Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 113e séance du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous une forme hybride. Tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
J'aimerais rappeler à tous les membres les points suivants. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés par l'entremise de la présidence. Mesdames et messieurs, veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole, que vous participiez en personne ou par Zoom. Le greffier et moi ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions. Pour les personnes qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l'interprétation pour les personnes sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Merci à vous tous de votre coopération.
Conformément à l'alinéa 108(3)(i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 31 octobre 2024, le Comité reprend son étude de l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada.
Nous recevons, à titre personnel, M. Geoff Horsman, professeur agrégé de chimie et de biochimie, de l'Université Wilfrid Laurier. Par vidéoconférence, nous avons Christian Casanova, directeur exécutif de la recherche et des partenariats, de l'École de technologie supérieure, ou ETS, et Ghyslain Gagnon, doyen de la recherche, de la même organisation. Nous accueillons Karine Morin, présidente et cheffe de la direction de la Fédération des sciences humaines.
Vous aurez jusqu'à cinq minutes pour présenter votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux périodes de questions.
Monsieur Horsman, je vous invite à présenter une déclaration liminaire d'un maximum de cinq minutes, s'il vous plaît.
Madame la présidente et mesdames et messieurs, merci de m'avoir invité.
L'académie est devenue une chambre d'écho des idées progressistes de justice sociale, et cela se reflète dans le processus d'octroi des recherches fédérales. Un témoin précédent a signalé un phénomène décrit comme la polarisation de groupe. Lorsque des groupes à l'idéologie uniforme n'ont pas de voix dissidente, le groupe arrive souvent à des positions beaucoup plus radicales que celles de la plupart des personnes qui le constituent. Le manque de diversité de points de vue diminue l'excellence de la recherche.
Par exemple, le Journal of Chemical Education a publié un article intitulé « Un cours spécial de chimie sur le féminisme et la science en tant qu'outil de lutte contre le racisme inconscient dans les STIM ». Cet article décrit « l'élaboration et l'interrelation entre la mécanique quantique, le matérialisme marxiste, le futurisme/pessimisme africain et le nationalisme postcolonial » et tente de « problématiser le temps en tant que construction sociale linéaire ».
Notre gouvernement a financé une subvention de recherche intitulée « Décoloniser la lumière: Repérer et contrer le colonialisme en physique contemporaine », où les auteurs ne visent pas à trouver des explications nouvelles ou meilleures de la lumière ou à chercher une vérité scientifique, mais prévoient plutôt s'attaquer à la marginalisation des femmes, des Noirs et des Autochtones pour l'équité sociale.
La revue Cogent Social Sciences a publié un article intitulé « Le pénis conceptuel en tant que construction sociale » dans lequel les auteurs ont utilisé une critique discursive post-structuraliste et l'exemple du changement climatique pour « faire valoir que le pénis conceptuel est mieux compris non pas comme un organe anatomique, mais comme une construction sociale isomorphique de la masculinité toxique performative ».
Un autre article, paru dans le Journal of Agricultural end Environmental Ethics, intitulé « L'amour de l'artémie: Explorer la période post-sciences humaines bleues féministes queer pour réimaginer la “mer morte des Amériques” », décrivait l'« hydrosexualité » comme une « sensualité et une sexualité plus qu'humaine mettant l'accent sur la fluidité et la relationalité » qui « offre une compréhension culturelle de l'eau en tant que substance non binaire », et proposait d'embrasser la « réflexion aqueuse ».
Il se trouve que l'un de ces articles s'est révélé être un canular et a plus tard été retiré de la revue. Si vous ne connaissez pas cette histoire — et je crains que la plupart des gens ne la connaissent pas — vous aurez sans doute du mal à discerner lequel était le canular, ce qui nous montre qu'une grande partie de la recherche a été idéologiquement corrompue au point, littéralement, de transcender la parodie.
La question est donc la suivante: les critères utilisés pour attribuer du financement de recherche contribuent‑ils à cette polarisation? Je pense qu'ils le font.
Nombreux sont ceux qui nous assurent que nous pouvons faire confiance aux présidents de comités et aux critères d'évaluation, comme les indicateurs de mérite, pour nous protéger contre l'idéologie radicale et la politisation. Je ne suis pas du même avis, parce que, en plus de l'uniformité idéologique entre les chercheurs, certains des indicateurs de mérite eux-mêmes sont très progressistes. Les plus importants sont ceux qui concernent l'équité, la diversité et l'inclusion, ou l'EDI.
Maintenant, je veux clarifier ce que signifie EDI, ainsi que ses conséquences dans le monde réel. Il s'agit notamment d'exclure des personnes du corps professoral en fonction de leur appartenance ethnique ou de leur sexe. Lorsqu'ils sont confrontés à cette réalité de discrimination raciale, les défenseurs de l'EDI se retranchent souvent dans des positions défensives comme un modèle de recherche, en s'assurant par exemple que des ceintures de sécurité sont fabriquées pour tenir compte de la plus petite taille des femmes ou en s'assurant que des souris mâles et femelles sont utilisées dans des expériences.
Cependant, des exemples comme ceux‑là n'ont rien à voir avec la manière dont l'EDI est mise en pratique. Ces exemples soulignent simplement une mauvaise conception expérimentale. On n'améliore pas les expériences scientifiques bâclées en se privant d'hommes blancs. On les améliore en inculquant une culture de normes élevées et de débats ouverts. L'EDI échoue sur ces deux points. Elle abaisse les normes en disqualifiant les postulants en fonction de leur race ou de leur sexe. De plus, de nombreuses personnes intègres n'accepteront pas cette façon de faire et se retireront d'elles-mêmes de la recherche universitaire financée par le gouvernement fédéral.
En ce qui concerne les débats ouverts, je peux personnellement attester de nombreux exemples de censure douce. Par exemple, des professeurs permanents m'ont dit qu'ils ont trop peur d'assister aux discussions universitaires qui remettent en question de nouvelles idées ou directives concernant l'EDI ou l'indigénisation.
J'espère que vous convenez que la conformité idéologique, les bassins de postulants limités et la perte des débats ouverts vont tous à l'encontre d'une culture de recherche florissante. Je vous presse d'éliminer l'EDI de tous les aspects du financement de la recherche fédérale.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
C'est un honneur pour l'École de technologie supérieure, l'ETS, de participer à cet exercice aux côtés d'autres leaders de la recherche au Canada. Je vous remercie donc de nous avoir invités à y participer.
Je m'appelle Christian Casanova et je suis directeur exécutif de la recherche et des partenariats à l'ETS. Je suis accompagné de M. Ghyslain Gagnon, doyen de la recherche. Tous deux chercheurs, nous sommes particulièrement sensibles aux critères de financement de la recherche.
Se situant au deuxième rang des facultés de génie au Canada, l'ETS a pour mission le développement technologique et économique au pays grâce à des activités de recherche appliquée qui contribuent directement à l'innovation technologique. Nous sommes persuadés que les solutions concrètes aux grands bouleversements de notre société passent par la recherche et l'innovation.
Comme vous le savez évidemment, les organismes subventionnaires fédéraux ont amorcé un virage ces dernières années afin d'ajuster les critères d'évaluation au sein de leurs comités. En 2019, cinq d'entre eux ont signé la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche, la DORA, ce qui représente un changement majeur permettant de privilégier l'évaluation qualitative des projets.
La recherche qui s'effectue à l'ETS touche principalement le génie, et la grande majorité de notre financement fédéral provient du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ou CRSNG. De notre point de vue, la mise en œuvre des changements adoptés par cet organisme est rigoureuse et adéquate. Même si nous sommes convaincus que les critères d'évaluation actuels produiront des résultats à long terme, nous avons trouvé quatre avenues prometteuses qui permettraient d'exploiter avantageusement le potentiel de l'ensemble de la communauté de la recherche au Canada, tout en générant des retombées encore plus considérables pour la population canadienne.
Tout d'abord, les données sont très claires: les chercheuses et les chercheurs d'expression française travaillant en contexte minoritaire au Canada doivent faire face à des obstacles majeurs qui les empêchent de mener leurs travaux de la manière la plus productive dans la langue officielle de leur choix.
La dualité linguistique étant au cœur de notre identité canadienne, les universités et les agences subventionnaires fédérales ont un rôle important à jouer. Compte tenu de ce désavantage, il est impératif de promouvoir l'équité pour la recherche en français en établissant des cibles pour le pourcentage de demandes de subventions soumises en français et pour leur taux de succès. L'atteinte de ces cibles contribuerait à mieux représenter les 22 % de la population canadienne francophone, un potentiel de savoir actuellement sous-exploité.
Ensuite, nous recommandons de poursuivre la mise en œuvre des critères et des principes de la DORA dans l'évaluation du financement. En parallèle, nous conseillons de promouvoir davantage ces principes dans notre communauté scientifique, notamment dans le cadre de campagnes de sensibilisation visant à rappeler que la DORA permet d'évaluer la qualité intrinsèque de la recherche sous plusieurs formes. De plus, comme l'évaluation des critères et des principes de la DORA requiert une application plus importante, nous invitons les organismes subventionnaires à prévoir des incitatifs destinés à stimuler la participation active de la communauté scientifique au processus d'évaluation.
Il importe de laisser du temps pour permettre une adaptation à ces changements et en mesurer pleinement et objectivement les répercussions sur les enjeux réels et complexes de notre société. Un retour en arrière, qui réintroduirait des paramètres quantitatifs déjà démontrés comme peu fiables, serait contre-productif.
Par ailleurs, l'ETS est persuadée que les défis complexes de notre société requièrent des équipes de recherche interdisciplinaires et intersectorielles. Ainsi, comme il a été prouvé que l'excellence et les retombées sont plus difficiles à démontrer dans un contexte de recherche interdisciplinaire, nous souhaitons que les critères d'évaluation soient adaptés dans le but d'encourager ce type de recherche. Si l'on réserve des enveloppes budgétaires dans les programmes existants ou que l'on crée de nouveaux programmes pour la recherche interdisciplinaire, plus de chercheurs et chercheuses joindront leurs forces afin de répondre aux problèmes prioritaires de notre pays.
Enfin, l'ETS souligne les efforts de l'écosystème visant à créer des environnements de recherche qui favorisent l'équité, la diversité et l'inclusion, ou EDI. Toutefois, nous recommandons que les critères d'EDI se concentrent sur les éléments propres aux projets de recherche et qu'ils se limitent à la valeur de la proposition lorsqu'ils sont applicables. Concrètement, nous suggérons de retirer les critères d'EDI des plans de recrutement et d'intégration et de les remplacer par des lignes directrices institutionnelles auxquelles les projets devront se conformer, en y incluant des mesures d'évaluation et d'amélioration continues.
(1610)
Cela simplifierait le processus, tout en garantissant un impact réel.
Je suis Karine Morin, présidente et cheffe de la direction de la Fédération des sciences humaines.
Je tiens à remercier le Comité de me donner l'occasion d'aborder la question de l'impact des critères de financement fédéraux sur l'excellence de la recherche au Canada.
[Traduction]
La Fédération des sciences humaines et des sciences sociales est la voix nationale de nos disciplines, vouée à l'avancement d'une société inclusive, démocratique et prospère. Nos membres comprennent 76 établissements d'enseignement postsecondaires et 80 associations savantes, qui représentent une vaste communauté de plus de 90 000 chercheurs et étudiants diplômés de l'ensemble du Canada.
Nos membres reconnaissent que l'excellence en recherche dans toutes les disciplines est depuis longtemps une marque distinctive du système de recherche du Canada, et ils restent fermement attachés à cet objectif.
[Français]
J'aimerais présenter trois idées principales.
D'abord, il est important de noter que les organismes de financement offrent une variété de possibilités de financement qui visent des résultats différents et qui fixent des critères d'évaluation différents.
De plus, il y a une évolution, à l'échelle mondiale, quant à la façon dont la recherche est évaluée, et la Fédération appuie pleinement l'idée que le Canada s'engage dans cette direction.
Finalement, quelles que soient les possibilités de financement, l'évaluation par les pairs demeure essentielle pour déterminer l'excellence en recherche, c'est-à-dire que cette évaluation doit être faite par des membres de la communauté de recherche ayant les compétences requises pour déterminer la qualité de la recherche.
[Traduction]
Permettez-moi d'aborder chacun de ces trois points plus en détail.
Les agences de financement établissent des possibilités de financement différentes pour atteindre des objectifs différents. Pour les sciences humaines et les sciences sociales, les subventions Savoir administrées par le Conseil de Recherches en sciences humaines sont un programme phare. Leur objectif est de renforcer les connaissances et la compréhension au sujet des populations, des sociétés et du monde. L'évaluation tient compte de trois aspects primordiaux d'une demande: le but et l'importance de l'entreprise, la faisabilité du plan de recherche et l'expertise du chercheur ou de l'équipe de recherche.
En comparaison, le fonds Nouvelles frontières en recherche soutient des recherches interdisciplinaires à haut risque et à haut rendement. Comme vous pouvez l'imaginer, les critères d'évaluation différeront pour se concentrer sur chacun de ces éléments.
De façon générale, pour mettre à profit la pleine capacité de recherche du Canada, nous avons besoin de critères flexibles pour mesurer l'excellence. Nous devons nous méfier d'une approche unique pour tous. Par exemple, les modèles de titre et les formats de publication diffèrent dans les sciences humaines et les sciences sociales et présentant une différence marquée par rapport aux domaines des STIM, ce qui fait que les outils d'évaluation bibliométriques traditionnels seront beaucoup moins pertinents et moins efficaces dans nos disciplines.
En fait, il y a eu une évolution pour élargir les critères en fonction desquels la recherche est évaluée au‑delà des indicateurs bibliométriques. À cet égard, je veux insister sur la participation continue de l'agence à des initiatives internationales comme la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche, ainsi que la Coalition for Advancing Research Assessment. Ces initiatives ont permis de reconnaître que notre façon de déterminer l'excellence en recherche doit refléter les nouvelles approches disciplinaires et les nouvelles activités de recherche entreprises pour générer des connaissances et les propager afin de produire un plus grand effet et s'y adapter.
Enfin, l'examen par les pairs demeure crucial, quelle que soit la possibilité de financement. Cela suppose d'avoir des experts compétents pour évaluer la qualité de la proposition de recherche. Dans tous les cas, l'examen par les pairs vise à assurer l'équité et l'absence de parti pris d'une évaluation d'une demande de subvention. Elle vise également à faire en sorte qu'il n'y ait pas de conflits d'intérêts et que la confidentialité soit préservée.
Pour terminer, je tiens à rappeler que l'excellence en recherche nécessite des cadres inclusifs dans lesquels un éventail de disciplines, de méthodes de recherche et de perspectives de recherche contribuent toutes à la production de nouvelles connaissances et à leur propagation. Pour renforcer l'excellence en recherche au Canada, notre système doit soutenir et refléter la diversité et la capacité complètes du talent en recherche du Canada.
Nous nous réjouissons de poursuivre les conversations sur cette priorité.
[Français]
Je vous remercie de votre attention.
C'est avec plaisir que je répondrai aux questions des membres du Comité.
Monsieur Horsman, vous avez parlé de conformité de groupe et de la façon dont cela pourrait réduire la qualité de la recherche. Je comprends que l'EDI puisse contribuer à renforcer cette conformité, mais si nous l'abolissons et l'éliminons des critères de contribution, pensez-vous que cela réglerait le problème?
Je ne pense pas que cela réglerait le problème. Je ne pense pas que l'élimination de ce critère ouvrirait soudainement beaucoup de sujets d'exploration. Cela pourrait, en marge, améliorer un peu les choses. Par exemple, vous pourriez voir des environnements de recherche légèrement améliorés sans certaines de ces bureaucraties liées à l'EDI, je suppose. Je pense que le problème est que vous n'avez pas un éventail d'opinions et de points de vue différents dans l'université et dans l'écosystème de recherche plus large, alors je ne crois pas que ce soit vraiment une fin en soi.
Une chose que nous devrions examiner, c'est cet élargissement infini du nombre de subventions et de types d'organismes de surveillance et de financement. Je pense que nous devons nous demander si la recherche financée par le gouvernement débouchera toujours sur une croissance économique améliorée. Je ne pense pas qu'il y ait des arguments convaincants. Je pense surtout que la recherche du secteur privé stimule la croissance économique. Je ne dis pas que nous ne devrions pas avoir de financement public, mais je pense que nous devons avoir une conversation afin de savoir quel est le montant approprié. Je pense que l'élimination de l'EDI est certainement une première étape.
Certains disent que le gouvernement devrait financer la recherche exploratoire, ce qui pourrait donner lieu à des idées étranges. Nous avons mentionné au Comité des choses étranges dont les contribuables ont malheureusement financé l'étude. Quel est le mal à cela? Ne voulons-nous pas avoir énormément de diversité et faire partie d'une culture de recherche dynamique dans une société ouverte?
Oui, nous le voulons certainement. Je pense qu'il n'y a rien de mal avec le fait d'avoir beaucoup d'idées différentes. Je pense qu'il est important que nous soyons ouverts à toutes sortes d'idées différentes. Par contre, il y a deux ou trois problèmes. À l'université en ce moment, il y a essentiellement deux visions du monde différentes en cause. Je pense que nous devons reconnaître que bon nombre de ces idées, comme dans certains des exemples que j'ai montrés, font partie d'une ligne de pensée appelée « théorie critique de la justice sociale ». Je pense qu'ils ne respectent pas les règles des sciences libérales auxquelles nous sommes habitués.
Dans notre société libérale, nous avons tendance à avoir un système économique libéral, avec le droit d'avoir des marchés ouverts et un système démocratique. L'auteur Jonathan Rauch a inventé le terme « science libérale ». La science libérale est tout le système de production des connaissances, par l'entremise d'un scientifique ou d'un journaliste, pour générer des connaissances robustes. Il existe en réalité deux règles: la première est que les connaissances sont provisoires. Personne n'a le dernier mot. Tout peut être remis en question. Si vous regardez par exemple l'histoire de l'estimation de la taille de l'univers, cela change constamment. C'est parce que personne n'a dit: « Nous avons terminé. C'est fini. » Ce qu'on voit maintenant, c'est que c'est plus à la mode parmi les chercheurs de dire: « Il n'y a pas de débat. La science est établie. » Cela devient à la mode d'enfreindre la première règle de Rauch.
La deuxième règle, c'est que personne ne possède l'autorité personnelle. Aucun individu ni groupe ne peut décider: « Je connais la vérité. C'est juste moi. » Cela doit être ouvert à tous. Je dis à mes étudiants, par exemple, que s'ils font bien une expérience et la décrivent correctement, cela devrait être reproductible par quelqu'un sur un autre continent dans une autre culture, dans des siècles d'ici. C'est universel. On brise cette règle en affirmant la prépondérance d'un certain savoir ethnique, d'une certaine façon de savoir ou d'une certaine expérience vécue.
Je pense que ces problèmes sont en hausse dans le milieu universitaire. Ils doivent être reconnus, et je pense que l'on doit les affronter tête première.
Mis à part l'EDI, est‑ce qu'il existe un autre critère qui, selon vous, est susceptible d'entraîner des répercussions négatives sur l'excellence de la recherche?
Mis à part l'EDI, est‑ce qu'il existe d'autres moyens par lesquels on exerce une sorte d'influence, qui, selon vous, sont susceptibles d'entraîner des répercussions négatives sur l'excellence de la recherche?
Je pense qu'il y a quelques problèmes. Si nous prenons, par exemple, la subvention à la découverte, que je connais, et que nous regardons certains des indicateurs de mérite pour la proposition, nous remarquons que des choses comme les répercussions environnementales et socioéconomiques sont incluses. C'est une question d'interprétation. Vous pouvez imaginer qu'un progressiste dirait qu'une proposition visant à réduire les émissions aura des répercussions avantageuses, tandis que quelqu'un d'autre, une personne plus conservatrice, dirait qu'une chose est meilleure si elle développe la production de gaz et de pétrole, et qu'elle favorise la croissance économique.
Il n'existe pas de définition commune de ce que c'est. Cela dépend vraiment du jugement de valeur que l'on pose. Encore une fois, étant donné que de nombreux universitaires ont tendance à être beaucoup plus progressistes, on a tendance à accorder la priorité à certains types de recherche par rapport à d'autres.
Merci encore une fois du travail que vous avez effectué dans les universités.
Le temps est écoulé, mais je vous encourage à rédiger des mémoires supplémentaires portant sur les questions que nous avons posées aujourd'hui. Ils seront utiles pour la rédaction du rapport prévu bientôt.
Dans votre témoignage, il m'a vraiment semblé que vous preniez des morceaux de la déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche, et ensuite vous l'avez mentionnée. En ce qui concerne l'utilisation de certaines de ces idées, qui datent, j'imagine, d'il y a dix ou douze ans, où en est rendue la communauté universitaire? Est‑ce que ces idées sont acceptées par cette communauté?
Je pense que cela fait environ dix ans. Il s'agit effectivement d'une évolution importante, qui a été graduellement acceptée par la communauté, et qui a pris de l'expansion, je dirais, et sans doute avec un coup de pouce de la direction des organismes subventionnaires.
En effet, au cours de la dernière décennie, les organismes subventionnaires ont reconnu que les indicateurs bibliométriques, sur lesquels certains domaines s'appuyaient beaucoup, ne permettent pas nécessairement d'évaluer la qualité du travail de façon définitive. Certes, ces indicateurs ont été publiés dans une revue scientifique prestigieuse, mais le fait de déduire que leur qualité est élevée est parfois un raccourci erroné. En délaissant ce type d'indicateurs, nous essayons de dire que ce ne sont pas que les aspects quantitatifs de la recherche ou ses répercussions que nous souhaitons mesurer, ce sont également les aspects qualitatifs.
Une façon dont cette situation sera davantage mise de l'avant, c'est que les organismes subventionnaires ont affirmé qu'ils n'accepteraient plus les modèles de CV que les chercheurs soumettent avec leur candidature, dans lesquels ils décrivent et énumèrent de façon exhaustive leurs publications, par exemple. Le CV narratif, tel qu'il est parfois décrit, permet aux chercheurs de choisir ce qu'ils souhaitent mettre de l'avant, et de décrire, de façon davantage qualitative, les résultats obtenus et l'avantage que ces résultats confèrent.
Le fait de passer de la quantification de la productivité d'un chercheur comme indicateur de son excellence à l'étude qualitative est certainement une évolution. Je vais attendre de voir comment la communauté universitaire réagira à ce changement, même si c'est quelque chose dont on parle depuis un certain temps. Cette méthode a été utilisée par les NIH aux États-Unis, tout comme par l'UKRI au Royaume-Uni. Certains auront hâte qu'elle soit appliquée tandis que d'autres seront un peu surpris.
J'imagine que la structure de pouvoir habituelle évolue, et les personnes qui sont en haut de cette structure ne vont pas voir cela d'un bon œil. Les personnes qui tirent parti du fait d'avoir plus d'exposition, à commencer par les petites universités ou les recherches au stade embryonnaire... l'équité, la diversité et l'inclusion, les études à double insu qui permettent de ne rien savoir sur le chercheur si ce n'est que ses recherches qui figurent sur la feuille de papier devant vous…
Je vous vois hocher la tête. Pouvez-vous commenter?
Jusqu'ici dans cette étude, j'ai été choqué d'entendre que l'équité, la diversité et l'inclusion n'étaient pas de bonnes choses, alors que la quasi-totalité des universités que je connais — assurément l'Université Wilfrid Laurier et l'Université de Guelph — ont pour principes fondamentaux de l'éducation, l'équité, la diversité et l'inclusion. Le fait que cela ne s'applique pas à la recherche me surprend un peu… beaucoup, à vrai dire.
Je vais aborder deux éléments liés à l'identification d'un chercheur ou à l'étude à double insu lorsque l'identité du chercheur n'est pas immédiatement communiquée aux examinateurs.
Je vais d'abord me référer à l'IRSC, que Whitman a étudié il y a quelques années. Il s'est penché sur deux volets différents: dans l'un, l'accent était mis sur le projet, et dans l'autre, l'accent était surtout mis sur l'expertise et l'expérience du chercheur. C'était dans le cadre de l'évaluation du chercheur qu'ils ont remarqué un grand écart concernant le taux de réussite des femmes. D'une certaine manière, la façon dont ils pondéraient les choses n'était pas avantageuse pour les femmes.
Je me réfère au Fonds Nouvelles Frontières en recherche, qui utilise ce mécanisme à double insu, et, dans ce cas, nous avons vu que les taux de réussite étaient beaucoup plus conformes aux taux de demande, et dans certains cas, même un peu plus élevés.
Malgré nos meilleurs efforts pour nous concentrer sur le mérite scientifique du projet, du plan de recherche, des méthodologies, et ainsi de suite, lorsque nous évaluons le chercheur, il semble que le processus d'évaluation de la candidature soit toujours en proie à une certaine forme de préjugé inconscient.
D'accord, je pense que l'un des principes scientifiques consiste à cerner les préjugés, et à s'assurer au mieux de ses capacités de les écarter. Le processus d'évaluation par les pairs permet en partie d'éliminer les préjugés, en veillant à ce qu'une deuxième personne évalue la candidature, ce qui correspond à l'objectif de l'équité, de la diversité et de l'inclusion.
Pour ma part, je n'y vois rien de politique. Je pense que c'est une approche scientifique qui devrait être adoptée. Est‑ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation?
Selon moi, c'est la même chose dans une situation où il peut y avoir une certaine forme de conflit d'intérêts, et où il y a des mécanismes en place qui permettent de les cerner et de les mettre de l'avant… Parfois, cela signifie que la personne qui évalue devra se récuser. C'est la même chose pour les autres types de préjugés. Certes, ces autres types de préjugés ne découlent peut-être pas de conflits d'intérêts en ce qui concerne les critères économiques et financiers, mais d'autres types de critères peuvent également jouer et...
Pour ce qui est du critère d'excellence et d'inclusion, encore une fois, nous devons définir les termes ici. Malheureusement, dans ce monde, les définitions sont toujours floues. Nous devons définir ce que « inclusion » signifie. Pour ce qui est du terme « excellence », nous pouvons le définir avec les éléments dont nous avons parlé, comme la bibliométrie. C'est une façon de le faire. En revanche, pour ce qui est du terme « inclusion », on fait souvent allusion à la protection contre un préjudice émotionnel et à la sécurité. Cela signifie que lorsqu'une personne dit quelque chose de blessant à une autre personne, une personne qui représente un groupe marginalisé, par exemple, c'est quelque chose dont il faut tenir compte pour mettre en place ce mécanisme de protection contre le préjudice émotionnel.
En revanche, si la définition que l'on entend par « inclusion » consiste à s'assurer d'inclure toute une panoplie de perspectives, eh bien, je peux l'admettre. C'est assez difficile à réaliser, car encore une fois, la population dans un cadre universitaire est très uniforme d'un point de vue idéologique, car nous sommes très collégiaux. Nous voulons bien nous entendre. Il ne faudrait pas dire quelque chose qui pourrait offenser un collègue.
Il faudrait mettre en place des mécanismes pour veiller à inclure des idées diverses, selon moi. Je suggère de mettre en place un type de mécanisme officiel qui permette de jouer l'avocat du diable. En effet, cette approche permettrait de faire appel à des personnes qui disposent des arguments les plus solides qui soutiennent les deux côtés d'une situation. Je pense que cela pourrait faire une différence d'un point de vue culturel.
Dans le rapport intitulé « The Reality Check », de David Millard Haskell, on affirme que les formations en équité, en diversité et en inclusion sont inefficaces et qu'elles peuvent même aggraver les préjugés.
J'ai l'impression que cette conclusion se renforce au fil du temps. La semaine dernière, ou la semaine d'avant, nous avons reçu un autre rapport de Rutgers University, je pense, et d'après des expériences réalisées dans le cadre de ce rapport, la formation sur la diversité augmente principalement les réactions négatives à l'égard de certains groupes.
Il me semble, par exemple, qu'ils ont demandé à ce que des personnes lisent des passages différents d'un texte. Le premier texte portait sur un sujet complètement quelconque, comme la production de maïs aux États-Unis, tandis que les autres textes étaient des passages tirés de livres écrits par des tenants de la théorie critique de la race, comme Ibram X. Kendi. En fonction du passage qu'ils lisaient, leur façon d'interpréter une situation très neutre était différente. Par exemple, on leur disait qu'une personne, qui avait fait une demande pour intégrer une université d'élite de la côte Est, avait été rejetée après que le préposé aux admissions a évalué son dossier. Les personnes qui avaient lu un passage de Ibram X. Kendi étaient plus susceptibles — je ne me rappelle pas des chiffres, mais disons 30 % plus — d'interpréter le rejet du préposé aux admissions comme un genre de méfait.
Encore une fois, je pense que beaucoup de données probantes indiquent effectivement que l'EDI engendre des problèmes.
J'aimerais avoir votre opinion sur des faits partagés par certains chercheurs, selon lesquels des collègues ou eux-mêmes falsifient leur déclaration relative à l'équité, à la diversité et à l'inclusion, allant jusqu'à mentir sur leurs convictions ou à utiliser des outils comme l'intelligence artificielle et ChatGPT pour contourner les critères de financement.
Par conséquent, sans preuve tangible de l'efficacité des critères d'équité, de diversité et d'inclusion, comment savoir si cette approche sert réellement la science et l'excellence ou si elle les entrave?
Si j'ai bien compris la question, vous demandez si le fait d'utiliser ChatGPT pour écrire un énoncé sur l'EDI améliorerait cet énoncé? Je suppose que vous obtiendrez probablement un bon énoncé sur l'EDI. Cependant, ce genre d'approche est problématique dans la mesure où elle souligne un problème fondamentalement grave, où les gens pensent qu'il n'y a aucun problème à laisser ChatGPT réfléchir à leur place et rédiger un énoncé sur l'EDI.
Je pense que cela souligne un problème très important. Lorsque les subventions de l'État exigent de vous que vous décriviez vos valeurs qui sont conformes à celles d'un organisme de recherche gouvernemental, et qu'on vous impose de promouvoir cet ensemble de valeurs, j'ai remarqué que bon nombre de mes collègues se sont juste résignés au fait qu'ils n'étaient pas d'accord avec cette approche, mais que peuvent-ils faire? Ils ont simplement accepté de se prêter au jeu et de dire ce qu'ils doivent dire. En réalité, c'est une façon d'inciter au mensonge.
Je vais donner la parole à Mme Morin pour qu'elle parle des critères. Cette étude porte sur les critères dont le gouvernement se sert pour évaluer et financer les recherches. Pouvez-vous nous dire comment cela fonctionne? En ce qui concerne les subventions des trois Conseils, sur quels critères s'appuie‑t‑on lorsqu'on examine une demande de subvention, par exemple? Tout à l'heure, M. Longfield parlait des préjugés. Par quels moyens peut‑on contourner ces préjugés?
Je ne suis pas sûr que vous connaissiez tous les trois conseils, ou juste le CRSH, mais pourriez-vous nous expliquer les critères qui sont utilisés aujourd'hui?
Je vous remercie de la question, parce que je pense que c'est vraiment, selon moi, l'essence de ce que l'on tente de réaliser. En effet, il existe de nombreuses possibilités de financement dans les trois organismes. Dans chaque cas, la possibilité de financement sera définie de manière à atteindre différents types de résultats.
Celle dont je parlais, la subvention Savoir, destinée au CRSH, est considérée comme la possibilité de financement traditionnelle à l'initiative des chercheurs et elle établit ce que je pense être les titres de compétence attendus du chercheur; une preuve que le chercheur aura la capacité de mener les recherches, et une question intéressante et bien formulée, etc.
En revanche, je peux dire que, du côté du CRSH, il existe également des possibilités de financement qui sont beaucoup plus axées sur différents types de collaborations et de partenariats. On évaluera ensuite davantage la sélection d'un partenaire et la compatibilité avec celui‑ci, et la capacité du partenaire ou du collaborateur de prouver son engagement dans le projet. Cela varie vraiment beaucoup.
On a l'impression que le CRSNG s'attend à des énoncés sur l'EDI, ce qui, selon moi, est une légère erreur d'interprétation de la question posée. On s'attend à ce que les chercheurs qui bénéficient des subventions à la découverte participent à la formation de leurs étudiants diplômés et de ceux qui participent à la recherche en laboratoire et ainsi de suite. On demande au chercheur ou au chercheur principal d'assumer des responsabilités pour soutenir équitablement tous ceux qui participent à l'effort de recherche, et de s'assurer que les différentes personnes qui participent à la recherche bénéficient de possibilités.
C'est dans le cadre de ce type de plan de formation que nous demandons que tout le monde soit traité de manière équitable; que l'on reconnaisse que la diversité, qu'il s'agisse des antécédents ou de la formation universitaire et ainsi de suite, sera respectée et adoptée; et que l'on crée un sentiment d'appartenance dans un milieu de recherche. Cela semble être une attente relativement responsable de la part de ceux qui sont chargés de former la prochaine génération.
Quel que soit le niveau, l'historique des publications d'un chercheur est un élément souvent utilisé pour évaluer son expertise. On dispose des critères pour évaluer ces publications lorsqu'elles sont présentées, ce qui en fait une sorte de version « indirecte ».
J'imagine que cela change quelque peu d'une revue à l'autre, mais comment ces articles sont-ils généralement évalués? Quels sont les critères utilisés? Cherche‑t‑on davantage à veiller à ce que l'examinateur soit anonyme, qu'il ne puisse pas savoir qui est l'auteur? Je sais que l'examinateur a le droit de garder l'anonymat dans certains cas. Quel est le système général au CRSH?
Pour revenir au CRSH, dans ce cas de subventions, un chercheur peut en effet prouver son expertise en s'appuyant sur des travaux qui ont été publiés. Certainement, il peut être question de la reconnaissance d'une revue très pertinente pour une discipline particulière ou d'une très bonne compatibilité entre la publication d'un certain type de recherche dans certains types de revues, alors on mènera une évaluation qualitative, qui est une évaluation raisonnable.
Ce qui devient dangereux — ou devrais‑je dire, un raccourci, peut-être —, c'est de ne prendre en considération que les publications qui sont d'emblée considérées comme très prestigieuses ou de ne pas prendre le temps de se pencher par soi-même, en tant qu'examinateur, sur la qualité de l'article qui a été publié dans cette revue prestigieuse. Il existe une notion selon laquelle, si un article est publié dans l'une de ces revues, vous avez dû… C'est là qu'un comité d'évaluation par les pairs peut jouer un rôle un peu plus important au chapitre des freins et contrepoids, de sorte que, si un examinateur a tendance à dire « ah, l'article a été publié dans une revue prestigieuse », d'autres diraient « oui, mais nous en connaissons la qualité ».
C'est à ce chapitre que la DORA s'efforce d'éloigner l'attention du prestige, des facteurs liés aux titres, etc. et de la faire porter sur la qualité des travaux.
J'adresserai mes questions à M. Geoff Horsman, Ph. D., professeur de chimie et de biochimie à l'Université Wilfrid Laurier. Merci, monsieur, d'être ici.
Je vois que vous avez récemment écrit un article d'opinion. Je n'ai pas eu l'occasion de le lire. Vous posez la question suivante, je traduis, « Quelle confiance peut‑on accorder à un écosystème de recherche qui incite à se trahir? » Cette question a récemment attiré mon attention, et je me demandais si vous pouviez en dire davantage. Cela est‑il lié à la perte de confiance dans les institutions, que l'on constate, ou parlez-vous d'autre chose?
Oui, je pense que vous parlez d'une citation tirée d'un article d'opinion qui a été publié, en février, dans le Toronto Sun, intitulé « De la part des scientifiques et des ingénieurs au public: sauvez-nous de nous-mêmes ». Il s'agissait vraiment d'un appel pour qu'il y ait une intervention, peut-être, pour tenter de supprimer les directives sur l'EDI. Dans cet article en particulier, j'ai donné des exemples de discrimination raciale flagrante dans le processus d'embauche de professeurs. Il a été demandé de recruter six professeurs noirs et six professeurs autochtones, ce qui a exposé ces deux groupes à de la discrimination.
Même si je suis d'accord pour dire que les gens ont de bonnes intentions, je pense que ce qui se passe, c'est que l'on finit par institutionnaliser la discrimination raciale. Je ne pense pas que le recours à ce type de sectarisme dans une université ou en société soit sain.
L'EDI a‑t‑elle eu des conséquences sur la recherche de l'excellence? Peut‑on se prononcer dans un sens ou dans l'autre?
Je viens de consulter la page Web du CRSH sur l'EDI, et il y a plusieurs pages. Sa recommandation sur l'EDI, c'est qu'elle améliorera vraisemblablement nos recherches.
A-t-on apporté des preuves pour ou contre cet argument?
Je ne sais pas. Cela dépend de la façon dont on la mesure. Comment mesuriez-vous l'amélioration de l'excellence? Dans ce cas, tout tient aux détails. Y aura-t-il davantage de publications, qui auront des conséquences plus importantes? Je ne sais pas.
En tant qu'argument logique, si votre processus d'embauche exclut la majeure partie de la population, il semble alors que, statistiquement, mathématiquement, vous n'embaucherez pas les meilleurs. Le contre-argument serait que, d'une façon ou d'une autre, dans le cadre du processus normal d'embauche, certains groupes ethniques seront exclus au moyen de mécanismes opaques quelconques qui ne sont jamais clairement définis. D'un point de vue logique, je ne vois pas comment cela peut améliorer l'excellence.
Nous avons plusieurs fois entendu parler de la DORA — je pense que c'est un acronyme —, et de la politique de la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche.
Pourriez-vous recommander ces choses, et pourriez-vous les expliquer un peu plus?
Monsieur Horsman, vous recommandez la suppression de l'EDI dans le cas des trois organismes subventionnaires. Que suggéreriez-vous? Faut‑il la remplacer par autre chose, ou peut‑on simplement s'en débarrasser complètement, et le processus serait‑il alors équitable et juste, selon vous?
Je pense que l'on devrait simplement la supprimer.
Je ne sais pas par quoi on pourrait la remplacer. S'il y a simplement le mérite, quel qu'il soit — les publications, le mérite de la recherche —, je pense que c'est tout ce dont on a besoin. Je ne sais pas pourquoi on doit compliquer cela.
Le professeur Kaufmann a comparu ici, la semaine dernière, je crois. Je crois qu'il a par exemple souligné que le public s'y oppose dans une proportion de 70/30. Le public préfère que l'on adopte des approches sans distinction pour ce genre de questions. Que l'on prenne en considération…
J'aimerais d'abord poser une question à M. Gagnon, doyen de la recherche à l'École de technologie supérieure.
Monsieur Gagnon, vous êtes enseignant en génie électrique, et vous avez conçu un système d'électrocardiogramme plus accessible au public, en collaboration avec l'Université Concordia.
Pourriez-vous nous parler de la valeur des projets de recherche qui recoupent divers domaines et de ce qu'ils apportent à des domaines de recherche plus larges?
Quel devrait être notre rôle, en tant que députés?
Nous étudions présentement l'incidence des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada.
Pensez-vous que cela doit être totalement indépendant des décisions politiques?
Je suis ici à titre de doyen de la recherche pour parler de l'ensemble de la recherche à l'ETS. Je ne m'attendais pas à devoir répondre à une question portant sur mes propres travaux de recherche, mais cela me fera plaisir de vous répondre.
Mon projet de recherche visait effectivement à concevoir des électrocardiogrammes, ou ECG, sans contact permettant notamment de faire des tests dans les salles d'attente des hôpitaux et de détecter des anomalies liées au signal cardiaque. Présentement, il n'y a pas suffisamment d'équipement pour faire passer un ECG à tout le monde dans les hôpitaux. Les gens ne passent cet examen que lorsqu'ils présentent des signes inquiétants. Les signaux de l'ECG permettent de déceler à l'avance des maladies, qui peuvent ainsi être mieux traitées. En intégrant des capteurs ECG dans du mobilier pour faire des tests, on peut prévenir des maladies.
Ce genre de projet fait intervenir des scientifiques de plusieurs domaines. Pour résoudre les réels problèmes de la société, qui sont complexes, cela nécessite l'expertise de gens de plusieurs domaines différents. Dans ce cas-ci, il y avait des ingénieurs et un cardiologue. Il faut aussi faire appel à des gens versés en éthique et en acceptabilité sociale, par exemple. Si on veut que les projets de recherche aient un effet et qu'ils soient acceptés par la société, il faut couvrir tous ces angles et faire intervenir des experts de plusieurs domaines.
Dans un contexte où les chercheurs consacrent beaucoup de temps et d'énergie à des projets de recherche multidisciplinaires comme celui-là, il est plus difficile de démontrer l'incidence des critères d'attribution du financement sur l'excellence de la recherche, puisque cela implique de travailler avec des gens de plusieurs disciplines différentes. Déjà, la mise en place du protocole de recherche est plus compliquée.
De plus, étant donné que les contributions sont partagées entre plusieurs chercheurs, lorsqu'on regarde le dossier d'évaluation de chaque chercheur, il y a toujours une petite différence entre les chercheurs qui sont fortement engagés dans des activités de recherche multidisciplinaires et les autres. C'est pourquoi nous recommandons qu'il y ait des enveloppes réservées à des projets de recherche interdisciplinaires afin qu'on puisse comparer des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges.
Nous avons beaucoup parlé de l'évaluation par les pairs et de l'examen du mérite, et de leur importance, ou de leur insignifiance, comme certains peuvent le penser. Je pense que, de manière générale, la plupart d'entre nous pensent que c'est important.
Pouvez-vous nous parler de la crédibilité et de la manière dont cela place le Canada sur la scène internationale, s'il vous plaît, si c'est le cas ou non?
Certainement. On a étudié l'évaluation par les pairs, ou l'examen du mérite, comme le CRSH a tendance à l'appeler. Son processus a été mondialement reconnu comme étant conforme à ces normes. L'ensemble de la composition d'un comité et la diversité des points de vue présentés lors d'une réunion du comité et qui pourront être échangés font l'objet d'un examen minutieux.
Il s'agira de considérations linguistiques. Il sera question de la pertinence disciplinaire de ces experts. Ce sera leur représentation géographique et leurs institutions. Cela concernera également la préparation de ces personnes. J'ai parlé de l'orientation liée aux questions de conflits d'intérêts et de confidentialité. J'ai mentionné une orientation sur les préjugés inconscients. Des membres du personnel sont également chargés d'aider à la mise en place d'un processus d'évaluation objectif, fondé sur la pertinence des informations présentées aux membres du comité.
Je ne sais pas si j'ai encore le temps, mais, selon moi, s'il existe un financement fédéral, les considérations, comme inclure davantage de populations diversifiées, telles que les femmes, les Autochtones ou autres, sont donc importantes.
Pouvez-vous nous donner votre avis sur ce point? Vous représentez plus de 91 000 chercheurs et étudiants diplômés.
Je vais commencer par donner quelques chiffres sur la recherche en français.
Dans les cinq dernières années, les taux de succès au concours du CRSNG, dans le cadre du Programme de subventions à la découverte, sont de 49 % pour les demandes soumises en français et de 63 % pour les demandes soumises en anglais. Le CRSNG mesure les taux de succès dans plusieurs groupes. Ce groupe est le seul qui présentait une différence importante. D'un autre côté, 400 demandes ont été soumises en français et 13 000 demandes, en anglais. Les chercheurs francophones soumettent leurs demandes en anglais. Ceux qui les soumettent en français ont considérablement moins de chances de succès.
Dans notre allocution d'ouverture, nous avons mentionné qu'il faudrait commencer par fixer des cibles pour ce qui est du nombre de demandes, soit le pourcentage de demandes qui seraient soumises en français, et pour ce qui est des taux de succès.
Nous croyons fermement que les solutions viendront des gens qui ont l'expertise dans les milieux, notamment des organismes subventionnaires. Si on fixe des cibles, les gens faisant partie de ces organismes trouveront des solutions et des moyens d'atteindre ces cibles.
Il s'agirait de commencer par des pistes de solution susceptibles de favoriser une plus grande équité.
Par exemple, on pourrait donner la chance aux chercheurs de décrire les programmes de recherche en français. On sait que le résultat de la rédaction d'un contenu en français comprendra un peu plus de pages qu'en anglais. On pourrait aussi faire en sorte de bien choisir les personnes qui composeront les comités d'évaluation.
Il y a aussi tout un travail de sensibilisation et de communication qui doit être fait pour inciter les chercheurs de langue française à soumettre plus de demandes de subventions en français.
En commençant par définir des cibles à atteindre, nous croyons vraiment que les gens apporteront aussi d'autres pistes de solution.
Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un commentaire.
L'effet vraiment pervers, c'est que nous avons des collègues qui voudraient rédiger leurs demandes en français, mais ils hésitent. Au bout du compte, ils se disent qu'ils vont les rédiger en anglais, car ils ont plus de chances d'obtenir des fonds, ce qui est inacceptable.
Madame Morin, vous avez parlé de l'importance de la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche, qui vise à promouvoir des pratiques d'évaluation de la recherche équitables, diversifiées et axées sur la qualité réelle des travaux.
La Fédération des sciences humaines a-t-elle signé cette déclaration?
Au fil du temps, cette déclaration a retenu beaucoup d'attention. Il s'agit peut-être de rattraper le temps perdu. Cependant, les agences de financement sont en train d'apporter des changements qui vont dans le sens de la Déclaration. Les universités et les chercheurs devront nécessairement emboîter le pas. Je m'attends donc à une augmentation du nombre d'universités qui adhèrent à cette déclaration.
Je vais revenir à Mme Morin pour aller au bout d'une idée que j'ai eue quand on m'a interrompu. Nous parlions de l'évaluation par les pairs.
Je suis étonné par le fait que, lors de la dernière réunion que nous avons tenue sur ce sujet, nous avons parlé du nombre d'articles qui sont… Je parle de l'évaluation des publications par les pairs, mais je suppose que cela intervient dans l'évaluation par les pairs des demandes de projet également. Le problème avec l'évaluation par les pairs, c'est que le nombre de pairs est limité. Je crois que nous avons entendu dire que de deux à huit millions d'articles sont publiés chaque année. Il existe de nombreuses revues dont les publications sont en quelque sorte fallacieuses. Certaines d'entre elles sont peut-être celles dont M. Horsman parlait. Bon nombre de mes anciens collègues disent souvent qu'ils sont submergés par les demandes d'évaluation par les pairs.
Cela pose‑t‑il un problème? Vous disiez que vous passez d'un comité d'évaluation par les pairs à un autre. Il semble que vous soyez maintenant à la recherche davantage de personnes. Cela semble être une bonne idée, mais je m'interroge sur la capacité des chercheurs à participer à cela.
Merci. C'est une question et une considération importantes.
Quand l'évaluation de la productivité est à ce point axée sur la quantité, on se heurte à la lourdeur de l'évaluation par les pairs. Le volume de publications est si important qu'il doit être réparti entre les experts compétents pour que les travaux soient publiés dans de plus en plus de revues. Cette tendance s'est accentuée d'une manière quelque peu insoutenable.
La Déclaration de San Francisco s'efforce de nous éloigner de la productivité au chapitre du volume et de nous rapprocher de la productivité en ce qui concerne la qualité. En effet, nous espérons voir un certain recalibrage de l'effort requis des pairs pour évaluer le travail des uns et des autres, de sorte qu'il ne s'agisse pas toujours d'une course pour publier plus, mais pour publier de manière plus intelligente.
Un CV détaillé n'est plus une invitation à avoir des pages et des pages qui énumèrent des centaines et des centaines de publications, dans le cas de chaque scientifique productif en fin de carrière. Si l'on demande précisément à ces scientifiques de choisir une demi-douzaine de leurs travaux les plus importants, soudainement, ils ne se bousculeront pas pour publier davantage, et les pairs n'évalueront pas davantage de travaux des uns et des autres, dans le but de les faire publier.
Nous avons légèrement dépassé la limite de temps. Merci beaucoup.
Vous pouvez transmettre vos observations supplémentaires au greffier, si vous en avez.
Je tiens à remercier nos témoins, M. Geoff Horsman, M. Christian Casanova, M. Ghyslain Gagnon et Mme Karine Morin, de leur témoignage et de leur participation à l'étude du Comité.
Nous allons suspendre brièvement la séance pour nous préparer à accueillir le prochain groupe.
Si vous participez par vidéoconférence, s'il vous plaît, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous n'avez pas la parole. Pour l'interprétation sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir Mme Wasiimah Joomun, directrice générale de l'Alliance canadienne des associations étudiantes.
Nous accueillons également, par vidéoconférence, Mme Maydianne Andrade, ancienne présidente et cofondatrice du Réseau canadien des scientifiques noirs.
Vous aurez cinq minutes chacune pour faire vos déclarations préliminaires, puis nous passerons aux questions.
Madame Joomun, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
Je souhaite un bon après-midi à la présidente, aux honorables membres du Comité et aux autres témoins.
Pour commencer, je tiens à reconnaître que nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire de la nation algonquienne Anichinabé.
[Français]
Avec notre partenaire Union étudiante du Québec, l'Alliance canadienne des associations étudiantes, ou ACAE, représente 400 000 étudiants et étudiantes d'un bout à l'autre du pays.
[Traduction]
Au Canada, l'innovation, la productivité et la production de connaissances nécessitent des chercheurs qualifiés, y compris des étudiants de premier cycle et des cycles supérieurs. L'ACAE reconnaît non seulement l'importance des connaissances produites par la recherche, mais aussi le potentiel du système pour la promotion du perfectionnement des talents.
La recherche n'a pas seulement des répercussions à long terme sur le produit final, elle en a aussi sur les gens. Nous savons, par exemple, que seulement 19 % des doctorants font partie du corps professoral. Les 81 % restants travaillent dans l'industrie et mettent à contribution leurs compétences en recherches transposables en techniques ainsi que leur pensée critique pour comprendre et résoudre des problèmes complexes au travail.
[Français]
Aujourd'hui, nous vous présentons des recommandations sur l'importance des facteurs personnels dans la recherche ainsi que sur l'importance de promouvoir les chercheurs qui ont été traditionnellement exclus de l'environnement de la recherche. Nous présentons des recommandations sur les projets de recherche menés par des professeurs qui recrutent des étudiants dans leurs équipes de recherche et sur les bourses d'études attribuées directement à la population étudiante.
En ce qui concerne les critères de financement, nous souhaitons souligner que le sujet de recherche direct n'est qu'un élément de l'évaluation des propositions. L'ACAE souhaite insister sur l'importance d'évaluer les propositions en fonction du développement des talents canadiens.
[Traduction]
L'évaluation des avantages de la formation des étudiants de premier cycle et des cycles supérieurs diplômés participent à des projets de recherche financés par le gouvernement fédéral s'appuie actuellement sur un éventail de critères différents. Cela signifie que les plans relatifs au personnel peuvent être masqués par d'autres facteurs. L'ACAE croit que les programmes financés par le gouvernement fédéral, comme les subventions Savoir et les subventions à la découverte devraient inclure une catégorie à part mettant l'accent sur la qualité et la quantité des occasions de formation du personnel.
De plus, l'ACAE réclame que les étudiants des établissements dont les enseignants reçoivent du financement fédéral pour la recherche soient adéquatement soutenus pour participer à ces projets. Cela peut comprendre des subventions institutionnelles, des assistanats d'enseignement et le soutien d'industries privées ainsi que des subventions fédérales pour la recherche.
L'ACAE veut aussi éliminer les obstacles auxquels font face les étudiants dans l'écosystème de recherche canadien. Nous encourageons les organismes de financement à fournir de la rétroaction aux étudiants de premier cycle et des cycles supérieurs dont la demande de contribution a été refusée pour les aider à soumettre des meilleures demandes à l'avenir.
[Français]
En raison de la consolidation des bourses Vanier dans le nouveau programme rationalisé de bourses de talent, le Canada a perdu le petit créneau de financement pour les doctorants internationaux exceptionnels qui travaillent sur des projets bénéfiques pour le pays. Nous encourageons ce comité et le gouvernement à maintenir un flux de financement de doctorats pour lesquels les étudiants internationaux sont admissibles.
Nous reconnaissons également l'importance constante du soutien à la recherche francophone, et nous approuvons les recommandations du rapport Bouchard sur la recherche francophone. Nous pensons que le rapport de ce comité sur la recherche en langue française contient de nombreuses recommandations prometteuses à ce sujet.
[Traduction]
De plus, les chercheurs autochtones font face à des obstacles uniques. M. Benjamin Kucher, le président du Comité consultatif national sur les dossiers autochtones de l'ACAE, a dit ceci dans sa déclaration écrite:
Il est essentiel de soutenir les chercheurs autochtones pour promouvoir l'équité et des points de vue diversifiés dans les milieux universitaires. Les comités d'évaluation doivent élargir leurs critères pour mettre en valeur les méthodologies autochtones, la recherche axée sur la communauté et les sujets culturellement importants. Cette approche reconnaît la légitimité des systèmes de savoir autochtone et déjoue les préjugés systémiques. Les pratiques d'évaluation inclusives habilitent les universitaires autochtones, enrichissent le discours universitaire et contribuent à des résultats de recherche pertinents, axés sur la communauté et respectueux des principes de la réconciliation et de la souveraineté autochtone.
Pour finir, nous souhaitons souligner que le nouvel organisme-cadre veillera continuellement à la pertinence des critères. Les représentants des étudiants, siégeant au conseil d'administration de l'organisme-cadre, seront les porte-parole des étudiants pendant la conception et la supervision continues du programme de l'organisme.
Les étudiants-chercheurs canadiens sont un moteur essentiel de la productivité et de l'innovation au Canada. Nous espérons que votre étude débouchera sur des critères de financement qui assurera leur réussite, non seulement grâce à la recherche elle-même, mais aussi grâce à la promotion du perfectionnement des compétences des étudiants, qui les aidera et aidera leurs futurs employeurs à réussir.
Je vous remercie de m'avoir écoutée, et j'ai bien hâte d'entendre vos questions.
Merci au Comité de m'avoir invitée à discuter de ce problème important. J'ai beaucoup réfléchi à l'excellence en recherche, à la manière de la définir et de l'évaluer. En plus de faire partie du Réseau canadien des scientifiques noirs, j'ai été vice-doyenne aux affaires professorales de l'Université de Toronto à Scarborough. Dans ce rôle, j'ai supervisé l'évaluation et l'avancement professionnel de plus de 400 membres du corps professoral de toutes les disciplines. Je suis aussi présentement présidente du Comité de sélection du programme national Killam, qui distribue les bourses Dorothy Killam et les prix Killam, qui figurent parmi les prix de recherche les plus prestigieux du Canada.
Qu'est-ce que l'excellence en recherche? La plupart des gens s'entendent pour dire que l'excellence est la production continuelle de recherches rigoureuses, reproductibles et transparentes, qui ont un impact positif dans le domaine de recherche ou dans la société. L'impact est l'un des éléments clés de l'excellence, mais il peut être très difficile à évaluer au court terme. Rétrospectivement, l'impact implique souvent des perturbations et des innovations vont au-delà de la pensée conventionnelle et des usages courants, qui contribuent quelque chose de nouveau et important à la théorie ou à un domaine précis ou qui ont des retombées positives pour la société.
Les paramètres généralement utilisés autrefois pour évaluer l'excellence en recherche étaient relativement rapides et faciles à évaluer et se classaient dans deux catégories. L'une était les extrants, c'est-à-dire le nombre d'articles, le nombre de citations et l'impact, des choses dont nous avons déjà discuté aujourd'hui. L'autre était la reconnaissance et l'expérience, c'est-à-dire le nombre de prix et de bourses reçus et la formation et les expériences connexes. Vous travaillez dans le laboratoire d'un lauréat du prix Nobel? Eh bien, vous êtes sûrement très bon.
Le Canada est maintenant reconnu partout dans le monde pour son excellence en recherche. Nous y sommes arrivés en soutenant les chercheurs de l'ensemble du pays et en les évaluant avec ces paramètres. Mais la trajectoire entre la recherche et l'impact peut changer, et elle change. Les critères d'évaluation doivent changer eux aussi, sinon le Canada sera laissé pour compte. Les trois conseils et nos comparables internationaux s'adaptent et utilisent des critères plus larges afin de maintenir et d'augmenter l'impact du Canada. Les données probantes montrent que les paramètres traditionnels ne garantissent plus ou n'encouragent plus l'excellence. C'est-à-dire que les idées qui ont le plus de répercussions sur les Canadiens ne sont pas nécessairement celles qui produisent le plus d'articles ou le plus de citations.
Premièrement, même si le nombre de publications a explosé ces dernières décennies, la proportion d'articles perturbateurs et réellement novateurs a chuté. Le phénomène a récemment été prouvé dans une étude définitive publiée dans Nature, qui a analysé 45 millions de manuscrits et 3,9 millions de brevets publiés entre 1945 et 2010. Pour les manuscrits comme pour les brevets, on observe une diminution considérable du caractère perturbateur et innovant, à savoir une diminution de 70 à 90 %. L'addition des articles, des brevets et des impacts sont des paramètres inadéquats. Pire encore, en utilisant principalement ces paramètres, nous encourageons les chercheurs à publier de plus en plus, même si les recherches sont de moins en moins pertinentes pour les Canadiens.
Deuxièmement, un énorme volume de documents montre que les reconnaissances comme les prix, les bourses et les occasions de recherche, surtout dans les meilleurs laboratoires, ne sont pas influencées seulement par le potentiel ou l'excellence scientifiques, elles le sont aussi par l'identité et la perception de la race, du genre, du statut socioéconomique et de la proximité à une grande université. Au Canada, les difficultés liées à la pression de pratiquer la science en anglais peuvent avoir des répercussions sur les paramètres conventionnels. Par exemple, un certain nombre d'études ont montré que les trousses de demande standardisée et les courriels ne sont pas considérés de la même façon s'ils portent le nom d'une femme ou d'une personne racisée.
Un autre exemple récent est le parcours de Mme Katalin Karikó, lauréate d'un prix Nobel. Mme Karikó a continué de travailler dans le domaine scientifique même si elle était victime de sexisme décomplexé, était perçue comme étant sous-performante et était chassée des laboratoires de recherche. Ses recherches ont permis la création des vaccins à ARNm contre la COVID. Ces recherches avaient été publiées dans un journal peu connu, après que Nature a jugé que son travail était sans importance.
Les trois conseils reconnaissent ces problèmes et cherchent à assurer le perfectionnement de la prochaine génération de talents du Canada en encourageant les chercheurs à faire preuve d'inclusivité pour le recrutement et le mentorat dans les laboratoires de recherche financés par les deniers publics. L'important, c'est vraiment le personnel hautement qualifié, le PHQ. C'est essentiel pour l'écosystème futur de la science et de l'innovation. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser de côté des talents.
Pour ce qui est des extrants, les trois conseils n'ont pas abandonné les paramètres traditionnels. Les avancées progressives sont toujours importantes, mais on a ajouté une plus grande gamme d'évaluations et d'impacts. Le Canada n'est pas le seul à le faire. Comme vous le savez, la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche a été adoptée mondialement. L'objectif de ce guide rigoureux est d'élargir notre compréhension de l'excellence pour y inclure un large éventail d'impacts et de résultats ainsi que les réalisations et les talents de diverses personnes dans tout le pays. Le changement n'est jamais facile, mais il est essentiel de repenser notre compréhension de la mesure de l'excellence pour maintenir l'impact international du Canada et continuer à l'échelle nationale d'alimenter l'innovation.
Je voulais simplement souligner que le Parlement a attiré un peu trop peut-être l'attention des médias, qui remettaient en question l'identité autochtone d'un ministre. C'est quelque chose que je viens tout juste de chercher sur Google pour ce qui est des enseignants et des exigences des facultés. Je me suis dit: « Peut-être que les sujets se rejoignent? » Et effectivement, il y a d'innombrables histoires là‑dessus.
Comment pouvons-nous nous assurer que cela ne se produise pas dans les milieux universitaires, si le Canada adopte les principes de l'équité, de la diversité et de l'inclusion? Vous avez dit que la recherche de la personne qui étudiait l'ARNm a fini par être publiée et qu'elle est une héroïne, aujourd'hui.
Comment pouvons-nous viser l'excellence sans faire la promotion d'une auto-identification mensongère?
Je vous remercie de la question. L'identité est toujours un problème complexe. Je n'essaierai pas de le nier.
Je vais dire pour commencer que les trois conseils mènent leurs évaluations en se fondant sur des lignes directrices et des mesures axées sur le recrutement et le mentorat justes et équitables des mentorés. Les principes d'EDI, comme ils sont communément appelés, n'entrent pas en jeu dans les deux autres critères, c'est‑à‑dire l'excellence du chercheur et l'excellence du projet de recherche. Nous voulons simplement nous assurer que des personnes talentueuses ne sont pas rejetées parce que nous sommes débordés, que nous avons certains préjugés ou que nous avons une connexion à un laboratoire en particulier.
Si vous parlez d'objectifs de recrutement qui visent à corriger les déséquilibres historiques et actuels en matière de représentation dans le corps professoral, c'est une tout autre question. Certains établissements élaborent des lignes directrices sur la manière de voir l'identité — les collègues autochtones suggèrent d'impliquer la communauté dans le processus —, mais ce n'est pas l'objectif principal.
Je tiens à dire que je déteste utiliser les mots « principes d'EDI » parce qu'ils cachent le fait que de nombreuses données probantes montrent que, sans mesures correctives, les personnes comme moi, surtout les élèves de premier cycle — ce n'est pas mon cas parce que je suis professeure —, ne sont pas traitées de manière conforme aux droits de la personne, au Canada. À ce moment précis de notre histoire, alors que la Commission des droits de la personne du Canada a admis, par exemple, qu'il y avait du racisme antinoir entre ses murs, il est peu probable que ce phénomène ne se retrouve pas ailleurs dans nos systèmes.
Cette semaine, Retraction Watch, qui fait de l'excellent travail en signalant les recherches falsifiées ou de mauvaise qualité, a annoncé un autre cas. Il s'agissait d'un professeur de l'Université de Toronto qui se spécialise en génétique moléculaire. Un de ses articles, qui avait été cité plus d'un millier de fois par des chercheurs de premier cycle, a été retiré.
Quelles sont les répercussions sur les personnes qui ont cité l'article lorsqu'il est remis en question? Comment pouvons-nous prévenir cela?
C'est vraiment terrible, surtout lorsqu'il s'agit d'avancées ou de technologies biomédicales qui les aident, car cela induit les gens en erreur.
C'est un phénomène qui existe dans tous les domaines de recherche. Peu importe le domaine, il y a des rétractations. Toutefois, les rétractations et les allégations de mauvaises pratiques de recherche sont restreintes à un très petit groupe de chercheurs, donc ce n'est pas courant.
En même temps, l'approche actuelle est littéralement « publier ou périr ». Lorsque j'ai commencé à travailler dans le système, les gens m'ont dit que je devais publier énormément d'articles. La qualité n'était pas si importante. Certains d'entre nous résistaient à ce qui était appelé « la plus petite unité publiable », c'est‑à‑dire à publier l'information en tranches les plus fines possible. C'est ce genre de façon de penser qui amène les gens à fabriquer des données.
Nous surveillons cela exactement de la même manière que Retraction Watch. Des gens bien outillés sont maintenant capables de repérer les chiffres et les méthodes statistiques falsifiés. D'un autre côté, le contrôle rigoureux par les pairs peut prévenir cela. Le problème est que cela n'est pas toujours appliqué comme il se doit, parce que, en toute franchise, il y a du népotisme.
Pour ce qui est des chercheurs autochtones, je crois que, en tant que personne allochtone, le meilleur moyen de les intégrer est d'impliquer la communauté et d'écouter ses besoins, et l'organisme-cadre doit aussi assurer la représentativité et faire des consultations continues. C'est quelque chose que nous faisons nous-mêmes avec nos chercheurs et nos étudiants autochtones. Je crois que nous devons communiquer directement avec eux et les inviter à la table, pour mieux comprendre leurs besoins et pour qu'ils soient mieux représentés.
Pour ce qui est de la fraude, comme Mme Andrade l'a mentionné, l'essentiel est un contrôle par les pairs rigoureux. Les fausses informations ne sont pas tolérées, mais nous avons besoin de processus plus rigoureux qui ne pénalisent pas tout le monde pour un acte commis par une personne. J'espère que des critères plus rigides feront en sorte que la qualité l'emporte sur la quantité.
Je crois également que c'est la raison même de votre étude. Comment pouvons-nous choisir les critères et les impacts pour empêcher que cela se reproduise et nous assurer que la qualité l'emporte sur la quantité?
Je vais commencer par vous, madame Andrade. Félicitations pour le prix qui vous a été récemment décerné à la Conférence canadienne sur les politiques scientifiques, ici, à Ottawa. Nous sommes très heureux de vous avoir pour témoin.
Dans le cadre de l'étude, nous avons entendu d'autres témoins dire que l'on voulait qu'ils adoptent un point de vue progressif plutôt qu'un point de vue plus conservateur. D'après votre expérience, avez-vous vu ce genre d'exigences pour ce qui est des demandes de financement présentées par des particuliers ou par des organismes?
Je crois qu'il arrive parfois que des personnes qui travaillent dans un service qui a, disons‑le ainsi, une culture particulière, se sentent obligées de s'exprimer d'une certaine façon ou d'utiliser un certain vocabulaire. Toutefois, nos organismes de financement ont des indicateurs assez complets.
Comme je l'ai dit, par exemple, le Programme de subventions à la découverte du CRSNG, que je connais le mieux, comporte trois parties. Une partie est l'excellence en recherche. L'équité, la diversité et l'inclusion n'entrent pas en jeu, à moins que le projet ait un lien avec le sexe, et le cas échéant, vous devez travailler avec l'ACS Plus, ce qui veut simplement dire que votre recherche est bonne. Il y a l'excellence du chercheur et puis il y a le personnel hautement qualifié.
Au Canada, si vous êtes un chercheur mais que vous n'avez pas pensé au fait que vous allez recevoir des demandes de personnes issues de la diversité et que des préjugés involontaires et bien documentés vont influer sur votre évaluation, vous ne faites pas bien votre travail. Nous sommes financés par l'État. Nous avons un devoir envers les Canadiens, envers tous les Canadiens. Alors, en contrepartie, nous devons nous assurer d'encourager le perfectionnement des talents.
Madame Joomun, je crois que vous avez entendu certains témoins dire qu'il y a un certain parti pris en faveur d'un point de vue progressiste qui devrait être reflété dans les demandes de subventions. Est‑ce que vous avez vu cela dans les organismes ou chez les étudiants que vous représentez?
D'après ce que me disent les étudiants, le CV narratif les aide à exprimer leur point de vue, mais je crois que l'important, c'est d'avoir divers points de vue et d'investir dans les gens que nous avons déjà. Je suis d'accord avec Mme Andrade. Nous essayons de rassembler des points de vue diversifiés autour de la table et de rendre justice au programme de financement fédéral. Si vous faites des recherches sur l'économie et l'innovation canadiennes, vous investissez, d'une certaine manière, dans le talent et les compétences des gens.
Lorsqu'il s'agit de la recherche, nous ne tenons pas seulement compte du projet précis; nous tenons compte également des récipiendaires de nos investissements, parce que ce sont les innovateurs et les entrepreneurs de demain qui embaucheront la relève. Les points de vue diversifiés encouragent la diversité et l'investissement dans la diversité des personnes au sein du système.
Des études et des recherches montrent que, cinq ans après avoir obtenu leur diplôme, les doctorants ont un revenu annuel moyen de plus ou moins 94 000 $, peu importe la source, donc vous pouvez voir que, à long terme, nous investissons dans les compétences. Ils ne les utilisent pas nécessairement directement dans leur recherche, mais ils utilisent leurs compétences transférables et leur esprit critique pour démarrer une entreprise ou pour travailler pour une entreprise. Il y a un investissement à long terme, et nous voyons qu'il est avantageux pour nos étudiants d'apprendre à l'école tout en poursuivant des études de cycle supérieur pour ensuite mettre en pratique leurs acquis sur le marché du travail. Je crois que le pays doit en faire davantage à ce chapitre, étant donné le chômage et la pénurie de main-d'œuvre au Canada.
Madame Andrade, un autre témoin a dit plus tôt aujourd'hui quelque chose de très intéressant, à savoir que les applications de la recherche peuvent améliorer la prospérité économique du Canada.
D'après votre expérience, dans quelle mesure les trois conseils tiennent‑ils compte de ce genre de critères pour l'évaluation d'une demande de financement? Savez-vous s'ils tiennent compte de la prospérité économique potentielle?
Je crois que cela dépend du type de recherche et du domaine. Il peut être facile, dans certains cas, de faire un lien direct avec les avantages économiques, par exemple, si vous êtes un ingénieur, si vous brevetez quelque chose sur le marché ou s'il s'agit d'une recherche translationnelle. Si vous menez une recherche biomédicale, vous pouvez dire que, en réduisant la charge de morbidité, au Canada, vous améliorez aussi l'économie. Il y a des domaines où cela s'applique.
Dans d'autres domaines, les avantages progressifs ne sont pas immédiatement évidents. Pour revenir à l'exemple de Mme Karikó, elle a publié son article en 2005 et il a été utilisé en 2020. Il est très difficile de prouver les avantages économiques d'un projet de recherche à court terme. Si nous ne le faisons pas, l'occasion ne se présentera pas. Je ne sais pas ce qui se serait produit ni combien de temps il aurait fallu pour créer un vaccin contre la COVID si nous n'avions pas eu cet article de 2005.
Oui, bien sûr. Des étudiants m'ont dit que, pour trouver une solution à un problème de demain, nous devons commencer la recherche hier. La recherche n'est pas instantanée.
La recherche a un aspect multidisciplinaire; nous avons besoin de plusieurs types de personnes et nous avons besoin d'un écosystème entier. Quant à la prospérité de l'écosystème de recherche, le travail... Comme Mme Andrade l'a si bien dit, un article qui date de 2005 a été utilisé en 2020. Imaginons un instant que l'article n'ait jamais été publié. En serions-nous là où nous en sommes?
Je crois que nous devons reconnaître que l'écosystème de recherche est plus holistique et qu'il n'est pas instantané. Différentes personnes doivent travailler pendant des années pour que nous arrivions là où nous voulons être.
Madame Joomun, vous avez mentionné que vous souteniez la recommandation du Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche, communément appelé le rapport Bouchard, en ce qui concerne le soutien à la recherche francophone et le traitement égal des demandes de financement soumises en français.
Dans ce contexte, quelle est la position de l'Alliance canadienne des associations étudiantes concernant les critères de financement actuels?
Si vous êtes d'accord, je vais répondre à la question en anglais.
[Traduction]
Nous tenons compte de la recommandation 21 pour le rapport Bouchard et de la recommandation 17 pour la recherche du Comité. Nous devons soutenir le bilinguisme dans la recherche... Si quelqu'un souhaite faire une recherche bilingue, nous devrions l'encourager. C'est quelque chose que nous appuyons et que nous soutenons.
Je sais que notre partenaire, l'Union étudiante du Québec, mène actuellement une campagne provinciale sur la recherche au Québec. L'Union réclame notamment que la recherche soit faite en français.
Nous soutenons les recommandations du Comité concernant le soutien des étudiants qui souhaitent faire des recherches en français. Le bilinguisme est définitivement quelque chose que nous soutenons à l'ACAE. J'étais très contente de voir cela dans le rapport du Comité.
Je n'ai pas vraiment de suggestions. Cependant, je pense qu'on pourrait inciter les étudiants internationaux qui ont des parcours francophones à venir faire de la recherche en français au Canada.
La majorité des chercheurs qui viennent étudier ici font normalement des études en anglais. Je pense qu'on devrait évaluer un peu plus la situation pour inciter des chercheurs ou des étudiants à faire de la recherche en français au Canada.
Les données démontrent que le contenu francophone est présentement en déclin dans le domaine de la science au Canada, peu importe la discipline. Il y a des disciplines où c'est de plus en plus difficile.
L'Alliance canadienne des associations étudiantes serait-elle en faveur d'avoir, dans les mécanismes de critères de financement, des incitatifs qui font la promotion du développement des connaissances en français?
En collaboration avec notre partenaire, nous allons soutenir la recherche francophone. Nous voulons soutenir les étudiants qui veulent poursuivre leurs études et leurs recherches en français.
Votre regroupement fait la promotion de l'égalité des chances pour l'accessibilité à l'enseignement supérieur. On sait que les critères de financement actuels mènent à une concentration du financement. En effet, 80 % du financement total de la recherche au Canada va à seulement 20 % des chercheurs. Si seulement 20 % des chercheurs obtiennent du financement, cela veut dire que beaucoup de chercheurs n'ont pas la possibilité de se perfectionner ou de s'émanciper selon leur potentiel.
J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.
Que suggérez-vous pour qu'un plus grand bassin d'étudiants et d'étudiantes ait accès à du financement?
Devrait-on modifier les critères pour s'assurer que tout le monde a une réelle égalité des chances?
Si vous êtes d'accord, je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Les étudiants diplômés ont deux sources de financement, à savoir le financement direct et le financement indirect. Ils peuvent par exemple s'adresser au Programme bourses d'études supérieures du Canada, mais peuvent aussi obtenir des allocations ou des bourses des établissements. Nous ne demandons pas plus de financement, mais nous voulons que les établissements soient financés à condition de mettre l'argent qu'ils reçoivent dans les poches des étudiants.
Comment pouvons-nous utiliser plus efficacement le financement du gouvernement déjà prévu dans le budget 2024? Présentement, le financement direct atterrit directement dans les poches des étudiants, mais je crois qu'il est temps d'obliger les établissements et les universités à remettre une partie du financement fédéral qu'ils reçoivent directement aux étudiants, sous forme de stages ou d'assistanats et d'allocations.
Avez-vous d'autres suggestions, notamment pour élargir l'éventail d'étudiants qui pourraient avoir accès à l'enseignement supérieur?
Je sais que cela fait partie de votre mission. C'était aussi le thème de votre Advocacy Week. D'ailleurs, je vous félicite pour cet événement. Cela m'a permis de rencontrer des gens de l'Union étudiante du Québec, qui fait partie de l'ACAE.
De quelle façon les critères de financement pourraient-ils permettre le développement de plus de talents au Québec et au Canada?
Merci de la question et merci pour les félicitations. Ce fut une semaine formidable.
Une des choses que nous demandons, comme vous le savez, est l'indexation de ces récompenses. Nous ne voulons pas pendant encore 20 ans nous passer de ce financement supplémentaire pour nos étudiants.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous devons aussi commencer à former les personnes hautement qualifiées pour qu'elles puissent former la relève. C'est pourquoi nous demandons aux établissements de former les étudiants pour qu'ils soient capables non seulement de faire de la recherche, mais aussi de former, à leur tour, la relève. Si nous voulons adopter une approche holistique pour l'investissement dans la recherche, nous devons tenir compte des projets, mais aussi des personnes, c'est-à-dire, comme je l'ai dit, utiliser les professeurs et les laboratoires pour former également la relève.
C'est l'un des critères que nous espérons voir adopté, c'est‑à‑dire que, en plus du financement direct qui est versé aux étudiants, ce qui est excellent, nous devons aussi encourager les professeurs et les laboratoires à former les étudiants pour qu'ils soient capables de former, à leur tour, la relève.
Madame Andrade, je voulais également vous féliciter pour ce prix, mais je voulais surtout vous remercier du témoignage percutant que vous avez fourni, pendant l'une de vos précédentes comparutions, sur les étudiants diplômés et sur la raison pour laquelle nous devons augmenter le financement pour les bourses et les bourses de recherche afin de les sortir de la pauvreté et d'assurer l'excellence en recherche du Canada. Je crois que nous avons tous apprécié votre témoignage.
Je vais commencer par vous poser une question sur la formation. Le financement de la recherche canadienne par les trois conseils est versé aux laboratoires qui emploient des étudiants universitaires, et la formation est une partie importante de cela. Pourriez-vous nous en dire plus sur les critères d'évaluation des demandes de subventions de recherche qui concernent la formation, et nous dire dans quelle mesure il est important qu'il y ait plusieurs critères pour ce volet de la subvention?
Je suis contente d'être de retour ici. Vous traitez de questions très importantes.
Pour revenir à votre question précédente visant à savoir si les gens ont l'impression d'être obligés d'employer des mots à la mode, c'est parce qu'ils n'ont pas pris le temps de réfléchir aux moyens concrets de répondre aux critères. Je crois que c'est parce que c'est très nouveau pour les gens. Ils peuvent utiliser ces expressions faciles à prononcer pour créer une phrase plus agréable. Toutefois, il pourrait être plus utile de dire... Je sais que, dans mon domaine, les femmes sont sévèrement sous-représentées. Il peut n'y avoir qu'une seule femme dans mon laboratoire. Si elle est post-doctorante, il est probable qu'elle soit en âge d'avoir des enfants. Je dis dès le début aux personnes qui ont des enfants que je sais qu'elles peuvent devoir rentrer à la maison plus tôt qu'il y a 20 ans, lorsque la norme était de travailler jusqu'à ce que les lumières s'éteignent. C'est de cela que je parle.
Mes collègues m'ont demandé de jeter un coup d'œil à leurs déclarations sur l'EDI du personnel hautement qualifié. Ils les appellent « déclarations sur l'EDI », mais ce sont plutôt des déclarations sur la formation. Certaines de ces déclarations viennent d'hommes blancs qui n'avaient jamais eu à réfléchir à cette question, réfléchir à ce sujet délicat, et sont très concrètes. Ces hommes ont écrit des règles qu'ils croient être inclusives. Ils les énoncent clairement et expliquent pourquoi elles sont nécessaires. Toutefois, ce n'est pas une question de mots à la mode. Il s'agit plutôt de réfléchir au genre de personnes qui pourraient travailler au laboratoire et à la manière dont on peut les aider à se dépasser et à être les meilleurs chercheurs qui soient lorsqu'ils quitteront le laboratoire.
Les gens discutent beaucoup également d'un autre sujet, qui, je crois, n'a pas de lien avec la perception des gens sur les mots à la mode liés à l'EDI. Lorsque j'ai commencé à travailler dans le domaine — il y a 20, 30 ou 40 ans, ou peu importe —, l'objectif était de devenir professeur, obligatoirement. Je m'adresse à ma collègue des associations étudiantes. Si vous ne disiez pas vouloir devenir professeur, personne ne s'occupait de vous. C'est l'une des choses qui ont énormément changé. Le plan relatif à la formation du personnel hautement qualifié ne doit pas supposer que tout le monde va devenir professeur. Il doit prévoir toutes sortes de moyens pour mettre les étudiants en contact avec l'industrie et les milieux où ils peuvent mettre à contribution leurs compétences transférables.
Je ne sais pas si cela vous aide à mieux comprendre. C'est beaucoup plus naturel que les gens le pensent. Nous cherchons de la viande. Toutefois, souvent, lorsque nous lisons ces documents, il n'y a pas de viande parce que les gens n'ont pas vraiment pris le temps d'y penser.
Nous avons entendu des témoins dire, pendant cette séance-ci et pendant la dernière séance, que les milieux universitaires avaient un parti pris quant au point de vue. Essentiellement, ils sont préoccupés par le fait qu'il y a trop d'électeurs progressifs dans les universités que dans les milieux non universitaires.
Selon vous, quelle est l'origine du phénomène, et est‑ce que c'est une bonne ou une mauvaise chose? Est‑ce que ces personnes choisissent d'elles-mêmes d'aller à l'université, ou est‑ce que les milieux universitaires les amènent à changer de point de vue?
Je ne peux pas vous dire grand-chose là‑dessus, parce que je ne parle pas de politique au travail. Je suis une mordue de science, comme la plupart de mes collègues. Nous nous concentrons sur la science, et je ne vois pas vraiment comment mes opinions politiques auraient des répercussions.
Je dois dire que, en tant que femme noire, je veux que tout le monde se sente à l'aise au travail. Toutefois, je ne veux pas que mes droits humains soient bafoués. Il doit y avoir un équilibre, et je crois que les Canadiens le respectent très bien. Nous avons des règlements sur les discours haineux, mais nous offrons aussi beaucoup de flexibilité. À l'université où je travaille, ils discutent actuellement de la manière d'avoir des discussions civilisées sur des questions difficiles. En dehors de la politique, les divergences d'opinions sont nombreuses sur presque tous les sujets. Les gens se battent bec et ongles pour une petite partie d'une théorie scientifique.
Je ne vois pas la même chose que mes collègues ont mentionnée. Je ne sais pas si c'est parce que les gens n'en parlent pas quand je suis là, mais je serais bien heureuse d'en discuter. Mon autre travail, dans la vie, est de faire la promotion des pratiques inclusives dans les milieux universitaires. Nous rejoignons les gens là où ils en sont et nous voulons qu'ils collaborent avec nous avec enthousiasme.
Je crois que, généralement, lorsque nous discutons avec les étudiants et les futurs diplômés du Canada, ils soulignent que, selon le Comité de coordination de la recherche au Canada lui-même, la recherche montre systématiquement qu'une main-d'œuvre diversifiée dans le domaine de la recherche est essentielle pour favoriser l'excellence et l'innovation dans le pays.
Par exemple, dans le domaine biomédical, si nous cherchons un vaccin contre une maladie infectieuse, il faut savoir que les effets sur les personnes d'une couleur sont différents des effets sur des personnes d'une autre couleur.
N'avez-vous pas une opinion sur ce qu'il a dit? Croyez-vous qu'il est dans le champ ou qu'il a raison, ou voulez-vous simplement ne pas vous prononcer?
Encore une fois, je reconnais qu'il y a des défis à relever dans tout ce qui est nouveau. Je crois que l'un des défis est que les gens ne réfléchissent pas suffisamment à ce qui leur est demandé et c'est de là que naissent les mots à la mode. Il y a également des gens qui, comme dans tous les systèmes, profitent du fait qu'il y a soudainement de nouvelles informations à comprendre, mais ils ne les comprennent pas toujours.
Lorsque j'entends, par exemple, que la formation sur l'EDI ne fonctionne pas... Je ne crois pas que la formation fonctionne, en général, mais je crois que la plupart des gens aiment apprendre quelque chose de nouveau lorsque c'est pertinent. Les résultats dépendent de la qualité de la formation. Certains universitaires n'apprennent pas grand-chose. Cela ne veut pas dire que les universités sont inutiles. Elles fonctionnent pour certains. Elles ne fonctionnent pas pour d'autres.
Oh là là! Le service des RH va être déçu d'apprendre que la formation ne fonctionne pas, mais nous n'allons pas lui dire.
Des voix: Ha, ha!
M. Ben Lobb: J'ai une autre question. Vous pouvez choisir d'y répondre ou pas, à votre guise.
Nous parlons de l'impact des critères, et donc, je vais vous donner un exemple très connu. Je suis certain que vous en avez entendu parler. Cela s'est passé à l'Université de Waterloo. C'était une subvention du CRSNG pour l'informatique. Nous parlons bien d'informatique: « Poste 1, tous les domaines de l'intelligence artificielle. L'offre s'adresse seulement aux personnes qualifiées qui s'identifient comme femmes, personnes trans, non binaires, bispirituelles ou de genre fluide. »
Ce n'est pas ce que je dis. C'est juste qu'il y a des moyens... Nous avons peut-être besoin de programmes pour permettre à ce genre de personnes d'avoir une place à la table. Je ne dis pas que nous devons exclure des gens. L'objectif est plutôt d'inclure plus équitablement les gens et de reconnaître que la majorité des récipiendaires de subventions et de financement du gouvernement sont des hommes, et non pas des femmes.
Madame Andrade, avez-vous quelque chose à ajouter? Vous n'êtes pas obligée de répondre. Je me demandais simplement si vous aimeriez vous prononcer sur la question.
J'aimerais dire quelque chose. J'ai deux ou trois choses à dire.
Premièrement, il est très important d'atteindre la parité parmi les gens qui travaillent en particulier dans le domaine de l'IA. Nous savons que les gens qui créent ces systèmes représentent une très petite part de la société et introduisent leurs préjugés. Je peux comprendre que c'est nécessaire dans ce domaine.
Deuxièmement, simplement pour renforcer ce qu'a dit ma collègue, les données donnent à penser que des gens sont éliminés dès le début. Un vice-doyen de l'Université de la Colombie-Britannique a mené une recherche particulièrement pertinente sur le sujet. Il a montré que, lorsque l'on compare le bassin de candidats et les candidats inscrits sur la courte liste, ou encore les candidats invités à passer une entrevue et embauchés, on constate que les personnes racisées ne sont pas prises en compte, mais que, lorsqu'elles sont invitées à une entrevue, elles sont embauchées.
Je me souviens que, dans le cadre d'une étude précédente, un professeur de recherche nous avait parlé des professeurs responsables de l'embauche. Est-ce les professeurs qui sont chargés de l'embauche?
Beaucoup de Canadiens pensent que les universitaires sont très intelligents et très informés, mais en réalité, il y aurait un groupe d'hommes blancs racistes qui s'occupent de l'embauche? D'après nos témoins, on dirait qu'il y a énormément d'hommes blancs racistes qui travaillent dans les universités et que les universités ne les congédient pas. Que se passe‑t‑il dans nos universités? Devons-nous cesser de les financer? Que se passe‑t‑il?
Vous savez ce que je vais répondre, mais laissez-moi vous dire une chose: ce n'est pas une question de « eux » et « nous », croyez‑le ou non. Une des raisons pour lesquelles j'ai commencé à faire ce travail... Pendant des années, j'ai vécu des choses en tant que femme noire sans savoir que c'était parce que j'étais une femme noire. Quand j'ai épousé un homme blanc, ils ont dit « Quoi? » C'est alors que j'ai réalisé que c'était lié à mon identité.
J'ai participé à toutes les séances où il était question d'incidents qui étaient arrivés à des gens racisés, et c'était toujours des choses que les gens avaient vécues. En tant que scientifique, cela ne m'a pas convaincue. Ce qui m'a convaincue, c'est la littérature. La littérature montre, de manière expérimentale, que, si vous pensez que quelqu'un est une femme noire, vous jugez quelque chose d'identique très différemment.
J'ai le même problème. J'ai effectué un test d'association implicite, qui évalue si vous associez certaines choses à certains groupes racisés. J'ai une tendance allant de faible à modérée à associer des choses positives aux Blancs et des choses négatives aux Noirs. J'ai grandi dans une banlieue de Vancouver. Les seuls enfants noirs que je connaissais, c'était les membres de ma famille.
Ce sont les médias. Ce ne sont pas des gens diaboliques qui se tournent les moustaches dans les buissons. Ce ne sont pas seulement les hommes blancs. C'est tout le monde. C'est la société. C'est pour cette raison que nous devons reconnaître ouvertement que ces choses existent, que ces choses arrivent et que nous pouvons mettre en œuvre des processus pour nous assurer que cela n'influence pas nos décisions.
Madame Andrade, permettez-moi de me faire l'écho de toutes les félicitations que vous avez reçues pour votre prix.
Avez-vous toutes deux écouté les témoignages, récemment? D'accord, donc vous connaissez un peu les diverses opinions présentées en ce qui concerne ce qui semble malheureusement creuser un fossé entre la droite et la gauche.
J'aimerais revenir aux sciences sociales. J'ai de l'expérience dans le... Je ne suis pas chercheur, mais j'ai travaillé dans une université et dans un collège communautaire. Je crois vraiment que nous devons investir davantage dans la recherche appliquée pour l'industrie. Pouvons-nous parler un peu des sciences sociales? Certains témoins et certains membres de notre comité ont vraiment remis en question l'importance des sciences sociales. J'aimerais que vous m'expliquiez toutes deux pourquoi les sciences sociales sont importantes.
Par exemple, si vous regardez une liste d'études... Mes collègues de l'autre côté l'ont fait. Ils ont parlé du travail non payé à Bogotá, ou de quelque chose en lien avec Dolly Parton et ont expliqué que cela concerne le Canada si c'est financé par le gouvernement fédéral. Toutefois, sans blague, je me demandais si vous pouviez parler de l'importance des sciences sociales. En particulier, il a été mentionné que 81 % des gens qui avaient un doctorat ne travaillaient pas dans les universités.
Madame Andrade, à vous d'abord, puis ensuite ce sera à Mme Joomun.
Bien sûr, je suis peut-être l'une des rares scientifiques en sciences naturelles qui... Je lis de la littérature sur les sciences sociales depuis 2013, quand j'ai commencé à réaliser ce qui se produisait.
Les sciences sociales sont essentielles dans tout ce que nous faisons. Ce sont les recherches interdisciplinaires qui font avancer les choses. Les scientifiques peuvent construire ou créer des choses. Est‑ce que le public va s'en servir? Nous ne le savons pas, sauf si des scientifiques spécialisés en sciences sociales travaillent dans notre équipe. Comment pouvons-nous convaincre les gens qui font partie d'une communauté sous-représentée que nous avons besoin d'inclure leurs gènes dans une base de données génomiques qui permet de faire de la médecine personnalisée? Nous avons besoin de spécialistes en sciences sociales qui peuvent nous raconter l'histoire et ce qui s'est passé dans cette communauté, et comment nous pouvons vraiment la convaincre de nous faire confiance.
Je pense que les sciences sociales sont de la plus haute importance pour tous les gros problèmes que nous tentons de régler présentement. Nous devons effectivement travailler dans tous les domaines à la fois. La recherche interdisciplinaire est essentielle. Je suis d'accord avec mes collègues qui ont parlé de cela plus tôt.
Je me ferais l'écho de ce qu'a dit Mme Andrade. Pour ce qui est de la multidisciplinarité et de l'interdisciplinarité, il faut que tout le monde participe. Vous avez besoin non seulement du scientifique qui fabrique des choses dans son laboratoire, mais aussi des gens qui peuvent vendre ces choses aux Canadiens.
Encore une fois, si vous prenez par exemple les doctorants, peu importe leur discipline, ils gagnent en moyenne 95 000 $. Par conséquent, ils contribuent, et ils finissent par entrer sur le marché du travail, comme leurs pairs qui ne sont pas dans le domaine de sciences sociales. Encore une fois, c'est une question d'approche holistique et d'interdisciplinarité. Il faut plus qu'une personne quand on fait de la recherche. Ce n'est pas seulement la personne dans le laboratoire; c'est aussi les gens à l'extérieur qui tissent des liens avec la collectivité.
Encore une fois, nous avons entendu, au cours des derniers jours, des témoignages diversifiés. Je ne suis pas d'accord avec certains d'entre eux, mais je pense que, d'une certaine façon, jusqu'à un certain point, il est important que toutes ces voix soient entendues. Cela m'a fait penser, ces dernières soirées, au moment où j'ai obtenu ma maîtrise de l'Université de Calgary et où j'ai déposé mon mémoire de fin d'études. Les chargés de cours et les professeurs de l'Université de Calgary avaient bien sûr leurs propres opinions politiques. Nous étions peut-être 30 étudiants dans le programme. J'étais le seul Canadien de l'Atlantique. Toutefois, ils n'ont jamais, au grand jamais laissé cela transparaître dans les recherches que je faisais avec eux pour mon rapport. Je crois que l'on a des leçons à tirer de cela, je l'espère.
Excusez-moi. Des gens là‑bas parlent; ils aimeraient peut-être tenir leur petite conversation ailleurs.
On a récemment entendu un commentaire — il y a deux ou trois jours, si je ne me trompe pas — d'une personne qui, essentiellement, dénigrait la recherche autochtone par rapport à la science occidentale. Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de cela dans les deux ou trois secondes qu'il reste?
Nous allons commencer par Mme Andrade, puis ce sera au tour de Mme Joomun. Il ne nous reste que très peu de temps.
Je vais admettre que j'ai beaucoup de choses à apprendre de ce côté‑là. Les gens qui sont liés à la terre ont une longue histoire. Je suis biologiste spécialisée en écologie et en évolution. Le genre d'histoires orales qui sont transmises de génération en génération au sujet des changements qui touchent l'écologie et les organismes, par exemple, comme les ours, ou les aigles, si on regarde combien d'œufs ils pondent pour savoir quel genre d'année ce sera... Ce sont des données importantes. Il est important de comprendre ce genre de lien avec la terre. Personnellement, je n'ai pas encore commencé à explorer tout ça, mais j'ai hâte d'en apprendre plus.
Madame Joomun, dans le contexte de notre dernière étude sur la répartition du financement fédéral entre les établissements d'enseignement postsecondaire du Canada, qui a été déposée à la Chambre aujourd'hui et que je vous invite toutes et tous à lire, nous avons pu constater que, depuis 20 ans, le financement des établissements francophones était insuffisant par rapport au poids de leur corps professoral.
Dans vos revendications, vous soulignez l'importance d'éliminer les obstacles économiques relatifs à l'accès à l'éducation supérieure, plus particulièrement pour soutenir la recherche.
Comment les chercheurs et les étudiants francophones, notamment ceux issus de régions moins favorisées, pourraient-ils profiter d'une révision des critères de financement, critères qui tendent actuellement à favoriser les grandes universités urbaines anglophones?
Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne le manque de financement des institutions de langue française ou des institutions francophones. C'est pourquoi nous avons conclu un partenariat avec l'Union étudiante du Québec. La plupart de nos institutions francophones ont tendance à se retrouver à proximité du Québec, même s'il y en a plusieurs dans tout le pays aussi. Je sais que nos partenaires font actuellement campagne pour voir si le gouvernement provincial pouvait verser un financement équivalent et les soutenir, parce que, à l'heure actuelle, nous avons du rattrapage à faire quant aux investissements des 20 dernières années.
C'est aussi une question de savoir comment la province peut appuyer tout cela et aussi d'établir des critères à l'échelle fédérale qui garantiront que les étudiants francophones qualifiés qui méritent d'obtenir ce financement fédéral l'obtiennent.
Auriez-vous d'autres recommandations à faire concernant l'iniquité déplorable, voire inacceptable, qui, en matière de financement, touche depuis 20 ans les établissements francophones?
Je vais seulement revenir à Mme Andrade et aux critères dont on se sert pour financer la recherche, en particulier les critères traditionnels liés aux répercussions et aux résultats, qui ont déchaîné cette passion pour les scientifiques.
Je pense que vous avez parlé brièvement de la DORA, la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche. Il semblerait que les trois conseils l'ont signée. Compte tenu de votre expérience au sein du CRSNG, savez-vous comment on s'en sert et si cela change quelque chose? Que pouvons-nous faire de plus pour reprendre le contrôle et avoir de meilleurs critères?
Je pense que nous devons encourager plus d'universités à signer officiellement la DORA. Honnêtement, une des premières choses que j'ai faites en tant que vice-doyenne a été de rédiger des directives pour évaluer l'excellence dans l'enseignement, ce qui est différent de la recherche. Toutefois, l'idée est la même. Comment évaluez-vous l'excellence? Pour ce faire, nous avons inclus le plus de flexibilité possible. Vous montez votre dossier en fonction de ce que vous pensez pouvoir accomplir.
Nous devons nous rapprocher le plus possible de cet objectif dans la recherche en général. Je crois que le fait que les trois conseils ont adopté le CV narratif est un pas essentiel dans la bonne direction. Il y aura beaucoup de grincements de dents à l'idée que vous devez présenter votre travail le plus important et expliquer pourquoi il est important. Vos collègues devront en fait se pencher sur votre travail et essayer de le comprendre. C'est vraiment ce qu'il faut faire dans toutes les évaluations que nous effectuons.
À mesure que nous embaucherons davantage de chercheurs pour faire du travail dans les collectivités et que nous tenterons de changer les choses de façon positive, surtout dans les collectivités rurales, il sera important aussi de dire que les répercussions pourraient prendre du temps à se faire sentir. Il faut expliquer ce que l'on fait et en quoi cela aura une incidence dans l'avenir. On ne peut pas mesurer ça en fonction du nombre de publications, mais c'est primordial.
Y a‑t‑il un problème à l'heure actuelle avec la quantité d'articles et la capacité à trouver des gens qualifiés pour les examiner? Il semble que les chercheurs passent plus de temps à examiner des articles et à rédiger des demandes de subventions qu'à faire de la science à proprement parler.
C'est un gros problème. Nous le voyons en ce qui concerne les prix Killam et les bourses Dorothy Killam. Le personnel du Conseil national de recherches du Canada gère ce programme. Des milliers et des milliers de demandes sont soumises. Le tiers de ces demandes, au mieux, obtient une réponse favorable. C'est beaucoup d'efforts.
Une des raisons pour lesquelles je pense que la proportion des articles perturbateurs qui ont des effets importants diminue, c'est que, jadis, si on avait quelque chose qui allait avoir de l'effet, on l'envoyait à Nature ou à Science. Il y avait deux revues. Aujourd'hui, il y en a beaucoup trop. Elles ne cessent de se multiplier. Ça ne veut plus rien dire si on a un article dans Nature ou dans Science, parce que vous pouvez aller sur les médias sociaux et parler de l'excellent article qui a paru dans le Journal of Immunology et avoir autant d'effet.
C'est une tout autre façon de penser, mais il faut s'adapter au monde d'aujourd'hui.
J'aimerais remercier nos deux témoins d'aujourd'hui. C'était magnifique.
Madame Joomun, je crois que vous allez soumettre autre chose pour M. Blanchette-Joncas.
Madame Andrade, j'aurais vraiment aimé que vous soyez ici en personne. J'ai été heureuse de vous revoir. Je sais que ce soir‑là, au Centre Shaw, tout le monde était très ravi que vous ayez gagné le prix. C'est tout à fait mérité.
Merci à vous deux de vous être jointes à nous aujourd'hui et d'avoir participé à l'étude de notre comité. Si vous avez d'autres informations à présenter, vous pouvez les transmettre au greffier.
Le comité doit se réunir de nouveau mardi prochain, le 10 décembre.