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Merci beaucoup de me donner l'occasion de témoigner sur l’une des plus importantes lois jamais adoptées par un pays sur la bonne gouvernance en démocratie, à savoir la Loi sur les conflits d’intérêts. Je suis ici dans le cadre de l'examen quinquennal de la loi, lequel est légèrement en retard.
En pensant aux questions qui me sont habituellement posées lorsque je comparais devant un comité et pour gagner du temps, je vous dirai d'emblée que je représente le Réseau d'éthique gouvernemental, qui compte juste un peu plus de 30 organismes de partout au pays et plus de trois millions d'adhérents. Nous travaillons à l'établissement de ce réseau depuis plus de dix ans. Nos efforts visent à instaurer des changements tant dans les règles d'éthique que dans celles qui encadrent le lobbying. Certains d'entre vous se rappelleront sûrement que j'ai comparu devant ce comité il y a de cela exactement un an relativement à la Loi sur le lobbying.
Comme pour cette dernière, je constate que la décision que ce comité et le gouvernement doivent prendre est simple. Nous recommandons 30 modifications à la loi. Dans mon document d'information que vous recevrez bientôt — la préparation de ce dernier a pris plus de temps que prévu, car je voulais passer en revue le rapport plutôt volumineux de la commissaire à l'éthique, ce qui fait que je n'ai pu remettre le document au greffier qu'hier —, vous verrez que la coalition et moi-même n'abordons pas seulement la loi, mais aussi le code d'étique des députés et celui des sénateurs, ainsi que d'autres lois connexes, comme la Loi sur le lobbying. La raison en est que tous ces aspects sont interreliés lorsqu'il s'agit d'établir des normes et des systèmes de mise en application capables d'assurer l'existence d'une bonne administration publique démocratique et respectueuse de l'éthique.
En ce qui concerne les recommandations que devra faire le comité et les changements que le gouvernement devra apporter, le choix est simple. Le gouvernement doit choisir entre la mise en oeuvre des 30 modifications essentielles à la loi proposées par la coalition et des 14 autres changements aux lois connexes ou renoncer à colmater les failles. Selon nous, ce deuxième choix affaiblira, voire rendra inefficace la mise en application de la loi, ce qui, essentiellement, ouvrira la porte à des prises de décisions contraires à l'éthique et à des relations non conformes, notamment entre les lobbyistes et toute personne mêlée à la politique fédérale. Même la commissaire à l'éthique, qui, à notre avis, a brillé par son inefficacité au cours des derniers cinq ans et demi, a recommandé 75 modifications à la loi, la plupart visant à renforcer cette dernière, mais certaines aussi, à l'affaiblir.
Je crois que les gens s'entendent généralement pour dire que la loi est une plaisanterie de mauvais goût. La loi et les codes d'éthique des députés et des sénateurs ont tellement de failles qu'il est pratiquement impossible de les appeler « règlements sur les conflits d'intérêts ». Pire encore, les règles ne s'appliquent pas à certaines personnes nommées par le cabinet, à certains adjoints et conseillers ministériels, ou au personnel et aux conseillers des députés et des sénateurs. Il y a donc beaucoup d'acteurs de la politique fédérale qui n'ont aucune règle d'éthique à suivre.
Aucune des 75 recommandations de la commissaire à l'éthique ne portait sur les deux plus grandes failles de la loi. Or, ces deux grandes failles — qui se retrouvent dans les codes destinés aux députés et aux sénateurs — font en sorte que la loi ne s'applique pas à 99 p. 100 des décisions et des mesures prises par ceux que la loi et les codes concernent. Autrement dit, nous avons une loi qui ne s'applique qu'à 1 p 100 de ce que font les personnes visées par les codes. Je reviendrai là-dessus un peu plus tard.
Les règles d'éthique que les politiciens fédéraux ont imposées aux fonctionnaires en vertu du Code de valeurs et d'éthique du Conseil du Trésor et de la politique sur les conflits d'intérêts sont exemptes de la plupart des lacunes et des failles qui affaiblissent les règles destinées aux politiciens, à leur personnel et aux personnes nommées par le cabinet. Elles sont donc beaucoup plus rigoureuses. De plus, le a mis en oeuvre un guide de responsabilisation à l'intention des ministres qui est lui aussi exempt des failles qui sont montrées du doigt. Le code des députés et celui des sénateurs comportent des sections sur les principes et les objectifs qui sont inapplicables. Or, si on les rendait applicables, la plupart des failles et des lacunes disparaîtraient et nous aurions des normes d'éthique dignes de ce nom qui s'appliqueraient, non pas à 1, mais à 100 p 100 des décisions et mesures prises par les agents concernés.
Une façon globale et facile de combler les lacunes de la loi et des codes serait tout simplement de reprendre les règles des codes que les politiciens ont imposées aux fonctionnaires et de vous les imposer à vous-mêmes. Faites-en des règles applicables. Autrement dit, les normes existent déjà, et elles sont écrites; la seule chose, c'est qu'elles ne s'appliquent pas à tous.
Il y a aussi de nombreux problèmes de mise en application. Les cas de douzaines de ministres du cabinet et de députés fautifs qui, depuis 2007, s'en sont tirés sans punition ainsi que de nombreux autres qui, au cours des dernières décennies, ont fait fi de leurs responsabilités en adoptant des comportements contraires à l'éthique montrent bien à quel point les règles d'éthique du gouvernement fédéral et leur application sont une farce perpétuelle. Au cours des 20 dernières années, environ 50 ministres ont violé les règles d'éthique du gouvernement fédéral et seulement deux ont été sanctionnés par leur expulsion du cabinet. Cela en dit long sur l'application des règles.
La commissaire à l'éthique est en grande partie responsable des problèmes que pose l'application du code d'éthique. Depuis 2007, elle a rejeté au moins 80 plaintes qui lui avaient été soumises, sans se prononcer sur leur bien-fondé. Il y en a peut-être plus, car elle n'a même pas divulgué le nombre total de plaintes qu'elle a reçues en 2008-2009 ou en 2010-2011. Ses rapports annuels font état d'un total de 100 cas et de 17 décisions rendues publiques, ce qui laisse 83 décisions gardées secrètes. Nous ne savons même pas ce qu'elle a pu tenter de cacher, et nous avons de bonnes raisons de croire que c'est ce qu'elle a fait dans certains cas, étant donné qu'elle a à maintes reprises depuis 2007 interprété et appliqué la loi et les codes de façon très étroite, étrange et erronée sur le plan juridique, et qu'elle a permis à des douzaines de personnes de se tirer d'affaire.
Une bonne partie des recommandations de la commissaire n'ont pas besoin d'être mises en oeuvre. Tout ce qu'il faut, c'est qu'elle laisse tomber ses décisions étranges et qu'elle commence à appliquer la loi et les codes correctement, légalement et en conformité avec l'esprit même de la loi et des codes. L'intention fondamentale est d'empêcher quiconque de prendre une décision ou de poser un geste s'il se trouve dans une situation de conflit d'intérêts réel, apparent ou potentiel.
Toutefois, compte tenu de ces lacunes et de ces failles, compte tenu du fait que le gouvernement a ignoré les recommandations faites depuis cinq ans par la commissaire à l'éthique et par d'autres, dont la commission Oliphant, et puisque la commissaire à l'éthique n'a signifié aucune intention de renverser la moindre de ses décisions étranges, nous proposons 30 modifications à la loi et 14 autres changements pour permettre de vraiment faire le ménage dans la politique fédérale, 145 ans après la naissance de notre pays.
Aucun motif valable n'explique que l'on ne puisse colmater les failles et renforcer la mise en application. Ce n'est vraiment qu'une question de choix. En tant que comité, si vous ne recommandez pas que l'on remédie à ces lacunes et que l'on renforce l'application, vous confirmerez en essence que vous croyez que les processus décisionnels contraires à l'éthique et les relations non conformes à l'éthique pour des acteurs de la politique fédérale ne posent aucun problème.
Vous êtes devant le même choix que celui qui s'est présenté aux comités précédents. Aucun des comités n'a fait les recommandations qu'il fallait, et les gouvernements n'ont pas bougé, même si à la fois le gouvernement Chrétien et celui de monsieur Harper ont tous les deux promis des processus décisionnels et des relations conformes à l'éthique dans la politique fédérale. C'est la 10e fois en 20 ans que je viens témoigner. J'espère que mon intervention produira enfin un certain résultat et que nous réussirons à faire adopter ces changements qui permettront de rendre la corruption illégale.
Nous devrions essayer d'atteindre non seulement les normes établies par la Cour suprême dans plusieurs décisions, mais aussi celles de l'ONU, de l'OCDE, de la Banque mondiale et du FMI. Toutes les institutions internationales affirment qu'en l'absence d'une bonne gouvernance où les décisions et les relations contraires à l'éthique sont proscrites, vous n'avez pas de démocratie.
C'est pourquoi je vous invite à réfléchir à qui vous êtes, à vous regarder dans le miroir ou à penser à vos enfants et à vos petits-enfants, et à vous demander si vous vous voyez leur dire un jour que vous aviez l'occasion de colmater les failles pour mettre fin aux prises de décisions et aux relations contraires à l'éthique dans la politique fédérale et que vous n'avez rien fait.
J'espère que vous passerez à l'action, comme vous l'avez fait pour la Loi sur le lobbying. Je pense que le comité a fait une belle tentative à cette occasion, mais le ministre a rejeté la majeure partie de ce qui était proposé. Il y a certaines failles dont le comité n'a pas parlé, mais c'était indéniablement un pas dans la bonne direction. J'ose espérer que le ministre sera plus ouvert les prochaines fois.
Je vais maintenant passer aux recommandations de la coalition.
Tout d'abord, comme je l'ai dit plus tôt, il faut s'assurer que les règles en matière d'éthique s'appliquent à tous, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Tous devraient être assujettis à ces règles, y compris le personnel et les conseillers des députés et des sénateurs. L'application des codes doit être élargie pour les inclure.
Deuxièmement, vous devriez adopter une règle générale d'éthique et d'intégrité, essentiellement une règle antiévitement, qui ferait en sorte que quelqu'un qui essaie de profiter d'une échappatoire technique échouerait, mais serait néanmoins reconnu coupable de ne pas avoir maintenu des normes éthiques élevées et de ne pas avoir fait preuve d'intégrité. Une telle règle existe déjà pour les fonctionnaires; imposez-la maintenant à toutes les autres personnes concernées.
Troisièmement, vous devriez adopter une règle sur l'honnêteté en politique que tout le monde devrait respecter en permanence. Une telle règle existe déjà pour les fonctionnaires. La question est également abordée dans la section sur les principes du guide de conduite des ministres et du code des députés. Il ne vous reste donc plus qu'à imposer la règle à tout le monde et à rendre son application obligatoire. Pour paraphraser Gandhi, répondre à un mensonge par un autre rend muet le monde entier. Tant que nous tolérerons les mensonges en politique fédérale, nous continuerons de rebuter la plupart des électeurs. C'est le dossier chaud de l'heure: les Canadiens veulent un gouvernement responsable. Encore une fois, cette responsabilité est déjà prévue dans le règlement; il ne vous reste plus qu'à rendre son application obligatoire.
Quatrièmement, vous devriez adopter une règle qui interdit à tout le monde d'être dans un conflit d'intérêts potentiel apparent ou prévisible. Encore une fois, une telle règle existe déjà pour tous les fonctionnaires visés par la loi, excepté ceux qui occupent les postes les plus élevés. La loi britanno-colombienne impose aussi cette règle aux politiciens. La question est aussi abordée dans les principes du guide de conduite des ministres, du code des députés et du code du Sénat. Il ne vous reste plus qu'à rendre obligatoire l'application de la règle. Il faut qu'il y ait une norme en vigueur sur les conflits d'intérêts apparents.
La loi, le code des députés et le code du Sénat comportent une échappatoire énorme qui repose sur le fait qu'il ne peut y avoir de conflit d'intérêts relativement aux questions d'application générale. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de votre travail portent sur des questions d'application générale. Cette échappatoire doit être éliminée, sinon la loi et les codes continueront de s'appliquer à seulement 1 p. 100 de ce que font les politiciens de l'échelon fédéral, leur personnel, les membres du Conseil des ministres et les conseillers. Cette loi n'a aucune raison d'être si elle ne s'applique qu'à 1 p. 100 du travail effectué.
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Merci. Mes commentaires seront un peu plus généraux.
Nous parlons aujourd'hui de la Loi sur les conflits d'intérêts qui s'applique aux ministres, aux secrétaires parlementaires, au personnel ministériel, aux conseillers ministériels, aux sous-ministres ainsi qu'à d'autres personnes nommées par le gouverneur en conseil. Comme vous le savez, il y a également un code pour les membres qui s'applique simultanément aux ministres, mais nous examinons uniquement aujourd'hui la Loi sur les conflits d'intérêts.
En général, je dirais que la plus grande partie de mon travail sur cette question a été accomplie dans un contexte de comparaison. Je peux dire que notre code ressemble à peu près à la législation et aux codes sur les conflits d'intérêts des pays auxquels nous nous comparons normalement; nos règles établissent des interdictions et recommandent des pratiques similaires. Notre loi comporte une longue section sur ce qui arrive quand quelqu'un passe de la vie publique à la vie privée. Il existe différentes règles au sujet des périodes de restriction, des activités qui ne sont pas permises et des personnes avec qui on ne peut pas travailler. Ces règles ressemblent généralement à celles qui doivent être observées aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni et dans les provinces.
Lorsque l'on compare les lois, les différences que l'on constate portent sur des variantes entre les sanctions imposées pour défaut de se conformer. Il peut aussi y avoir des exigences différentes en matière de divulgation, et la durée des périodes de restriction peut également varier. Mais essentiellement, l'idée principale est relativement la même. Notre législation traite du changement de parti et de l'utilisation inappropriée de renseignements. Elle précise qu'il ne faut pas utiliser de l'information obtenue dans l'exercice d'une charge publique quand on retourne dans le secteur privé. Toutes ces questions importantes sont prises en considération.
Si nous comparons notre loi avec d'autres textes législatifs semblables, je ne pense pas que nous trouverons d'omissions flagrantes. Je ne vois pas quel thème important nous aurions pu omettre, mais qui n'aurait pas été oublié par les autres gouvernements. Inversement, je dirais que nous n'avons pas vraiment fait preuve d'innovation par rapport à une question que les autres n'ont pas abordée correctement. Nos dispositions législatives semblent être relativement semblables à celles d'un groupe de pays avec lequel nous nous comparons habituellement.
Cela dit, on constate, lorsqu'on examine les textes législatifs sur cette question, qu'ils comportent tout de même des différences. Il me semble que peu importe la formulation du code, sa structure exacte et d'autres considérations semblables, ce type de documents a généralement des objectifs similaires. Un organe législatif entreprend parfois de créer ce genre de code parce qu'il veut s'aligner sur d'autres instances législatives et s'assurer que la question sera traitée. Souvent, la question est abordée à la suite d'un événement ou d'un problème déclencheur spécifique, c'est-à-dire une situation soudaine qui nécessite de montrer que l'on prend des dispositions.
Peu importe la raison, un code d'éthique constitue généralement un élément de communication. C'est un outil pour communiquer. Un moyen de faire connaître des normes aux personnes concernées. Dans ce cas-ci, c'est un moyen de renseigner les titulaires d'une charge publique sur les normes d'éthique et les attentes connexes. C'est aussi un moyen de renseigner le public.
Les gens s'attendent à ce que la création d'un code fasse en sorte que les personnes visées par ce code, celles qui doivent s'y conformer, aient une idée de ce qu'elles sont censées faire. C'est ce que l'on vise d'abord et avant tout. Lorsqu'un qu'un code entre en vigueur, je suppose que les personnes concernées veulent pouvoir le consulter et comprendre ce qu'elles sont censées faire, parce qu'elles ne veulent pas risquer de ne pas s'y conformer. Il faut créer un ensemble commun de suppositions et de points de vue par rapport à ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Il faut pouvoir avoir une idée précise de ce qu'il faut faire pour respecter le code, parce que la plupart des gens le consulteront dans le but d'éviter des ennuis. Ils veulent que les directives soient claires pour qu'ils puissent agir comme il se doit, divulguer ce qui doit être divulgué et passer à autre chose.
En l'absence d'un tel code, les députés et les titulaires d'une charge publique formuleront des suppositions très différentes au sujet de ce qui est éthique et de ce qu'il ne l'est pas, comme nous le laissent entendre les renseignements en provenance d'autres États. Imaginez que vous n'avez pas de code du tout et que vous demandez à chaque député quelle est la valeur acceptable d'un cadeau ou qu'est-ce qui est convenable en matière de divulgation des actifs, des passifs et autres. Ils auront des points de vue très différents. Ce qui veut dire que si vous n'avez pas de code, personne n'agira de la même façon. Par contre, si vous avez un code compris de tous et raisonnablement bien appliqué, tout le monde travaillera selon le même ensemble de suppositions et adoptera la même ligne de pensée par rapport à vos attentes.
Si tout le monde comprend ce qui est attendu de lui et considère ces attentes raisonnables, alors une culture d'acceptation s'installera au fil du temps. Les gens se conforment plus facilement aux règles de cette façon. Ils voient qu'elles sont appliquées par les autres, alors ils veulent faire la même chose, pour ne pas y faire exception. Il est beaucoup plus facile d'obtenir le respect volontaire des règles si elles sont perçues comme étant raisonnables et si elles sont comprises de tous. Cela ne signifie toutefois pas nécessairement que les pénalités doivent être très sévères. Il faut comprendre ce qui est attendu de nous. Voilà le message à transmettre aux titulaires de charge publique, aux députés, etc.
Pour ce qui est du message à transmettre au public, lorsqu'on adopte de telles mesures, que ce soit par l'entremise de lois, d'ordres permanents ou autres, les législateurs veulent habituellement que le public comprenne que les activités sont réalisées de manière éthique. Dans le contexte canadien, nous ne voulons pas que la population générale croit que toute la Colline du Parlement est corrompue, et que chaque rencontre entre un député et un lobbyiste vise des fins malhonnêtes. Nous nous servons de ces règles pour montrer aux électeurs que nous respectons en tout temps les normes éthiques, et que nous faisons les choses de la bonne façon.
Enfin, ces codes sont habituellement assortis d'un mécanisme de conformité de même que des pénalités en cas d'infraction, ce qui constitue une autre façon de dire au public que nous prenons l'éthique au sérieux et que les personnes qui enfreignent ces règles seront punies
Parfois, les objectifs du code peuvent se contredire, ce qui pose problème. Nous tentons d'encourager les comportements éthiques et la conformité, d'exposer tout acte répréhensible et de punir les contrevenants; ces objectifs sont tous valables, mais parfois la transparence donne l'impression au public qu'il y a beaucoup d'actes répréhensibles commis, alors que ce n'est pas le cas. Si les médias en parlent, qu'un certain nombre d'enquêtes sont en cours et que, par exemple, une amende de 500 $ est imposée pour défaut de communiquer les renseignements à temps, il y a matière à croire que tout va mal et qu'il y a de graves problèmes d'éthique, alors que ce n'est peut-être pas le cas. Ce ne sont peut-être pas les comportements qui changent; simplement, la façon dont le code est appliqué permet de les exposer.
Pour éviter ce genre de problème, je crois que nous devons atteindre le bon équilibre entre les règles et les principes: certains codes sont grandement axés sur les principes, comme c'est le cas dans le milieu des affaires. Les termes utilisés sont très idéalistes. Le code exprime les attentes: les députés doivent respecter les normes d'éthique les plus rigoureuses; tout réside dans le comportement à adopter, la perception des autres et la définition de l'éthique. C'est généralement la logique derrière les principes.
Les règles quant à elles sont axées sur ce qu'il ne faut pas faire: le code interdit telle ou telle chose et impose une amende de 500 $ pour telle autre. Les termes utilisés sont plutôt négatifs, puisque c'est la façon de rédiger les lois et règlements. On se concentre sur les interdits, et on énonce les pénalités correspondantes.
Je crois qu'il faut atteindre l'équilibre entre les deux, de sorte qu'il y ait des principes, mais également des règles pour les clarifier afin que les députés et les autres personnes visées par le code sachent ce qu'ils doivent faire.
J'ai aussi lu le rapport de la commissaire Dawson. Je vois qu'elle a fait un certain nombre de recommandations, et que beaucoup d'entre elles se fondent sur son expérience et sur les problèmes auxquels elle a été confrontée. Il me semble parfois y avoir des divergences entre son mandat et les objectifs du code, d'une part, et sa capacité d'obtenir l'information et de voir ce qui se passe vraiment, d'autre part. Je crois qu'elle tente de combler les écarts dans certains cas. Elle consacre beaucoup de temps à définir les cadeaux et les avantages, et à expliquer aux ministres et aux députés comment les gérer.
De nombreuses mesures pourraient être prises pour supprimer les échappatoires, notamment en réduisant le seuil de déclaration des cadeaux, afin qu'il passe de 200 $ à 30 $. Tous les cinq ans, lorsque le code est renouvelé , on pourrait y ajouter une longue liste d'actes donnant lieu à des pénalités, de problèmes à régler ou de mécanismes à créer.
Même si l'on ne cesse de procéder à l'exercice, il n'y aura jamais de fin. Chaque fois qu'on examinera le code, il y aura de nouveaux comportements à réglementer. On ne peut le faire de façon exhaustive. Si on se concentre trop sur les règles et non sur les principes, on n'encourage pas les députés et les autres personnes à adopter une approche fondée sur le bon sens, qui permettrait probablement d'éliminer bon nombre de ces problèmes.
J'espère qu'à l'avenir, on pourra atteindre un juste équilibre entre les règles et les principes, de sorte qu'on ne penche pas trop d'un côté ou de l'autre.
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Je m'excuse, mais il faudrait que mon français soit meilleur. Je vais donc répondre en anglais.
[Traduction]
En règle générale, nous sommes d'accord avec les recommandations de la commissaire à l'éthique, sauf quelques exceptions mentionnées clairement dans le compte rendu. C'est le cas de la divulgation des actifs. La commissaire à l'éthique recommande de la réduire pour certains titulaires de charge publique, alors qu'elle devrait être accrue.
À l'heure actuelle, certains actifs sont exemptés. Il n'est pas nécessaire de s'en départir. C'est le cas des moyens de placement, comme les fonds communs, qui permettent d'investir dans les entreprises. Leurs détenteurs ne sont pas tenus de s'en départir, même s'ils savent qu'ils possèdent des actions dans ces entreprises.
La commissaire recommande de ne pas accroître les normes en matière de dépossession, et même de les réduire pour certains titulaires de charge publique visés par la loi. Ce devrait être le contraire. La divulgation des actifs devrait être associée à un montant de 1 000 $ plutôt que 10 000 $, et les obligations en matière de dépossession devraient être accrues.
L'autre contradiction a trait à sa recommandation de permettre le recours aux filtres anti-conflits d'intérêts dont elle se sert; ils sont présentement illégaux. À mon avis, la commissaire à l'éthique contrevient à la loi en les utilisant. Elle dit aux titulaires de charge publique qu'il est possible de créer des filtres pour qu'ils ne soient pas tenus de divulguer leurs récusations. Or, la divulgation est obligatoire en vertu de la loi, et les filtres n'y sont mentionnés nulle part. Je crois qu'ils constituent un stratagème illégal.
La commissaire omet deux échappatoires importants. Elle ne recommande pas d'éliminer l'échappatoire d'application générale, qu'on pourrait appeler l'échappatoire Nigel Wright, mais qui s'applique à tous.
Le filtre anti-conflits d'intérêts de Nigel Wright mentionne qu'il se récusera de toutes les affaires associées à ses intérêts financiers — sans toutefois le communiquer au public — à l'exception des questions d'ordre général. Environ 99 p. 100 des questions traitées par les ministres du Cabinet, les députés et les sénateurs sont d'application générale. Par exemple, il n'y a pas de loi sur la Banque Royale; seulement la Loi sur les banques, qui est d'application générale. Cet échappatoire que la commissaire omet de mentionner fait en sorte que la loi ne s'applique pas à 99 p. 100 des activités, ce qui la rend plutôt inutile. Il est presque impossible de se retrouver dans une situation de conflit d'intérêts. Le ministre des Finances pourrait avoir un million de dollars d'actions dans toutes les banques du pays et pouvoir apporter des modifications à la Loi sur les banques étant donné que le conflit d'intérêts n'existe pas pour les questions d'application générale. Si cet échappatoire n'est pas éliminé, les mesures prises n'auront pas vraiment d'incidence.
Les règles sur les cadeaux et autres font partie d'une catégorie distincte. Les règles en matière de conflits d'intérêts ne s'appliquent pas à 99 p. 100 de vos activités.
Aux États-Unis, par exemple, les règles visent essentiellement les mêmes objectifs que les nôtres. Leur approche est différente, en ce sens que l'arrivée d'un nouveau président entraîne un renouvellement presque complet de la fonction publique. Les règles s'appliquent donc de manière différente.
Une des règles un peu plus claires aux États-Unis qu'ici est celle touchant les offres d'emploi extérieures. Si vous travaillez pour le gouvernement des États-Unis, par exemple, et que vous recevez une offre d'emploi, vous devez en aviser le commissaire à l'éthique et le tenir informer de l'évolution de la situation jusqu'à sa conclusion, jusqu'au non définitif.
Dans certains cas, cela peut être un peu exagéré, et il n'est sans doute pas nécessaire de savoir qu'une personne envisage un autre emploi, mais dans d'autres cas, il serait utile de le savoir, notamment dans le contexte d'une nomination politique. Une personne qui exerce ses fonctions selon le bon plaisir d'un ministre peut quitter son poste à n'importe quel moment et avoir un autre emploi qui l'attend et qui est en lien avec un dossier dont s'occupe le cabinet du ministre. L'organisation peut vouloir embaucher cette personne pour une raison donnée. Dans notre système, les offres d'emploi doivent être divulguées, mais aux États-Unis, la personne doit tenir le commissaire informé de l'évolution de la situation jusqu'à ce que l'offre d'emploi soit rejetée définitivement et qu'elle ne soit plus sur la table.
C'est un élément à envisager. On peut penser que c'est mieux ou pire, car il y a plus d'informations et plus de divulgations, mais cela a sans doute l'avantage de favoriser les échanges entre les titulaires de charge publique et le commissaire.
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C'est très intéressant. Je suis fermement convaincu qu'on peut mettre en place des règles sensées, mais il faut bien sûr que quelqu'un applique des règles sensées.
Parmi les recommandations, je trouve que certaines sont très intéressantes et d'autres moins. Un cadeau de 30 $ pour moi, personnellement, je ne sais pas ce que j'en retire. Il peut s'agir d'une couverture, d'une paire de gants d'hiver. Je n'en connais pas la valeur. Je pourrais sans doute tenir un registre. Dans mon bureau, nous conservons tout cela dans une boîte parce que nous ne savons pas trop quoi en faire. Nous les donnons parfois aux enfants.
Il y a cette question, puis il y a celle des collectes de fonds. Les collectes de fonds à des fins politiques présentent un avantage clair pour moi.
Lorsque la commissaire a décrété dans l'affaire Lisa Raitt au sujet du lobbyiste dans le secteur du ciment que cela ne posait pas de problème parce qu'elle n'en retirait pas un avantage personnel, il s'agissait tout de même d'un lobbyiste pour une entreprise de ciment qui voulait obtenir un contrat et qui était présent à sa campagne de financement. Pour moi, il y a apparence de conflit. Par contre, un lobbyiste peut se présenter à une activité de collecte de fonds sans qu'on sache qu'il essaie de nous influencer. Serait-on tenu responsable dans ce cas? Quelqu'un pourrait faire un don à notre campagne — cela se produit tout le temps — et il se pourrait qu'on ne vérifie pas les dons reçus par l'association de circonscription, et que tout à coup, six mois plus tard, cette personne cogne à notre porte ou à la porte du ministère pour obtenir un traitement de faveur.
En ce qui a trait aux règles touchant les collectes de fonds, la commissaire mentionne que les règles doivent être plus claires, mais elle n'en dit pas plus. Quelles règles doit-on se donner pour que les gens ne profitent pas des collectes de fonds organisées par les associations de circonscription pour tenter d'influencer un député ou un ministre? Comment doit-on procéder pour qu'on ne blâme pas rétroactivement un député ou un ministre pour un don? Où doit-on tracer la ligne dans ce cas?
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J’aimerais poursuivre dans la même veine, madame Turnbull.
Les membres assis de ce côté-ci ne seront peut-être pas d’accord avec vous sur ce dernier point. L’électeur peut ne pas faire son choix en fonction de ce qu’il lit dans les journaux, mais nous sommes nombreux ici à nous préoccuper de notre réputation, de la valeur de celle-ci et de notre intégrité.
Lorsque je regarde les députés des autres partis à la Chambre, je vois des gens intègres, pas des gens corrompus. Malheureusement, ce n’est pas toujours l’image du Parlement que projettent les journaux. À mon avis, les politiciens devraient jouir de la même protection à laquelle les membres de la communauté médicale ou d’autres professionnels ont droit lorsqu’ils font face à de fausses allégations.
Ce qui m’inquiète en tant que politicien, c’est que la seule chose que j’ai à offrir aux citoyens… Tous les quatre ans, je dois lutter pour mon emploi. Je dois soumettre de nouveau ma candidature. Les fausses allégations portées à mon endroit pourraient nuire à ma capacité de faire mon travail.
Les professionnels du secteur de la santé jouissent de plusieurs mécanismes pour protéger leurs titres de compétences jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu quant à la véracité des allégations portées contre eux.
Auriez-vous une idée sur la façon de protéger les gens intègres contre de fausses allégations? Comment le bureau peut-il satisfaire la responsabilité qu'il a de maintenir l’intégrité des titulaires tout en faisant preuve de transparence aux yeux de la population, comme le souligne M. Conacher?
Nous sommes un peu coincés. D’un côté, nous voulons faire preuve de transparence dans ce processus, mais d’un autre côté, nous voulons protéger la réputation de ceux qui dépendent de leur réputation pour gagner leur vie.