FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 28 octobre 1997
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous.
Comme vous le savez, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité des finances a parcouru le pays d'un bout à l'autre pour consulter les Canadiens sur des questions qui leur tiennent vraiment à coeur. Bien sûr, nous devons relever de nombreux défis et faire de nouveaux choix car notre situation financière a certes changé.
Nous avons aujourd'hui le plaisir de recevoir, à cette table ronde, les Drs Clément Gauthier et Barry McLennan de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, ainsi que M. Kenneth Kyle, directeur des Affaires publiques, de la Société canadienne du cancer.
Messieurs, je suis certain que vous connaissez les règles de fonctionnement de notre comité. Vous avez environ cinq à sept minutes pour présenter votre exposé, après quoi nous passerons à la période des questions.
Nous entendrons d'abord le Dr Clément Gauthier à qui je souhaite la bienvenue.
Dr Clément Gauthier (directeur général, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci beaucoup.
Permettez-moi d'abord de préciser que je céderai les sept minutes qui me sont accordées au président de la Coalition. Je suis heureux de comparaître à nouveau devant votre comité cette année, mais je préfère participer à la période des questions. Le Dr McLennan prendra tout le temps qui nous avait été réservé.
Le président: Docteur McLennan, je vous souhaite à nouveau la bienvenue.
Dr Barry McLennan (Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci beaucoup.
Comme je l'ai dit ce matin, monsieur le président, nous sommes vraiment très heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant votre comité. Les échanges de ce matin ont été intéressants; vous vous souviendrez que d'après l'ordre du jour, nous étions censés discuter de la recherche, mais nous avons abordé de nombreux aspects du système de soins de santé. Peut-être que cet après-midi, nous ferons le contraire. Au lieu de parler de recherche en santé, nous aborderons l'autre question. De toute façon, c'est à vous de décider.
Le président: Je suis très souple.
Dr Barry McLennan: J'espère que nous pourrons approfondir certaines questions qui ont été soulevées ce matin et en aborder de nouvelles.
Comme l'a déclaré l'honorable Paul Martin il y a quelques semaines, la nécessité d'utiliser les excédents budgétaires qui se dégageront bientôt pour nous concentrer sur des priorités nationales qui se complètent-comme la préservation de notre système de soins de santé et la position du Canada en tant que chef de file de l'économie moderne axée sur le savoir-occupe la place prépondérante dans le document d'orientation intitulé «Bâtir une économie forte une société forte».
La Coalition est très heureuse de constater que le gouvernement est disposé à relever ce défi urgent mentionné pour la première fois dans la stratégie d'emploi de l'OCDE publiée en mai 1996, laquelle vise à assurer la viabilité à long terme du nouveau modèle de croissance axé sur le savoir au Canada tout en préservant la cohésion sociale.
D'anciens ministres de la Santé, dont l'honorable Diane Marleau, ont reconnu que la recherche biomédicale, clinique et évaluative en matière de santé qu'appuie le Conseil de recherches médicales du Canada, le CRM, est essentielle à la préservation de notre système de santé, lequel constitue un élément majeur de la cohésion sociale dans notre pays. Elle a affirmé ce qui suit: «Notre système de santé, l'un des meilleurs au monde, doit être défendu et préservé dans des circonstances difficiles et stimulantes.»
Récemment, notre ministre actuel, l'honorable Allan Rock, a parlé du lien entre des soins de santé de qualité et une recherche de qualité. Il a dit:
-
Promouvoir la recherche dans le domaine de la santé, c'est
promouvoir la qualité, parce que c'est grâce à cette recherche que
l'on trouvera les remèdes, les traitements et les technologies de
demain qui feront diminuer la demande de soins de santé tout en
améliorant les soins.
• 1545
Il a été très agréable de constater l'automne dernier, lors de
la première conférence internationale sur les nouveaux modes de
financement de la recherche en santé, qui a eu lieu ici à Ottawa,
que tout le monde était unanime à dire que le gouvernement doit
jouer un rôle de premier plan dans le financement de la recherche
fondamentale et qu'à cet égard, il doit prendre un engagement ferme
et à long terme. Il y a des choses que les entreprises et les
marchés ne peuvent tout simplement pas faire et ne feront pas. Le
secteur privé n'est pas en mesure d'offrir des soins de santé
universels, les entreprises ne font pas suffisamment de recherche
fondamentale, se limitant uniquement à leur domaine d'intérêt
immédiat.
Santé Canada a publié récemment son étude sur le fardeau économique qu'impose la maladie au Canada. On indique dans ce document que pour 1993, le coût total des maladies, des invalidités et des décès prématurés s'élevait à 156,9 milliards de dollars, approximativement l'équivalent de 22 % de notre produit intérieur brut ou, si vous voulez, 5 450 dollars par personne.
Voilà des chiffres renversants. Le coût direct des soins hospitaliers de 71,7 milliards de dollars constituait la composante la plus importante. Les dépenses de recherche—et j'insiste là-dessus—étaient les moins élevées, s'établissant à moins de 0,5 %. Les coûts indirects s'élevaient à 85,1 milliards de dollars, dont la moitié a été consacrée à la recherche sur la perte de productivité—et j'insiste encore là-dessus—découlant des invalidités à long terme. Ces données se trouvent dans le document sur le fardeau économique que constitue la maladie.
À mon avis, il est très intéressant de voir que les auteurs de ce document ont insisté sur le fait qu'outre le programme de promotion de la santé et de prévention des maladies, deux enjeux dont nous avons discuté ce matin, le renforcement de la recherche est nécessaire si l'on veut minimiser le fardeau qu'impose la maladie au Canada.
Le Canada compte 16 centres de recherche universitaires. J'entends par là un partenariat entre les facultés de médecine, les hôpitaux universitaires, les instituts de recherche affiliés et d'autres organismes. Ce partenariat est très efficace au Canada, il ne faut pas l'oublier. Ses trois missions sont simples: éducation, services cliniques et recherche.
Vous savez sans doute que l'énoncé de mission de chaque école de médecine ou hôpital universitaire précise que la prestation de bons soins cliniques repose sur l'éducation et la recherche. La recherche sous-tend ces activités. Les scientifiques canadiens dans le domaine médical ont apporté une contribution importante à l'élargissement du savoir.
Enfin, des notions comme le recours à la médecine fondée sur l'expérience clinique, sur laquelle repose la réforme des soins de santé dans tout le Canada, proviennent principalement du travail des chercheurs au sein de ces 16 centres de recherche universitaires en santé.
La recherche biomédicale, clinique et en santé est un atout de plus. La recherche biomédicale permet de trouver les causes sous-jacentes aux maladies et à la préservation de la santé; elle offre des produits innovateurs permettant de réduire les coûts, elle accroît la productivité de la société et crée des emplois et de la richesse en suscitant de l'activité industrielle. La recherche clinique, elle, transforme les résultats de la recherche fondamentale en de nouveaux traitements plus efficaces qui améliorent les soins donnés aux patients.
Enfin, la dernière arrivée, la recherche évaluative, améliore la rentabilité de la pratique médicale et des soins de santé, permettant ainsi de contrôler les coûts dans ces deux secteurs. Les deux types de recherche apportent une contribution à la fois différente et complémentaire.
Il faut envisager le financement de la recherche sous deux angles, celui des coûts directs et celui des coûts indirects. C'est le gouvernement fédéral qui assume principalement les coûts indirects; il le faisait auparavant par le biais du financement des programmes établis et aujourd'hui, grâce au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Quant aux coûts directs de la recherche, bien sûr, ce sont les conseils subventionnaires qui les assument. Pour la recherche médicale, les fonds viennent du Conseil de recherches médicales.
Je suis très heureux de voir que le gouvernement déposera un projet de loi visant à faire passer le plancher du TCSPS de 11 à 12,5 milliards de dollars. Je tiens en outre à féliciter le gouvernement d'avoir lancé le programme Fondation canadienne pour l'innovation qui permettra de remplacer l'équipement désuet des laboratoires de recherche de tout le pays, qui en ont désespérément besoin.
Permettez-moi maintenant d'aborder la question des coûts directs. C'est à ce chapitre que nous avons été durement touchés dans le domaine de la recherche en santé. En 1994-1995, les crédits affectés à cette forme de recherche atteignaient leur point culminant à 216 millions de dollars, somme qui a été ramenée à 205 millions en 1995-1996. Le graphique qui se trouve dans le document dont j'ai parlé ce matin explique tout ça. Le Canada, comparativement à ses concurrents, s'engage dans la mauvaise direction.
La FCI est un bon programme, mais je dois dire qu'elle concerne davantage le transfert de technologies que la génération de connaissances en investissant dans les gens, dans le capital intellectuel du Canada.
• 1550
Les compressions imposées au Conseil de recherches médicales
ont eu des effets néfastes, et voici comment. Le graphique à la
page 5 de notre mémoire indique le taux d'approbation des demandes
de subvention présentées au CRM. J'attire votre attention sur la
ligne pointillée à la fin. Si l'on ne modifie pas immédiatement le
financement du Conseil, seulement 40 % des demandes de subvention
présentées par des chercheurs d'expérience seront approuvées. Il
s'agit là de scientifiques provenant de tout le pays, qui sont
qualifiés, bien établis, et qui jouissent d'une excellente
réputation. Or, un taux d'approbation de demandes de 40 % chez ce
groupe de personnes est absolument inacceptable et tout à fait
déplorable. Pas étonnant qu'ils quittent le Canada.
La dernière ligne du graphique indique le taux d'approbation des demandes présentées par les nouveaux chercheurs. Il s'agit là des jeunes esprits brillants dont certains ont parlé ce matin. Ces jeunes esprits brillants ont reçu une formation scientifique et savent comment faire de la recherche. Ils obtiennent finalement un emploi et demandent ensuite une subvention; 15 % d'entre eux obtiennent une réponse positive. C'est là un bien piètre encouragement à donner à nos jeunes pour les inciter à se lancer dans la recherche médicale.
J'aimerais m'arrêter brièvement sur la question de l'exode des cerveaux, et je citerai quelques extraits que l'on trouve à la page 5 de notre mémoire.
Le Dr Gerald Wright, spécialiste de la chimie des protéines, est tellement frustré qu'il est prêt à déménager aux États-Unis. L'Université McMaster l'a ravi à l'Université Harvard il y a à peine trois ans. « On nous assomme littéralement, dit-il. Il est presque impossible maintenant d'effectuer de la recherche au Canada. C'est absolument terrible. »
Voici une autre citation du Mail Star de Halifax:
-
Les jeunes chercheurs quittent la province pour l'Ontario et
l'Alberta, ou pire encore, pour un autre pays, de dire le Dr Garry
Johnston, chef du département de microbiologie et d'immunologie de
l'Université Dalhousie. Ils ne perçoivent aucun engagement
véritable au Canada à l'égard de la recherche biomédicale... Nous
allons perdre l'avantage que nous avions sur nos concurrents à
l'échelle internationale... Il faut mettre des années pour se
constituer un réservoir de chercheurs, mais on peut le perdre en un
rien de temps.
La Coalition a effectué un sondage récemment, fin août, début septembre, auprès des écoles de médecine de tout le Canada. Nous leur avons demandé de nous dire précisément quelles répercussions les compressions du CRM avaient eues sur elles. Nous avons voulu savoir de quelle manière elles avaient ressenti les effets de la diminution des budgets. Les 16 écoles ont fourni des données semblables, mais je vous en cite trois.
Le vice-doyen de l'Université de Toronto a dit:
-
Presque tous les projets canadiens de recherche sur le génome ont
été abandonnés. Comme c'est là un des principaux moteurs de
l'avenir de la recherche biomédicale, le Canada s'est pratiquement
exclu de ce secteur crucial de recherche.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que de nombreuses disciplines dans le domaine de la recherche en santé aujourd'hui font appel à des spécialistes du génie génétique. C'est là aussi un secteur très important.
Le représentant de l'Alberta a aussi dit ceci:
-
Le manque de financement a mis un terme aux essais cliniques en
hémophilie et à dix autres programmes d'importance au Canada.
Les compressions ont été très rigoureuses.
Voyons maintenant ce qui se passe du côté des industries et des investisseurs. Nous disposons d'un excellent réservoir de scientifiques qualifiés au Canada et notre pays jouit d'une solide réputation dans le monde. Mais si nous voulons continuer d'attirer les investissements étrangers ici dans le domaine de la recherche en santé, nous devons conserver ces gens. Voici ce que disait l'honorable Judy Erola, présidente de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, l'ACIM:
-
Le gouvernement canadien doit comprendre le rôle essentiel que
jouent les conseils subventionnaires en accordant des crédits
supplémentaires affectés à la formation des futurs scientifiques.
Le Canada n'attirera pas les investisseurs étrangers si nous ne
leur offrons pas des conditions adéquates, notamment un groupe
florissant de chercheurs qualifiés.
Pour l'instant, les efforts du Canada sont minimes, ce qui lui fait perdre des possibilités d'attirer des investissements étrangers, par exemple, dans le secteur très prometteur de la recherche sur le génome, comme je l'ai dit, de même que dans les partenariats avec les provinces, comme c'est le cas avec le nouveau Fonds de recherche en santé de l'Ontario.
Donc, quels sont les besoins? Nous en parlons à la page 7 de notre document.
Sur le plan international, il faut établir des cibles d'investissements concurrentiels à partir d'un objectif bien précis de recherche fondamentale. Que devons-nous viser? Eh bien, il faut viser la recherche révisée par des spécialistes de disciplines connexes; à cet égard, notre système n'a pas son pareil et il est respecté dans le monde entier. C'est donc à partir de cette prémisse que la Coalition a proposé de doubler le budget du CRM sur une période de quatre ans. Les détails se trouvent dans notre document.
Cette augmentation du financement s'appuie solidement sur l'écart dans le financement, c'est-à-dire la différence entre le niveau de recherche qui est financée actuellement et le niveau qu'il serait nécessaire d'atteindre pour financer tous les projets de recherche de première qualité, revus par des pairs, et approuvés au Canada. Autrement dit, il faudrait combler l'écart entre le financement actuel et le financement d'une excellente recherche scientifique, écart qui s'élève à 240 millions de dollars annuellement pour le CRM. Vous trouverez les détails dans notre document.
• 1555
Enfin, monsieur le président, on nous a demandé de répondre
aux questions concernant le processus de réduction du déficit et de
la dette. Le gouvernement mérite des félicitations pour avoir
dépassé son objectif de réduction du déficit grâce au cercle
vertueux des compressions, de l'abaissement du déficit, des taux
d'intérêt peu élevés qui à leur tour permettent de réduire
davantage le déficit, et qui se traduisent ensuite par des recettes
gouvernementales accrues qui permettent de réduire encore davantage
le déficit. Ce cercle vertueux de la recherche fondamentale, de la
croissance, de l'emploi et de la productivité peut favoriser et
stimuler le processus de réduction du déficit grâce à un
accroissement de la productivité. C'est là l'élément clé de ce
document. Comme mon collègue l'indique, il y a un graphique qui
montre que l'accroissement de la recherche fondamentale augmente la
productivité et le revenu national. Le gouvernement s'attaque
maintenant à trois choses: stabiliser l'inflation ou la garder à un
bas niveau, faire de même avec les taux d'intérêt et garder le
déficit peu élevé. Tout cela contribue à réduire la dette. C'est le
cercle vertueux de la recherche fondamentale et de la réduction de
la dette nationale, et c'est le mécanisme que nous proposons.
Un dernier point. La recherche clinique biomédicale en matière de santé a un double impact pour le contribuable, en ce qu'elle accroît la productivité totale dans les industries de la santé, et fait diminuer les pertes de productivité attribuables aux invalidités à long terme.
Il y a aussi un troisième élément, qui apporte un troisième impact, en raison des coûts accrus attribués à la perte de productivité résultant des invalidités à long terme. Cette question est abordée en détail dans le document intitulé «Le fardeau économique de la maladie au Canada, 1993» dont j'ai parlé il y a quelques instants. Monsieur le président, il est donc ici question de trois impacts de l'investissement dans la recherche fondamentale en matière de santé. L'accroissement des investissements dans ce domaine doit devenir une priorité nationale immédiate.
Un article du Financial Post de la semaine dernière—celui de Hugh Segal—en témoigne; l'auteur félicitait le CRM pour le travail de pionnier qu'il a fait en utilisant son budget de base pour l'affecter à d'autres domaines de recherche. Permettez-moi d'ajouter, monsieur le président, que le CRM est le seul organisme gouvernemental que je connaisse qui s'est soumis à une révision internationale et qui a obtenu des résultats mirobolants.
À la dernière page du document—et je conclurai là-dessus, monsieur le président—les investissements dans le domaine de la recherche fondamentale visent trois objectifs: réduire la dette, créer de l'emploi et assurer la croissance, et offrir un meilleur système de santé et d'éducation. Cela nous ramène au titre de notre document, à savoir que la recherche fondamentale constitue une assise solide pour assurer la prospérité, la compétitivité et la santé de notre pays.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, docteur McLennan.
Nous entendrons maintenant le représentant de la Société canadienne du cancer, M. Kenneth Kyle. Soyez le bienvenu.
M. Kenneth Kyle (directeur, Affaires publiques, Société canadienne du cancer): Merci beaucoup, monsieur le président.
Vous avez posé trois questions intéressantes. Je crois que vous avez le document. Nous avons mis la version française des réponses d'un côté, la version anglaise de l'autre. Je ferai simplement ressortir quelques éléments figurant sur ce document d'une page au regard des trois questions que vous avez posées.
Je crois que le cancer constitue une priorité pour beaucoup d'entre nous. Il y a probablement peu de gens ici qui ne connaissent pas quelqu'un ou qui n'ont pas un membre de la famille qui a été touché par le cancer. Nous en savons beaucoup sur les causes du cancer, mais aujourd'hui, je veux vous parler des causes à l'origine des causes du cancer. Je crois que votre comité peut faire quelque chose à cet égard.
En ce qui concerne la santé et les soins de santé, je crois qu'on peut dire sans trop risquer de se tromper que les décisions qui sont prises à cette table et à celle du Cabinet sont beaucoup plus importantes que les incisions qui se font sur la table d'opération. Votre comité est un établissement de santé, de soins de santé, tout comme le Parlement est probablement l'établissement de santé le plus important au pays.
Premièrement, en ce qui concerne les hypothèses économiques, nous croyons que les sommes investies par le gouvernement dans l'amélioration de la santé des Canadiens procureront des avantages économiques à court et à long termes. Vous avez entendu des témoins parler du système de soins de santé. Il faut également ne pas oublier le système de santé; il faut se rappeler qu'il faut prendre des mesures pour garder les gens en santé afin de prévenir des maladies comme le cancer. Les décisions des parlementaires peuvent avoir une influence déterminante à cet égard.
Vous nous avez demandé quelles modifications devraient être apportées au régime fiscal. Essentiellement, on pourrait accroître les taxes sur le tabac ici au Canada. Les Américains ont fait un travail remarquable à cet égard. Certains États de la Nouvelle-Angleterre, le Maine plus particulièrement, ont imposé récemment une importante augmentation des taxes sur le tabac. Le New Hampshire a fait de même. L'Alaska a imposé la plus grosse augmentation de taxes sur le tabac aux États-Unis. Le Congrès américain est décidé à accroître les taxes sur le tabac.
• 1600
À notre avis, le gouvernement fédéral dispose d'une certaine
latitude dans le prochain budget pour augmenter les taxes sur le
tabac afin que les prix soient plus équitables des deux côtés de la
frontière. Les cigarettes se vendent maintenant moins cher en
Ontario et au Québec et dans certaines régions de l'Atlantique
qu'aux États-Unis. Les taxes sont plus élevées dans les États du
Michigan et de New York. Donc, nous croyons qu'il est temps d'agir.
Rien ne justifie que les taxes sur le tabac à coupe fine soient inférieures à celles sur les cigarettes. Les taxes sur le tabac profitent à tout le monde. Elles permettent d'atteindre des objectifs en matière de santé et certainement de réduire le déficit et la dette nationale; donc cela est bon pour les finances du pays, pour la santé publique. Tout le monde en sort gagnant.
Depuis 1994, lorsque le gouvernement fédéral a malheureusement baissé les taxes sur le tabac, l'industrie du tabac a augmenté ses marges bénéficiaires ainsi que le prix des cigarettes. De toute façon, les prix augmenteront au cours des prochaines années; alors pourquoi le gouvernement ne devrait-il pas en récolter les «fruits» au lieu des sociétés de tabac? Les compagnies n'ont que plus de latitude pour entreprendre des campagnes de marketing qui visent nos enfants. Pourquoi le gouvernement, en augmentant les taxes, ne pourrait-il pas profiter de cela? Le résultat est le même pour le consommateur, le prix sera le même.
À notre avis, le ministère des Finances devrait envisager de modifier le régime fiscal afin de contrôler la fixation des prix de l'industrie oligopolistique du tabac. Par exemple, l'imposition d'une surtaxe élevée (en pourcentage) sur tous les prix fixés par les fabricants qui se situerait au-delà du niveau qui leur assure un rendement raisonnable. Le montant par lequel serait ainsi réduit le prix fixé par les fabricants viendrait s'ajouter aux gains économiques des produits du tabac pouvant être transférés au gouvernement.
Passons maintenant à d'autres questions de taxation. Nous encourageons le gouvernement à continuer de chercher des moyens d'encourager les dons aux oeuvres de bienfaisance au Canada. Le budget de cette année devrait peut-être proposer des façons d'inciter les particuliers à faire des dons modestes aux organismes de bienfaisance. Le gouvernement mérite des félicitations pour ses mesures budgétaires de l'an dernier qui ont permis aux gens de faire des dons plus importants.
Nous estimons que le gouvernement devrait envisager d'accorder de plus fortes réductions d'impôt pour frais médicaux aux personnes qui ont à assumer les coûts très élevés du traitement de maladies comme le cancer, et en particulier, envisager de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'y prévoir un crédit au soignant, pour les personnes qui quittent un emploi rémunéré afin de prendre soin d'une personne gravement malade. On voit souvent les parents d'un enfant atteint de leucémie ou d'une maladie semblable forcés d'abandonner un emploi rémunéré pour rester à la maison et s'occuper de leur enfant. Nous croyons que le gouvernement devrait s'intéresser à cette question.
Je félicite mes collègues présents qui ont insisté sur l'importance de la recherche en santé, laquelle crée des emplois et assure la santé et l'avenir de l'économie; je suis d'accord avec eux. Nous vous invitons à demander au ministre des Finances d'aller encore plus loin que dans le dernier budget pour encourager les entreprises canadiennes à investir dans la recherche sur la santé et nous préconisons l'accroissement des budgets de base de tous les organismes subventionnaires fédéraux. Nous croyons que cela est important. Il n'y a pas que la recherche médicale qui soit importante, mais toute la gamme des activités de recherche sur la santé. Nous devons en connaître davantage sur la façon de prévenir les maladies, sur les diagnostics et sur le traitement des personnes malades, sur les soins accordés aux personnes en phase terminale. Je le répète, c'est là une façon de contrôler les coûts des soins de santé.
De nombreux scientifiques avec qui nous avons des contacts m'ont dit qu'un bon nombre des interventions, des pratiques des médecins n'ont jamais été évaluées de façon adéquate au Canada.
Nous vous invitons à songer à proposer qu'un pourcentage fixe du budget des soins de santé soit consacré à la recherche. De nombreuses entreprises décident de consacrer 1 ou 2 % de leur budget à la recherche en prévision de l'avenir, et nous croyons qu'il est temps que le gouvernement canadien affecte un pourcentage du budget total de la santé à la recherche afin que nous soyons en mesure de prendre des décisions reposant sur les meilleures pratiques qui se font ailleurs. Nous croyons véritablement que nous pourrions réaliser des économies considérables si nous avions simplement l'argent pour mener des recherches à cet égard.
• 1605
Je tiens à vous remercier de votre invitation à comparaître
devant vous aujourd'hui et je me ferai un plaisir de répondre aux
questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kyle.
Nous passons maintenant à la période des questions. Nous commencerons par M. Anders.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Premièrement, j'aimerais aborder la question de la recherche biomédicale, clinique et en santé. Dans votre étude, vous parlez de l'exode des cerveaux que l'on connaît actuellement au Canada. Vous vous concentrez surtout sur la question du financement, et je comprends les motifs qui vous incitent à agir ainsi lorsque vous témoignez devant notre comité. Mais cela me rappelle la Commission d'enquête sur les nouvelles techniques de reproduction en ce qui touchait, par exemple, le domaine de la recherche biomédicale. Certaines des restrictions qui ont été imposées dans le domaine de la recherche biomédicale expliquent pourquoi une bonne partie de cette recherche se fait maintenant dans d'autres pays et pourquoi on assiste à un exode des cerveaux.
Cela me rappelle l'époque où le Canada était chef de file dans les années 1950 et 1960 dans le domaine de la transplantation des organes et comment l'establishment médical et le gouvernement du pays ont jugé bon de laisser d'autres pays nous damer le pion dans ce domaine-là. Nous avons perdu du terrain à cet égard, et les emplois, les ressources et les cerveaux qui y étaient rattachés sont allés dans d'autres pays. Je me demande si vous auriez des commentaires à faire concernant la commission d'enquête et d'autres faits qui pourraient avoir un impact sur l'exode des cerveaux que connaît le Canada.
Dr Barry McLennan: Monsieur le président, ce n'est là qu'un exemple de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il y a un prix à payer pour avoir sa place dans la communauté internationale des chercheurs, et nous parlons ici précisément de recherche en santé. Si vous n'accordez pas les ressources à vos propres chercheurs afin qu'ils puissent concevoir des produits, des biens, effectuer de la recherche, il ne faut pas penser avoir sa place sur la scène internationale. Le fait que d'autres pays nous aient dépassés à cet égard n'est qu'un exemple.
Il n'est pas trop tard, mais presque, parce que notre secteur de la recherche en santé, comme je l'ai dit ce matin, est en pleine hémorragie. Nous perdons beaucoup de sang, et on ne peut pas renverser la vapeur en trois ans. Il sera trop tard. Tous les chercheurs seront partis vers d'autres pays.
Votre commentaire sur la biologie de la reproduction est fascinant. Le Canada compte d'excellents centres de recherche en biologie de la reproduction, dont un dans l'établissement où je travaille, l'Université de la Saskatchewan. Je mets maintenant mon chapeau de vice-doyen à la recherche au Collège de médecine, et je suis renversé par le nombre d'offres d'emploi qui me sont faites de l'extérieur. Ce n'est qu'une question de temps; un bon jour, je serai parti. Cela ne fait que souligner le problème que vous soulevez actuellement.
Il faut préserver, ici au Canada, les conditions qui nous permettront de garder nos scientifiques qualifiés et d'en attirer de nouveaux. Pourquoi? Eh bien, si on veut offrir le meilleur système de santé et d'éducation à vos enfants et aux miens, c'est ainsi qu'il faut agir. On ne peut pas acheter ces résultats à d'autres pays. Cela coûtera davantage, et qu'est-ce qui vous fait croire qu'ils nous seront accessibles de toute façon?
M. Rob Anders: Je m'attendais à une réponse plus précise concernant l'exode des cerveaux; je croyais que vous me diriez aussi que nos problèmes actuels dans le domaine des soins de santé ne sont pas strictement imputables au manque de financement, mais aussi à la réglementation adoptée par le gouvernement qui touche ces emplois ainsi que les percées qu'on aurait pu réaliser n'eût été de cette réglementation.
Dr Clément Gauthier: À vrai dire, la réglementation est aussi un facteur clé qui permet de créer des conditions favorables à la recherche. Par exemple, s'il y a trop de règlements dans un domaine de recherche, règlements grâce auxquels les gouvernements tentent d'établir un équilibre entre ce qui est perçu comme la protection du public, les règles de base nécessaires, et la souplesse ou les marges dont doivent disposer les spécialistes de la recherche fondamentale dans un secteur comme les techniques de reproduction, s'ils ont de la difficulté à appliquer les règlements et qu'ils ne peuvent pas faire leur recherche ici, c'est bien certain qu'ils iront ailleurs. C'est probablement ce que vous voulez dire.
La même chose s'applique aux règlements dans d'autres secteurs. Lorsque nous parlons des règlements sur les brevets, par exemple, qui offrent au gouvernement un autre moyen d'avoir un effet positif ou négatif sur le système de recherche au Canada, tout cela touche la capacité des chercheurs de faire leur travail et de le faire au Canada. Bien sûr, oui, il s'agit là aussi d'un élément clé.
Mais contrairement à notre habitude, nous avons décidé aujourd'hui de nous concentrer sur le problème du financement des conseils subventionnaires plutôt que d'aborder d'autres questions périphériques; habituellement, nous nous présentons devant votre comité et lui soumettons quatre ou cinq recommandations, mais nous procédons aujourd'hui autrement pour la simple raison que le besoin est tellement criant. Nous avons atteint la limite. Le système a été étiré au maximum.
• 1610
Il ne faut pas oublier non plus que les chercheurs qui
travaillent pour les gouvernements, les universités ou le secteur
privé sont formés dans les universités. Donc, si le financement des
conseils subventionnaires, auquel on fait appel pour former les
gens ou pour actualiser les connaissances, n'est pas adéquat, cela
aura un impact sur tous les autres secteurs, peu importe les
changements dans la réglementation.
C'est là un problème fondamental auquel nous devons nous attaquer maintenant. Nous reconnaissons qu'il y a d'autres problèmes liés à la réglementation, mais dans ce domaine, c'est un exemple.
M. Rob Anders: Je comprends votre position parce que d'après ce que dit le ministre des Finances, le gouvernement serait sur le point d'équilibrer son budget. Si tel est le cas, je comprends pourquoi vous vous présentez ici aujourd'hui comme le paysan reçu au château.
Je m'adresse maintenant au représentant de la Société canadienne du cancer.
Le président: Pouvez-vous être très bref? Allez droit au but.
M. Rob Anders: Très bien.
Vu le niveau élevé de taxation au Canada, je dois dire que je ne suis pas impressionné d'entendre quelqu'un nous dire qu'il faut hausser les taxes et citer d'autres pays en exemple. Parce que les États de l'autre côté de la frontière ont des taxes plus élevées, le Canada a donc la possibilité idéale de faire la même chose.
M. Kenneth Kyle: Je pense que tout le monde ici voudrait réduire le fardeau énorme des coûts de santé au Canada. Un tiers des coûts liés au cancer sont attribuables à l'usage du tabac. Ce sont les jeunes qui remplacent les vieux fumeurs qui meurent. La chose la plus importante que le gouvernement peut faire, c'est de ne pas leur fournir une incitation à fumer.
Lorsque le gouvernement a réduit les taxes en 1994, nous avons constaté une augmentation énorme du tabagisme chez les jeunes. Je ne veux pas faire de commentaires sur les autres taxes, mais il s'agit là d'une taxe qui, nous le croyons fermement, devrait être augmentée et ramenée à son niveau antérieur. Cette mesure permettra de réduire les coûts des soins de santé plus que n'importe quelle autre mesure que l'on puisse imaginer au Canada.
Le président: Merci, monsieur Kyle.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Bienvenue, monsieur, au Comité des finances. Je vous félicite pour votre mémoire, mais je ne comprends pas très bien ce que vous dites aux pages 8 et 9 de votre mémoire, docteur McLennan. Je vous ai souvent entendu féliciter le gouvernement parce qu'il atteint ses cibles. Permettez-moi de citer le point 7, au bas de la page 8, car il y a quelque chose qui m'intrigue:
-
Considérant sa recommandation formulée en octobre 1996,
à l'effet que «les dépenses pour la santé soient
protégées et maintenues au niveau actuel pour au moins
trois ans», la CRBS est heureuse de constater que le
gouvernement «présentera une loi afin d'augmenter de
11 milliards de dollars à 12,5 milliards de
dollars le montant minimum en espèces du Transfert
canadien en matière de santé et de programmes sociaux
versé aux provinces et aux territoires».
Vous félicitez le gouvernement pour ça, et il faut remettre les chiffres en perspective. Il me semble qu'il y a un problème à cet égard, parce que le gouvernement a annoncé qu'il investissait 6 milliards de dollars de plus sur cinq ans dans le domaine des programmes sociaux et de la santé. Là-dessus, il y a 3 milliards de dollars qui s'en vont à la santé au cours des cinq prochaines années. Au cours de la même période, jusqu'en l'an 2003, le gouvernement fédéral a déjà prévu couper 42 milliards de dollars dans les programmes sociaux et dans la santé, dont 21 milliards de dollars dans la santé. Donc, vous vous réjouissez d'avoir eu 3 milliards de dollars de plus en cinq ans, alors que le gouvernement fédéral vous enlève 21 milliards de dollars au cours des prochaines années. Pouvez-vous me dire quelle est la source de votre satisfaction, lorsque vous nous présentez ce genre de choses?
[Traduction]
Dr Barry McLennan: Vous avez posé plusieurs questions. J'y répondrai une à la fois.
Il faut établir une distinction entre le financement du système de soins de santé, le financement de la santé et le financement de la recherche sur la santé. Ce sont trois choses différentes. Oublions pour l'instant le financement que nous demandons dans cette proposition pour la recherche sur la santé, laquelle se trouve à une extrémité du continuum.
À l'autre extrémité... et je crois qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César. La Fondation canadienne pour l'innovation est un excellent programme. Le Fonds de découvertes médicales canadiennes, qui a été constitué à partir des crédits du CRM, est un excellent programme, mais ces deux «
[Français]
M. Yvan Loubier: Un instant, monsieur McLennan. Il y a juste un problème. Comment pouvez-vous féliciter le gouvernement? Il est clair ici que vous félicitez le gouvernement parce qu'il met 1,5 milliard de dollars de plus dans les programmes sociaux et la santé que ce qu'il avait prévu mettre.
• 1615
Vous félicitez le gouvernement parce qu'il a rectifié
le tir au niveau des dépenses de santé, alors qu'il
continue à couper 21 milliards de dollars jusqu'en 2003.
Je n'invente rien. C'est vous qui félicitez le
gouvernement.
L'autre aspect de la question est que, sur les 42 milliards de dollars coupés d'ici 2003, une portion affectera l'éducation supérieure, donc la recherche fondamentale en matière de santé dans les universités.
Personnellement, il me serait bien difficile, si j'étais à votre place, d'être satisfait et de féliciter le gouvernement pour sa performance au niveau de la recherche et au niveau de la santé.
Je vous rappellerai que chaque fois qu'il y a eu un dollar de coupé par les provinces dans le secteur de la santé, 93 cents provenaient des coupures aux transferts par M. Martin, et ces coupures continuent à avoir effet jusqu'en 2003.
On vous donne quelques petits bonbons et on vous coupe directement dans le muscle, au niveau du financement des soins de santé et de la recherche.
Le président: Docteur Gauthier.
Dr Clément Gauthier: Je vais apporter une information complémentaire. L'énoncé au bas de la page est relatif à la recommandation que nous avons faite l'an passé, au moment où il fallait faire face à une situation qui était encore pire; on était alors sur une pente très raide. On demandait une stabilisation, tout au moins l'arrêt de l'hémorragie pour trois ans, afin de nous laisser le temps d'utiliser de nouvelles méthodes de recherche et peut-être d'établir un objectif susceptible d'être atteint au niveau des transferts pour la santé et l'éducation secondaire. On essayait tout simplement d'arrêter une descente trop rapide.
M. Yvan Loubier: Mais, docteur Gauthier, ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Le ministre des Finances, à Vancouver, ne nous a pas annoncé qu'il arrêtait son plan de coupures budgétaires prévu jusqu'en 2003 et annoncé dans son budget de 1996. Il a dit qu'il continuait ces coupures-là, mais qu'il couperait un petit peu moins. Au lieu d'imposer des coupures cumulatives de 46 milliards de dollars d'ici 2003 dans les programmes sociaux et la santé, il abaissait ce montant à 42 milliards de dollars.
Je veux bien croire que cela fait moins mal, mais il n'y a pas de quoi féliciter le gouvernement, et cela ne correspond pas du tout à votre recommandation de maintenir la même situation pendant trois ans.
Dr Clément Gauthier: Je suis d'accord que ce n'est pas l'objectif final. Néanmoins, on a obtenu un ralentissement de ces coupures-là. Mais vous avez raison de dire que les coupures qui ont été faites dans les transferts aux provinces ont eu un impact réel et net, soit une baisse de 18 à 30 p. 100 des ressources pour l'infrastructure de la recherche dans les universités et les hôpitaux.
C'est en effet ce qui est arrivé, mais nous espérons que le mouvement qui semble s'inverser est un point de départ et que le gouvernement va aller plus loin et cesser les coupures. Notre recommandation de l'an passé n'allait pas si loin. On essayait juste de retenir le convoi.
M. Yvan Loubier: Est-ce que je peux me permettre de vous donner un conseil? À l'heure actuelle, on sait au moins que l'équilibre budgétaire va être atteint d'ici la fin du présent exercice, mais on sait aussi qu'il risque d'y avoir un surplus si la croissance continue de la même façon. La croissance nominale du PIB continue de la même manière que pendant les deux ou trois dernières années. Il risque d'y avoir un surplus qui pourrait même dépasser les 5 milliards de dollars, selon certaines prévisions. Je vous conseille donc d'être un peu revendicatifs parce que, depuis trois ans, vous avez payé cher et que vous allez continuer à payer cher jusqu'à ce que la santé des Québécois et des Canadiens s'en ressente.
Je voudrais vous dire que votre mémoire est très bon et très bien documenté, mais qu'il manque un peu d'agressivité. Je vous dirais qu'il vous faut plus d'agressivité pour accrocher et sensibiliser mes collègues, même ceux du Parti libéral qui ont un caucus qui brasse pas mal, semble-t-il.
Dr Clément Gauthier: Merci du conseil.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
[Traduction]
Monsieur Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): Merci beaucoup.
D'abord, je suis en faveur de l'augmentation des taxes sur le tabac. Il y a parfois des taxes qui sont bonnes, surtout si l'argent que l'on récolte, au lieu d'être englouti dans le Trésor, peut être affecté à la recherche pour trouver un remède au cancer. Je pense qu'il vaudrait tout simplement mieux éliminer l'utilisation du tabac parce que nous connaissons les problèmes qu'il cause.
J'aimerais poser une question aux Drs McLennan et Gauthier. Dans votre document, vous dites que «le Canada n'attirera pas les investisseurs étrangers si nous ne leur offrons pas des conditions adéquates.» Vous parlez là des entreprises commerciales et par conséquent, je suppose que les gens qui vont venir investir ici concevront probablement des produits, etc. Je suppose également que dans leurs pays, il se fait beaucoup de concurrence pour obtenir de bons chercheurs et pour les aider à concevoir des produits, etc. Que devons-nous faire pour attirer les investissements étrangers dans le domaine de la recherche?
Dr Barry McLennan: Plusieurs choses, monsieur le président. Permettez-moi d'abord de dire qu'il y a quelques décennies, les gouvernements de l'époque, tant fédéral que provinciaux, ont conseillé aux chercheurs universitaires de se trouver un autre partenaire financier parce que les fonds des gouvernements fédéral et provinciaux allaient diminuer«et Dieu sait qu'ils ont diminué. Donc, les universités se sont trouvé d'autres partenaires financiers.
Aujourd'hui, dans le secteur de la santé, l'industrie pharmaceutique est celle qui offre le plus de possibilités de partenariats dans le secteur privé. C'est une industrie mondiale et le Canada, je me permets de vous le rappeler, occupe une petite place dans cette industrie, environ 4 % du total mondial. Et même si nous estimons faire un excellent travail, et c'est le cas, nous occupons une très petite place.
La question est donc la suivante: si le directeur de la recherche médicale d'une grande société pharmaceutique au Canada veut attirer les investissements dans ce domaine chez nous, il doit persuader le siège social de l'entreprise à Bâle, en Suisse, ou peu importe où, d'investir chez nous. La décision sera prise en fonction des avantages relatifs qu'offre l'investissement au Canada. Les dirigeants se demanderont si le Canada possède un bon réservoir de chercheurs. Ils voudront savoir si ces chercheurs font un bon travail, quel est le régime fiscal, ce qu'il en coûte pour faire des affaires au Canada. Tous ces facteurs seront pris en compte dans leur décision.
Je veux simplement vous rappeler que nous évoluons dans un marché mondial. Nos chercheurs sont très estimés. Nos documents scientifiques sont très bien reçus et respectés dans le monde entier. Mais nous avons de la concurrence et comme l'indiquent les données dans nos graphiques, nous sommes en train de perdre du terrain. Les chiffres de l'OCDE indiquent que nous en avons perdu beaucoup. Même si nous avons le potentiel humain, si nous voulons continuer d'attirer les investissements étrangers au Canada—624 milliards de dollars l'an dernier—non seulement dans l'industrie pharmaceutique mais dans d'autres industries, telles les compagnies de fabrication d'instruments médicaux, etc., nous devons maintenir un terrain favorable ou créer un milieu qui attirera les entreprises et créera des emplois au Canada.
Le président: Docteur Gauthier.
Dr Clément Gauthier: Je peux appuyer ces dires en vous parlant d'une étude de cas à laquelle j'ai participé. Il s'agit d'un investissement de 300 millions de dollars annoncé l'automne dernier à Montréal par la société Astra Pharma. Deux ans auparavant, j'avais déposé devant votre comité une lettre que j'avais reçue du siège social de cette compagnie, qui nous demandait de l'aider à déterminer combien de chercheurs, combien de titulaires de doctorat. seraient formés au cours des cinq à dix années suivantes dans des domaines qui intéressaient la compagnie. Avant d'établir son plan d'investissement à long terme, la société avait créé un groupe de travail chargé de l'aider à déterminer où elle investirait au cours des 10 à 15 prochaines années, et on nous avait donc demandé cette information que nous avons rassemblée très rapidement et lui avons fait parvenir.
En bout de ligne, la société envisageait d'investir à cinq endroits au monde, dont Montréal. Elle se proposait aussi de s'établir dans une autre province canadienne, mais finalement, c'est Montréal qu'elle a choisie, probablement parce que Montréal avait un réservoir plus important ou une plus grande masse critique de chercheurs ainsi qu'une meilleure capacité de former rapidement le genre de chercheurs dont elle avait besoin.
Je termine avec un fait plus récent qui a été porté à mon attention. La société Merck Frosst qui est, je dirais, le plus important investisseur étranger dans le domaine pharmaceutique au Canada, a maintenant besoin de 200 chercheurs spécialisés à Montréal. Il lui en faut 600; or elle en a maintenant 400. Elle a demandé de trouver rapidement une façon de stimuler le système d'éducation afin que nous formions un plus grand nombre de personnes du genre dont elle a besoin pour continuer d'attirer du financement du siège social au Canada.
Cela vous donne une idée de la sensibilité du processus et de ces deux piliers de la formation de personnel hautement qualifié. Bien sûr, il faut aussi tenir compte des règlements provinciaux, de leur impact sur la Loi sur les brevets et ainsi de suite, de même que des règlements du gouvernement fédéral. La formation des gens—qui se fait principalement grâce aux crédits de recherche des conseils subventionnaires—est importante également.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de me permettre d'intervenir.
J'aimerais féliciter M. Jones d'avoir fait la différence entre une question de santé et des questions fiscales, contrairement à M. Anders, qui, lui, ne peut pas faire cette différence—bien sûr, il n'est pas resté ici assez longtemps.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): M. Jones est brillant.
M. Gary Pillitteri: Bien sûr, lorsque quelqu'un se présente ici, pose une question et s'en va ensuite, monsieur le président, cela m'énerve. Je voulais simplement que soit consigné au compte rendu ce que je pense de cette façon de faire.
Le président: Mais vous voulez bien poser une question, n'est-ce pas?
M. Gary Pillitteri: Oui.
• 1625
Ma question s'adresse à M. Kyle. Au lieu d'augmenter les taxes
sur le tabac au sud de la frontière, vous avez parlé de l'État de
New York, de Michigan—ou était-ce de la Pennsylvanie?—il
s'agissait de quelques États, croyez-vous que si les taxes dans les
autres États continuent d'augmenter comme c'est le cas dans deux ou
trois d'entre eux, certaines compagnies de tabac pourraient venir
s'installer ici? Croyez-vous qu'il s'agisse là simplement d'un
problème de taxation ou d'un problème de santé, ou si certaines
entreprises pourraient être incitées à revenir investir ici au
Canada?
M. Kenneth Kyle: Je ne crois pas que nous voulions inciter les compagnies de tabac à venir s'installer au Canada, mais le danger est réel. Nous avions un problème de contrebande au Canada. Je pense que la contrebande des cigarettes aux États-Unis est probablement... À mon avis, la meilleure chose à faire serait de vendre les produits du tabac le même prix dans les deux pays, afin d'éliminer la criminalité associée au problème de la contrebande parce que, justement, la contrebande entraîne beaucoup de problèmes.
Ce qui se passe avec les taxes sur le tabac, c'est que les jeunes sont très sensibles au prix. Les personnes plus âgées et les gens bien informés peuvent lire et avoir accès aux renseignements sur la santé. À eux de décider de fumer ou non. Mais les jeunes sont très sensibles à la question des prix, tout comme les personnes pauvres. Donc, si l'on veut vraiment aider les personnes défavorisées sur le plan socio-économique et les enfants—il y a beaucoup d'enfants dans ce groupe—je crois qu'il ne faut pas les inciter à acheter des produits du tabac en baissant artificiellement les taxes sur le tabac pour qu'elles soient moins élevées ici qu'aux États-Unis.
La contrebande est un problème mondial. Nous avons fait des recommandations en 1994 sur les mesures à prendre pour le régler. Par exemple, on pourrait marquer les paquets de cigarettes pour lesquels des taxes ont été payées. Le Parlement a adopté un projet de loi en ce sens, mais les ministères des Finances et du Revenu n'y ont jamais donné suite. Le pouvoir existe, le Ministre doit simplement décider d'aller de l'avant. Les taxes payées sur les cigarettes au Canada sont inscrites sur la cellophane entourant les paquets, mais nous préférerions qu'elles le soient sur le paquet même.
Le budget pourrait renfermer certaines mesures qui peuvent grandement contribuer à prévenir le cancer et qui ne nécessitent l'adoption d'aucune loi.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): J'ai pris note de ce qui s'est dit ce matin au sujet des procédures médicales qui ne sont pas étayées par une recherche solide. Je me suis dit que si nous réussissons à faire de la recherche dans ce domaine, ce sont les provinces qui en bénéficient, car elles voient leurs coûts de santé diminuer.
Lorsque j'ai examiné les dépenses fédérales et provinciales, j'ai remarqué que depuis 1993, le niveau de dépenses des provinces est demeuré relativement stable alors que celui du gouvernement fédéral a augmenté d'environ 20 millions de dollars. On se demande donc s'il y a oui ou non équité entre les deux paliers de gouvernement dans ce domaine, et je crois que cela ne fait pas tellement de doute. Je crois que vous avez montré très clairement, pour ce qui est des dépenses de recherche, que nous traînons de l'arrière, et que la compétitivité et ses impacts sur le niveau social de même que sur la santé financière du Canada dépendent beaucoup d'un milieu de recherche concurrentiel.
Je veux aussi poser des questions sur le Forum national sur la santé dont les participants ont passé deux ans à examiner le système de soins de santé du Canada, à entendre des sommités en matière de santé de notre pays. Je me souviens très bien qu'il a été beaucoup question de la nécessité d'investir dans les enfants ainsi que d'autres questions fondamentales, pour en venir finalement à la conclusion qu'il y avait suffisamment d'argent dans le système de santé, mais que cet argent n'est tout simplement pas dépensé comme il devrait l'être et que si nous procédions à certaines restructurations, nous pourrions atteindre les objectifs.
Rafraîchissez-moi la mémoire, parce que je n'ai pas lu toute l'étude, mais seulement le rapport destiné aux cadres. Savez-vous si le Forum a dit qu'il était d'accord en ce qui concernait le manque de financement pour la recherche, a-t-on établi ce besoin ou les conséquences qui en découlent? Connaissez-vous la position qu'il a adoptée? Exception faite des modèles relatifs de dépense, avez-vous autre chose à offrir sur la façon dont nous pouvons mesurer le «taux de succès», si je puis me permettre cette expression, de la recherche qui se fait au Canada par rapport à celui de nos concurrents internationaux?
Dr Clément Gauthier: Dans notre rapport, nous avons parlé « et je préfère m'en remettre ici à la version anglaise«de la façon d'évaluer. Il existe, à l'échelle internationale, une façon reconnue de comparer l'efficacité des systèmes de recherche entre les pays. Elle consiste à faire une étude des index de citations, des citations de publications rédigées par des scientifiques canadiens. Les publications sont citées par d'autres scientifiques du monde entier et l'on traduit le pourcentage relatif de ces citations par rapport à l'ensemble des publications de ces chercheurs en termes de dollars, si bien qu'on a une idée de la qualité de la recherche scientifique et de la productivité des chercheurs. C'est ce que nous avons dit. Cela se retrouve dans le document que nous avons présenté au comité ce matin.
En gros, il est question d'une étude menée sur une période de 14 ans et qui s'est terminée en 1994. L'étude indique que le Canada se classait au premier rang en ce qui a trait aux citations dans l'index de publications si l'on se fonde sur les sommes investies dans la recherche connexe. Nous faisions de la recherche de très grande qualité, nous étions les plus productifs en regard de ces résultats—et c'est ce qu'on a cité à partir de nos travaux—par dollar investi au Canada. Cette étude est en fait citée dans le rapport que nous vous avons remis ce matin.
À vrai dire, cela était très surprenant. Les résultats de l'étude ont été publiés dans le New York Times. Notre productivité était deux fois supérieure à celle des chercheurs des États-Unis, ce qui explique probablement pourquoi, même avec les compressions dans les budgets... En réalité, nous avons moins de fonds que tout le monde depuis des années, mais nous avons réussi à survivre en raison de la grande qualité des recherches effectuées ici au Canada et de la productivité des chercheurs. Mais nous avons tout simplement utilisé le système au maximum au point où nous allons bientôt tomber, sans compter que la diminution des crédits entraînera cette chute.
Essentiellement, nous nous classons au premier rang pour la recherche fondamentale. Ce sondage concernait la recherche fondamentale. Dans les échantillonnages scientifiques, la même enquête sur l'index de citations montre que la recherche biomédicale, la recherche clinique et la recherche biologique sont les trois domaines où nous sommes les plus solides au Canada. Le document de la Coalition renferme des tableaux sur les deux dernières années qui font référence à ce genre d'étude, à l'index de citations. C'est là une façon de comparer la qualité de la recherche scientifique et la productivité à l'échelle mondiale.
Donc, nous nous classons toujours au premier rang, mais il faut se rappeler que ces études portent sur les publications de spécialistes qui ont reçu leur formation il y a 10, 20 ans ou même plus, et qui ont effectivement publié leurs travaux. Cela ne reflète pas du tout la situation actuelle des jeunes chercheurs ni l'état de la recherche cette année. Dans 10 ans, nous le saurons... ou nous ne serons peut-être pas là pour vous le dire, cela dépend si nous sommes toujours dans la course.
M. Paul Szabo: Que pensez-vous du Forum national sur la santé?
Dr Clément Gauthier: Le Forum national sur la santé a présenté des recommandations portant surtout sur la recherche en santé. Les membres ont très peu parlé de la recherche biomédicale et clinique. Il nous faut pourtant toujours traiter les malades. Nous devons encore trouver de meilleures façons d'évaluer les chirurgies et ainsi de suite.
Le Forum a concentré ses recommandations sur la réforme de la santé, mais il faut faire de la recherche fondée sur l'expérience clinique. Je crois que l'une des recommandations est d'utiliser 1 % du total des ventes des compagnies pharmaceutiques pour l'investir dans la recherche.
Remarquez que le Comité de l'industrie, dans son rapport sur la Loi sur les brevets, a fait une recommandation semblable sur les investissements dans la recherche. Le comité s'est penché sur cette question.
Le président: Merci, docteur Gauthier et monsieur Szabo.
Monsieur Jones, une dernière question.
M. Jim Jones: Merci beaucoup, monsieur le président. Les Conservateurs ont effectivement une conscience sociale bien développée et s'occupent des autres.
Ma question porte sur une nouvelle industrie qui est en train de voir le jour, c'est-à-dire l'industrie du pari. Lorsqu'on a mis sur pied tous ces casinos en Ontario, on a investi 300 millions de dollars pour traiter les personnes ayant une dépendance au jeu. Les casinos vont probablement causer beaucoup de stress. Est-ce qu'on a fait de la recherche sur le stress comme cause du cancer? La prolifération des casinos fera probablement augmenter de beaucoup le coût des soins de santé, le jeu étant ainsi plus facilement accessible.
M. Kenneth Kyle: Je n'ai pas de recherche récente effectuée sur le sujet, mais j'étais ici l'an dernier et je crois que c'est le Collège des médecins et chirurgiens du Canada qui a fait remarquer que le jeu aurait des répercussions sur la santé. Les attachés de recherche du comité pourraient peut-être retrouver des éléments de l'exposé présenté l'an dernier touchant ce sujet.
M. Jim Jones: Merci.
Le président: Docteur McLennan.
Dr Barry McLennan: Cela me renverse. C'est une question de priorités, je suppose. C'est comme les bingos qui se tiennent dans tout le pays. J'ai assisté à des bingos visant à amasser des fonds pour venir en aide à l'équipe de hockey de mon fils. Certains disent que l'argent qu'on retire des bingos, c'est simplement un remboursement de taxes déjà payées.
Vos commentaires sur le jeu sont intéressants. Cela me rappelle le problème du tabagisme. Si 40 000 Canadiens étaient tués dans un accident d'avion, cela soulèverait un tollé. Les effets néfastes du tabagisme tuent 40 000 Canadiens et nous voilà ici, mes collègues et moi, encore une fois à soulever la question. Tout est affaire de perspective.
Le président: Je crois que Mme Redman veut poser une dernière question.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Vous discutez là d'une question complexe. Nous avons parcouru tout le Canada, nous avons entendu beaucoup de gens qui, de façon générale, se sont dits très satisfaits de voir que le gouvernement ait mis de l'ordre dans ses finances.
L'un des groupes que nous avons entendus—je crois que c'est un groupe d'économistes, on en entend tellement, je m'excuse—a dit que ce que le Canada devrait viser pour l'avenir, ce serait de tenter d'avoir à nouveau la cote triple A qu'on lui attribuait avant.
Vous avez parlé de la recherche internationale, et nous avons certainement entendu des arguments très convaincants en faveur du rétablissement du financement accordé aux organismes; on a également dit que la recherche a beaucoup de valeur autre que les simples progrès réalisés sur le plan médical. Mais à votre avis, est-ce que la cote du Canada sur la scène nationale a eu des effets positifs sur la façon dont nous sommes perçus, même dans le domaine de la recherche médicale?
Dr Barry McLennan: Je dirais que oui. Plusieurs études, dont certaines sont citées dans nos mémoires, indiquent«et le Dr Gauthier y a fait référence il y a une minute«que la recherche scientifique qui se fait au Canada est d'un bon calibre. On en veut pour preuve le fait que l'industrie est prête à investir ici, que les diplômés de nos universités et de nos écoles de médecine n'ont pas de problème à se trouver un emploi ailleurs. Nous jouissons d'une solide réputation.
Ce dont nous essayons de vous convaincre le plus sérieusement possible, c'est qu'il existe un écart. Je vous l'explique d'une autre façon. Les crédits du FDMC sont illustrés dans ce graphique. L'augmentation dans les traits, c'est l'augmentation du capital de financement obtenu grâce aux investissements des REER des Canadiens au cours des dernières années. Cela représente une somme énorme. D'où tire-t-on ces investissements? De la recherche fondamentale effectuée il y a 20 ou 25 ans. Ce qui nous préoccupe, et ce que l'on essaie désespérément de vous faire clairement comprendre, c'est que nous devons continuer d'amorcer la pompe.
Je n'oserais pas m'aventurer à deviner quoi que ce soit, mais je dirais que si nous n'agissons pas immédiatement pour redresser la situation dans le domaine de la recherche sur la santé, nous ne serons pas en mesure de dire, dans 10 ans d'ici, que la recherche scientifique que nous faisons jouit d'un certain respect au pays. Comme je l'ai dit il y a un instant, il y a un prix à payer pour avoir une place sur la scène internationale. Si nous voulons former les meilleurs étudiants au pays et attirer les meilleurs scientifiques et cliniciens dans nos hôpitaux et nos centres d'enseignement, nous devons leur fournir un milieu qui leur permettra de faire le travail pour lequel ils ont été formés.
C'est là une notion difficile parce que nous ne parlons pas de quelque chose qui se réalisera dans trois ou quatre ans, mais de quelque chose qui mettra plus de temps à se concrétiser. C'est la raison pour laquelle je suis si inquiet de cet écart entre ce que nous faisons et ce que nous avons fait au cours des quelques dernières années. Mais je pense que notre situation financière nous permet maintenant d'aller de l'avant.
Je félicite le gouvernement pour avoir mis de l'ordre dans les finances du pays. Vous devez faire la même chose avec vos propres finances et nous aussi. Cela est absolument essentiel. Cependant, je crois que nous sommes maintenant prêts à remplir certaines des brèches qui se dessinent.
Mme Karen Redman: Vous avez énoncé votre position de façon très éloquente, et il ne fait aucun doute que nous avons saisi ce que vous voulez dire. Du moins, c'est mon cas.
Ma question est la suivante: lorsqu'on parle des grandes sociétés pharmaceutiques multinationales ou des conglomérats qui sont à la recherche d'endroits où investir, est-ce que le fait que les finances du Canada soient en meilleure situation constitue un atout que ces entreprises prennent en considération avant d'investir au Canada ou ailleurs?
Dr Barry McLennan: Oui, du moins en ce qui a trait au maintien de conditions favorables à la recherche. Voici comment le lien est établi: aucune entreprise n'investira dans une région où il y a de l'incertitude. Aucune ne va y investir si elle pense qu'on n'y trouve pas le calibre de personnes nécessaires pour faire le travail. Si nous n'avons pas l'équipement ou les laboratoires à la fine pointe de la science qui leur permettront de faire une recherche d'avant-garde, les entreprises n'investiront pas.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Merci, madame Redman.
Merci, docteurs McLennan et Gauthier, merci à vous aussi, monsieur Kyle. Au nom du comité, je tiens à vous remercier de votre participation. Vous nous avez donné des renseignements utiles et avez fait ressortir clairement les défis qui attendent votre organisation. Non seulement vous avez décrit les défis, mais vous nous avez également fourni certains moyens de les relever. Ce sont là des renseignements qui seront très utiles au moment où nous nous apprêtons à rédiger le rapport et à faire nos recommandations à l'intention du ministre des Finances.
Au nom du comité, encore une fois merci beaucoup.
La séance est levée.