postsecondaire s'est réduit. Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais il est passé de 75 % à 45 %, et nous avons augmenté les droits de scolarité.
Il y a des chiffres relatifs à l'inflation ces 20 dernières années, mais je me demande simplement si vous avez des chiffres plus précis quant à l'inflation et les étudiants. Ils cherchent à se loger, à se nourrir et à payer leurs cours. Les droits de scolarité ont monté en flèche. Avez-vous des chiffres qui allient ces trois choses et les comparent à l'inflation réelle, ainsi que sur le taux d'augmentation souhaitable de ces bourses?
Au début des années 1990, il y a eu une réduction majeure du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, décision de laquelle le milieu postsecondaire canadien ne s'est jamais remis. Il y a depuis une baisse constante du financement public dans les recettes des universités et des collèges, et comme je l'ai dit plus tôt, l'écart est en grande partie comblé par les droits de scolarité et, de plus en plus, par les droits de scolarité des étudiants étrangers.
L'an dernier, nous avons publié un rapport sur l'abordabilité de l'éducation postsecondaire que je suis heureuse de remettre au Comité. On peut y constater que la hausse des droits de scolarité au cours de cette période a de loin dépassé tant celle des coûts du logement que de l'épicerie. En outre, l'augmentation des coûts du logement a elle aussi dépassé grandement les coûts de l'inflation, ce qui est éloquent.
Au fond, nous privilégions la remise de 185 millions de dollars de plus en 2023, puis de 55 millions de dollars de plus par année par la suite pour les bourses d'études supérieures afin d'en accroître tant leur valeur que leur somme totale.
Nous appuyons également les demandes de nos scientifiques quant à l'indexation de ces bourses à l'inflation pour veiller à ce qu'elles en tiennent au moins compte à l'avenir.
Nous pouvons également vous transmettre plus de données, mais, de façon purement anecdotique, je dirai que, d'après le dernier sondage que nous avons mené auprès des membres, cela dépend en partie de la présence d'une filière universitaire, si vous voulez, avec des chercheurs en début de carrière et des diplômés qui vont idéalement devenir des universitaires canadiens à temps plein.
En plus de l'érosion de la valeur réelle des bourses d'études supérieures, nous constatons également l'érosion de la carrière universitaire. Même les étudiants qui voudraient peut-être poursuivre leurs études supérieures au Canada regardent à l'horizon et se disent: « Eh bien, ce n'est pas une industrie où je peux faire carrière au Canada, donc je vais acquérir des compétences ailleurs. » Là encore, nous constatons que c'est maintenant le tiers des contrats environ qui n'incluent pas du tout de recherche pour nos membres, que c'est établi d'un trimestre à l'autre, d'un contrat à l'autre. Il n'y a pas la moindre sécurité d'emploi.
Tout cela fait partie de la même conversation. Les bourses d'études supérieures doivent absolument être augmentées, mais nous devons également protéger la nature de la carrière universitaire au Canada pour nous assurer que les gens veulent faire leur recherche innovante ici également.
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Au cours de l'administration Biden, il y a eu des investissements majeurs dans la recherche, y compris dans la recherche fondamentale.
Je soulignerai en outre que les allocations pour les diplômés sont substantiellement plus élevées aux États-Unis. Évidemment, on réplique couramment que les droits de scolarité y sont plus élevés, mais, dans les faits, ils continuent de baisser quand on regarde les collèges et les universités publics, plutôt que d'inclure également des données du système privé américain.
Les allocations pour les postdoctorants aux États-Unis, par exemple, sont de 53 000 $ par année, tandis qu'elles sont de 45 000 $ ici. C'est une différence marquée...
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Je vais fournir une réponse qui pourrait être agaçante, puisque, dans les faits...
Je le répète: la situation est grave dans notre secteur. Nous ne pouvons pas encapsuler le tout dans une seule solution. Au bout du compte, nous devons tenir compte du coût de la vie partout, sûrement en matière de logement, d'épicerie et de droits de scolarité, mais nous devons aussi nous pencher sur le financement direct, veiller à ce qu'il suive au moins l'inflation et, idéalement, remédier aux arriérés en financement depuis 2003.
Je crains de ne pas pouvoir choisir. J'estime qu'il faut beaucoup de solutions.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les deux témoins de leur présence. J'aurais aimé participer à la réunion en personne, mais j'ai préféré y assister à distance, puisque j'ai un léger mal de gorge et que je tousse un peu.
Ma question s'adresse aux deux témoins, c'est-à-dire à Mme De Jaegher et à M. Lacroix.
Les premiers témoins que nous avons entendus dans le cadre de notre étude représentaient essentiellement des groupes d'étudiants. Ils nous ont parlé de la disparité des montants des bourses offertes, de la santé mentale, du financement et du système de bourses. Regardons cela un élément à la fois.
Monsieur Lacroix, comme je l'ai dit, les étudiants se sont mobilisés et nous ont dit qu'il y avait une disparité quant aux montants des bourses. Cela ne fait pas partie de vos recommandations, mais pouvez-vous nous en parler?
Nos recommandations, aujourd'hui, portent surtout sur le financement des bourses pour les étudiants aux cycles supérieurs.
Lors de la révision du Transfert canadien en matière de programmes sociaux — nous l'espérons en 2024 —, nous allons certainement faire des recommandations plus larges sur le système d'études postsecondaires en ce qui a trait aux transferts aux provinces et aux bourses pour les étudiants. Ces recommandations sont à venir.
Comme je l'ai dit, c'est un système d'études postsecondaires et non seulement un système de recherche postsecondaire. Il faut mieux financer ces deux systèmes.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Lacroix, en ce qui concerne la demande que je vous ai faite plus tôt, vous serait-il possible de transmettre à la greffière du Comité le nombre et la proportion d'étudiants à la maîtrise et au doctorat qui reçoivent des bourses du fédéral, ainsi que le nombre de ceux qui en reçoivent des gouvernements provinciaux? Je m'intéresse particulièrement aux chercheurs et à ceux qui n'en reçoivent pas pour pouvoir faire des comparaisons.
Madame De Jaegher, je vous invite également à le faire, si vous avez des données à nous transmettre. Cela nous permettra d'avoir un portrait juste et de pouvoir faire des recommandations éventuelles.
Monsieur Lacroix, vous avez parlé de l'importance de mettre en avant les recommandations du rapport Bouchard, soit le Rapport du Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche, qui avait été demandé par le gouvernement fédéral et qui a été déposé le 20 mars dernier. Ce rapport demandait aux trois organismes subventionnaires une augmentation du budget de 10 % sur les cinq prochaines années.
J'aimerais que vous nous expliquiez votre point de vue sur l'importance non seulement d'augmenter les bourses d'études et de les indexer sur le coût de la vie, mais également de nous assurer d'avoir les moyens de nos ambitions, notamment par un soutien accru de la part des trois organismes subventionnaires.
Comme vient de le dire ma collègue, c'est un système et tous les éléments sont importants. Les subventions de recherche sont cruciales pour le soutien à la relève, notamment au moyen de l'assistanat ou de bourses créées par le partage d'une partie des subventions de recherche, comme c'est le cas dans beaucoup d'universités, il faut le souligner. Dans plusieurs institutions, au Québec, les chercheurs se concertent pour offrir, grâce à leurs subventions, des bourses aux étudiants et aux étudiantes. Si ce n'est pas augmenté, il y en aura de moins en moins, et de moins en moins d'étudiants et d'étudiantes pourront bénéficier de ces bourses venant des subventions de recherche.
Je vais poursuivre dans la foulée de cette question avec Mme De Jaegher.
Même si nous parlons principalement des bourses d'études supérieures et postdoctorales, qui n'ont pas augmenté au cours des 20 dernières années, ces bourses ne forment en fait qu'une partie du financement qui permet de rémunérer les étudiants diplômés pour la recherche. Une bonne partie du financement provient directement des subventions de recherche issues des mêmes trois conseils. Voilà pourquoi la plupart des groupes disent qu'en plus d'accroître et d'indexer le montant des bourses, il faut également augmenter le nombre et la valeur des subventions de recherche.
Y a‑t‑il un lien entre la rémunération versée aux étudiants dans le cadre de ces subventions et la rémunération versée dans le cadre des programmes des bourses d'études supérieures et postdoctorales? Avez-vous des données à ce sujet? Les étudiants sont-ils payés en fonction de la rémunération versée dans d'autres groupes de recherche?
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Merci beaucoup, cher collègue.
Monsieur le président, je vais poursuivre mes questions en m'adressant à Mme De Jaegher.
J'ai bien écouté votre allocution. Ce qui m'attriste encore plus que toutes ces données, c'est que vous disiez que vous n'auriez peut-être pas poursuivi vos études au cycle supérieur si vous aviez su que c'était si difficile et que le soutien financier était inadéquat.
Monsieur le président, quel message envoie-t-on à la relève, aujourd'hui, en plaçant les jeunes dans une situation précaire qui met à mal leur santé mentale? Ce qu'a dit aujourd'hui Mme De Jaegher est très important.
Toutes ces données vous ont permis de dresser un bon portrait, madame De Jaegher. À titre de professeure-chercheure, pourriez-vous m'en dire davantage sur le rôle que jouent les étudiants à la maîtrise ou au doctorat dans les laboratoires ou dans la production scientifique en général?
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Merci, monsieur le président. Bienvenue aux témoins.
Madame De Jaegher, je voudrais me pencher sur la question du logement, que vous avez déjà soulevée. Les témoins ont formulé plusieurs recommandations sur l'augmentation de la valeur des contributions et du nombre de personnes qui reçoivent du financement dans le cadre des programmes des bourses d'études supérieures et postdoctorales. Ces recommandations récurrentes seront prises en compte par le Comité. Nous tiendrons des discussions là‑dessus plus tard.
Un aspect que nous n'avons pas encore examiné est l'apport que pourraient faire les autres ministères pour aider les étudiants diplômés à payer leurs droits de scolarité et à assumer leurs frais de subsistance. Vous avez mentionné le logement. L'Université McMaster est sur le point de terminer la construction d'un immeuble de 30 étages au coût de 80 millions de dollars. Cet immeuble situé au centre-ville de Hamilton servira à loger des étudiants diplômés. Le logement cause des problèmes de recrutement. Les étudiants qui n'arrivent pas à se trouver un logement se tournent vers d'autres établissements.
Comment le gouvernement pourrait‑il fournir un soutien au logement en dehors des fonds et des programmes traditionnels dont nous avons parlé aujourd'hui? Quelle forme de soutien les autres ministères peuvent-ils apporter pour régler de manière globale les difficultés liées à l'abordabilité ou au logement que vous avez soulevées tout à l'heure?
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Nous reprenons la séance. C'est formidable de recevoir les témoins en personne et d'avoir une salle comble. Bienvenue aussi aux personnes qui accompagnent les témoins.
Conformément à l'article 108(3)i) et à la motion adoptée par le Comité le mardi 14 février 2023, le Comité reprend son étude des programmes des bourses supérieures et postdoctorales du gouvernement du Canada.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins.
Nous avons Mme Sarah Laframboise, directrice générale de Soutenez notre science, qui comparaît à titre personnel. Nous accueillons également Mme Maydianne Andrade, professeure au Réseau canadien des scientifiques noirs. Nous recevons enfin M. Gavin Douglas et Mme Julia Messina-Pacheco, coprésident et vice-présidente, respectivement, de Dialogue sciences et politiques.
Chaque organisme disposera d'un maximum de cinq minutes pour sa déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux séries de questions. Je vous ferai signe lorsque votre temps sera presque écoulé.
Nous devrons également examiner une demande de budget pour un projet. Nous réserverons quelques minutes pour ces travaux à la fin de la séance. Nous conclurons les témoignages vers 12 h 55.
Sur ce, je cède la parole à la première témoin, Mme Sarah Laframboise, qui comparaît à titre personnel.
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Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Sarah Laframboise, et je suis étudiante au doctorat en biochimie à l'Université d'Ottawa. Je suis également la directrice générale de Soutenez notre science, une organisation communautaire ayant pour mission d'augmenter le financement prévu pour les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat au Canada.
Je suis honorée d'être ici aujourd'hui, et j'aimerais remercier le Comité de son travail en matière de science et de recherche. J'ai eu le plaisir de m'adresser à vous il y a près d'un an dans le cadre de votre étude sur les meilleurs talents. Je remercie le Comité d'avoir inclus nos revendications pour les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat dans ce rapport.
Cela dit, il est frustrant de constater que le gouvernement n'a rien fait pour régler les problèmes évoqués depuis ma dernière comparution. Au cours de la dernière année, 7 000 scientifiques et 40 associations scientifiques ont signé une lettre ouverte. Le député Richard Cannings a déposé une pétition ayant récolté 3 500 signatures à la Chambre des communes. Nous nous sommes réunis sur la Colline parlementaire au mois d'août. Nous avons parlé de notre cause à des députés, à des ministres, aux médias et au public et avons envoyé plus de 2 000 courriels à nos députés respectifs, mais cela n'a pas suffi. Le budget de 2023 ne prévoit aucun nouveau financement pour les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat.
La semaine dernière, près de 10 000 étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat, professeurs et militants ont quitté 46 établissements dans diverses régions au pays. Je suis accompagnée de certains membres du groupe d'Ottawa aujourd'hui. J'aimerais leur demander de se lever un instant.
Ils devraient tous être en train de mener leurs recherches. Ils devraient être dans leur laboratoire. C'est également mon cas, mais nous sommes tous venus aujourd'hui pour vous montrer à quel point cet enjeu est essentiel dans notre communauté.
Nombre de ces étudiants m'ont aidée à lancer un sondage national pour recueillir des données sur les finances des étudiants aux cycles supérieurs. Ce sondage a permis de dresser un tableau sombre mais précis de la réalité financière d'un étudiant aux cycles supérieurs au Canada.
Selon le sondage, 86 % des étudiants aux cycles supérieurs ont déjà vécu du stress et de l'anxiété à propos de leurs finances. Près de 40 % des étudiants ont de la difficulté à payer l'essentiel comme le loyer et l'épicerie, et 31 % des étudiants ont envisagé d'abandonner leurs études en raison de leurs inquiétudes quant à leurs finances. C'est inacceptable dans un pays qui se targue d'innover.
Alors que d'autres jeunes adultes fondent une famille et investissent dans leur avenir, les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat ont de la difficulté à joindre les deux bouts.
Vous allez entendre à maintes reprises au cours de votre étude que les bourses d'études n'ont pas changé en 20 ans pour les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat, mais qu'est‑ce que cela signifie pour le Canada?
Cela signifie que nous perdons chaque jour des scientifiques hautement qualifiés. Ils quittent le Canada pour aller vivre aux États-Unis ou en Europe où ils n'auront pas à vivre dans la pauvreté et où ils feront deux à trois fois plus d'argent qu'ils n'en feraient au Canada. Cela signifie que nos entreprises perdent des travailleurs hautement qualifiés. Cela signifie que chaque jour, nous laissons tomber l'innovation canadienne en définissant qui peut relever les défis financiers de l'enseignement supérieur et en excluant ceux qui ne le peuvent pas. Il s'agit d'un potentiel perdu tant à l'échelle personnelle qu'à l'échelle nationale.
J'ai décidé de poursuivre une carrière dans le milieu scientifique il y a 11 ans. J'étais la première à poursuivre de telles études dans ma famille, et je les ai financées moi-même, accumulant du même coup 100 000 $ en dette étudiante. Lorsque mon partenaire et moi avons vécu des moments difficiles au début de ma maîtrise, j'ai presque dû abandonner mon programme parce que je n'arrivais pas à payer mes frais de scolarité.
Je vais avoir 28 ans cette année, et je ne peux pas acheter de maison parce que les banques ne considèrent pas que j'ai un revenu. J'ai souvent eu deux à trois emplois à la fois pour subventionner mon revenu. Je n'ai pas d'économies, et je compte sur le revenu de mon partenaire pour assurer ma stabilité. Autour de moi, mes pairs et ma famille pensent que je suis la plus intelligente, mais en réalité, j'ai l'impression d'être laissée pour compte.
Je ne suis qu'un exemple parmi tant d'autres. Des milliers d'autres étudiants ont leur propre histoire de difficultés, d'iniquité et de dette écrasante. Certains en sont même venus à vivre dans des camionnettes et à participer à des essais cliniques pour joindre les deux bouts.
Chaque année où le gouvernement n'investit pas dans les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat, on dit aux esprits les plus brillants au pays qu'ils ne comptent pas, qu'ils n'ont pas leur place au Canada.
J'aimerais conclure mes remarques avec des recommandations claires et stratégiques. Tout d'abord, nous demandons que les bourses d'études soient augmentées de 50 % pour tenir compte de l'inflation des 20 dernières années et qu'elles soient indexées à l'inflation pour éviter qu'une telle situation se reproduise. Ces bourses constituent un point de référence pour les montants qu'il faudrait accorder aux meilleurs chercheurs du Canada.
Nous demandons ensuite une augmentation de 50 % du nombre de bourses pour les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat afin que plus de personnes puissent en bénéficier directement.
Enfin, nous exhortons le gouvernement à mettre en œuvre le rapport Bouchard et à augmenter le financement des trois conseils de 10 % par année au cours des cinq prochaines années afin d'accroître les subventions. Les superviseurs pourront ainsi mieux rémunérer les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat, ce qui aura un impact durable sur l'ensemble de la communauté.
Je vous remercie de votre temps, et j'ai hâte de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous. Je suis professeure à l'Université de Toronto, mais je suis également ici à titre de présidente et cofondatrice du Réseau canadien des scientifiques noirs. Je représente plus de 600 scientifiques noirs au Canada qui ont ou sont en voie d'obtenir un diplôme aux cycles supérieurs dans le domaine des sciences, de la technologie, de l'ingénierie, des mathématiques, de la médecine ou de la santé, mieux connu sous l'acronyme STIMM. Ils travaillent dans divers secteurs un peu partout au pays.
Je suis ici parce que je veux mettre l'accent sur le fait qu'il est essentiel de soutenir et d'encourager le travail des scientifiques émergents pour l'écosystème de l'innovation au Canada et que nous en sommes à un « point de rupture ». Le rapport de 2022 du groupe consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche est très clair à cet égard, alors je tiens pour acquis que nous en sommes bel et bien à un point de rupture.
Je tiendrai également pour acquise l'insistance répétée du gouvernement sur l'importance de la science et de l'innovation pour relever les défis mondiaux urgents qui affectent le Canada et d'autres pays et pour veiller à ce que nous demeurions compétitifs à l'international.
Cela dit, on ne semble pas comprendre la façon dont la recherche est effectuée sur le terrain et la façon dont elle mène à l'innovation. En réalité, la majorité de la recherche pratique est effectuée par des étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat dans notre système. Je peux affirmer sans hésitation que c'est le cas dans toutes les grandes universités et tous les grands laboratoires de recherche au pays dans le milieu scientifique. Ce sont les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat qui passent le plus clair de leur temps au laboratoire ou sur le terrain. Ils sont les piliers de notre écosystème scientifique et d'innovation, et c'est grâce à eux que nous pourrons réussir à l'avenir.
Une fois que cela est compris, il devrait être clair qu'investir dans les infrastructures ou dans les grands consortiums de recherche ne suffit pas. En fin de compte, ce sont ceux qui effectuent réellement le travail qui garantiront le succès de ces investissements. Lorsque le gouvernement affirme que la science et l'innovation sont une priorité en citant notamment la FCI et le FERAC, cela sonne creux. Au lieu de soutenir ceux qui effectuent le travail avec les contraintes actuelles et d'encourager leur excellence, on est en train de les pousser à abandonner le milieu scientifique en leur versant un salaire de misère.
Notre système actuel est un énorme filtre qui écarte les gens en fonction de leurs finances, et non pas en fonction de leur excellence ou de la probabilité qu'ils soient le prochain lauréat canadien du prix Nobel. On écarte ceux qui n'arrivent pas à vivre avec la charge mentale de la pauvreté, ceux qui n'ont pas une cote de crédit qui leur permette de contracter des prêts et ceux qui sont incapables de gérer des programmes de recherche incroyablement difficiles tout en cumulant plusieurs emplois. On écarte les étudiants plus âgés qui ont des personnes à charge. On écarte tous ceux qui ne peuvent pas compter sur le soutien de leur famille pour éviter de s'endetter massivement.
Nous savons qu'au Canada, les familles noires, autochtones, issues de groupes marginalisés et de nombreuses autres dans les collectivités rurales n'ont tout simplement pas les ressources financières pour permettre à leurs enfants de suivre cette voie. Comme vous l'avez entendu, le système fait en sorte que plus de 40 % des étudiants aux cycles supérieurs décrivent leur situation financière comme étant serrée ou en difficulté. Chez les étudiants noirs, ce chiffre dépasse les 50 %.
Un ami m'a dit récemment: « Je sais que ce sujet te passionne .» C'était lors de la marche organisée par Soutenez notre science. Je n'ai participé qu'à deux marches en 53 ans, alors je ne suis pas une manifestante régulière. Mon ami m'a demandé: « Que dirais-tu à une mère monoparentale qui en arrache dans une région rurale du Canada qui se demande pourquoi ses impôts devraient servir à payer le salaire de quelqu'un qui effectue un travail auquel elle ne pourrait même pas rêver? » Voici ce que je lui dirais: « Voulez-vous que vos enfants puissent emprunter cette voie s'ils ont le talent pour le faire en 2023 au Canada, peu importe votre situation financière? »
Ce ne serait pas seulement bénéfique pour ces enfants, mais aussi pour le Canada. La nouveauté et l'innovation sont présentes dans chaque communauté. Je suis née en Jamaïque. Ma famille a immigré au Canada lorsque j'avais environ deux ans. J'ai eu de la chance; je savais que mes parents allaient payer mon éducation. Lorsque je me suis découvert une passion pour la biologie, je sais qu'ils se seraient endettés pour que je poursuive mes études aux cycles supérieurs, mais j'ai eu la chance de recevoir une bourse d'études conséquente du CRSNG. C'était la plus grosse bourse d'études qu'il offrait à l'époque. Elle s'élevait à un peu plus de 21 000 $. C'était il y a 31 ans. Un étudiant qui entame sa maîtrise aujourd'hui ne peut recevoir que 17 500 $. C'est moins que ce que j'ai reçu il y a 31 ans.
Malgré la bourse, je me suis heurtée à un choix après avoir complété mon doctorat à l'Université Cornell. Je songeais alors à fonder une famille. Si je voulais poursuivre mes études au postdoctorat et fonder une famille en même temps, il fallait que je reste aux États-Unis, parce que le Canada ne me verserait pas un salaire suffisant pour que je puisse fonder une famille. J'ai eu la chance d'être embauchée par l'Université de Toronto et je n'ai donc pas eu à faire ce choix, mais beaucoup doivent le faire. Ils quittent le Canada. Nous perdons énormément de talents avec le système actuel.
Voilà pourquoi le Réseau canadien des scientifiques noirs s'est joint à nos collègues. Comme vous venez de l'entendre, nous approuvons tous les demandes et les exigences du rapport Bouchard.
Il faut soutenir davantage nos scientifiques émergents.
Le groupe consultatif du gouvernement a lui-même déclaré que le « soutien actuel pour les étudiants aux cycles supérieurs — les chercheurs de demain — en est à un point de rupture ». Cela me ramène à mon point initial.
Dans les discussions, il est essentiel d'insister sur le fait qu'il s'agit d'un point de rupture pour notre écosystème scientifique et d'innovation. Joignez-vous à nous pour inverser la tendance.
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Merci, monsieur le président et chers membres du Comité de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Julia Messina-Pacheco.
Mon collègue, monsieur Douglas, et moi sommes ici pour représenter Dialogue sciences et politiques. Il s'agit d'un groupe de pression à but non lucratif dirigé par des étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat à Montréal.
Notre objectif consiste à faire entendre la voix de la prochaine génération de chercheurs lors des prises de décisions fondées sur des données probantes en matière de sciences et de politique. Je m'adresse également à vous aujourd'hui en tant que candidate au doctorat qui a consacré 12 ans à son éducation dans des établissements d'enseignement supérieur. Sur ces 12 ans, j'en ai passé sept aux cycles supérieurs. Pendant ces sept années, j'ai manqué de soutien comme la grande majorité des étudiants aux cycles supérieurs au Canada et j'ai donc été obligée de faire des compromis financiers difficiles.
Ma recherche porte sur le cancer du pancréas. Il s'agit d'une maladie dévastatrice qui affecte des milliers de Canadiens et leur famille chaque année. J'ai travaillé fort pendant des années pour étudier cette maladie, parce que l'amélioration des résultats pour les patients est un enjeu qui me passionne. Mon amour réel pour la science me motive également. Cela dit, cette passion et la poursuite de connaissances ont fait en sorte qu'il m'est difficile de payer l'essentiel comme le loyer ou l'épicerie, et même d'envisager de fonder une famille.
Le processus pour obtenir une maîtrise ou un doctorat prend des années, et il s'apparente beaucoup plus à un emploi qu'à une scolarité traditionnelle. Le soutien offert par l'entremise d'allocations et de bourses devrait compenser le coût de la vie et nous permettre de nous concentrer sur la recherche dont le Canada a besoin. Si la science prospère, c'est grâce à l'engagement inébranlable et aux efforts inlassables des étudiants aux cycles supérieurs et des chercheurs au postdoctorat. Il est essentiel de le reconnaître. Ils forment l'épine dorsale de la découverte, de l'innovation et de la croissance économique au Canada. Or, les bourses fédérales stagnent depuis une vingtaine d'années. Ces mécanismes de financement n'ont pas su suivre l'inflation de 48 % et l'augmentation de 38 % des frais de scolarité au cours de cette période.
Ce financement inadéquat a de graves conséquences. Les bourses fédérales jouissent d'un grand prestige et servent de référence pour ce que les universités considèrent comme des allocations minimales raisonnables.Malheureusement, ces références pour les étudiants à la maîtrise et au doctorat se situent en dessous du seuil de pauvreté.
Selon un récent rapport de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, le montant minimum requis pour qu'une personne seule vive dans la dignité à Montréal s'élève à 32 535 $. Après avoir payé mes frais de scolarité, les frais universitaires et mes assurances, le financement de mon doctorat ne me laisse que 20 000 $ par année pour vivre.
Ce financement inadéquat force également les étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat à rechercher de meilleures possibilités financières aux États-Unis, en Europe ou ailleurs, où ils reçoivent des allocations qui reflètent leur mérite et qui couvrent adéquatement le coût de la vie. Le Canada est à la traîne par rapport à ses homologues internationaux en ce qui concerne la rétention des talents. Si le Canada valorise réellement les scientifiques, il doit veiller à ce que le processus d'obtention d'un doctorat soit une période de développement de compétences et un tremplin vers de plus grands exploits, et non pas une période dont il faut se remettre financièrement.
M. Douglas va maintenant vous faire part de nos recommandations précises.
Ma collègue vient de souligner le principal enjeu: les bourses pour les diplômés et les bourses postdoctorales n'ont pas été adaptées à l'inflation depuis 2003, comme nous le savons tous.
L'augmentation des bourses d'études supérieures des trois conseils subventionnaires et des bourses de recherche postdoctorale est essentielle en vue de compenser l'inflation de 48 % qui s'est produite au cours de cette période. Nous croyons qu'une distinction doit être faite pour les bourses de doctorat; nous recommandons d'augmenter les bourses d'études supérieures au doctorat à 35 000 $ afin qu'elles s'harmonisent à la valeur actuelle des bourses d'études supérieures du Canada au doctorat, qui sont plus prestigieuses. En plus d'augmenter la valeur de ces bourses, il faut en augmenter le nombre total.
Le nombre d'étudiants de troisième cycle et de détenteurs d'une bourse de recherche postdoctorale dépasse largement le nombre de bourses qui sont offertes. Pour aborder cette question, nous recommandons d'augmenter de 50 % le nombre de bourses d'études supérieures des trois conseils subventionnaires et de doubler le nombre de bourses de recherche postdoctorale. Nous reconnaissons que les organismes de financement de la recherche fédéraux ne peuvent octroyer les fonds qu'ils n'ont pas. C'est pourquoi, comme l'ont recommandé les autres témoins et comme le recommande le récent Rapport du comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche, nous recommandons une augmentation annuelle du financement des conseils subventionnaires de 10 %, pour une période de cinq ans, afin de couvrir les allocations aux étudiants diplômés et le salaire des boursiers postdoctoraux.
Ces changements sont nécessaires afin de veiller à ce que les Canadiens qui ont un grand potentiel en matière de recherche soient encouragés à poursuivre une formation avancée et à explorer le marché du travail du Canada plutôt que d'aller à l'étranger où ils pourraient être mieux rémunérés.
Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Les Canadiens ressentent les effets de la crise générationnelle du coût de la vie. Les personnes qui ont un revenu fixe, notamment les étudiants, souffrent de la situation en raison des politiques inflationnistes du gouvernement.
La semaine dernière, nous avons entendu des étudiants nous raconter leur triste réalité. L'un des trois étudiants diplômés que nous avons entendus doit vivre avec moins de 1 300 $ par mois. Les étudiants se tournent vers les banques alimentaires, parce qu'ils ne peuvent supporter l'augmentation du coût de l'épicerie. Certains demandent des services de counselling, puisqu'ils n'arrivent pas à subvenir à leurs besoins et d'autres vivent dans des refuges pour les sans-abri puisque le coût de la vie a doublé.
Madame Laframboise, pouvez-vous nous dire quelles sont les conséquences de la crise du coût de la vie et du gel du financement du gouvernement sur le bien-être des étudiants?
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Je crois que nous avons vu clairement au cours des dernières années que les étudiants sont en difficulté. Je le constate aussi en parlant aux étudiants diplômés. Ils connaissent des difficultés sur le plan mental, physique, émotionnel et financier.
Je crois que le gouvernement pourrait aider les étudiants sur le plan financier, ce qui les aiderait dans les autres sphères de leur vie également. La santé mentale des étudiants de cycle supérieur représente une grande préoccupation. Comme vous l'avez entendu, 87 % d'entre eux vivent du stress et de l'anxiété en raison de l'argent seulement. Imaginez, donc, le stress qu'ils vivent en raison de nombreux autres facteurs. Je crois qu'il est important de réitérer que les étudiants diplômés de partout au pays sont en difficulté et que la situation a des répercussions sur eux.
Je crois qu'il est très facile pour nous d'être assis ici et de faire semblant de ne pas les voir, mais ces étudiants sont le moteur de la recherche. Ils sont sur le terrain. Ce sont les travailleurs de première ligne du domaine de la recherche.
S'ils sont en difficulté, c'est tout l'écosystème qui en souffre, et c'est l'innovation au Canada qui en subira les conséquences, pour les générations à venir.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins et les étudiants dans l'assistance. Il est rare que certains membres du public doivent se tenir debout dans notre salle de comité. Bienvenue à tous.
Madame Laframboise, bienvenue à nouveau. Comme vous l'avez déjà mentionné, vous avez participé à une étude antérieure sur les meilleurs talents, la recherche et l'innovation. Je suis certaine que vous savez que, dans la foulée de cette étude, le Comité a fait quatre recommandations très précises — les recommandations quatre, cinq, sept et neuf — pour régler le problème du sous-financement.
Je voulais simplement le mentionner. Vous le savez sans doute, mais je voulais assurer aux étudiants et à toute l'assistance dans la salle que vous aviez déjà été entendue. J'ai l'impression que nous nous sommes un peu fait faire la leçon. Je comprends votre frustration.
Je reprends un passage de votre dernier témoignage, où vous avez affirmé:
Seulement 33 % des étudiants de deuxième et de troisième cycle bénéficient d'un soutien direct grâce aux bourses des trois conseils de l'un des trois organismes subventionnaires fédéraux. Les autres sont soutenus indirectement par des allocations provenant des subventions de recherche ou des départements de leurs superviseurs.
Quelles sont les sources de financement de recherche pour les étudiants des cycles supérieurs, outre les subventions et bourses de maîtrise et de doctorat?
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Ils le font de bien des manières différentes. Dans certains pays — en Norvège, je crois; j'aurais dû avoir cette précision —, il existe une norme dans tous les domaines en fonction du niveau. Un étudiant de maîtrise ou en première année de doctorat obtient une allocation standard. Elle se bonifie à mesure que l'étudiant progresse dans son programme, comme ce serait le cas dans tout autre domaine, où le gain d'expertise fait en sorte que son travail a de plus en plus de valeur au fil de sa formation. Ce type d'approche est très courante.
Évidemment, dans des pays comme les États-Unis, certaines institutions ont les poches très profondes, alors elles recourent aussi aux fondations d'anciens étudiants, etc., qui peuvent complémenter ce genre de sources.
Il y a aussi les assistanats d'enseignement, qui existent aussi dans notre système. Dans d'autres pays, il y a une limite au nombre d'assistanats d'enseignement que peut faire un étudiant, alors qu'au Canada, bien souvent, les étudiants évitent de devoir recourir aux banques alimentaires grâce à de très nombreuses heures comme assistant, ce qui leur laisse moins de temps pour leur recherche.
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Le système canadien fait en sorte que les provinces et les territoires ont la responsabilité des coûts d'exploitation des études postsecondaires et, parce qu'il y a plusieurs provinces et territoires, il y a des différences d'une région à l'autre du pays. Il est difficile d'avoir des normes universelles.
Quelle est l'incidence de la valeur monétaire des bourses de recherche postdoctorale sur la recherche en début de carrière?
Oh, je crois que je le sais, alors je retire ma question. Je connais déjà la réponse. Il ne faut jamais poser une question dont on connaît déjà la réponse.
Monsieur Douglas, voici une question pour vous.
Le gouvernement a récemment annoncé l'octroi de 1,4 milliard de dollars par l'entremise du Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada. Bien que cela ne règle pas le problème, comment des investissements comme celui‑ci soutiennent-ils les chercheurs?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, permettez-moi de saluer l'ensemble des gens qui se sont déplacés ici aujourd'hui. Je pense que vous constatez l'importance de cette étude.
Permettez-moi de souligner humblement que je suis le premier diplômé universitaire de ma famille. J'ai compris ce que c'était de devoir travailler pendant ses études. J'ai compris également ce que c'était de rêver d'aller à l'université. J'ai travaillé près de 10 ans, monsieur le président, pour économiser en vue de réaliser mon rêve d'aller à l'université. Aujourd'hui, quand je regarde ces personnes, je suis très fier qu'elles se tiennent debout pour envoyer un message au gouvernement, évidemment, mais également pour affirmer que les choses doivent changer. Je les en remercie du fond du cœur.
Je vais poursuivre mes questions, sans oublier la présence des gens qui sont ici, particulièrement celle de Mme Laframboise, que je veux remercier de son leadership au sein du mouvement Soutenez notre science.
J'allais oublier quelque chose, mais ce serait impossible. La semaine dernière, j'étais avec eux sur la Colline du Parlement, parce que des milliers d'étudiants de près de 50 universités d'un bout à l'autre du Canada sont venus manifester pour demander au gouvernement d'agir au sujet de l'indexation des bourses d'études. Ces étudiants et ces gens savent qui était présent à leurs côtés. Les représentants du gouvernement étaient invités, et je vous confirme qu'ils n'y étaient pas. Je ne peux passer cela sous silence. Aujourd'hui, j'entends certains représentants du gouvernement dire qu'ils sont déjà au courant du problème et qu'ils le comprennent. Je ne suis pas convaincu qu'ils le comprennent vraiment. En tout cas, si c'était si important pour eux, ils auraient été présents aux côtés des étudiants. Alors, pour la compréhension des priorités, on repassera.
Je vais me tourner vers vous, professeure Andrade. Vous l'avez dit avec éloquence, le Canada a atteint un point de rupture en matière de science et de recherche. Or, à mon avis, la situation est encore plus dramatique. Je crois que le Canada a dépassé le point de rupture en science. Le Canada est le seul pays du G7 à avoir réduit ses investissements en recherche‑développement proportionnellement à son produit intérieur brut depuis maintenant 20 ans. Il est le seul pays du G7 à avoir perdu des chercheurs depuis 2016. Le gouvernement fédéral condamne ses meilleurs cerveaux à vivre sous le seuil de la pauvreté pendant leurs études aux cycles supérieurs.
Je vais donner un exemple très concret. Un panier de biens de services qui coûtait 100 $, en 2003, coûte 150,63 $, en 2023. Cela représente une hausse de 50,63 %. De combien les bourses d'études ont-elles été indexées au cours des 20 dernières années? La réponse est « zéro ». On comprendra que le calcul est assez simple.
Le budget de 2023 représentait une occasion parfaite pour répondre aux investissements de nos compétiteurs, dont les États‑Unis, qui ont annoncé des investissements majeurs en recherche, mais nous y avons investi zéro dollar. C'est un abandon total et complet de nos chercheurs et de nos étudiants.
Professeure Andrade, que pouvez-vous nous dire à cet égard?
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Merci. Je remercie également les témoins, ainsi que les jeunes chercheurs dans l'assistance, pour leur présence. Cela compte beaucoup pour nous.
Je commence avec Mme Andrade.
Je suis ravi de vous voir. Je crois que nous nous sommes vus au congrès d'entomologie à Vancouver l'année dernière, alors je suis heureux de vous voir ici, à Ottawa.
J'aime beaucoup la façon que vous avez eue de présenter la situation. Vous avez souligné que ce sont les étudiants de cycles supérieurs qui font le travail. Ces personnes font le travail et si le gouvernement affirme que la recherche, la science et l'innovation sont une priorité, naturellement, ces personnes devraient être une priorité. De plus, le système est un filtre qui ne fonctionne pas en se fondant sur le talent, mais sur la capacité à trouver d'autres moyens de rémunération. Voilà qui laisse énormément de chercheurs sur la touche.
Je vous donne quelques minutes pour en dire davantage à ce propos.
Madame Laframboise, merci pour le travail que vous avez accompli sur cet enjeu et pour votre aide à l'organisation de la manifestation de la semaine dernière. Vous êtes mobilisée sur cette question depuis un bon moment. Vous avez souligné certaines des mesures que vous avez prises: la lettre, la pétition, les manifestations de l'année dernière et celles de cette année.
Je présume que vous avez rencontré des représentants du gouvernement. Je me demande quelle réponse vous avez obtenue de leur part. Comment répondent-ils à vos demandes directes? Par exemple, quelle a été la réaction à la pétition? Pourriez-vous me le dire, afin que je comprenne pourquoi il n'y a pas de progrès?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais poser mes questions à Mme Laframboise.
Madame Laframboise, vous savez que le Canada se classe en queue de peloton parmi les 38 pays de l'OCDE. En fait, il se situe au 26e rang pour son taux de diplomation aux cycles supérieurs. Pourtant, nous connaissons très bien les conséquences du fait de ne pas indexer les bourses d'études depuis maintenant près de 20 ans. Ce sont, entre autres, la précarité économique et les effets sur la santé mentale subis par les étudiants, ainsi que l'exode des cerveaux.
J'aimerais connaître votre point de vue en tant que représentante du mouvement Soutenez notre science. Les étudiants qui n'ont pas des parents pouvant les soutenir financièrement doivent souvent renoncer à des études universitaires. C'est ce que j'ai fait pendant plusieurs années, près de 10 ans; j'ai travaillé afin de mettre des sous de côté pour atteindre mon rêve d'aller à l'université. Comment un pays du G7 peut-il faire une discrimination entre les étudiants de familles privilégiées et les autres? Je pense notamment aux étudiants en régions éloignées, qui doivent souvent déménager, payer un loyer, travailler pour survivre et poursuivre leur rêve universitaire.
Avez-vous des données démontrant que certaines personnes renoncent à poursuivre leurs études aux cycles supérieurs en raison du manque de soutien financier?
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La question, à mon avis, est de savoir à qui on permet de faire des études supérieures de nos jours.
Je me vois comme un exemple parmi de nombreux autres. Est‑ce qu'on devrait s'endetter de 100 000 $ pour obtenir un doctorat, surtout pour des perspectives de carrière comme les miennes? Si je voulais continuer dans le domaine des sciences, je ferais un postdoctorat, je gagnerais 45 000 $ par année et je continuerais à reporter le remboursement de ma dette.
Les étudiants postdoctorants sont de jeunes adultes. Ils sont à la fin de la vingtaine ou au début de la trentaine. Ils ont souvent des personnes à charge. Ils veulent investir tout autant que leurs pairs. Ils veulent être de jeunes adultes fonctionnels dans la société. Ce n'est pas possible à l'heure actuelle.
Vous avez raison. Le contexte actuel va éliminer les personnes qui ne veulent pas porter tous ces fardeaux. Notre sondage l'a démontré à maintes reprises.
On pense notamment à l'achat d'une propriété. Le sujet a déjà été abordé au Comité. Quatre-vingts pour cent des étudiants des cycles supérieurs sont locataires. Seuls 10 % sont propriétaires. Ce sont des étudiants dans la jeune trentaine. Il s'agit d'une situation sans précédent comparativement aux moyennes nationales, qui sont déjà une source d'inquiétude. Je crois que des exemples comme ceux‑ci illustrent bien les répercussions sur les étudiants et les postdoctorants.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos exposés, de votre passion, de votre engagement et des personnes que vous avez amenées avec vous pour vous soutenir.
Malgré le caractère mignon de l'opposition, tous les partis s'efforcent de collaborer pour tenter de faire ce qui est dans l'intérêt de nos familles. J'ai des enfants et des neveux, et certains de mes membres étudient en vue d'obtenir un doctorat. Ils ont du mal à joindre les deux bouts. Ils essaient de s'en sortir d'une manière ou d'une autre. Certains d'entre eux ont déménagé sur la côte Est. Ils étaient enseignants ou professeurs, et ils ont suivi le même processus dans lequel vous vous engagez.
Il est certain que le gouvernement a augmenté le financement et les infrastructures, entre autres choses. Alors que l'opposition demandait des réductions, nous avons en fait augmenté... mais pas suffisamment, et c'est la raison pour laquelle vous êtes ici et la raison pour laquelle nous avons organisé cette réunion. Nous voulons que les choses s'améliorent, et nous le voulons vraiment.
Professeure, vous avez dit quelque chose que j'aimerais clarifier. Qu'est‑ce qui rend le Canada compétitif? Vous dites que nous ne le sommes pas, alors qu'est‑ce qui nous manque? De toute évidence, vous avez formulé des recommandations et nous vous avons écoutée. Qu'est‑ce qui nous rendrait compétitifs par rapport aux États-Unis, à l'Australie et à d'autres pays?
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Je dois dire que j'estime que les Canadiens font beaucoup de choses avec peu de ressources. Nos subventions sont modestes, mais nous nous démarquons à l'échelle internationale, et c'est tant mieux.
Cependant, en ce qui concerne la science et l'innovation au Canada, il y a actuellement un écart entre nous et d'autres pays. C'est ce que montrent de nombreux rapports, dont certains émanant du Conseil des académies canadiennes, ou le CAC. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un plus grand nombre de scientifiques qui étudient, car on ne sait pas d'où viendra l'innovation qui aboutira à un vaccin contre la COVID‑19. La personne qui a réalisé cette innovation a travaillé dans les tranchées pendant des décennies sans être très bien rémunérée, et elle a perdu ses subventions aux États-Unis.
Nous avons besoin d'un plus grand nombre de personnes ayant de nouvelles idées pour pouvoir entreprendre des projets novateurs qui nous permettront de résoudre des problèmes que nous n'avons pas encore rencontrés.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aime toujours avoir des données. Je suis un homme très factuel, mais vous savez, c'est un peu futile quand on sait qu'un gouvernement investit zéro dollar. Ce n'est pas difficile de faire mieux que zéro. Alors qu'on pourrait investir 134 millions, 137 millions ou 162 millions de dollars, zéro dollar ne change pas grand-chose. Quand on est le seul pays du G7 à avoir réduit ses investissements, en comparant son produit intérieur brut avec celui des autres pays du G7, on n'a pas besoin de savoir combien de millions on a investis. Quand on est le seul pays du G7 à perdre des chercheurs, on le sait aussi.
Je vais poser mes questions aux représentants de Dialogue sciences et politiques. Nous avons parlé de la question des États‑Unis, qui sont très attrayants. Ils ont décidé de doubler — j'ai bien dit doubler, monsieur le président — le budget de leur plus grand programme de financement sur cinq ans par le truchement de la CHIPS and Science Act. Nos chercheurs ambitieux et talentueux vont donc finir par se tourner vers le Sud pour faire leurs recherches. Le Canada risque de devenir encore plus une colonie scientifique. J'ai repris les propos de M. Chad Gaffield, du réseau U15, qui est venu au Comité présenter son point de vue.
J'aimerais que les représentants de Dialogue science et politiques nous dévoilent ce qu'ils prévoient faire relativement à cette situation.
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Tous les départements d'études supérieures et de premier cycle du pays doivent être examinés périodiquement par des évaluateurs externes. C'est dans ce contexte que des collègues de l'université d'Alberta et de l'université Western se sont rendus dans un établissement que je ne nommerai pas et ont découvert à quel point leurs étudiants des cycles supérieurs étaient désespérément pauvres. Les scientifiques mettent du temps à modifier leur comportement. Ils acceptaient encore le même nombre d'étudiants qu'auparavant, même si leurs subventions avaient plafonné et que leurs dépenses avaient augmenté.
Nous leur avons dit qu'ils devaient verser un salaire décent à ces étudiants, qu'ils devaient leur donner plus d'argent, ce qui signifie qu'ils devaient engager moins d'étudiants. Je recommanderais la même chose à la plupart des établissements que j'ai visités partout au Canada.
Je pense que, même si nous ne modifions pas notre comportement très rapidement, cela va se produire dans tout le pays, étant donné que ce type de mouvement permet aux chercheurs principaux de voir de plus en plus clairement que leurs étudiants ont tellement de mal à joindre les deux bouts qu'ils fréquentent des banques alimentaires. Cela va éviscérer notre écosystème d'innovation.
Nous disposons d'une minute que M. Cannings m'a cédé.
Je repense aux années 1970, à l'époque où je faisais mes études. Je me souviens de ces années et des premières années de mon mariage, quand nous retournions les bouteilles de bière pour récupérer assez d'argent pour pouvoir acheter de l'essence pour la voiture afin d'aller regarder une télévision qui n'était pas en noir et blanc. Les solutions doivent être devant nous, et nous devons les trouver ensemble.
Je remercie les témoins de travailler avec nous à résoudre ce problème et les invités qui sont venus nous voir débattre de ce sujet. Nous poursuivrons nos délibérations liées à l'étude. Nous irons de l'avant et présenterons un rapport qui sera rendu public. Nous continuerons de travailler ensemble. Je vous remercie de votre participation.
Nous allons passer à la partie suivante de la réunion, qui sera, je l'espère, assez brève. Elle concerne le budget de projet pour l'étude que nous menons.
Nous avons fait circuler un budget. Pour des études parlementaires comme celle‑ci, le budget dont nous disposons est de 23 000 $. Il vise à aider les personnes à venir témoigner devant nous et à payer les frais de fonctionnement de la réunion. Les gens dans la salle approuvent-ils le budget?
Des députés: Oui.
Le président: Formidable. Merci. Je remercie la greffière d'avoir préparé ce budget.
Monsieur Mazier, vous avez la parole.