Bienvenue à la réunion no 44 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude des conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile.
Je confirme que tous les témoins ont effectué les tests techniques exigés en prévision de la réunion.
Avant de passer aux témoins d'aujourd'hui, j'aimerais confirmer que le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté est prêt à comparaître, le mardi 29 novembre, au sujet du Budget supplémentaire des dépenses (B) et du Plan des niveaux d'immigration du Canada pour 2023‑2025. La réunion de mardi aura lieu en présence du ministre. Je voulais confirmer cela auprès de tout le monde.
Le 2 décembre, nous aurons notre dernier groupe de témoins sur les conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile, puis une réunion du sous-comité pour discuter des travaux futurs, comme l'ont demandé les membres du Comité à la dernière réunion.
Le 6 décembre, nous prévoyons commencer notre étude de la réponse du gouvernement au rapport final du Comité spécial sur l'Afghanistan.
Le vendredi 9 décembre, nous fournirons des instructions pour la rédaction de notre rapport sur les conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile.
Oui, monsieur Redekopp.
:
Merci, monsieur Brunelle-Duceppe.
Je vais m'occuper de cela et vous revenir là‑dessus lorsque j'aurai plus de renseignements.
Sur ce, je tiens à vous informer que nous aurons quelques minutes à la fin de la séance pour discuter des travaux du Comité, et plus particulièrement de la question dont nous avons déterminé mardi dernier que nous allions discuter vendredi.
Nous pouvons maintenant passer à nos témoins.
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins qui comparaissent devant le Comité. Nous accueillons aujourd'hui Richard Wex, président et premier dirigeant, Roula Eatrides, vice-présidente de la Section de la protection des réfugiés, et Gary Dukeshire, avocat-conseil, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Nous recevons également Aaron McCrorie, vice-président, Renseignement et exécution de la loi, et Carl Desmarais, directeur général, Exécution de la loi, de l'Agence des services frontaliers du Canada.
Nous accueillons aussi des témoins de la Gendarmerie royale du Canada, à savoir, Michael Duheme, sous-commissaire, et le surintendant Martin Roach, officier responsable des enquêtes criminelles par intérim, Division C.
Bienvenue à tous les témoins. Vous avez cinq minutes chacun pour faire votre déclaration préliminaire.
Nous allons commencer par le représentant de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Je vous en prie.
:
Merci, madame la présidente.
Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné aujourd'hui de Mme Roula Eatrides, vice-présidente de la Section de la protection des réfugiés, et de M. Gary Dukeshire, notre avocat-conseil.
Je sais que le Comité s'intéresse particulièrement au nombre de demandes d'asile, aux temps d'attente et aux projections de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, alors je vais aller droit au but et vous épargner l'introduction habituelle au sujet de notre rôle et de notre mandat dans le contexte du système de demandes d'asile. Je suppose que vous connaissez bien ce sujet.
[Français]
Lorsque j'ai témoigné devant le Comité pour la première fois en tant que nouveau président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, en 2018, nous nous trouvions dans un contexte opérationnel très difficile.
[Traduction]
Une augmentation subite du nombre de demandes d'asile, régulières et irrégulières, a largement dépassé la capacité de traitement annuelle de la CISR, ce qui a entraîné l'arriéré le plus important et les temps d'attente les plus longs des 30 dernières années d'existence de la Commission.
À l'époque, nous avions évalué qu'en l'absence d'intervention, l'arriéré atteindrait bien au‑delà de 200 000 demandes d'ici 2022‑2023, avec des temps d'attente de plus de six ans pour une détermination du statut de réfugié au premier palier. À notre avis, le système était au bord de l'effondrement à ce moment‑là. Par conséquent, en 2018‑2019, la CISR a réagi en élaborant un programme de croissance et de transformation ambitieux.
[Français]
Alors que nous en sommes à la quatrième année de mise en œuvre de notre plan, j'aimerais vous faire part de certains résultats clés et vous donner un aperçu des défis à venir.
Je vais parler tout d'abord de la croissance.
[Traduction]
Depuis 2018‑2019, la Commission a reçu d'importants investissements temporaires dans le cadre de budgets fédéraux successifs, ce qui nous a permis de doubler la production de notre processus décisionnel et de mieux harmoniser la capacité de traitement annuelle de la CISR avec le nombre de demandes d'asile reçues.
Il s'agissait d'une augmentation massive en relativement peu de temps pour notre organisation. Cette croissance, conjuguée aux gains d'efficacité internes et aux restrictions frontalières liées à la pandémie, a amélioré l'accès à la justice pour les demandeurs qui étaient déjà dans le système, le nombre de demandes traitées et la réduction des temps d'attente en faisant foi.
Plus récemment, dans le cadre du budget de 2022, on a annoncé que les fonds déjà prévus sur une base temporaire pour la CISR dans les récents budgets deviendront permanents, et que la CISR recevra également d'autres fonds sur deux ans pour traiter les demandes supplémentaires.
[Français]
Sous réserve de l'approbation du Parlement, ces fonds vont permettre à notre organisation à la fois de se stabiliser aux niveaux actuels et de poursuivre sa croissance pour mieux répondre à l'augmentation du nombre de demandes d'asile reçues.
[Traduction]
Dans le cadre de notre programme de transformation, nous avons mis en œuvre un éventail de mesures visant à améliorer l'efficacité et la qualité de notre processus décisionnel.
[Français]
L'un des volets du programme que je tiens à souligner, c'est notre modèle opérationnel d'audiences. La Commission a saisi les occasions offertes par la pandémie pour devenir une organisation numérique.
[Traduction]
En 2020‑2021, au plus fort de la pandémie, la Commission est passée à un modèle opérationnel d'audiences virtuelles et sans papier. Tous les dossiers ont été numérisés depuis. Les arbitres travaillent maintenant presque entièrement avec des dossiers numériques. Un portail électronique a été créé et bien reçu par la communauté des avocats. Plus de 98 % de nos audiences sont maintenant tenues virtuellement.
L'adoption des audiences virtuelles au niveau opérationnel a permis à la Commission de protéger la santé de ses employés et des personnes qui comparaissent devant elle, tout en maintenant l'accès à la justice pendant les jours les plus difficiles de la pandémie. C'était essentiel pour contrôler le nombre de demandes et les temps d'attente. En fait, selon le dernier rapport sur les tendances mondiales du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le Canada était l'un des quatre seuls pays à avoir été en mesure, au cours de l'année précédente, de réduire considérablement le nombre de cas de demande d'asile à l'étape de la détermination du statut de réfugié pendant la pandémie.
[Français]
Grâce aux nouveaux investissements et aux nouvelles mesures mises en œuvre dans le cadre de notre plan, la Section de la protection des réfugiés et la Section d'appel des réfugiés ont réglé, l'an dernier, plus de demandes d'asile et d'appels que jamais auparavant.
[Traduction]
En 2018‑2019, lorsque j'ai comparu pour la première fois devant le Comité à ce titre, dans cette même salle, les temps d'attente étaient de deux ans et augmentaient à un rythme jamais vu auparavant. Aujourd'hui, les temps d'attente pour les nouveaux demandeurs sont de 16 mois, en baisse de 25 % par rapport à 2018‑2019, et de près de 30 % par rapport au sommet atteint au printemps 2020. À la fin du premier trimestre de l'exercice en cours, les temps d'attente à la CISR étaient à leur plus bas niveau depuis 2016‑2017, avant l'afflux sans précédent de demandeurs d'asile.
Compte tenu du contexte opérationnel des dernières années, il s'agit de solides résultats.
Malgré ces développements positifs à la CISR, je dois être très clair: le vent a clairement tourné. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié et le système de demandes d'asile dans son ensemble sont encore une fois soumis à de réelles pressions. Comme vous l'avez entendu, le nombre de demandes en attente d'admissibilité à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et à l'Agence des services frontaliers du Canada augmente rapidement. Cette année, on s'attend à ce que plus de 90 000 demandes soient reçues, ce qui est bien au‑delà de la capacité de traitement annuelle du système et de la CISR, qui peut atteindre 50 000 demandes. Les renvois à la Commission dépassent maintenant notre capacité annuelle de traitement, ce qui entraîne une fois de plus une augmentation du nombre de cas et des temps d'attente, annulant les gains durement réalisés.
[Français]
Par conséquent, nous devons tous redoubler d'efforts pour améliorer l'efficacité du système et faire avancer les stratégies de financement afin de pouvoir affronter ces réalités, améliorer l'accès à la justice et mieux soutenir le système canadien de détermination du statut de réfugié.
Je vous remercie.
[Traduction]
Mme Eatrides répondra à toutes vos questions.
Des voix: Oh, oh!
:
Merci, madame la présidente.
Bonjour. Je m'appelle Aaron McCrorie et je suis vice-président du Renseignement et de l'exécution de la loi à l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue Carl Desmarais, directeur général de l'Exécution de la loi à l'ASFC.
[Français]
J'aimerais parler brièvement du rôle de l'ASFC dans le traitement des demandes d'asile, en particulier lorsqu'il s'agit d'arrivées irrégulières, dont la majorité se fait par le chemin Roxham.
La sécurité et l'intégrité à la frontière sont un mandat partagé entre l'ASFC et la GRC.
[Traduction]
L'ASFC est responsable de l'application de la loi aux points d'entrée désignés, alors que la GRC remplit cette fonction entre les points d'entrée.
Lorsqu'une personne entre au Canada pour présenter une demande d'asile, le rôle de l'ASFC est de déterminer l'admissibilité de cette personne au Canada et l'admissibilité de sa demande en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ou LIPR.
À ce jour, en 2022, l'ASFC a reçu plus de 2 400 demandes d'asile régulières, principalement de personnes arrivant par avion. En comparaison, cette année, l'ASFC a dû traiter plus de 32 000 arrivées irrégulières, dont plus de 97 % au Québec. La plupart des entrées irrégulières se font à la frontière canado-américaine au chemin Roxham. Ce n'est pas un poste frontalier officiel.
En vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs, les demandeurs d'asile doivent présenter une demande dans le premier pays où ils arrivent — en l'occurrence, le Canada ou les États-Unis —, à moins qu'ils ne soient admissibles à une exception. Cette entente s'applique aux personnes qui présentent une demande d'asile à des points d'entrée désignés, mais pas aux demandeurs d'asile qui entrent au Canada ailleurs qu'aux postes frontaliers officiels.
[Français]
Par conséquent, à moins que leur inadmissibilité n'ait déjà été établie par le passé, l'ASFC ne peut pas refuser l'entrée aux demandeurs d'asile qui arrivent des États‑Unis par le chemin Roxham.
[Traduction]
Lorsque la GRC intercepte une personne qui arrive entre les points d'entrée officiels, cette personne est amenée au point d'entrée le plus proche pour qu'elle puisse présenter une demande d'asile. Dans ce cas, le point d'entrée le plus proche du chemin Roxham est Saint-Bernard-de-Lacolle.
Avant que les demandeurs du statut de réfugié puissent quitter le point d'entrée, ils doivent d'abord se soumettre à un contrôle de santé et de sécurité rigoureux. Cela comprend des vérifications biographiques et biométriques, ainsi que des vérifications de sécurité et d'antécédents criminels.
[Français]
L'ASFC s'engage à traiter toutes les demandes d'asile en temps opportun, mais ce processus peut prendre un certain temps. Le temps requis dépend de plusieurs facteurs, comme le niveau de détail des renseignements fournis par le demandeur, la disponibilité des renseignements supplémentaires et le fait qu'il y ait lieu ou non de faire d'autres recherches.
Le filtrage de sécurité est un élément important de l'évaluation de l'admissibilité d'une personne au Canada. Ce processus permet de s'assurer que quiconque veut venir au Canada n'a pas commis de crimes graves et ne pose pas de risques à la sécurité du Canada et des Canadiens.
[Traduction]
Plusieurs facteurs sont utilisés pour déterminer l'admissibilité d'une personne, comme la participation à des activités criminelles, les violations des droits de la personne et les activités liées au crime organisé.
Outre l'admissibilité, les agents de l'ASFC doivent décider si une demande peut être transmise à la CISR pour une audience. Les facteurs qui déterminent l'admissibilité d'un demandeur comprennent le fait d'avoir commis un crime grave, d'avoir déjà présenté une demande d'asile au Canada ou d'avoir déjà été protégé dans un autre pays.
Pour s'assurer que les demandeurs d'asile du chemin Roxham disposent d'un espace d'attente sûr, confortable et approprié pendant le traitement de leur demande, l'ASFC a investi dans des mesures d'hébergement à court terme. Nous veillons à ce que les demandeurs aient accès à des lits, à des douches, à des repas et à des soins médicaux, au besoin, pendant le traitement de leur demande. Il s'agit du centre de traitement régional près du point d'entrée de Saint-Bernard-de-Lacolle. Compte tenu du nombre sans précédent de demandes dans ce secteur, il s'agit du seul bureau de l'ASFC au Canada qui utilise des structures temporaires pour accueillir les demandeurs d'asile.
L'ASFC encourage les demandeurs d'asile à entrer au Canada aux points d'entrée désignés, afin d'assurer leur sécurité personnelle et de respecter la loi. Cependant, le nombre d'arrivées irrégulières continue d'augmenter. Comme je l'ai déjà mentionné, depuis le 1er janvier, l'ASFC a traité plus de 32 000 arrivées irrégulières au Québec, principalement au passage du chemin Roxham. Nous travaillons très fort pour faire face à cette flambée de volumes, y compris en réaffectant des ressources d'autres régions pour soutenir nos collègues du Québec, en partageant la charge de travail avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et en créant un portail numérique.
De plus, afin d'accélérer les temps de traitement, le 1er novembre, l'ASFC a lancé un nouveau processus pour les demandeurs à faible risque. Grâce à ce processus, les demandeurs peuvent être admis au Canada dans des conditions qui leur permettent d'avoir accès à des prestations sociales et à un permis de travail. Les demandeurs sont ensuite dirigés vers le Portail canadien de la protection des réfugiés, afin de remplir leur demande d'asile dans un délai de 45 jours.
[Français]
Que les demandeurs d'asile choisissent de présenter leur demande à un point d'entrée officiel ou non, l'ASFC s'engage à traiter avec soin et compassion toutes les personnes qui demandent la protection du Canada.
[Traduction]
Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions et de travailler avec vous pour améliorer notre centre de traitement des demandes de réfugiés.
Merci.
:
Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Mike Duheme. Je suis sous-commissaire à la GRC.
Je suis accompagné de Martin Roach, qui supervise et gère la situation au chemin Roxham. Aujourd'hui, nous parlerons des activités de la GRC liées à l'application de la loi à la frontière.
Le Canada, comme d'autres pays occidentaux, doit gérer la migration irrégulière croissante, ce qui implique de répondre aux besoins humanitaires, tout en veillant à ce que les personnes qui pourraient représenter une menace pour la sécurité publique ne soient pas admises au Canada.
[Français]
Personne ne mettra en doute le fait que les déplacements illicites de personnes entre les points d'entrée, notamment le passage illégal de demandeurs d'asile à la frontière, sont un problème continu. Toutefois, il faut se rappeler qu'au cœur de cette question se trouvent des personnes vulnérables, en l'occurrence des réfugiés et des demandeurs d'asile, qui entreprennent souvent un long voyage périlleux pour parvenir au Canada. Ces personnes constituent des proies faciles pour les réseaux de passeurs clandestins, formés de groupes du crime organisé transnationaux qui sont réputés pour leurs actes de violence et leurs autres activités criminelles.
C'est pourquoi la GRC ne ménage aucun effort pour trouver un juste équilibre entre l'exécution de son mandat, qui est d'assurer la sécurité du Canada, et sa responsabilité de veiller à ce que les personnes appréhendées soient traitées avec compassion et respect et aient accès aux recours prévus par la loi.
[Traduction]
J'aimerais prendre quelques minutes pour mettre en contexte l'approche de la GRC en matière d'application de la loi à la frontière, afin de préciser comment et quand ont lieu les interactions de la GRC avec des personnes.
En ce qui concerne le droit canadien, quiconque traverse la frontière canadienne sans se présenter à un point d'entrée officiel peut être arrêté par la GRC. Cela dit, lorsque des individus sont interceptés par la GRC en entrant illégalement entre les points d'entrée, ils sont arrêtés en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi sur les douanes, mais on ne sait pas immédiatement quelles sont leurs intentions. Par conséquent, une évaluation préliminaire des risques est effectuée, afin de déterminer s'ils représentent une menace pour le Canada ou les Canadiens. On procède à des vérifications des antécédents, afin de déterminer s'il y a eu participation antérieure à des activités illégales, y compris, par exemple, le trafic de drogue, des liens avec le crime organisé ou des liens avec le terrorisme.
Chaque situation est évaluée individuellement avant qu'une décision soit prise sur la façon de procéder, c'est‑à‑dire si une personne doit demeurer sous la garde de la GRC en attendant une enquête plus poussée, être renvoyée à un autre service de police ou être transférée à l'ASFC pour que la demande d'asile soit évaluée. C'est lorsque l'ensemble des renseignements est obtenu par la GRC au moyen d'une évaluation préliminaire des risques que l'on procède à une recherche dans les documents personnels pour évaluer le risque que des personnes peuvent poser.
Il est important de noter que la GRC n'accuse pas les personnes interceptées qui tentent d'entrer au Canada pour présenter une demande d'asile, car cela contreviendrait à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui stipule que les personnes ne peuvent être accusées de certaines infractions liées à leur entrée illégale pendant le traitement de leur demande d'asile.
[Français]
En ce qui concerne le chemin Roxham, la GRC, conformément à son modèle d'intégrité des frontières, voit à déployer des équipes dans les régions connaissant les plus hauts taux d'activité afin d'appréhender les demandeurs d'asile, qui sont de plus en plus nombreux à passer entre les points d'entrée officiels.
À l'heure actuelle, la région où l'on trouve le plus grand nombre de migrants clandestins se situe au Québec, au chemin Roxham. De 2017 à 2021, quelque 95 % des interceptions de la GRC se sont faites à cet endroit. Comme aux autres lieux d'interception, chaque personne appréhendée par la GRC au chemin Roxham fait l'objet d'une vérification minutieuse avant que la GRC ne décide de la marche à suivre.
[Traduction]
Bien que l'enquête de sécurité soit nécessaire pour que la GRC puisse s'acquitter efficacement de son mandat de protéger l'intégrité de nos frontières, nos membres veillent à ce que ces processus soient menés avec humanité et compassion, dans le respect des droits des migrants irréguliers et de leur dignité humaine.
Afin d'assurer cet équilibre, l'approche du Canada a été et continue d'être examinée par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Canada.
Dans un esprit de transparence, la GRC au Québec a facilité plusieurs visites et offert des séances d'information aux représentants du Haut Commissariat. Nous sommes fiers du fait que les ressources de la GRC sur le terrain font le travail qui leur est confié, et ce, de façon professionnelle et exemplaire.
[Français]
Cela dit, la GRC a à cœur l'amélioration continue de ses activités d'application de la loi à la frontière. Une approche coordonnée de gestion de la frontière est essentielle à la réussite à long terme et permettra à la GRC de réaliser ses multiples objectifs opérationnels, dont la répression du trafic transfrontalier de drogues et d'armes, ainsi que de la traite des personnes et du passage clandestin.
[Traduction]
Nous avons hâte de travailler avec nos partenaires internationaux et nos partenaires nationaux, comme l'ASFC et IRCC, afin de poursuivre la mise en œuvre de cette approche, tout en accordant la priorité à la sécurité du Canada et des Canadiens et en veillant à ce que les migrants irréguliers soient traités avec compassion.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de parler de ces questions importantes.
Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
[Français]
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui. Merci pour tout le travail important que vous faites auprès des migrants et des nouveaux arrivants dans notre pays. Vous faites de l'excellent travail.
J'aimerais commencer par la GRC.
Comme vous le savez, le Québec a sa propre force policière, alors la GRC se concentre sur la sensibilisation aux drogues, le crime organisé, la sécurité nationale, ce genre de choses et, bien sûr, l'application de la loi à la frontière.
Si vous ne connaissez pas les réponses à mes questions, je vous demanderais de nous les soumettre par écrit dans un délai assez court. Nous avons un rapport à produire, alors peut-être que sept jours seraient un bon délai.
Pouvez-vous dire au Comité combien de membres compte la Division C de la GRC?
:
Par l'entremise de la présidence, je dirai tout d'abord au sujet des délais d'attente pour les nouvelles demandes, que celles reçues à la CISR, disons aujourd'hui, seront traitées dans les 16 prochains mois, d'après les tendances et les arriérés actuels.
Deuxièmement, nous en avons environ 65 000 à l'heure actuelle. Un tiers d'entre elles sont en suspens parce que nous attendons des documents, un contrôle de sécurité ou autre chose.
Il reste donc environ 45 000 demandes qui peuvent être traitées. Les audiences ont eu lieu. Leur traitement se fait ou se fera dans les délais prévus au cours des 11 prochains mois. Du point de vue de la CISR, compte tenu de notre arriéré et du nombre de demandes pouvant être traitées, elles seront ou auront été traitées dans un délai de 11 mois.
Pour ce qui est des mesures qui peuvent être prises, la CISR a adopté ces dernières années un programme de transformation assez ambitieux, dont j'ai fait état dans ma déclaration liminaire, qui promeut réellement une culture axée sur le rendement et les résultats. Nous comprenons ce que les demandeurs d'asile ont vécu. Leur parcours a été long et très difficile. Ils ont dû surmonter bien des obstacles pour se rendre à la CISR, y compris de longs délais de traitement tout au long du processus. Nous reconnaissons notre responsabilité. C'est une situation difficile, et nous avons passé en revue toutes les étapes du processus, depuis la réception des demandes jusqu'aux recours, dans le but de raccourcir les délais de traitement.
Il y a une initiative, parmi beaucoup d'autres, dont je veux parler de façon particulière et qui concerne le groupe de travail sur les demandes moins complexes. Il s'agit d'une initiative qui vise à mieux affecter nos ressources en fonction de la complexité des demandes. Ce groupe de travail est composé de membres de la Section de la protection des réfugiés, dirigée par Mme Eatrides, qui y a affecté 10 % de son effectif actuel. Depuis la création de ce groupe, il y a à peu près quatre ans, environ 20 % des audiences ont été menées à terme.
Cela a pour effet d'accélérer l'accès à la justice pour les personnes dont la demande est en arriéré et d'optimiser l'utilisation de nos ressources. Voilà un exemple parmi tant d'autres qui montre comment nous avons cherché à susciter et à lancer de nouvelles idées et de nouvelles approches pour réduire effectivement les délais de traitement.
:
Il y en a quelques-unes, et je les aborderai rapidement.
D'abord et avant tout, il est évident qu'il n'y aurait plus de raison pour les gens d'entrer de façon irrégulière et qu'ils seraient ainsi incités à traverser à un poste frontalier, ce qui aurait pour effet de disperser l'afflux dans un secteur comme le chemin Roxham, que les gens connaissent très bien, je crois. Il y a d'autres aspects, évidemment.
L'Entente sur les tiers pays sûrs a été mise en place à certaines fins: promouvoir la sécurité, promouvoir le partage des responsabilités à l'échelle internationale et ainsi de suite, si bien qu'en l'absence de l'Entente il n'y aurait plus nécessairement d'efforts en ce sens.
D'un point de vue opérationnel, on craint évidemment que cela amène une pression supplémentaire sur le régime de l'asile. Une optique opérationnelle est différente d'une optique humanitaire.
Il y a essentiellement trois catégories. Il y a des passages irréguliers à la frontière...
:
Merci, madame la présidente.
Je profiterai peut-être de l'occasion pour répéter que nos processus sont en place, que l'ETPS soit là ou non. Au chemin Roxham, vu la quantité de demandes, nous avions à l'origine un processus à deux volets. Nous faisions une évaluation initiale à l'arrivée, puis nous reportions l'examen de la demande à une date ultérieure qui devait être fixée lors d'une entrevue d'admissibilité au centre de traitement urbain.
De ce fait, nous avons constaté que la quantité... nous procédions ainsi parce qu'il faut de quatre à six heures pour l'examen en personne. Nous avons constaté que l'arriéré des demandes d'admissibilité avait augmenté du fait de ce processus en deux étapes, au point que le demandeur devait attendre jusqu'à 18 mois avant de passer son entrevue d'admissibilité et obtenir les documents voulus.
Pour régler ce problème, nous avons pris quelques mesures. Premièrement, nous avons mis en place, comme je l'ai mentionné, ce que nous appelons notre processus à étape unique, où les demandeurs à faible risque et ceux qui ont tous les documents voulus font l'objet d'une évaluation complète à leur arrivée. Ils sont autorisés à partir. On leur donne les documents nécessaires leur donnant le droit de travailler et l'accès aux services sociaux et aux soins médicaux. Ils doivent remplir leurs formulaires sur notre portail en ligne dans un délai de 45 jours. Cela a pour effet de ralentir la croissance de l'arriéré des dossiers d'admissibilité.
Notre autre grande innovation, c'est l'utilisation de ce portail numérique. J'ai dit que le délai pouvait, dans les cas extrêmes, atteindre jusqu'à 18 mois. Si les gens transmettent leurs renseignements par l'entremise de notre portail en ligne, qui est un moyen plus convivial, plus fiable et plus précis de le faire, ils peuvent obtenir une entrevue dans un délai de 90 jours. Leur dossier d'admissibilité sera alors clos et ils pourront continuer d'avancer dans le système.
Je vais poursuivre.
Selon le plus récent rapport ministériel sur le rendement, l'objectif de la CISR de traiter les demandes dans les délais légaux n'était que de 50 %. Pour le respect de délais légaux, c'est un objectif des plus modestes. Le pire, c'est que les résultats réels n'étaient que de 17 %. Après le dernier afflux de personnes ayant traversé la frontière de façon irrégulière, la vérificatrice générale a déposé un rapport troublant dans lequel elle signale de nombreuses lacunes à la CISR.
Comme vous en étiez président à l'époque et que vous l'êtes toujours, j'aimerais obtenir des précisions sur la mise en œuvre par la CISR des recommandations de la vérificatrice générale que la CISR a acceptées. La première serait, comme on l'a demandé, de savoir si la CISR a révisé les cibles de rendement utilisées pour faire rapport sur sa capacité d'absorption et sa productivité.
Je crois que vous avez dit oui dans votre témoignage. Je vous en remercie donc.
Pourriez-vous nous expliquer comment la CISR a mis en application cette recommandation?
:
Nous reprenons nos travaux.
Je remercie tous les témoins de leur comparution devant le Comité.
Nous accueillons aujourd'hui Me Stéphane Handfield, avocat chez Handfield et associés, avocats qui témoignera à titre personnel. Nous entendrons également M. Yannick Boucher, directeur, Développement stratégique et de la recherche, Accueil liaison pour arrivants, ainsi que Mme Marzieh Nezakat, gestionnaire, Programme d'établissement et d'intégration des réfugiés, Multi-Lingual Orientation Service Association for Immigrant Communities.
Après avoir entendu les trois témoins, nous passerons aux questions. Nous allons commencer par M. Handfield.
Monsieur Handfield, vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Allez‑y, je vous prie.
:
Bonjour. Je vous remercie de l'invitation.
Je suis membre du Barreau du Québec depuis 1992. J'ai été commissaire à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pendant 11 ans. De 2012 à 2015, j'ai été chargé de cours au Cégep de Saint‑Laurent dans le programme de Techniques administratives, plus particulièrement dans le programme de Service-conseil en immigration.
Je suis membre de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration et de l'Association des avocats de la défense de Montréal. Je pratique exclusivement dans le domaine du droit de l'immigration chez Handfield et associés, avocats. J'exerce également la fonction d'inspecteur au Service de l'inspection professionnelle du Barreau du Québec.
J'ai collaboré à l'ouvrage Démantèlement tranquille, paru aux Éditions Québec Amérique en 2018. J'ai écrit deux ouvrages publiés par la maison d'édition Wilson et Lafleur, soit Immigration et criminalité au Canada: quand l'expulsion devient inévitable, paru en 2020, ainsi que Fatima: le parcours d'une réfugiée, paru en 2021.
Lorsqu'il est question d'accueil des réfugiés, on ne peut passer sous silence l'Entente sur les tiers pays sûrs.
En vertu de cette entente, une personne qui se présente à un poste frontalier canado-américain verra sa demande d'asile être jugée irrecevable et sera refoulée en territoire américain, à moins qu'elle ne soit visée par une exception prévue par l'Entente, par exemple lorsqu'il s'agit d'un mineur non accompagné ou lorsqu'il y a présence d'un membre de la famille au Canada.
Cependant, si cette même personne franchit la frontière de façon irrégulière, elle ne sera pas visée par l'Entente sur les tiers pays sûrs et sa demande d'asile sera jugée recevable. C'est la raison qui a incité des milliers de personnes à franchir la frontière de façon irrégulière au cours des dernières années afin de solliciter la protection du Canada. En fait, depuis janvier 2022, 99,3 % de ces entrées se font au Québec.
En vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs, une personne n'aura pas de droit d'appel devant la Section d'appel des réfugiés en cas de rejet de sa demande d'asile si cette demande a été faite à un poste frontalier terrestre lors d'un passage régulier. En revanche, si cette même personne franchit la frontière par le chemin Roxham, elle aura un droit d'appel en cas de décision négative sur sa demande d'asile par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
En somme, tous les éléments sont réunis afin d'encourager les demandeurs d'asile à franchir de façon irrégulière la frontière: leur demande sera jugée recevable, il n'y aura pas de refoulement aux États‑Unis et ils conserveront un droit d'appel en cas de rejet de leur demande.
Le gouvernement est au fait de cette situation, qui perdure depuis des années.
De janvier à octobre 2022, c'est plus de 30 000 personnes qui ont traversé la frontière par le chemin Roxham. Or, si la tendance se maintient, ils seront près de 50 000 d'ici la fin de l'année. Rappelons que le record avait été établi en 2017, alors que 18 836 demandeurs d'asile avaient franchi la frontière de cette façon.
Au début d'octobre 2022, le maire de New York, Eric Adams, déclarait qu'il s'attendait à recevoir dans sa ville plus de 100 000 migrants expulsés de l'État du Texas. Il précisait qu'environ un tiers de ces migrants voudraient se rendre vers d'autres destinations. On peut donc penser, avec raison, que l'une de ces destinations sera le chemin Roxham. À Portland, dans l'État du Maine, ils sont des centaines de migrants à rêver du chemin Roxham.
C'est le système, et non les personnes, qu'il faut dénoncer. Ce sont des personnes qui, dans bien des cas, se font exploiter par des passeurs sans scrupules. Il faut savoir accueillir ces gens, mais il faut surtout savoir les intégrer adéquatement et efficacement, selon notre capacité.
Étant donné la crise du logement, le manque de place dans les centres de la petite enfance, la pénurie de médecins de famille et d'enseignants et les défis de la francisation, jumelés au fait que le système d'immigration craque de toutes parts, certains évoquent une possible crise humanitaire. Aussi, plusieurs demandeurs d'asile se retrouvent, malgré eux, à devoir faire face à l'itinérance.
Le nombre de demandeurs d'asile qui franchissent la frontière par le chemin Roxham a des conséquences sur les délais de traitement des dossiers, mais également sur le travail même des commissaires à la Section de la protection des réfugiés. Il est question d'ingérence et de détérioration des conditions de travail de ces commissaires.
Il est maintenant venu le moment de fermer définitivement cet accès irrégulier et non officiel du tristement célèbre chemin Roxham.
Il est important de souligner que le gouvernement du Canada a le pouvoir de suspendre de façon unilatérale l'Entente sur les tiers pays sûrs, en vertu de l'article 10 de cette entente: « Chacune des parties peut, par avis écrit donné à l’autre, suspendre l’application du présent accord pour au plus trois mois. Une telle suspension peut être renouvelée pour des périodes additionnelles d’au plus trois mois. »
Par conséquent, le statu quo n'est plus la solution. Un minimum de volonté politique s'impose. Il est plus que temps.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Bonjour.
Nous saluons vraiment l'initiative d'aujourd'hui, qui permet de rapporter au Parlement la situation des personnes ayant choisi le Canada comme refuge sécuritaire, comme il vient d'être mentionné.
Comme l'ont exposé les autres intervenants avant moi, les enjeux et les défis vécus par les demandeurs d'asile tout au long de leur trajectoire d'établissement ont de nombreuses incidences, à la fois humaines, économiques et, surtout, structurelles. On peut penser ici, par exemple, à l'accès à un emploi, à un logement, aux services juridiques, aux soins de santé, aux services à la petite enfance, et j'en passe.
En tant qu'organisme de première ligne en matière d'immigration et d'intégration depuis 38 ans, nous vous présenterons aujourd'hui une synthèse de nos observations sur le terrain concernant la réalité québécoise des demandeurs d'asile.
Notre objectif est de vous proposer quatre pistes d'action qui faciliteraient grandement l'intégration des demandeurs d'asile: premièrement, favoriser l'accès à des emplois de qualité, notamment par l'attribution d'un permis de travail dès l'arrivée; deuxièmement, faciliter l'accès à des services psychosociaux et de santé pour les demandeurs d'asile logés dans les hôtels fédéraux du Québec; troisièmement, mettre sur pied une campagne de sensibilisation portant sur le Programme fédéral de santé intérimaire, ou PFSI; et quatrièmement, développer des modèles d'hébergement transitoire pour faciliter l'accès au logement.
Tout d'abord, pour favoriser l'accès à des emplois de qualité, nous sommes convaincus de l'importance de soutenir les initiatives visant à valoriser les compétences des demandeurs d'asile et à sensibiliser les employeurs à leur potentiel dans un contexte sans précédent de pénurie de main‑d'œuvre. Rappelons que le terme « demandeurs d'asile » est un statut qui ne dit rien de la trajectoire professionnelle de ces personnes.
D'ailleurs, notre organisme, avec le soutien de Services Québec, tiendra le premier salon de l'emploi pour demandeurs d'asile, le 13 décembre prochain. C'est une belle occasion pour ceux-ci de sortir des réseaux d'emplois informels qui les vulnérabilisent. C'est très important de le mentionner.
Même si nous tenons à saluer la mise sur pied d'une nouvelle mesure temporaire afin d'accélérer la délivrance de permis de travail, des interrogations demeurent. Selon la politique d'intérêt public, pour obtenir un numéro d'assurance sociale, les personnes doivent avoir en main leur document du demandeur d'asile. Pourront-ils tout de même avoir un numéro d'assurance sociale sans le document du demandeur d'asile, sachant qu'un demandeur d'asile peut attendre un an avant de passer une entrevue de recevabilité pour obtenir ce fameux document? Auparavant, cette entrevue était faite le jour de l'arrivée du demandeur d'asile ou dans les 24 heures suivantes. C'est une année d'attente qui contribue au travail au noir plutôt qu'à nos entreprises en besoin de main-d'œuvre.
Ces longs délais de traitement entraînent des conséquences sur la santé psychologique des demandeurs d'asile. Nous observons une montée de l'anxiété et de la détresse en raison des démarches administratives, notamment celles liées aux services juridiques, qui sont présentement sous pression au Québec. Une incertitude vient donc s'ajouter aux traumatismes liés à l'expérience vécue par les demandeurs d'asile dans leur pays d'origine et à la longue route qui les a menés au Canada.
Nous soulevons ici la nécessité pour les demandeurs d'asile logés dans les hôtels fédéraux au Québec de recevoir des services psychosociaux et de santé, au même titre que les demandeurs d'asile hébergés dans le cadre du Programme régional d'accueil et d'intégration des demandeurs d'asile, ou PRAIDA, une initiative provinciale.
De plus, nous proposons de mettre sur pied, à l'intention des employés de première ligne du réseau de la santé, une campagne de sensibilisation à l'existence du Programme fédéral de santé intérimaire, qui est méconnu au Québec. Ce programme remplit un vide de service en offrant une couverture d'assurance. Nous proposons également la création d'outils de référence auxquels les agents administratifs du réseau pourraient se référer pour bien comprendre les couvertures médicales. De tels outils simplifieraient la compréhension des procédures du PFSI.
Une plus grande cohérence entre le PFSI et la Régie de l'assurance maladie du Québec viendrait également faciliter le traitement et éviterait l'abandon du PFSI par certains professionnels jugeant le processus de remboursement trop lourd. La méconnaissance du PFSI par les fournisseurs de services entraîne des conséquences directes sur la santé déjà précaire des demandeurs d'asile.
En dernier lieu, nous considérons que l'élaboration de modèles d'hébergement transitoire de six mois à un an, en complément de l'hébergement temporaire d'accueil du PRAIDA, viendrait soutenir les demandeurs d'asile dans leur démarche de recherche de logement. Le Québec est la seule province à offrir un hébergement temporaire à l'arrivée. Or, comment peut-on obtenir un logement en trois semaines sans historique de crédit ni références d'anciens propriétaires, et ce, dans un contexte de crise du logement abordable?
La montée de l'itinérance chez les demandeurs d'asile est une manifestation concrète de la difficulté d'accès à des logements abordables dans la métropole. Les modèles de logement transitoire peuvent servir de tampon à la sortie des hébergements d'accueil en permettant aux demandeurs d'asile de mieux comprendre les règles locatives et de se bâtir un historique de location.
Je vais terminer là-dessus.
Je suis disposé à répondre à vos questions.
Merci.
:
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître sur ce sujet très important.
Je m'appelle Marzieh Nezakat et je suis gestionnaire de l'installation et de l'intégration des réfugiés à MOSAIC.
MOSAIC est l'un des plus grands organismes à but non lucratif au Canada qui offre des services aux immigrants, aux réfugiés et aux autres communautés dans la province de la Colombie-Britannique et à l'étranger par l'entremise de programmes en ligne. MOSAIC est également l'un des plus grands organismes financés par la province au service des demandeurs d'asile, en partenariat avec d'autres organismes de la Colombie-Britannique.
À MOSAIC, je supervise des programmes qui desservent environ 2 000 demandeurs d'asile chaque année. Je supervise également le système d'aiguillage et de gestion des données en matière de logement des demandeurs d'asile de la Colombie-Britannique, BC CHARMS, le premier du genre dans l'Ouest canadien. Ce système centralisé d'aiguillage en matière de logement à l'échelle de la province vise à relier les demandeurs d'asile à un logement sûr et abordable dans toute la province.
Aujourd'hui, j'aimerais prendre le temps de souligner certaines des expériences des demandeurs d'asile desservis par MOSAIC en ce qui a trait à leur sécurité et à leur santé.
En 2021, à Noël, j'ai reçu un appel de la Croix-Rouge au sujet d'une famille de 11 personnes qui avaient franchi la frontière de façon irrégulière et qui avaient été interceptées par la GRC. Elles étaient couvertes de boue, affamées, avaient été dépouillées et étaient à la recherche d'un abri et de nourriture.
Une jeune femme dans la vingtaine, qui avait franchi la frontière de façon irrégulière et n'avait pas été interceptée, avait réussi à se rendre au bureau de MOSAIC en fin d'après-midi. Elle était trempée et grelottait, demandant sans cesse dans sa langue maternelle si nous allions la renvoyer à la frontière ou si elle allait être expulsée.
Après avoir traversé la frontière de façon irrégulière et avoir été interceptée par la GRC, une femme enceinte de sept mois, dont le mari avait été expulsé vers les États-Unis, a été orientée vers MOSAIC pour obtenir de la nourriture et un abri. Elle a ensuite été appelée au bureau de l'ASFC, où elle a été détenue pendant la nuit, puis renvoyée aux États-Unis. Sa cousine nous a parlé plus tard de sa situation difficile au centre de surveillance de l'immigration la nuit précédant son renvoi.
Une mère célibataire et trois jeunes enfants ont été trouvés par de policiers dans les rues de Vancouver vers minuit. Un agent du service de police de Vancouver avait des liens avec une église qui les a accueillis pour la nuit avant de les envoyer à MOSAIC.
Au cours des deux derniers mois, MOSAIC a reçu deux familles qui, comme l'indique l'ETPS, n'étaient pas admissibles à présenter une demande au Canada. En raison d'une mesure d'exclusion leur interdisant de rentrer au Canada pendant un an, ces deux familles ont franchi la frontière de façon irrégulière et se sont adressées à MOSAIC pour obtenir de l'aide.
Le traumatisme que ces familles ont vécu avec leurs jeunes enfants est inimaginable, d'autant plus que bon nombre de ces personnes ont peut-être été victimes de la traite des personnes pour se rendre au Canada. Pour ces demandeurs d'asile, le fait de ne pas être admis, la culpabilité et la honte d'avoir franchi la frontière de façon irrégulière et que leur demande d'asile a été rejetée a des répercussions.
Selon les statistiques d'IRCC, pour la période allant de janvier à octobre de cette année, le nombre de demandeurs d'asile interceptés par la GRC en Colombie-Britannique a augmenté de 133 % par rapport à la même période l'an dernier, et de 30 % par rapport à la période prépandémique en 2019 dans le cas des demandeurs d'asile qui ont franchi la frontière sans être interceptés ou sans avoir présenté une demande dans un bureau intérieur.
Lorsqu'ils soumettent une demande aux points d'entrée officiels, les demandeurs peuvent immédiatement présenter une demande de soutien du revenu, qui est reçu dans un délai de moins de trois semaines, et obtenir leur entrevue d'admissibilité dans un maximum de deux mois. S'ils sont jugés admissibles, ils peuvent s'attendre à recevoir un permis de travail en l'espace de trois ou quatre mois. Cependant, lorsqu'on présente une demande dans un bureau intérieur, le processus de demande prend des mois de plus et les demandeurs se retrouvent sans soutien du revenu. De plus, l'octroi des permis de travail peut prendre jusqu'à 18 mois, ce qui fait qu'il est presque impossible de gagner sa vie.
Compte tenu de ces inconvénients, pourquoi les demandeurs d'asile courent-ils le risque de franchir la frontière de façon irrégulière? La réponse, c'est le risque d'être expulsés vers les États-Unis ou d'y être renvoyés. La majorité des personnes qui traversent la frontière ont épuisé leurs ressources financières pour se rendre de leur pays d'origine, passer dans des pays transitoires, se rendre en Amérique du Sud pour finalement passer par les États-Unis et atteindre le Canada.
Comme ils ne peuvent pas obtenir un permis de travail dans un délai raisonnable, ils doivent demander l'aide de la collectivité ou des organismes d'aide à l'établissement ou, en dernier recours, travailler illégalement, ce qui, en soi, est une tout autre histoire, car ils sont exposés à la discrimination, à la stigmatisation et à toutes sortes d'abus potentiels de la part d'employeurs.
En terminant, je tiens à rappeler au Comité et à la collectivité concernés que, malgré tous les défis auxquels font face les demandeurs d'asile, ils ont contribué et continuent de contribuer immensément au tissu social du Canada. MOSAIC reconnaît que la demande d'asile est un droit de la personne, tout comme les principes humanitaires d'impartialité, d'indépendance et de neutralité que nous recherchons dans nos pratiques quotidiennes.
Merci encore de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leur présence.
D'entrée de jeu, je tiens à remercier les membres du Comité de me donner l'occasion aujourd'hui de prendre la parole et de poser des questions.
Que cela se fasse par le chemin Roxham ou ailleurs au Canada, comme Mme Nezakat vient d'en parler, l'immigration irrégulière est une préoccupation majeure. On parle ici de gens qui traversent la frontière de manière irrégulière. Ce qu'on oublie toujours, c'est qu'il s'agit d'abord et avant tout de personnes et de familles qui ont vécu des moments difficiles et qui ont fait des choix difficiles avant de décider de venir s'établir au Canada. Ce sont des histoires humaines, d'abord et avant tout. Malheureusement, on oublie un peu trop souvent cette réalité, dans tout le processus.
Je peux confirmer que, dans nos bureaux de circonscription, nous entendons tous les jours des histoires tristes. Je pense à un exemple récent où une personne, qui était entrée au Canada par le chemin Roxham avec sa famille et qui s'était bien intégrée à la communauté, vient de recevoir un ordre d'expulsion. Cela me porte à dire que nous avons probablement des problèmes sur le plan de l'accueil des gens; nous ne les recevons pas comme il faut.
Le chemin Roxham est une solution de rechange sur laquelle vous ne semblez pas d'accord, monsieur Handfield, puisque vous demandez que l'on suspende l'Entente sur les tiers pays sûrs. Concrètement, qu'est-ce que la suspension de cette entente changerait pour les gens qui traversent la frontière de façon irrégulière?
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins qui sont présents pour la deuxième heure de notre réunion.
Monsieur Handfield, la semaine passée, j'ai demandé à la sous-ministre d'IRCC de me dire comment fonctionnait le processus de demande d'asile pour les gens en provenance des États‑Unis, avant la mise en place de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Elle a été incapable de me répondre. Aujourd'hui, les représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada que nous avons reçus n'ont pas été capables de répondre à cette même question, pas plus que les représentants de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Premièrement, trouvez-vous cela normal, que ces hauts fonctionnaires ne soient pas capables de répondre à cette question?
Deuxièmement, pouvez-vous me dire comment cela se passait, avant la mise en place de l'Entente en 2004?
:
Il est difficile de répondre à cette question.
Je travaille sur le dossier du chemin Roxham depuis 2017. Il faut rappeler la position du gouvernement dans ce dossier. À l'été 2020, à la suite d'une contestation, la Cour fédérale a invalidé l'Entente sur les tiers pays sûrs. Le gouvernement aurait pu, à ce moment, prendre acte de la décision et agir en conséquence. Au contraire, il a interjeté appel. Cela s'est rendu jusque devant la Cour suprême et on attend la décision, qui devrait être prise dans les prochaines semaines.
Pourquoi le gouvernement ne bouge-t-il pas sur cette question, alors que tous les intervenants militent en faveur de la suspension de l'Entente? Comme je l'ai dit au départ, l'article 10 de l'Entente permet au gouvernement de suspendre celle-ci pour une période de trois mois, et ce, de façon unilatérale, sans même avoir besoin de l'autorisation du gouvernement américain. Il serait donc très facile pour le gouvernement de suspendre l'Entente et d'observer comment les choses se passent sur le terrain. Si jamais l'appréhension de certains se concrétisait et que le Canada devait recevoir 100 000 ou 200 000 nouveaux demandeurs d'asile, le gouvernement pourrait alors décider de rétablir l'Entente. Il se pourrait aussi que la situation demeure stable.
On pourrait faire cela. Pourquoi ne le fait-on pas? Il faudrait poser la question au .
:
Je pense que c'est une erreur que de comparer les deux systèmes d'octroi de l'asile. La situation aux États‑Unis est fort différente de celle au Canada. Le Canada est beaucoup plus ouvert et a des critères beaucoup plus souples permettant de reconnaître le statut de réfugié à une personne. Je vous donne quelques exemples.
D'abord, il y a l'orientation sexuelle. Une personne qui solliciterait l'asile aux États‑Unis sur la base de son orientation sexuelle ne pourrait pas être reconnue comme une personne réfugiée par le tribunal américain de l'immigration. À l'inverse, au Canada, l'appartenance à ce qu'on appelle un groupe social particulier est un motif pour être reconnu comme réfugié.
Il y a aussi le fait, pour une personne, de craindre certains groupes criminels dans son pays d'origine. Ce n'est pas un motif reconnu aux États‑Unis, alors que ce l'est au Canada. Ce sont évidemment des différences importantes.
Il y a également des différences en ce qui concerne la détention des migrants. Au Canada, c'est l'exception: on détient les migrants dans un centre de détention de l'immigration conçu à cet effet, qui accueille les femmes, les enfants et les familles. Aux États‑Unis, les migrants qui sollicitent l'asile sont plutôt détenus dans des prisons de droit commun, aux côtés de criminels, et parfois même de criminels endurcis, comme des meurtriers.
Les deux systèmes sont complètement différents. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Cour fédérale a invalidé l'Entente, en 2020. On considérait que le système était différent et que les États‑Unis, contrairement à ce qu'on pouvait penser, n'étaient pas un tiers pays sûr pour les personnes qui craignaient la persécution si elles devaient retourner dans leur pays d'origine.
:
Je suis désolée de vous interrompre, madame Nezakat, mais le temps de parole de Mme Kwan est écoulé.
Sur ce, nous allons clore cette deuxième partie de la réunion.
Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir comparu devant le Comité et d'avoir fourni des renseignements importants.
Si vous voulez porter quelque chose à l'attention du Comité, vous pouvez toujours le faire par écrit et l'envoyer à la greffière. Ce sera distribué aux membres du Comité avant de mettre la dernière main au rapport.
Sur ce, cette deuxième partie de la réunion tire à sa fin. Je remercie tous les témoins. Ils peuvent partir.
Je demande aux membres du Comité de se déconnecter de la séance publique, puis de se reconnecter pour la séance à huis clos afin que nous puissions nous occuper des travaux du Comité.
Sur ce, la séance est suspendue.
[La séance se poursuit à huis clos.]