:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole dans le contexte de votre étude sur le projet de loi .
[Traduction]
Ce projet de loi propose l’abrogation de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information qui prévoit l’exclusion des renseignements qui se rapportent aux activités de journalisme, de création ou de programmation de la Société Radio-Canada qui font l’objet d’une exception en ce qui a trait aux renseignements se rapportant à son administration.
Le projet de loi propose le remplacement de cette exclusion par une nouvelle exception permettant à la SRC de refuser de communiquer des documents demandés si leur divulgation risque vraisemblablement de nuire à l’indépendance de la Société en matière de journalisme, de création ou de programmation.
[Français]
D'abord, permettez-moi de vous expliquer brièvement la structure générale et les limites au droit d'accès contenues dans la loi ainsi que mes pouvoirs.
D'ailleurs, monsieur le président, à cet effet, j'ai distribué à l'intention des membres du comité un document qui passe en revue de façon plus détaillée les différentes exemptions et exclusions et qui explique la différence entre les deux. Ce document explique aussi les dispositions générales de la loi relativement à mes pouvoirs. Cela donne plus d'information aux membres du comité.
L'objet de la loi prévoit le droit du public à la communication de documents d'institutions fédérales, sous réserve d'exceptions précises et limitées. Les limites prévues à la loi sont sous forme d'exceptions et d'exclusions.
[Traduction]
Les exclusions prévoient que la loi ne s’applique pas à certains documents ou renseignements. Le projet de loi comporte aussi des exceptions diverses qui permettent aux institutions de refuser la communication d’un éventail de documents et de renseignements ou qui les y obligent.
Pour ce qui est des pouvoirs de la commissaire, la loi prévoit qu’elle détient, dans le cadre de ses enquêtes, de larges pouvoirs, incluant l’accès à tous les documents qui relèvent d'une institution fédérale et auxquels la loi s'applique. La commissaire détient un large pouvoir d’ordonner la production de ces documents.
Lorsqu’une exception est invoquée par une institution, la commissaire a accès intégralement à tous les documents. Par contre, pour ce qui est des exclusions, l’accès aux documents ou renseignements visés varie en fonction de la nature de l’exclusion invoquée par l’institution.
En ce qui concerne l’accès de la commissaire aux documents et renseignements pour lesquels la SRC réclamait l’exclusion prévue à l’article 68.1, cette question était devant la Cour d’appel fédérale lors de ma comparution en octobre 2011. Depuis, la décision de la cour a été rendue en novembre 2011.
[Français]
Cette question de la portée des pouvoirs de la commissaire de revoir les documents pour lesquels l'exclusion est invoquée s'est manifestée lors des enquêtes sur de nombreuses plaintes ayant trait à l'utilisation que la SRC avait faite de l'article 68.1 de la loi.
À la suite d'une contestation de la SRC de mes pouvoirs de contraindre la production de documents visés à cet article, la Cour d'appel a confirmé que la commissaire a accès aux documents visés par l'exclusion afin de déterminer si l'exception visant les renseignements ayant trait à l'administration de la SRC s'applique.
Pour ce qui est des renseignements qui révéleraient une source journalistique, la Cour d'appel fédérale a expliqué ce qui suit:
[...] L'identité de sources journalistiques et l'exception portant sur l'administration ne peuvent s'entrechoquer quelle que soit l'étendue que l'on donne à cette exception. Dans ces circonstances, la seule conclusion possible si l'on donne effet au raisonnement du juge de la Cour fédérale [de première instance], est que l'exclusion visant les sources journalistiques, comme celles prévues aux articles 69 et 69.1 [de la loi], est absolue. Il s'ensuit que dans l'éventualité d'une demande visant le dévoilement d'une source journalistique, un document — ou la partie d'un document — qui révèle ce type de renseignement échapperait au pouvoir d'examen de la Commissaire.
Cette décision a résolu la question du pouvoir de la commissaire de contraindre la production de documents visés par l'article 68.1. Par ailleurs, la cour n'a pas déterminé, ni au moment du jugement ni depuis ce temps, la portée de l'exception à l'exclusion et la signification des termes employés à l'article 68.1, tels que les « activités de journalisme, de création ou de programmation ». Des litiges subséquents sur la portée de l'exception ou de l'exclusion ne sont donc pas exclus.
[Traduction]
Avant de m’exprimer sur les modifications précises proposées par le projet de loi , je crois qu’il est important de souligner que les défis qui touchent l'accès à l'information sont complexes. Ils exigent une intervention réfléchie et complète et ne se prêtent pas facilement à une solution « à la pièce ».
D’ailleurs, et tout comme mes prédécesseurs l’ont fait avant moi, j’ai, à plusieurs reprises, indiqué la nécessité d’une modernisation de la loi, et ce, afin de l’harmoniser avec des normes nationales et internationales plus progressistes. Même si la loi était qualifiée d’avant-gardiste lors de son édiction en 1982, elle est maintenant considérablement dépassée. Tout en reconnaissant le besoin de modifier la loi, il n’est pas souhaitable qu’elle le soit de façon fragmentaire, puisque cela mènerait à des modifications mettant l’accent sur des aspects précis, ce qui érode le statut de la loi comme loi d’application générale.
À tout le moins, la structure de l’ensemble de la loi doit être considérée lorsque des modifications sont proposées. Il faut examiner non seulement les intérêts précis que nous cherchons à protéger par des modifications et des ajouts dans la loi, mais aussi l’esprit de la loi, la façon dont elle est structurée et son cadre général. À mon avis, l’approche choisie doit préserver le caractère de la loi en tant que loi d’application générale.
Les modifications mises de l’avant par le projet de loi relativement à la SRC reflètent ce que j’avais suggéré lors de ma comparution devant votre comité en octobre 2011.
Depuis le début des audiences du comité, j’ai suivi très attentivement les commentaires des intervenants et des parlementaires à la Chambre des communes, et je serai ravie de discuter de certains enjeux qui ont été soulevés.
À l’heure actuelle, le projet de loi propose l’abrogation de l’article 68.1 et son remplacement par une exception discrétionnaire fondée sur un critère subjectif qui permettrait à la SRC de ne pas divulguer des renseignements qui risqueraient « vraisemblablement de nuire à l’indépendance de la société en matière de journalisme, de création ou de programmation. » Une exception discrétionnaire fondée sur un critère subjectif protégera les droits des demandeurs à un processus d’examen indépendant dans tous les cas.
Il convient de préciser que tous les renseignements et documents obtenus par mon commissariat le sont seulement aux fins d’enquête. Également, les obligations de confidentialité prévues à la loi sont très strictes et ne permettent pas la divulgation de renseignements obtenus dans l’exercice de mes pouvoirs et de mes fonctions.
[Français]
Finalement, j'invite le comité à considérer de quelle façon toute modification à la loi sera appliquée, étant donné l'existence de plus de 200 plaintes sous enquête présentement relativement à la Société Radio-Canada. De nouvelles dispositions seront-elles appliquées aux dossiers en cours à mon bureau, c'est-à-dire les demandes à Radio-Canada et les plaintes, ou seulement aux nouvelles demandes? Le projet de loi tel qu'il existe ne fait aucune mention de mesures transitoires pour traiter des dossiers présents. J'invite donc le comité à considérer cet aspect dans ses délibérations.
À mon avis, dans la mesure où un demandeur peut déposer à nouveau la même demande d'accès pour bénéficier de l'application d'une nouvelle disposition, il serait probablement préférable qu'une nouvelle disposition s'applique aux dossiers en cours. Cependant, à mon avis, pour que cela arrive, il faudrait avoir une disposition particulière.
Sur ce, monsieur le président, c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
:
Je suis vraiment désolée, en fait. Je vous invite à consulter le texte original, et je vais le traduire au fur et à mesure.
On dit que l'article 68.1 a été rédigé avec une grande latitude en tête, puisque ça implique toute l'information qui relève de Radio-Canada et qui est reliée aux activités journalistiques. Selon Radio-Canada, les mots
[Traduction]
« qui se rapportent »
[Français]
peuvent être interprétés de façon large. En fait, à la page 5, on dit que l'interprétation de l'exclusion est très large.
[Traduction]
Il est écrit « activités de journalisme, de création ou de programmation ».
[Français]
On dit que c'est quelque chose qui doit être interprété de manière très large.
Plus loin dans ses lignes directrices, Radio-Canada indique ceci, au bas de la page 5 et à la page 6:
[Traduction]
[...] Radio-Canada estime qu'il n'est pas approprié de se prévaloir d'une telle interprétation étant donné le but poursuivi par le législateur en matière d'accès à l'information et la volonté de transparence et de responsabilisation de Radio-Canada.
Radio-Canada s'est donc inspirée des principes sous-jacents au paragraphe 52(2) de la Loi sur la radiodiffusion et de la philosophie générale qui s'en dégage en ce qui a trait à l'équilibre qui doit être fait entre responsabilisation transparente, d'une part, et indépendance du radiodiffuseur public, d'autre part. Ainsi, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'accès à l'information visant des renseignements tombant sous le coup de l'exclusion, Radio-Canada pourra les divulguer dans la mesure où la divulgation serait compatible avec le maintien de son indépendance en matière de journalisme, de création ou de programmation.
Voilà d’où c’est tiré.
J’ai écouté ce qui a été dit, et j’ai aussi parlé à deux journalistes qui sont maintenant dans le milieu universitaire depuis que le projet de loi a été présenté — Chris Waddell et Jeff Sallot, qui sont tous les deux à l’Université Carleton et qui sont habitués à travailler avec des sources. Je leur ai parlé, et nous avons également examiné la Loi sur la radiodiffusion.
Dans la Loi sur la radiodiffusion, diverses dispositions abordent la liberté d’expression et l’indépendance en matière de journalisme, de création ou de programmation. Le paragraphe 52(2) est plus précis, parce qu’il se rapporte aux obligations de la SRC en matière de communication de rapports financiers auprès du gouvernement.
:
La plus importante distinction concernant l’exception que nous retrouvons dans le projet de loi C-461... et je ne vais parler que de cette exception et de l’exclusion. Ce sera ainsi plus clair, je crois.
La présente exception proposée est une exception discrétionnaire fondée sur un critère subjectif, et c’est lié à l’indépendance. Il faut que les dirigeants de l’institution exercent leur pouvoir discrétionnaire.
Lorsqu’il y a une demande d’accès à l’information, l’institution doit déterminer si les documents demandés font partie de la catégorie de documents... si cela concerne des activités de journalisme, de création ou de programmation, ces types de documents. Le cas échéant, les dirigeants doivent donc exercer leur pouvoir discrétionnaire en vue de décider de les divulguer ou non en examinant si cela nuit à l’indépendance de l’institution. C’est en gros ce que les dirigeants doivent faire.
Emily pourra me corriger. Elle aborde régulièrement cet aspect.
Dans le cas d’une exclusion, la SRC se demande actuellement si les documents se rapportent aux activités de programmation, de création ou de journalisme. Le cas échéant, elle doit déterminer si les documents sont liés à l’administration.
On convient que la majorité des documents d’un radiodiffuseur public se rapportent à des activités de programmation, de création ou de journalisme. La difficulté des dossiers concernant la SRC est que l’administration est inextricablement liée aux documents.
Qu’il s’agisse d’une exception ou d’une exclusion, il sera toujours difficile de déterminer ce qui peut être divulgué ou ce qui ne le sera pas. Le projet de loi C-461 n’éliminera pas la difficulté de déterminer les documents auxquels s’appliquent l’exception ou l’exclusion.
:
Franchement, je ne le vois pas de cette façon-là. Il y a deux enjeux. D'abord, j'ai le droit d'examiner les documents, ce qui peut comprendre des sources journalistiques. À mon avis, en raison du caractère confidentiel de la disposition, cela ne signifie pas que les sources journalistiques seront compromises.
Le deuxième enjeu est qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, de protection complète des sources journalistiques, ce qui nous ramène au point de votre collègue. Lorsqu'on dit qu'il y a possibilité de communication, eh bien, il y a déjà une possibilité que les sources journalistiques soient communiquées par un tribunal, en vertu du test de Wigmore.
Ce n'est pas un privilège absolu; ce n'est pas une protection absolue. Voilà l'état actuel des choses.
Je ne commenterai pas une modification que je n'ai pas vue, mais réfléchissez à ceci: le fait de créer une nouvelle exclusion relative à une exception donnera lieu à une autre situation difficile. Je ne sais pas comment on pourrait procéder. Je n'ai pas vu les modifications. Je ne sais pas comment cela fonctionnerait, dans la pratique.
Si c'est le cas, je recommanderais d'établir une exception obligatoire, et non une exclusion. La SRC serait ainsi tenue de protéger les sources journalistiques, et je pourrais toujours examiner les questions.
Je vais vous dire pourquoi je pense qu'il vaudrait mieux que je puisse examiner les questions. Cette situation se produit souvent en matière de sécurité nationale et lorsqu'on fait affaire avec des sources humaines. Un document peut faire référence à des sources humaines. D'autres types de renseignements peuvent permettre de les identifier, et une institution peut prétendre que la source journalistique peut être identifiée par l'entremise d'autres informations périphériques. Ce n'est pas simple.
Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de cas traitant de sources journalistiques. Ce n'est pas un enjeu très important. Vaut-il la peine de rendre la loi plus complexe et d'ajouter une exclusion à une exception? À mon avis, non.
:
Bien entendu, d’autres dispositions de la Loi sur l’accès à l’information protègent les renseignements, notamment ceux qui sont de nature délicate sur le plan commercial, ainsi que les renseignements personnels, et donc ceux des sources. Il s’agit d’une exception obligatoire.
La loi prévoit d’autres exceptions discrétionnaires fondées sur un critère subjectif, comme l’article 15, qui aborde la sécurité nationale. Il traite des renseignements les plus délicats examinés en vertu de la loi. La loi est en vigueur depuis 30 ans, et fonctionne très bien. À ma connaissance, mon commissariat n’a laissé transpirer aucun renseignement délicat sur la sécurité.
Dans de pareils cas — et je suis tout à fait prête à le faire dans le cadre de nos enquêtes sur la SRC — nous n'apportons pas à notre bureau les renseignements les plus délicats. Nous les consultons sur place pour confirmer la nécessité de les protéger.
Nous pourrions facilement faire de même avec les sources journalistiques, si la SRC préférait cette méthode. On consulterait les documents sur place pour s'assurer que l’exception est appliquée de manière appropriée; les documents ne sortiraient pas de ses locaux.
Donc non, ces exceptions ne sont pas une nouveauté dans la loi. Elles existent et fonctionnent très bien. Les institutions fonctionnent très bien. En fait, c’est ce que les lignes directrices de la SRC proposent de faire.
Jusqu’à maintenant, les enquêtes sur la SRC révèlent essentiellement ce qu’on peut voir dans les plaintes. La SRC maximise donc la communication par l’entremise de nos enquêtes et applique une exception similaire, même si elle est visée par une exclusion.
:
À mon avis, la seule chose que le comité devrait attentivement examiner, étant donné tout ce que nous avons entendu, c'est la référence à « l'indépendance en matière de journalisme, de création ou de programmation ». Certains craignent que cette formulation ne suffise pas à protéger la liberté d'expression, la liberté éditoriale ou l'intégrité journalistique. C'est ce que j'ai entendu, et c'est ce que m'ont dit d'autres intervenants.
Lorsque j'ai étudié la Loi sur la radiodiffusion avec Emily et son groupe, nous avons trouvé diverses dispositions qui traitaient des radiodiffuseurs en général, et de la SRC, et elles abordaient la question de la liberté d'expression et de « l'indépendance en matière de journalisme, de création ou de programmation ». Elles utilisent ces termes, de façon générale.
Le comité pourrait peut-être modifier la fin de l'article 18.2 pour qu'on lise: « risquerait vraisemblablement de nuire à la liberté d'expression de la société et à son indépendance en matière de journalisme, de création ou de programmation », ce qui serait le reflet des autres dispositions de la Loi sur la radiodiffusion. Cela dissiperait certaines inquiétudes des intervenants.
L'autre possibilité serait de laisser l'article tel quel et d'utiliser le terme « activités », qui se trouve dans l'article 68.1, plutôt que le terme « indépendance ». On pourrait donc lire: « ses activités en matière de journalisme, de création ou de programmation ». Je crois que ce libellé a une portée beaucoup plus large que le simple concept de l'indépendance, bien que nous ne sachions pas encore comment l'interpréter. Ce concept n'a pas non plus été interprété en vertu de l'article 68.1.
À mon avis, ces deux options permettraient de rassurer quelque peu les intervenants par rapport à la liberté d'expression et à la liberté éditoriale.
En ce qui a trait aux sources journalistiques, comme je l'ai dit, je ne crois pas que l'exception discrétionnaire soit problématique pour la protection des sources journalistiques, et à mon avis, elle n'aura pas d'incidence sur la capacité concurrentielle de la SRC.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invité. Je remercie également Brent Rathgeber d'avoir proposé le projet de loi . M. Rathgeber a fait preuve de caractère et de courage; il a défendu ses idées, devant son caucus, alors qu'il n'a rien à gagner du point de vue politique ou personnel en appuyant ce projet de loi. C'est la preuve qu'il y a encore des principes à la Chambre des communes, et cela donne espoir à la Fédération canadienne des contribuables que le projet de loi dirigera le gouvernement dans la bonne direction.
Je m'appelle Gregory Thomas. Je suis le directeur fédéral de la Fédération canadienne des contribuables, organisation de citoyens sans but lucratif constituée en vertu d'une loi fédérale qui a pour objectif de réduire les impôts et le gaspillage, et de responsabiliser le gouvernement. Nous représentons nos 84 000 adhérents dans l'ensemble du Canada. Je suis donc ici au nom de la fédération et de ses adhérents pour défendre cette version du projet de loi de M. Rathgeber.
Nous croyons que tous les gouvernements doivent s'en tenir à leurs principes fondamentaux que sont la transparence et la responsabilisation à l'égard de la population. Lorsque les administrations mettent en place leurs gouvernements selon ces deux idées simples, tout le monde en tire profit. Une plus grande responsabilisation confère aux contribuables les droits qu'ils méritent de savoir quels sont les bénéficiaires de leur argent et les sommes qu'ils reçoivent.
Le projet de loi obligerait le gouvernement à communiquer tous les revenus de plus de 188 000 $. Nous croyons qu'il s'agit là d'un changement nécessaire à la politique fédérale en matière de communication. Bien que dans un monde idéal, chaque dollar dépensé par le gouvernement serait rendu public, nous croyons que le projet de loi de M. Rathgeber éloigne le gouvernement de son opacité volontaire et le pousse à établir une politique dont tireront profit tous les Canadiens.
À notre avis, dans son état actuel, le projet de loi ne va pas assez loin; mais l'enthousiasme et le travail de M. Rathgeber compensent cette lacune, et nous donnent espoir que les députés demanderont d'autres réformes. Cela étant dit, ces modifications ont fait l'objet de critiques de la part de tous les partis, et j'aimerais les aborder une par une.
D'abord, on se préoccupe du nombre de personnes qui seraient visées par l'obligation de communiquer les salaires de plus de 188 000 $. Nous croyons que le problème ne se pose pas dans le cadre de cette discussion. Les employés de l'État doivent rendre compte au public justement parce que nous payons leur salaire. Le fait de prétendre le contraire nous éloigne des vrais enjeux qui ont une incidence sur les Canadiens: la responsabilisation et la transparence du gouvernement.
C'est ce qu'on entend de la part du gouvernement et, pour être francs, nous trouvons cela déroutant. Je ne suis pas le premier, ni le dernier, à faire allusion à l'actuel scandale des dépenses du Sénat impliquant les conservateurs Mike Duffy, Pamela Wallin et Patrick Brazeau, et l'ancien sénateur libéral Mac Harb. Si le gouvernement nous avait donné accès aux demandes de remboursement, on aurait rapidement mis un terme à ce gaspillage inexplicable, avant qu'il ne dégénère et ne donne lieu à un chèque de 90 000 $ et à de nombreuses réputations ternies.
Il en sera de même pour le projet de loi. Si nous avons accès à ces renseignements, nous pourrons freiner les salaires, avantages sociaux et droits à pension déraisonnables avant de perdre le contrôle. De telles mesures permettraient certainement au gouvernement d'éviter la honte et le scandale, tout en veillant à ce que les contribuables soient traités avec le respect qu'ils méritent.
L'autre critique importante a trait à l'incidence du projet de loi sur la Société Radio-Canada. Encore une fois, nous croyons que cette préoccupation nous éloigne des vrais enjeux associés aux modifications. La SRC n'est pas la seule société d'État visée. Tous les organismes de la Couronne, qu'il s'agisse de l'Administration de pilotage de l'Atlantique ou de VIA Rail, sont visés par ce projet de loi. En fait, une disposition spécifique du projet de loi permettrait à la SRC de retenir des renseignements qui menacent son indépendance, sous réserve d'un critère qui pourrait être jugé devant les tribunaux.
Nous croyons que beaucoup de députés de l'opposition officielle et du Parti libéral soutiennent l'esprit du projet de loi. Je vous demanderais seulement de ne pas vous laisser dominer par la question secondaire de la SRC, mais de plutôt vous concentrer sur les vrais enjeux que sont la responsabilisation, la transparence et le gaspillage.
Cela dit, vous vous demandez peut-être comment la politique fédérale sur la divulgation aidera le contribuable moyen, le citoyen ordinaire. En vérité, si nous pouvons savoir combien gagnent les PDG et quelle est leur description de tâches, nous éviterons d'éventuels scandales avant qu'il ne soit trop tard.
Vous pensez peut-être que ce ne sont pas tous les Canadiens qui accordent de l'attention aux salaires des fonctionnaires. C'est une hypothèse valable, je vous l'accorde. Nous avons toutefois la responsabilité de dépenser convenablement leur argent. Même s'ils ne présenteront pas tous une demande d'accès à l'information, vous pouvez être certains que la Fédération des contribuables, ainsi que les groupes de défense de la liberté de presse ou des médias, examineront avec vigilance la façon dont on se sert de l'argent des impôts.
Nous sommes ici pour nous assurer que le gouvernement assume ses fonctions de manière raisonnable. Je crois que nous perdrons l'autorité morale de prélever des impôts le jour où nous cesserons d'utiliser consciencieusement l'argent des contribuables parce qu'ils n'ont pas le temps ou les moyens de se pencher sur la question comme nous le faisons.
J'espère que mon témoignage vous a permis d'un peu mieux comprendre le dossier. Les Canadiens méritent que leur gouvernement leur donne ce qu'il y a de mieux, et nous croyons que les préoccupations du public tombaient dans l'oreille d'un sourd avant le dépôt du projet de loi.
Nous félicitons M. Rathgeber et tous les membres qui appuient sa démarche. Vous êtes ceux qui écoutent les Canadiens et qui travaillent pour apporter un changement positif à la façon dont le gouvernement gère leur argent.
:
Merci, monsieur le président.
La National Citizens Coalition est une organisation soutenue par ses partisans qui a été fondée en 1967. Elle compte des dizaines de milliers de membres et se fonde sur le principe de la restriction des pouvoirs du gouvernement pour accroître la liberté individuelle. Nous militons pour la réduction des pertes dans la fonction publique afin d'améliorer l'efficacité de la prestation de services aux Canadiens.
La responsabilité du gouvernement est très importante pour nos partisans et, en fait, pour tout le monde. Chaque fois que l'argent des contribuables est en jeu, nous croyons sur le plan philosophique que les Canadiens méritent que l'on fasse preuve de transparence et que l'on rende des comptes.
Les récents scandales concernant la façon dont les sénateurs dépensaient leurs indemnités de logement témoignent de la nécessité d'être transparent et de rendre des comptes dans nos institutions publiques. Les Canadiens cessent de croire en leurs institutions quand elles abusent de leur confiance. La faillibilité humaine étant ce qu'elle est, le système doit en tenir compte à l'aide d'un mécanisme intégré de reddition de comptes. Nous sommes ici pour appuyer le projet de loi C-461. La Loi sur la communication de renseignements et la transparence de la SRC et de la fonction publique est un texte législatif important pour assurer la transparence à l'égard des dépenses de la Société Radio-Canada et pour qu'elle rende des comptes. La SRC reçoit plus de 1 milliard de dollars de fonds publics chaque année.
À notre avis, l'article 68.1 de la Loi sur l'accès à l'information comporte des lacunes étant donné que la SRC s'en sert comme exclusion générale pour éviter qu'on ne surveille la façon dont elle dépense ses fonds publics. La commissaire à l'information, la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale s'entendent tous sur les limites de l'article dans sa forme actuelle. En plus des changements à la Loi sur l'accès à l'information, le projet de loi prévoit d'autres modifications importantes aux lois actuelles.
Les Canadiens ont été bien servis par la liste de divulgation, dans laquelle figurent les salaires et les dépenses de fonctionnaires provinciaux. Malheureusement, il n'y en a pas à l'échelon fédéral, et, selon nous, le projet de loi ne contient pas assez de mesures en ce sens. Cela dit, la solution intermédiaire de M. Rathgeber est de fournir sur demande et de manière précise le salaire et les dépenses d'un fonctionnaire employé par le gouvernement fédéral.
La modification proposée par le gouvernement en vue d'augmenter le seuil du niveau de déclaration est également troublante. En Ontario, par exemple, la divulgation se fait à partir d'un salaire de 100 000 $. M. Rathgeber propose qu'une liste fédérale comprenne l'échelon DM-1 et les échelons supérieurs. Nous prions les membres du comité de résister aux pressions exercées pour relever ce seuil. C'est peut-être un voeu pieux, mais nous aimerions qu'il se situe autour de 100 000 $.
Le mécanisme enclenché sur demande est également loin d'être idéal. Nous espérons que vous comprendrez les avantages d'une divulgation complète et automatique des salaires, des dépenses et des primes sur un site Web public et dans un format lisible par ordinateur. Le monde s'oriente vers un modèle de gouvernance axé sur les données ouvertes. Or, je constate que le Canada est passé au 55e rang pour ce qui est de l'accès à l'information.
Nous surveillons l'action des législateurs. Au moment où un scandale se dessine au sujet d'une utilisation abusive de l'argent des contribuables, certains ont proposé d'abolir le Sénat. La transparence constitue un mécanisme qui nous protège automatiquement contre ceux qui seraient tentés d'abuser de la confiance du public. Une telle transparence n'existe pas à la SRC.
La National Citizens Coalition recommande de privatiser la SRC. C'est un secret de polichinelle et je sais que beaucoup d'entre vous ne sont pas de cet avis. Cela dit, puisque la SRC reçoit des fonds publics, elle perd de sa légitimité lorsqu'elle refuse de divulguer comment ils sont dépensés. Ceux qui croient dans un diffuseur public doivent voir à ce qu'il soit légitime en rendant des comptes sur la façon dont il dépense notre argent.
En ce qui concerne l'amendement du projet de loi lié à la SRC, qui consiste à prévoir une exclusion visant à protéger les sources journalistiques tout en prévoyant une exception fondée sur un critère subjectif concernant la divulgation de l'information liée à la programmation, il semble acceptable en principe. Cela dit, la SRC a agi de mauvaise foi dans le cadre d'anciennes demandes d'accès à l'information en se servant de l'exclusion générale de l'article 68.1 de la Loi sur l'accès à l'information. La commissaire l'a d'ailleurs poursuivi en justice au moins deux fois à ce sujet. Nous craignons que la SRC se serve de n'importe quelle échappatoire pour éviter une divulgation raisonnable.
Nous pensons que les électeurs sont les mieux placés pour déterminer comment l'argent est dépensé. Nous croyons en une réduction de l'intervention de l'État; beaucoup d'entre vous pensent le contraire. Cela dit, dissimuler de l'argent au public n'est pas une façon honnête de protéger les largesses du gouvernement. En effet, lorsque l'information n'est pas divulguée, cela enlève toute légitimité à ceux qui favorisent cette approche.
Les députés du parti au pouvoir cherchent peut-être à amender le projet de loi pour relever les seuils et les fourchettes de divulgation qui s'appliqueraient aux salaires et aux primes accordés dans le secteur public. D'autres données sur la façon dont les fonds sont utilisés pour offrir des services seraient ainsi soustraites au public.
On me dit que le projet de loi sera adopté avec un tel amendement. Il se trouve effectivement à la croisée des chemins. Ce serait scandaleux pour le caucus du parti majoritaire s'il ne répond pas aux attentes à cause de la modification des seuils, car il s'agit d'un texte législatif qui mobilise le coeur même de la base électorale des conservateurs. En effet, la transparence est une des principales raisons pour lesquelles les électeurs envoient à Ottawa des candidats du Parti conservateur.
Si le projet de loi est amendé pour relever le seuil de divulgation et qu'il est ensuite adopté, il ne sera plus qu'une version édulcorée de ce qu'il était. Je prie les membres du gouvernement de ne pas le modifier, car les problèmes récents liés à l'obligation de rendre compte auxquels ils font face incitent les conservateurs modérés à en appuyer l'adoption.
Sur ce, je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup. Ça a au moins l'avantage d'être clair. La question est réglée.
On entend souvent dire que Radio-Canada, c'est un montant de 1,1 milliard de dollars par année qui provient des contribuables. Je voudrais mettre les choses en perspective et peut-être entendre vos commentaires à ce propos.
La majeure partie du budget de Radio-Canada est constituée d'argent que cette société obtient en vendant ses émissions, en les produisant elle-même et en vendant de la publicité. Les fonds publics ne représentent que 50 % du budget de Radio-Canada/CBC, et non 100 %. La grande majorité des pays de l'OCDE ont un diffuseur public. En Allemagne, le diffuseur public coûte à chaque citoyen 147 $ par année; au Japon, il coûte environ 90 $, et il en va de même au Royaume-Uni. Or ici, au Canada, Radio-Canada/CBC ne nous coûte en moyenne que 34 $ par année, par contribuable. C'est environ le tiers de ce que ça coûte à un Britannique ou à un Japonais.
Je trouve que nous en avons beaucoup pour notre argent. Radio-Canada/CBC nous offre une diversité de points de vue, des émissions qui traitent de ce qui se passe dans toutes les régions du Canada ainsi qu'une couverture locale et régionale très intéressante, pour un prix avantageux par rapport à celui des autres pays du monde.
:
Merci, monsieur le président.
Pour en revenir au projet de loi, je crois qu'il est très important que nous l'examinions attentivement.
Monsieur Thomas, lorsque ma collègue, Mme Davidson, vous parlait tout à l'heure, vous avez mentionné la nécessité de trouver le juste équilibre.
Mes électeurs sont des contribuables, et les contribuables canadiens subventionnent la SRC à hauteur d'un milliard de dollars. Je sais que quelqu'un là-bas a dit que cela n'était pas beaucoup. Là d'où je viens, un milliard de dollars est considéré comme une grosse somme. Mes électeurs méritent de savoir.
Les sociétés d'État et les organismes du gouvernement fédéral se sont vus confier la responsabilité de permettre au grand public d'avoir accès à l'information. Or, un certain nombre de ces organismes et sociétés d'État travaillent avec des renseignements de nature délicate. Je pense à la BDC et aux demandes de prêts personnels qu'elle doit examiner. Ces renseignements n'ont jamais été considérés comme étant menacés, car l'organisme est maintenant assujetti à la Loi sur l’accès à l’information. On peut aussi penser à des organismes comme Financement agricole Canada, qui prête lui aussi de l'argent et manipule le même type de renseignements de nature délicate. Personne n'a rué dans les brancards sous prétexte que les renseignements les concernant étaient désormais en péril parce qu'assujettis à la Loi sur l’accès à l’information. Toutes sortes de ministères — pour l'immigration ou la santé — traitent de renseignements très personnels sur une foule de gens. Personne n'a dit craindre qu'ils se mettent à les divulguer.
La SRC cherche maintenant à obtenir une exclusion générale, et elle l'a probablement étirée au maximum pour protéger toutes sortes de renseignements. La commissaire à l'information a clairement indiqué que la SRC n'a jamais examiné une demande cherchant à obtenir la divulgation de ses sources journalistiques. Mes électeurs se demandent ce qui se passe. Pourquoi est-ce le cas? Mais mes électeurs croient aussi profondément au besoin de protéger les journalistes et les sources qui les abreuvent. Ils croient en la liberté des médias. Ils croient que les médias libres sont essentiels pour l'existence d'une société libre, et que nous devons par conséquent trouver le juste équilibre.
Je ne sais pas si vous saisissez l'importance de trouver le bon équilibre, mais c'est quelque chose qui compte pour nous.
Monsieur Thomas, vous avez suggéré qu'il serait peut-être nécessaire d'apporter un amendement. Nous avons entendu la commissaire à l'information exprimer sa réticence à l'idée de faire quoi que ce soit qui s'éloignerait de ce projet de loi. Mais nous avons aussi entendu la SRC et d'autres organismes oeuvrant dans les médias réclamer haut et fort que des changements soient faits. Je ne sais pas. L'un d'entre vous a-t-il une idée sur la façon de nous assurer qu'il y ait un juste équilibre?
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Bien sûr. Je me contenterai de dire qu'il est très important de trouver le bon équilibre. Je crois que la protection des sources journalistiques et la relation entre ces sources et les journalistes sont importantes pour assurer la liberté des médias dans une société libre. Je crois que l'amendement permettant à la SRC d'être exclue dans le but spécifique de protéger ses sources journalistiques est un bon amendement.
Je crois que le fait de prévoir une exemption fondée sur le préjudice pour tous les autres documents est aussi une bonne chose, en principe. Ma seule inquiétude à ce propos est que la SRC ait exploité à peu près toutes les failles possibles pour abuser de ce type de confiance que les législateurs lui ont accordée pour protéger l'information.
Je me souviens d'une demande d'accès à l'information portant sur le nombre de véhicules que la SRC avait dans son parc automobile. Une fois la réponse « dûment donnée », on a appris que l'ensemble du parc automobile de la SRC ne contenait qu'une Ford 500 berline. La réponse contenait des pages et des pages, caviardées de long en large. Or, après certaines pressions — qui, je crois, venaient de la commissaire à l'information —, il a été révélé des mois plus tard que le parc contenait plus de 700 véhicules. Cela n'a rien à voir avec la protection des sources journalistiques. Mais cela a tout à voir avec l'administration courante des coûts administratifs de la société, ce qui interpelle les contribuables qui la financent, des coûts que M. Boulerice a décrits comme étant très raisonnables et que vous avez décrits comme n'étant pas exactement, dans l'oeil du contribuable, de la menue monnaie.
Je crois effectivement qu'il nous faut trouver le bon équilibre. Je crois aussi que la protection des sources journalistiques est primordiale, et que c'est la raison pour laquelle il est si important de trouver cet équilibre et d'y arriver maintenant.