:
Bienvenue à tous. Bonsoir.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous sommes ravis que vous puissiez vous joindre à nous.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue à la seizième réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
[Traduction]
Le Bureau de régie interne exige que les comités se conforment aux protocoles sanitaires suivants, qui seront en vigueur jusqu'au 23 juin.
Les personnes qui souhaitent entrer dans la Cité parlementaire doivent être entièrement vaccinées contre la COVID-19. Tous ceux qui assistent à la réunion en personne doivent porter un masque, sauf les membres du Comité lorsqu'ils sont assis à leur place.
Pour en savoir davantage sur les mesures préventives en matière de santé et de sécurité, veuillez communiquer avec notre greffier, qui fait de l'excellent travail. En tant que présidente, je veillerai à appliquer ces mesures et, comme toujours, je vous remercie à l'avance de votre coopération.
[Français]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous une forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021.
[Traduction]
Il y a quelques règles à suivre. Des services d'interprétation sont disponibles pour cette réunion, et vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Au bas de votre écran, il y a une icône vous permettant de choisir le parquet, l'anglais ou le français.
Si vous souhaitez prendre la parole, veuillez cliquer sur la fonction « Lever la main » qui se trouve dans la barre d'outils principale.
[Français]
Je vous rappelle que vous devez adresser toutes vos interventions à la présidence.
[Traduction]
Lorsque vous n'avez pas la parole, assurez-vous de mettre votre microphone en sourdine. Nous verrons à maintenir l'ordre des interventions.
Chers collègues, je suis heureuse de vous présenter les témoins de notre premier groupe ce soir.
Nous accueillons David Novog, qui témoignera à titre personnel, ainsi que Dave Tucker, vice-président adjoint, Recherche nucléaire, de l'Université McMaster. Bienvenue à vous deux.
Nous sommes très heureux que Ken Hartwick, président et directeur général d'Ontario Power Generation, ait pu se joindre à nous.
Nous vous souhaitons à tous la bienvenue. Nous espérons que votre comparution aujourd'hui se déroule sans problème. Soyez assurés que le Comité est désireux de vous entendre.
Vous disposerez chacun de cinq minutes. Après quatre minutes et demie, je lèverai un carton jaune pour indiquer qu'il vous reste 30 secondes pour conclure.
Sur ce, je cède la parole à M. Novog.
Vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Je vous salue, madame la présidente.
Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. C'est pour moi un honneur.
Je profite de l'occasion pour remercier le greffier et le personnel d'avoir facilité ma comparution.
À titre d'information, je suis professeur de génie nucléaire et je dirige un programme de formation, auquel participent plusieurs universités et ayant un budget de plusieurs millions de dollars, sur les petits réacteurs modulaires. Dans le cadre de mes fonctions à l'Université McMaster, j'ai emmené des étudiants visiter les réacteurs nucléaires les plus performants au monde, ainsi que les sites de Tchernobyl et de Fukushima, tout cela pour améliorer leur compréhension des répercussions techniques et sociales de leur travail et de leur recherche.
J'ai fait des exposés sur le changement climatique dans de nombreux forums internationaux et devant des auditoires de tous les niveaux. Jusqu'à récemment, beaucoup de ces exposés portaient sur les défis presque insurmontables que le changement climatique pose à notre société. Certaines projections économiques font voir que, du fait de la détérioration du climat, la qualité de vie de ceux qui sont enfants aujourd'hui sera inférieure à celle dont nous jouissons.
J'aimerais citer le célèbre James Lovelock, père de la théorie Gaïa, qui décrit la relation entre les humains et la planète. Il est également membre du Most Excellent Order of the British Empire et il est âgé de 102 ans. Il a dit récemment qu'il pensait que la biosphère et lui-même vivaient le dernier 1 % de leur existence. Ainsi, l'un des plus grands inventeurs et scientifiques de notre époque n'est guère optimiste quant à notre avenir et, pendant bien des années, je lui donnais raison.
Cependant, j'ai changé d'idée ces dernières années. J'ai redécouvert que mon travail de professeur consiste à inspirer, à amener les étudiants à apprendre et à les aider à réussir à relever les défis de ce genre. Mon objectif a été de les convaincre de ne pas baisser les bras, de garder espoir et de toujours croire qu'il y a une solution, autrement dit de s'arracher à la paralysie qui risque de survenir devant un problème qui semble trop difficile à résoudre.
Aujourd'hui, je crois vraiment qu'il existe une solution.
Il s'agit d'une solution qui a fait ses preuves, qui montre qu'on peut réduire les émissions de CO2 tout en augmentant le PIB. Un excellent exemple est celui de la solution énergétique, axée sur le nucléaire, adoptée par la France au cours des années 1970, qui a montré qu'un pays peut réduire ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 50 % et augmenter simultanément son PIB de 50 %. L'option nucléaire, conjuguée à l'hydroélectricité et aux nouvelles technologies, comme l'éolien, le solaire et les véhicules électriques, compléterait la panoplie de nos moyens et nous assurerait de pouvoir relever les défis que pose actuellement le changement climatique.
Le Canada peut être parmi les chefs de file dans ce domaine parce qu'il s'agit d'une technologie qui convient bien à notre géographie et à notre savoir-faire. Les petits réacteurs modulaires, outre qu'ils ajouteraient à la production d'électricité, peuvent aussi être une technologie avantageuse apportant aux collectivités éloignées des possibilités, aujourd'hui inexistantes, d'amélioration de la qualité de vie, de l'agriculture, du dessalement de l'eau et de l'éducation.
En revanche, le public se préoccupe des déchets nucléaires, de la sécurité et des aspects économiques des petits réacteurs modulaires. Ces préoccupations persistantes font ressortir la nécessité d'un dialogue national de fond sur l'énergie nucléaire, qui devrait non seulement donner au public une analyse factuelle, mais aussi évaluer les conséquences du rejet de cette option énergétique, pourtant sans effet sur le climat.
Cet effort de sensibilisation pourrait également répondre à la nécessité fondamentale d'avoir des talents humains en élargissant les possibilités de formation et de perfectionnement des jeunes. Par exemple, cette semaine, à l'Université McMaster, nous avons accueilli un petit groupe de jeunes diplômés pour une formation pratique sur notre réacteur. Cette activité a été financée par le CRSNG dans le cadre d'un programme de formation sur les PRM que j'offre.
Cependant, d'autres universités et des jeunes de partout au Canada me demandent souvent pourquoi ils ne peuvent pas y participer. La réponse simple: même avec les 2,5 millions de dollars affectés au programme, je ne peux accueillir qu'un nombre relativement restreint de participants. Ainsi, pour établir un environnement universitaire favorable aux PRM, il faudrait un programme coordonné et continu, bien au-delà de nos possibilités de financement actuelles.
Je dirai, en terminant, qu'il il n'y a pas de technologie magique pour venir à bout du problème climatique, mais la situation n'est pas désespérée pour autant. Au problème climatique, il existe des solutions, dont des éléments ont été éprouvés à l'échelle dont nous avons besoin. Si nous augmentons au niveau voulu les investissements dans les technologies et les universités afin de créer les capacités humaines nécessaires à ces projets, je crois qu'il nous sera permis d'espérer.
:
Merci, madame la présidente.
Bonsoir et merci à tous de l'invitation. C'est un honneur pour moi de comparaître ici.
McMaster est l'université nucléaire du Canada. On y trouve le réacteur nucléaire de McMaster, le plus grand réacteur de recherche au pays. Notre réacteur n'est pas un petit réacteur modulaire — ce n'est pas de l'énergie que nous ne produisons, mais des neutrons à des fins de recherche et des isotopes —, mais il est de taille similaire et se trouve au cœur de notre campus depuis plus de 60 ans.
Le réacteur nucléaire de McMaster produit 60 % de l'iode 125 du monde, un isotope médical utilisé pour traiter le cancer de la prostate et d'autres. Chaque année, nous en produisons suffisamment pour traiter plus de 70 000 patients partout dans le monde.
Ce réacteur de cinq mégawatts est le seul réacteur de recherche au monde dont l'exploitation ne dépend pas de fonds publics. Il est exploité de façon autonome, sur la base du recouvrement des coûts à la faveur d'opérations commerciales, et il est un moteur économique clé, soutenant l'industrie et suscitant la création de multiples entreprises biopharmaceutiques dérivées.
Ces atouts uniques, conjugués à la présence d'autres établissements de recherche nucléaire de pointe, font de McMaster un partenaire extrêmement bien positionné pour la mise en place de nouveaux PRM. C'est pourquoi l'Université McMaster s'est félicitée de pouvoir contribuer un chapitre au plan d'action du gouvernement pour les PRM, indiquant notre volonté d'étudier la possibilité d'accueillir un PRM sur le campus ou à proximité. Il s'agirait du tout premier déploiement pilote d'un PRM dans une collectivité au Canada.
Il y a quelques semaines à peine, l'Université McMaster a annoncé qu'elle allait passer aux prochaines étapes pour déterminer la taille de cet éventuel projet en partenariat avec Global First Power et Ultra Safe Nuclear. Il s'agirait d'un microréacteur modulaire — un très petit PRM — qui serait le cœur d'un système intégré de production et de récupération d'énergie dans la collectivité.
Comme le Comité le sait bien, d'importants obstacles se dressent devant nous à mesure que le Canada cherche à concrétiser la promesse d'une énergie sûre, propre, fiable et de production souple grâce aux PRM. Des questions urgentes se posent quant aux besoins de recherche-développement et de renforcement des capacités de la main-d'œuvre.
Au chapitre de la recherche-développement, l'Université McMaster possède des installations uniques pouvant servir pour l'essai des matériaux irradiés à de hautes températures, ainsi que pour soutenir la fabrication d'articles avec de nouveaux matériaux. Nous travaillons avec des fournisseurs de PRM, comme Westinghouse, pour que nos installations et nos spécialistes soient mis à contribution dans des projets de développement, y compris ceux portant sur l'essai de matériaux, la mise au point de combustibles, l'analyse de la sécurité et les questions d'élimination des déchets concernant les PRM. En fait, nous demandons actuellement l'appui du gouvernement fédéral pour accroître la disponibilité des neutrons à des fins de recherche sur les faisceaux de neutrons et les irradiations dans le but d'améliorer notre capacité de soutenir le développement des PRM.
Étant un établissement d'enseignement dont la mission première consiste à former la prochaine génération de scientifiques de talent et de professionnels, l'Université McMaster offre, bien sûr, des programmes de formation dans le domaine nucléaire et a élaboré des programmes d'études pour faire en sorte que le Canada possède le savoir-faire nécessaire. À titre d'exemple, l'Université McMaster abrite l'initiative Éducation, compétences et technologie nucléaires, lancée par l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE, qui porte sur l'enseignement des compétences pratiques liées au développement et à la gestion des PRM. Nous offrons également le programme de formation sur les petits réacteurs avancés, le programme SMART CREATE.
Ce genre de formation et de perfectionnement des compétences prendra une importance sans cesse plus critique à mesure que le Canada réussira à développer et à mettre en place des PRM, puis qu'il aura à en assurer l'exploitation et l'entretien à long terme. Nous devons en faire davantage et agir plus rapidement, à l'échelle nationale, pour que les PRM puissent jouer leur rôle essentiel dans l'atteinte de notre cible de carboneutralité d'ici 2050.
À cette fin, je veux prendre un moment pour dire que nous avons été heureux de constater l'intérêt que tous les ordres de gouvernement ont montré jusqu'à maintenant pour le développement des PRM. Cette attitude témoigne d'un engagement clair des gouvernements en faveur du développement des PRM. Il faut les féliciter, mais, puisque nous cherchons à concrétiser les avantages que promet cette technologie, l'Université McMaster propose que les prochaines étapes comportent des efforts pour tirer parti plus efficacement des équipements nucléaires existants, comme le réacteur de McMaster.
Un plan exhaustif de recherche-développement qui ferait le lien entre les installations gouvernementales et les laboratoires privés et institutionnels, les services publics, les vendeurs, les fournisseurs et les universitaires devrait être mis en place pour faciliter les efforts coordonnés nécessaires à l'atteinte de ces objectifs. Pareillement, il est essentiel de commencer dès maintenant à élaborer une stratégie pancanadienne propre à créer la main-d'œuvre qui aura à mettre en place, à exploiter, à entretenir et à réglementer les PRM de l'avenir et les infrastructures et systèmes d'énergie propre s'y rattachant. Il est important que ces efforts soient pancanadiens et que leur financement soit tel que les efforts nationaux aboutissent à des résultats nationaux.
Sur ce, je vous remercie beaucoup de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, madame la présidente.
Bonsoir. Je vous remercie de m'avoir invité à participer à cette importante discussion sur les petits réacteurs modulaires.
Comme cela a été dit, je suis le PDG d'Ontario Power Generation, l'un des plus grands producteurs d'énergie propre en Amérique du Nord. Nous avons un portefeuille d'actifs très diversifié, comprenant l'hydroélectricité, le nucléaire, l'énergie solaire, la biomasse et le gaz naturel, qui alimente l'Ontario et certaines régions des États-Unis.
Toutes les centrales et installations génératrices d'OPG sont situées sur des terres autochtones traditionnelles ou visées par un traité. Par exemple, notre petit réacteur nucléaire de Darlington se trouve sur le territoire traditionnel partagé des Chippewas et des Mississauga Anishinabe, collectivement appelés les Premières Nations signataires des Traités Williams. OPG s'est engagée à continuer de travailler avec les communautés et intervenants autochtones afin d'intégrer les connaissances autochtones et traditionnelles, de mieux comprendre les répercussions éventuelles du projet et de renforcer le processus d'évaluation et de prise de décisions.
En avril 2014, OPG a brûlé son dernier morceau de charbon pour produire de l'électricité en Ontario. L'abandon du charbon demeure l'une des plus importantes mesures pour lutter contre le changement climatique dans le monde. Nos efforts visent maintenant à devenir une entreprise carboneutre d'ici 2040 et de contribuer ainsi à l'avènement d'une économie carboneutre d'ici 2050.
Notre plan de lutte contre le changement climatique comporte un éventail d'initiatives, notamment le projet de 13 milliards de dollars — sans dépassement des délais et du budget — de remise à neuf de la centrale nucléaire de Darlington, la valorisation de l'hydrogène, les améliorations du réseau hydroélectrique et l'accroissement de sa capacité, l'électrification des transports et le stockage de l'énergie. Il comprend également les PRM, qui sont au centre de nos efforts. Ces objectifs expriment notre intention d'accroître la prospérité des Canadiens, des Ontariens et des communautés autochtones tout en augmentant notre offre d'énergie propre. Ce faisant, nous croyons apporter un plan directeur dont d'autres pourront s'inspirer pour atteindre des objectifs similaires dans l'ensemble du secteur de l'énergie.
OPG a aussi publié son plan d'action pour la réconciliation, qui orientera notre travail avec les communautés, les entreprises et les organisations autochtones afin de favoriser un réel progrès vers la réconciliation.
Votre étude sur les PRM arrive à point nommé pour le Canada et les Canadiens. L'aggravation de la crise climatique est maintenant accentuée par les risques géopolitiques, économiques et énergétiques liés à l'invasion russe de l'Ukraine. Le changement climatique et la sécurité énergétique sont interreliés et doivent donc être abordés ensemble.
Sans doubler, voire tripler sa production d'électricité propre, le Canada ne sera pas en mesure d'atteindre ses objectifs en matière de changement climatique. Pour répondre aux besoins de la lutte contre le changement climatique et de la sécurité énergétique, les réacteurs nucléaires et les petits réacteurs modulaires sont essentiels. C'est pourquoi OPG travaille avec ses partenaires de l'industrie, y compris ceux qui sont représentés à cette table, pour développer et mettre en place les technologies de PRM. Il est clair qu'il faut une transition énergétique dans laquelle de nombreuses technologies permettront à diverses régions d'atteindre leurs objectifs communs.
J'aime appeler cette approche un branle-bas de combat. Permettez-moi de vous donner un exemple. Je pense que nous connaissons tous le dicton selon lequel le vent ne souffle pas toujours et le soleil ne brille pas toujours. C'est justement pour cela que nous avons besoin d'une alimentation électrique de base, nucléaire ou hydroélectrique.
Tâchons cependant de comprendre un peu mieux. Certains diront qu'il suffit de construire plus d'éoliennes et de capteurs d'énergie solaire, de bien les répartir et d'accroître le stockage par batteries, après quoi tout ira bien. L'analyse que nous avons faite pour l'Ontario laisse voir que la production d'électricité de base est incontournable et qu'elle rend le système plus efficace et plus économique pour les contribuables et, en fin de compte, plus bénéfique pour le climat. Notre analyse établit que toutes les formes de technologie seront nécessaires pour optimiser la réduction des de carbone et des coûts pour tous.
Cette analyse portant sur l'Ontario montre que l'option la moins coûteuse et la plus réductrice des émissions de carbone est une combinaison de ces divers moyens, soit les énergies renouvelables, le nucléaire et même le gaz pendant les périodes de pointe quelques fois par année. Nous ne sommes pas les seuls à être arrivés à cette conclusion. Ailleurs dans le monde, les pays avec lesquels nous discutons, comme les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Pologne, ont aussi explicitement affirmé que le nucléaire et les PRM sont essentiels à leurs besoins énergétiques et à leurs efforts pour contrer le changement climatique. Je suis sûr que d'autres pays suivront.
Permettez-moi d'en venir aux principaux points à retenir.
Premièrement, le Canada peut réussir, et c'est ce que tâchons de montrer en Ontario. La voie la plus économique vers la carboneutralité est une combinaison de différentes technologies, qui variera quelque peu selon la province et l'emplacement. Il faut plus d'énergie nucléaire dans au moins certaines provinces, et les PRM offrent une solution qui convient à plusieurs d'entre elles.
Il a été démontré que l'énergie nucléaire est avantageuse pour l'économie. L'acquisition de cette nouvelle capacité nucléaire entraînera la création de dizaines de milliers d'emplois et des milliards de dollars en avantages quant à la production d'électricité. Le Canada peut jouer un rôle de premier plan dans l'expansion des PRM dans le monde. Nous devons nous y mettre sans tarder et agir plus rapidement que ceux qui nous entourent. Pour cela, il faudra que le gouvernement fédéral nous apporte son soutien, comme il l'a fait jusqu'à maintenant, afin d'accélérer l'adoption de l'énergie nucléaire en tant qu'élément constitutif d'une économie d'énergie propre.
:
Merci, madame la présidente.
Je crois que mes questions s'adressent à M. Tucker.
J'aimerais me pencher sur les fondements scientifiques. La plupart des réacteurs dont j'entends parler fonctionnent essentiellement à la vapeur. Nous avons de nouveaux matériaux, des pressions élevées et d'autres conditions que permettent les nouveaux matériaux, et ainsi de suite., mais il me semble que c'est fondamentalement la même technologie que nous avons depuis le début de l'ère industrielle, sauf qu'au lieu de chauffer la chaudière avec du charbon ou du bois ou au moyen d'un autre procédé chimique, nous utilisons l'énergie nucléaire. Ça demeure quand même une chaudière.
Je me demande s'il existe une autre façon d'extraire l'énergie de la fission nucléaire que... Il y a peut-être un processus non thermodynamique. Pouvez-vous m'éclairer sur ce point.
:
Je vais commencer, puis, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je demanderai à M. Novog de compléter ma réponse.
Fondamentalement, la production d'électricité au moyen de turbines se fait en portant l'eau à ébullition pour produire de la vapeur. Vous avez raisons. Le fait de pouvoir le faire à l'aide d'une source d'énergie très propre, fiable et sûre grâce aux PRM est une transition importante pour notre secteur énergétique. Les progrès dans l'utilisation et l'installation des PRM permettent de récupérer l'énergie produite de façon beaucoup plus efficace. À titre d'exemple, je mentionne le système de récupération d'énergie ICE, le système communautaire intégré de récupération d'énergie mis au point à l'Université McMaster en partenariat avec d'autres universités. Nos chercheurs travaillent actuellement à modéliser des conceptions évolutives de PRM capables de récupérer beaucoup plus efficacement la chaleur résiduelle et de l'utiliser dans le chauffage et la climatisation des bâtiments.
L'intérêt des PRM ne réside pas seulement dans la production future d'énergie; il comprend aussi l'utilisation et la récupération de l'énergie. Mon collègue, M. Novog, pourra probablement vous en dire davantage, si vous le permettez.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur Novog.
J'ai également remarqué que l'Université McMaster a adhéré au Plan d’action canadien pour les petits réacteurs modulaires. Nous pouvons notamment retrouver ce plan sur Internet. Les chercheurs de l'Université McMaster vont donc s'attaquer à de plus grandes questions concernant les PRM, notamment, l'analyse de rentabilité, les avantages et les inconvénients. Ils chercheront aussi à savoir ce que l'utilisation des petits réacteurs modulaires implique pour les contribuables, tant dans les communautés d'accueil que dans les régions voisines.
À mon avis, ce sont toutes des questions d'une importance cruciale.
Pourriez-vous me dire quelles sont les conclusions auxquelles vous êtes arrivés jusqu'à maintenant?
:
Merci, madame la présidente.
Je vais laisser M. Tucker poursuivre dans la même veine, parce que je suis curieux de connaître la réponse, surtout que vous venez tout juste de commencer l'étude de faisabilité, qui nous donnerait les réponses que nous avons vraiment besoin de connaître avant de passer au fond de la question.
Quel est le calendrier de cette étude de faisabilité? Par exemple, quand saurons-nous quand il sera économiquement faisable pour une petite collectivité ou un site minier de dire « Je veux un PRM », plutôt que « Je veux de l'énergie renouvelable » ou « Je veux continuer avec le diesel. » Quand connaîtrons-nous ces réponses?
Je vais passer la parole à M. Hartwick pour ce qui est de... Il est difficile de prédire l'avenir avec une toute nouvelle technologie, mais quelles sont vos projections quant au rôle que les PRM joueront, disons, d'ici 2030, 2040 et 2050?
L'an dernier, la Régie de l'énergie du Canada a publié un rapport intitulé « Avenir énergétique du Canada 2021 », qui faisait état d'une contribution plutôt modeste ou d'une augmentation modeste du nucléaire jusqu'en 2050.
De façon réaliste, combien de collectivités et de sites miniers auront des PRM d'ici 2050?
:
Permettez-moi de commencer par... À la centrale de Darlington, nous prévoyons que le premier réacteur sera opérationnel en 2028. Ce n'est donc pas très loin. Nous aurons terminé la réfection de nos réacteurs de Darlington en 2026. Le coût revient à un peu plus de huit cents le kilowattheure. Ils sont très concurrentiels par rapport à toute autre forme de technologie pour la charge de base.
En même temps, nous commencerons à travailler avec les collectivités sur les PRM à l'échelle du réseau et les micro-PRM afin de déterminer quelles collectivités sont pertinentes et veulent y participer et les construire au fil du temps.
L'un des éléments clés qui ont été abordés — et je suis d'accord avec la prémisse —, c'est qu'une fois qu'on arrive à une dizaine de microréacteurs, nous aurons un projet très faisable, et nous pourrons le voir. Nous le voyons à Darlington en ce moment. Nous dépensons 12,8 milliards de dollars. À mesure que nous avons remis à neuf les quatre réacteurs, ils coûtent de 12 à 15 % moins cher. C'est simplement l'apprentissage, le savoir, l'efficacité et la compétence de notre main-d'œuvre en Ontario, qui sont remarquables.
:
Il faut un grand nombre d'ingénieurs et d'opérateurs sur le site de Darlington pour faire fonctionner un réacteur. Je pense que l'un des principaux objectifs des PRM est de simplifier la conception et les opérations, de sorte que le nombre de personnes dont vous avez besoin pour gérer ce réacteur au quotidien est beaucoup moins élevé et peut être atteint en formant une main-d'œuvre locale qui travaillera par quarts de travail et qui sera bien rémunérée pour opérer le réacteur.
L'effectif sera inférieur à celui d'un grand site, mais il sera quand même appréciable. Je n'ai pas de chiffre officiel ni d'évaluation de la part d'un fournisseur, mais j'imagine qu'il faudrait 6 ou 10 personnes pour faire les vérifications, vérifier l'équipement et ainsi de suite. C'est le type d'emploi direct qui est créé.
Lorsque nous regardons les études menées à McMaster, par exemple, ce que nous aimerions vraiment utiliser, c'est la chaleur résiduelle. Nous aimerions que les grandes entreprises agricoles soient rattachées à ces réacteurs afin de pouvoir utiliser la chaleur perdue pour cultiver des fraises dans un climat où il est impossible de le faire en hiver.
:
Nous croyons qu'un rôle extrêmement important pour permettre au pays d'aller de l'avant avec l'adoption de la technologie des PRM consiste à mener notre déploiement de démonstration communautaire, comme nous l'avons annoncé dans nos plans. Si nous réussissons à respecter notre échéancier, ce sera l'un des premiers déploiements de démonstration au monde, et il se fera à l'Université McMaster.
Les réacteurs actuellement en cours de planification sont, à juste titre, ceux de Darlington et de Chalk River, au Canada. Nous voulons être les premiers à montrer comment cela peut se traduire par un déploiement communautaire et profiter à une collectivité, et nous voulons créer la formation connexe.
La deuxième chose que nous pouvons faire pour être des chefs de file, c'est d'utiliser cette expérience pour former la prochaine génération de professionnels et de scientifiques qui opéreront, entretiendront et appuieront ces réacteurs et leur déploiement de la façon unique dont M. Novog l'a expliqué.
:
Merci, madame la présidente.
[Français]
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Monsieur Novog, vous avez pu observer l'évolution des réacteurs nucléaires au cours des 10 dernières années. Vous êtes là depuis le début. Vous les avez vus changer, et ils changeront encore. Vous vous souvenez sans doute du premier qui a été créé et vous pouvez le comparer à ce qui existe aujourd'hui.
Je sais que vous n'avez pas de boule de cristal et que vous ne pouvez donc pas prédire l'avenir, mais je vous pose quand même la question: quand réussirons-nous à créer un système fonctionnel, mesurable, productif et écologique?
:
C'est une excellente question.
À l'heure actuelle, je crois que 100 % de mes étudiants aboutissent chez OPG ou Bruce Power, et travaillent dans le cadre de projets liés à la réfection ou à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Beaucoup d'efforts sont consacrés à cette première réussite, qui est très importante. Elle inspire confiance au public et au secteur privé pour investir et continuer de le faire.
Je pense que 2028 est une excellente date cible pour le premier PRM. J'espère que les deuxième, troisième et quatrième... J'aimerais en arriver aux 10 à 15 PRM qu'il faut pour vraiment atteindre un point de cohésion d'ici 2033 à 2035, parce qu'à ce moment, il faudrait que ce soit une exploitation entièrement commerciale.
Le gouvernement ne devrait pas jouer un rôle énorme, sauf dans la réglementation. Que les réacteurs soient acceptés ou non par la collectivité... Ce que je veux dire, c'est qu'elles ont leurs propres décisions à prendre en matière d'énergie et d'autres questions.
C'est le calendrier que j'envisage, pour vous donner une idée. J'aimerais avoir une date cible entre 2033 et 2035.
Je sais que la Saskatchewan envisage trois ou quatre réacteurs, tout comme le Nouveau-Brunswick. L'OPG, en Ontario, en envisage quatre. D'ici à ce que nous ayons terminé les constructions dont il est question dans ce calendrier, je pense que nous serons en très bonne position. Nous serons en bonne position, non seulement à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle internationale, pour jouer un rôle de chef de file à mesure que d'autres pays commenceront à s'orienter dans cette direction.
:
Nous avons des projets de recherche qui sont parrainés par certains des fournisseurs qui proposent des réacteurs. Pas seulement moi, mais d'autres chercheurs de McMaster.
Mon programme de formation sur les PRM est financé uniquement par le gouvernement fédéral, par l'entremise du CRSNG. À cet égard, la formation est en quelque sorte indépendante de la technologie. Nous ne nous prononçons aucunement sur les mérites des différentes technologies.
Nous essayons de parler à la fois des rouages du réacteur, mais aussi de nouveaux facteurs, comme M. Ken Hartwick l'a mentionné, notamment la mobilisation des Autochtones, la sensibilisation sociale et même certains aspects financiers, dont les ingénieurs n'aiment pas parler en général, mais pour lesquels ils ont encore besoin de formation. Nous commençons à former des ingénieurs plus polyvalents dans le cadre de ce programme, des gens qui ont peut-être une vision plus large que celle qu'ont habituellement les ingénieurs lorsqu'ils obtiennent leur diplôme.
[Français]
Monsieur Tucker, vous êtes en période d'évaluation quant à cette technologie pour 18 mois. Cela a piqué ma curiosité. Je sais que vous ne pouvez pas, vous non plus, prédire l'avenir. Cependant, pouvez-vous déjà nous dire si les résultats peuvent avantager les régions éloignées?
Je suis député d'une circonscription située dans une région éloignée. Il est toujours plus difficile d'alimenter nos établissements industriels en courant haute tension parce que les lignes d'Hydro-Québec ne se rendent pas nécessairement dans ces régions.
Sommes-nous capables de fournir, de façon constante, une alimentation de 600 volts pour attirer l'industrie dans les régions éloignées?
Votre but premier est-il de fournir cette énergie aux régions d'abord et avant tout?
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur Hartwick, vous avez mentionné dans votre allocution que, pour atteindre les objectifs établis par le gouvernement en matière de carboneutralité, il sera incontournable d'implanter et d'utiliser cette nouvelle technologie, soit les petits réacteurs nucléaires modulaires, présentement en développement.
Avez-vous des données à nous fournir à cet effet, notamment sur la possibilité d'atteindre la carboneutralité grâce à cette technologie?
J'aimerais passer à M. Hartwick pour terminer.
Vous avez mentionné l'importance de la consultation et de la participation des Premières Nations, et je crois que vous avez laissé entendre que des retards pourraient être occasionnés si ce n'est pas bien fait. Les chefs de l'Ontario se sont prononcés contre les PRM. Nous avons un cas à Chalk River où la Première Nation manifeste de vives inquiétudes au sujet du nucléaire sur ses territoires.
Je me demande simplement ce que vous avez fait avec les chefs de l'Ontario, en particulier, pour dissiper leurs inquiétudes. Je ne parle pas de communautés individuelles. Je parle des chefs des Premières Nations en tant que groupe.
:
Chers collègues, nous allons reprendre nos travaux, si vous le permettez.
Nous accueillons un deuxième groupe de témoins et, pour être juste envers vous tous, je vais faire respecter le temps qui vous est alloué.
Bon retour à tous.
Nous accueillons ce soir notre deuxième groupe de témoins dans le cadre de notre étude sur les petits réacteurs nucléaires.
Nous accueillons à titre personnel M. Ramana, professeur à l'École des politiques publiques et des affaires mondiales de l'Université de la Colombie-Britannique. Nous tenons à souligner que nous accueillons M. Ramana très tôt ce matin, puisqu'il comparaît depuis l'Inde aujourd'hui.
De Creative Fire, nous accueillons Dazawray Landrie‑Parker, directrice, Secteur nucléaire.
Soyez les bienvenus.
Du Ralliement contre la pollution radioactive, nous accueillons Mme Ginette Charbonneau, physicienne et porte-parole.
Je vous souhaite à tous la bienvenue. Vous avez devant vous un Comité très intéressé. Vous aurez chacun cinq minutes pour présenter votre exposé. Après quatre minutes et demie, je vous montrerai une carte jaune pour vous indiquer qu'il vous reste 30 secondes pour conclure.
Sur ce, je vous souhaite de nouveau la bienvenue et nous avons hâte de vous entendre.
Nous allons commencer par M. Ramana, pour cinq minutes.
:
Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui.
Je m'appelle M.V. Ramana. J'enseigne à l'École des politiques publiques et des affaires mondiales de l'Université de la Colombie-Britannique. Je fais de la recherche sur divers défis techniques et stratégiques liés à l'énergie nucléaire et aux petits réacteurs nucléaires modulaires.
Mes observations porteront principalement sur trois sujets, soit les marchés potentiels pour les PRM, le potentiel de fabrication et de création d'emplois découlant des PRM, et les répercussions des investissements dans les PRM sur l'atténuation des changements climatiques.
D'entrée de jeu, je tiens à souligner que les PRM ne peuvent pas résoudre tous les problèmes auxquels fait face le secteur de l'énergie nucléaire, notamment l'incapacité de concurrencer économiquement les sources d'énergie de remplacement comme l'électricité. Les PRM seront moins concurrentiels parce qu'ils coûteront plus cher par unité de production en raison de la perte d'économies d'échelle.
Deuxièmement, en raison de la conjoncture économique défavorable, la demande de PRM est faible. Les réacteurs de conception russe KLT‑40S, de conception chinoise HTR‑PM et de conception sud-coréenne SMART, dont la construction a été autorisée il y a une dizaine d'années, n'ont intéressé aucun client. Aux États-Unis, de nombreux services publics ont abandonné le projet NuScale en raison de son coût élevé.
Bien que de nombreux pays en développement prétendent s'intéresser aux PRM, aucun n'a investi dans la construction d'un tel système. La Jordanie, le Ghana et l'Indonésie, qui sont tous considérés comme des marchés prometteurs pour les PRM depuis des années, sont de bons exemples, mais aucun d'entre eux n'en achète.
Les marchés à créneaux — par exemple, les mines et les collectivités éloignées — sont très limités. Mes recherches ont montré que, même dans le meilleur des cas, les mines et les collectivités éloignées du Canada ne peuvent pas fournir la demande minimale nécessaire pour justifier l'investissement dans les usines nécessaires à la construction de ces réacteurs.
On entend souvent dire que les PRM créeront des emplois. C'est trompeur. La vraie question est de savoir si de tels investissements créent plus d'emplois que si l'on investissait les mêmes montants dans d'autres technologies énergétiques à faibles émissions de carbone.
Les études montrent clairement que la construction de réacteurs nucléaires génère comparativement moins d'emplois par dollar investi que les énergies renouvelables comme l'énergie solaire et éolienne. D'après une étude récente, j'estime qu'un investissement de 1 milliard de dollars américains dans l'énergie solaire créerait environ 17 000 emplois-années dans le domaine de la construction. Le même investissement créerait entre 1 200 et 3 000 emplois-années dans l'énergie éolienne terrestre et extracôtière et, enfin, moins de 1 000 emplois-années dans l'énergie nucléaire. Dans la mesure où les PRM sont différents des grands réacteurs conventionnels, ils réduiront en fait le nombre d'emplois créés dans la construction en adoptant des processus comme la modernisation et la fabrication en usine.
Enfin, investir dans la création d'un produit qui a peu de clients ne peut jamais mener à des emplois durables.
Les PRM retarderont les efforts d'atténuation des changements climatiques pour deux raisons. Tout d'abord, il y a un coût d'opportunité économique. L'argent qui est investi dans les PRM permettrait d'économiser beaucoup plus de dioxyde de carbone s'il était investi dans les énergies renouvelables et les technologies connexes.
Deuxièmement, aucun PRM ne sera construit avant au moins une autre décennie. Cela aggrave le problème du coût d'opportunité économique, en ce sens que la réduction des émissions découlant d'investissements dans d'autres sources serait non seulement plus importante, mais aussi plus rapide.
Je serai heureux de vous fournir des documents de référence justifiant ces déclarations, que ce soit dans le cadre de mon travail ou de celui d'autres personnes. Je serai également heureux de répondre à vos questions.
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Merci de m'accueillir parmi vous ce soir. Comme je l'ai dit, je suis directrice du secteur nucléaire pour Creative Fire. Je suis également une Métisse, candidate au doctorat en politique publique et chargée de cours en gouvernance autochtone à l'Université du Yukon.
Mes recherches et ma pratique sont vraiment axées sur l'inclusion, la participation économique et la mobilisation des Autochtones dans l'industrie nucléaire.
Bon nombre des collectivités des régions nordiques et éloignées du Canada dépendent encore du diesel. Le coût élevé de l'énergie, les défis en matière d'infrastructure et le climat rigoureux indiquent que le Nord canadien fait face à une crise énergétique.
Afin de réduire cette dépendance au diesel, nous devrons explorer d'autres options pour produire de l'énergie propre et fiable pour ces collectivités. C'est un défi, compte tenu des grandes distances qui séparent ces collectivités et qui rendent le réseau connecté trop dispendieux. Une solution consiste donc à ajouter le nucléaire à la gamme des énergies disponibles.
Comme nous l'avons entendu plus tôt ce soir, l'histoire du développement avec nos communautés autochtones ajoute une couche de complexité, car elle contient de nombreux exemples de conflits, de controverses et d'absence de contrôle local. Cette complexité ne fait que s'accroître lorsqu'on commence à parler de développement du nucléaire.
Par le passé, de nombreux projets de mise en valeur de l'uranium ont été menés à proximité de terres autochtones. Cependant, les Autochtones étaient peu présents dans le secteur de l'énergie. Certains de ces projets ont même eu des conséquences néfastes sur les plans environnemental, social et sanitaire pour ces communautés.
À l'heure actuelle, cependant, les peuples autochtones sont devenus beaucoup plus actifs dans le secteur grâce à la mobilisation, à l'emploi et même à titre d'investisseurs directs, mais les conflits du passé ont créé un déficit de confiance qui est encore profondément ancré dans la mémoire de la communauté et façonne l'affirmation de la communauté en faveur d'un engagement significatif et transparent dans les projets de développement, y compris le nucléaire. Il vise une participation active au processus décisionnel et une reconnaissance uniforme de l'autodétermination des Autochtones par rapport aux ressources traditionnelles.
Il faut accroître la souveraineté énergétique des Autochtones. Ces communautés doivent être habilitées à posséder et à exploiter leurs propres systèmes énergétiques. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les traités modernes et les affaires judiciaires récentes fournissent tous des cadres ou des moyens de mieux reconnaître l'importance de cette souveraineté énergétique autochtone. Il sera de la plus haute importance que le consentement libre et préalable de ces nations autochtones à l'égard de ces projets de développement soit reconnu.
La participation des Autochtones fait partie intégrante des décisions concernant l'avenir du bouquet énergétique du Canada. Le développement de PRM au Canada ne se fera pas sans l'appui des communautés autochtones. Le processus de mobilisation est itératif et continu. Il est enraciné dans l'échange de renseignements, la confiance et l'établissement de relations, et le succès de la mobilisation repose sur de nombreuses méthodes. Cette mobilisation doit être adaptable pour pouvoir évoluer d'un groupe à l'autre, et elle englobe plusieurs façons d'encadrer les questions énergétiques connexes, en plus du développement de l'énergie nucléaire. Il faudra l'adapter afin de reconnaître et d'atténuer le déficit de confiance qui existe dans nos nations autochtones, en incluant certains éléments clés pour accroître la possibilité d'établir de nouvelles relations positives.
Cette participation accrue des Autochtones aux décisions énergétiques du Canada aura des retombées économiques positives. Qu'il suffise de penser à la valeur ajoutée de la participation des Autochtones, à l'intégration du savoir ancestral et des connaissances écologiques traditionnelles pour renforcer les évaluations techniques, mais aussi des connaissances locales et de l'expérience vécue pour aider à orienter le processus de mobilisation.
La formation et le mentorat de la main-d'œuvre autochtone aux premières étapes des projets sont également essentiels. Comme M. Novog l'a dit tout à l'heure, cela peut prendre beaucoup de temps, et ce processus doit vraiment commencer immédiatement.
Enfin, il faut réaliser les avantages économiques de l'inclusion intentionnelle des entreprises autochtones dans le processus d'approvisionnement, ainsi que des partenariats délibératifs avec des entreprises appartenant à des Autochtones.
Pour résumer quelques-uns de mes principaux points à retenir ici, la mise en œuvre des PRM dépend du soutien de la communauté. Une mobilisation mal exécutée pourrait compromettre la mise en œuvre et l'adoption globales des PRM, ce qui nuira à la réduction des émissions de GES du Canada. Nous devons nous rappeler que les nations autochtones sont autonomes et que le contrôle local devra être au cœur de la mise en œuvre et du succès de ces nouveaux projets.
Je m'appelle Ginette Charbonneau, et je suis physicienne à la retraite. Je suis la porte-parole du Ralliement contre la pollution radioactive.
Je demande aujourd'hui au Parlement d'exercer une grande vigilance concernant les problèmes des déchets radioactifs générés par les petits réacteurs modulaires. Il est risqué de développer l'industrie nucléaire, car, comme vous le savez, les déchets s'accumulent de plus en plus et les coûts associés à leur gestion deviennent absolument astronomiques.
Le gouvernement fédéral investit beaucoup d'argent dans les PRM. C'est une nouvelle mode. Cependant, nous croyons sincèrement que les PRM seront prêts trop tard, qu'ils ne pourront donc pas atténuer les effets des changements climatiques et que leurs déchets radioactifs pollueront les régions éloignées, ce qui est bien triste. La plupart des Premières Nations s'opposent au déploiement des PRM sur leur territoire. Beaucoup de lettres ont été écrites à ce sujet par des membres des Premières Nations.
Selon nous, le financement devrait plutôt être alloué à des technologies vertes, moins chères, qui sont en outre toutes prêtes. Le problème des changements climatiques est une réelle urgence, et l'argent des contribuables ne devrait pas être dépensé pour des projets — louables, mais néanmoins chimériques — mis en avant par le lobby de l'industrie nucléaire.
Je tiens maintenant à souligner que tout a été fait pour favoriser indûment et financer la conception et la production de petits réacteurs modulaires, malgré le danger des déchets qu'ils génèrent et dont on ne parle jamais.
Cela n'est pas conforme à l'article 82 de la Loi sur l'évaluation d'impact. Cet article prévoit qu'une autorité ne doit pas fournir une aide financière en vue de permettre la réalisation d'un projet sur un territoire domanial, à moins que l'autorité ne détermine que la réalisation du projet n'est pas susceptible d'entraîner des effets négatifs importants sur l'environnement.
Personne n'a fait la preuve qu'il n'y avait pas d'effets négatifs sur l'environnement. En réalité, on a tout fait pour éviter d'avoir à le prouver. Les PRM ont donc été exemptés, malheureusement, de la Loi sur l'évaluation d'impact.
La feuille de route des PRM préparée par Ressources naturelles Canada comprenait plusieurs recommandations, dont la recommandation odieuse consistant à soustraire les PRM de toute législation fédérale. Imaginez: pas d'évaluation environnementale pour les PRM! C'est insensé. Les limites sont pourtant importantes.
La plupart des petits réacteurs modulaires ne seront donc pas soumis à la nouvelle loi, qui ne s'applique qu'aux réacteurs suivants: les réacteurs d'une puissance supérieure à 900 mégawatts thermiques qui se situent à l'intérieur des limites autorisées d'une installation nucléaire, comme les centrales nucléaires, ou les petits réacteurs modulaires d'une puissance supérieure à 200 mégawatts thermiques qui se situent à l'extérieur des limites autorisées des centrales nucléaires, par exemple, dans des régions éloignées comme les petits villages.
C'est donc dire, concrètement, qu'à peu près tous les petits réacteurs modulaires n'ont pas à être soumis à une évaluation environnementale, selon la loi. C'est scandaleux.
Le problème, avec les PRM, est qu'on va les multiplier, alors que leurs déchets complexes sont très mal documentés. Tous les renseignements qu'on peut lire sur les PRM ne traitent pratiquement jamais de leurs déchets, comme s’ils n'existaient pas. Il y a tant d'incertitude associée aux petits réacteurs modulaires qu'il est incroyable que le gouvernement les ait exclus de la Loi. Comme les PRM ne sont pas soumis à la Loi sur l'évaluation d'impact, les promoteurs peuvent prendre des décisions unilatérales et accepter un projet.
De plus, les déchets générés par les PRM sont complètement ignorés. Ce qui suit en est la preuve flagrante. Quand la Commission canadienne de sûreté nucléaire examine la sécurité d'un PRM nouvellement conçu, les déchets que ce réacteur génère ne sont aucunement pris en considération, comme s'ils n'existaient pas.
C'est comme s'il ne fallait pas s'en soucier. On ne parle que de leur fonctionnement. Les déchets seront pris en compte seulement lors du processus de demande de licence...
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Madame Charbonneau, je suis désolée.
[Traduction]
Votre temps est écoulé. Pardonnez-moi, mais vous avez devant vous un comité très intéressé qui voudra vous poser des questions.
Je vous remercie tous de votre témoignage. Nous allons maintenant entendre nos membres.
Ce que j'aime vraiment au sein de ce comité, c'est le respect et la dignité avec lesquels nous interagissons.
Sur ce, nous allons commencer notre tour de six minutes.
Ce soir, nous allons commencer par M. Soroka.
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Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins d’être venus aujourd’hui.
J'aime beaucoup le fait que vous ayez des points de vue différents. Il est très intéressant de voir comment chacun a ses propres opinions et occasions de présenter son point de vue à ce groupe et au Comité. L'un des grands avantages que je trouve à être député, c'est de pouvoir entendre de nombreux points de vue différents à ce sujet. C’est tout à fait unique.
J’aimerais commencer par Mme Landrie-Parker.
Je pense que vos recherches et vos renseignements sont d'une grande importance. Cela m’intéresse beaucoup, car en 2018, vous avez publié un rapport intitulé « Building a Community Engagement Framework for the Nuclear Energy Industry in Canada’s North ». Nous renforçons la confiance grâce à l’éducation ainsi que grâce à l’engagement et à la participation communautaires, et cela pourrait renforcer le soutien à l’énergie nucléaire.
Je pense que vous avez mentionné l’importance de s’assurer qu’il y a suffisamment de consultation.
J’aimerais que vous nous en parliez davantage, ainsi que de la valeur que vous accordez à l'éducation pour promouvoir l’énergie nucléaire comme source d’énergie de remplacement.
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C’est une excellente question.
Depuis que j’ai publié ce rapport, nous nous sommes beaucoup intéressés à la littératie énergétique. Au fil des ans, nous avons constaté que les communautés autochtones appuient de plus en plus le nucléaire. Ce n’est qu’une petite partie de ma future dissertation, j’espère.
Il est certain que la consultation est extrêmement importante.
L’un des premiers éléments de la consultation, en plus de la présence sur le terrain pour établir des relations et rebâtir la confiance, est la littératie énergétique, parce que les gens doivent être en mesure de prendre des décisions éclairées, qu’ils appuient ou non le projet. Pour prendre des décisions éclairées, ils doivent avoir toute l’information.
À Creative Fire, lorsque nous lançons un processus d’engagement dans le nucléaire, nous commençons par la littératie énergétique. Il s’agit de se rendre sur le terrain pour parler de tous les éléments du bouquet énergétique, de ce qu’il contient, du pour et du contre, des avantages et des inconvénients particuliers pour la collectivité. C’est pourquoi il est vraiment important de comprendre quels sont les obstacles pour chaque collectivité.
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Je crois que M. Hartwick, d’OPG, a bien résumé la situation. L'inclusion des gens, dès le départ, est vraiment l’un des éléments clés pour créer cette confiance. Vous devez être des participants égaux à la table. Vous devez participer à ces conversations dès le début. Cela comprend la définition de ces processus.
Un autre élément clé pour établir la confiance, que vous soyez un promoteur, un chercheur universitaire ou n’importe qui au sein de l’industrie, c'est un engagement réel à l’égard de ces relations renouvelées et positives. Nous voyons beaucoup d’industries présenter des plans d’action pour la réconciliation, comme c'est le cas d'OPG, et cela démontre vraiment leur engagement à l’égard de ces relations. C’est là que les bonnes conversations commencent.
Il est vraiment important de pouvoir tenir des conversations difficiles sur ce qui s’est produit dans le passé. Lorsque je parle d’un engagement significatif et authentique, je veux dire que c’est parfois un peu inconfortable, parce qu’il faut avoir ces conversations. Je pense que M. Hartwick est un excellent exemple. Il a dit que les choses n'avaient pas été faites correctement par le passé, mais qu'elles le sont maintenant, et je suis tout à fait d’accord avec lui.
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Merci, madame la présidente. J’aimerais commencer par M. Ramana.
Monsieur Ramana, vous n’êtes pas le premier témoin à avoir parlé de l’absence de clients pour les petits réacteurs modulaires. Nous avons entendu beaucoup de témoins, y compris une institution publique qui a vanté ici, ce soir, les mérites de cette technologie. Les entreprises privées qui se sont manifestées ont montré qu’elles étaient prêtes à investir et qu’elles avaient investi une part importante de leur propre capital et de leurs propres ressources pour faire fonctionner cette technologie. Ce soir, on nous a donné des échéances très claires, des approximations, pour ce qui est du moment où cette technologie serait non seulement prête, mais utilisée.
Comment pouvez-vous expliquer que le secteur privé continue d’investir dans cette technologie et de dépenser son propre argent pour la mettre en oeuvre? Je ne peux pas imaginer qu'une entreprise essaie de vendre un produit alors qu’il n’y a pas de client pour l'acheter.
Pouvez-vous expliquer cela à la lumière de votre étude, compte tenu de ce que nous avons entendu jusqu’à maintenant au cours des premières séances?
Premièrement, la plupart de ces entreprises privées n’investissent pas seulement leur propre argent; elles cherchent à obtenir des fonds publics. Dans tous les pays où les PRM vont de l’avant, que ce soit les États-Unis, le Canada ou le Royaume-Uni, elles cherchent toutes à obtenir des fonds publics pour une grande partie de leurs recherches.
La deuxième chose à noter, c’est que les entreprises font des investissements en fonction de leurs évaluations, mais que celles‑ci peuvent être erronées. Vous l’avez vu à maintes reprises dans le secteur nucléaire. De nombreuses entreprises ont investi dans divers concepts qui n’ont jamais été vendus. Par exemple, Westinghouse a investi énormément d’argent dans ce qu’on appelait le réacteur AP600, qui n’a jamais été vendu. Elle a poursuivi ce projet pendant plus d’une décennie. Par la suite, Westinghouse s'est lancée dans un projet de PRM appelé le Westinghouse SMR. Puis, en 2014, lorsqu’elle s’est rendu compte que le département de l’Énergie des États-Unis n’allait pas lui donner d’argent, elle a mis fin à cet effort. Son PDG a alors déclaré que le problème n’était pas dû à la technologie, mais à l'absence de clients.
Si vous voulez la réponse à cette question, les investisseurs privés sont probablement les mieux placés pour vous la donner. Je ne peux pas savoir ce qui se passe dans leur tête.
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Avec tout le respect que je vous dois, je pense que les communautés autochtones se sont prononcées en faveur du nucléaire, du moins certaines de celles où je suis allée. Je pense que cela me ramène à l’une de mes réponses précédentes sur la littératie énergétique, c’est-à-dire qu'il faut fournir toute l’information ou un tableau complet du projet, afin que les gens puissent prendre des décisions éclairées.
Le rapport de 2018 qui a été mentionné plus tôt a montré que leur réponse n'était pas nécessairement « je m'y oppose de façon générale », mais plutôt « je veux plus d’information ». Ils reçoivent maintenant plus d’information et, comme je l’ai dit... J’ai fait de nombreux sondages en Saskatchewan et en Ontario, en particulier, au cours des dernières années, et nous avons constaté une augmentation de l’appui. Ce sont les membres de communautés autochtones et pas nécessairement les dirigeants qui se sont exprimés, mais il y a eu aussi des cas où des dirigeants se sont exprimés.
Nous avons également des communautés autochtones qui ne sont pas nécessairement des Premières Nations, ou des communautés métisses ou inuites qui sont des municipalités, mais surtout autochtones. Elles se sont également prononcées en faveur de la technologie nucléaire.
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Merci de cette réponse.
Dans une vie antérieure, j’ai été conseiller municipal pendant plus de 20 ans. L’un des défis que j’ai toujours dû relever, lorsque quelqu’un arrivait en ville avec une nouvelle technologie — généralement pour créer de l’énergie à partir des déchets —, c’était de convaincre les citoyens qu’ils n'étaient pas des cobayes. Il s'agissait toujours d’essayer de gagner la confiance du public.
Le gouvernement fédéral joue-t‑il un rôle sur le plan de l’éducation, en donnant confiance au public dans la technologie et en l’assurant qu’il s’agit d’une technologie éprouvée? Nous avons reçu ce soir un établissement d'enseignement— l’Université McMaster — qui, à mon avis, en témoignerait, et d’autres ont comparu devant nous. Quel rôle pouvons-nous jouer pour aider les collectivités à prendre des décisions éclairées, qu’il s’agisse d’une communauté autochtone ou autre?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Permettez-moi de saluer les témoins qui se joignent à nous pour la deuxième heure de cette rencontre.
Ma première question s'adressera à M. Ramana.
Monsieur Ramana, je vous remercie de vous joindre à nous à cette heure aussi matinale. Les promoteurs des petits réacteurs modulaires avancent qu'il sera possible de les rentabiliser grâce aux économies d'échelle qui pourront être réalisées en les manufacturant massivement en usine.
Lors des dernières réunions de ce comité, nous avons rencontré plusieurs intervenants du secteur nucléaire, mais aucun n'a été en mesure de nous donner une idée du nombre de petits réacteurs modulaires qu'il faudrait vendre pour amortir les coûts liés à leur développement, à la construction des usines ainsi qu'à leur approbation par les autorités compétentes. Je sais que vous vous êtes penché sur cette question.
Plus tôt, nous avons obtenu une réponse de la part d'un représentant d'Ontario Power Generation, qui nous a dit qu'il faudrait en vendre de 10 à 12. C'est la première fois que nous obtenions une estimation.
Quelles sont vos observations à ce sujet?
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C’est une question à laquelle il est difficile de répondre de façon empirique, parce que les données empiriques sur l’énergie nucléaire dans le monde indiquent que plus on a construit de réacteurs, plus les coûts ont augmenté, au lieu de diminuer. En France et aux États-Unis, les deux pays qui ont le plus de centrales nucléaires, le coût moyen de la centrale a augmenté à mesure que de plus en plus de centrales étaient construites. Il n’existe en fait aucune base empirique pour calculer combien de PRM il faudrait construire pour réaliser les économies liées à la fabrication de masse et à l’apprentissage.
Le deuxième point, c’est que dans la mesure où il existe une quantité limitée de preuves de baisses de coûts dans des circonstances très précises dans certains pays où le même fournisseur, le même architecte, fabrique et construit de multiples réacteurs, les baisses de coûts ont été très marginales. C’est probablement de l'ordre de quelques points de pourcentage. Si vous supposez des taux d'apprentissage de 5 % à 10 %, des chiffres extrêmement optimistes, alors ce que vous constatez, c’est que pour le coût des PRM par kilowatt corresponde au coût d’un grand réacteur par kilowatt, il faudrait en construire entre plusieurs centaines et plusieurs milliers. À mon avis, 10 à 12, c’est complètement impossible.
N’oubliez pas qu’il s’agit du coût des PRM par kilowatt pour qu’il soit égal à celui des grands réacteurs, mais les grands réacteurs ne sont pas économiques. Si vous essayez de faire concurrence à d’autres types d’énergie, vous devrez fabriquer un nombre considérable de PRM, en supposant que tout se passe très bien, et que vous avez ces taux d’apprentissage très optimistes. Je ne pense pas que ce soit vraiment possible.
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Je vous remercie, monsieur Ramana.
J'aimerais aborder un autre sujet, soit la transition énergétique, dont vous avez parlé dans votre allocution. Évidemment, nous sommes tous préoccupés par les changements climatiques. Il s'agit d'une menace réelle et c'est la plus sérieuse à laquelle nous devons faire face collectivement. Pour inverser la tendance, il est nécessaire de décarboniser rapidement notre production énergétique.
Les petits réacteurs nucléaires modulaires sont encore bien loin d'être commercialisés massivement et de pouvoir jouer un rôle important dans la transition énergétique. On sait que la technologie n'est pas toujours mature présentement.
Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Pour que nous puissions réellement atteindre la cible de 2050, devrions-nous miser sur cette technologie?
:
Les petits réacteurs modulaires ne sont pas nouveaux. L’industrie en parle depuis des décennies. En 2001, le département de l’Énergie des États-Unis a commandé un rapport sur différents modèles de PRM. Il a conclu que l’un d’eux pourrait être opérationnel d’ici la fin de la décennie, c’est-à-dire en 2010. Nous sommes maintenant en 2022. Il n’y a pas un seul modèle de PRM aux États-Unis qui soit prêt à être utilisé à des fins commerciales.
Lors de sa création, NuScale a promis que ses premiers réacteurs seraient opérationnels d’ici 2015 à 2016. Elle parle maintenant de 2029 à 2030. Je pense que même cela est optimiste. Lorsque le concept de NuScale, dont on disait qu'il était très avancé, a été soumis à la Nuclear Regulatory Commission des États-Unis, cette dernière a constaté beaucoup de problèmes. Il y avait des problèmes avec les générateurs de vapeur. Il y avait un problème avec un certain type d’insertion de réactivité. Ce sont des problèmes de sécurité qu’il faudra régler. Il n’est pas certain que NuScale sera en mesure de répondre à tous ces critères d’ici la fin de la décennie.
Si vous regardez ce genre d’exemples et les autres pays que j’ai mentionnés, qui ont essayé de construire des PRM et y ont renoncé après l'échec d'un premier projet, je ne pense pas que nous puissions atteindre nos objectifs climatiques grâce aux PRM.
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Merci, et merci aux témoins. Ce sont des conversations très intéressantes.
Je vais commencer de nouveau par M. Ramana.
Pour revenir sur certains des commentaires précédents, vous avez dit que d’autres pays qui avaient produit des PRM — la Russie, la Chine et la Corée du Sud — n’avaient pas de clients. J’aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet. Pourquoi n’y avait‑il pas de clients? Aucun réacteur n'a été construit? Le coût était‑il trop élevé? Cela n’a pas fonctionné?
J’aimerais simplement savoir comment on peut comparer cela à la situation actuelle, ici, au Canada.
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Les trois pays sont dans une situation légèrement différente. La Russie et la Chine ont construit leurs premiers PRM.
Le concept russe était une centrale dite flottante, où le réacteur nucléaire se trouvait sur une barge. Cela devait servir à électrifier les collectivités éloignées de la Russie, qui se trouvaient sur la côte arctique. Ce réacteur a été construit, mais avec plus d’une décennie de retard. Son coût a été environ trois fois plus élevé que les estimations initiales. C’est la principale raison pour laquelle il n’y a pas eu de clients. De nombreux pays aimeraient avoir l’un de ces réacteurs. L’Indonésie est l'un de ceux que j'ai mentionnés. Elle a dit qu’elle a un grand nombre d’îles et qu’il serait formidable d’avoir une centrale électrique flottante, mais qu’elle n'est pas vraiment prête à se lancer dans un tel projet, compte tenu de l’expérience passée et des coûts.
Dans le cas de la Chine, elle a construit un réacteur à haute température refroidi au gaz, qui se fondait sur une expérience antérieure en Allemagne. Ce réacteur a eu, lui aussi, environ quatre ans de retard. Son coût a été estimé à 40 % de plus que le coût de l’électricité produite par les réacteurs à eau légère en Chine. Par conséquent, les plans de construction d’un plus grand nombre de ces réacteurs à haute température refroidis au gaz ont été mis de côté. On parle d’essayer d'élargir le projet, de tenter de réduire les coûts grâce à des économies d’échelle, ce qui veut dire essentiellement qu’on ne parle plus de petits réacteurs modulaires, mais de gros réacteurs.
Dans le cas de la Corée du Sud, la conception SMART de ce réacteur a fait l’objet d’une licence de construction en 2012. Pas un seul des fournisseurs d'électricité du pays n’a voulu en construire un. Par conséquent, la Corée du Sud cherche des marchés d’exportation. Il est question de l’Arabie saoudite et de la Jordanie, mais aucun de ces pays n’en a acheté jusqu’à présent.
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La principale raison, c’est que si vous totalisez la demande provenant de toutes ces différentes mines, même si chaque mine et chaque collectivité éloignée devait acheter l’un de ces réacteurs, vous parlez d’une demande totale d’environ 600 mégawatts.
Si vous essayez de calculer combien de commandes ces 600 mégawatts représenteraient et que vous comparez ce chiffre à l'investissement de centaines de millions de dollars qu'une entreprise devrait consacrer à la mise en place d'une de ces usines, il n’est pas certain que cela corresponde. C’est le principal problème.
Le deuxième problème que nous avons relevé, c’est que le coût de l’électricité produite par l’un de ces réacteurs pourrait être 10 fois plus élevé qu'avec le diesel. La question est de savoir si une mine va vouloir acheter de l’électricité 10 fois plus cher que ce qu’elle paie actuellement, même si elle veut peut-être se débarrasser du diesel.
Nous avons plutôt constaté que la façon la moins coûteuse de réduire la dépendance au diesel serait d’investir dans les énergies renouvelables et de réduire la demande de diesel.
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D’accord, je vais adresser ma question à Mme Landrie-Parker.
Je crois que vous êtes au Yukon, ou que vous étudiez à l’Université du Yukon. L’une des collectivités typiques du Yukon qui bénéficierait d’une telle mesure serait Old Crow. C’est une collectivité éloignée où tout doit être transporté par la route de glace en hiver ou par avion. C’est une communauté gwich’in entièrement autochtone.
Quelle serait la marche à suivre et quel serait l’échéancier pour toutes les consultations, l’éducation et la formation nécessaires pour convaincre Old Crow, premièrement, de la nécessité d’un tel réacteur et, deuxièmement, de la possibilité de le construire et de l’exploiter elle-même?
Je dois admettre que je suis un peu sceptique face à toute cette expérience de réflexion. Je suis allé à Old Crow, et cela me semble tout simplement improbable.
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Merci, madame la présidente, et merci aux témoins de comparaître.
J’aimerais commencer par revenir un peu sur certaines choses qui ont été dites. Je sais que Mme Charbonneau a exprimé des préoccupations au sujet des déchets radioactifs et des dangers qu’ils présentent, et je tiens à préciser que nous avons 32 installations de stockage de déchets radioactifs en Ontario. Depuis leur création, il n’y a jamais eu un seul incident, alors je pense que ce n’est certainement pas une observation fondée sur des faits.
L’autre chose que je tiens à mentionner, c’est qu’on a dit que tous les PRM sont exemptés de l’évaluation environnementale. Des témoins qui ont participé au projet Westinghouse et à de nombreux projets de PRM se sont plaints devant le Comité de l'attente et du délai de trois ans que leur impose le processus d’évaluation environnementale. Je voulais simplement fournir cette information.
J’ai une question pour M. Ramana. Si je regarde les sources d’énergie concurrentielles, l’hydroélectricité coûte de 6 ¢ à 8 ¢ le kilowattheure. En ce qui concerne l’énergie solaire et l’énergie éolienne, malheureusement, en Ontario, les contrats se vendent 40 ¢ le kilowattheure — ce qui est très cher — et, en général, la production des grands réacteurs nucléaires revient à 8 ¢ le kilowattheure, mais celle des PRM coûte probablement 15 ¢ le kilowattheure. Il me semble que le créneau pour ces centrales se trouve dans des endroits où l’on éviterait d’avoir à engager des coûts d’infrastructure pour utiliser cette électricité.
En ce qui concerne le Nord, nous constatons que dans la région du Nunavut, nous avons des initiatives minières et des initiatives de serres pour la sécurité alimentaire. Croyez-vous que ces technologies auraient leur place si nous pouvions en faire la démonstration au Canada, ce qui pourrait stimuler leur utilisation?
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Je vais répéter ce que j’ai mentionné plus tôt, à savoir que le marché total des mines et des collectivités éloignées est assez petit par rapport à celui qu'il faudrait avoir afin de fabriquer un nombre de PRM suffisant pour justifier la construction d’une usine.
Le deuxième point, dont je n’ai pas parlé tout à l’heure, c’est que les mines et les collectivités éloignées sont toutes très différentes et ont toutes des besoins en énergie différents. Il est donc très peu probable que le même type de réacteur nucléaire puisse répondre à tous ces besoins.
Si vous envisagez de construire des petits réacteurs modulaires ou des microréacteurs sur mesure pour chacune de ces collectivités, le coût augmentera encore plus.
La dernière chose que je veux dire, c’est que le coût de 15 ¢ le kilowattheure est, je crois, nettement sous-estimé. La production d'un de ces petits réacteurs peut être beaucoup plus coûteuse que celle d'un grand réacteur, et le coût de 8 ¢ le kilowattheure ne s'applique pas aux grands réacteurs nouvellement construits, mais aux réacteurs existants dont les coûts de construction ont déjà été amortis.
Pour un nouveau réacteur... C’est pourquoi l’Ontario a envisagé d'en construire un à la fin de la première décennie du siècle, mais y a renoncé en voyant les coûts des soumissions reçues. Je pense que c’est une chose à ne pas oublier.
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Encore une fois, cela dépend beaucoup de chaque endroit. Il y a des régions où le vent est fort. Même si ce n’est pas très ensoleillé, il y a des moyens d’utiliser l’énergie solaire en hiver. Je ne suis pas expert en la matière en ce qui concerne les régions froides. Il y a aussi des endroits où il y a des ressources hydroélectriques.
Je me rends compte qu’aucune de ces technologies ne peut à elle seule répondre à tous les critères, et je pense que c’est là la beauté des technologies d’énergie renouvelable. Il n’y a pas une solution unique qui va fonctionner partout. Il faut tenir compte des contraintes locales et des ressources locales, et adapter la solution en conséquence.
La dernière chose que je veux dire, c’est que la technologie évolue rapidement dans le domaine de l’énergie renouvelable, contrairement au nucléaire. Nous ne sommes pas en mesure de prédire maintenant, en toute confiance, ce que sera la situation dans 10 ou 20 ans.
Pour ce qui est de la quantité totale d’émissions provenant des petites collectivités éloignées, c’est relativement peu. Je pense que nous devrions d’abord nous concentrer sur le développement de ces technologies pour le réseau là où...
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Il y a un certain nombre de problèmes qui, à mon avis, sont inhérents à cette technologie. Il y a des limites à ce que vous pouvez faire. Mme Charbonneau a donné l’exemple de la production de déchets. Les petits réacteurs modulaires vont produire plus de déchets par kilowattheure d’électricité produite que les grands réacteurs. Ce n’est pas un problème que la recherche va régler. C’est un fait. C’est parce que lorsque vous optez pour des réacteurs plus petits, il y aura plus de fuites de neutrons et divers autres types d’inefficacités qui s’infiltreront. Je ne vois pas cela comme un problème que la recherche pourra nécessairement régler.
La deuxième chose que je tiens à mentionner, c’est qu'il est déjà très coûteux de faire la R‑D nécessaire pour essayer de prouver qu’un de ces réacteurs est sécuritaire. Je reviens à l’exemple du réacteur NuScale aux États-Unis. Plus de 1 milliard de dollars américains y a maintenant été consacrés, sa conception est loin d’être terminée et il n'est pas prêt à être construit. Selon la plupart des estimations, le coût du projet va atteindre environ 1,5 ou 2 milliards de dollars américains. Ce sont toutes les dépenses que vous devez engager pour effectuer les essais et faire les calculs avec soin afin de démontrer que le réacteur fonctionnera de façon sécuritaire dans toutes les circonstances possibles, y compris, par exemple, en cas de tremblement de terre ou d'incendie, ou en cas d'erreur de l’opérateur.
Ce ne sont pas des projets de R‑D bon marché. C’est pourquoi de nombreuses entreprises qui se lancent ne parviennent souvent jamais à terminer la conception de leur réacteur. C’est l’autre chose que je veux souligner ici. Pour mener un de ces projets jusqu'au point où la construction du réacteur pourra être assurée, quelqu’un doit être prêt à dépenser entre 1 milliard et 2 milliards de dollars américains. Je ne pense pas que le marché soit prêt à le faire.
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Le problème des déchets nucléaires comporte deux dimensions.
Il y a le problème technique des déchets nucléaires, en ce sens que certaines de ces substances seront dangereuses pendant des centaines de milliers d’années. C’est une propriété inhérente de ces matériaux. Aucune recherche ne va changer cette propriété.
La deuxième chose, c’est qu'on a généralement essayé de régler ce problème au moyen de ce qu’on appelle le « retraitement ». Parfois, par euphémisme, on parle de « recyclage ». L'ennui, c’est qu’on ne peut pas se débarrasser de la radioactivité, alors le retraitement consiste à déplacer les déchets d’un endroit sous forme solide vers de multiples flux de déchets radioactifs. Il faut ensuite régler tous ces problèmes, ce qui complique encore la situation.
Je ne vois pas de recherche prometteuse comme telle. La seule chose que la plupart des pays ont décidé de faire, c’est de construire des dépôts en formations géologiques profondes pour y enfouir les déchets. La plupart des travaux de recherche visent à essayer de comprendre comment on peut persuader une collectivité de vivre avec ce produit dangereux à proximité pendant des millénaires.
Ce n’est pas un problème facile. Encore une fois, c’est comme beaucoup d’autres choses que vous avez dites. Les collectivités sont très différentes, et chaque collectivité a ses propres préoccupations auxquelles il faudra répondre.
La plupart des recherches sur les déchets nucléaires qui me semblent prometteuses vont dans cette direction, dans une direction sociale plutôt que technique.
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Old Crow a une centrale solaire qu’elle a créée et mise en œuvre et qui a été une grande réussite. Encore une fois, il reste des défis à relever en raison du climat et de l'emplacement, mais il y a certainement des leçons que d’autres collectivités peuvent en tirer — pas seulement dans le domaine de l’énergie solaire, mais dans n’importe quel domaine énergétique — en ce qui concerne la gestion locale et la collaboration avec le service public dans ce cas‑ci, de même qu'avec le gouvernement pour reconnaître ce qui se trouve dans les traités modernes. C’était vraiment intéressant.
Pour poursuivre dans la même veine, les autres collectivités du Nord s’intéressent à des façons novatrices d’envisager les choses comme le nucléaire. L’énergie est un élément important, mais elles se sont également penchées sur la sécurité alimentaire et la possibilité d'utiliser la chaleur qu’un réacteur produit pour chauffer leurs serres et accroître leur accès à des fruits et légumes frais, ce qui, nous le savons tous, est difficile à obtenir dans le Nord.
Il y a beaucoup d’innovation dans le Nord, dans la façon dont on envisage l’énergie, tant en ce qui concerne son utilisation que la structure de propriété et du capital. Je pense qu’il y a beaucoup de leçons à en tirer.
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Merci, monsieur Cannings, d’avoir été si aimable.
À tous nos témoins, nous vous remercions de votre temps, de vous être levés aux petites heures du matin, de votre courtoisie et d’avoir partagé vos connaissances. Nous espérons que vous avez eu une bonne expérience. Il s’agit d’un nouveau comité, et il est merveilleux de voir ces conversations entre les chercheurs et les députés. Merci à tous.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous allons suspendre la séance.
[La séance se poursuit à huis clos.]