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Merci, monsieur le président. Merci, madame et messieurs les membres du comité.
Je suis ravi de comparaître devant le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes pour répondre aux questions sur le projet de loi , ma mesure législative d'initiative parlementaire.
Le projet de loi , Loi sur la communication de renseignements et la transparence de la SRC et de la fonction publique, vise à favoriser la transparence au sein de la SRC et dans la divulgation des salaires des fonctionnaires fédéraux.
Comme vous le savez, la présentation de motions et la tenue de plusieurs votes non prévus à la Chambre des communes ont interrompu dans une certaine mesure des séances de votre comité. Je suis heureux que le comité ait manifesté son intérêt à l'égard de cette importante mesure législative et ait prévu la tenue de séances supplémentaires pour l'examiner.
Avec votre permission, monsieur le président, je voudrais résumer brièvement les témoignages que le comité a entendus. Par la suite, je répondrai aux questions qu'on voudra peut-être me poser.
Chers collègues, ce que vous n'avez pas entendu lors de vos témoignages est aussi évocateur et intéressant que ce que vous y avez entendu. Par exemple, aucun témoin n'a appuyé la proposition discutable présentée par le gouvernement pour porter à 329 000 $ la limite pour la divulgation des salaires des fonctionnaires fédéraux. La National Citizens Coalition et la Fédération canadienne des contribuables ont toutes les deux indiqué que la rémunération pour la catégorie DM-1 ou 188 000 $ constitue une limite maximale trop élevée et qu'il faudrait la ramener à 100 000 $, conformément à la liste de divulgation de l'Ontario.
De plus, même si la SRC et la guilde des journalistes s'opposent aux dispositions autorisant la commissaire à l'information à examiner les refus de la SRC de donner suite aux demandes d'accès à l'information en fonction du critère du préjudice, aucun des représentants de ces deux organisations n'ont appuyé expressément le gouvernement qui se proposait de présenter une modification pour exclure les documents de source journalistique.
La commissaire à l'information s'oppose fermement à l'imposition d'une autre exclusion pour remplacer celle qui est beaucoup décriée et qui figure à l'article 68.1 de la Loi sur l'accès à l'information. Elle ne semblait pas croire que le gouvernement remplacerait une exclusion assujettie à une exception par une exemption discrétionnaire assujettie à une exclusion. Cela ne constituerait pas — et je reprends les termes de la Cour d'appel fédérale — « un modèle de limpidité [...] mais une invitation à la controverse ». Et c'est précisément ce que le projet de loi vise à empêcher.
De plus, la commissaire a réitéré que le privilège du secret des sources des journalistes n'est jamais entré en ligne de compte, et je répète, n'est jamais entré en ligne de compte lors d'une demande d'accès à l'information présentée à la SRC. Selon l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. National Post, ce privilège n'est pas absolu, et il faut déterminer au cas par cas s'il s'applique.
Finalement, et ceci est important, monsieur le président, il est tout à fait injustifié de craindre que le nom d'une source confidentielle sera divulgué étant donné que les renseignements personnels ne peuvent être communiqués aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Cependant, nous avons entendu, lors des témoignages, des propos intéressants qui pourraient nous être utiles. Je demanderais au comité de se pencher sur les amendements susceptibles d'être apportés à ma mesure législative.
Certains témoins crédibles, j'en conviens, ont fait valoir que le projet de loi ne protégeait pas suffisamment l'indépendance du radiodiffuseur public, ce qui entraînerait une divulgation excessive de renseignements. Peut-être bien. Cependant, je demeure convaincu que l'exclusion des documents portant simplement sur les activités est beaucoup trop large et a débouché sur des décisions douteuses de la part de la SRC qui a refusé notamment de divulguer combien elle possède de véhicules.
On a fait valoir que la liberté d'expression pourrait s'ajouter au critère d'indépendance afin d'offrir une meilleure protection. Je serais d'accord, pourvu que la commissaire à l'information soit autorisée à examiner les décisions litigieuses pour s'assurer que les niveaux de protection et d'exemption sont appliqués correctement.
Je le répète, la National Citizens Coalition et la Fédération canadienne des contribuables ont indiqué lors de leur témoignage que la limite maximale de 188 000 $ est trop élevée et devrait être ramenée à 100 000 $. Je suis d'accord avec elles, mais je proposerais de la ramener à 160 000 $, ce qui est plus réaliste. Comme vous le savez, 160 000 $, c'est à peu près le salaire d'un député. Le choix d'une telle limite maximale est arbitraire, mais je vous ferais valoir que le salaire d'un député peut constituer une limite maximale aussi défendable que toute autre. Ainsi, le Parlement n'exigerait pas des fonctionnaires fédéraux davantage que de ses propres députés en matière de divulgation.
Il y a un problème connexe, monsieur le président: le terme « salaire » dans le projet de loi . On ignore s'il englobe les primes au rendement qui peuvent constituer jusqu'à 39 p. 100 du salaire et auxquelles les haut dirigeants peuvent avoir droit. Le projet de loi vise certainement à autoriser la divulgation de telles primes. Le comité souhaitera donc envisager peut-être un amendement précisant que toute la rémunération des dirigeants, c'est-à-dire le salaire et les primes, devrait pouvoir être communiquée dans le cadre d'une demande d'accès à l'information.
Enfin, ce n'est que mercredi dernier que je me suis rendu compte à la lecture de ses propos que la commissaire à l'information estimait que les dispositions transitoires de la version actuelle du projet de loi ne sont pas pertinentes, car les demandes rejetées pourraient être représentées ultérieurement en vertu de nouvelles règles plus transparentes. Le libellé actuel précise que la présente loi entrera en vigueur 90 jours après la date de sa sanction, de sorte qu'on pourra élaborer un mécanisme afin d'examiner les demandes déjà présentées.
Elle a cependant raison: si les règles changent, les demandes rejetées pourraient tout simplement être représentées. Elle propose donc de préciser qu'il faudra prendre une décision définitive pour éviter que les demandes soient représentées.
Monsieur le président, je souscris entièrement à tous les témoignages que le comité a entendus ainsi qu'à toutes les opinions divergentes sur ce qui est et ce qui n'est pas un accès pertinent aux renseignements détenus par le gouvernement. Il s'agit d'un enjeu important, et je ne m'attendais pas à ce que les témoins soient unanimes sur la question. Cependant, le débat est essentiel au moment où nous cherchons à moderniser notre loi sur l'accès à l'information qui est manifestement désuète.
J'ai confiance que, après mûre réflexion, les membres du comité rejetteront les amendements proposés visant à contrecarrer l'objectif du projet de loi : favoriser la transparence. Ils adopteront plutôt des amendements qui renforceront le droit des Canadiens d'avoir accès aux renseignements détenus par le gouvernement.
Merci, monsieur le président. Je suis impatient de répondre aux questions des membres du comité.
Je le répète, monsieur Angus, je vous invite à déposer un amendement pour faire passer cette limite à 160 000 $. Je pense que la limite de 100 000 $ préconisée par la Fédération canadienne des contribuables est trop basse. La liste de divulgation de l'Ontario vise un trop grand nombre de personnes — 79 000, je crois.
Si l'on opte pour l'échelon supérieur de la catégorie DM-4, c'est-à-dire 329 000 $, presque personne ne serait tenu de divulguer ce genre de renseignement. Seuls seraient visés quelques dirigeants de sociétés d'État, quelques magistrats et quelques présidents de conseil ou de commission. Aucun sous-ministre ne serait alors concerné, parce que la limite serait supérieure au salaire de la catégorie DM-4.
Je n'en reviens tout simplement pas que le gouvernement prenne une telle orientation, mais ça semble être bien le cas.
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En fait, je ne me souviens pas que la commissaire ait dit que ce critère est souvent invoqué. En règle générale, la Loi sur l'accès à l'information autorise la communication de documents, que ceux-ci portent préjudice au ministère ou non.
En assujettissant ce critère aux documents appartenant à la Société Radio-Canada, comme la commissaire l'a indiqué devant vous lorsque vous avez étudié exhaustivement l'article 68.1 de la Loi sur l'accès à l'information, on offre à la SRC un niveau supérieur de protection, auquel n'ont pas droit la plupart des ministères ou organismes fédéraux. C'est une façon délibérée de nous rappeler que, même si la Société Radio-Canada est une société d'État qui reçoit ses crédits du Conseil du Trésor, elle n'en demeure pas moins une entreprise du domaine journalistique qui doit jouir d'un niveau pertinent d'indépendance par rapport au gouvernement qui la finance.
Le critère du préjudice vise précisément à protéger la SRC, qui n'est pas tenue de divulguer des documents si cette communication portait atteinte à son indépendance en matière de journalisme et de programmation. Comme je l'ai souligné dans ma déclaration, si les membres du comité veulent se sentir plus à l'aise, ils voudront peut-être protéger non seulement l'indépendance mais également la liberté d'expression.
Cependant, le critère de préjudice ajoute une protection supérieure que devrait, selon moi, avoir le radiodiffuseur public, mais dont sont dépourvus habituellement les ministères fédéraux.
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Je suis tout à fait d'accord avec elle. Elle a bien expliqué pourquoi le comité ne devrait pas envisager d'exclusion pour les documents de sources journalistiques.
Tout d'abord, elle a fait valoir — et je suis d'accord avec elle — que toute décision d'un agent d'accès à l'information devrait être susceptible de recours indépendants du pouvoir exécutif. La commissaire elle-même est indépendante du pouvoir exécutif. Elle est une agente du Parlement. Selon elle, le secret des sources journalistiques n'est pas un privilège absolu. C'est ce que les tribunaux ont conclu. Il faut recourir au critère à quatre volets du professeur Wigmore pour déterminer si ce privilège doit être accordé.
La solution, c'est que le nom d'une personne constitue un renseignement confidentiel aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il faut caviarder le nom d'une source journalistique figurant dans un document devant être divulgué, car c'est un renseignement confidentiel en vertu de cette loi. D'après moi, ces préoccupations à propos du secret des sources journalistiques sont quelque peu injustifiées.
Je vous signale également que la commissaire s'est penchée sur 1 200 demandes présentées à la SRC et n'en a trouvé aucune portant sur le secret des sources journalistiques. Il se peut très bien qu'une telle demande soit présentée un jour, mais nous semblons consacrer beaucoup trop de temps à un problème qui n'en est pas un pour la commissaire à l'information.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Rathgeber, d'être de nouveau parmi nous.
Je saisis l'esprit de ce que vous proposez dans votre projet de loi d'initiative parlementaire. Je sais que vous avez effectué beaucoup de recherches et consulté de nombreux intervenants avant de présenter votre mesure législative. Je tiens à vous faire part de mon opinion, comme je viens de l'Ontario et que je connais très bien la liste de divulgation du gouvernement de cette province.
Je pense que l'esprit de cette liste de divulgation peut avoir été pertinente, mais ne l'est plus aujourd'hui. Sa portée a de beaucoup dépassé celle qui était envisagée initialement. Son administration coûte très cher au gouvernement ontarien. À titre de député, je ne tiens pas vraiment à créer davantage de bureaucratie à Ottawa. Je préconise la transparence et non pas des niveaux supérieurs de bureaucratie.
Vous ne proposez pas une liste de divulgation dans laquelle serait publiés chaque année les milliers de fonctionnaires qui gagnent au moins 160 000 $, soit le montant équivalent de ce que reçoivent les députés. Ce n'est pas ce que vous proposez, n'est-ce pas? Il n'est pas question d'une liste volumineuse annuelle qu'il faudrait examiner avant d'envoyer un avis à des milliers de fonctionnaires travaillant pour différents ministères et touchant un salaire d'au moins 160 000 $. Ce n'est pas ce que vous proposez, n'est-ce pas?
Je vous remercie, monsieur Rathgeber, d'être revenu nous parler de votre projet de loi.
Clairement, avec de tels amis, ça doit être difficile. Je ne doute pas que vous soyez un très honorable député pour vos concitoyens. Vous représentez des gens qui pensent comme vous. Cependant, si j'étais à votre place, je serais bien malheureux, parce que, de toute évidence, ce projet de loi à deux têtes risque de s'écraser. Une de ces têtes sera complètement blanchie par l'amendement gouvernemental. Pour ce qui est de l'autre tête, vous deviez être un peu désespéré quand vous avez eu tant de témoignages de journalistes indépendants disant que cela mettait en péril le travail sain des journalistes.
J'aimerais vous demander, dans cette vision de justice, ce que cela vous fait de constater que des gens comme Tony Accurso ne seraient finalement pas entre les mains des autorités après des enquêtes comme celles de la Commission Charbonneau. Comment réagissez-vous quand tous ces gens viennent vous dire, en toute objectivité, qu'on ne pourrait pas réaliser de travail comme celui réalisé pour le compte d'une émission comme celle d'Alain Gravel, qui a mené à l'arrestation potentielle de ces gens?
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En ce qui concerne les sources journalistiques, la commissaire à l'information et moi sommes d'avis que le projet de loi ne nuit nullement à la capacité de la SRC de garantir la protection de ses sources confidentielles.
J'ai déjà donné des exemples pour expliquer le tout. Je commencerai par l'exemple avec lequel j'ai terminé. Le nom d'une personne est un renseignement confidentiel aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Si un document doit être divulgué, le nom des personnes y figurant doit être caviardé parce qu'il s'agit d'un renseignement personnel.
Le problème — et j'ai dit être ouvert aux suggestions sur la question, comme vous le savez, parce que vous et moi avons abordé la question en privé —, c'est que le terme « indépendance » n'est pas suffisant pour protéger la capacité journalistique de la SRC. Il faudrait proposer une modification. C'est ce qui a été fait la semaine dernière alors qu'on a proposé d'employer « liberté d'expression et indépendance », ce qui pourrait davantage convenir à tous. Je ne verrais aucun inconvénient à un tel amendement parce que le projet de loi ne vise pas à mettre à mal la capacité de la SRC à titre de radiodiffuseur public, ni son intégrité journalistique.
D'après moi, il n'est pas pertinent de refuser de divulguer des documents portant simplement sur ses activités. Les anecdotes abondent sur ce qui arrive dans une telle situation. La National Citizens Coalition a indiqué qu'on a refusé de lui divulguer le nombre de véhicules du parc automobile de la SRC.
J'estime que le terme « activités » a un sens trop vague. En fonction des témoignages que j'ai entendus, je vous concède que le terme « indépendance » a un sens peut-être trop restreint. Je ne verrais aucun inconvénient à ce que les députés, s'ils le veulent bien, modifient le libellé pour ajouter les termes « liberté d'expression », comme cela a été proposé.
Comme vous le savez, monsieur Nantel, je ne peux ni proposer d'amendement à votre comité ni me prononcer lors des votes tenus sur la question.
Je vais prendre le reste du temps de parole alloué à mon collègue.
Vous avez bien souligné le fait que pratiquement sept ans après l'arrivée du Parti conservateur à la tête du gouvernement fédéral, le Canada se retrouve au 55e ou 56e rang au chapitre de la transparence. Ce n'est pas un bilan très reluisant pour un parti qui mettait en avant l'importance de faire le ménage dans la gestion des fonds publics et d'être plus transparent. C'est un aveu d'échec de votre côté.
Il y a dans bon nombre de ministères et agences des problèmes bien plus graves que ceux qu'on retrouve à Radio-Canada/CBC, à qui la commissaire à l'information a attribué, rappelons-le, la note A.
Alors, pourquoi vous attaquer à Radio-Canada/CBC alors que le nombre de problèmes dans les autres ministères est considérable et que vous avez un bilan somme toute assez désastreux à l'égard de la transparence? Pourquoi s'attaquer à ce qui va bien, alors qu'on devrait régler ce qui ne fonctionne pas?
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Monsieur Boulerice, je voudrais vous préciser que le bulletin de rendement ne portait que sur l'échéance des réponses aux demandes et non pas sur la teneur des renseignements divulgués. C'est ce que la commissaire à l'information a confirmé, je crois, lorsqu'elle a comparu la semaine dernière. La SRC s'est améliorée et a obtenu la note A pour la rapidité avec laquelle elle répondait aux demandes d'accès à l'information, mais vous ne devriez pas en conclure qu'elle s'est améliorée pour la teneur des renseignements divulgués.
Je conviens avec vous qu'il faudrait procéder à une refonte de la Loi sur l'accès à l'information. Lorsque cette loi a été adoptée en 1982 ou en 1983, le Canada était considéré comme l'avant-garde dans ce domaine grâce à cette mesure législative. Et 30 ans plus tard, nous sommes à la traîne des autres pays. Nous nous classons au 55e rang parmi les 93 pays évalués.
Le problème, c'est que je n'entrevois pas une refonte de la loi dans un proche avenir. C'est peut-être un projet auquel le comité devrait s'attaquer.
Il y a donc des personnes qui exercent des pressions pour que des modifications précises soient apportées à la Loi sur l'accès à l'information. Comme vous le savez, j'ai présenté des questions écrites à la Chambre des communes il y a environ 18 mois sur la Société Radio-Canada. Elles portent sur les nombreux problèmes dont m'ont fait part mes électeurs au fil des ans à propos de la SRC, des problèmes sur lesquels ils se posaient en vain des questions.
Ce projet de loi d'initiative parlementaire a une portée très restreinte et très précise. Il corrige les problèmes que pose l'article 68.1, ce qu'a confirmé la Cour d'appel fédérale. Il vise à obtenir la divulgation judicieuse des salaires des hauts fonctionnaires fédéraux, mais j'admets qu'il ne représente pas une modification exhaustive. C'est plutôt une modification très précise et donc fragmentaire.
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Merci, monsieur Rathgeber.
C'est ce qui met fin à votre témoignage d'aujourd'hui. Merci encore d'être revenu comparaître devant notre comité.
Nous allons passer au deuxième point à notre ordre du jour. Le tout se déroulera à huis clos, dans quelques minutes.
Juste avant, j'aimerais rappeler que la date limite pour soumettre au greffier des amendements au projet de loi est toujours demain, à 9 heures. Nous les considérerons mercredi, lors de l'étude article par article du projet de loi.
Je vais donc suspendre la séance quelques minutes, le temps de passer à notre deuxième sujet à l'ordre du jour.
Voulez-vous ajouter quelque chose très rapidement, monsieur Rathgeber?