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Je suppose que j'ai la parole.
Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier les membres du comité de me permettre de comparaître devant eux ce matin. Je suis particulièrement disposé et heureux de témoigner, surtout en ma qualité de professeur de droit de l'Université d'Ottawa connaissant bien la Loi sur l'accès à l'information fédérale.
Permettez-moi de commencer en faisant remarquer que la Charte des droits et libertés et la Loi sur l'accès à l'information ont toutes deux été adoptées en 1982, à trois mois d'intervalle. Elles ont depuis été mises à l'épreuve encore et encore par les tribunaux, et la Loi sur l'accès à l'information a toujours démontré qu'elle avait sa raison d'être, grâce surtout au travail magistral des rédacteurs initiaux. Cette loi, ainsi que la Charte, ont bien vieilli. Elles se sont également adaptées aux changements sociétaux et technologiques des 30 dernières années. Par conséquent, comme je l'ai déjà indiqué au comité, je considère que la Loi sur l'accès à l'information est généralement correcte dans sa forme actuelle.
Selon moi, les dispositions de la loi, si elles sont suivies et mises en oeuvre correctement, permettent aux Canadiens d'accéder aux dossiers du gouvernement, tout en protégeant solidement les renseignements confidentiels, dont la divulgation pourrait causer du tort à des intérêts protégés.
Le Canada figure parmi quelque 80 pays qui ont reconnu que la liberté de l'information constitue un droit fondamental. De plus, notre pays étant un chef de file de la démocratie, il a conféré un statut quasi constitutionnel à la loi. Pourquoi, vous demanderez-vous peut-être? C'est tout d'abord parce que la loi contient une disposition de dérogation, qui lui donne la priorité sur toute autre loi du Parlement; elle a en outre le double objectif d'assurer la démocratie et la reddition de comptes au public.
La Cour suprême a, en 1997, énoncé précisément les principales fonctions de la loi, qui sont au nombre de quatre. Elle doit permettre d'améliorer le fonctionnement des rouages du gouvernement; rendre ce dernier plus efficace, réceptif et comptable; favoriser la démocratie en aidant les citoyens à obtenir l'information nécessaire pour participer à un processus démocratique; et faire en sorte que les politiciens et les bureaucrates restent comptables à l'égard de la population.
Je suis de plus convaincu que la commissaire à l'information détient déjà des pouvoirs d'enquête considérables pour faire suite aux plaintes. Elle en a certainement autant qu'un juge de cour supérieure. Je conviens toutefois avec elle que son mandat devrait être élargi pour qu'elle puisse informer les Canadiens de leurs droits en matière d'information de manière plus proactive. Votre comité, qui supervise son travail, devrait lui donner le feu vert à cet égard.
Je formulerais une dernière remarque avant de passer à l'objet de votre examen. Je partage également l'avis de Mme Legault concernant les dossiers actuellement conservés dans les cabinets de ministres. Ces dossiers sont déjà protégés par la Loi sur l'accès à l'information dans sa forme actuelle. Compte tenu des objectifs démocratiques de cette loi, je crois fermement que les cabinets ministériels devraient être assujettis à la loi. Comment faire? Simplement en prenant un décret en vertu du paragraphe 77(2) de la loi, et le tour est joué.
J'aimerais maintenant aborder la question dont vous êtes saisis, soit celle des poursuites concernant la SRC.
La SRC est visée par la Loi sur l'accès à l'information depuis septembre 2007. C'est toutefois à ce moment que la loi a été modifiée par l'ajout de l'article 68.1 afin de protéger les renseignements se rapportant aux « activités de journalisme, de création ou de programmation » de la SRC. Le Canada suivait ainsi l'exemple du Royaume-Uni et de l'Australie, où l'on trouve également un radiodiffuseur national subventionné à même les fonds publics. L'ajout de cette disposition n'a rien d'étonnant, puisque notre propre Cour suprême a déjà clairement indiqué que les sources journalistiques bénéficient d'une protection privilégiée en vertu de la loi. Cependant, en s'acquittant de ses obligations en matière d'accès à l'information ces quatre dernières années, la SRC semble avoir dépassé la simple protection de ses intérêts journalistiques.
Force m'est de reconnaître que selon moi, la SRC fait apparemment fi de l'article 68.1 en retardant ou en refusant—quand ce n'est pas les deux— l'accès à ses dossiers sans même faire mine de se cacher.
Pendant que nous parlons de retard, je ferai brièvement remarquer que la SRC a recouru tout aussi librement à une myriade d'autres exemptions, exclusions et frais abusifs pour non seulement refuser d'accéder aux demandes, mais, plus important encore, systématiquement retarder la divulgation de l'information. Comme on le dit si bien, « Justice différée est justice refusée ». Après tout, à quoi sert l'information qu'on lui a demandée en 2007 si on attend toujours quatre ans plus tard?
Comme je connais suffisamment bien la loi pour écrire à son sujet et enseigner sur la question de l'accès à l'information, il faudrait que je sois naïf pour croire que toute ces manoeuvres ne camouflent pas une tentative de retarder aussi longtemps possible la divulgation des dossiers.
À dire vrai, contrairement à la plupart des institutions fédérales, la SRC est très peu touchée par la loi. Pourquoi? Parce que dans son cas, la loi ne s'applique qu'aux renseignements qui ne concernent pas les activités de journalisme ou de programmation. Selon sa position officielle, toutefois, la SRC considère pour l'instant que les demandeurs qui remettent en question l'application de l'article 68.1 devraient s'adresser aux tribunaux et non à la commissaire à l'information.
Voilà une suggestion que je juge condescendante, car ces démarches obligeraient les demandeurs à entreprendre un combat judiciaire qui leur coûterait des milliers de dollars et qui durerait des années, contre une société d'État qui bénéficie déjà largement des fonds publics. Pareille suggestion constitue selon moi une insulte à l'objectif même de la Loi sur l'accès à l'information, aux fondements de la démocratie et à l'intelligence du public canadien.
Que doit donc faire la SRC? C'est simple. Elle doit d'abord déployer tous les efforts possibles pour divulguer, en temps opportun, les dossiers qui ne sont pas visés par l'article 68.1.
Ensuite, lorsqu'elle invoque cet article, la SRC devrait coopérer diligemment avec la commissaire à l'information, laquelle est, après tout, une agente du Parlement s'exprimant en votre nom. La société d'État devrait en outre lui donner accès aux dossiers qui seraient couverts par l'exemption relative aux activités de journalisme. En agissant ainsi, la SRC pourrait conserver un minimum de crédibilité et d'objectivité auprès du public qu'elle sert.
Avant de conclure mon propos, j'ajouterais que la SRC, comme CTV, TVA, Global, le The Globe and Mail, Sun Media et d'autres, est passée maître dans le domaine de l'accès à l'information, proposant à la population canadienne une analyse critique de l'administration publique. Quand ces nouvelles organisations présentent une demande d'accès, elles s'acquittent d'un devoir public d'informer la population de ce qui se passe au gouvernement. Les citoyens se soucient peu de savoir quelle organisation effectue des recherches et lève le voile sur les dépenses et le rendement des institutions publiques. Ce qui compte, c'est que quelqu'un s'en charge.
Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de faire une dernière observation. Sachez que la cour a statué que les motifs d'un demandeur sont sans importance. La loi vise à assurer l'accès à l'information que détient le gouvernement. C'est un droit dont peuvent se prévaloir tous les citoyens, et l'intention, le but, la motivation ou l'occupation du demandeur sont sans objet sur le plan juridique. Ce sont les dossiers qui importent; c'est un fait inéluctable, peu importe la stratégie présumée des demandeurs.
Je suis honoré de jouer un rôle dans votre examen et suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Merci.
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Vous avez soulevé trois points. Si vous me le permettez, je vais y répondre dans l'ordre inverse.
J'aimerais commencer par la dissolution de la société. Vous avez devant vous un admirateur et un défenseur de la CBC/Radio-Canada. Je pense que la société a enrichi considérablement le tissu social du pays, et j'espère qu'elle poursuivra sur cette voie.
Or, je suis aussi un contribuable. À ce titre, j'ai besoin de savoir, et c'est un droit quasi constitutionnel. Lorsque la CBC/Radio-Canada reçoit une demande officielle d'accès à l'information, les outils et la disposition de dérogation dont elle dispose lui permettent de censurer les documents qui doivent l'être. Mais elle devrait finir par divulguer l'information en temps et lieu, conformément à l'échéance prévue par la loi.
Il se peut que les demandes d'information ne viennent pas d'un citoyen comme moi, mais plutôt des députés, de la Bibliothèque du Parlement, de l'étranger, ou même des concurrents. N'oublions pas que nous vivons dans un monde très compétitif, ce qui vaut aussi pour toutes les sociétés d'État. Le fait qu'une personne demande — la Cour s'est souvent penchée sur la question, notamment dans le cas d'une société de transport aérien; on soutenait que les demandes d'accès à l'information n'avaient été déposées que pour mettre la société dans l'embarras et procurer des renseignements à un concurrent... La synchronisation et la structure de la loi assurent admirablement bien la protection des renseignements secrets.
Qu'est-ce que cela peut bien faire si un concurrent demande d'avoir accès à l'information pour une raison particulière — ou pour quelqu'un d'autre, dans le cas d'une association? La Cour a déclaré que le mobile ou l'objectif de la demande n'a pas d'importance. Une société ne peut pas modifier ses documents simplement parce que c'est un concurrent qui en fait la demande. En fait, elle ne devrait même pas savoir de qui provient la demande d'information. Les documents faisant l'objet d'une demande d'information doivent être divulgués et rendus publics afin que tout le monde soit au courant. C'est ainsi que fonctionne la démocratie.
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Merci beaucoup, madame la présidente
Bonjour, monsieur Drapeau.
Col Michel W. Drapeau: Bonjour.
M. John Carmichael: À écouter les réponses que vous avez données aux questions formulées par les membres d'en face, je comprends que vous visez probablement tous le même objectif, soit aller à la racine du problème et le régler. À mon sens, la SRC donne actuellement dans le « faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». Selon moi et selon ce que je peux lire, la société se moque non seulement de la commissaire à l'information, qui est nommée par la Chambre, mais aussi des tribunaux, ce que je considère tout particulièrement odieux. Comme vous l'avez dit, je m'en remets beaucoup à la SRC pour connaître l'actualité, et beaucoup de l'information qu'elle donne est de qualité. Alors, selon moi, nous sommes en présence d'un conflit de valeurs total.
Vous avez aussi parlé de l'article 68.1. L'utilisation que fait la SRC de cet article correspond à une tentative à peine voilée de la société de se soustraire aux lois et aux règles actuelles. Comme l'a mentionné le juge Boivin... et nous avons entendu le président du CRTC, M. von Finckenstein, dire l'autre jour que l'article 68.1 est mal rédigé. À la lumière de votre témoignage, il semble qu'il y a des façons de l'améliorer.
Pouvez-vous nous recommander des améliorations précises à apporter à l'article 68.1 pour qu'il s'applique équitablement à tout le monde?
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Tout d'abord, l'article ne s'applique qu'à la SRC. Je crois à la valeur des traditions. Nous avons une tradition de common law, et beaucoup de nos systèmes légaux viennent de la mère partie.
Fait étonnant, au Royaume-Uni également, on trouve difficile de déterminer les limites de la loi sur la liberté d'information à la simple lecture de la loi. Les tribunaux sont intervenus, y compris la plus haute cour du pays, pour définir... Pour ce qui est de la façon dont les choses fonctionnent pour la BBC, on peut voir, à l'annexe A, la liste des institutions assujetties à la loi, où on parle de la BBC, à l'exception du journalisme des arts et de la littérature. C'est ce qui y est dit, et cela ressemble beaucoup à ce que nous faisons, ici. Nous nous y sommes pris différemment, sans plus d'explications. Le tribunal a défini des limites et établi où l'équilibre devait être.
Je crois que nous devons attendre de connaître la décision de la Cour d'appel fédérale, qui a réservé son jugement concernant l'audience du 18 octobre pour en arriver précisément à une décision sur les pouvoirs de la commissaire à l'information, si ce n'est sur la définition du journalisme même, en réponse à la plainte. J'attends avec impatience de connaître cette décision.
Je recommande fortement que nous attendions la décision de la Cour d'appel fédérale, qui possède une longue expérience de l'interprétation de la Loi sur l'accès à l'information.
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Oui, monsieur, je crois que, dans la lettre d'accompagnement, on parlait des « exceptions », et il y en avait toute une série: l'article 19, qui a trait aux renseignements personnels; l'article 20, qui a trait aux renseignements de tiers; l'article 16, qui porte sur la sécurité, etc. Il y avait toute une série d'exceptions.
Et sur les 1 500 et quelques pages, si ma mémoire est bonne, je crois qu'il y en avait 37 qui avaient des caractères dactylographiés. Dans certains cas, il y avait marqué, « pages 600 à 900 caviardées en vertu de tel ou tel article »; voilà de quoi il en retournait. Il n'y avait rien d'important, à l'exception de la première page où on pouvait voir l'objet des 1 500 pages.
Nous avons dû acquitter des frais considérables pour obtenir cela et nous avons attendu pas mal longtemps. Nous avons porté plainte, mais, à cause de l'article 68.1, la plainte est devant les tribunaux et nous attendons qu'une décision soit prise avant que la commissaire à l'information puisse examiner le document en question.
Cela fait quatre ans que nous attendons ce rapport, qui était le rapport de vérification effectué par une firme externe de réputation nationale. C'était une dépense de fonds publics considérable concernant un programme informatique appelé Vision que nous devrions avoir, selon nous. Je crois que jusqu'à maintenant, le programme a coûté environ 60 millions de dollars.
Nous ne cherchons pas à harceler la SRC, comme elle l'a laissé entendre. Nous avions un besoin légitime de savoir ce qui s'est passé, comment ce projet a été géré, les leçons qu'on en a tirées, etc. Or, nous n'avons obtenu aucune information à ce sujet jusqu'à maintenant.
[Français]
Mesdames et messieurs, membres du comité, bonjour. Je m'appelle Pierre Karl Péladeau. Je suis président et chef de la direction de Quebecor, Quebecor Media et Corporation Sun Media. Nous tenons à remercier les membres du comité de nous offrir l'occasion de venir présenter notre point de vue au sujet de l'accès à l'information chez CBC/Radio-Canada à la lumière de notre expérience avec le diffuseur d'État sur cette question.
[Traduction]
Je suis ici aujourd'hui à titre de PDG de Sun Media, la principale société privée de quotidiens et d'information au Canada. Nous gérons 42 quotidiens partout au pays, dont des journaux de grandes villes comme le Toronto Sun, le Calgary Sun, Le Journal de Montréal, le quotidien francophone qui connaît le plus grand tirage au Canada, la chaîne de journaux gratuits 24 Heures et bien d'autres quotidiens, comme le Sudbury Star, le Peterborough Examiner, le Grande Prairie Daily Herald Tribune et même le plus ancien quotidien publié de façon continue, le Kingston Whig Standard. Nous possédons aussi près de 200 hebdomadaires dans toutes les régions du pays, deux stations de nouvelles en continu, Sun News et LCN, et le premier diffuseur francophone, TVA, qui domine sur le plan des nouvelles, avec un auditoire supérieur à celui de Radio-Canada.
Les journaux de Sun Media ont une longue tradition, qui est de mettre en lumière avec fierté et sans peur le gaspillage et les dépenses inefficaces dans tous les ordres de gouvernement et de forcer les autorités à révéler des informations cruciales pour les Canadiens. Par exemple, nous avons récemment révélé que le gouvernement fédéral avait une liste de présumés criminels de guerre qu'il recherchait pour les déporter et dont il ne voulait pas communiquer l'identité. Grâce à nos articles à la une et à la couverture de Sun News, le gouvernement a changé sa politique et il a créé une liste des personnes les plus recherchées, qui a permis d'arrêter un certain nombre de fugitifs dangereux.
Autrement dit, nous respectons le principe énoncé dans le jugement historique de la Cour suprême en 1989 selon lequel il ne peut y avoir de démocratie sans la liberté d'exprimer de nouvelles idées et des opinions sur le fonctionnement des institutions publiques. En tant que société d'État qui reçoit la plus grande subvention du Parlement du Canada, Radio-Canada ne peut pas se soustraire à l'examen public. Malheureusement, durant environ 25 ans, de l'adoption de la Loi sur l'accès à l'information en 1982 à 2007, les Canadiens et les journalistes ne pouvaient pas utiliser un des plus importants outils de responsabilisation que compte notre démocratie, le régime d'accès à l'information.
Il est compréhensible que, depuis que les choses ont changé après l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité, une organisation qui emploie plus de mille journalistes présente beaucoup de demandes d'accès à l'information à la société d'État. C'est notre devoir et c'est un droit que nous a accordé le Parlement. Ce qui est survenu est maintenant bien documenté, ayant fait l'objet de plusieurs rapports accablants du Commissariat à l'information du Canada: il y a eu des retards délibérés, des frais exorbitants ont été facturés pour le traitement des demandes, des plaintes nombreuses ont été déposées et, au bout du compte, très peu d'informations ont été communiquées aux Canadiens sur la façon dont la société d'État gère les fonds publics.
Radio-Canada accuse un mauvais rendement pour l'accès à l'information en raison, surtout, du fait qu'elle prétexte avec persistance une série d'exemptions et d'exclusions. La principale exclusion invoquée, celle qui nous amène ici aujourd'hui, vient de l'article 68.1, qui indique que la Loi sur l'accès à l'information « ne s'applique pas aux renseignements qui relèvent de la Société Radio-Canada et qui se rapportent à ses activités de journalisme, de création ou de programmation, à l’exception des renseignements qui ont trait à son administration ». Radio-Canada est allée en cour contre la commissaire à l'information pour avoir le droit exclusif de décider quelles informations elle peut garder confidentielles en vertu de l'article 68.1.
Un premier juge a rejeté la prétention de la société d'État. Le juge Boivin a déclaré que, par la position qu'elle adoptait, Radio-Canada se donnait le pouvoir d'être juge et partie pour les demandes d'accès à l'information qu'elle recevait. Radio-Canada et ses dirigeants font valoir qu'ils doivent d'abord et avant tout protéger les sources journalistiques. Bien sûr, c'est aussi une priorité pour Sun Media. À preuve, aucune des demandes que nous avons présentées à Radio-Canada ne porte sur les sources journalistiques. En fait, non seulement nous n'avons jamais présenté de telles demandes, mais nous ne le ferions jamais. Aucune des 16 demandes d'accès à l'information examinées par les tribunaux ne porte sur les sources journalistiques de quelque façon que ce soit. J'ai d'ailleurs les demandes sous la main.
Les demandes concernent les frais de déplacement de Sylvain Lafrance, qui a reçu la Légion d'honneur en France, les dépenses de publicité extérieure, une entente commerciale pour créer un nouveau magazine et ce genre de choses. Autrement dit, il n'est pas du tout question des sources journalistiques, mais bien de tous les moyens possibles auxquels recourt la SRC pour refuser de rendre des comptes.
Malheureusement, ce n'est rien de nouveau pour Sun Media. Pour le montrer, j'ai amené deux demandes que nous avons présentées à Radio-Canada et les documents reçus.
Une demande concerne le parc de véhicules de la société d'État. La seule information transmise, c'est une ligne de texte qui porte sur un Ford 500 de 2007. Les 17 autres pages du document ont toutes été caviardées, Radio-Canada invoquant l'exclusion en vertu de l'article 68.1. Je dois en avoir encore beaucoup à apprendre sur la création, la programmation et le journalisme, parce que je ne vois pas le lien entre une demande sur un parc de véhicules et de telles choses.
Une autre demande concerne le budget et la planification des célébrations du 75e anniversaire de Radio-Canada. Nous avons reçu un document de 250 pages dont tous les montants sont caviardés en raison d'une exemption ou d'une autre. Il semble normal de ne pas donner d'information aux Canadiens sur le coût des célébrations, selon l'interprétation que fait Radio-Canada de la Loi sur l'accès à l'information.
[Français]
Mesdames et messieurs du comité, avec ces quelques exemples, j'ai tâché de vous illustrer le type de difficultés que Sun Media a rencontrées en essayant de faire le travail qui lui incombe en tant qu'organe de presse.
Malgré ce qu'en pensent ceux qui nous accusent de mener une guerre contre CBC/Radio-Canada, nous croyons que ces demandes sont non seulement légitimes et d'intérêt public, mais également tout à fait conformes à l'esprit de la loi.
Malheureusement, la réalité veut que Sun Media soit actuellement le seul groupe de presse ayant la distance et l'indépendance requises pour poser ces questions au diffuseur d'État, tant plusieurs de nos concurrents sont inféodés à CBC/Radio-Canada.
En effet, est-ce un hasard si la présence des journalistes du quotidien La Presse, publié par Gesca-Power Corporation, sur les ondes de la télévision et de la radio de Radio-Canada est inversement proportionnelle au nombre d'enquêtes lancées par le quotidien sur CBC/Radio-Canada, lui qui en fait pourtant une grande spécialité?
[Traduction]
Pour éviter toute ambiguïté, il convient de dire que ce n'est pas qu'au Québec que Radio-Canada n'est pas l'objet d'un examen minutieux. À sa création en 1998, le National Post a changé le milieu médiatique, entre autres parce qu'il portait un regard critique sur la gestion de la société d'État dans la rubrique CBC Watch. Mais de nos jours, le National Post est un partenaire commercial de Radio-Canada, qui lui fournit du contenu essentiel sur les sports ainsi que du contenu vidéo. Ce n'est pas surprenant que la rubrique CBC Watch ait disparu du journal. Elle a été remplacée par des articles qui font la promotion de la nouvelle programmation de Radio-Canada et par des épisodes gratuits de Nature of Things pour les gens qui téléchargent l'application mobile.
Je ne veux pas m'en prendre au National Post; nos autres concurrents font la même chose. Bell, propriétaire de CTV et de CTV Newsnet, vient de soumettre une offre commune avec Radio-Canada pour couvrir les Jeux olympiques et Radio-Canada est le principal client de La Presse canadienne.
Le Globe and Mail et le Toronto Sun, deux des trois propriétaires de La Presse canadienne, profitent d'achats publicitaires importants de Radio-Canada. Par conséquent, une position éditoriale critique envers Radio-Canada ferait que la société d'État retirerait toutes ses publicités de nos journaux et Sun Media le sait très bien.
Grâce à ses partenariats stratégiques, à son budget de publicité et à ses paiements directs à des journalistes d'autres organisations, Radio-Canada a trouvé une façon de faire taire ses détracteurs dans tous les milieux, sauf Sun Media.
[Français]
Mesdames et messieurs membres du comité, CBC/Radio-Canada reçoit chaque année plus de 1,1 milliard de dollars en crédits parlementaires pour remplir son mandat de diffuseur public. En retour de cette somme, les citoyens canadiens sont en droit de s'attendre à un niveau de transparence suffisant pour être en mesure de s'assurer que l'argent qu'ils versent à la société d'État est bien dépensé, c'est-à-dire de façon efficace et dans le respect de son mandat.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
:
J'ai envoyé une lettre pour dire que je parlais avec... et j'ai envoyé des lettres. En fait, j'ai adressé 17 lettres à Hubert Lacroix.
En tant que PDG de Quebecor Media, je dois m'assurer que nous recevons notre juste part pour la publicité au Canada. Les médias, surtout les journaux, tirent principalement leurs revenus de la publicité.
Je pense que, si nous voulons des journaux solides au Canada, c'est simplement naturel que la société d'État...
M. Charlie Angus: Vous donne une partie des fonds, d'accord.
M. Pierre Karl Péladeau: Bien des institutions ont mis des annonces publicitaires dans nos journaux, sauf Radio-Canada.
M. Charlie Angus: D'accord, donc...
M. Pierre Karl Péladeau: Cela dure depuis quelques années.
M. Charlie Angus: Désolé, mais il ne me reste qu'environ cinq minutes, monsieur.
M. Pierre Karl Péladeau: Auparavant, Radio-Canada achetait de l'espace publicitaire dans nos journaux...
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Merci, madame la présidente.
Je trouve cette discussion intéressante. Je voulais vous demander, monsieur Péladeau, de nous parler un peu plus des points visant à « rétablir les faits » qui ont été soulevés récemment.
On dit ici, et nous avons effleuré le sujet, que Quebecor a reçu plus d’un demi milliard de dollars au cours des trois dernières années en subventions directes et indirectes, financées par l’argent des contribuables canadiens. Pourtant, votre société n’est pas tenue de rendre des comptes à la population. D’autres témoins ont voulu faire valoir au comité que lorsqu’une organisation ou une entreprise bénéficie de crédits d’impôt ou d’un programme d’incitation fiscale — ce qui coûte de l’argent au gouvernement fédéral, sans qu’on parle de coûts directs, puisqu’il s’agit d’une diminution d’impôt —, c’est la même chose que si elle recevait une subvention directe ou un transfert d’argent direct de la part du gouvernement du Canada. C’est évidemment ce qui se passe pour la SRC, à hauteur de 1 milliard de dollars par an, un investissement qui doit être justifié.
Pensez-vous qu’il serait raisonnable que l’article 68 de la Loi sur l’accès à l’information s’applique à toute entreprise qui bénéficie d’un crédit d’impôt ou d’une politique d’incitation fiscale, la contraignant ainsi à divulguer des renseignements par l’entremise de la commissaire à l’information si une demande d’accès était déposée à cet effet? Est-ce bien raisonnable? Tous les concessionnaires automobiles, toutes les stations-service, tout le monde serait alors tenu de le faire. Si nous devions suivre ce principe, un employeur qui utilise le crédit d’impôt à l’embauche, un entrepreneur qui recourt à un crédit d’impôt pour son entreprise, ou même un contribuable profitant d’un crédit d’impôt pour réaménager sa cour arrière, pourrait soudainement faire l’objet d’une demande d’accès à l’information. Pensez-vous que ce soit raisonnable?
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Monsieur Péladeau, j'ai été un peu surpris du ton de la présentation que vous avez faite plus tôt. J'y ai perçu un sentiment d'assiégé, un peu comme si le reste du monde s'était ligué contre vous. Pendant un instant, j'ai failli oublier que vous étiez à la tête du plus grand empire médiatique du Québec et du Canada, un empire médiatique dont la ligne politique est d'ailleurs assez claire. C'est un empire qui fait rarement dans la nuance et qui fait visiblement plaisir au gouvernement conservateur actuel. Vous nous avez présenté une vision des choses qui, à mes yeux, est un peu manichéenne. Elle met en opposition la méchante société d'État largement subventionnée par les contribuables et une entreprise privée qui tente de faire son travail, soit de diffuser l'information, et qui fait partie du quatrième pilier de la démocratie.
Or, la Société Radio-Canada est un service public et non un concurrent. Elle fait partie d'une autre catégorie d'intervenants dans le marché de l'information et de la programmation au pays. Elle a une mission particulière que tous les autres diffuseurs privés n'ont pas, comme offrir un service en anglais au Saguenay ou en français en Saskatchewan, par exemple, un rôle qui, je pense, n'appartient pas aux diffuseurs privés. La société a des obligations supplémentaires à l'égard des services, mais aussi du contenu de la programmation. Depuis 1952, la Société Radio-Canada doit tirer au moins 35 p. 100 de son financement de recettes réalisées sur le marché. Je pense que c'est cet aspect qui vous cause problème. Vous la voyez comme une concurrente qui vient piquer des sous dans l'assiette publicitaire. De votre côté, vous seriez le pur entrepreneur qui essaie de faire son travail et de remplir sa mission de diffuseur privé.
Pour le bénéfice du comité et celui des gens présents dans la salle, j'aimerais que vous nous rappeliez quel pourcentage de l'épargne des Québécois et des Québécoises a servi à construire Quebecor Media, qui est à la source de l'expansion de votre empire? Quel est le niveau de participation de la Caisse de dépôt et placement du Québec à Quebecor Media?
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Encore là, je pense que la SRC tente de brouiller les cartes en ce qui a trait à l'origine de ces fonds publics. Comment peut-on réellement comparer des crédits parlementaires de l'ordre de 1,1 milliard de dollars avec les fonds publics accordés aux entreprises privées? Il n'est pas question de prendre cet argent quelque part; la SRC a voulu semé la confusion à propos des crédits parlementaires, qui sont en fait des subventions et des crédits d'impôts.
Il est vrai que TVA, notre société de radiodiffusion, a profité indirectement de crédits d'impôt qui avaient été accordés à des producteurs privés. C'est ainsi que le système fonctionne au Canada. En fait, si vous regardez la situation de plus près, vous constaterez que les producteurs indépendants diffusant leur programmation à la SRC reçoivent des crédits beaucoup plus importants que les producteurs privés qui distribuent leurs émissions à TVA.
Je peux vous donner un exemple qui illustre bien ce qui se passe. Il y a un producteur privé à Montréal appelé La Presse télé, qui est une filiale de Gesca Power Corporation. Au cours des six ou sept dernières années, peut-être plus, ce producteur a reçu 150 millions de dollars en crédits d'impôt. Il vend 80 p. 100 de sa programmation à la CBC/Radio-Canada, mais plus précisément à Radio-Canada, puisqu'il s'agit d'émissions francophones.
On peut aussi en déduire que tôt ou tard, les entreprises médiatiques qui enquêteront sur la CBC/Radio-Canada vont se faire rares. Elles se trouvent essentiellement en situation de conflit d'intérêts en raison des sommes importantes qu'elles reçoivent. Elles font affaire avec le radiodiffuseur de l'État, alors elles ne voudront pas mordre la main qui les nourrit. Voilà comment les choses se passent.
Pour ce qui est des subventions et des crédits d'impôt, nous y avons droit selon les programmes canadiens en place. Nous n'en prenons pas plus, ni moins; nous bénéficions des mêmes crédits offerts à toutes les entreprises privées. Nous ne sommes pas les seuls à recevoir cet argent. Il en va de même pour Global, la CTV, et de nombreux autres radiodiffuseurs privés, qui ont sont aussi admissibles à ces programmes.