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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 009 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Nous tenons aujourd'hui la neuvième séance du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Drapeau, professeur à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, qui bénéficiera des conseils de M. Juneau, qui l'accompagne. Ce dernier aidera M. Drapeau en sa qualité de conseiller, mais ne s'adressera pas au comité.
    Monsieur Angus.
    Oui, veuillez nous pardonner cette intervention. Nous nous attaquerons bientôt à la question qui nous intéresse aujourd'hui.
    Comme mes collègues ici présents le savent, M. Del Mastro a soulevé l'affaire du financement du congrès du NPD et a fait, au cours des audiences, quelques déclarations sur le transfert de fonds illégaux et de cadeaux dont le NDP aurait été le bénéficiaire.
    Est-ce un rappel au Règlement?
    Oui.
    J'aimerais déposer la lettre de...
    Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Je crois que nous avons tous reçu cette lettre, monsieur Angus.
    J'aimerais qu'elle figure au compte rendu.
    Monsieur Angus, vous n'invoquez pas le Règlement, vous lancez un débat.
    Nous poursuivrons avec nos témoins.
    Allez-y, monsieur Drapeau.
    Monsieur Del Mastro, il n'y aura plus de débat entre vous deux.
    Monsieur Drapeau.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier les membres du comité de me permettre de comparaître devant eux ce matin. Je suis particulièrement disposé et heureux de témoigner, surtout en ma qualité de professeur de droit de l'Université d'Ottawa connaissant bien la Loi sur l'accès à l'information fédérale.
    Permettez-moi de commencer en faisant remarquer que la Charte des droits et libertés et la Loi sur l'accès à l'information ont toutes deux été adoptées en 1982, à trois mois d'intervalle. Elles ont depuis été mises à l'épreuve encore et encore par les tribunaux, et la Loi sur l'accès à l'information a toujours démontré qu'elle avait sa raison d'être, grâce surtout au travail magistral des rédacteurs initiaux. Cette loi, ainsi que la Charte, ont bien vieilli. Elles se sont également adaptées aux changements sociétaux et technologiques des 30 dernières années. Par conséquent, comme je l'ai déjà indiqué au comité, je considère que la Loi sur l'accès à l'information est généralement correcte dans sa forme actuelle.
    Selon moi, les dispositions de la loi, si elles sont suivies et mises en oeuvre correctement, permettent aux Canadiens d'accéder aux dossiers du gouvernement, tout en protégeant solidement les renseignements confidentiels, dont la divulgation pourrait causer du tort à des intérêts protégés.
    Le Canada figure parmi quelque 80 pays qui ont reconnu que la liberté de l'information constitue un droit fondamental. De plus, notre pays étant un chef de file de la démocratie, il a conféré un statut quasi constitutionnel à la loi. Pourquoi, vous demanderez-vous peut-être? C'est tout d'abord parce que la loi contient une disposition de dérogation, qui lui donne la priorité sur toute autre loi du Parlement; elle a en outre le double objectif d'assurer la démocratie et la reddition de comptes au public.
    La Cour suprême a, en 1997, énoncé précisément les principales fonctions de la loi, qui sont au nombre de quatre. Elle doit permettre d'améliorer le fonctionnement des rouages du gouvernement; rendre ce dernier plus efficace, réceptif et comptable; favoriser la démocratie en aidant les citoyens à obtenir l'information nécessaire pour participer à un processus démocratique; et faire en sorte que les politiciens et les bureaucrates restent comptables à l'égard de la population.
    Je suis de plus convaincu que la commissaire à l'information détient déjà des pouvoirs d'enquête considérables pour faire suite aux plaintes. Elle en a certainement autant qu'un juge de cour supérieure. Je conviens toutefois avec elle que son mandat devrait être élargi pour qu'elle puisse informer les Canadiens de leurs droits en matière d'information de manière plus proactive. Votre comité, qui supervise son travail, devrait lui donner le feu vert à cet égard.
    Je formulerais une dernière remarque avant de passer à l'objet de votre examen. Je partage également l'avis de Mme Legault concernant les dossiers actuellement conservés dans les cabinets de ministres. Ces dossiers sont déjà protégés par la Loi sur l'accès à l'information dans sa forme actuelle. Compte tenu des objectifs démocratiques de cette loi, je crois fermement que les cabinets ministériels devraient être assujettis à la loi. Comment faire? Simplement en prenant un décret en vertu du paragraphe 77(2) de la loi, et le tour est joué.
    J'aimerais maintenant aborder la question dont vous êtes saisis, soit celle des poursuites concernant la SRC.
    La SRC est visée par la Loi sur l'accès à l'information depuis septembre 2007. C'est toutefois à ce moment que la loi a été modifiée par l'ajout de l'article 68.1 afin de protéger les renseignements se rapportant aux « activités de journalisme, de création ou de programmation » de la SRC. Le Canada suivait ainsi l'exemple du Royaume-Uni et de l'Australie, où l'on trouve également un radiodiffuseur national subventionné à même les fonds publics. L'ajout de cette disposition n'a rien d'étonnant, puisque notre propre Cour suprême a déjà clairement indiqué que les sources journalistiques bénéficient d'une protection privilégiée en vertu de la loi. Cependant, en s'acquittant de ses obligations en matière d'accès à l'information ces quatre dernières années, la SRC semble avoir dépassé la simple protection de ses intérêts journalistiques.
(0850)
    Force m'est de reconnaître que selon moi, la SRC fait apparemment fi de l'article 68.1 en retardant ou en refusant—quand ce n'est pas les deux— l'accès à ses dossiers sans même faire mine de se cacher.
    Pendant que nous parlons de retard, je ferai brièvement remarquer que la SRC a recouru tout aussi librement à une myriade d'autres exemptions, exclusions et frais abusifs pour non seulement refuser d'accéder aux demandes, mais, plus important encore, systématiquement retarder la divulgation de l'information. Comme on le dit si bien, « Justice différée est justice refusée ». Après tout, à quoi sert l'information qu'on lui a demandée en 2007 si on attend toujours quatre ans plus tard?
    Comme je connais suffisamment bien la loi pour écrire à son sujet et enseigner sur la question de l'accès à l'information, il faudrait que je sois naïf pour croire que toute ces manoeuvres ne camouflent pas une tentative de retarder aussi longtemps possible la divulgation des dossiers.
    À dire vrai, contrairement à la plupart des institutions fédérales, la SRC est très peu touchée par la loi. Pourquoi? Parce que dans son cas, la loi ne s'applique qu'aux renseignements qui ne concernent pas les activités de journalisme ou de programmation. Selon sa position officielle, toutefois, la SRC considère pour l'instant que les demandeurs qui remettent en question l'application de l'article 68.1 devraient s'adresser aux tribunaux et non à la commissaire à l'information.
     Voilà une suggestion que je juge condescendante, car ces démarches obligeraient les demandeurs à entreprendre un combat judiciaire qui leur coûterait des milliers de dollars et qui durerait des années, contre une société d'État qui bénéficie déjà largement des fonds publics. Pareille suggestion constitue selon moi une insulte à l'objectif même de la Loi sur l'accès à l'information, aux fondements de la démocratie et à l'intelligence du public canadien.
    Que doit donc faire la SRC? C'est simple. Elle doit d'abord déployer tous les efforts possibles pour divulguer, en temps opportun, les dossiers qui ne sont pas visés par l'article 68.1.
    Ensuite, lorsqu'elle invoque cet article, la SRC devrait coopérer diligemment avec la commissaire à l'information, laquelle est, après tout, une agente du Parlement s'exprimant en votre nom. La société d'État devrait en outre lui donner accès aux dossiers qui seraient couverts par l'exemption relative aux activités de journalisme. En agissant ainsi, la SRC pourrait conserver un minimum de crédibilité et d'objectivité auprès du public qu'elle sert.
    Avant de conclure mon propos, j'ajouterais que la SRC, comme CTV, TVA, Global, le The Globe and Mail, Sun Media et d'autres, est passée maître dans le domaine de l'accès à l'information, proposant à la population canadienne une analyse critique de l'administration publique. Quand ces nouvelles organisations présentent une demande d'accès, elles s'acquittent d'un devoir public d'informer la population de ce qui se passe au gouvernement. Les citoyens se soucient peu de savoir quelle organisation effectue des recherches et lève le voile sur les dépenses et le rendement des institutions publiques. Ce qui compte, c'est que quelqu'un s'en charge.
    Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de faire une dernière observation. Sachez que la cour a statué que les motifs d'un demandeur sont sans importance. La loi vise à assurer l'accès à l'information que détient le gouvernement. C'est un droit dont peuvent se prévaloir tous les citoyens, et l'intention, le but, la motivation ou l'occupation du demandeur sont sans objet sur le plan juridique. Ce sont les dossiers qui importent; c'est un fait inéluctable, peu importe la stratégie présumée des demandeurs.
    Je suis honoré de jouer un rôle dans votre examen et suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
    Merci.
(0855)
    Merci beaucoup, monsieur Drapeau.
    Je laisse maintenant la parole à notre premier intervenant, M. Angus, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie de comparaître, messieurs Drapeau et Juneau. Travaillez-vous ensemble?
    Oui.
    Est-ce votre adjoint ou un partenaire?
    Il est mon adjoint pour le moment, mais sera bientôt mon partenaire.
    D'accord.
    Je m'intéresse à ce que vous avez dit à propos de votre entente avec la commissaire à l'information. Nous avons entendu le témoignage de cette femme incroyablement intègre. Elle nous a avertis qu'il existait un trou noir en matière de reddition de comptes dans les cabinets des ministre, ces derniers cherchant à éviter que le public ait accès à certains renseignements. Considérez-vous que c'est un problème?
    C'est un problème de taille. Les ministres sont au sommet de la hiérarchie ministérielle, et le fait de prétendre que les documents que détient ou crée leur cabinet dans l'exécution de leur mandat—pas de leurs devoirs politiques, mais de leurs tâches de ministre de l'État—ne seraient pas accessibles en vertu de la loi est contraire à l'objectif même de cette dernière. C'est une interprétation de la Cour suprême qui me pose de grande difficultés. La question est facile à résoudre, et je crois qu'il faut la régler afin de conférer un sens réel à la loi. Mais dans sa forme actuelle, elle permet aux bureaucrates de ne pas divulguer certains documents ou dossiers. Les cabinets de ministre sont appelés à prendre de l'expansion au fil du temps pour en arriver à occuper tout un étage ou même davantage. Il faut donc corriger la situation, et l'affaire est pour ainsi dire entre vos mains.
    Merci.
    Je vais vous poser une question complètement en dehors du sujet, et vous n'êtes pas obligé d'y répondre. Je remarque que vous vous appelez Michel Drapeau, un nom francophone. Est-ce un léger accent écossais que je perçois? Auriez-vous étudié à Edinburgh ou dans les environs?
    Non, j'ai étudié à Québec, où je suis né et où j'ai vécu comme francophone unilingue jusqu'en 1961. J'ai ensuite passé une bonne partie de ma vie dans l'armée, ce qui m'a donné l'occasion de voyager à l'étranger. Au cours des mes périples, je suis probablement tombé amoureux du scotch, un goût dont je ne suis pas peu fier.
    Eh bien, vous savez, je partage votre amour du scotch, et il peut me venir un petit accent écossais vers 19 ou 20 heures.
    Quoi qu'il en soit, je m'intéresse à la question du trou noir en matière de reddition de comptes. Je ne vais pas m'éparpiller, mais nous avons vu ce qui c'est passé quand le vérificateur général a enquêté sur les dépenses relatives au G8 et ne pouvait trouver les documents pertinents. On a découvert plus tard que l'on avait passé par l'entremise du bureau de circonscription du ministre. Les médias n'ont pas manqué de conclure que les bureaux de circonscription échappaient à la surveillance de la commissaire à l'information et qu'on avait ainsi pu dépenser des millions de dollars en deniers publics.
    Considérez-vous qu'il s'agit d'une faille que l'on peut exploiter concernant la Loi sur l'accès à l'information?
    Je crois que c'est possible, mais pour être entièrement juste et raisonnable, pour l'instant, la situation semble pire qu'elle ne l'est en réalité. Dans sa décision, la Cour suprême indique que quand la création d'un document ne peut être attribuée à un bureaucrate, il vient du cabinet du ministre.
    Il peut arriver que les conseils que le personnel exonéré prodiguent au ministre couvrent ce genre de dossiers, mais dans le cas d'un dossier préparé par des subalternes—comme une note d'information, par exemple—qui a gravi l'échelle hiérarchique pour atteindre le sous-ministre, puis le ministre, on ne peut prétendre qu'il s'agit d'un dossier ministériel. C'est un dossier du ministère dont le ministre a obtenu copie. En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, on ne peut obtenir de copie d'un dossier ministériel, mais on peut en recevoir une de la note d'information.
    Là où je veux en venir, c'est que si on laisse les choses aller, le cabinet du ministre prendra de l'expansion et absorbera les services de la correspondance, des politiques ou des affaires publiques. C'est ainsi qu'on commencera à créer des dossiers dans le cabinet du ministre. Je ne vous donnerai pas de recette pour corriger la situation; en fait, cela ne ferait qu'aggraver le problème.
(0900)
    Un vrai trou noir.
    Quand les témoins de la Fédération canadienne des contribuables ont comparu devant nous, ils nous ont dit qu'ils avaient déposé une demi-douzaine de demandes à la SRC. Combien en avez-vous présentées?
    Combien de demandes j'ai présentées? Je ne pourrais vous donner le nombre exact. Je dépose quelque mille demandes par année, pas seulement à la SRC, bien entendu, mais dans l'ensemble des institutions fédérales. Ces démarches s'inscrivent dans notre domaine d'expertise, auprès non seulement des institutions fédérales canadiennes, mais également des organismes provinciaux et américains...
    Mais pouvez-vous nous dire combien vous en avez présenté à la SRC?
    Je dirais qu'à la SRC, nous en avons déposé entre 50 et 80 au cours de la dernière année, ce qui, pour nous, est...
    Ce n'est pas exagéré. Cinquante ou soixante demandes, ce n'est pas beaucoup.
    La revue Maclean's a indiqué que Quebecor figure parmi vos clients. Lui vendez-vous de l'information?
    Je ne vends rien. Je m'occupe des questions de droit, dont je ne fais pas le commerce. C'est un fait publiquement connu que j'ai agi pour Quebecor par le passé; ainsi, mes rapports avec ce client, qui sont du domaine public, sont protégés par le privilège client-procureur. Je ne peux donc répondre aux questions portant sur le sujet.
    C'est donc votre client, mais vous ne... Nous donneriez-vous accès à l'information comme vous l'avez fait pour Quebecor pour que nous sachions quels genres de questions sont posées?
    Non, je ne pourrais agir de la sorte, car cela violerait le privilège client-procureur.
    Mais vous témoignez à titre d'indépendant. Vous ne nous avez pas dit que vous aviez travaillé pour Quebecor ou que c'était l'un de vos clients. Et maintenant, quand nous vous demandons de l'information, vous nous répondez que vous ne pouvez rien nous dire parce que c'est votre client.
    Vous vous êtes présenté comme professeur de droit. Je trouve fascinant votre intérêt dans le domaine, mais je constate maintenant que vous ne nous direz rien parce que vous travaillez pour Quebecor. Pourriez-vous au moins nous indiquer de quel travail il s'agit ou nous dire quelles questions vous posez, quand, combien?
    Permettez-moi d'ajouter encore à votre fascination en vous disant que j'ai clairement indiqué en acceptant l'invitation, à laquelle j'ai accédé volontiers, car je la considère comme un honneur, que je témoignerais en ma qualité d'expert et d'autorité en matière d'accès à l'information et de professeur de droit.
    Je serais donc heureux de vous parler des paramètres, des changements et des pressions qui peuvent s'exercer par rapport à la loi comme telle.
    Mais puisque vous êtes professeur de droit, vous savez certainement que si l'on vous convoque en cour pour témoigner, il est impératif que le jury sache que vous témoignez au nom d'un client et non comme indépendant.
    Nous traitons d'une affaire bien précise, celle des démêlés entre Quebecor et la SRC. Or, vous avez omis de nous révéler que Quebecor figure parmi vos clients. Je m'étonne que vous, un professeur de droit, vous présentiez en cour en affirmant être un expert—ce que vous êtes, à l'évidence—, mais en oubliant de signaler au jury que vous travaillez pour la société concernée par l'affaire dont il est question.
    Si vous voulez bien m'écouter un instant, je vous le dirai. Je suis très étonné, étant donné que vous êtes reconnu pour posséder un vaste savoir dans le domaine de l'accès à l'information. Comme l'indique clairement le dossier public, je pratique effectivement le droit, principalement dans le domaine de l'accès à l'information. Sachez que je compte parmi mes clients des organisations médiatiques, des députés, des partis politiques, des sociétés, et la liste ne s'arrête pas là.
    Oui, mais il n'en est pas question dans le Maclean's, qui traite plutôt de vos rapports avec votre client, Quebecor.
    Monsieur Angus, votre temps est écoulé. Veuillez laisser à M. Drapeau la chance de répondre.
    Monsieur Drapeau, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'ai dit très clairement dès le départ que je ne peux pas discuter du travail que j'accomplis pour mes clients devant le comité ou dans tout autre contexte — et Quebecor est justement l'un d'entre eux.
    Je vais maintenant laisser la parole sept minutes à M. Del Mastro.
    Merci, madame la présidente.
    On dirait que M. Angus aimerait poursuivre les audiences sur le parrainage des syndicats au congrès du NPD. Nous pourrions lui donner cette chance.
    Tout d'abord, monsieur Drapeau, je vous prie de nous excuser. M. Angus fait fausse route. Rétablissons les faits afin de relancer la discussion. Quebecor et la CBC/Radio-Canada sont-elles en train de s'affronter devant les tribunaux?
    Pas à ma... Dois-je répondre sur ce qui est du domaine public?
    Non.
(0905)
    Alors la réponse est non.
    C'est exact.
    À ma connaissance...
    La commissaire à l'information a dû aller devant la Cour fédérale avec la CBC/Radio-Canada pour obtenir que la société soit enjointe de lui envoyer les documents en question, de sorte qu'elle puisse déterminer si l'article 68.1 s'applique.
    D'ailleurs, le juge Boivin a déclaré que la société devait effectivement remettre les documents à la commissaire à l'information pour qu'elle détermine s'ils doivent être divulgués ou non.
    Or, la CBC/Radio-Canada refuse d'obtempérer sous prétexte que seule la Cour peut lui demander de dévoiler les documents.
    En passant, c'est justement ce que la Cour a fait.
    D'accord.
    La société a porté la décision en appel, et c'est ce dont nous discutons aujourd'hui.
    M. Angus fait vraiment fausse route.
    Vous avez dit que la démarche de la CBC/Radio-Canada vous semble condescendante. Pourriez-vous vous expliquer un peu?
    Eh bien, laisser entendre que les mesures législatives adoptées en 1982... J'ai délibérément réfléchi au fait que la Charte canadienne des droits et libertés et le droit d'accès, qui est presque constitutionnel, ont été adoptés au cours de la même session parlementaire et sont en vigueur depuis. La loi prévoit la nomination d'un mandataire du Parlement, soit le commissaire à l'information, qui a le mandat et le pouvoir d'enquêter sur les plaintes au Canada. Insinuer que ce n'est pas assez et que la commissaire à l'information... À ce jour, il n'y a jamais eu de fuite, c'est-à-dire que les renseignements confidentiels obtenus durant les enquêtes de la commissaire ont toujours été manipulés conformément à la loi. Sous-entendre que ce n'est pas suffisant... Le commissariat a la compétence, le personnel et le mandat qu'il faut pour agir, et la loi est de son côté. Or, la société fait fi de ces ressources et de ces compétences, entre autres, et en plus de s'adresser à la Cour, elle exige que ce soit un juge qui lui demande de divulguer les documents... L'affaire a été portée devant la Cour fédérale, et tout le monde trouve la décision plutôt raisonnable, acceptable et facile à comprendre. En fait, le juge Boivin a déclaré que la commissaire à l'information fait uniquement son travail et qu'elle peut aussi exiger la divulgation de documents faisant l'objet d'une demande de dérogation en vertu de l'article 68.1.
    Mais ce n'était pas assez. La Cour d'appel fédérale est maintenant saisie du dossier, et les audiences ont commencé le 18 octobre.
    Tout d'abord, insinuer que c'est la procédure sous-entend que la cour est le seul recours des demandeurs — pas seulement moi, mais aussi tous les citoyens canadiens — qui veulent obtenir des renseignements auprès de la CBC/Radio-Canada si la société invoque l'article 68.1 pour censurer l'information. L'examen judiciaire coûtera des milliers de dollars, contrairement au mécanisme de plainte gratuit de la commissaire à l'information. À mes yeux, c'est condescendant.
    Ne trouvez-vous pas cela un peu hypocrite? La CBC/Radio-Canada envoie souvent des demandes d'accès à l'information pour étoffer ses reportages. Les Canadiens respectent cette agence de presse nationale. Trouvez-vous hypocrite que la société refuse que d'autres lui jettent à leur tour un regard critique?
    Je ne sais pas si elle est hypocrite, mais elle a deux poids, deux mesures. La société dispose d'un service de recherche à l'interne comme la plupart des agences de presse, dont CTV, Global et Sun Media. Bien des partis politiques et des grandes entreprises ont aussi un tel service. Il va sans dire que la CBC/Radio-Canada fait un excellent travail. Et elle nous dit chaque jour qu'elle obtient ses renseignements au moyen de l'accès à l'information.
    Ce n'est donc pas comme si la société ignorait les règles du jeu ou ne reconnaissait pas la valeur de cet outil démocratique. Elle sait de quoi il s'agit, mais elle semble prétendre que la loi ne s'applique pas à elle, car ce n'était pas le cas avant 2007. C'est ce qui lui pose problème.
    D'autres témoins ont laissé entendre que la CBC/Radio-Canada refuse peut-être de divulguer l'information pour éviter de se mettre dans l'embarras, et je la comprends. Il arrive souvent que les renseignements dévoilés au moyen de l'accès à l'information soient gênants. C'est d'ailleurs pour cette raison que les gens en font la demande.
    Mais les tribunaux se sont prononcés à maintes reprises sur la loi et ont déjà déterminé que l'embarras ne justifie aucune dérogation.
    C'est exact.
    Je dirais même que l'accès à l'information permet d'améliorer les ministères ou les autres organismes, n'est-ce pas? C'est sa raison d'être. En fait, un des témoins a même dit que la reddition de comptes, entre autres...
    Et c'est ce que la Cour suprême a déclaré.
    ... peut uniquement améliorer les choses.
    Vous avez dit avoir l'impression que la CBC/Radio-Canada ne fait pas que protéger ses activités journalistiques ou sa programmation.
    Pensez-vous que la dérogation prévue à l'article 68.1 devrait s'appliquer notamment aux frais de repas et à la taille ou au coût d'entretien du parc de véhicules? La CBC/Radio-Canada semble avoir décidé que l'article s'appliquerait à tout, et elle refuse d'agir autrement à moins d'y être contrainte.
(0910)
    Je vais répondre à vos questions avec grande générosité — M. Angus sera peut-être étonné. C'est possible, selon la nature des documents demandés...
    Aucun organisme n'est tenu de divulguer des documents en réponse à une demande d'accès à l'information, car ceux-ci pourraient contenir des renseignements hybrides — c'est-à-dire de l'information sur les activités journalistiques ou la programmation. Il se peut bien que la CBC/Radio-Canada ait acheté des camions munis d'équipement à haute définition pour couvrir certaines manifestations sportives, et qu'elle veuille ensuite vendre ou louer l'équipement à d'autres agences de presse. Je ne vois aucun inconvénient à ce que ces renseignements soient protégés, car ils touchent la programmation.
    Ce qui me pose problème, c'est que la CBC/Radio-Canada décide elle-même des documents qu'il convient de protéger. Elle peut ainsi trop facilement appliquer la dérogation à toutes les demandes d'information.
    Laissons donc la commissaire à l'information jeter un coup d'oeil aux documents. S'ils portent en totalité ou en partie sur la programmation ou les activités journalistiques, ils ne seront pas dévoilés. C'est ainsi.
    Ce que je veux dire, c'est que la CBC/Radio-Canada n'a rien à perdre; elle ne peut qu'améliorer sa crédibilité en respectant la loi sur l'accès à l'information en réponse aux demandes des Canadiens.
    Veuillez m'excuser, mais votre temps est écoulé, monsieur Del Mastro.
    La parole est maintenant à M. Lamoureux pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Drapeau, j'apprécie la rapidité de vos réponses. Permettez-moi de procéder un peu différemment.
    J'essaie moi-même de déterminer ce qui est souhaitable ou non, car nous voulons prendre la bonne décision. Comparativement à une agence de presse indépendante comme CTV, la CBC/Radio-Canada est-elle tenue dans une plus grande mesure de divulguer des renseignements détaillés sur le fonctionnement de ses stations de radiodiffusion, entre autres? Dans l'affirmative, pourquoi?
    Tout à fait. La CBC/Radio-Canada doit désormais se soumettre à la loi avant tout parce qu'un milliard de dollars lui vient du contribuable. Dans le cas contraire, elle n'aurait pas à s'y conformer. Les législateurs — vous-mêmes — ont décidé de soumettre la société à la loi à compter du 1er septembre 2007.
    C'est tout. Une société qui veut obtenir des deniers publics est tenue de divulguer de l'information aux citoyens canadiens. Il s'agit là d'un exemple de démocratie.
    La CBC/Radio-Canada pourrait décider de ne plus accepter l'argent des impôts. CTV, quant à elle, n'est pas assujettie à la loi parce qu'elle n'est pas une institution fédérale ni une société d'État. C'est la différence fondamentale entre les deux.
    Mais vous convenez que certains renseignements doivent demeurer confidentiels, n'est-ce pas?
    Tout à fait.
    Pourriez-vous nous dire quel type de renseignements la CBC/Radio-Canada n'aura jamais à divulguer, selon vous?
    Malheureusement, en vertu du libellé de la loi au Canada, en Grande-Bretagne et en Australie — c'est presque le même —, c'est la Cour qui doit définir le journalisme et la programmation, ainsi que les arts et la littérature en Grande-Bretagne. Or, elle ne l'a pas encore fait.
    Mais toute personne raisonnable, comme chacun de nous, saurait qu'il convient de protéger un document qui contient des renseignements de nature manifestement journalistique — comme un reportage ou des sources. C'est ce que croit la Cour suprême. Qu'il s'agisse de CTV, de Sun Media ou de CBC/Radio-Canada, il ne faut pas divulguer ce genre d'information. Je n'y vois aucun problème.
    Il pourrait être plus difficile de trancher au sujet de la programmation ou du contenu artistique, entre autres, car il y aura finalement toujours une zone grise. L'article 68.1 ne s'appliquera pas à toutes les demandes pour lesquelles la CBC/Radio-Canada sollicite une dérogation. D'ailleurs, les documents contenant des renseignements de nature hybride tombent dans cette zone grise, car certains sont protégés et d'autres, non.
    Il faut une personne indépendante et objective pour trancher. De fait, la Cour et le Parlement ont décidé de confier cette tâche à la commissaire à l'information. Celle-ci examine la plainte du demandeur et le document en question avant de recommander ou non la divulgation — ce n'est pas une obligation, mais bien une recommandation.
    Mais nous ne serions pas ici si les choses se passaient toujours ainsi.
(0915)
    Puisque la CBC/Radio-Canada est tenue de divulguer l'information et pas ses concurrents, j'ai l'impression que ceux-ci pourraient en abuser. La fermeture de la CBC/Radio-Canada ferait bien des heureux au Canada, et fort possiblement parmi ceux qui sont juste devant moi.
    Au bout du compte, croyez-vous qu'il est possible que la CBC/Radio-Canada se fasse harceler alors qu'elle essaie d'assumer ses responsabilités en vertu de la loi?
    Vous avez soulevé trois points. Si vous me le permettez, je vais y répondre dans l'ordre inverse.
    J'aimerais commencer par la dissolution de la société. Vous avez devant vous un admirateur et un défenseur de la CBC/Radio-Canada. Je pense que la société a enrichi considérablement le tissu social du pays, et j'espère qu'elle poursuivra sur cette voie.
    Or, je suis aussi un contribuable. À ce titre, j'ai besoin de savoir, et c'est un droit quasi constitutionnel. Lorsque la CBC/Radio-Canada reçoit une demande officielle d'accès à l'information, les outils et la disposition de dérogation dont elle dispose lui permettent de censurer les documents qui doivent l'être. Mais elle devrait finir par divulguer l'information en temps et lieu, conformément à l'échéance prévue par la loi.
    Il se peut que les demandes d'information ne viennent pas d'un citoyen comme moi, mais plutôt des députés, de la Bibliothèque du Parlement, de l'étranger, ou même des concurrents. N'oublions pas que nous vivons dans un monde très compétitif, ce qui vaut aussi pour toutes les sociétés d'État. Le fait qu'une personne demande — la Cour s'est souvent penchée sur la question, notamment dans le cas d'une société de transport aérien; on soutenait que les demandes d'accès à l'information n'avaient été déposées que pour mettre la société dans l'embarras et procurer des renseignements à un concurrent... La synchronisation et la structure de la loi assurent admirablement bien la protection des renseignements secrets.
    Qu'est-ce que cela peut bien faire si un concurrent demande d'avoir accès à l'information pour une raison particulière — ou pour quelqu'un d'autre, dans le cas d'une association? La Cour a déclaré que le mobile ou l'objectif de la demande n'a pas d'importance. Une société ne peut pas modifier ses documents simplement parce que c'est un concurrent qui en fait la demande. En fait, elle ne devrait même pas savoir de qui provient la demande d'information. Les documents faisant l'objet d'une demande d'information doivent être divulgués et rendus publics afin que tout le monde soit au courant. C'est ainsi que fonctionne la démocratie.
    Je vous prie de m'excuser de mon retard.
    Est-il vrai que vous avez envoyé plus de 800 demandes à la CBC/Radio-Canada depuis 2007?
    Nous lui en avons fait parvenir un grand nombre. Vous avez probablement raison, mais je ne mettrais pas ma main au feu.
    Combien de demandes avez-vous déjà fait parvenir d'un seul coup à la société?
    Peut-être huit ou neuf.
    Huit ou neuf; pas plus?
    Je ne crois pas.
    On nous a souvent dit que la CBC/Radio-Canada a accumulé beaucoup de retard dans le traitement des demandes d'accès à l'information parce qu'elle peut en recevoir un grand volume d'un seul coup. Il est donc injuste d'accuser la CBC/Radio-Canada de ne pas répondre...
    Et vous êtes injuste à mon égard si vous ne me laissez pas répondre, car je suis bien heureux que vous ayez posé cette question. Voulez-vous savoir pourquoi nous avons envoyé un si grand nombre de demandes à la société? Eh bien, c'est parce que nous le faisons bien et savons comment le système fonctionne.
    J'ai une dernière question. Les entreprises font-elles appel à vos services pour que vous envoyiez des demandes en leur nom?
    Monsieur Andrews, votre temps est écoulé. Nous allons écouter la réponse de M. Drapeau.
    Lorsque nous envoyons des demandes... Un demandeur non averti et sans expérience pourrait par exemple demander à une entreprise donnée de divulguer tout ce qu'elle a publié en 2007. Permettez-moi de vous dire qu'une telle demande viserait probablement 20 000 documents et pourrait représenter des frais de recherche de 10 000 $. Or, nous ne procédons pas ainsi. Nous préférons demander pour une raison particulière des documents sur un événement précis ayant eu lieu à une date donnée. C'est tout ce qui fait l'objet d'une demande. D'une certaine façon, nous aidons la CBC/Radio-Canada, dans ce cas-ci, en lui envoyant des demandes très ciblées, limitées et précises. Par exemple, nous pourrions lui demander le compte-rendu de la réunion du conseil d'administration ayant eu lieu le 4 octobre 2000. C'est tout. Le volume des documents demandés ne devrait pas être considérable. Ce qui compte, ce sont les documents visés par la demande.
    Merci beaucoup, monsieur Drapeau.
    Nous passons maintenant à M. Carmichael pour sept minutes. Allez-y.
    Merci beaucoup, madame la présidente
    Bonjour, monsieur Drapeau.
    Col Michel W. Drapeau: Bonjour.
    M. John Carmichael: À écouter les réponses que vous avez données aux questions formulées par les membres d'en face, je comprends que vous visez probablement tous le même objectif, soit aller à la racine du problème et le régler. À mon sens, la SRC donne actuellement dans le « faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». Selon moi et selon ce que je peux lire, la société se moque non seulement de la commissaire à l'information, qui est nommée par la Chambre, mais aussi des tribunaux, ce que je considère tout particulièrement odieux. Comme vous l'avez dit, je m'en remets beaucoup à la SRC pour connaître l'actualité, et beaucoup de l'information qu'elle donne est de qualité. Alors, selon moi, nous sommes en présence d'un conflit de valeurs total.
    Vous avez aussi parlé de l'article 68.1. L'utilisation que fait la SRC de cet article correspond à une tentative à peine voilée de la société de se soustraire aux lois et aux règles actuelles. Comme l'a mentionné le juge Boivin... et nous avons entendu le président du CRTC, M. von Finckenstein, dire l'autre jour que l'article 68.1 est mal rédigé. À la lumière de votre témoignage, il semble qu'il y a des façons de l'améliorer.
    Pouvez-vous nous recommander des améliorations précises à apporter à l'article 68.1 pour qu'il s'applique équitablement à tout le monde?
(0920)
    Tout d'abord, l'article ne s'applique qu'à la SRC. Je crois à la valeur des traditions. Nous avons une tradition de common law, et beaucoup de nos systèmes légaux viennent de la mère partie.
    Fait étonnant, au Royaume-Uni également, on trouve difficile de déterminer les limites de la loi sur la liberté d'information à la simple lecture de la loi. Les tribunaux sont intervenus, y compris la plus haute cour du pays, pour définir... Pour ce qui est de la façon dont les choses fonctionnent pour la BBC, on peut voir, à l'annexe A, la liste des institutions assujetties à la loi, où on parle de la BBC, à l'exception du journalisme des arts et de la littérature. C'est ce qui y est dit, et cela ressemble beaucoup à ce que nous faisons, ici. Nous nous y sommes pris différemment, sans plus d'explications. Le tribunal a défini des limites et établi où l'équilibre devait être.
    Je crois que nous devons attendre de connaître la décision de la Cour d'appel fédérale, qui a réservé son jugement concernant l'audience du 18 octobre pour en arriver précisément à une décision sur les pouvoirs de la commissaire à l'information, si ce n'est sur la définition du journalisme même, en réponse à la plainte. J'attends avec impatience de connaître cette décision.
    Je recommande fortement que nous attendions la décision de la Cour d'appel fédérale, qui possède une longue expérience de l'interprétation de la Loi sur l'accès à l'information.
    Merci.
    En ce qui concerne le nombre de demandes que vous avez présentées en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, vous avez parlé de 50, 60 ou 80 par année, et mon collègue a dit qu'il pouvait y en avoir jusqu'à 800. Quel est le taux de réponses à vos demandes de renseignements?
    Puis-je parler en toute franchise?
    M. John Carmichael: S'il vous plaît.
    Col. Michel W. Drapeau: Je ne vivrais pas bien riche si je devais dépendre des renseignements que je reçois. Le nombre de plaintes que j'adresse au Commissariat à l'information est presque aussi élevé; en fait, si je devais mettre sur la table ce que je reçois, vous seriez étonnés. Je ne crois pas que ça dépasserait la hauteur des verres ici.
    C'est l'information que vous recevez réellement à la suite des demandes d'accès à l'information présentées à la SRC.
    Une fois que j'enlève toutes les pages blanches et ce qui a été caviardé, il n'y a pas beaucoup...
    Pas beaucoup.
    ... de substance, non
    Fait intéressant, un de nos témoins a dit, l'autre jour, que son organisme avait présenté six ou huit demandes, dont il va fournir copie au comité, et l'une de ces demandes portait sur le nom et l'adresse du président de la société. On voulait simplement savoir si une demande bien simple recevrait une réponse. Au meilleur de ma connaissance, même ce renseignement n'a pas été fourni. Le problème ne tient donc pas à la difficulté de l'information à fournir. Encore une fois, je crois que nous en revenons au fait que la chose n'existe tout simplement pas.
    J'ai fait valoir, vous vous en rappellerez, qu'il ne s'agit pas seulement de l'article 68.1. Nous sommes aux prises avec une foule d'autres exemptions, exclusions, frais, etc. Aussi raisonnables et patients puissions-nous être, nous ne pouvons faire autrement que conclure que le but visé derrière cette attitude est de nier l'accès à l'information ou, à tout le moins, de le retarder certainement. Si nous ne pouvons pas obtenir les renseignements après quatre ans, que devons-nous faire?
    En ce qui concerne ma dernière question, lorsque vous avez reçu l'information — et vous avez reçu beaucoup d'information, quelque 1 562 pages pour une seule réponse —, que vous avez parcouru les pages caviardées, etc. et que vous en êtes arrivé à quelque chose comme une demi-page que vous pouviez lire, avez-vous reçu une explication sur les raisons pour laquelle l'information a été considérée comme délicate?
(0925)
    Oui, monsieur, je crois que, dans la lettre d'accompagnement, on parlait des « exceptions », et il y en avait toute une série: l'article 19, qui a trait aux renseignements personnels; l'article 20, qui a trait aux renseignements de tiers; l'article 16, qui porte sur la sécurité, etc. Il y avait toute une série d'exceptions.
    Et sur les 1 500 et quelques pages, si ma mémoire est bonne, je crois qu'il y en avait 37 qui avaient des caractères dactylographiés. Dans certains cas, il y avait marqué, « pages 600 à 900 caviardées en vertu de tel ou tel article »; voilà de quoi il en retournait. Il n'y avait rien d'important, à l'exception de la première page où on pouvait voir l'objet des 1 500 pages.
    Nous avons dû acquitter des frais considérables pour obtenir cela et nous avons attendu pas mal longtemps. Nous avons porté plainte, mais, à cause de l'article 68.1, la plainte est devant les tribunaux et nous attendons qu'une décision soit prise avant que la commissaire à l'information puisse examiner le document en question.
    Cela fait quatre ans que nous attendons ce rapport, qui était le rapport de vérification effectué par une firme externe de réputation nationale. C'était une dépense de fonds publics considérable concernant un programme informatique appelé Vision que nous devrions avoir, selon nous. Je crois que jusqu'à maintenant, le programme a coûté environ 60 millions de dollars.
    Nous ne cherchons pas à harceler la SRC, comme elle l'a laissé entendre. Nous avions un besoin légitime de savoir ce qui s'est passé, comment ce projet a été géré, les leçons qu'on en a tirées, etc. Or, nous n'avons obtenu aucune information à ce sujet jusqu'à maintenant.
    Nous allons entreprendre maintenant notre deuxième tour.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente. Bienvenue, monsieur Drapeau. Je vais poser mes questions en français et j'aurais une question de clarifications à vous poser.
    Tout à l'heure, quand M. Angus a posé la question à savoir combien de demandes d'accès à l'information vous aviez fait au nom de Quebecor, vous avez répondu, si j'ai bien compris, que c'était environ 70. Par la suite, quand M. Lamoureux vous a posé la question au sujet des requêtes que vous aviez déposées auprès de CBC/Radio-Canada, on parlait plutôt de plusieurs centaines. Est-ce parce que vous avez fait plusieurs centaines de demandes qui n'étaient pas des commandes de Quebecor?
    Je pense que les deux questions allaient ensemble. Nous faisons régulièrement des demandes d'accès à l'information pour plusieurs clients et institutions auprès de Radio-Canada. Les demandes qu'on fait auprès de Radio-Canada ne sont pas toutes pour Quebecor, par exemple. Sur une base régulière, nous avons envoyé probablement 50, 60 ou 80 demandes à Radio-Canada dans les derniers mois et la dernière année. Cela s'est fait aussi dans les années précédentes surtout à partir du moment où Radio-Canada est devenue assujettie à la loi.
    M. Alexandre Boulerice: On parle de 2007.
    Col Michel W Drapeau: Je peux vous dire que beaucoup d'autres organisations, telles que VIA Rail, Postes Canada, le Centre national des Arts et toutes celles qui sont devenues assujetties à la loi à partir du 1er septembre, ont reçu un nombre assez élevé de demandes de notre part pour aller chercher une information raisonnablement pareille.
    D'accord.
    Tout à l'heure, vous avez évoqué le fait que lorsqu'on reçoit de l'argent qui provient des fonds publics et que l'on pige dans les poches des contribuables, on a des obligations supplémentaires de transparence. C'est une opinion que l'on partage. Je pense que vous avez effectivement raison.
    Dans le monde de l'art, du cinéma et de la télévision, il n'existe pas de domaine parfaitement privé. Denise Robert l'a dit à Tout le monde en parle l'autre jour, à savoir que sans financement public, il n'y a pas de cinéma au Canada ou au Québec. C'est un peu la même chose avec les réseaux de télévision. Selon vous, le fait que les diffuseurs privés, que ce soit Sun Media, TVA ou Global, utilisent les subventions, les crédits d'impôt et l'ensemble des programmes existants pour vivre, faire de la programmation, tourner et diffuser n'entraîne-t-il pas pour eux une obligation semblable d'avoir ce même souci de transparence? Selon vous, devraient-ils avoir les mêmes obligations que la Société Radio-Canada puisqu'ils sont aussi largement financés par les fonds publics et que, obligatoirement, Radio-Canada est financée minimalement à 35 p. 100 — aujourd'hui, c'est 39 p. 100 — par le marché?
    Si vous parlez des diffuseurs publics, je n'ai aucune expertise, connaissance ou spécialisation à cet égard. Je n'en ai aucune. Je ne suis donc pas habilité à vous répondre.
    Si vous parlez du domaine artistique, je ne parle pas des diffuseurs publics. De mémoire, je peux vous dire qu'il existe d'autres organisations qui reçoivent des subventions importantes de la part du gouvernement fédéral, par exemple le Centre national des Arts du Canada et le Conseil des Arts du Canada, qui sont tous les deux également assujettis à la Loi sur l'accès à l'information. Ils ont tous les deux aussi des exemptions. Par exemple, en ce qui a trait au Centre national des Arts du Canada, vous ne pouvez pas recevoir des documents ou renseignements qui concernent la prestation d'un artiste en particulier ou sur un donateur qui a fait, de façon anonyme, un don au Centre national des Arts du Canada. C'est pour eux une exclusion. Cependant, ils sont tous deux assujettis à la Loi sur l'accès à l'information et il y en a d'autres. Comme je vous l'ai déjà dit, je n'oeuvre pas dans le domaine des diffuseurs publics et je ne peux donc pas vous répondre.
(0930)
    Tout à l'heure, vous avez dit que vous aviez une grande expertise dans les demandes d'accès à l'information et que vous en avez déposé plusieurs milliers.
    Oui.
    Donc vous ne les avez pas toutes déposées auprès de CBC/Radio-Canada. Je suppose que vous frappez à la porte de différents organismes, institutions et ministères.
    Col Michel W. Drapeau: C'est environ 250 institutions.
    M. Alexandre Boulerice: C'est exact. Comme on a vu les chiffres de l'évaluation de la commissaire à l'information du Canada, on sait que le gouvernement conservateur actuel a obtenu des notes d'échec dans plusieurs ministères, des « F », des notes très basses. Si mes enfants revenaient de l'école avec un bulletin semblable, je serais extrêmement fâché. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international est même sous

[Traduction]

    alerte rouge.

[Français]

    C'est complètement

[Traduction]

    hors de contrôle.

[Français]

    Diriez-vous que le nombre de réponses que vous avez obtenues de CBC/Radio-Canada à vos demandes d'accès à l'information est inférieur, supérieur ou dans la moyenne par rapport aux demandes d'accès à l'information que vous adressez au gouvernement fédéral ou à ses institutions en général?
    C'est une très bonne question. Laissez-moi vous répondre avec le plus de candeur possible. J'admets que j'ai un parti pris. J'ai beaucoup d'admiration et de respect pour l'institution qu'est Radio-Canada. Sachant que ces gens connaissent leur métier et ont un niveau d'expertise que plusieurs autres institutions n'ont pas dans le domaine de l'accès à l'information, je m'attends à une meilleure performance de la part de Radio-Canada et à ce qu'elle ait une connaissance innée du domaine de l'accès à l'information et du besoin que cela représente dans la société.
    Prenant cela en considération, je considère que la performance de Radio-Canada s'est améliorée, mais que cette dernière mérite en fait la note « F » attribuée par la commissaire à l'information. Je trouve cela très malheureux parce que, sincèrement, je pense qu'elle aurait pu faire beaucoup mieux même en investissant très peu d'efforts.

[Traduction]

    Merci beaucoup, c'était vos cinq minutes.
    Nous passons maintenant à M. Butt, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je m'étonne toujours de voir les deux députés du NPD qui se réclament de la transparence continuer à défendre le manque de transparence de la SRC. Je ne vois pas l'ironie dans cela.
    Merci, monsieur Drapeau, d'être présent parmi nous aujourd'hui.
    J'aimerais tout d'abord savoir si vous connaissez Mme Legault, la commissaire à l'information.
    Oh oui, et j'ai beaucoup de temps pour elle. Je crois qu'elle a fait un travail magnifique dans une situation très difficile. Lorsqu'elle est entrée en fonction, il y avait un arriéré de deux ans dans le traitement des plaintes. Elle a corrigé la situation. Je crois qu'elle a embauché de nouveaux employés. J'étais très critique de la personne qui l'a précédée, mais je veux qu'il soit précisé dans le compte rendu que j'appuie le travail qu'elle fait et que je lui rends hommage à sa juste valeur. Je crois qu'elle fait un excellent travail.
    Je suis très heureux de vous entendre parler ainsi, parce que je pense le plus grand bien d'elle, moi aussi. Je crois que les députés en font autant, comme notre gouvernement. Je crois qu'elle fait un excellent travail, et qu'elle est extrêmement compétente.
    Alors voilà donc ma question: ne croyez-vous pas que Mme Legault et ses gens ont la capacité, à l'intérieur de leur organisation, de déterminer si l'article 68.1 s'applique ou non dans les demandes d'accès à l'information présentées à la SRC? Ne croyez-vous pas que ces personnes ont les compétences nécessaires pour déterminer, de façon confidentielle, si l'article 68.1 s'applique ou non à une demande d'accès à l'information présentée à la SRC et qu'il faut laisser la commissaire prendre cette décision, au lieu de permettre à la SRC de décider elle-même de l'interprétation à faire de l'article 68.1?
    Vous m'enlevez les mots de la bouche.
    Absolument, cela ne fait aucun doute. Le peut-elle? Elle pourrait le faire maintenant. L'a-t-elle fait par le passé? Oui. On lui a fait confiance pour de l'information, dont l'importance et les risques en cas de coulage étaient beaucoup plus grands — de l'information sur la sécurité nationale notamment —, de l'information protégée du fait qu'elle appartenait à une tierce partie commerciale ou scientifique. Elle a traité ce genre d'information, comme ses prédécesseurs. Absolument.
    Je l'ai déjà dit et je vais le dire encore, le Commissariat à l'information est probablement l'un des organismes les meilleurs et les plus efficaces du Parlement que je connaisse. Il a fait du bon travail et il en fait encore. Peut-il interpréter l'article 68.1? Très certainement.
(0935)
    Je suis très heureux de l'entendre.
    Vous avez mentionné dans une de vos réponses, ou peut-être était-ce dans votre exposé, que les documents hybrides sont assujettis à l'article 68.1 dans de nombreux cas. Si vous étiez à la SRC, vous arrangeriez-vous pour que la plupart de vos documents soient hybrides de façon à invoquer l'article 68.1? Vous arrangeriez-vous, si vous vouliez éviter que des gens aient accès à l'information, pour mettre quelque chose dans les documents de façon à prétendre qu'il est visé par l'article et donc que vous n'êtes pas obligés de fournir les renseignements demandés?
    Et j'aimerais avoir votre avis aussi. Nous recommanderiez-vous de nettoyer tout cela?
    Je vous recommande de ne rien faire, parce que, comme je l'ai dit, la loi a été merveilleusement rédigée. Elle est en vigueur depuis 30 ans, elle a été interprétée d'innombrables fois et elle porte sur tout cela. Il y a une disposition à l'article 25 voulant que vous pouvez avoir un document — j'utiliserai un autre exemple —, vous pouvez avoir un avis donné par un avocat à un fonctionnaire, il s'agit donc d'un document témoignant d'une relation de client à avocat. Même si le document est protégé, il y a des fragments d'information qui peuvent être communiqués. S'il y a une note d'information, par exemple, les faits sur lesquels repose l'opinion pourraient être communiqués.
    Donc, même si le document est hybride, il y a une certaine partie qui peut être caviardée. La commissaire à l'information ferait une recommandation sur les parties du document qui peuvent qui devraient être communiquées. Autrement dit, s'il y a eu un accident d'aéronef et qu'il y a des morts, etc., et que la SRC a dépêché une équipe, l'information est du domaine public, c'est factuel. Cette information serait rendue publique. Toutefois, il faut laisser la commissaire à l'information faire son travail et formuler des recommandations à l'institution, la SRC, sur ce qui doit être rendu public et ce qui ne peut pas l'être.
    J'accepte également l'idée que la SRC et le Commissariat à l'information puissent ne pas voir les choses de la même façon. Je ne suis pas toujours d'accord avec tout ce que fait le Commissariat. J'ai alors le choix de recourir aux tribunaux. Mais cela devrait arriver une fois sur un million; ce ne devrait pas être la première réaction, comme ça l'est actuellement à la SRC: si vous n'aimez pas ça, traînez-nous devant les tribunaux.
    Croyez-vous qu'une culture d'évitement est profondément ancrée à Radio-Canada et que la société va toujours invoquer l'article 68.1 ou un autre article pour ne pas rendre l'information publique?
    Je ne sais pas si Radio-Canada a une culture d'évitement. Je pense que cela n'a jamais été le cas jusqu'au 1er septembre 2007. En fait, c'est plutôt le contraire, Radio-Canada a une culture de divulgation et, si on fait quelque chose de mal, il en sera question au bulletin d'information de la société le lendemain.
    Je ne sais pas ce qui est arrivé le 1er septembre 2007, mais, pour une raison ou une autre, le refus d'accès va à l'encontre de la culture de Radio-Canada et de sa réputation dans les foyers canadiens. Je pense que Radio-Canada est un modèle en ce qui a trait à l'application de la Loi sur l'accès à l'information.
    La SRC a subi tellement de pression en raison des demandes d'accès à l'information qu'elle a demandé des conseils à un consultant en décembre 2007. Elle a organisé le régime d'accès à l'information trois mois après avoir été assujettie à la loi. Quelque chose a cloché en cours de route. Malheureusement, la réputation de Radio-Canada à titre de société en a souffert et ce n'était pas nécessaire.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Drapeau.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Butt. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Drapeau, merci beaucoup de votre témoignage de ce matin. Nous sommes reconnaissants de l'expertise que vous avez fournie.
    Monsieur Juneau, merci aussi de votre présence.
    Je vais maintenant suspendre la séance cinq minutes afin de nous permettre de nous préparer pour la prochaine partie.
(0935)

(0940)
    Nous allons reprendre.
    Bienvenue aux témoins de la deuxième partie de notre séance, MM. Péladeau, Lavoie et Sasseville.
    Monsieur Péladeau, vous avez dix minutes pour faire votre déclaration; allez-y.
(0945)

[Français]

    Mesdames et messieurs, membres du comité, bonjour. Je m'appelle Pierre Karl Péladeau. Je suis président et chef de la direction de Quebecor, Quebecor Media et Corporation Sun Media. Nous tenons à remercier les membres du comité de nous offrir l'occasion de venir présenter notre point de vue au sujet de l'accès à l'information chez CBC/Radio-Canada à la lumière de notre expérience avec le diffuseur d'État sur cette question.

[Traduction]

    Je suis ici aujourd'hui à titre de PDG de Sun Media, la principale société privée de quotidiens et d'information au Canada. Nous gérons 42 quotidiens partout au pays, dont des journaux de grandes villes comme le Toronto Sun, le Calgary Sun, Le Journal de Montréal, le quotidien francophone qui connaît le plus grand tirage au Canada, la chaîne de journaux gratuits 24 Heures et bien d'autres quotidiens, comme le Sudbury Star, le Peterborough Examiner, le Grande Prairie Daily Herald Tribune et même le plus ancien quotidien publié de façon continue, le Kingston Whig Standard. Nous possédons aussi près de 200 hebdomadaires dans toutes les régions du pays, deux stations de nouvelles en continu, Sun News et LCN, et le premier diffuseur francophone, TVA, qui domine sur le plan des nouvelles, avec un auditoire supérieur à celui de Radio-Canada.
    Les journaux de Sun Media ont une longue tradition, qui est de mettre en lumière avec fierté et sans peur le gaspillage et les dépenses inefficaces dans tous les ordres de gouvernement et de forcer les autorités à révéler des informations cruciales pour les Canadiens. Par exemple, nous avons récemment révélé que le gouvernement fédéral avait une liste de présumés criminels de guerre qu'il recherchait pour les déporter et dont il ne voulait pas communiquer l'identité. Grâce à nos articles à la une et à la couverture de Sun News, le gouvernement a changé sa politique et il a créé une liste des personnes les plus recherchées, qui a permis d'arrêter un certain nombre de fugitifs dangereux.
    Autrement dit, nous respectons le principe énoncé dans le jugement historique de la Cour suprême en 1989 selon lequel il ne peut y avoir de démocratie sans la liberté d'exprimer de nouvelles idées et des opinions sur le fonctionnement des institutions publiques. En tant que société d'État qui reçoit la plus grande subvention du Parlement du Canada, Radio-Canada ne peut pas se soustraire à l'examen public. Malheureusement, durant environ 25 ans, de l'adoption de la Loi sur l'accès à l'information en 1982 à 2007, les Canadiens et les journalistes ne pouvaient pas utiliser un des plus importants outils de responsabilisation que compte notre démocratie, le régime d'accès à l'information.
    Il est compréhensible que, depuis que les choses ont changé après l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité, une organisation qui emploie plus de mille journalistes présente beaucoup de demandes d'accès à l'information à la société d'État. C'est notre devoir et c'est un droit que nous a accordé le Parlement. Ce qui est survenu est maintenant bien documenté, ayant fait l'objet de plusieurs rapports accablants du Commissariat à l'information du Canada: il y a eu des retards délibérés, des frais exorbitants ont été facturés pour le traitement des demandes, des plaintes nombreuses ont été déposées et, au bout du compte, très peu d'informations ont été communiquées aux Canadiens sur la façon dont la société d'État gère les fonds publics.
    Radio-Canada accuse un mauvais rendement pour l'accès à l'information en raison, surtout, du fait qu'elle prétexte avec persistance une série d'exemptions et d'exclusions. La principale exclusion invoquée, celle qui nous amène ici aujourd'hui, vient de l'article 68.1, qui indique que la Loi sur l'accès à l'information « ne s'applique pas aux renseignements qui relèvent de la Société Radio-Canada et qui se rapportent à ses activités de journalisme, de création ou de programmation, à l’exception des renseignements qui ont trait à son administration ». Radio-Canada est allée en cour contre la commissaire à l'information pour avoir le droit exclusif de décider quelles informations elle peut garder confidentielles en vertu de l'article 68.1.
    Un premier juge a rejeté la prétention de la société d'État. Le juge Boivin a déclaré que, par la position qu'elle adoptait, Radio-Canada se donnait le pouvoir d'être juge et partie pour les demandes d'accès à l'information qu'elle recevait. Radio-Canada et ses dirigeants font valoir qu'ils doivent d'abord et avant tout protéger les sources journalistiques. Bien sûr, c'est aussi une priorité pour Sun Media. À preuve, aucune des demandes que nous avons présentées à Radio-Canada ne porte sur les sources journalistiques. En fait, non seulement nous n'avons jamais présenté de telles demandes, mais nous ne le ferions jamais. Aucune des 16 demandes d'accès à l'information examinées par les tribunaux ne porte sur les sources journalistiques de quelque façon que ce soit. J'ai d'ailleurs les demandes sous la main.
(0950)
    Les demandes concernent les frais de déplacement de Sylvain Lafrance, qui a reçu la Légion d'honneur en France, les dépenses de publicité extérieure, une entente commerciale pour créer un nouveau magazine et ce genre de choses. Autrement dit, il n'est pas du tout question des sources journalistiques, mais bien de tous les moyens possibles auxquels recourt la SRC pour refuser de rendre des comptes.
    Malheureusement, ce n'est rien de nouveau pour Sun Media. Pour le montrer, j'ai amené deux demandes que nous avons présentées à Radio-Canada et les documents reçus.
    Une demande concerne le parc de véhicules de la société d'État. La seule information transmise, c'est une ligne de texte qui porte sur un Ford 500 de 2007. Les 17 autres pages du document ont toutes été caviardées, Radio-Canada invoquant l'exclusion en vertu de l'article 68.1. Je dois en avoir encore beaucoup à apprendre sur la création, la programmation et le journalisme, parce que je ne vois pas le lien entre une demande sur un parc de véhicules et de telles choses.
    Une autre demande concerne le budget et la planification des célébrations du 75e anniversaire de Radio-Canada. Nous avons reçu un document de 250 pages dont tous les montants sont caviardés en raison d'une exemption ou d'une autre. Il semble normal de ne pas donner d'information aux Canadiens sur le coût des célébrations, selon l'interprétation que fait Radio-Canada de la Loi sur l'accès à l'information.

[Français]

    Mesdames et messieurs du comité, avec ces quelques exemples, j'ai tâché de vous illustrer le type de difficultés que Sun Media a rencontrées en essayant de faire le travail qui lui incombe en tant qu'organe de presse.
    Malgré ce qu'en pensent ceux qui nous accusent de mener une guerre contre CBC/Radio-Canada, nous croyons que ces demandes sont non seulement légitimes et d'intérêt public, mais également tout à fait conformes à l'esprit de la loi.
    Malheureusement, la réalité veut que Sun Media soit actuellement le seul groupe de presse ayant la distance et l'indépendance requises pour poser ces questions au diffuseur d'État, tant plusieurs de nos concurrents sont inféodés à CBC/Radio-Canada.
    En effet, est-ce un hasard si la présence des journalistes du quotidien La Presse, publié par Gesca-Power Corporation, sur les ondes de la télévision et de la radio de Radio-Canada est inversement proportionnelle au nombre d'enquêtes lancées par le quotidien sur CBC/Radio-Canada, lui qui en fait pourtant une grande spécialité?

[Traduction]

    Pour éviter toute ambiguïté, il convient de dire que ce n'est pas qu'au Québec que Radio-Canada n'est pas l'objet d'un examen minutieux. À sa création en 1998, le National Post a changé le milieu médiatique, entre autres parce qu'il portait un regard critique sur la gestion de la société d'État dans la rubrique CBC Watch. Mais de nos jours, le National Post est un partenaire commercial de Radio-Canada, qui lui fournit du contenu essentiel sur les sports ainsi que du contenu vidéo. Ce n'est pas surprenant que la rubrique CBC Watch ait disparu du journal. Elle a été remplacée par des articles qui font la promotion de la nouvelle programmation de Radio-Canada et par des épisodes gratuits de Nature of Things pour les gens qui téléchargent l'application mobile.
    Je ne veux pas m'en prendre au National Post; nos autres concurrents font la même chose. Bell, propriétaire de CTV et de CTV Newsnet, vient de soumettre une offre commune avec Radio-Canada pour couvrir les Jeux olympiques et Radio-Canada est le principal client de La Presse canadienne.
    Le Globe and Mail et le Toronto Sun, deux des trois propriétaires de La Presse canadienne, profitent d'achats publicitaires importants de Radio-Canada. Par conséquent, une position éditoriale critique envers Radio-Canada ferait que la société d'État retirerait toutes ses publicités de nos journaux et Sun Media le sait très bien.
    Grâce à ses partenariats stratégiques, à son budget de publicité et à ses paiements directs à des journalistes d'autres organisations, Radio-Canada a trouvé une façon de faire taire ses détracteurs dans tous les milieux, sauf Sun Media.
(0955)

[Français]

    Mesdames et messieurs membres du comité, CBC/Radio-Canada reçoit chaque année plus de 1,1 milliard de dollars en crédits parlementaires pour remplir son mandat de diffuseur public. En retour de cette somme, les citoyens canadiens sont en droit de s'attendre à un niveau de transparence suffisant pour être en mesure de s'assurer que l'argent qu'ils versent à la société d'État est bien dépensé, c'est-à-dire de façon efficace et dans le respect de son mandat.
    Je vous remercie beaucoup de votre attention.

[Traduction]

    Merci, monsieur Péladeau.
    Passons maintenant à la première série de questions.
    Monsieur Angus, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, messieurs Péladeau, Lavoie et Sasseville.
    Nous nous sommes déjà rencontrés et je suis heureux que vous soyez ici. Vous êtes un véritable Citizen Kane des médias canadiens et c'est bon de vous voir ici.
    Vous avez dit en passant que votre principal concurrent dans le marché de la télévision au Québec était Radio-Canada. Accepteriez-vous de nous parler des lettres que vous avez adressées au premier ministre Stephen Harper pour vous plaindre du manque de fonds publicitaires que vous obtenez de votre principal concurrent?
    J'ai lu hier dans un article prétendant établir les faits, qui constituait une attaque très surprenante contre notre entreprise très respectable, que nous écrivons au premier ministre du Canada.
    C'est tout à fait faux. J'ai envoyé une lettre au PDG de Radio-Canada pour dire que Sun Media et toutes nos propriétés, surtout les journaux bien sûr, sont les mieux placés pour attirer la plus large audience possible.
    J'ai adressé une lettre au premier ministre Harper...
    Simplement pour clarifier les choses, avez-vous adressé une lettre au premier ministre à ce sujet?
    Monsieur, veuillez m'excuser, mais voulez-vous que je réponde à votre question?
    Je ne veux pas vous brusquer, mais je dispose seulement de sept minutes.
    À la fin de votre déclaration, vous vous êtes plaint que vos concurrents reçoivent des fonds pour la publicité. Donc, avez-vous écrit au premier ministre ou à Radio-Canada...
    J'ai envoyé une lettre pour dire que je parlais avec... et j'ai envoyé des lettres. En fait, j'ai adressé 17 lettres à Hubert Lacroix.
    En tant que PDG de Quebecor Media, je dois m'assurer que nous recevons notre juste part pour la publicité au Canada. Les médias, surtout les journaux, tirent principalement leurs revenus de la publicité.
    Je pense que, si nous voulons des journaux solides au Canada, c'est simplement naturel que la société d'État...
    M. Charlie Angus: Vous donne une partie des fonds, d'accord.
    M. Pierre Karl Péladeau: Bien des institutions ont mis des annonces publicitaires dans nos journaux, sauf Radio-Canada.
    M. Charlie Angus: D'accord, donc...
    M. Pierre Karl Péladeau: Cela dure depuis quelques années.
    M. Charlie Angus: Désolé, mais il ne me reste qu'environ cinq minutes, monsieur.
    M. Pierre Karl Péladeau: Auparavant, Radio-Canada achetait de l'espace publicitaire dans nos journaux...
    Je dois vous interrompre, monsieur...
    ... parce qu'elle savait très bien qu'elle pouvait rejoindre l'auditoire adéquat.
    D'accord, je voulais simplement le clarifier.
    Je ne cherche pas la confrontation, mais je n'ai que cinq minutes et la présidente est stricte.
(1000)
    Ce n'est pas mon intention non plus, monsieur. Je voulais simplement répondre à votre question.
    Je lis le Sun et mon père lit toujours le Sun. J'aime vous entendre parler de la liberté d'expression et de son importance. Joe Liebling a dit que la liberté de presse appartient à ceux qui possèdent les médias. Chaque petit quotidien local que vous achetez reprend exactement le même discours, attaque Radio-Canada et dit qu'il faut cesser de financer Radio-Canada. C'est la même chose dans tous les journaux de petites villes.
    Les quotidiens sont-ils tous indépendants ou prennent-ils leurs instructions d'en haut de la chaîne alimentaire — à savoir, si vous voulez travailler pour nous, voici la ligne de pensée que vous devez suivre?
    Veuillez m'excuser, monsieur, quelle est votre question?
    Je vais préciser un peu ma question, qui porte sur votre obligation dans une entreprise intégrée verticalement. Vous avez un concurrent sur le marché de la télévision et vous possédez des journaux partout au pays. Tous les journaux que vous achetez adoptent le même message éditorial et attaquent votre principal concurrent.
    Au cas où ma question ne serait pas vraiment claire, j'ai lu l'article « Quebecor — Un bilan éthique et démocratique entaché » de Marc-François Bernier, de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en communication, spécialisée en éthique du journalisme. M. Bernier dit que des journalistes ont été forcés de rédiger des articles pour attaquer Radio-Canada.
    Les journalistes sont-ils obligés d'attaquer Radio-Canada?
    Monsieur Bernier le prétend, mais comme je ne sais pas d'où il tire une telle information...
    M. Charlie Angus: Donc, c'est faux?
    M. Pierre Karl Péladeau: Vous entendrez M. Bernier plus tard, mais il a tout à fait tort.
    D'accord, il a dit que cela s'inscrivait dans...
    Je ne sais pas d'où il tire une telle information. Je pense que c'est malheureux, vous savez...
    M. Bernier a dit que cela s'inscrivait dans une campagne de salissage contre Radio-Canada.
Ces indices suggèrent qu'il y aurait chez Quebecor une volonté de propagande (martelage, répétition des mêmes arguments), voire de désinformation (tromper le public en occultant des faits pertinents à sa compréhension des événements) qui pousse à l'extrême le pouvoir de nuisance de ses médias, au nom de la liberté de presse bien entendu.
    Je soulève la question, car même si les actifs de Quebecor sont très diversifiés, ils sont tous intégrés verticalement sous votre gouverne, monsieur Péladeau. Je ne voudrais pas que vous commenciez à empoisonner le climat politique du pays, comme Rupert Murdoch.
    Nous donnez-vous la garantie que, sans exception, tous les journalistes des petits quotidiens ne se font pas dire quoi écrire? Il me semble que je lis toujours le même article. Quel est le niveau d'ingérence dans les salles de presse de Quebecor pour promouvoir l'opinion de la direction de l'entreprise sur son principal concurrent? Qui décide d'imposer une ligne directrice?
    Notre entreprise est gérée par de nombreux cadres et chaque journal a une longue tradition d'indépendance. Mais bien sûr, nous ne sommes pas un parti, mais une entreprise. Si nous voulons être en mesure d'offrir des informations solides aux Canadiens, notre entreprise doit être gérée et nous n'allons pas...
    Parlez-vous de gérer la salle de presse? Les journalistes nous disent qu'ils sont forcés de rédiger...
    Nous sommes responsables envers les actionnaires et nous leur rendons des comptes...
    Des journalistes ont-ils reçu l'ordre de rédiger des articles?
    Vous avez dit que c'était gérer une entreprise, une affaire certainement très rentable. Elle se classe au-dessus du 90e centile mondial.
    Est-ce que vos journalistes reçoivent l'ordre de se conformer à la politique de l'organisation? C'est ce que d'anciens journalistes ont affirmé; pour travailler pour Quebecor, ils doivent, dès que vous avez pris le contrôle de ces journaux, se conformer à cette politique, qui est d'attaquer le principal rival de Quebecor.
    Je n'ai rien à répondre. Cela vient de M. Bernier. Je n'ai rien à dire de son opinion. Ma profession consiste à gérer mon entreprise, ce que j'ai l'intention de continuer à faire.
    Faudrait-il séparer la salle de rédaction de vos autres entreprises verticalement intégrées?
    Je viens de répondre. Nous ne sommes pas un parti, mais une entreprise et nous dirigeons notre journal comme toutes nos autres entreprises.
    Fait-il partie de la même entreprise, ou devons-nous...?
    La question d'une barrière de sécurité journalistique a toujours été, fondamentalement...
    Si vous voulez que je prononce une conférence sur ma façon de diriger mon entreprise, deux minutes ne suffiront pas.
    Je ne fais que demander. Cette barrière de sécurité existe-t-elle ou gérez-vous une entreprise? Vous gérez une excellente entreprise, mais la question de l'intégrité journalistique est cruciale pour la liberté de la presse. Entre cette entreprise et les sociétés de câblodistribution, de télévision, de publication de journaux et de périodiques que vous gérez en même temps, existe-t-il une barrière de sécurité journalistique pour protéger la liberté d'expression des journalistes dont vous avez parlé?
    Nos journalistes et leurs services auxiliaires ont un travail à faire, et personne ne leur dira quoi écrire.
    Est-ce assez clair?
    Merci.
    Merci, monsieur Angus.
    Monsieur Del Mastro. Vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Nous venons d'assister à un échange très intéressant.
    Monsieur Péladeau, vous avez mentionné que d'autres médias n'avaient pas eu le courage de faire ce que vous faites, peut-être parce qu'ils avaient des contrats avec Radio-Canada.
    C'est plutôt courageux, sachant que Radio-Canada est de loin la plus puissante des entreprises médiatiques canadiennes, notamment dans le secteur des nouvelles. Il n'est pas rare que... Par exemple, Power and Politics compte une douzaine de producteurs; Power Play, trois; Question Period, un. J'ignore si vous en avez pour les émissions sur la Colline parlementaire.
    Par les dépenses qu'elle peut engager et ses capacités, Radio-Canada, franchement, dépasse tous les diffuseurs privés. N'est-il pas juste de dire que vous faites preuve de beaucoup de courage?
(1005)
    Nous devons suivre des règles différentes de celles auxquelles est astreinte Radio-Canada. Nous avons des comptes à rendre à nos actionnaires et nous ne possédons pas les mêmes moyens que Radio-Canada. Je pense qu'on le sait bien dans l'industrie. Si, pour faire un certain travail, un diffuseur privé a besoin d'une personne, Radio-Canada en emploie trois ou quatre.
    Elle dispose de 1,1 milliard de dollars. Il faut bien qu'elle les dépense quelque part. Nous savons que pour elle, l'argent n'a pas d'importance. C'est ainsi qu'elle fonctionne. Nous devons, pour notre part, respecter d'autres sortes de principes. Nous devons être rentables, si nous voulons survivre. C'est pourquoi nous avons tenu, au cours de la décennie qui vient de s'écouler, à assujettir la conduite de notre entreprise aux principes applicables.
    Enfin, comme vous le savez probablement, Quebecor a acquis Sun Media il y a 13 ou 14 ans, et c'est ainsi que fonctionnait Sun Media, avant, comme d'autres journaux tels que Postmedia, auparavant Southam, et d'autres sociétés... et aussi d'autres entreprises que nous avons acquises, comme Osprey. C'est le genre de ligne de conduite que nous devons suivre pour durer et informer convenablement les Canadiens.
    Vous savez évidemment que ce n'est pas seulement des membres de l'opposition ou d'autres personnes qui ont laissé entendre qu'il n'y a que l'argent qui vous intéressait. Vous vous en prenez à Radio-Canada, mais pas pour protéger le contribuable, comme l'affirme votre allié Sun TV News. Non. Ce n'est pas ce qui vous anime. C'est votre guerre à vous. Vous voulez emporter le magot et, en discréditant le diffuseur public, en l'abattant, vous remporterez une victoire extrêmement lucrative.
    Que répondez-vous à ces affirmations? Sont-elles légitimes?
    Si une société médiatique n'est pas en mesure d'enquêter sur une société homologue accusée de s'opposer à la concurrence, qui sera en mesure d'enquêter sur Radio-Canada? Il faut, pour cela, être une société médiatique capable de présenter cette information à un auditoire aussi nombreux que possible pour le Canada. C'est ce que nous avons fait pour d'autres sociétés d'État. Nous l'avons fait dans le domaine sportif, pour des équipes de hockey.
    La raison d'être de notre entreprise est l'information, et, parce que nous sommes une société médiatique, il nous serait interdit d'enquêter sur Radio-Canada? C'est tout à fait absurde. D'après cette logique, il n'y aurait que Radio-Canada pour enquêter sur elle-même. Évidemment, cela ne se produira jamais.
    Radio-Canada ne supporte pas, en fait elle déteste, l'expression « diffuseur d'État ». Elle se qualifie de diffuseur public. Nos adversaires se fâchent quand vous dites que Radio-Canada est un diffuseur d'État.
    Pour moi, un diffuseur public est financé par le public, de son plein gré. Les diffuseurs d'État sont financés par l'État. Je crois que le président du CRTC a dit, l'autre jour, que, d'après lui, les expressions étaient synonymes. Cependant, il pense que l'expression « diffuseur d'État » s'applique habituellement aux diffuseurs de pays non démocratiques.
    Plus tôt, M. Drapeau nous a dit qu'informer est une fonction de la démocratie, essentiellement, une fourniture d'accès. Si Radio-Canada ne fournit pas d'accès, elle n'agit pas démocratiquement. N'agit-elle pas d'une manière peut-être plus représentative de celle d'un diffuseur d'État, dans un régime où l'information ne circule pas?
(1010)
    Je ne suis ni un homme politique, ni un spécialiste de la sémantique.
    Alors, pourquoi utilisez-vous l'expression « diffuseur d'État »?
    Ce n'est pas moi. Radio-Canada l'a utilisée. Il faut appeler un chat un chat. C'est ce qu'est Radio-Canada. Où donc est le problème? Pour ma part, je n'en vois pas. C'est l'opinion que j'ai. Je pense qu'elle ne dérange vraiment personne.
    Radio-Canada prétend que vous avez reçu 500 millions de dollars des contribuables au cours des trois dernières années. Est-ce vrai?
    En effet, c'est ce que j'ai lu hier. Cette affirmation est tout à fait diffamatoire et dangereuse. Rien n'est plus faux ni plus malicieux que ces chiffres. En fait, nous conférons actuellement avec nos avocats pour répondre à cela.
    Mais il a été mentionné que nous avions reçu 323 millions de dollars, soit, d'après mes estimations, de 60 à 70 p. 100 de ces prétendus 500 millions, grâce à la subvention relative au spectre de fréquences, ou quelque chose comme ça. C'est tout à fait ridicule. Je n'ai jamais rien vu d'aussi risible. En fait, nous avons été, au Canada, la société qui s'est battue pour qu'il y ait de la concurrence dans le sans-fil, et, aujourd'hui, les Canadiens ont accès à la meilleure technologie, aux prix les plus bas.
    Il n'y a absolument pas eu de subvention. De fait, nous avons versé 555 millions de dollars pour le spectre de fréquences, et, quand nous comparons ce montant à ceux qui sont qu'on a payés ailleurs dans le monde, le rapport mégahertz par habitant, c'est l'un des plus élevés du monde.
    Monsieur Péladeau, votre temps est écoulé. Vous pourrez compléter votre réponse à la faveur d'une prochaine question.
    La parole est à M. Andrews, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue, monsieur Péladeau.
    Combien de demandes d'accès à l'information Quebecor et Sun Media ont-il présentées à Radio-Canada?
    Je n'ai pas les chiffres précis. Je ne gère aucune salle de rédaction. Je pense que c'est de l'information publique, donc accessible. Sinon, elle ne l'est pas.
    Donc, vous ignorez combien...
    Pas précisément.
    Toutes ces demandes proviennent-elles de votre salle de rédaction? Qui, dans votre entreprise, les a présentées?
    Je suis à peu près certain qu'elles viennent des rédactions.
    Aucune de ces demandes ne provenait de la direction ou des cadres supérieurs de votre compagnie?
    Non, je dirais qu'elles provenaient des rédactions.
    Mais vous ne le savez pas?
    Pas précisément. Mais j'aurais tendance à croire que c'est le genre de chose que font les salles de rédaction.
    Mais vous ne savez pas.
    Vous avez mentionné, dans votre déclaration que des demandes d'accès à l'information faites sur la publicité extérieure et un périodique commercial avaient été bloquées, ce qui vous préoccupait. D'après vous, ces demandes ne sont-elles pas une façon de connaître l'activité commerciale de Radio-Canada? Cela faisait partie de l'accès à l'information. Radio-Canada a le droit de protéger ces renseignements, pour protéger ses intérêts commerciaux.
    Non, ce n'est pas ce que nous croyons.
    Je pense que, peut-être, Radio-Canada pourrait considérer que la Loi sur l'accès à l'information doit être interprétée de façon généreuse et non restrictive. Je ne vois donc pas le rapport avec le commerce... Si elle devait invoquer cet argument, elle devrait le faire toujours. Et, comme je l'ai montré, par exemple, un parc d'automobiles pourrait devenir entièrement une question commerciale. Il suffirait d'invoquer la protection d'un renseignement commercial pour n'avoir à répondre à aucune question.
(1015)
    Vous avez parlé de publicité extérieure. Auriez-vous l'obligeance de nous dire combien Quebecor et Sun Media y consacrent d'argent, au Canada?
    Pourquoi est-ce que je vous le dirais?
    Eh bien, parce que je le demande! Vous avez posé la question à Radio-Canada; je vous la pose à vous.
    D'abord, ce n'est pas moi qui fais la demande. Les rédactions font la demande, et nous avons affaire à une société publique, qui reçoit plus d'un milliard de dollars de fonds publics. Pourquoi ferions-nous cela?
    Ne voyez-vous pas qu'il serait avantageux pour votre entreprise de connaître le montant des dépenses publicitaires de votre rival, pour que vous puissiez adapter votre stratégie publicitaire?
    Vous avez parlé des offres pour les Jeux olympiques. Vous avez demandé de voir tous les documents s'y rapportant. Ne serait-il pas avantageux pour votre entreprise de posséder ces renseignements pour vous en servir contre Radio-Canada, pour une autre télédiffusion?
    Je ne dis pas que nous ne ferons jamais d'offre pour les Jeux olympiques. C'est probablement trop coûteux et nous ne serons pas de taille à égaler les millions et millions de dollars dont dispose Radio-Canada pour cette manifestation.
    Mais, pour répondre à votre question, suivant votre logique, aucune entreprise médiatique ne pourrait questionner Radio-Canada. Ce serait, d'après vous, des questions d'ordre commercial.
    Je ferais le lien entre cela et les demandes de renseignements que les Canadiens ont le droit de connaître. C'est la raison d'être de mon entreprise.
    Les Canadiens ont-ils le droit de tout savoir au sujet de votre compagnie? Est-ce que vous voudriez que votre société soit assujettie aux mêmes lois sur l'accès à l'information?
    Monsieur Andrews, je pense que vous mélangez tout. Nous ne sommes pas une société publique.
    Vous recevez pourtant des fonds publics.
    Voulez-vous comparer le montant de ceux que nous recevons à celui que Radio-Canada reçoit? C'est une goutte dans l'océan.
    Ma comparaison est entre deux sociétés médiatiques. C'est ce à quoi conduisent mes questions. Ce sont deux entreprises médiatiques que la vôtre et celle de votre concurrent, et vous essayez d'obtenir des renseignements de nature commerciale sur votre concurrent pour les utiliser à votre avantage.
    Non, nous ne cherchons pas à obtenir ce genre de renseignements. Nous voulons en obtenir pour informer convenablement les Canadiens sur la gestion des fonds publics par Radio-Canada. C'est tout. Tout comme nous voulons savoir...
    Pensez-vous que les Canadiens tiennent à savoir combien de publicité extérieure fait Radio-Canada? Expliquez-moi...
    Messieurs, monsieur Andrews, veuillez conduire votre interrogatoire par l'intermédiaire de la présidence. Finies les vociférations. Veuillez respecter un peu plus les bonnes manières.
    Allez-y, monsieur Andrews.
    Merci, madame la présidente.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de publicité extérieure. En quoi est-il d'intérêt public pour les Canadiens de se soucier des montants que Radio-Canada y consacre? Ce serait directement avantageux pour vous de le savoir.
    Je ne suis absolument pas de cet avis. Nous ne sommes pas vraiment désireux nous-mêmes de connaître les dépenses de Radio-Canada pour la publicité extérieure. Mais nous pensons que la question intéresse les Canadiens. Cela nous indiffère. En fait, vous savez, nous avons pour règle de conduite de ne pas vraiment faire de publicité extérieure.
    Une autre question qui a été soulevée plus tôt: vous dites que Radio-Canada ne fait pas suffisamment de publicité chez vous. Combien en avez-vous fait par Radio-Canada?
    Nous n'en avons pas fait. Nous n'avons pas besoin de Radio-Canada pour rejoindre notre public cible.
    Alors ne pensez-vous pas que Radio-Canada éprouve les mêmes sentiments à l'égard de votre entreprise — qu'elle n'a pas besoin de votre aide?
    Nous sommes la plus grande société médiatique. Je pense que ce serait se compliquer la vie que de ne pas utiliser Sun Media et les nombreux autres actifs que nous gérons, parce que nous sommes, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, la première chaîne de journaux au Canada et, aussi, la première entreprise médiatique privée.
    Je suis convaincu que Radio-Canada pense la même chose — qu'elle n'a pas besoin de vous pour sa publicité.
    Eh bien! Vous savez quoi? Elle a déjà fait de la publicité chez nous. Il y a deux ans, avant de nous boycotter, elle s'est servie à maintes reprises de nos médias, sachant que nous rejoignions un certain public depuis de nombreuses années. Ce n'est pas tout. Nous avons appris que les agences qui représentent Radio-Canada ont reçu la consigne de ne pas utiliser notre entreprise médiatique.
    Merci, monsieur Andrews. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Calkins, je vous prie. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je trouve cette discussion intéressante. Je voulais vous demander, monsieur Péladeau, de nous parler un peu plus des points visant à « rétablir les faits » qui ont été soulevés récemment.
    On dit ici, et nous avons effleuré le sujet, que Quebecor a reçu plus d’un demi milliard de dollars au cours des trois dernières années en subventions directes et indirectes, financées par l’argent des contribuables canadiens. Pourtant, votre société n’est pas tenue de rendre des comptes à la population. D’autres témoins ont voulu faire valoir au comité que lorsqu’une organisation ou une entreprise bénéficie de crédits d’impôt ou d’un programme d’incitation fiscale — ce qui coûte de l’argent au gouvernement fédéral, sans qu’on parle de coûts directs, puisqu’il s’agit d’une diminution d’impôt —, c’est la même chose que si elle recevait une subvention directe ou un transfert d’argent direct de la part du gouvernement du Canada. C’est évidemment ce qui se passe pour la SRC, à hauteur de 1 milliard de dollars par an, un investissement qui doit être justifié.
    Pensez-vous qu’il serait raisonnable que l’article 68 de la Loi sur l’accès à l’information s’applique à toute entreprise qui bénéficie d’un crédit d’impôt ou d’une politique d’incitation fiscale, la contraignant ainsi à divulguer des renseignements par l’entremise de la commissaire à l’information si une demande d’accès était déposée à cet effet? Est-ce bien raisonnable? Tous les concessionnaires automobiles, toutes les stations-service, tout le monde serait alors tenu de le faire. Si nous devions suivre ce principe, un employeur qui utilise le crédit d’impôt à l’embauche, un entrepreneur qui recourt à un crédit d’impôt pour son entreprise, ou même un contribuable profitant d’un crédit d’impôt pour réaménager sa cour arrière, pourrait soudainement faire l’objet d’une demande d’accès à l’information. Pensez-vous que ce soit raisonnable?
(1020)
    Je ne sais trop quoi vous répondre. Vous me demandez si je trouve cela normal ou…
    Oui. Selon vous, est-ce sensé de comparer…
    Comme je l’ai mentionné, j’estime qu’il s’agit d’une bien étrange coïncidence que ce genre d’information ait été lancée quelques heures avant mon témoignage devant le comité. J’imagine que c’est pour alimenter certains des acolytes de la CBC/Radio-Canada. Vous savez, je trouve complètement inacceptable que la diffusion de cette information sur le Web ait été approuvée par la haute direction de la SRC. C’est carrément inacceptable de faire circuler ce genre d’informations fausses et calomnieuses. J’imagine que c’est un peu comme détourner des fonds publics, les ondes publiques ou l’argent des contribuables. C’est du jamais vu. C’est complètement inacceptable de nous accuser de cette façon dans le but de ternir notre réputation.
    Je le répète, nous examinons la possibilité d’intenter des poursuites à cet égard.
    Merci beaucoup.
     Vous nous avez dit que jusqu’à il y a quelques années, la SRC achetait de la publicité dans vos différents véhicules médiatiques, mais cela a changé. Vous nous avez aussi indiqué dans vos remarques préliminaires que plusieurs autres groupes de médias travaillaient davantage en collaboration, en vue essentiellement de s’imposer sur le marché. Cela signifie donc que le radiodiffuseur de l’État financé par les contribuables, la Société Radio-Canada, se sert finalement des fonds publics pour monopoliser une partie du marché, malgré le contexte de libre entreprise.
    La question que je me pose, c’est si c’est bel et bien le cas... Par souci d’équité, la majeure partie des achats et des dépenses du gouvernement se font à l’issue d’une demande publique de soumissions. Je ne dis pas que c’est ce qui doit se passer ici, mais ne serait-il pas équitable qu’un radiodiffuseur financé par l’État offre les mêmes possibilités à l’ensemble du marché canadien?
    Je ne suis pas politicien, vous le savez. J’ai ma propre opinion là-dessus, mais je vais la garder pour moi. À titre de gestionnaire, je constate que la CBC/Radio-Canada emploie des mesures de représailles contre nous parce que nous l’avons critiquée. La meilleure preuve de cela, c’est qu’avant elle utilisait nos journaux pour… C’est très simple. Le lectorat du Journal de Montréal et du Journal de Québec, les deux quotidiens au plus important tirage dans leurs marchés respectifs, a augmenté, alors que celui de nos concurrents, largement utilisés par la CBC/Radio-Canada, a diminué.
    Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec travaillent en tandem depuis leur création. Pendant l’arrêt de travail au Journal de Québec, ils ont utilisé Le Journal de Montréal et pas Le Journal de Québec. Nous leur avons demandé pourquoi ils avaient pris cette décision. J’ai mon idée là-dessus, mais le fait reste qu’ils ont arrêté de le faire.
    La situation a été inversée quelques mois plus tard. Il y a eu un arrêt de travail au Journal de Montréal, tandis que Le Journal de Québec continuait à rouler. Ils nous ont demandé s’ils pouvaient acheter de l’espace publicitaire dans Le Journal de Québec une fois l’arrêt de travail terminé. Nous n’avons rien fait d’illégal; nous avons respecté la loi. Nous avons refusé. Par solidarité envers l’équipe de gestion qui publiait courageusement le journal tous les jours, nous avons décidé que Le Journal de Québec ne ferait pas de vente au détriment du Journal de Montréal.
(1025)
    Donc, vu les intérêts concurrentiels et les conditions quelque peu inégales, l’article 68.1 est devenu un outil puissant qui peut permettre à une organisation de dissimuler des choses, et à d'autres de semer la zizanie. Mais au bout du compte, c’est dans l’intérêt du public de savoir où vont les fonds publics.
     Je n’ai plus beaucoup de temps, alors je vous demanderai simplement si vous pensez que les activités de journalisme et de programmation dont il est question à l’article 68.1 devraient aussi englober les informations qui donnent un avantage concurrentiel à la Société Radio-Canada?
    Je ne suis pas un parlementaire, alors je m’abstiendrai de faire des commentaires sur la législation. Mais, à titre de membre de la haute direction d’une entreprise médiatique, je peux vous dire que les médias constituent un solide pilier de la démocratie qu’on ne pourra probablement jamais écarter. Je crois que ce sentiment est généralisé, et je vous en ai parlé d’ailleurs dans mon exposé.
     J’ai étudié brièvement la philosophie à l’université. Un homme du nom de Montesquieu a dit qu’il fallait séparer les pouvoirs. Il ne faisait pas mention des médias à cette époque-là, parce que cela n’existait pas. Mais en tant que quatrième pilier de la démocratie, les journaux doivent être gérés de façon indépendante, comme le font toutes les entreprises médiatiques. Protéger les sources journalistiques est certainement l’une des choses les plus importantes à faire pour que les médias puissent continuer à soutenir la démocratie.
    Merci beaucoup, monsieur Péladeau.
    La parole est maintenant à M. Boulerice, pour cinq minutes. Je vous en prie.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Péladeau, j'ai été un peu surpris du ton de la présentation que vous avez faite plus tôt. J'y ai perçu un sentiment d'assiégé, un peu comme si le reste du monde s'était ligué contre vous. Pendant un instant, j'ai failli oublier que vous étiez à la tête du plus grand empire médiatique du Québec et du Canada, un empire médiatique dont la ligne politique est d'ailleurs assez claire. C'est un empire qui fait rarement dans la nuance et qui fait visiblement plaisir au gouvernement conservateur actuel. Vous nous avez présenté une vision des choses qui, à mes yeux, est un peu manichéenne. Elle met en opposition la méchante société d'État largement subventionnée par les contribuables et une entreprise privée qui tente de faire son travail, soit de diffuser l'information, et qui fait partie du quatrième pilier de la démocratie.
    Or, la Société Radio-Canada est un service public et non un concurrent. Elle fait partie d'une autre catégorie d'intervenants dans le marché de l'information et de la programmation au pays. Elle a une mission particulière que tous les autres diffuseurs privés n'ont pas, comme offrir un service en anglais au Saguenay ou en français en Saskatchewan, par exemple, un rôle qui, je pense, n'appartient pas aux diffuseurs privés. La société a des obligations supplémentaires à l'égard des services, mais aussi du contenu de la programmation. Depuis 1952, la Société Radio-Canada doit tirer au moins 35 p. 100 de son financement de recettes réalisées sur le marché. Je pense que c'est cet aspect qui vous cause problème. Vous la voyez comme une concurrente qui vient piquer des sous dans l'assiette publicitaire. De votre côté, vous seriez le pur entrepreneur qui essaie de faire son travail et de remplir sa mission de diffuseur privé.
    Pour le bénéfice du comité et celui des gens présents dans la salle, j'aimerais que vous nous rappeliez quel pourcentage de l'épargne des Québécois et des Québécoises a servi à construire Quebecor Media, qui est à la source de l'expansion de votre empire? Quel est le niveau de participation de la Caisse de dépôt et placement du Québec à Quebecor Media?
(1030)
    Ça représente 45 p. 100 du capital.
    Merci beaucoup. On parle de 45 p.100
    On sait qu'en 2010, 2,4 milliards de...
    C'est une information publique qui est connue de la quasi-totalité des gens qui suivent ce dossier.
    Oui, mais je pense qu'il est important de le répéter. En 2010, une somme de 2,4 milliards de dollars, en l'occurrence de l'argent public, de l'épargne des Québécois et Québécoises, vous permettait de fonctionner et d'avoir votre empire médiatique.
    Plus tôt aujourd'hui, on a pu entendre M. Drapeau dire que si vous recevez de l'argent public, si vous pigez dans les poches de l'ensemble des citoyens et citoyennes, vous avez des obligations de transparence et devez rendre des comptes. C'est une chose avec laquelle nous sommes d'accord. Il en va de même pour la Société Radio-Canada, qui devrait traiter les demandes d'accès à l'information et faire preuve de transparence à cet égard. Elle a des obligations en ce sens.
    Notre propos est le suivant. Ne croyez-vous pas, étant donné les 2,4 milliards de dollars investis par des Québécois dans Quebecor Media, que vous avez également des obligations?
    Vous vous êtes retiré du Conseil de presse du Québec et, de plus, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec vous blâme parce que dans votre entreprise, il n'existe aucun processus faisant en sorte que les gens puissent porter plainte et que vous ayez à répondre à ces plaintes. Que pensez-vous de cette situation? Je vois qu'il y a un déséquilibre entre les demandes que vous soumettez et la reddition de comptes que vous êtes prêt à assumer.
     Nous divulguons nos résultats à chaque trimestre. Nous sommes assujettis à des règles de divulgation. Nous avons toujours rempli cette obligation. Quebecor est une entreprise publique depuis 1972. En ce sens, je pense que nous n'avons pas de leçon à recevoir de qui que ce soit. Nous avons toujours fait notre travail quant à la reddition et la divulgation de nos comptes, et nous allons continuer à le faire à l'avenir.
    J'ai une perspective québécoise, mais je n'ai pas de perspective canadienne, du moins pas encore. Or, ni le fait de demander des comptes à Radio-Canada, ni le fait que votre entreprise soit florissante ne nous cause problème. Par contre, il en va autrement quand on sent qu'il y a de votre part, surtout dans vos journaux mais aussi un peu à la télévision avec Sun, des attaques systématiques contre le service public qu'est Radio-Canada. Ça ne se limite pas à la demande d'accès à l'information puisque ça devient une guerre commerciale. On sent beaucoup d'agressivité de votre part envers Radio-Canada.
    En ce qui a trait à la transparence, ne pensez-vous pas que vous dépassez les bornes et que vous menez carrément une campagne de salissage? Quand nous lisons le Journal de Montréal — parce que nous le lisons, nous aussi, chez Tim Hortons —, nous tombons systématiquement sur des articles dans lesquels on s'attaque à Radio-Canada, comme si c'était un adversaire.
    Écoutez, je suis un petit peu surpris. C'est votre interprétation et, évidemment, je ne suis pas nécessairement prêt à la partager. Vous me surprenez énormément quand vous parlez d'atteinte à la réputation de Radio-Canada et de campagne de salissage. En réalité, c'est le vice-président des services français de Radio-Canada qui m'a traité de voyou à trois reprises sur les ondes de Radio-Canada. Même un journaliste, qui donnait l'impression d'être un peu mal à l'aise, lui avait dit qu'il avait démarré une campagne contre Quebecor pour une question qui concernait l'ensemble des Canadiens à l'époque, soit le Fonds canadien de télévision. Honnêtement, en cette matière, je n'ai pas de leçon à recevoir de Radio-Canada.
    Cela étant dit, les journalistes de Sun Media font leur travail. Encore une fois, pourquoi s'abstiendraient-ils d'enquêter sur Radio-Canada, une société d'État qui dépense plus de 1 milliard de dollars, parce que ce serait soi-disant un concurrent? En vertu de cette logique, personne ne pourrait enquêter sur Radio-Canada ou ne pourrait diffuser d'informations sur Radio-Canada, comme le font les médias d'information et également d'autres sociétés d'État. Pourquoi existe-t-il cette pratique selon laquelle on n'informe pas les Canadiens de l'exclusion prévue à l'article 68.1 en vue de protéger les sources journalistiques? Comme je l'ai dit dans ma présentation, nous sommes tout à fait favorables à cela, car nous croyons que les médias doivent protéger leurs sources journalistiques. Nous nous sommes présentés à plusieurs reprises devant les tribunaux, tant fédéraux que provinciaux, justement pour défendre ce principe de la protection des sources journalistiques.
    Je n'ai malheureusement plus de temps.

[Traduction]

    Merci, monsieur Péladeau.
    La parole est maintenant à M. Dreeshen. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, monsieur Péladeau, d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais parler des activités de journalisme, de création et de programmation énoncées à l'article 68.1. J'ai trouvé vos commentaires très intéressants. J'ai moi-même été propriétaire d'une camionnette demi-tonne Ford 2007. Je crois que c'était le modèle de base, pas le modèle de luxe. Ce devait être une camionnette semblable à celle que la SRC a jugé bon de divulguer dans les pages qui vous ont été transmises.
    Je pense vraiment que les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Vous avez des comptes à rendre à vos actionnaires, et la SRC devrait aussi rendre des comptes aux contribuables. Je crois que c'est le coeur de la discussion.
    Je voudrais aussi aborder un point qu'on vient tout juste de souligner, c'est-à-dire les 500 millions de dollars en fonds publics que vous avez touchés selon la SRC.
    Vous nous avez dit que vous songiez à intenter des poursuites. Je ne veux pas qu'on parle des procédures que vous pourriez envisager à cet égard, mais est-ce qu'une demande d'accès à l'information pourrait permettre de savoir sur quoi se fondent ces allégations? Est-ce qu'on pourrait invoquer la protection des sources journalistiques dans ce cas-ci?
(1035)
     Encore là, je pense que la SRC tente de brouiller les cartes en ce qui a trait à l'origine de ces fonds publics. Comment peut-on réellement comparer des crédits parlementaires de l'ordre de 1,1 milliard de dollars avec les fonds publics accordés aux entreprises privées? Il n'est pas question de prendre cet argent quelque part; la SRC a voulu semé la confusion à propos des crédits parlementaires, qui sont en fait des subventions et des crédits d'impôts.
    Il est vrai que TVA, notre société de radiodiffusion, a profité indirectement de crédits d'impôt qui avaient été accordés à des producteurs privés. C'est ainsi que le système fonctionne au Canada. En fait, si vous regardez la situation de plus près, vous constaterez que les producteurs indépendants diffusant leur programmation à la SRC reçoivent des crédits beaucoup plus importants que les producteurs privés qui distribuent leurs émissions à TVA.
    Je peux vous donner un exemple qui illustre bien ce qui se passe. Il y a un producteur privé à Montréal appelé La Presse télé, qui est une filiale de Gesca Power Corporation. Au cours des six ou sept dernières années, peut-être plus, ce producteur a reçu 150 millions de dollars en crédits d'impôt. Il vend 80 p. 100 de sa programmation à la CBC/Radio-Canada, mais plus précisément à Radio-Canada, puisqu'il s'agit d'émissions francophones.
    On peut aussi en déduire que tôt ou tard, les entreprises médiatiques qui enquêteront sur la CBC/Radio-Canada vont se faire rares. Elles se trouvent essentiellement en situation de conflit d'intérêts en raison des sommes importantes qu'elles reçoivent. Elles font affaire avec le radiodiffuseur de l'État, alors elles ne voudront pas mordre la main qui les nourrit. Voilà comment les choses se passent.
    Pour ce qui est des subventions et des crédits d'impôt, nous y avons droit selon les programmes canadiens en place. Nous n'en prenons pas plus, ni moins; nous bénéficions des mêmes crédits offerts à toutes les entreprises privées. Nous ne sommes pas les seuls à recevoir cet argent. Il en va de même pour Global, la CTV, et de nombreux autres radiodiffuseurs privés, qui ont sont aussi admissibles à ces programmes.
    Quelle impression cela donne-t-il à la population canadienne quand la SRC refuse de divulguer de l'information?
    Je ne dirige pas une firme de sondage. Je pourrais demander à mon ami Jean-Marc Léger, qui siège au conseil d'administration de la Fondation de l'entrepreneurship, que je préside, mais je ne suis pas un expert en la matière.
    Alors vous n'avez pas communiqué avec la Boussole électorale ou une autre entreprise pour savoir ce qui en est.
    Merci.
    L'autre...
    Monsieur Dreeshen, votre temps est écoulé.
    Nous entendrons maintenant Mme Brosseau, pour cinq minutes, je vous prie.

[Français]

    Mardi, le comité a reçu Konrad von Finckenstein au sujet du refus du CRTC de diffuser une simple demande d'information concernant la façon dont les grandes entreprises de distribution et de radiodiffusion utilisent les fonds du FAPL.
    C'est vraiment surprenant d'entendre que les diffuseurs privés, dont Quebecor, ont bloqué le droit du public de voir leurs données. Radio-Canada et Rogers ont respecté les demandes, mais pas Quebecor.
    Allez-vous dire au comité combien d'argent Quebecor a obtenu pour chacune de ces stations et comment l'argent a-t-il été dépensé?
(1040)
    Je n'étais pas au courant de cette information.

[Traduction]

    Je n'étais pas au courant de cette information, mais il est certain que nous allons nous plier aux décisions du CRTC. Cela ne fait aucun doute. Nous donnons probablement suite à cette demande à l'heure qu'il est.

[Français]

    Depuis 2007, la SRC doit répondre à la commissaire à l'information. Elle a reçu beaucoup de demandes. C'était vraiment difficile pour elle. Elle est maintenant devant la cours pour faire clarifier les règles relatives à l'article 68.1.
    Le ministre et les autres représentants du ministre se sont aussi opposés au commissaire à l'information plus de 198 fois. Ils veulent des éclaircissements au sujet de la loi.

[Traduction]

    Madame Brosseau, la sonnerie d'appel se fait entendre. Je vais devoir vous interrompre.
    Rappel au Règlement.
    Je vous demanderais d'obtenir le consentement du comité. La sonnerie d'appel se fera entendre pendant 30 minutes, madame la présidente, et nous sommes à deux minutes à peine de la Chambre. J'aimerais que le comité termine à l'heure prévue.
    Est-ce le souhait du comité?
    Allez-y, madame Brosseau. Nous avions arrêté le chrono.

[Français]

    Monsieur Péladeau, vous êtes très préoccupé par la transparence et la responsabilité de la SRC en vertu de la loi.
    Avez-vous soumis d'autres demandes d'information à d'autres ministères ou institutions gouvernementales?

[Traduction]

    Absolument. Nous avons envoyé des demandes à toutes les sociétés d'État. Le monde des médias l'exige, et nous allons continuer de le faire. Nous avons le devoir d'informer les Canadiens.

[Français]

    La SRC est-elle au sommet de votre liste de préoccupations?

[Traduction]

    Comme elle n'était pas assujettie à la Loi sur l'accès à l'information et qu'elle n'a pas eu de comptes à rendre pendant toutes ces années, la Société Radio-Canada a fait l'objet de nombreuses demandes, ce qui n'aurait pas dû la surprendre.
    Nous avons été étonnés de voir qu'elle n'était préparée à cela. Ce n'est pas qu'elle manque de moyens pour se montrer respectueuse envers la population canadienne. La mise en vigueur de la loi avait été annoncée, et Radio-Canada, qui a des millions et des millions de dollars à dépenser, devrait être en position de fournir les réponses demandées.
    Elle ne peut pas prétendre avoir été prise de court. Elle a dépensé des centaines de milliers de dollars en réceptions de toutes sortes à Toronto pendant le Festival international du film. Elle devrait consacrer cet argent à rendre compte de ses dépenses à la population canadienne.
    Est-ce qu'il me reste du temps?

[Français]

     Je vais laisser le reste du temps qui m'est alloué à mon collègue, M. Dusseault.
    Mes questions vont s'adresser à M. Péladeau. Je vous remercie d'être venu nous rencontrer.
    J'ai l'impression qu'il y a deux normes entre Radio-Canada et vous. Vous recevez beaucoup d'argent du public, notamment avec Quebecor au Québec.
    Croyez-vous que ce serait légitime pour Radio-Canada et le public d'avoir aussi accès à la manière dont l'argent des contribuables est dépensé par Quebecor étant donné que cette compagnie reçoit de l'argent des contribuables?
     Pensez-vous que ce serait juste et équitable que les deux institutions, la société d'État et la compagnie privée, soient également assujetties à cette loi, compte tenu qu'elles reçoivent de l'argent du public?
    Comme pour ce qui est de la question de votre collègue, je suis un peu surpris par votre question. Peut-être est-ce dû à votre orientation, mais je pense qu'on crée de la confusion. On mêle tout. On mêle la Caisse de dépôt et placement du Québec avec Radio-Canada. On mêle des crédits parlementaires avec des crédits d'impôt.
    On doit être un peu rigoureux et faire preuve d'honnêteté intellectuelle lorsqu'on parle de fonds publics. Chaque année, les crédits parlementaires pour Radio-Canada sont de 1,1 milliard de dollars et davantage. Il y a en plus des crédits d'impôt, des subventions et d'autres considérations.
    Radio-Canada reçoit presque 100 millions de dollars par année en programmation du Fonds canadien des médias. Nous recevons aussi des fonds en vertu du Fonds canadien des médias, mais nous en redonnons tout autant. Quebecor Media contribue au Fonds des médias probablement dans une proportion plus importante que les fonds que nous recevons.
    En ce qui concerne Quebecor Media et la Caisse de dépôt et placement du Québec, la caisse est propriétaire à 45 p. 100 des actions de Quebecor Media. Alors, le jour où elle vendra ses actions, elle aura l'argent qu'elle aura investi et même davantage. Nous avons des rapports avec la caisse depuis 20 ans et ils ont toujours été extrêmement profitables pour la caisse. Je suis confiant que ce sera la même chose pour l'avenir.
    Alors, ne vous inquiétez pas comme Québécois à l'égard de la capacité de Quebecor Media de faire fructifier les épargnes de nos compatriotes.
(1045)

[Traduction]

    Monsieur Del Mastro, je vous en prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Nous avons certainement eu une discussion intéressante aujourd'hui. L'opposition a voulu démontrer que les entreprises privées et les sociétés d'État devaient être mises sur un pied d'égalité, comme je l'ai mentionné plus tôt. Vous avez indiqué qu'avec vos autres compagnies, votre contribution au Fonds des médias du Canada excède les sommes que vous recevez.
    Si on commence à additionner toutes ces choses, il faut reconnaître que la SRC reçoit beaucoup plus que 1,16 milliard de dollars, parce qu'elle reçoit aussi de l'argent du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, du FMC et d'autres programmes.
    Monsieur Del Mastro, pourriez-vous conclure? Votre temps est écoulé.
    Oui, je vais conclure.
    En ce qui concerne le communiqué publié par la SRC hier, à mon humble avis, je crois qu'elle a abusé de sa position de radiodiffuseur public pour faire passer son message sans trop se mouiller. Est-ce aussi votre avis? Est-ce qu'elle voulait ainsi museler tous ceux qui se posent aussi des questions sur la façon dont elle utilise l'argent des contribuables?
    Oui. Je n'ai pas vraiment eu le temps d'étudier la question à fond... J'ai été estomaqué de voir que la SRC profitait de sa position pour véhiculer de fausses informations dans une intention malicieuse. Je n'ai jamais rien vu de tel. Je le répète, nous allons devoir décider de quelle façon nous allons donner suite à cela.
    Merci.
(1050)
    Merci beaucoup, monsieur Péladeau, monsieur Lavoie et monsieur Sasseville. Nous sommes heureux d'avoir pu vous compter parmi nous ce matin.
    La séance est levée.
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