FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 28 octobre 1997
Le président (Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte.
Je souhaite tout d'abord la bienvenue devant notre comité au ministre des Finances et au ministre du Développement des ressources humaines ainsi qu'aux fonctionnaires qui les accompagnent.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour entreprendre l'étude du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.
Messieurs les ministres, vous disposez d'une dizaine ou d'une quinzaine de minutes pour faire vos déclarations, ou même de 20 minutes si vous en avez besoin. Nous passerons ensuite aux questions. Soyez les bienvenus.
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Merci, monsieur le président. Il n'y a pas très longtemps que j'ai déjà rencontré nombre d'entre vous. Il serait peut-être bon que je commence par vous féliciter, monsieur le président, ainsi d'ailleurs que tous les membres du comité, tous partis confondus, pour ce qui est des consultations que vous avez entreprises sur d'autres sujets.
Je tiens aussi à vous dire que, contrairement à ce qui s'est passé la dernière fois, j'ai le plaisir aujourd'hui d'avoir à mes côtés mon collègue le ministre du Développement des ressources humaines.
[Français]
Monsieur le président, je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte de m'adresser aux membres du Comité permanent des finances au sujet du projet de loi C-2.
Des changements seront apportés au Régime de pensions du Canada.
[Traduction]
L'institution du Régime de pensions du Canada, il y a environ 30 ans, a été l'une des initiatives les plus importantes jamais prises dans ce pays sur le plan social. Pendant plus de trois décennies, le RPC a joué un rôle clé dans les plans de retraite de tous les travailleurs canadiens. Il a également répondu aux besoins de certains des membres les plus vulnérables de notre société—les personnes handicapées, les veuves et les orphelins.
Cela dit, le Régime de pensions du Canada, qui a tant fait pour tellement de gens, est aujourd'hui soumis à des pressions croissantes—des pressions qui exigent que des mesures soient prises immédiatement, avant qu'il ne soit trop tard.
• 1840
L'accord conclu entre le gouvernement fédéral et les
provinces, en février dernier, ouvre la voie à ces mesures. Le
gouvernement fédéral et huit provinces étaient déterminés à prendre
leurs responsabilités en agissant alors que les problèmes du RPC
étaient encore gérables.
Les changements que nous proposons s'attaquent de façon équitable et directe aux problèmes du RPC. Voici quelques mots d'explication.
Comme vous le savez tous, la population du Canada vieillit rapidement. On dénombre à l'heure actuelle environ 3,7 millions d'aînés au Canada. Cependant, l'explosion des naissances de l'après-guerre se répercutera sur le nombre des aînés à partir de l'an 2011 environ. En 2030, les aînés seront environ 8,8 millions au Canada. Comme l'explosion de l'après-guerre a été suivie par une période de dénatalité, ces aînés représenteront une proportion plus importante que jamais de la population totale.
En 1966, lorsque le RPC a été instauré, il y avait environ huit Canadiens en âge de travailler par aîné. Aujourd'hui, en 1997, on compte environ cinq personnes en âge de travailler par aîné, et en 2030, il n'y aura plus que trois Canadiens en âge de travailler par aîné.
[Français]
Non seulement notre population vieillit, mais les Canadiens et les Canadiennes vivent plus longtemps. Grâce au relèvement du niveau de vie et aux progrès de la médecine, l'espérance de vie a été prolongée en quelques décennies seulement.
[Traduction]
Cela signifie que les Canadiennes et les Canadiens recevront des pensions du RPC pendant 20 ans en moyenne, comparativement à 15 ans lorsque le régime a été institué. En raison de ces nouvelles réalités, le RPC n'est plus viable dans sa forme actuelle. Il ne peut relever les défis qui l'attendent.
Nous devons agir dès maintenant, sous peine d'imposer un fardeau écrasant—et injuste—à des millions de Canadiennes et Canadiens à l'avenir. Un fardeau qu'ils pourraient ne pas vouloir et ne pas pouvoir supporter.
Ainsi, l'actuaire en chef du RPC a montré que, si nous ne faisions rien, les taux de cotisation devraient passer de moins de six pour cent, leur niveau actuel, à plus de 14 p. 100 pour couvrir la très forte hausse des coûts. Il s'agit d'une augmentation de plus de 140 p. 100 pour les générations futures.
Ce projet de loi reflète un consensus en faveur du changement et un engagement collectif de maintenir le Régime de pensions du Canada afin qu'il réponde aux besoins des travailleurs canadiens d'aujourd'hui et à ceux de nos enfants—tout en restant abordable.
[Français]
Je tiens à souligner à tous les membres du comité que les changements proposés n'ont pas été élaborés en vase clos par les gouvernement fédéral et provinciaux. Ils sont le résultat de vastes consultations publiques amorcées au cours de notre dernier mandat. Nous avons toujours cru que ce dossier très important devait faire l'objet d'un vaste débat public et nous avons favorisé la tenue d'un tel débat.
C'est pourquoi, de concert avec les provinces, nous avons tenu des audiences au sujet du RPC dans chaque province et territoire. Lors de ces consultations, des actuaires, des assureurs, des représentants d'organismes de planification sociale, des aînés, des jeunes, des personnes handicapées et bon nombre de Canadiens et Canadiennes que l'avenir du RPC intéresse nous ont fait part de leurs points de vue.
[Traduction]
En un mot, nous avons tenu des consultations très larges et approfondies auprès des Canadiennes et Canadiens des quatre coins du pays pour connaître leur avis sur l'avenir du Régime de pensions du Canada, sur les défis qui se posent et sur la nécessité d'un changement. Le message le plus clair qui nous a été transmis est que les Canadiennes et Canadiens veulent qu'on maintienne le Régime de pensions du Canada, qu'ils en ont besoin et qu'ils comptent sur lui. Ils nous ont dit qu'ils voulaient qu'on règle maintenant, et pour de bon, les problèmes du RPC—et non qu'on l'abandonne à la dérive, qu'on le privatise ou qu'on le mette à la poubelle, comme certains l'ont suggéré. Ils nous ont dit de régler les problèmes du RPC sans pour autant transmettre un fardeau insupportable aux jeunes générations.
Un rapport complet sur les consultations a été publié l'an dernier. Le consensus a été très clair parmi les Canadiennes et Canadiens: ils voulaient que nous préservions le RPC en renforçant son financement, en améliorant sa politique de placement et en freinant la hausse du coût des prestations.
• 1845
Pour renforcer le financement du régime, les provinces et
notre gouvernement proposent d'accélérer la hausse des taux de
cotisation au cours des six prochaines années, pour atteindre
9,9 p. 100 des gains cotisables. Ce taux serait partagé à égalité
entre les employeurs et les employés. Il importe de noter que ce
taux de 9,9 p. 100 devrait être suffisant pour assurer la viabilité
future du RPC, sans qu'il soit nécessaire d'augmenter de nouveau
les taux.
Toutefois, il ne faut pas se leurrer, un taux de 9,9 p. 100 représente un coût bien réel pour les travailleurs canadiens et pour leurs employeurs. Mais nous devons tout simplement commencer à payer nos propres prestations, et ce, le plus vite possible. N'oublions pas que, d'après la loi en vigueur, il est déjà prévu que les taux de cotisation du RPC dépasseront facilement les 9,9 p. 100. En fait, on prévoit qu'ils atteindront 10,1 p. 100 en 2016. Le taux de régime permanent de 9,9 p. 100 permettra à chaque cotisant de financer ses propres prestations, plus une part uniforme et équitable du fardeau représenté par le passif non capitalisé qui s'est accumulé dans le régime au fil des années parce que nous n'avons pas payé notre part. C'est la manière la plus équitable d'honorer nos obligations actuelles. Le coût des pensions sera réparti de manière égale et équitable entre les générations.
Cette capitalisation supérieure se traduira par une croissance importante des fonds du RPC. C'est pourquoi nous proposons une nouvelle politique de placement afin d'améliorer la manière dont les fonds du RPC sont investis et d'obtenir le meilleur rendement possible, dans l'intérêt de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens qui cotisent au régime. Chaque dollar gagné sur les placements est un dollar de moins à payer par les travailleurs canadiens et par leurs employeurs. Les Canadiennes et Canadiens méritent le meilleur taux de rendement possible, tout en sachant que la sécurité de leurs prestations est parfaitement assurée.
Le projet de loi C-2 propose que les fonds du RPC soient placés de façon prudente, par des professionnels, dans un portefeuille diversifié de titres. Nous veillerons avec le plus grand soin à ce que la politique n'influence pas les décisions de placement. L'Office d'investissement sera vraiment indépendant des gouvernements.
Nous combinons ces importants changements du financement du régime et de la politique de placement à quelques modestes modifications des prestations. Lors des consultations que nous avons tenues dans tout le pays, les Canadiennes et Canadiens nous ont dit de ne pas trop toucher aux prestations. Ils sont conscients de la nécessité d'apporter des rajustements, mais ils ne veulent pas, pour la plupart, de changements en profondeur.
[Français]
Pour illustrer la faible ampleur des modifications des prestations, l'actuaire en chef souligne dans son rapport que les trois quarts de l'effort nécessaire pour maintenir les taux de cotisation à des niveaux abordables porteront sur l'adoption de nouvelles politiques de financement et de placement et le quart seulement sur des modifications des prestations et de leur administration.
[Traduction]
Enfin, les Canadiennes et Canadiens nous ont demandé de les traiter comme de véritables participants à un régime de pensions, et c'est ce que nous voulons faire. L'administration du Régime de pensions du Canada sera améliorée et la reddition de comptes sera renforcée.
L'examen fédéral-provincial du RPC dont résulte le projet de loi C-2 avait un objectif primordial: éviter que le RPC ne s'écroule sous les pressions qu'il subira lorsque la génération de l'après-guerre prendra sa retraite. Le prochain examen fédéral-provincial permettra d'étudier quelques idées qui visent à adapter la structure du RPC à l'évolution des réalités.
Par exemple, nous nous pencherons sur les prestations de survivant afin de nous assurer qu'elles restent conformes aux nouvelles réalités et aux besoins des familles d'aujourd'hui. Nous envisagerons le partage obligatoire des droits de pension entre les conjoints durant le mariage. Nous examinerons toute la question du passage de la vie active à la retraite, y compris la possibilité de verser une pension partielle aux Canadiennes et aux Canadiens qui veulent prendre leur retraite de façon graduelle. Nous étudierons aussi la question des gens qui reçoivent un revenu de retraite en même temps que des prestations d'assurance-emploi. Je tiens cependant à souligner qu'aucun changement ne sera pris en considération s'il a pour effet de porter le taux de régime permanent au-dessus de 9,9 p. 100. Nous sommes déterminés à ce que le Régime de pensions du Canada ne soit plus jamais compromis.
Je voudrais maintenant évoquer rapidement deux opinions minoritaires qui ont été exprimées lors des consultations. Selon la première opinion, le RPC n'est pas en danger, et il est inutile de lui apporter des changements fondamentaux. Les craintes seraient fondées sur des mythes et sur des conceptions erronées. D'après la seconde opinion, le RPC souffre de lacunes tellement fondamentales qu'il faudrait le remplacer par un système de REER obligatoires. Monsieur le président, laissez-moi faire une mise au point sur ces deux opinions.
• 1850
Ceux qui prétendent que le RPC est en parfaite santé vivent
certainement dans un autre monde. J'ai rencontré les ministres des
Finances du monde entier et je puis vous affirmer que le défi que
pose le maintien des régimes publics de pensions, dans les pays où
la population est vieillissante, est un phénomène planétaire qui
suscite de profondes préoccupations.
La solution de facilité, pour un gouvernement, consiste à faire l'autruche et à prétendre que tout va bien. D'ailleurs, c'est ce que les gouvernements ont fait au Canada depuis 10 ans. Ils n'ont pas voulu voir les signaux d'alarme relatifs au RPC, préférant laisser à d'autres le soin de faire face aux problèmes.
La solution la plus équitable—et la seule qui soit responsable—est de s'assurer que les gens comme vous, et comme les «baby-boomers» qui sont ici présents, commencent à payer une plus grande partie de leur pension pendant qu'ils sont encore sur le marché du travail, de manière à ne pas refiler à nos enfants une facture absolument écrasante.
Nous trouvons à l'autre extrême de l'éventail des opinions des personnes qui affirment que le RPC est trop malade pour pouvoir être guéri et qu'il faudrait recourir à des REER obligatoires, qui coûteraient moins cher et fourniraient de meilleures pensions que le RPC.
Tout d'abord, je tiens à souligner que les REER constituent un élément essentiel et très important de notre régime de revenu de retraite. Les Canadiennes et les Canadiens qui planifient leur retraite dépendent tout à la fois du RPC et du revenu placé dans leurs REER. Comme je l'ai mentionné dans La Mise à jour économique et financière, l'aide fiscale consentie aux Canadiens qui placent leurs épargnes dans des REER et des RPA pour assurer leur retraite sera améliorée aussi rapidement que la situation le permettra.
Toutefois, les Canadiennes et Canadiens nous ont clairement affirmé, d'un océan à l'autre, lors des consultations publiques, qu'ils ne voulaient pas que la totalité de leur pension de retraite dépende des fluctuations des marchés boursiers. Il suffit de voir l'insécurité et la volatilité des marchés que nous avons pu constater hier pour comprendre les conséquences que cela pourrait avoir.
Les Canadiennes et Canadiens tiennent à la sécurité que leur assure le RPC à titre de régime public, garanti par le gouvernement. Ils veulent que le RPC soit amélioré, et non mis à la poubelle.
En plus de la sécurité qu'offre le RPC, est-il vrai que des REER obligatoires pourraient fournir des prestations équivalentes ou meilleures, tout en revenant moins cher que le RPC? Telle est la question que j'ai posée de manière très précise à mes fonctionnaires, et j'aimerais que vous preniez connaissance de leur analyse. Vous la trouverez dans cette note de service qui sera distribuée, je pense, à tous les membres du comité.
Permettez-moi de résumer leurs conclusions. Premièrement, grâce à la nouvelle politique de placement des fonds du RPC, celui-ci obtiendra un rendement aussi avantageux qu'on peut l'espérer en plaçant soi-même son épargne; cependant, le gouvernement canadien garantit les prestations déterminées promises par le RPC. Deuxièmement, les coûts d'administration du RPC, tout comme les dépenses entraînées par le placement des fonds, sont beaucoup plus faibles que les coûts liés à des millions de régimes individuels. Troisièmement, le RPC protège les familles lorsque le soutien de famille devient invalide ou décède, tout comme il protège les pensions des parents qui se retirent du marché du travail pour s'occuper de leurs jeunes enfants. Cela, les REER ne peuvent pas l'offrir.
Par conséquent, comment les critiques du RPC peuvent-ils prétendre que des régimes d'épargne-retraite obligatoires seraient plus avantageux? La seule conclusion possible, c'est que ces critiques refusent de tenir compte du coût bien réel des engagements déjà pris en vertu du RPC—des engagements que nous avons non seulement envers les aînés d'aujourd'hui, mais aussi envers tous ceux et celles qui cotisent depuis des années au RPC et qui comptent bien sur leur pension quand viendra l'âge de la retraite.
Ceux qui préconisent des REER obligatoires veulent-ils répudier ces engagements? Sinon, ils ont la charge de nous expliquer très clairement qui va payer les 600 milliards de dollars, ou presque, qui sont en jeu. Vont-ils augmenter les impôts et les taxes? Et de combien?
Il ne suffit pas d'évoquer en termes vagues des «obligations de reconnaissance». Aucun tour de passe-passe ne peut faire disparaître ces 600 milliards de dollars.
[Français]
Pour conclure, comme tous les membres du comité peuvent s'en rendre compte, le RPC revêt une importance directe et personnelle pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens. Ils veulent pouvoir compter sur le régime lorsqu'ils en auront besoin. C'est une question de sécurité personnelle.
Nous avons le devoir de nous assurer que, aujourd'hui comme demain, le Régime de pensions du Canada continue de fournir aux Canadiennes et aux Canadiens une base solide et sûre pour bâtir leurs plans de retraite, à un coût abordable. Le projet de loi C-2 est le fruit d'un accord historique avec les provinces, qui nous permet de nous acquitter de ce devoir. Il mérite notre appui.
Sur ces mots, monsieur le président, je vais passer le microphone à mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines.
Le président: Monsieur le ministre.
[Français]
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le président, chers collègues, je vous remercie beaucoup de votre invitation à participer à cette rencontre du prestigieux Comité permanent des finances. C'est ma première visite ici et je suis bien honoré qu'elle se fasse en présence de mon honoré collègue, le ministre des Finances lui-même.
[Traduction]
Merci de m'offrir cette occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
Comme vous le savez, le ministre du Développement des ressources humaines et le ministre des Finances ne voient pas les choses de la même façon sur tous les points. Mais quand il s'agit de maintenir le Régime de pensions du Canada, nos vues concordent. En agissant maintenant pour préserver et soutenir le Régime de pensions du Canada, en prenant dès aujourd'hui des mesures prudentes et progressives, nous en assurerons le maintien pour les générations futures. Me voilà donc ici aujourd'hui, avec mon collègue des Finances, pour présenter ce qui nous semble être le train de mesures qui s'impose pour assurer la viabilité et l'équité du Régime de pensions du Canada.
Les changements proposés dans le projet de loi sont essentiels et opportuns. Le RPC est un élément fondamental du système canadien de revenu de retraite. Par surcroît, en continuant de répondre aux besoins des personnes handicapées qui cotisent au régime et à ceux des survivants des cotisants décédés, nous atteignons des objectifs sociaux plus généraux en matière de remplacement du revenu.
Pour mesurer toute l'importance du Régime de pensions du Canada, nous devons tenir compte de son rôle dans le contexte plus général du filet de sécurité sociale canadien. Le RPC est un des piliers de notre système de pensions public, qui est lui-même un pilier du tout que forment les programmes sociaux et les mécanismes de soutien qui ont été établis au Canada au fil des ans.
Les Canadiens ont bâti une société qui encourage et récompense la responsabilité et l'initiative personnelles, et ils acceptent en même temps une part de responsabilité sociale envers leurs concitoyens. Ils ont le sens de la solidarité et s'en font un devoir.
[Français]
Le filet de sécurité sociale canadien est un amalgame complexe de programmes dont peuvent bénéficier des citoyens et citoyennes de tous les âges. Ces programmes sont une expression concrète des valeurs que nous partageons. Ils témoignent de la volonté des gouvernements de travailler ensemble et ils attestent de l'importance des investissements sociaux dans l'édification d'une économie vigoureuse.
Par exemple, nous avons mis sur pied des programmes visant à répondre aux besoins particuliers des enfants canadiens et de leurs familles. La Prestation nationale pour enfants, dont la création a été annoncée récemment, constitue un élément majeur de la lutte que mène le gouvernement du Canada contre la pauvreté infantile. Elle montre comment des gouvernements de toutes les allégeances politiques et de toutes les régions du pays peuvent se rallier autour d'une priorité nationale.
Ces mêmes principes de coopération et de partenariat s'appliquent aux changements qu'il est proposé d'apporter au Régime de pensions du Canada que vous êtes appelés à examiner aujourd'hui. Ces changements montrent comment les gouvernements ont travaillé ensemble pour préserver la viabilité d'un programme social essentiel et ce, dans l'intérêt des générations futures.
[Traduction]
Permettez-moi de vous rappeler, au moment où vous entreprenez l'examen de ce projet de loi, pourquoi le Régime de pensions du Canada a été créé il y a 30 ans. Beaucoup de gens âgés qui avaient vécu la dépression des années 30 et combattu pour la défense de nos libertés pendant la Seconde Guerre mondiale n'étaient pas parvenus à économiser suffisamment pour leur retraite. Les régimes d'assurance privés étaient souvent coûteux et inaccessibles aux gens qui avaient des antécédents médicaux. À cette époque donc, les personnes âgées avaient de bonnes raisons de craindre une baisse importante de leurs revenus au moment de la retraite. On a donc créé le Régime de pensions du Canada pour procurer une sécurité et assurer un revenu de retraite aux travailleurs et à leurs familles.
• 1900
Les Canadiens se fient au RPC et à la sécurité qu'il fournit.
Le régime canadien est digne de leur confiance. Quelque 2,4
millions de Canadiens touchent présentement des pensions de
retraite du régime, et 825 000 personnes touchent une pension du
Régime de rentes du Québec. Quelque 790 000 personnes touchent une
prestation de survivant de leur Régime de pensions du Canada,
tandis que 277 000 Québécois touchent une prestation de survivant
de leur régime provincial. Quelque 340 000 Canadiens handicapés
touchent des prestations dans le cadre du RPC ou du RRQ.
En 1997-1998, le Régime de pensions du Canada va verser environ 17,5 milliards de dollars aux Canadiens et Canadiennes, tandis que le Régime de rentes du Québec, lui, versera 5,4 milliards de dollars. De toute évidence, c'est une réalisation dont tous les Canadiens et Canadiennes peuvent être fiers. Toutefois, notre gouvernement ne veut pas s'endormir sur ses lauriers.
Au cours des dernières années, certaines tendances sociales, économiques et démographiques ont émergé et mettent en péril la durabilité du régime. La population du Canada vieillit rapidement. Les Canadiens vivent plus longtemps. Le taux des naissances est plus bas que lors de la création du Régime de pensions du Canada, ce qui signifie que le ratio travailleurs-bénéficiaires est à la baisse.
La croissance économique au cours des dernières années n'a pas été aussi robuste que dans les années 60 et au début des années 70. Parallèlement, les taux de rendement réels des investissements sont aujourd'hui plus élevés. Il est logique d'utiliser les revenus d'investissement additionnels pour ralentir la croissance du taux de contribution.
Par conséquent, nous reconnaissons tous que des changements doivent être apportés au Régime de pensions du Canada. Nous devons nous assurer qu'il peut continuer de répondre à ses objectifs originaux.
[Français]
Pour ce faire, le gouvernement du Canada a travaillé en collaboration avec les provinces et les territoires, avec les Canadiens et les Canadiennes.
Au cours de consultations exhaustives menées partout au pays, les Canadiens ont clairement exprimé leur opinion. Ils veulent que nous réparions le Régime de pensions du Canada et non qu'on l'élimine.
Les changements compris dans le projet de loi touchent les principaux éléments du Régime, mais conservent toutes ses constituantes essentielles.
En effet, comme vous le constaterez en examinant le projet de loi, plusieurs éléments demeurent inchangés. Par exemple, aucun citoyen âgé de 65 ans ou plus le 31 décembre 1997 n'est touché par les changements proposés aux futures pensions de retraite.
Ni les pensions de retraite du Régime de pensions du Canada, ni les prestations d'invalidité, ni les prestations de survivants, ni les prestations combinées en vigueur au 31 décembre 1997 ne seront touchées. L'âge de la retraite pour les prestations de pension anticipée, normales ou reportées, demeure inchangé. Toutes les prestations prévues par le Régime de pensions du Canada, sauf la prestation de décès, vont demeurer entièrement indexées par rapport à l'inflation.
Les ministres fédéral et provinciaux des Finances ont convenu de deux caractéristiques essentielles d'une nouvelle stratégie de financement. Ils ont décidé d'une approche d'investissement qui sert mieux les besoins futurs du régime et ils ont convenu d'un taux de versement qui accélère les contributions à court terme, mais qui nous permet de nous assurer que le taux va demeurer relativement fixe à plus long terme.
[Traduction]
En tant que ministre du Développement des ressources humaines, j'estime que l'importance de ces changements se trouve au niveau des prestations. Un fonds en meilleure santé signifie que des millions de Canadiens et de Canadiennes pourront recevoir les prestations dont ils auront besoin dans l'avenir. La modernisation du Régime de pensions du Canada entraîne des coûts, mais nous croyons qu'il s'agit d'un ensemble raisonnable et équilibré de mesures qui vont rétablir la confiance des Canadiens vis-à-vis du régime.
Les changements proposés dans le projet de loi garantiront aux Canadiens et aux Canadiennes qu'ils peuvent miser sur cette importante partie du système de pensions du Canada, aujourd'hui et dans l'avenir. Les cotisants à la retraite vont continuer de recevoir leurs prestations actuelles. Les jeunes Canadiens n'auront pas à subir, dans l'avenir, d'importantes hausses du taux de cotisation, ce qui aurait été le cas si nous n'avions pas agi aujourd'hui. Les prestataires handicapés vont continuer de recevoir leurs prestations et pourront participer à des programmes de réadaptation professionnelle dont l'objectif est de les aider à réintégrer le marché du travail. Les épouses et les enfants des cotisants décédés vont recevoir les prestations dont ils ont besoin pour subvenir à leurs besoins et poursuivre leurs études.
• 1905
Le RPC est en quelque sorte un témoignage des valeurs communes
qui sont au coeur même de notre pays, c'est-à-dire la compassion,
la responsabilité mutuelle, l'équité et les soins apportés aux
membres les plus vulnérables de notre société. Le régime représente
aussi une assise fondamentale sur laquelle tous les travailleurs
peuvent compter, quand vient le temps de planifier une retraite
dans la sécurité.
En conclusion, j'aimerais vous remercier de m'avoir offert cette occasion de prendre la parole. J'attends avec plaisir vos questions et commentaires.
Le président: Merci, messieurs les ministres.
Nous allons maintenant passer aux questions. Chacun des partis d'opposition disposera de sept minutes, et ceci, à la fois pour les questions et les réponses. Je n'aime pas couper la parole aux gens et je vous prie donc de respecter le temps qui vous est imparti. Monsieur Manning.
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Je tiens à vous remercier, monsieur le président, de nous donner l'occasion de nous réunir à nouveau, et je remercie les ministres de leur exposé.
Laissez-moi vous dire pour commencer que je souhaite, ainsi que mes collègues, avoir la possibilité de vous présenter très bientôt un projet de réforme des pensions autre que celui que viennent d'exposer les ministres. Cette solution de rechange, sur laquelle nous aimerions que le comité se penche, s'appuie sur quatre piliers et non pas sur trois: la prestation pour personnes âgées, qui s'adresse aux catégories à faible revenu; un RPC réduit, plus spécialisé, et non pas un RPC démembré; un programme de REER élargi; enfin, des allégements fiscaux pour les personnes âgées. Nous soutenons que les quatre piliers de notre régime permettront de dégager un meilleur revenu de retraite par dollar investi que le régime à trois piliers proposé par le gouvernement.
Je fais remarquer aux ministres que la description sommaire qui est faite dans ce document de la solution prétendument préconisée par le Parti réformiste est complètement erronée. Je dois vous avouer franchement que les deux dernières pages de ce document ne sont pas à l'honneur du ministère des Finances et qu'elles sont une insulte pour l'intelligence des membres de votre comité. Vous êtes en droit d'exiger mieux.
Pour ce qui est des questions, j'ai quatre grandes questions à poser. Elles s'adressent avant tout au ministre des Finances, mais je pense que les deux ministres pourront y répondre. Je veux les poser dès maintenant. Ce sont des questions qui vont longuement occuper le comité au cours des deux prochains mois, mais le ministre pourra au moins donner quelques éléments de réponse dès maintenant.
Il y a tout d'abord la question de l'équité. Nous relevons que l'actuaire en chef a calculé qu'une personne née en 1911 bénéficie d'un rendement annuel moyen de 22,5 p. 100 sur ses cotisations au RPC. Une personne née en 1988 ne bénéficiera que d'un rendement réel de 1,9 p. 100. Ce pourcentage diminue encore pour tomber à 1,8 p. 100 pour tout enfant né après cette date.
Notre première question porte donc sur l'équité entre les générations. Comment le ministre peut-il défendre ce manque d'équité entre les générations? Il n'est pas étonnant que face à cette réforme du RPC, le premier réflexe des jeunes est de se demander comment ils vont faire pour qu'on ne les oblige pas à participer.
La deuxième question est celle du rendement qui renvoie, bien entendu, aux placements. Le ministre a promis que le RPC allait procurer un rendement réel de 3,8 p. 100 par an, ce qui est mauvais. Dans son rapport de septembre, l'actuaire en chef indique que le meilleur rendement obtenu dans un régime gouvernemental—je pense qu'il se réfère plus particulièrement au régime du Québec—a été de quatre pour cent, mais il ajoute que le rendement réel moyen obtenu au cours de la même période dans les régimes privés est de cinq pour cent. Lorsque les intérêts sont composés sur une période de 20 ou de 30 ans sur une masse d'argent de 100 milliards de dollars ou davantage, la différence entre un rendement de quatre pour cent et un rendement de cinq pour cent représente des pertes potentielles pouvant se monter à 80 ou à 90 milliards de dollars en revenus de placement. Ma deuxième question est donc la suivante: le ministre peut-il justifier le faible rendement que procure le régime aux cotisants?
La troisième question porte sur les emplois. Pour financer la réforme du RPC, telle que la propose le ministre, il faut au minimum augmenter de 73 p. 100 les impôts sur la masse salariale. Nous pensons qu'au bout du compte ce sera encore plus, parce que tous les ministres des Finances qui ont promis «que telle ou telle somme réglera le problème» se sont trompés par le passé. Le ministère lui-même déclare que les impôts sur la masse salariale tuent l'emploi. La troisième question que nous poserons donc au ministre—et nous la lui avons déjà posée dans la Chambre, mais nous la répétons ici—consiste à lui demander s'il ne serait pas justifié de faire tourner à l'intention du comité les ordinateurs du ministère des Finances pour qu'il sache quelles sont les implications au niveau de l'emploi de cette augmentation d'impôt de 73 p. 100. J'estime que votre comité devrait insister pour obtenir les simulations sur ordinateur des implications de ce projet en matière d'emploi.
• 1910
La quatrième question porte sur les solutions de rechange. Le
ministre s'efforce pour l'essentiel de perpétuer, avec quelques
modifications mineures, une solution vieille de 30 ans en ce qui a
trait à l'administration des régimes de pensions du gouvernement.
Le ministre sait qu'il y a désormais des idées nouvelles sur la
question. Au Canada, les nouvelles idées présentées par l'Institut
C.D. Howe en matière de réforme des pensions sont plus novatrices
que tout ce que nous a présenté le ministère des Finances, et C.D.
Howe était un bon libéral. Il doit se retourner dans sa tombe en
voyant ce que propose le ministre. De nouvelles propositions sont
faites aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Chili, à Singapour.
Ma dernière question est la suivante: quelles solutions de rechange a examiné le ministre? Il n'a certainement pas pu se pencher uniquement sur ce qui figure dans la dernière page de son exposé. Pourrait-il présenter au comité les solutions qui sont envisagées dans d'autres pays afin qu'on puisse voir dans quelle mesure elles s'appliquent au Canada?
Ce sont là mes quatre grandes questions: la question de l'équité, la question du rendement, la question des emplois et la question des solutions de rechange. Si votre comité peut répondre à ces questions, je pense qu'il en sortira un meilleur régime des pensions, meilleur que celui qu'ont présenté les ministres.
Le président: Merci, monsieur Manning.
Messieurs les ministres.
L'hon. Paul Martin: Je pense pouvoir répondre assez rapidement à ces questions.
Tout d'abord, sur la question de l'équité, c'est précisément la raison pour laquelle nous intervenons. En raison de la conception du régime à l'origine et parce qu'à l'époque où il a été établi il y avait huit travailleurs pour un retraité et que nous en sommes maintenant entre cinq et trois pour un, il nous fallait agir et nous allons donc effectivement remédier à cette question du manque d'équité entre les générations.
Ce que propose l'honorable député, c'est que nous réduisions les pensions actuelles des personnes âgées, ce qui est implicite dans sa déclaration, et nous ne sommes pas prêts à le faire.
M. Preston Manning: Non, ce n'est pas cela.
L'hon. Paul Martin: Ces gens ne sont pas en mesure de réajuster leur mode de vie, mais notre génération peut certainement le faire.
Nous ne voulons justement pas répéter les erreurs des gouvernements précédents. Nous allons faire en sorte que ma génération paie sa juste part pour que nos enfants et nos petits-enfants n'aient effectivement pas à payer davantage. C'est précisément la raison pour laquelle nous intervenons, pour des raisons d'équité entre générations.
Pour ce qui est du rendement, le taux de 3,8 p. 100 est peut-être prudent. Cet argent va être investi sur le marché par des professionnels. S'ils réussissent à obtenir un meilleur rendement, ce que nous espérons évidemment—ils sont certainement en mesure d'obtenir un aussi bon rendement que n'importe qui—les rendements seront alors effectivement supérieurs et, bien évidemment, le régime en bénéficiera, ce qui se traduira par une augmentation des prestations ou encore par une diminution des cotisations. L'important, c'est d'éviter en la matière de voir tout en rose. Les gouvernements ont fait des erreurs par le passé, et je crois qu'il est bien préférable d'être prudent, même si j'ai été parfois accusé d'être un peu trop prudent.
M. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Conservateur.
L'hon. Paul Martin: Oh non! Pas conservateur.
Je passe maintenant au troisième point, celui de l'augmentation des prix. Tout d'abord, je pense que le chef du Parti réformiste devrait se montrer un peu plus juste dans son exposé. Cet argent ne va pas dans les coffres du gouvernement; il est placé dans une caisse de retraite autonome et il sera investi séparément. Il ne s'agit pas d'impôts. C'est un investissement en prévision de la retraite.
Le fait est qu'une partie de ces cotisations vont servir à apurer un passif.
Le Parti réformiste oublie de nous dire ce qu'il ferait de ce passif de 600 milliards de dollars, ce qui nous amène à l'une des deux conclusions suivantes: soit le taux de 13 à 15 p. 100, qui va être selon nous appliqué dans le cadre de son régime, est exact, soit il va refuser de rembourser ce passif de 600 milliards de dollars. Il faut finalement que le Parti réformiste nous dise ce qu'il va faire.
Sur la dernière question, celle des solutions de rechange, effectivement nous avons examiné un certain nombre de solutions de rechange. Nous nous sommes penchés sur l'exemple chilien; nous avons examiné un certain nombre de choses, certaines propositions avancées par John Major, sous le gouvernement conservateur précédent. Nous avons examiné tout un éventail de solutions.
À ce propos, monsieur le président, puisque l'on cite l'Institut C.D. Howe, j'inviterais simplement le chef du Parti réformiste à prendre connaissance d'un article rédigé par William Robson à l'intention du British North American Committee, dont fait partie l'Institut C.D. Howe, dans lequel on traite des problèmes rencontrés par le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni. On y conclut pour l'essentiel que les méthodes que nous étudions et les idées que nous présentons représentent en fait la meilleure solution. Je regrette donc de devoir dire que cet exemple se retourne contre son auteur.
Enfin, je dois dire que si notre description du projet réformiste est erronée, bâclée et incompétente, c'est parce que c'est tout ce qu'il nous a présenté. Après deux années de débat à l'échelle du pays, alors que toutes les provinces sont venues à la table des négociations, qu'elles ont toutes exposé leurs idées, que le gouvernement fédéral a fait part des siennes, tout ce qu'il nous a montré à la Chambre des communes, ce sont des bribes de projets. On ne nous a pas présenté un véritable programme. Que le chef du Parti réformiste vienne nous dire maintenant que dans un avenir plus ou moins proche... Voilà deux ans que nous entendons cela.
Le président: Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): D'abord, je dois dire que c'est bon de voir ensemble les ministres des Finances et du Développement des ressources humaines. Ce serait un modèle à développer pour la détermination du montant du surplus de la caisse d'assurance-emploi. Ce serait intéressant de vous rencontrer à ce sujet-là.
Je pense que c'est un bon projet de loi. Je pense qu'il y a eu une consultation adéquate. On a tiré profit des expériences québécoises, entre autres sur la Caisse de dépôt et placement, et des recommandations du vérificateur général, qui disait que le programme québécois était moins laxiste que ne pouvait l'être le Régime de pensions du Canada dans le passé, notamment sur la question de l'invalidité.
Mais il m'apparaît qu'il est possible de l'améliorer. Vous parlez beaucoup du programme du filet social canadien. On parle beaucoup d'équité intergénérationnelle et de diminuer la pression sur l'emploi, un argument qui a été présenté par le Parti réformiste.
Je voudrais demander au ministre s'il serait prêt à appuyer un amendement que le Bloc québécois se prépare à déposer, amendement qui ferait que la hausse du taux de cotisation prévue par le gouvernement au Régime de pensions du Canada pour assurer la pérennité du Régime soit conditionnelle à une baisse du taux de cotisation à l'assurance-emploi. Cette baisse pourrait facilement atteindre 50 cents les 100 $ de salaire assurable pour les employés et 70 cents les 100 $ de masse salariale pour les employeurs.
Au cours des dernières années, on a créé un problème majeur. L'argument invoqué par le chef du Parti réformiste pourrait être contré par cette recommandation-là, parce qu'on enlèverait une pression significative par rapport à l'emploi. Donc, seriez-vous prêt à considérer un tel amendement afin qu'il y ait une baisse de l'ordre de ce que je viens de décrire, baisse qui enlèverait une pression importante pour les gens qui payent? Cela permettrait aux jeunes d'avoir un régime intéressant dans plusieurs années, mais les gens qui sont aujourd'hui âgés de 35 à 55 ans vont payer, et ils vont payer pour les autres aussi. N'y aurait-il pas moyen de leur donner un peu d'oxygène, d'autant plus qu'on a un surplus impressionnant à la caisse actuellement?
L'hon. Pierre S. Pettigrew: Je vais répondre à la première partie de votre question et mon collègue des Finances répondra à la deuxième partie.
Vous avez remarqué, en effet, que plusieurs des inspirations qui ont animé notre réforme étaient venues du gouvernement du Québec à certains égards, notamment dans la politique de l'investissement.
Il est vrai qu'il y a au Québec une riche tradition sociale, progressiste qui, très souvent, a été très utile au pays. Je me permettrai de dire que c'est la raison pour laquelle vendredi dernier, à la Chambre de commerce de Laval, j'invitais le gouvernement du Québec à participer au conseil ministériel où nous sommes en train de faire un travail formidable avec les gouvernements de partout au pays, pour que le reste de la fédération puisse profiter de la riche tradition québécoise, non seulement dans le dossier des pensions, mais également dans celui de la Prestation nationale pour enfants et les autres.
M. Paul Crête: J'aimerais ajouter, monsieur le ministre, que lorsqu'on nous laisse faire, on fait des bons coups.
L'hon. Pierre S. Pettigrew: Heureusement, le Québec est une société déjà très libre qui profite bien d'une souveraineté très large à l'intérieur du système canadien, que vous connaissez également.
Tout cela pour vous dire que je suis sensible au fait que vous ayez remarqué que nous savons nous inspirer des exemples quand ils sont bons.
L'hon. Paul Martin: En ce qui a trait à la question reliant les cotisations d'assurance-emploi et les cotisations au Régime de pensions du Canada, je puis vous dire que depuis qu'on a pris le pouvoir, les baisses des cotisations d'assurance-emploi couvrent, au moins pour les deux premières années, les augmentations préconisées ici. Donc, on est déjà là en partie.
Deuxièmement, comme il s'agit d'un programme conjoint fédéral-provincial et qu'il y a aussi des cotisations sur la masse salariale des provinces, les provinces pourraient aussi examiner leurs impositions sur la masse salariale.
Troisièmement, si on peut poursuivre l'assainissement des finances publiques, on envisagera peut-être des baisses d'impôt plus généralisées qui pourront compenser la hausse de ces cotisations.
M. Paul Crête: Monsieur le ministre, certains disent qu'on va un peu étrangler le pouvoir d'achat des citoyens canadiens avec cette situation-là. Donc, je reviens avec ma question. Ma suggestion ne serait-elle pas une bonne réponse à donner à ceux qui avancent cet argument et ne permettrait-elle pas d'insuffler de l'argent dans l'économie rapidement? On sait que la caisse d'assurance-emploi est une façon très efficace d'amasser de l'argent, mais cela peut aussi être une façon très efficace de remettre l'argent dans l'économie et dans les poches des gens qui gagnent 39 000 $ et moins. Tous les gens qui gagnent moins de 39 000 $ recevraient de l'argent. Ce serait une mesure égalitaire qui s'inscrirait dans l'esprit des modifications au Régime de pensions.
L'hon. Paul Martin: Il n'y a pas de doute que l'on veut procéder le plus vite possible à une baisse d'impôt. Il n'y a pas de doute non plus que nous allons baisser les cotisations d'assurance-emploi le plus vite possible. Mais il faut tenir compte de notre marge de manoeuvre. Il faut dire que la situation financière est beaucoup plus saine aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a quatre ans, mais quand même il faut être assez prudent. D'ailleurs, lorsqu'on a vu ce qui s'est passé hier et, en partie, aujourd'hui, je pense qu'on a raison d'être prudents.
Où devrait-on amorcer la baisse? Je pense que cela fait partie de la discussion. D'ailleurs, cela fait partie des consultations déjà commencées auprès du Comité permanent des finances.
[Traduction]
Le président: Nous allons maintenant passer au chef du Parti néo-démocrate, Mme McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.
Je relève que, dans son discours de présentation, le ministre des Finances a subdivisé en deux catégories les Canadiens qui répondent aux enquêtes menées au sujet du Régime de pensions du Canada: ceux qui déclarent que la situation est désespérée et qu'il n'y a plus rien à faire et ceux qui affirment que tout va bien et qu'il ne faut rien changer. Je tiens à bien préciser que j'appartiens à une troisième catégorie qui, à mon avis, représente la majorité des Canadiens: celle qui estime qu'il faut réformer le système, mais de manière équitable.
Je voudrais tout d'abord interroger le ministre au sujet de l'engagement pris à Beijing en 1995 par le Canada qui fait que tous les projets et tous les programmes du gouvernement doivent faire l'objet d'une analyse précise, détaillée et globale en fonction des sexes. Je sais que le ministre est bien conscient du fait que le projet de modification apporté au RPC que doit étudier le Parlement prévoit une réduction des prestations de survivant, dont les effets se font sentir surtout sur les femmes. Les critères d'admissibilité aux prestations pour les handicapés vont par ailleurs être durcis, ce qui va là aussi affecter principalement les femmes, parce que ce sont surtout elles qui s'occupent des prestataires. On impose une formule de cotisations qui pénalise avant tout les bas revenus et, là encore, ce sont les femmes qui se retrouvent surtout dans cette catégorie. Les femmes sont les plus nombreuses au sein de la population âgée et, bien entendu, elles doivent dépendre plus étroitement des pensions publiques que les hommes parce qu'elles ont moins gagné au cours de leur vie active et aussi parce qu'elles ont moins de possibilité d'accès aux pensions privées.
Je demande donc au ministre quelles sont les analyses précises d'impact en fonction des sexes qui ont effectivement été menées à bien et s'il s'engage aujourd'hui à déposer devant le comité celles qui ont été faites éventuellement?
L'hon. Paul Martin: Tout d'abord, il est indéniable que les femmes dépendent davantage que les hommes des régimes de pensions publics, parce que bien souvent leur revenu au cours de leur vie active a été malheureusement inférieur à celui des hommes. C'est précisément pour cette raison qu'il est très important pour la population canadienne, et surtout pour les femmes, qu'on protège le Régime de pensions du Canada plutôt que de le mettre au rancart.
Une analyse en fonction des sexes a été élaborée, et je me ferai un plaisir de la déposer devant le comité et d'en remettre une copie au chef du NPD.
Le président: Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom (Qu'Appelle, NPD): Monsieur Martin, toujours sur la question de la progressivité, nous estimons qu'il faut améliorer le régime. Il me semble que lors des négociations la Colombie-Britannique et la Saskatchewan vous ont fait savoir qu'elles s'inquiétaient du caractère régressif et non progressif des changements apportés. Vous avez affirmé être prudent et vous avez nié être conservateur. Vous êtes peut-être un «régressiste- conservateur», si Jean Charest me permet l'expression.
Je pense que vous avez apporté ici un certain nombre de modifications régressives. Ainsi, le minimum annuel de base, l'exemption de base annuelle, a été bloqué à 3 500 $. Ce sont les catégories à faible revenu qui en souffriront. Il n'y a pas eu d'augmentation immédiate du maximum des gains annuels ouvrant droit à pension, ce qui là encore permettrait de prendre davantage d'argent aux catégories à haut revenu, monsieur le ministre, et éventuellement de réduire quelque peu l'augmentation des taux pour les autres.
• 1925
Les travailleurs autonomes sont à nouveau doublement frappés.
Là encore, je pense que c'est très dur pour bien des travailleurs
autonomes, qui gagnent moins de 20 000 $ par an. Il y a aussi
l'immense majorité d'entre eux, dont les revenus sont inférieurs à
30 000 $ par an. Ils doivent payer à la fois la cotisation de
l'employeur et celle de l'employé. Leur cotisation va donc passer
de quelque 1 700 $ ou 1 800 $ par an à plus de 3 000 $. Il est donc
très difficile de garantir ainsi la progressivité de ce régime.
Enfin, les prestations de survivant vont être moins élevées et les prestations d'invalidité plus difficiles à obtenir.
Voilà quelles sont nos préoccupations du point de vue de la progressivité. Je ne veux pas dire ici, monsieur le ministre, qu'il faille que le RPC soit un régime de redistribution massive des revenus dans notre pays. Je dis simplement que tout changement apporté au régime par le gouvernement fédéral et par les provinces doit aller dans le sens d'une meilleure progressivité. Il est indéniable qu'il y a toute une couche de la population qui estime qu'un certain nombre des changements que vous apportez, avec l'accord des provinces, à l'exception de la Saskatchewan et de la C.-B., sont plus régressifs qu'il ne le faut.
L'hon. Paul Martin: Monsieur Nystrom, il faut bien voir que toutes les provinces ont compris qu'en raison du fait que les gouvernements précédents—et je ne fais pas une déclaration partisane, je mets «gouvernements», je pourrais faire une déclaration partisane, mais je m'en abstiendrai...
M. Lorne Nystrom: Vous ne feriez jamais cela.
L'hon. Paul Martin: ... non, je ne ferais jamais cela—n'ont tout simplement pas réussi à remédier aux difficultés du Régime de pensions du Canada, il était absolument indispensable que nous réglions la question de la solvabilité financière pour que la population canadienne ait confiance.
Ce fut donnant-donnant à la table des négociations. Les provinces ont fait des compromis. Certaines tiraient d'un côté, d'autres de l'autre. Finalement, la plupart des provinces se sont entendues. Il faut bien reconnaître que même s'il y a eu évidemment des divergences d'opinions avec la Colombie-Britannique et la Saskatchewan, ces deux provinces ont quand même souscrit à une grande partie des changements apportés: le fait que l'argent sera placé et d'autres choses encore.
Nous avons convenu d'aborder toute une série de questions lors d'une deuxième étape et de nous asseoir pour les régler dès que l'on aura adopté le RPC et que l'on aura garanti sa viabilité financière.
Malheureusement, comme je l'ai indiqué précédemment, il est arrivé ce qui est normal lorsqu'on procède à une grande consultation publique. Un document de consultation a reçu l'assentiment de toutes les provinces, y compris de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan. Toutefois, il s'est produit alors, comme cela arrive, des changements de ministres dans certaines provinces, et certaines propositions sont parvenues trop tard, alors qu'il était très important d'en arriver à un accord.
Je puis vous affirmer que je suis tout disposé à examiner un large éventail de propositions lors de la deuxième étape.
M. Lorne Nystrom: Y compris les changements que j'ai mentionnés ce soir.
L'hon. Paul Martin: Oui. Je dois vous dire toutefois que nous ne sommes pas disposés à ce que le taux des cotisations augmente encore. Nous ne voulons plus voir augmenter les taux.
M. Lorne Nystrom: Ce qui n'est pas non plus ce que je préconise.
L'hon. Paul Martin: Non, et j'en conviens. C'est toutefois la base sur laquelle nous nous sommes entendus autour de cette table.
Le président: Je suis content que nous soyons d'accord.
Je vais maintenant donner la parole au chef du Parti progressiste-conservateur, M. Charest.
M. Jean Charest: Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi que de participer à ce que l'on pourrait appeler la soirée des chefs au Comité des finances.
Je voudrais dire pour commencer que je pense comprendre la position adoptée par le gouvernement sur cette question.
[Français]
Pour reculer un petit peu et placer cela dans son contexte, le ministre dit qu'il ne veut pas faire de déclaration partisane. Il est important de reconnaître qu'il s'agit d'une proposition née d'une entente entre le gouvernement du Canada et les provinces canadiennes. Selon la loi, il doit s'agir des deux tiers des provinces représentant au moins les deux tiers de la population.
C'est donc dire qu'il y a des gouvernements progressistes-conservateurs au niveau provincial, des néo-démocrates et des libéraux qui y ont participé. Enfin, il y a quand même un consensus qui s'est dégagé de ces discussions.
Le gouvernement du Québec s'en va dans la même direction avec la Caisse de dépôt, et je le reconnais. Je voudrais par contre aujourd'hui tenter de cerner les vrais enjeux que doit étudier ce comité.
[Traduction]
Je commencerai par prendre acte des positions adoptées par les différents partis autour de cette table. Je comprends évidemment la position du gouvernement. Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'elle contient, mais je la comprends. Je crois comprendre la position du Bloc. Je comprends la position des néo-démocrates. Comme vous, dans une certaine mesure, sur une question aussi fondamentale, nous avons jugé important de préciser notre position lors de la campagne électorale. Nous l'avons fait. Vous n'avez peut-être pas toujours été d'accord, mais nous n'avons pas manqué d'avancer des chiffres.
• 1930
Je dois dire—et je le regrette—qu'il n'y a qu'un seul parti
politique qui ne l'ait pas fait. Je dois avouer que vous avez eu
raison d'affirmer, monsieur Martin, que la question que l'on devait
poser au Parti réformiste et à M. Manning était bien simple: où
prenez-vous l'argent?
Une voix: Qu'est-ce qui vous tracasse?
M. Jean Charest: C'est qu'un trou de 600 milliards de dollars est bien dur à avaler pour les Canadiens.
Les jeunes Canadiens vont devoir payer des montants considérables pour leurs grands-parents. Il leur faudra aussi payer pour leurs parents et, bien entendu, pour eux-mêmes, et il s'agit là d'un problème grave qu'on ne peut pas faire disparaître à coup de publicités à la télévision.
Il y a quelques questions qui me préoccupent. Tout d'abord, le coût pour les entreprises: la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante n'a pas manqué d'indiquer combien cela coûterait en moyenne aux employeurs qu'elle représente. Je crois que c'est autour de 7 000 $. Les Canadiens qui travaillent pour leur compte, que cette mesure affecte en particulier, vont eux aussi être très durement touchés.
Il faut aussi à mon avis que le gouvernement s'interroge sur les conséquences de cette mesure sur les marchés des capitaux. Puisque nous allons constituer une nouvelle masse de capitaux, comment cela va-t-il se traduire au niveau des marchés des capitaux. Il en va de même pour les REER. J'aimerais savoir ce que vous pensez du seuil de 20 p. 100 sur les REER. Je précise qu'à notre avis il faudrait qu'il soit abrogé.
La question des emplois me paraît aussi très préoccupante. Il s'agit là d'un impôt sur la masse salariale qui aura donc des répercussions très directes sur l'emploi.
La position que nous avons adoptée comporte trois critères pour juger des résultats. En premier lieu, il faut que le Régime de pensions du Canada devienne autonome; deuxièmement, que les cotisations au RPC soient largement compensées par des allégements fiscaux—c'est, je pense, la grande question que je veux poser au ministre—et enfin, que l'on encourage la population à davantage épargner au sein des REER.
Sur la question des allégements fiscaux, nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à parler ainsi, et certainement pas sur la question de l'impôt sur la masse salariale. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la Chambre de commerce du Canada, la Chambre de commerce du Québec, le Conseil du patronat du Québec, les syndicats, l'Alliance des fabricants et des exportateurs, qu'il s'agisse de la branche québécoise ou de la branche canadienne—absolument toutes ces organisations disent la même chose aujourd'hui dans notre pays au sujet de l'impôt sur la masse salariale, et en particulier des cotisations élevées de l'AE.
Si je l'ai bien compris, le ministre a reconnu il y a quelques minutes qu'il se servait du régime d'assurance-emploi dans le but de réduire le déficit. Je suis totalement en désaccord avec cette politique du gouvernement. Elle signifie que votre gouvernement a fait un choix entre les emplois et la réduction du déficit sur le dos des chômeurs.
Je ne peux pas blâmer le ministre du Développement des ressources humaines d'être embarrassé par cette position. Il devrait être profondément embarrassé étant donné que les jeunes Canadiens, en particulier, paient les conséquences de ce choix.
Après toutes les questions que je lui ai déjà posées dans différents domaines, je demanderais alors au ministre comment le gouvernement peut-il justifier cette augmentation des cotisations sans les compenser par des réductions d'impôt. En outre, est-ce que le gouvernement possède des études? Dans l'affirmative, j'aimerais bien qu'on me communique les études effectuées par le ministère des Finances en ce qui a trait aux conséquences de cette mesure sur l'emploi.
J'aimerais avoir un exemplaire de l'étude qui va être communiquée à ma collègue, Mme McDonough, au sujet des femmes. Je pense qu'il est important que nous nous penchions sur la question.
J'aimerais savoir comment le gouvernement peut justifier cette ponction de 11 milliards de dollars retirés à l'économie sans que cela soit compensé par des réductions fiscales donnant quelque répit aux Canadiens, nous permettant de créer davantage d'emplois.
Je conclurai en évoquant un sujet en particulier. Oui, je suis convaincu qu'il s'agit là d'une question de générations, que si nous ne faisons pas très attention, nous finirons par laisser à la nouvelle génération de Canadiens une économie caractérisée par un fort niveau d'endettement, des impôts élevés et des pensions faibles. Elle devra faire des choix que n'ont pas eu à faire les autres générations.
Pour bien illustrer ce qui se passe aujourd'hui dans l'économie, je crois savoir qu'environ un tiers des diplômés de l'Université de Waterloo dans le domaine de la programmation informatique nous sont enlevés chaque année par Microsoft. Il s'agit là de la crème des étudiants canadiens, dont les études ont été payées en partie aux frais du contribuable et, dans une plus large mesure, à leurs propres frais et à ceux de leur famille, qui quittent ainsi le pays. Lorsqu'ils doivent décider de leur avenir, si c'est une question de qualité de vie et s'ils sont en mesure de toucher un salaire raisonnable ailleurs dans le monde, la qualité de vie n'entre pas autant en ligne de compte qu'auparavant. Si c'est là ce qui les attend, notre avenir est très sombre et ces jeunes iront gagner leur vie ailleurs.
J'aimerais savoir ce qu'en pense le ministre, ce qu'il entend faire et s'il ne pense pas que la politique des pouvoirs publics qui consiste à saigner à blanc le régime d'assurance-emploi, comme il vient de le faire, est tout simplement inacceptable, tout particulièrement pour les chômeurs.
Le président: Monsieur le ministre.
L'hon. Paul Martin: Avec toutes les questions que vient de me poser le chef du Parti conservateur, j'aurais de quoi répondre pendant deux heures. Je vais m'efforcer d'être aussi bref que possible.
Je dois dire, monsieur le président, que la dernière fois que je me suis trouvé dans cette pièce avec le chef du Parti progressiste-conservateur, j'étais de l'autre côté et il était ministre de l'Environnement. Je pense que je lui ai réservé le même traitement, mais il a poursuivi comme si de rien n'était. J'ai donc appris quelque chose.
Disons tout de suite, sur la question des marchés de capitaux, que ce fonds prendra une très grande ampleur. On prévoit qu'en 2007 il pourrait contenir entre 75 et 95 milliards de dollars. On parle donc d'un fonds d'un très gros montant. Il appartiendra donc à ceux qui vont se charger de l'investir de ne pas bouleverser les marchés. Il est certain qu'après une période de transition, lorsque les provinces auront transféré leurs obligations existantes aux taux du marché, il sera investi de manière passive dans les indices. Par la suite, on décidera s'il convient ou non d'être plus agressif. La position qui consiste à ne pas bouleverser les marchés des capitaux est très raisonnable et nous sommes bien conscients du problème.
Pour l'instant, nous n'avons pas l'intention de modifier la règle des 20 p. 100 concernant les placements à l'étranger. Il est possible de revoir la question. Bien évidemment, si le Canada se met à exporter des capitaux, s'il était impossible pour les caisses de retraite de trouver des placements décents, on reverrait la question. Il n'en reste pas moins que pour l'instant, alors que notre pays dépend fortement des emprunts à l'étranger, il ne serait pas sage à notre avis de le faire.
Vous m'avez posé une question au sujet des REER. Je pense avoir mentionné que nous avions l'intention, si les circonstances le permettaient, d'améliorer les REER.
J'en viens maintenant à votre question d'ordre général. Je pense que la première chose qu'il faut comprendre, c'est que j'ai déclaré au sujet de la caisse d'assurance-emploi, qu'en 1986... Nous n'avons aucunement l'intention de nous servir de la caisse d'assurance-emploi pour financer le déficit ou d'autre chose. Il faut bien voir qu'en réalité c'est le vérificateur général qui a déclaré en 1986 que la caisse d'assurance-chômage devait être intégrée à l'ensemble des comptes courants du gouvernement. C'est lui qui a pris la décision. C'est une décision qui a été prise sous un gouvernement antérieur. Nous en assumons les conséquences.
Il est bien clair, monsieur le président, que le taux d'assurance-emploi a diminué de 10¢, ce qui coûte par conséquent 700 millions de dollars dont le gouvernement doit tenir compte. C'est indéniable.
Laissez-moi maintenant revenir à la question de l'équité entre les générations. Il aurait été si simple pour notre gouvernement de faire ce qu'ont fait tous les gouvernements précédents et de ne pas se préoccuper du problème, la crise ne devant survenir qu'en l'an 2011. Nous nous sommes dit toutefois que nous ne pouvions plus continuer ainsi.
Le chef du Parti conservateur a raison: ce n'est pas simplement le fait du gouvernement fédéral. Ce sont tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, à l'exception d'un seul, tous les gouvernements provinciaux, qui se sont mis d'accord pour dire qu'il fallait agir dès maintenant. La raison pour laquelle nous devons agir, c'est parce qu'il n'est pas juste de transmettre ce fardeau à nos petits-enfants. Il y a donc là une question d'équité entre les générations, et nous l'avons réglée du mieux que nous pouvions. Toutefois, nous n'étions tout simplement pas disposés à bouleverser la vie de personnes ayant déjà pris leur retraite à 65 ans, incapables de s'adapter.
Quant aux impôts, tous les gouvernements aimeraient les réduire comme nous l'avons fait. Nous l'avons fait dans le budget de l'année dernière et nous continuerons à le faire. Nous le ferons tant que nous disposerons d'une marge de manoeuvre. Toutefois, nous ne voulons pas pour autant remettre en cause la santé financière de notre pays. Nous ne voulons pas revoir les déficits. Nous ne voulons plus être le dos au mur à la merci des banques étrangères. Voilà donc, pour l'essentiel, l'équilibre que nous recherchons.
Pour terminer, sur la question de l'équité entre les générations, il faut bien comprendre qu'effectivement, si nous décidions aujourd'hui de diminuer les impôts et si dans quatre ou cinq ans nous soyons obligés de les faire augmenter à nouveau, ce serait particulièrement injuste du point de vue des générations. Lorsque nous allons réduire les impôts, il faut nous assurer qu'ils puissent rester à ce niveau.
M. Jean Charest: Puis-je invoquer le Règlement, monsieur le président?
Le président: Faites.
M. Jean Charest: Je voudrais simplement que le ministre m'assure que l'étude qu'il vient de s'engager à mettre à la disposition de Mme McDonough le sera aussi aux autres membres du comité. J'imagine aussi que le ministère des Finances a procédé à des études d'impact de cette mesure sur les emplois. Pourra-t-il aussi nous fournir ces études?
L'hon. Paul Martin: Je pense qu'en fait nous avons déjà communiqué la plupart de ces documents. Je n'y manquerai pas. Je peux assurer au chef du Parti conservateur que si je mets une étude à la disposition du chef du NPD, j'en ferai de même pour lui ou pour toute autre personne qui me le demandera.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser une question au ministre Pettigrew, mais le ministre Martin pourra toujours intervenir s'il le veut. Il s'agit plus précisément des changements que l'on se propose d'apporter aux prestations d'invalidité. Du fait de ces changements, le gouvernement renonce-t-il aux engagements en faveur des personnes handicapées qu'il avait pris à la suite des travaux du groupe d'étude Scott?
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Dites non.
L'hon. Pierre Pettigrew: Non, nous ne renonçons pas aux engagements pris dans le sillage du rapport Scott, dont la position demeure, pour notre gouvernement, le plan à suivre dans les années à venir.
Nous avons un peu serré la vis quant aux critères d'admissibilité aux prestations d'invalidité, parce que ces dernières années, on a assisté à une augmentation massive des cas ouvrant droit à indemnités, et pas toujours pour des raisons claires. Nous avons donc resserré les critères parce que nous voulons avoir la certitude que les indemnités sont versées à des gens se trouvant dans des situations visées par la législation sur les personnes handicapées. Il y avait lieu de faire un peu le ménage, à cause de la nette augmentation du nombre de cas, enregistrée au cours des dernières années. Mais nous ne dévions pas de nos engagements à cet égard.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci de me permettre de poser ma question.
Comme je suis un homme d'affaires, je dois réagir aux propos de ceux qui estiment que le mieux pour les travailleurs indépendants... Quand j'étais employé, je n'ai jamais considéré que les contributions au Régime de pensions du Canada étaient des taxes. Je ne les ai jamais perçues comme telles, non plus, durant les 30 années ou presque où j'ai été employeur. J'ai toujours estimé que c'était une contribution à notre mode de vie. Que c'était un prix à payer pour faire des affaires.
Quand l'économie a commencé à ralentir, surtout à la fin des années 80 et au début des années 90, un grand nombre de gens d'affaires ont éprouvé des problèmes. Personnellement, j'ai dû encaisser mes REER, ainsi que ceux de ma femme, pour survivre, pour réinvestir dans mon entreprise et la maintenir à flot. Je me demande ce qu'il serait advenu de moi après les changements que vous allez opérer. Je n'estimais pas que mes REER étaient un investissement; j'y voyais une sécurité, un coussin financier pour mes vieux jours. Je ne les ai jamais perçus comme étant un investissement.
D'un autre côté, si je devais les considérer comme tel, je ne voudrais certainement pas que le gouvernement vienne s'y fourrer le nez. J'aimerais m'en occuper moi-même. Et si ça ne marchait pas, je serais le seul à blâmer.
Je ne sais pas à qui je dois adresser ma question. Mais c'est sans doute vous, monsieur Martin, qui êtes le mieux placé pour y répondre. En vertu du régime que d'autres proposent... Soit dit en passant, si j'avais été de ces hommes d'affaires ne faisant que 18 000 ou 20 000 $ par an, je n'aurais jamais eu à encaisser mes REER pour assurer mon avenir. Que ce serait-il passé, quelle pénalité aurais-je dû payer dans le cadre d'un régime de REER obligatoire que je n'aurais pas pu débloquer? Dans quel créneau serais-je rentré en vertu de leur plan?
L'hon. Paul Martin: Je vais vous répondre de mon mieux. Dans une certaine mesure, vous me demandez de le faire en adoptant le point de vue réformiste. Mais comme ça m'est presque impossible, je vais vous répondre de mon point de vue à moi.
Votre question est fort bien sentie. Voilà pourquoi il est important de préserver les trois piliers du système de revenu de retraite, dont mon collègue Pettigrew parlait.
• 1945
En fait, le Régime de pensions du Canada sera là pour protéger
les Canadiennes et les Canadiens qui travaillent et, comme le
ministre l'a indiqué, pour protéger les personnes atteintes
d'incapacité ou celles qui désirent prendre du temps pour s'occuper
de leurs enfants. Les fonds de cette caisse seront investis dans le
marché et, devraient, nous l'espérons, avoir un rendement
supérieur, mais le gouvernement du Canada continuera de garantir le
RPC si bien qu'en cas d'importantes fluctuations du marché, comme
celles auxquelles nous venons d'assister, les nouveaux retraités ne
se retrouvons pas sans rien, à la suite d'un éventuel écroulement
du Régime de pensions.
Parallèlement à cela, il y aura les prestations pour personnes âgées. Celles-ci s'adressent à une importante tranche de la population canadienne, dont une majorité de femmes comme on l'a vu au Comité des finances, qui, toute leur vie durant, ont perçu un salaire moyen insuffisant pour pouvoir souscrire à un REER, par exemple.
Et puis, bien sûr, monsieur Pillitteri, nous avons le pilier REER qui permettra de faire exactement ce que vous venez de dire: investir votre propre argent, obtenir les rendements que vous recherchez et qui, espérons-le pour vous, seront le plus élevé possible; mais, si pour une raison ou pour une autre, à cause de circonstances malheureuses, vous deviez les encaisser, vous auriez toujours la certitude de pouvoir bénéficier des programmes de retraite du secteur public, autrement dit du Régime de pensions du Canada et des prestations de vieillesse.
Le président: Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci, messieurs. Avant tout, je tiens à vous féliciter pour votre travail, mais je veux aussi vous parler de la question de la confiance. Comme d'autres jeunes Canadiens, j'ai été assaillie de discours négatifs soutenant que le régime de pensions n'existera plus quand nous aurons atteint l'âge de la retraite. Je pense que les gens ne sont pas assez informés. Je pense aussi que M. Pettigrew a bien fait de nous rappeler ce qui s'est passé dans les années 60, quand on a mis ce régime sur pied, parce que certains d'entre nous ne peuvent pas ou ne veulent pas remonter aussi loin dans le temps. Je trouve cela très important.
Comme on semble hésiter entre un régime public et un régime privé, et compte tenu du fait qu'autant de travailleurs et de travailleuses n'ont aucune protection, n'ont pas de régime de pensions privé, je me demande si on a analysé le taux de participation aux REER, si l'on connaît le nombre de Canadiens ayant souscrit à un REER, les montants qu'ils y ont investis; je me demande si l'on connaît l'âge et le sexe des cotisants, tout cela pour avoir une idée de ce qu'il adviendrait si le gouvernement se dégageait complètement de ce dossier.
Monsieur Pettigrew, est-ce que les personnes handicapées qui, au Canada, bénéficient du RPC, ont conscience des sommes que ces prestations leur permettent de dégager et d'investir dans un REER dont elles pourront bénéficier à l'âge de la retraite, ou considèrent-elles que cet argent est une prime, une sorte de supplément financier?
L'hon. Paul Martin: Nous venons de nous répartir les tâches; je répondrai à la première partie de votre question et Pierre répondra à la deuxième.
Mes données seront approximatives. Environ un quart de la population canadienne, soit entre 25 et 28 p. 100 des gens cotisent à un régime enregistré d'épargne-retraite. C'est du moins ce qu'indiquent les données les plus récentes. La cotisation annuelle moyenne est de 3 000 à 3 500 $. Ce sont des chiffres très bruts, mais ils reflètent à peu près la réalité. Donc, on est très loin de l'adhésion massive à laquelle on pourrait espérer.
Quant aux niveaux de souscription répartis par sexe, si je me rappelle bien les chiffres, je crois que le nombre de femmes est en très nette augmentation.
Il ne faut pas s'étonner que ce sont les gens nés à la fin des années 40 et au début des années 50 qui cotisent le plus au REER, parce que les jeunes familles ont rarement le revenu disponible voulu pour investir dans un REER. Voilà pourquoi—et je suis sûr que vous vouliez notamment en venir là—nous avons éliminé, dans un budget précédent, la limitation en matière de reports rétrospectifs; nous avons en effet compris que si les gens de 40 ans dont les enfants sont déjà grands ont suffisamment de revenus disponibles pour investir dans un REER, tel n'est pas le cas des jeunes couples de 30 ans ayant deux enfants. Nous espérons donc que les gens se prévaudront de ces dispositions.
• 1950
Je dois dire que les signes sont très encourageants. Dans le
cadre de nos consultations prébudgétaires, j'ai rencontré des
groupes d'étudiants de niveau postsecondaire, un peu partout au
pays, et j'ai trouvé très encourageant que nombre d'entre eux
commencent à investir dans des REER. Cela marque un véritable
changement.
L'hon. Pierre Pettigrew: Vous avez tout à fait raison et il faut absolument veiller à ce que les jeunes gardent confiance dans les valeurs canadiennes et dans les grandes institutions canadiennes, et j'estime très important qu'ils acquièrent cette confiance dès le plus jeune âge. Nous voulons garantir l'accès à un régime de retraite public, dans tous les cas de figures, et pas uniquement en fonction de la possibilité ou de l'impossibilité que les gens ont de se prévaloir d'un régime privé.
Les prestations d'incapacité ont très nettement augmenté. Pour les mêmes raisons que j'ai invoquées à propos de l'admissibilité, il y a aussi un problème de chômage élevé. En moyenne, les revenus des Canadiennes et des Canadiens handicapés sont assez faibles. Les bénéficiaires du RPC ne perçoivent pas de prestations d'assurance-chômage et ils ne sont donc pas en moyen d'investir dans un REER; ils en sont complètement exclus. Voilà pourquoi nous voulons faire en sorte que ce système continue de répondre aux besoins des Canadiennes et des Canadiens atteints d'incapacité.
Le président: Merci, messieurs.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président, et bienvenue à vous messieurs.
Je commencerai par une remarque, après quoi je poserai une question. Selon les renseignements communiqués par vos ministères—et je suis certain que la plupart des députés accepteront de parler de cette question à leurs électeurs—le public est assez peu au courant des différentes situations ouvrant droit au RPC. En fait, je me suis dit que les Canadiens comprennent tellement peu ce dont il en retourne, qu'il conviendrait peut-être de rebaptiser le RPC en «Régime de pensions et d'assurance du Canada», étant donné sa dimension importante sur le plan de l'assurance. Ce n'est pas un simple régime de retraite, et le spectre d'un super REER ne fait que renforcer cette perception. Ce n'est là qu'une suggestion de ma part.
Ma question, quant à elle, concerne l'universalité du programme. Dans le rapport du groupe de David Walker, rédigé après plusieurs mois de consultations menées partout au pays, je crois détecter chez les gens un empressement à réduire les prestations, à condition qu'on leur garantisse qu'ils pourront bénéficier de ce régime dans l'avenir ou qu'ils en soient raisonnablement certains. Nous savons qu'à l'heure actuelle les personnes âgées touchent environ 7 $ par dollar investi, mais cette proportion est en train de diminuer lentement. Contrairement au RPC, la SV, le SRG et les prestations de vieillesse qu'on annonce sont fondés sur le revenu.
Êtes-vous convaincus qu'un changement des taux de cotisation suffira, à lui seul, à optimiser l'équité entre les générations, sans qu'on ait à opérer de redistribution ou à calculer les prestations en fonction des ressources, du moins pendant une certaine période de transition jusqu'à ce que ce problème soit réglé?
L'hon. Paul Martin: Merci, monsieur Szabo.
Soit dit en passant, David Walker, le président de ce groupe, se trouve parmi nous.
Vous aviez parfaitement raison dans ce que vous avez dit en ouverture. Il est très étonnant de constater à quel point on dispose de peu d'informations à ce sujet, ou à quel point les gens comprennent mal ce régime, et il est possible que les gouvernements aient une lourde responsabilité à cet égard.
En revanche, je suis convaincu que les Canadiennes et les Canadiens comprennent mieux aujourd'hui le Régime de pensions du Canada grâce au travail de David Walker et à ce qui s'est fait dans toutes les provinces et tous les territoires; les consultations ont été très poussées. Même si les gens connaissent mieux ce programme, on assiste encore à des vices de raisonnement, et vous en avez mentionné certains.
Il serait faux de dire qu'il y a unanimité quant à la diminution des prestations ou à l'augmentation des primes. En revanche, il y a unanimité sur le fait que nous ne devons pas reporter l'âge du droit à la retraite de 65 à 67 ans. L'unanimité à ce sujet est incontestable. On a constaté l'existence de points de vue différents sur les autres aspects, mais il s'agit essentiellement de questions sur lesquelles les ministres des Finances, des provinces et du fédéral, devront s'entendre.
• 1955
Quant à votre question concernant le changement de taux, il
n'y a vraiment que l'actuaire en chef qui pourrait correctement y
répondre. Mais nous sommes fondamentalement convaincus qu'une
augmentation de 9,9 p. 100, destinée à assurer le provisionnement
complet du régime, nous permettra d'assurer la survie du RPC, afin
que les jeunes Canadiens et Canadiennes en disposent au moment où
ils voudront prendre leur retraite, et nous avons conclu que la
meilleure façon de parvenir à l'équité entre les générations
consistait à faire payer la note aux gens de ma génération. Si nous
ne l'avions pas fait, les gens de ma génération auraient bénéficié
de montants disproportionnellement plus élevés que leurs
investissements, et ce sont mes enfants et mes petits-enfants qui
auraient alors dû assumer un plus grand fardeau.
On nous a même suggéré de réduire les prestations des personnes ayant déjà pris leur retraite. Eh bien, je vais être honnête avec vous: nous ne sommes pas prêts à faire cela. Nous estimons en effet que ce ne serait pas équitable pour ces gens qui ont planifié leur départ à la retraite sur une certaine base. Comme il leur serait impossible d'effectuer les ajustements nécessaires, nous avons jugé que cette façon d'agir serait tout à fait injuste.
Le président: Nous allons passer à la deuxième série de questions. Je crois comprendre que M. Solberg et Mme Ablonczy vont se partager le temps.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Effectivement, je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Bienvenue messieurs.
Dans ses remarques liminaires, M. Martin nous a dit que si nous n'intervenions pas maintenant, nous imposerions un fardeau injuste à des millions de Canadiens et de Canadiennes. Eh bien, je prétends, pour ma part, qu'en appliquant le genre de mesures que le ministre propose, c'est précisément ce que nous allons faire, nous allons imposer un fardeau injuste sur les épaules de millions de Canadiens.
J'étayerai mes propos en vous lisant des extraits d'une lettre adressée à mon collègue député de Cariboo—Chilcotin, Philip Mayfield, présent parmi nous. Je trouve qu'elle illustre très bien le genre de torts que le ministre risque d'occasionner à de nombreux Canadiens et de nombreuses Canadiennes, à cause des changements qu'il propose.
Voici ce qu'on peut y lire:
-
Je vous écris à propos de l'augmentation des cotisations au RPC. Je
suis femme au foyer, mère de deux jeunes enfants. Mon mari
travaille 12 heures par jour, six ou sept jours par semaine et,
malgré cela, nous arrivons à peine à joindre les deux bouts. Nous
ne pourrons pas supporter une augmentation du RPC.
-
À cause de cela, mon mari devra travailler encore plus fort, ce qui
veux dire que je le verrai encore moins.
-
Quel bien cela fera-t-il à mes enfants? Quel bien cela fera-t-il à
notre mariage? Pourrais-je me permettre de continuer à offrir des
leçons de natation à mes enfants, ou à les laisser jouer au base-ball,
quand le gouvernement nous prend le peu d'argent que nous
pourrions épargner?
-
Mon fils aîné de cinq ans m'a dit: «Pourquoi est-ce que moi je ne
peux pas, maman? On ne peut pas se le permettre, n'est-ce pas?» Et
il a cinq ans.
-
Je dois payer le loyer, l'assurance pour nos biens, l'assurance du
camion, l'assurance-vie, l'électricité, le gaz, le téléphone, la
nourriture, les remboursements du prêt sur le camion. Tout ça, ce
sont des paiements obligatoires. Et les loisirs, dans tout ça?
-
J'ai une amie de 28 ans qui doit déclarer faillite. Elle a trois
enfants. Je sais que cela pourrait nous arriver à nous.
-
Les enfants ont aujourd'hui plus de problèmes que jamais parce que
les parents ne sont pas là pour eux. Ceux-ci doivent travailler
plus fort et plus longtemps et les enfants sont livrés à eux-mêmes.
L'avenir nous paraît sombre.
-
Il faut faire quelque chose à propos du RPC. À la façon dont je
vois les choses, le Canada court à sa perte.
-
Bien à vous.
-
Margaret Snell Quesnel, C.-B.
Monsieur le président, je suis convaincu qu'il y a des centaines de milliers de Margaret Snell au Canada. Le gouvernement a refusé de leur consentir un allégement fiscal. Comment diable peut-il penser que des gens comme elle vont pouvoir se payer les changements proposés par le ministre?
L'hon. Paul Martin: Monsieur le président, voilà tout le problème de ce débat. Le Parti réformiste...
M. Monte Solberg: Je vous ai posé une question, monsieur le ministre.
L'hon. Paul Martin: Je vais y répondre.
M. Monte Solberg: Alors, répondez directement, plutôt que de vous en prendre au Parti réformiste.
Le président: Monsieur Solberg.
L'hon. Paul Martin: Je n'attaque pas le Parti réformiste, monsieur le président.
Le président: Monsieur Solberg, vous avez eu la chance de poser une question, donnez-nous la chance d'entendre la réponse.
L'hon. Paul Martin: J'aimerais que le Parti réformiste traite de la question sur laquelle se penchent tous les autres partis politiques.
M. Monte Solberg: Nous avons proposé 15 milliards de dollars d'allégement fiscal lors des dernières élections.
Le président: À l'ordre!
L'hon. Paul Martin: Monsieur le président, tous les autres partis politiques représentés à cette table comprennent ce dont il en retourne. Tous les gouvernements provinciaux, sans exception, quelle que soit leur allégeance politique, comprennent de quoi il en retourne. Le hic, c'est le trou de 600 milliards de dollars...
M. Monte Solberg: Vous ne répondrez pas.
L'hon. Paul Martin: ... et sauf si l'on radie ce passif, il faudra bien s'en occuper.
M. Monte Solberg: Vous ne répondez pas à la question.
L'hon. Paul Martin: Monsieur l'orateur... excusez-moi! Monsieur le président... c'est que vous vous ressemblez.
Le président: Retirez-moi ça tout de suite!
L'hon. Paul Martin: Écoutez, c'est moi qui vais me faire couper la parole lors de la période de questions, demain.
Mme Paddy Torsney: Vous vous êtes trompé de génération.
L'hon. Paul Martin: En fait, aucune des personnes assises ici autour de cette table n'a occasionné ce problème. Nul ne veut que ce problème perdure. Aucun des gouvernements provinciaux actuellement en place n'a créé le problème. Celui-ci remonte à une bonne vingtaine d'années et il est dû aux défauts de conception du RPC...
M. Preston Manning: C'était un gouvernement libéral à l'époque.
L'hon. Paul Martin: ... et voilà que nous nous retrouvons avec un passif de 600 milliards de dollars. Ce passif est celui de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes, et nous devons l'absorber.
Si vous ne voulez pas que nous réglions le problème en intervenant au niveau du RPC, c'est que vous êtes prêts à accepter une augmentation de 25 p. 100 des impôts sur le revenu, parce que c'est à peu près ce qu'il en coûterait, à moins que vous n'acceptiez que nous doublions la TPS, parce que c'est aussi ce que ça coûterait; dans tous les cas, vous devez être prêts à accepter une augmentation supérieure, appliquée ailleurs.
Monsieur Solberg, nous aussi nous voulons régler ce problème. Le problème auquel nous faisons face n'est pas la conception du Régime de pensions du Canada, telle que nous en parlons autour de cette table. Le problème, c'est le passif de 600 milliards de dollars. Ce passif existe, nous ne pouvons pas l'ignorer.
Il est évident que nous compatissons avec Mme Snell, et avec tous les autres Canadiens et toutes les autres Canadiennes qui vont devoir payer la facture, et j'aurais aimé que les gouvernements précédents s'en occupent. Non, croyez-moi, monsieur Solberg, la solution n'est pas de faire grossir le RCP et d'oublier le passif de 600 milliards de dollars.
M. Monte Solberg: Nous, nous sommes convaincus que l'allégement fiscal est la solution, et je crois que nous pourrons maintenant dire aux gens comme Mme Snell que le gouvernement n'a pas de réponse pour eux.
L'hon. Paul Martin: Et comment allez-vous absorber cet allégement fiscal? Nous savons très bien ce que vous avez proposé. Pour éponger l'allégement fiscal, inscrit dans votre programme, vous auriez dû réduire de 3 milliards de dollars la pension de vieillesse.
M. Monte Solberg: C'est faux, c'est absolument faux.
L'hon. Paul Martin: Ou réduire de 3 milliards de dollars les paiements de péréquation; c'est le Manitoba et la Saskatchewan qui auraient été frappés de plein fouet. Il y a aussi une réduction de 3,5 milliards de dollars dans les transferts des paiements sociaux et de santé aux provinces.
M. Monte Solberg: C'est absolument faux.
L'hon. Paul Martin: Et puis, vous venez nous dire...
M. Monte Solberg: Mais c'est un mensonge éhonté. Nous l'aurions augmenté de 800 millions de dollars. Comment pouvez-vous prétendre que nous allions faire des coupures?
L'hon. Paul Martin: J'ai lu votre programme. Alors vous dites qu'il est faux. Bon! Ça je suis prêt à vous le concéder.
Le président: Madame Ablonczy, allez-y.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Nous nous réjouissons de voir les ministres ici, aujourd'hui. Si nous faisons salle pleine, c'est que les Canadiens sont très préoccupés par cette question. Comme il s'agit, après tout, de notre sécurité de retraite, nous sommes très nombreux à nous y intéresser. C'est une question qui devrait nous élever au-dessus des attaques partisanes menées contre des députés qui essaient, honnêtement et ouvertement, de traiter de ce sujet difficile.
Le ministre vient juste de dire que tous les autres partis à l'exception du Parti réformiste, comprennent ce dont il en retourne. Je me demande s'il n'affirme pas cela uniquement parce que les autres acceptent les changements qu'il propose. Le Parti réformiste, lui, estime qu'il y a une meilleure façon de s'y prendre, en rappelant que d'autres pays ont agi autrement.
Les 7 et 8 décembre prochains, une importante conférence se tiendra à Londres. Plusieurs pays se départissent de tels régimes publics de pensions, qui s'effritent, pour se tourner vers des régimes détenus par des particuliers et administrés par le secteur privé. Il s'agit pourtant de vieilles démocraties, qui comptent dans le monde. Et ce ne sont pas-là des idées qu'on peut attribuer ou reprocher à tel ou tel parti de l'opposition de la Chambre.
Je ne comprends vraiment pas pourquoi le mieux que le ministre puisse trouver, quand on lui exprime d'autres préoccupations ou qu'on lui propose d'autres solutions, est de s'en prendre bassement à ceux qui critiquent son programme. On lui a simplement demandé s'il avait étudié ces autres solutions. Pourtant, monsieur le président, plusieurs autres pays les étudient de près, et nombreux sont ceux qui les ont adoptées il y a déjà quelques années déjà.
Le ministre pourrait-il avoir la bonté de déposer auprès de ce comité les analyses effectuées par son ministère—et par toutes les ressources que le gouvernement a derrière lui—, sur des solutions que d'autres pays ont non seulement envisagées mais en fait adoptées; par ailleurs, ne pourrait-il pas, sans ambages, dire aux Canadiennes et aux Canadiens pourquoi il a rejeté ces autres solutions et pourquoi il pense que la sienne est la meilleure.
L'hon. Paul Martin: La vérité, c'est que les trois piliers constituent essentiellement les trois grandes lignes de force de notre intervention. Nous ne sommes certainement pas contre les REER. En fait, ils occupent une place de plus en plus importante dans notre système de retraite et parmi les trois piliers dont nous parlions.
Mme Diane Ablonczy: Mais vous y avez opéré des réductions.
L'hon. Paul Martin: Malheureusement, nous avons dû couper dans bien des choses, et nous espérons pouvoir, au fur et à mesure que la situation financière du Canada se bonifiera, améliorer plusieurs de nos programmes.
D'un autre côté, il convient de reconnaître que la plus grande partie des autres pays ayant opté pour un régime semblable au REER obligatoire—qui présente sans aucun doute des avantages—ont une population nettement moins âgée que la nôtre. Quand on a une population plus jeune, qu'on n'est pas aux prises avec ce genre de problèmes, c'est-à-dire une population vieillissante et un passif très important, la transition est beaucoup plus facile.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres problèmes. Le Chili, par exemple, commence à éprouver de sérieux problèmes avec son système de rentes, simplement parce que les gens passent d'une rente à l'autre et qu'ils vivent plus vieux.
En vérité, nous sommes tout à fait disposés à étudier le plus grand nombre possible d'autres solutions. Quand on songe au nombre de gouvernements qui se sont portés à la défense du Régime de pensions du Canada, vous admettrez que ce n'est qu'en comprenant notre conjoncture financière, que les gens ont pu réconcilier leurs différents points de vue.
Loin de moi l'idée de m'engager dans un débat partisan. Cette question est beaucoup trop importante pour les Canadiens et les Canadiennes. Il s'agit véritablement là d'un aspect à propos duquel nous devons faire front commun, et c'est d'ailleurs pour cela que j'ai été si heureux de voir ce qui c'est passé lors de la rencontre des gouvernements provinciaux, quand tout le monde s'est rangé derrière le gouvernement fédéral pour trouver une solution. S'il y a une chose que nous ne pouvons pas perdre de vue, c'est le passif de 600 milliards de dollars. Il est là. Nous ne pouvons pas élaborer un quelconque régime en faisant fi de ce passif. Quel que soit le plan que nous élaborerons, nous devons trouver une façon de rembourser ces 600 milliards de dollars, et c'est malheureusement la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
Mme Diane Ablonczy: Nous sommes tous d'accord à ce sujet, monsieur le président.
Le ministre compte-t-il déposer l'analyse des autres formules étudiées par son ministère, pour que nous sachions quelles autres solutions ont été envisagées à ce problème?
L'hon. Paul Martin: Tout à fait. Je suis tout à fait disposé à transmettre au comité toute l'information dont nous disposons.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
[Français]
Monsieur Crête.
M. Paul Crête: Ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines qui, dans son allocution, a dit que le Régime représentait une alternative fondamentale sur laquelle tous les travailleurs comptaient quand vient le temps de planifier une retraite dans la sécurité.
À partir de cet exposé, serait-il prêt à recommander au ministre des Finances que le régime de prestations aux aînés, plutôt que de s'appliquer à partir de 59 ans, s'applique à un âge plus bas de telle façon que les gens qui ont déjà commencé à préparer leur retraite et qui voient arriver les modifications au Régime de pensions du Canada aient au moins la possibilité, au niveau de la prestation des aînés, d'avoir le choix entre le régime existant et le nouveau régime à un âge beaucoup plus raisonnable, peut-être à 55 ou 50 ans?
L'hon. Pierre S. Pettigrew: Vous partez la discussion sur le prochain sujet, les prestations des aînés.
M. Paul Crête: Cela fait partie des revenus. La personne ne reçoit pas juste un revenu; elle calcule tout cela quand elle prépare sa retraite.
L'hon. Pierre S. Pettigrew: Je suis absolument d'accord avec vous que c'est un ensemble, mais vous admettrez que ce n'est pas à l'intérieur du projet de loi que nous sommes en train d'étudier. Je pense qu'on a assez de travail à faire avec celui-là sans s'engager dans la question de la sécurité des aînés.
[Traduction]
Le président: Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Merci beaucoup.
• 2010
Il a beaucoup été question, récemment, de la bonne santé de
notre économie; exception faite des dernières 48 heures, la bourse
n'a cessé de monter et il y a donc lieu d'envisager l'avenir avec
optimisme. Malheureusement, le genre de marché qui préoccupe
véritablement la plupart des Canadiens, c'est le marché du travail.
Alors, je me demande si le ministre est disposé à répondre à
quelques questions sur l'incidence du taux de chômage élevé surtout
quand on songe, à en croire les hypothèses pessimistes sur
lesquelles vous semblez avoir fondé vos projections, que le taux de
chômage devrait demeurer élevé dans l'avenir.
Le fait est que nous comptons 1,5 milliard de Canadiens et de Canadiennes qui ne contribuent pas au Régime de pensions du Canada, parce qu'ils sont sans emploi. Et il y a au moins autant de gens qui aimeraient bien que leurs cotisations au RPC soient plus élevées, mais qui ne peuvent se le permettre parce qu'ils sont très nettement sous-employés. Depuis 84 mois consécutifs, le taux de chômage est supérieur à 9 p. 100.
J'aurai trois questions à vous poser. D'abord, n'est-il pas vrai qu'une des principales raisons pour lesquelles la caisse du RCP n'encaisse pas autant qu'elle le devrait, c'est que nous continuons de tolérer des niveaux de chômage aussi élevés?
Deuxièmement, comme on semble être extrêmement pessimiste quant à la capacité d'autofinancement de cette caisse, au vu de la croissance économique et des taux de chômage, je me demande si le ministre pourrait nous expliquer la contradiction entre le discours sur la robustesse de l'économie, le côté prometteur des choses, et ce qui semble être, par ailleurs, des hypothèses très pessimistes.
Troisièmement, le ministre va-t-il communiquer au comité les hypothèses et les projections exactes sur lesquelles ont été fondées les prévisions concernant le RPC?
L'hon. Paul Martin: Comme je le disais plus tôt, je suis tout à fait disposé à remettre au comité toutes les données qu'il me demandera.
Le problème fondamental, dans le cas du Régime de pensions du Canada, tient au fait que tous les calculs ont été effectués en partant d'un nombre de travailleurs par retraité beaucoup plus important que ce qu'on allait constater plus tard, et qu'à l'époque de la mise sur pied du RPC, on a retenu une méthode de financement par répartition, des niveaux de productivité et des taux d'intérêt qui ne se sont pas réalisés; il est à présent beaucoup plus logique d'envisager un provisionnement total. Quitte à me répéter, je dois vous rappeler que le problème fondamental auquel nous sommes confrontés est le suivant: si vous avez huit travailleurs par retraité, vous vous trouvez dans un certain cas de figure, et si vous en comptez trois par retraité, vous êtes dans un autre cas de figure. Il n'y a pas à en sortir.
S'agissant du pessimisme des prévisions, la chef du NPD conviendra sans doute avec moi que lorsqu'on se livre à de telles projections, quand l'actuaire analyse ce genre de fonds, à tout prendre, mieux vaut pécher par excès de prudence que par excès d'optimisme, parce qu'il est toujours facile de s'adapter à de bonnes surprises, mais toujours très difficile d'avaler les mauvaises nouvelles. Et c'est ce qui se passe aujourd'hui. Nous sommes aux prises avec un problème d'envergure, un problème découlant du fait que, dans le passé, les gens ont voulu voir la vie en rose, et qu'ils nous ont légué un grave problème dont ils auraient dû s'occuper, eux. Nous ne commettrons pas la même erreur.
Mais si ce qui vous intéresse, par-delà la question de la prudence de nos prévisions, c'est de savoir si le ministre des Finances que vous avez devant vous a confiance dans l'avenir, alors je vous répondrai que oui! Je suis très confiant dans l'avenir, tant pour notre économie que pour la création d'emplois et notre position au sein de l'économie mondiale.
Mme Alexa McDonough: Pour continuer dans la même veine, je tiens à préciser que je ne veux pas tant parler de considérations actuarielles que de la politique délibérée du gouvernement qui consiste à maintenir des niveaux de chômage très élevés. Indéniablement, ces taux élevés tiennent à ce que le gouvernement a persisté à faire et se propose de continuer à faire, car les chômeurs et les sous-employés, nombreux, ne contribuent pas autant qu'ils le pourraient au RPC. On voit bien que c'est la conséquence très malheureuse d'une situation qui afflige déjà énormément ces gens-là.
Le gouvernement tourne sur place quand il déclare qu'on va maintenir un chômage élevé et qu'à cause de cela, on n'aura pas suffisamment d'argent pour verser des prestations de retraite raisonnables. Il ne va pas essayer d'avoir suffisamment d'argent pour que les travailleurs les plus vulnérables, au bas de l'échelle, puissent bénéficier des mêmes avantages que par le passé. Le gouvernement s'est donc laissé aller à un compromis que les néo-démocrates—et pas uniquement les députés fédéraux, mais les gouvernements néo-démocrates de ce pays—trouvent intolérable.
Il n'est pas juste de dire qu'il faut sacrifier le segment le plus vulnérable de notre population.
Tout cela en fait se ramène à la décision du gouvernement de maintenir... ou pour exprimer la chose de façon plus positive, cela est dû au fait que le gouvernement n'a pas fait de l'emploi sa grande priorité, pour des raisons qui auraient dû être évidentes, notamment l'avantage que cela aurait présenté sur le plan du financement du RPC.
L'hon. Paul Martin: Je dois dire que le raisonnement de la chef du NPD est, au mieux, alambiqué et, au pire, bêtement partisan. En vérité, aucun gouvernement ne cherche à maintenir un taux de chômage élevé, et il est insensé de le prétendre. Il y a un débat très important...
Mme Alexa McDonough: Nous tiendrons ce débat un autre jour.
L'hon. Paul Martin: Non, tenons-le tout de suite, maintenant.
Quand nous avons pris le pouvoir, le taux de chômage était d'environ 11,5 p. 100. Aujourd'hui, nous l'avons ramené à 9 p. 100. C'est nous qui l'avons fait baisser. Et j'aimerais le faire baisser davantage. Nous avons créé plus d'un million d'emplois dans le secteur privé. J'aurais aimé en créer plus. Au cours des quatre derniers mois, nous avons créé 63 000 emplois pour jeunes, le plus grand nombre d'emplois pour jeunes créés dans une période équivalente, depuis 1990. Et je suis certain que nous tous, autour de la table, aurions aimé en voir plus encore.
En vérité, nous avons hérité d'une situation financière très délicate et nous sommes parvenus à améliorer nettement l'économie globale canadienne.
Dans notre mise à jour financière, à Vancouver il y a deux semaines, nous avons réaffirmé que l'emploi est notre première priorité au chapitre économique et, pour agir dans ce sens, nous avons présenté un plan comportant un volet de formation professionnelle, de recherche et développement et d'ouverture vers une nouvelle économie.
Nous divergerons toujours sur la façon dont il faut s'y prendre, mais il y a des gouvernements néo-démocrates dans deux provinces qui sont aux prises avec des problèmes tout à fait semblables aux nôtres. Au bout du compte, notre objectif premier est de réduire le chômage et nous devrions essayer de collaborer pour trouver des façons d'améliorer notre situation. Nous nous en sommes beaucoup mieux sortis que les Européens, mais pas aussi bien que les Américains que nous devons chercher à imiter.
Alors, donnons dans le réel et pas dans la rhétorique.
Le président: Monsieur Charest.
M. Jean Charest: Alors là, je me réjouis de m'inscrire en faux contre ce que vient de dire le ministre des Finances et de pouvoir le faire, non pas de façon rhétorique mais en jugeant de la réalité des choses, parce qu'à l'entendre parler, c'est comme s'il n'avait rien à voir avec le taux de chômage que nous connaissons au Canada. Si l'on retient ce qu'il dit à propos du taux de chômage, il aurait pu tout aussi bien ne pas se présenter aux élections. Pourquoi s'est-il fait élire, s'il ne peut rien changer et si nous avons affaire à une réalité implacable?
Il accuse notre collègue du NPD de donner dans la bêtise partisane. Eh bien, je ne suis pas d'accord avec cela. En vérité, le ministre et son gouvernement ont fait un choix pour lequel ils doivent rendre des comptes. Et le choix que vous avez fait en dit long sur vos priorités. Ça ne va pas plus loin que cela.
Ce gouvernement fait face à un choix très clair relativement aux cotisations sociales et au système d'assurance-chômage. Le ministre peut bien invoquer le fait que le vérificateur général a estimé, en 1986, que la caisse d'assurance-chômage était financée par le Trésor, ça n'enlève rien au fait que celle-ci a toujours été considérée comme étant une caisse autonome.
La caisse d'assurance-chômage n'a jamais eu pour objet de permettre une réduction du déficit canadien. Elle est constituée par des charges sociales, des charges prélevées sur les chèques des travailleurs et des charges versées hebdomadairement par les employeurs, dont un grand nombre de petites entreprises.
• 2020
Le ministre et ses collègues ont fait un choix. Ils ont opté
pour une charge sociale, aux dépens des chômeurs, jeunes et moins
jeunes.
Très franchement, monsieur le ministre, j'estime que vous avez délibérément choisi de mettre des gens au chômage pour éliminer votre déficit, surtout que vous auriez pu recourir à d'autres moyens.
Vous auriez pu, soit dit en passant, réduire vos dépenses de programmes à Ottawa. Selon le dernier rapport que j'ai vu à ce sujet, vous n'êtes pas arrivé à la moitié de vos objectifs. C'est dit dans un rapport publié au printemps dernier par les Comptes publics, je crois. Eh bien, si je me rappelle bien, vous aviez fixé un objectif—je le cite de mémoire et n'hésitez pas à me corriger si je me trompe—d'environ 19 p. 100 en 1995, objectif que vous avez donc raté de moitié.
Vous aviez donc d'autres choix à votre disposition. Vous avez créé un chômage supérieur à ce qui était nécessaire. Vous n'étiez pas obligé de faire ce choix, et c'est ce que je vous reproche aujourd'hui. Je ne suis pas le seul à le faire et je vous ferai respectueusement remarquer, une fois de plus, que d'autres pensent ainsi, comme la Chambre canadienne de Commerce et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui ne sont ni partisanes ni des socialistes enragés. Il se trouve que le Conseil du patronat du Québec n'est pas du même avis.
Je me suis entretenu avec Lorne.
Je comprends bien. La réponse est toujours la même, monsieur le président. C'est de la faute du gouvernement précédent, du gouvernement qui nous a précédés. Eh bien, ce n'est certainement pas, pour les Canadiennes et les Canadiens, une réponse valable pour expliquer ce qui s'est passé au cours des quatre dernières années.
Alors, je m'inscris en faux contre ce que vient de dire le ministre et je tiens à ce qu'il me réponde au sujet des REER, qu'il me dise s'il va garantir, dans l'avenir... en effet, chaque fois qu'on sort un budget dans cette ville, il y a des rumeurs qui circulent voulant que le gouvernement s'apprête à faire main basse sur les REER. Le ministre des Finances est-il prêt, aujourd'hui, à nous garantir que les futures économies des Canadiennes et des Canadiens dans les REER et dans les recettes comptabilisées seront protégées, et que ce gouvernement ne fera pas main basse sur cet argent?
L'hon. Paul Martin: En ce qui concerne les REER, nous avons indiqué à moult occasions notre volonté de voir ce système élargi et protégé. Nous n'allons pas le limiter. Et je suis prêt à répéter cela au chef du Parti conservateur, quand il le voudra.
Pour ce qui est des dépenses de programmes, je rappellerai de nouveau que, selon l'examen des programmes, nous sommes sur la bonne voie et que nous allons atteindre notre objectif à terme. Nous n'en sommes qu'à la moitié du chemin. Certains ministères sont un peu en avance, d'autres traînent un peu de l'arrière, mais dans l'ensemble, nous respectons nos objectifs.
Encore une fois, je tiens à exprimer mon désarroi de voir que nous sommes en train de glisser dans des discours vides de sens. Vous parlez de chômage, vous parlez d'amélioration, eh bien, je vous dirai que nous sommes passés de 11,5 p. 100 à 9 p. 100. Nous avons hérité d'un taux de chômage de 11,5 p. 100. Et je ne parlerai pas...
M. Jean Charest: C'était en pleine récession.
L'hon. Paul Martin: Eh bien, parlons donc un peu de la récession.
Aujourd'hui, par rapport à l'époque où vous étiez au pouvoir, un million de plus de Canadiens ont un travail. Vous avez rappelé qui nous a précédés au pouvoir, et il est un fait qu'un million de plus de personnes ont un travail, aujourd'hui, au Canada.
M. Jean Charest: Oui, grâce au libre-échange.
L'hon. Paul Martin: Poursuivons sur la récession. Je comprends fort bien pourquoi le chef du Parti conservateur ne veut pas que nous parlions de la performance du gouvernement précédent. Il y a une bonne raison à cela. Le chef du Parti conservateur nous rappelle que nous étions alors en période de récession. Comment explique-t-il que de 1989 à 1992, le Canada a connu la plus longue et la plus dure récession depuis celle des années 30—une récession beaucoup plus grave et beaucoup plus longue que celle des États-Unis? Je vais vous le dire, moi: parce que le gouvernement auquel appartenait le chef du Parti conservateur, avait imaginé le pire assemblage de politique financière et de politique monétaire qui soit. Si cette récession a été pire qu'elle l'aurait dû, c'est que le gouvernement dont nous avons hérité, conduisait des politiques économiques inadaptées, en fait totalement absurdes...
M. Jean Charest: Pourquoi dont alors les avez-vous toutes adoptées?
L'hon. Paul Martin: Monsieur le président, je comprends qu'il ne veut pas que je lui parle de ce passé qui lui colle à la peau, mais je n'ai pas le choix.
M. Jean Charest: Si ces politiques étaient aussi mauvaises que cela, pourquoi donc les avez-vous toutes adoptées?
L'hon. Paul Martin: Nous n'avons certainement pas adopté votre politique monétaire. Nous n'avons certainement pas adopté votre politique financière. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, le déficit était de 42 milliards de dollars et, la dernière fois que j'ai jeté un oeil dans les livres, il n'était plus que de 8,9 milliards de dollars. En vérité, c'est notre gouvernement qui a mis en place le genre de politiques nécessaires à la création d'emplois.
Mais je ne veux pas me lancer sur cette piste. Je préférerais de loin avoir des échanges positifs.
M. Jean Charest: Je vous comprends.
L'hon. Paul Martin: Je ne sais pas pourquoi vous essayez de nous remettre votre...
Le président: Merci, monsieur le ministre. Je tiens simplement à vous rappeler que nous sommes ici pour analyser le projet de loi C-2.
Nous allons passer à M. Gallaway.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, hier, le trésorier de l'Alberta semblait indiquer que, pour son gouvernement, l'accord est en train de se diluer. Selon le Edmonton Journal, il aurait déclaré:
-
S'il faut un peu plus longtemps pour améliorer cela, alors nous
prendrons le temps d'aider Ottawa à s'en sortir.
Un peu plus loin, il dit:
-
Nous avons toujours indiqué notre volonté d'empêcher que le RPC
devienne insolvable. Si nous pouvions nous entendre sur d'autres
solutions, nous n'hésiterions pas à y adhérer. Il ne faut rien
presser.
S'il y a effectivement une entente avec l'Alberta, dans quel sens la province s'oriente-t-elle, selon vous: va-t-elle adhérer, va-t-elle se désolidariser, va-t-elle marcher en crabe?
L'hon. Paul Martin: Je me suis entretenu avec le ministre des Finances de l'Alberta aujourd'hui. L'Alberta est à 100 p. 100 derrière nous. Elle a honoré son engagement originel. En fait, comme je le précisais en Chambre aujourd'hui, elle a joué un rôle très constructif dans nos entretiens avec les autres provinces, pour parvenir à la solution sur laquelle nous nous sommes entendus. Dans un deuxième temps, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral voudraient qu'on règle certaines choses. Tout le monde veut que certaines choses soient réglées et ce sera fait dans le cadre de négociations, autour d'une même table. Nous verrons bien quelles solutions s'imposeront à nous dans la deuxième phase.
Alors je peux vous dire sans détours que l'Alberta est avec nous.
M. Roger Gallaway: Le ministre Dey semblait dire que le délai du 1er janvier lui faisait problème. Les choses ont-elles changé sur ce plan?
L'hon. Paul Martin: Non. M. Dey comprend très bien, tout comme nous, que ce délai du 1er janvier est essentiel, qu'il est très important.
M. Roger Gallaway: Merci.
Le président: Merci, monsieur Gallaway.
Monsieur le ministre, nous venons d'assister à plusieurs échanges où vous êtes mutuellement contredits les uns les autres, mais pour le bénéfice des téléspectateurs qui suivent ce débat un peu partout au pays—et je parle au nom de ma génération—, une question fondamentale demeure: notre génération bénéficiera-t-elle des prestations du RPC.
Est-ce que les changements apportés au Régime de pensions du Canada feront en sorte de le rendre plus accessible, plus soutenable sur le plan financier et plus équitable pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes?
Troisièmement, je voudrais savoir quelles conséquences la disparition du RPC—et il faudrait vraiment y réfléchir—pourrait avoir sur les engagements que nous avons déjà pris? Nous sommes engagés envers les personnes âgées et les futures personnes âgées.
Si l'on passait à un provisionnement intégral, qu'adviendrait-il du passif non capitalisé du RPC?
Enfin, si l'on devait se tourner vers le marché pour bâtir un régime semblable, comportant des prestations de survivant, des prestations de décès, des prestations d'invalidité et de retraite, pensez-vous que nous payerions la même chose qu'à l'heure actuelle?
L'hon. Pierre Pettigrew: Votre question est très importante. Comme j'appartiens à la même génération, je voudrais bien...
Le président: Alors, échangeons nos certificats de naissance.
L'hon. Pierre Pettigrew: Tout l'exercice que nous entreprenons consiste précisément à nous assurer que les générations futures pourront compter sur un régime de pensions public au Canada. Tout cet exercice va dans ce sens, pour que ce régime continue de servir comme il a servi dans le passé. Or, il est menacé aujourd'hui, parce que nous ne sommes pas certains s'il y aura...
• 2030
Voilà pourquoi autant de jeunes Canadiens et Canadiennes ont
commencé à entretenir de sérieux doutes à ce sujet. Ils ont raison,
parce que la situation actuelle est complètement insensée. Il faut
régler ce problème de façon sérieuse et c'est précisément ce que
nous faisons, pour nous assurer que les futures générations
puissent compter sur un régime de pensions public.
Certes, ceux qui suivent pourront toujours puiser dans leurs économies personnelles et leurs régimes privés, et nous les encourageons à se bâtir un coussin pour la retraite, notamment grâce au REER. Cela, c'est très bien.
Effectivement, le RPC serait plus soutenable sur le plan financier, parce que nous commencerions à l'alimenter dès maintenant. Les gens de notre génération paieraient un peu plus que ce qu'ils coûteront au système. En commençant tout de suite, nous n'aurons pas à augmenter les cotisations à 14 p. 100, comme nous aurions dû le faire en attendant un peu plus longtemps. Donc, nous pouvons le rendre financièrement sain en augmentant un peu les primes tout de suite. Par ailleurs, nous faisons payer davantage les gens qui profiteront plus tôt du régime, ce qui est beaucoup plus équitable que de devoir réduire, plus tard, les pensions de retraite de ces mêmes personnes.
Quant aux coûts, eh bien, le ministre des Finances vient de nous dire que le passif est de 600 milliards de dollars. C'est un passif que les gens contribuant actuellement au Régime de pensions du Canada et ceux qui sont prêts à y contribuer devront absorber. Voilà pourquoi nous devons prendre des mesures draconiennes, pas seulement pour les générations à venir, mais aussi pour respecter notre engagement envers ceux et celles qui ont décidé de prendre leur retraite ou viennent de la prendre en ayant fondé leur décision sur un certain niveau de revenu. Nous leur devons d'agir ainsi.
L'hon. Paul Martin: À propos de votre dernière question, pour autant que je sache, il n'existe pas d'autres régimes privés comme tels, mais selon les calculs, il nous en coûterait au moins 1 p. 100 de plus, simplement à cause des coûts administratifs dus au fait qu'il s'agirait d'un amalgame de plans individuels et non d'un plan exhaustif où les risques sont répartis entre tous les Canadiens; il en coûterait donc au moins 1 p. 100 de plus.
Le président: Monsieur Iftody pour une dernière question.
M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci beaucoup pour vos exposés.
Monsieur le ministre, on a beaucoup parlé du passif non capitalisé du RPC. En fait, les membres du comité, au cours de leurs déplacements partout au pays, ont entendu plusieurs Canadiens et Canadiennes, dont certains représentaient des groupes d'affaires reconnus, leur exprimer leurs inquiétudes à ce sujet. Le Parti réformiste va sans doute être intéressé de vous entendre nous dire ce que nous allons faire de ce ces 600 milliards de dollars, parce qu'il se trouve que le Conseil canadien des chefs d'entreprise lui a déjà donné son avis à ce sujet.
En fait, ma première question va sans doute aller un peu au-delà. Pensez-vous que, compte tenu du passif actuel, les changements que vous allez apporter permettront de recueillir suffisamment pour absorber une partie de l'augmentation de la dette, et peut-être même des 600 milliards de dollars actuels?
Ma deuxième question concernera les fonds mutuels et les REER. Il existe actuellement, monsieur le ministre, des fonds mutuels ayant un rendement calqué sur celui de la bourse, du Standard & Poor 500 ou de la Bourse de New York, mais qui sont des REER de plein droit. En fait, ils permettent de contourner la règle des 20 p. 100 de contenu étranger, parce que le fonds mutuel auquel je pense obtient ce genre de rendement grâce à des instruments dérivés. Donc, pour le bénéfice des participants à cette table ronde qui se penchera sur ce genre d'investissements, j'aimerais savoir si les contributions au RPC bénéficieront du même genre de règle?
Enfin, les Canadiens et les Canadiennes se demandent pourquoi le délai du 1er janvier, pour l'entrée en vigueur de tous ces changements, est tellement important. Qu'advient-il de l'accord conclu avec les huit provinces qui ont décidé de faire front commun avec le gouvernement du Canada? Pourquoi cette presse à tout faire avant le 1er janvier 1998?
L'hon. Paul Martin: Pour répondre à votre première question, c'est que nous allons essentiellement passer à un système de provisionnement intégral. À l'heure actuelle, le niveau de financement permet deux années de fonctionnement. Nous passerons à cinq ans, et c'est ainsi que nous allons peu à peu provisionner le Fonds.
Nous parviendrons, de la sorte, à réduire très nettement le passif au cours des 20 premières années, après quoi nous atteindrons un plateau. Voilà, grosso modo, comment les choses fonctionneront.
• 2035
Quant à la règle des 20 p. 100, monsieur Iftody, vous avez
tout à fait raison. On pourrait imaginer qu'avec des instruments
dérivés ou d'autres instruments, le contenu étranger pourrait être
porté à 36 p. 100.
Nous déciderons, entre autre, en cours de route si le Fonds investira dans les produits dérivés et dans plusieurs autres instruments financiers. Au début, nous nous limiterons à une forme d'investissement prudente. Certes, certains vous diront que les produits dérivés sont un investissement prudent. Mais c'est une décision que nous devrons prendre chemin faisant.
Pour répondre à votre dernière question, effectivement, la date du 1er janvier est très importante. L'une des raisons pour laquelle nous pouvons maintenir le taux à 9,9 p. 100, c'est que nous avons décidé d'agir. Plus on retarde la réforme et plus le taux devra être élevé, simplement parce que plus on tarde et plus le passif augmente.
Le président: Merci, monsieur le ministre et merci monsieur Iftody.
Je tiens à remercier le ministre pour ses remarques liminaires et ses réponses à nos questions. Tout cela nous a certainement aidés dans notre étude du projet de loi C-2.
Je tiens aussi à remercier les députés qui ont posé les questions. Vous avez abordé des aspects très intéressants qui valent la peine d'être étudiés.
Voilà qui met un terme à notre réunion. La séance est levée.