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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 115 e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous une forme hybride. Tous les témoins et les participants ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion. Nos deux témoins aujourd'hui se joignent à nous virtuellement, tout comme plusieurs membres du Comité.
J'aimerais rappeler à tous les membres les points suivants. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés par l'entremise de la présidence. Mesdames et messieurs, veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole, que vous participiez en personne ou par Zoom. Le greffier et moi ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions.
Pour les personnes qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l'interprétation pour les personnes sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français.
Merci à vous tous de votre coopération.
Conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 31 octobre 2024, le Comité reprend son étude de l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada.
Il s'agit essentiellement d'une reprise ou d'une continuation de la réunion que nous avons tenté de tenir mardi et qui a dû être annulée en raison de difficultés techniques avec notre son. Je suis très heureuse que deux de nos témoins aient pu revenir.
Nous allons reprendre du début pour assurer la continuité. Beaucoup de nouveaux membres du Comité sont présents aujourd'hui. Étant donné qu'ils n'avaient entendu aucune des discussions sur cette question, je pense que c'est une bonne idée de repartir à zéro.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir, à titre personnel, M. Philip Kitcher, professeur émérite de philosophie John Dewey, et M. John Robson, directeur exécutif du Climate Discussion Nexus. Tous deux se joignent à nous par vidéoconférence.
Nous accorderons cinq minutes pour les déclarations liminaires, après quoi nous procéderons à des séries de questions.
Monsieur Kitcher, je vous invite à faire une déclaration liminaire d'un maximum de cinq minutes.
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Je vous suis très reconnaissant de m'avoir invité à m'adresser à vous. Après la réunion partielle de mardi, j'estime maintenant beaucoup mieux comprendre les enjeux qui vous préoccupent.
Il y a 30 ans, j'ai été invité par la Bibliothèque du Congrès des États-Unis à rédiger un rapport sur la promesse et les problèmes potentiels qui découleraient du projet du génome humain. Cela m'a amené à écrire un livre dans lequel j'explorais certaines des implications éthiques, juridiques et sociales de ce projet.
Au cours des décennies qui ont suivi, j'ai tenté, dans une grande partie de mes recherches, d'expliquer l'influence que la recherche scientifique devrait exercer sur les politiques d'une société démocratique.
La première chose que je voudrais dire aujourd'hui est que le financement public de la recherche scientifique est essentiel à une utilisation saine de la technologie scientifique. Les pays qui ne peuvent pas financer leurs propres recherches dépendent des efforts déployés ailleurs. Souvent, ils se trouvent dans l'incapacité d'acquérir des solutions à leurs propres problèmes. Pour citer un exemple notoire, les enfants africains ont souffert pendant longtemps de la cécité des rivières parce que leurs pays ne pouvaient pas fabriquer ou acheter les médicaments nécessaires. Les entreprises étrangères qui ont conçu ces médicaments ont trouvé plus rentable de fabriquer des cosmétiques pour les membres riches de leur société.
L'abandon du financement public a deux conséquences évidentes et désastreuses. La première est l'émigration des chercheurs canadiens les plus accomplis. La deuxième est la privatisation de la recherche, avec le résultat prévisible que la recherche effectuée sera adaptée aux besoins des riches. C'est généralement là que se trouvent les profits.
J'ajouterai quelque chose au texte que j'ai envoyé, à savoir que je ne pense pas qu'il soit judicieux que seules des sociétés et entreprises privées participent au développement de l'intelligence artificielle.
Dans une société démocratique, la recherche devrait tenter de répondre aux besoins les plus urgents de la population, de tous les citoyens. La plupart des pays comptent des groupes dont les besoins ont été ignorés par le passé. S'il semble, une fois que c'est reconnu, qu'on accorde trop d'importance à un groupe qui a déjà été négligé, il faudra peut-être créer un nouvel équilibre, mais la décision initiale de répondre aux besoins de ce groupe était un choix éthique approprié. Elle ne devrait pas être considérée comme une décision idéologique.
Les chercheurs ne devraient pas quitter la sphère de la recherche publique dans un accès de dépit. Ils devraient plutôt travailler avec ceux qui élaborent les politiques de financement, en expliquant les corrections qu'ils envisagent d'apporter. Les chercheurs et les représentants du public doivent nouer un dialogue sur les besoins les plus urgents de l'ensemble de la population. Il est complexe de trouver un juste équilibre entre les points de vue des chercheurs et les espoirs de ceux qui éprouvent actuellement des difficultés. Cela exige un processus d'enquête éthique minutieux.
Au cours des 30 dernières années, j'ai déployé beaucoup d'efforts pour tenter de mettre au point un modèle qui expliquerait la marche à suivre pour cette enquête, et je serai ravi d'en dire plus à ce sujet aujourd'hui, car je pense qu'il s'agit là d'un problème réel, grave et difficile à régler.
Merci.
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Eh bien, ce ne serait pas difficile, mais je vous remercie infiniment de m'avoir invité ou, plutôt, de m'avoir invité à nouveau pour présenter un point de vue qui est peut-être différent de celui du témoin précédent.
Vous êtes réunis ici pour réfléchir à l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada. Quant à moi, je suis ici pour vous exhorter à vous débarrasser de ces critères, au lieu de les peaufiner, ainsi qu'à cesser complètement d'attribuer du financement.
Je dis cela pour deux raisons.
La première, c'est que vous, en tant que députés, êtes le lien essentiel entre les citoyens et l'ensemble du processus politique. Dans l'énorme appareil gouvernemental, vous êtes les seules personnes que nous choisissons, et vous avez des fonctions de base dont vous devez vous occuper et qui, à l'heure actuelle — sans vouloir être impoli — sont très mal remplies. Vous devez examiner les comptes publics, pas les éprouvettes.
La deuxième — et ceux d'entre vous qui étaient ici lors de ma première comparution le savent — est liée au fait que je viens d'une famille d'universitaires. Mes deux parents sont professeurs, ainsi que mon oncle et deux de mes cousins. Mon grand-père n'était pas seulement professeur; il était un expert de l'évolution du Parlement. En fait, la citation que j'ai publiée en ligne aujourd'hui vient de lui.
Nos universités sont aujourd'hui dans un état lamentable, et l'une des principales raisons est qu'elles sont devenues des créatures de l'État. Bien sûr, certains d'entre vous soutiendront peut-être que, en vertu de la Constitution, l'éducation relève de la compétence des provinces, et vous auriez raison. Néanmoins, le gouvernement fédéral semble dépenser quelque chose comme 15 milliards de dollars par année pour l'éducation postsecondaire, mais je ne pense pas que cela serve à grand‑chose.
Plus précisément, lorsque je parle de vos fonctions de base, la première que je veux mentionner est celle relative aux finances nationales. La solvabilité est essentielle, mais nous sommes aux prises avec d'énormes déficits. Nous venons d'obtenir cet étrange congé de taxe de Noël qui va apparemment permettre à chacun d'entre nous d'économiser 4,51 $ et coûter des millions de dollars aux entreprises pour l'administrer. Je vous exhorte à mettre de côté les codes génétiques et à vous pencher plutôt sur le code des impôts.
Une responsabilité encore plus grande est la défense du territoire. Je m'appuie ici sur des reportages très récents. Le Canada n'a aucun moyen de se défendre dans l'Arctique. Nous n'y avons pas d'atouts dignes de ce nom. En fait, nous sommes généralement sans défense dans un monde de plus en plus dangereux.
Je vous répète d'oublier l'antimatière, et de penser plutôt à nous procurer des munitions et à trouver des gens capables de les utiliser.
L'infrastructure est une autre responsabilité fédérale essentielle. Un reportage a révélé que VIA Rail reçoit des subventions de plus de 1 000 $ par passager, mais qu'elle n'arrive pas à faire rouler les trains à l'heure. Puis, une ministre a enfin promis de déclarer que l'accès à l'eau potable pour les Premières Nations est un droit de la personne, ainsi que d'accorder un financement durable à long terme pour les générations à venir. En réalité, nous n'avons que des avis de faire bouillir l'eau pour des générations. Je dis qu'il faut oublier l'eau lourde et résoudre plutôt les problèmes avec l'eau du robinet.
Ensuite, il y a la Cour fédérale qui devra peut-être réduire le nombre d'audiences à cause d'un énorme manque à gagner. Rien n'est plus fondamental pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement que la justice — sauf la défense —, mais la justice s'effondre également dans ce pays. Vous pourriez attendre près d'un an simplement pour obtenir une audience sur une contravention. Je vous assure que c'est vrai. Cela se produit même si les dépenses fédérales sont passées de moins de 300 milliards de dollars il y a 10 ans à plus d'un demi-billion aujourd'hui, que la dette nationale dépasse le billion de dollars et que la fonction publique fédérale a augmenté de 40 %, ce qui est déconcertant.
En tant que députés, vous devez faire cesser ce genre de choses, et je ne parle même pas de l'invention d'un robot conversationnel canadien bilingue. Je crois qu'il est un peu paradoxal que l'on ait dû interrompre la dernière séance parce que nous n'avons pas pu gérer l'interprétation. Y a‑t‑il quelque chose que le gouvernement fédéral devrait faire à ce sujet pour que cela ne se reproduise plus?
J'aimerais en dire plus sur les universités, mais le temps me manque. Bruce Pardy et Heather Exner-Pirot en ont tous deux parlé. Je veux revenir sur l'argument selon lequel il faudrait laisser les provinces s'occuper par elles-mêmes de l'éducation. C'est déjà assez grave que ce soit elles qui soient aux commandes.
Si vous supprimez la dépense — je parle de ces 15 milliards de dollars, pour terminer sur une note un peu plus joyeuse —, prenez environ 1 milliard de dollars et achetez du personnel. J'ai travaillé au Capitole il y a près de 30 ans et j'ai découvert que le comité du budget de la Chambre des représentants du Congrès américain comptait à lui seul environ 100 employés. Les représentants en ont près de 20 chacun. Les sénateurs en ont des dizaines; beaucoup d'entre eux font du travail administratif ou du travail dans leur district, mais ils ont 5 ou 10 responsables des politiques à temps plein pour les tenir au courant de ce qui se passe.
Ici, on parle de cinq employés au total. Je vais vous dire une chose: le Cabinet, les chefs de parti et la bureaucratie ne veulent pas que vous, les députés, soyez au fait des dossiers, car cela vous rend moins dociles. Ils veulent vous distraire, et la question d'aujourd'hui est une distraction. Pourquoi courez-vous après des rayons laser? Vous n'êtes pas des chats.
Les citoyens ont besoin de législateurs qui se concentrent sur les principes fondamentaux, et non sur la fusion froide, car, à l'heure actuelle, en ce qui concerne les principales responsabilités...
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Pour commencer, nous allons parler un peu du monde universitaire et de la situation actuelle aux États‑Unis, puis au Canada. Il serait intéressant d'entendre le point de vue de nos témoins à ce sujet.
Certains des coûts connexes des universités comprennent des dépenses liées aux programmes de diversité, d'équité et d'inclusion, ou DEI. Nous constatons que les universités américaines, comme l'Université du Michigan, ont dépensé plus d'un quart de milliard de dollars au cours des dernières années. Elles ont consacré 56 % de ce montant aux salaires.
Cela m'a fait réfléchir. Quel est le coût de ce projet au Canada? L'un ou l'autre des deux témoins souhaite‑t‑il tenter de le chiffrer?
Non.
Il s'élèverait probablement à des millions, voire à des milliards de dollars, et ce, alors que toutes les universités et tous les groupes qui viennent ici pour représenter des étudiants, des professeurs ou des chercheurs demandent plus d'argent.
Les contribuables ont versé de l'argent à Ottawa pour financer des études — je vais ouvrir la discussion si l'un d'entre vous a des commentaires à faire — comme celle de l'Université de Waterloo, intitulée « From Furries to Sport Fans », à hauteur de 37 524 $. Il s'agit d'une étude réalisée à l'Université de Waterloo.
Avez-vous des commentaires à faire sur ces dépenses?
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Oui. Si je puis me permettre, il ne s'agit pas seulement du coût direct, aussi important soit‑il, puisque les universités, en tant que créatures de l'État, sont extrêmement bureaucratiques de nos jours; il s'agit aussi des répercussions sur l'éducation et le moral.
Dans nos universités, les conférenciers pro-israéliens sont chassés par des voyous, alors que des personnes sont invitées à débiter des messages antisémites. Un salon réservé aux non-Blancs vient d'ouvrir quelque part. Non seulement les initiatives de ce genre ont un coût financier, mais elles sont aussi extrêmement démoralisantes.
Il y a autre chose. Le rapport Bouchard aborde la question de la DEI et dit que nous devons avoir telle ou telle perspective, et ainsi de suite. Jonathan Kay a déjà dit: « D'accord, qui veut monter dans la première fusée alimentée par la tradition orale? » Cela oblige les gens à faire des affirmations sur la nature du savoir qu'ils savent être fausses. C'est extrêmement délétère. Cela ne se produirait pas dans les universités privées. La privatisation des universités ne vise pas à détruire l'enseignement supérieur, mais à le revigorer.
Je pense qu'il est extrêmement facile de choisir un programme qui semble incroyablement excentrique et de s'y attaquer. Il est très facile de cibler quelque chose, comme l'a fait le sénateur Proxmire pendant de nombreuses années aux États‑Unis, qui semble mériter le prix de la Toison d'or, comme il l'appelait.
Pour être honnête, vous devriez examiner les statistiques dans leur ensemble. Vous devriez examiner le bilan des programmes de recherche dans diverses universités. Vous devriez chercher à savoir lesquels d'entre eux semblent avoir conduit à des choses rentables et utiles — pas nécessairement financièrement possibles, mais humainement possibles — qui ont produit des résultats qui ont amélioré la vie des gens.
C'est le type de base statistique dont vous avez besoin. Il ne faut pas agiter la main en direction d'une phrase accrocheuse qui vous vient à l'esprit et penser qu'elle est nécessairement représentative de l'ensemble.
En ce qui concerne la DEI...
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Voici ma propre histoire.
J'ai enseigné dans quatre grandes universités nord-américaines. J'ai également travaillé pour deux des principaux groupes de réflexion du Canada. Lorsque j'ai enseigné à l'Université de Calgary et que je suis allé voir le président à la fin de ma première année, j'ai dit, entre autres: « J'aimerais bien rester. C'est formidable. Je pense que les étudiants m'apprécient. J'ai reçu de bonnes critiques. » Il m'a répondu: « Oh, nous ne vous aurions pas engagé si nous avions su que vous étiez conservateur. » J'ai dit que cela me semblait un peu étrange et il m'a répondu: « Oh, non. C'est juste que nous n'aimons pas l'idéologie. » J'ai dit: « Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, nous sommes assis dans votre bureau sous un drapeau de six pieds en soie rouge de Che Guevara. » Il m'a répondu: « Ce n'est qu'une décoration. »
À la fin, un étudiant m'a aussi dit: « Je suis à ma dernière année d'études en histoire et, en quatre ans, vous êtes le premier professeur que j'ai entendu critiquer l'Union soviétique. » C'était à Calgary. C'était il y a 30 ans.
Ce n'est pas un environnement sain. Ce n'est pas un endroit où les étudiants sont exposés à divers points de vue et où ils sont mis au défi.
La situation est pire dans le domaine des sciences humaines que dans celui des sciences, mais elle s'y étend également. Ce n'est pas...
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Il y a des exemples dans tous les secteurs de l'industrie pharmaceutique. Il suffit de jeter un coup d'œil très général aux types de médicaments qui sont fabriqués, aux types de médicaments qui sont commercialisés et à la manière dont, par exemple, les entreprises ont fait la promotion des médicaments qui créent une dépendance. Je pense notamment à la famille Sackler.
Il y a énormément de médicaments qui ne sont pas produits en dépit de leur utilité, car ils s'avèrent non rentables. C'est une histoire terriblement triste.
Au début du XXIe siècle, j'ai coécrit une étude avec un jeune étudiant de la Colombie, dans laquelle nous avons examiné de près les façons dont les grandes sociétés pharmaceutiques répondaient aux besoins des populations du monde entier. La situation s'est nettement améliorée au cours des années qui ont suivi, mais il y a encore beaucoup de choses qui ne vont pas.
La privatisation est motivée par la recherche du profit et les gens qui ne peuvent pas payer n'ont généralement pas accès aux médicaments dont ils ont besoin, même lorsque ces médicaments ont déjà été fabriqués.
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Je pense que la liberté universitaire est en très mauvais état de nos jours. L'atmosphère sur le campus est telle que si vous prenez la parole en classe pour dire que vous êtes en faveur des marchés libres, que vous êtes favorable à Israël ou que vous pensez qu'il pourrait y avoir des arguments à l'appui du rôle de l'Amérique dans le monde, vous risquez vraiment d'être chassé du campus, parfois même littéralement.
Si vous demandez une subvention, vous devez bien sûr dire qu'elle contribuera à la lutte contre les changements climatiques et à la DEI. Tous ces éléments sont obligatoires de nos jours. Comme je l'ai dit, je pense que c'est tout simplement très néfaste.
Lorsque j'ai fait des études collégiales il y a de nombreuses années, mon père m'a dit: « N'étudie pas l'anglais. La profession a perdu la tête. » En passant, je dois préciser que les parents de mon père n'ont jamais possédé de voiture. Mon grand-père, qui s'est fait une bonne vie, était l'enfant pauvre qui recevait des bourses d'études. Je peux aussi jouer la carte de la pauvreté, si cela peut contribuer à ma crédibilité ici.
Le point critique est que, comme l'a dit John Stuart Mill, l'État doit exiger que les enfants reçoivent une éducation et faire en sorte qu'ils aient les moyens de la payer, mais une éducation dispensée par l'État est un moyen de rendre les gens conformes. C'est ce que font aujourd'hui les universités. C'est celui qui paie les violons qui choisit la musique. Je tiens à ajouter que je pense que c'est une vision très appauvrie que celle de croire que, si elles sont privatisées, tout ce qu'elles feront sera de se vendre au plus offrant. Ce qu'elles feront, c'est recueillir beaucoup de fonds à titre philanthropique auprès des personnes généreuses qui vivent dans notre pays riche, en fonction de leur dévouement à la recherche.
Vous voyez ce qui se passe dans l'industrie pharmaceutique. Qu'ont fait nos subventions généreuses à ce sujet? L'Union soviétique s'est contentée de mener des recherches dans le secteur public pendant 70 ans et n'a pas inventé un seul médicament utile.
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Je vous remercie tous les deux d'être avec nous aujourd'hui, surtout étant donné la frustration que nous avons vécue lors de notre dernière réunion.
J'aimerais commencer par M. Kitcher.
Lorsque j'ai entendu dire que vous alliez venir, je suis allé en ligne et j'ai regardé avec beaucoup d'intérêt votre conférence du McFarland Center. J'aurais aimé avoir plus de temps pour entrer dans les détails de la relation entre la science et la société.
Je ne sais pas si vous le savez, mais ici, au Canada, le gouvernement essaie de mettre sur pied un organisme-cadre qui chapeauterait nos trois principaux organismes de financement de la recherche actuels. Un organisme se consacre aux sciences naturelles et au génie, un autre aux sciences sociales et un dernier à la santé. Le gouvernement aimerait avoir en plus ce qu'il appelle un organisme-cadre. Une partie du raisonnement repose sur l'idée de faciliter l'élaboration et le financement de projets scientifiques axé sur une mission.
Je pense que vous avez parlé de la nécessité d'avoir des données scientifiques axées sur une mission pour aider le grand public à répondre aux besoins urgents. Ma question au gouvernement à ce sujet est la suivante: qui choisira les missions que nous entreprendrons?
Pourriez-vous nous dire ce que vous feriez si vous étiez en train de mettre sur pied un tel organisme?
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La première chose que je veux dire, c'est « Hourrah », parce que les universités sont là pour former et éduquer les gens et élargir leurs perspectives.
J'ai enseigné dans trois universités publiques aux États‑Unis et, enfin, au Collège Columbia, qui est, bien sûr, une université privée. Je n'ai pas enseigné dans une université où j'ai eu l'impression que les étudiants étaient endoctrinés.
J'ai l'impression que dans toutes les universités où je suis entré, de nombreux points de vue différents étaient offerts aux étudiants. C'est particulièrement évident au Collège Columbia, où les étudiants doivent suivre un cours qui couvre un large éventail de voix provenant non seulement de la tradition occidentale, mais aussi d'autres traditions. Dans la tradition occidentale, les voix comprennent les conservateurs et les libéraux, et les gens qui sont radicaux aux deux extrémités du spectre, et je pense que c'est merveilleux d'offrir aux étudiants ce vaste et riche menu d'options pour leur réflexion.
Je n'ai pas vu ce que M. Robson a vu. Je pense que si j'avais vu cela souvent, je serais peut-être aussi sceptique que lui au sujet de l'endoctrinement, mais je pense que ce n'est pas un fait.
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Merci, monsieur Tochor. J'aimerais tout d'abord m'adresser à M. Robson.
Je souscris à certaines de vos observations, ayant moi-même été à l'université récemment, comparativement à bon nombre de mes collègues ici présents.
Comme l'a dit M. Kitcher, il y a beaucoup d'endoctrinement dans les universités. En fait, j'étais presque terrifié à l'idée d'exprimer mes points de vue conservateurs en classe, jusqu'à ce que j'aie suffisamment confiance pour le faire et les défendre fièrement, mais la plupart des gens ont peur d'exprimer une opinion qui diffère de l'opinion générale des étudiants universitaires pour ne pas se faire critiquer.
Cependant, je ne m'oppose aucunement à la recherche fondamentale ni aux recherches plus techniques. Monsieur Kitcher, vous avez notamment parlé de recherche en génétique. Je viens du milieu agricole. Le développement de la technologie CRISPR va complètement changer la donne dans le secteur agricole et pourrait contribuer à prévenir certaines maladies chez l'humain — si l'on respecte les limites éthiques, évidemment.
Ma question s'adresse à M. Robson. Comment fait‑on pour évaluer? Je pense qu'il y a la recherche technique et la recherche axée sur l'économie, et M. Kitcher a mentionné... Comment peut‑on mesurer cela? Je pense que nous devons examiner l'ampleur de la commercialisation, le nombre de brevets et le nombre d'emplois qui en découlent, par rapport à certaines des études dont mon collègue M. Tochor a parlé. Il y en a beaucoup, et oui, on a dépensé 37 000 $ pour des études ridicules. Comment pouvons-nous accorder la priorité à la recherche qui va réellement améliorer les choses pour la société et notre pays, par rapport à certaines de ces...? Je ne sais même pas comment vous appelez ce type de recherche.
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Pour être honnête, je ne pense pas que ce soit possible. Comme je le disais plus tôt, il y a d'autres choses à faire.
Pour ce qui est d'essayer de déterminer quelles seront les répercussions économiques, sociales et culturelles de certains travaux de recherche scientifique dans 10 ans, personne ne le sait, mais personne n'a besoin de le savoir. Les scientifiques sont des gens curieux. Ils feront de la recherche fondamentale. Ce n'est pas quelque chose qui devrait nous préoccuper. S'il s'avère qu'il y a des applications commerciales, les entreprises vont en profiter. Il y aura des collaborations intéressantes. Toutes sortes de choses peuvent se produire dans un système libre par opposition à un système sous contrôle politique.
Je pense que le fait que le gouvernement fédéral essaie de mettre un comité à la tête de trois comités pour dire aux scientifiques ce qu'ils devraient faire dans l'intérêt de l'économie, c'est mal comprendre ce dont on est capable et ce que la situation exige réellement. Si on donne des emplois à des scientifiques, ils feront de la recherche. Ils veulent savoir ce qui se passe dans le laboratoire.
L'autre chose...
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C'est très bien. Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins. Il est bon d'avoir une diversité d'opinions au sein du comité.
Mes questions s'adressent à vous, monsieur Kitcher.
Je fais actuellement une maîtrise en leadership à l'Université de Guelph. J'aurais aimé que vous assistiez à un cours d'éthique que nous avons eu il y a quelques années. Nous étudiions le livre de Joshua Greene intitulé Moral Tribes et la tragédie des biens communs, qui a de nombreuses significations, ou deux significations, pour moi. Chaque fois que je le lis, je pense à la façon dont le tribalisme nuit à la prise de bonnes décisions.
Je pense qu'il est en partie question ici de la tragédie des biens communs. Nous avons des ressources limitées qui sont partagées entre les chercheurs et nous essayons d'examiner la façon dont les décisions sont prises afin d'assurer à tous les chercheurs, quelle que soit leur origine ethnique, leur culture, leur langue ou leur école, un accès équitable aux possibilités de financement, en veillant à ce qu'au Canada, la recherche en français soit reconnue et prise en compte dans nos décisions.
Pourriez-vous nous parler brièvement de la tragédie des biens communs en lien avec le financement de la recherche?
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Je crois que vous avez tout à fait raison. Étant donné que les ressources sont limitées, les gens ont tendance à chercher des alliés autour d'eux. Ils forment des groupes, qui deviennent en quelque sorte des tribus, et le tour est joué.
Je pense que vous avez posé un très bon diagnostic par rapport à ce qui a été dit précédemment et vous avez très bien répondu aux questions. Il a été question des problèmes liés aux critères de diversité, d'équité et d'inclusion. Lorsqu'on a un mouvement qui essaie d'aider des personnes qui ont toujours été marginalisées, ces personnes souhaitent que cela se fasse rapidement. Ils veulent obtenir une plus grande part des ressources que ce qui est prévu pour eux. Ils forment des alliances. On se retrouve donc avec une compétition qui peut facilement devenir intestine, ce qui n'est pas une bonne chose.
Il n'y a pas que le manque de ressources. Il arrive que des groupes de personnes, conscients du manque de ressources, parviennent à faire mieux. Je pense que ce qui est toujours nécessaire, c'est la perspective éthique. Il faut qu'il y ait un lieu où les gens peuvent discuter d'éthique, où ils peuvent faire des compromis et où ils acceptent de partager et de prendre moins que ce qu'ils avaient prévu.
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J'ai travaillé au sein du même groupe de réflexion que Heather Exner-Pirot parce que j'ai été exclu du milieu universitaire en raison de mon profil démographique. Vous vous penchez là‑dessus. C'est un grave problème de dire que vous n'êtes pas au courant. Des études sur les allégeances politiques du corps professoral montrent qu'ils sont majoritairement à gauche. C'est absurde. De dire: « Avons-nous été avertis... », eh bien, bien sûr, vous avez été avertis. On vous a mis en garde à ce sujet pendant des décennies, et les gens se sont contentés de dire: « Oh, oui, vous êtes une bande de sectaires ».
Si vous me le permettez, je vais vous raconter une brève histoire.
Mes parents ont obtenu leur doctorat à la fin des années 1950. Ils ont voyagé pendant quelques années entre l'Université de la Colombie-Britannique et l'Université de l'Alberta, puis mon père a obtenu un emploi à l'Université de Toronto — un emploi en or. Ma mère lui a dit: « Si tu peux le faire, je peux le faire aussi ». Lorsqu'il y a eu un poste vacant en histoire, ma mère a passé une entrevue et, à la fin, le président lui a dit: « Eh bien, c'était une bonne entrevue, ma chère, mais dans ce département, nous n'embauchons pas de femmes ». Ma mère, le regard perçant, lui a répondu: « Plus maintenant », et on l'a embauchée. Voilà pour la politique de diversité, d'équité et d'inclusion.
Je vais revenir à M. Kitcher et lui donner l'occasion de réagir à quelque chose que M. Robson a dit.
L'un de ses thèmes est qu'il y a beaucoup de choses dans la bureaucratie gouvernementale qui sont dysfonctionnelles. Nous devons embaucher plus de fonctionnaires pour renforcer les secteurs où les choses ne vont pas bien et, pour couvrir ces frais, le fédéral devrait simplement se retirer de la science et de la recherche. Il a mentionné que le gouvernement fédéral a consacré 15 milliards de dollars à l'éducation postsecondaire, qui, selon lui, est une responsabilité entièrement provinciale, ce avec quoi je ne suis pas d'accord.
Ne trouvez-vous pas qu'il s'agit d'une fausse dichotomie? Ne devrions-nous pas essayer d'aider les gens de toutes les façons possibles, par exemple en ayant un bon programme de recherche scientifique? À notre époque, la science est la véritable voie vers l'innovation et la richesse dans un pays. Le Canada est loin derrière tous les autres pays développés en matière d'investissement dans la recherche.
Pouvez-vous nous parler de cet aspect, de la capacité de la science à contribuer positivement à l'économie d'un pays?
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Bien sûr, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire.
Je pense que, dans le cas des besoins dont M. Robson a parlé, des besoins des gens dans votre infrastructure... Il a parlé de beaucoup de choses, et je ne suis pas placé pour confirmer les faits là‑dessus, mais en supposant qu'il ait raison, ces choses sont aussi importantes, alors que faire?
Si vous augmentez le budget, ce serait une bonne idée de répartir les fonds entre tous ces besoins. Si ce n'est pas possible, vous faites face à une autre tragédie des ressources d'usage commun. M. Longfield l'a déjà souligné. Dans ces circonstances, on peut soit lancer la terrible compétition où les gens forment des clans et s'affrontent pour des ressources limitées, soit essayer d'avoir une discussion rationnelle qui règle les choses.
Vous avez entièrement raison: on ne peut pas négliger la science. La communauté scientifique, au cours du XX e siècle et aujourd'hui, a montré comment l'innovation et la recherche — financées par le gouvernement fédéral ou par l'État — peuvent engendrer une transformation dans diverses sociétés.
Les arguments avancés par Vannevar Bush pour l'établissement de la Fondation nationale des sciences aux États-Unis, invoqués juste après la Deuxième Guerre mondiale, sont toujours valables. Vous devez garder vos grains de semence. Vous devez poursuivre vos recherches, car elles ne seront rentables que des années plus tard. C'est extrêmement important, et je pense que, si le Canada tournait le dos à cela, ce serait un désastre monumental.