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Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Au cours des dernières années, j'ai axé ma recherche sur certains des sites de médias sociaux les plus populaires auprès des enfants, des cybercommunautés comme Neopets aux environnements virtuels comme Club Penguin. Ces sites ne ressemblent pas vraiment à Facebook, mais ils permettent néanmoins le même type d'interactions sociales et d'activités qui sont propres aux médias sociaux.
Les questions relatives à la vie privée revêtent une grande importance au sein de ces environnements. Des études démontrent que dès les débuts du Web, le droit à la vie privée des enfants a été bafoué à des fins commerciales dans certains forums sociaux en ligne. C'est beaucoup plus fréquent que la plupart des autres risques associés à l'utilisation d'Internet par les enfants. Dans d'autres pays, cela a mené directement à l'adoption de mesures législatives sur la protection de la vie privée des enfants, dont l'exemple le plus frappant est la Children's Online Privacy Protection Act, ou COPPA, aux États-Unis, qui a été élaborée en réponse à la pratique de plus en plus fréquente, à l'époque, de demander les noms et adresses des enfants afin de les solliciter directement.
Aujourd'hui, le type de données recueillies auprès des enfants et l'usage qu'on en fait se sont accrus considérablement. L'article qui vous a été distribué avant ma comparution décrit en détail ce changement et explique les tendances de l'industrie relativement à l'exploration de données, au cours de laquelle on se sert des conversations, des comportements et des idées des enfants pour alimenter les études de marché et le développement de produits.
Dans le cadre de mes travaux dans ce domaine, j'ai constaté que dans les médias sociaux, lorsqu'on tient compte des enfants, le respect de leurs droits ne passe souvent qu'après les notions de risque définies de façon restrictive. On considère encore beaucoup les enfants comme des victimes potentielles ou, à l'inverse, des criminels potentiels dans l'environnement virtuel. Ainsi, on met l'accent sur la protection des enfants contre les étrangers, contre les autres enfants et contre eux-mêmes, au lieu de les soutenir et de les aider en tant que citoyens.
Cette tendance a eu des effets importants sur la manière dont les entreprises de médias sociaux traitent les utilisateurs mineurs. La réaction la plus fréquente a été tout simplement d'interdire aux enfants de moins de 13 ans d'utiliser les sites de médias sociaux. C'est la stratégie qui a été utilisée jusqu'à tout récemment par Facebook, et elle demeure fréquente également dans les autres médias sociaux populaires. Même si des enfants peuvent contourner et contournent souvent ces interdictions — en mentant au sujet de leur âge, par exemple —, une limite d'âge officielle a tout de même des effets importants sur la façon dont les enfants utilisent les médias sociaux et l'endroit où ils le font. Cela permet également aux médias sociaux de se soustraire un peu à l'examen public et à la surveillance réglementaire dont peuvent faire l'objet les sites qui acceptent les enfants ou les invitent à participer.
Bien que dans certains cas, les restrictions liées à l'âge peuvent très bien être appropriées — elles le seraient pour bien des sites —, dans d'autres, l'approche qui consiste à ne pas accepter les enfants vise davantage à éviter les risques et les complications liés aux enfants qu'à les protéger du contenu ou des activités du site. Cela signifie que l'on interdit fréquemment aux jeunes enfants de participer pleinement à la culture en ligne et de profiter des nombreux avantages et des nombreuses possibilités qu'offrent les médias sociaux, uniquement parce que l'on considère que c'est trop de travail, trop coûteux ou simplement trop risqué de le leur permettre.
Il y a une autre réaction de plus en plus fréquente, et c'est la création de médias sociaux rigoureusement contrôlés destinés aux enfants, que l'on trouve dans les sites de réseautage social, les environnements virtuels et les cybercommunautés destinés habituellement aux enfants de moins de 13 ans. Dans le cadre de ma recherche, j'ai constaté que bien souvent, en mettant l'accent sur les risques, on met la protection de la vie privée au premier plan. Les questions liées à la protection de la vie privée intégrées à l'étape de la conception sont assez évidentes. Elles apparaissent dans les documents juridiques comme les politiques de confidentialité relatives à l'utilisation et elles sont présentées dans la promotion des sites eux-mêmes.
Toutefois, de nombreux aspects ont grandement besoin d'être améliorés. Comme on l'a mentionné, il est prouvé que les interactions en ligne des enfants sont surveillées et explorées, la plupart du temps sans que les enfants, ni les parents ou les tuteurs, en soient informés ni y aient consenti. Même si les enfants doivent régulièrement accepter ce type d'activités dans les politiques sur la confidentialité et les conditions d'utilisation pour pouvoir participer, même sur les sites destinés aux jeunes enfants, ces documents sont longs et extrêmement complexes. Ils décrivent une grande variété d'activités de collecte de données et comprennent de nombreux termes qui sont inappropriés et qui ne peuvent pas même être utilisés pour demander le consentement des enfants.
Cela soulève d'importantes questions au sujet du consentement éclairé, un problème particulièrement préoccupant, étant donné que parmi les utilisateurs figurent de jeunes enfants dont le niveau d'alphabétisation et les capacités de comprendre les rapports juridiques complexes varient énormément. Idéalement, il faudrait fournir une version de ces documents qui serait adaptée aux enfants pour s'assurer que les enfants et leurs parents savent précisément ce à quoi ils consentent. Même s'il existe d'excellents exemples de cette pratique, il y a très peu de sites destinés aux enfants qui se donnent la peine de le faire. Lorsqu'ils le font, les versions adaptées aux enfants sont rarement complètes; la plupart n'expliquent pas en détail les raisons de la collecte des données de l'utilisateur ou ne décrivent que les éléments qui présentent l'entreprise de médias sociaux sous un jour favorable.
Il existe aussi une tendance de plus en plus répandue qui consiste à affirmer faussement que les renseignements personnels des enfants sont une question de sécurité en ligne. Mais ne vous méprenez pas. Concrètement, il est très avantageux pour la sécurité des enfants et leur droit de profiter des médias sociaux d'examiner de façon approfondie dans quelle mesure les règles et les caractéristiques de conception visant à protéger les droits à la vie privée des enfants pourraient aussi offrir une protection contre les prédateurs et les intimidateurs en ligne. Mais jusqu’ici, dans bien des cas, on s’est servi de cette double fonction principalement pour masquer les pratiques commerciales sous-jacentes que les politiques relatives à la protection des renseignements personnels visent à éliminer. En présentant la protection des renseignements personnels des enfants comme étant principalement une question de sécurité en ligne — que l’on définit, dans ces cas, comme une protection contre les autres utilisateurs — on occulte les menaces plus courantes et moins importantes à la protection des renseignements personnels des enfants, comme la surveillance par les entreprises et les études de marché qui portent atteinte à la vie privée.
Il y a une tendance émergente connexe qui consiste à commercialiser les caractéristiques de sécurité elles-mêmes, comme je l’ai découvert dans une étude récente sur les mondes virtuels pour enfants. Certains mondes virtuels ont une version de « clavardage sécuritaire », dans laquelle le clavardage entre utilisateurs se limite à sélectionner des phrases préconstruites à partir d’un menu déroulant. Dans un cas, la version « clavardage sécuritaire » limitait les options des enfants à 323 phrases, dont 45 servaient à la publicité croisée et 30 présentaient des annonces de tiers. Comme vous l’aurez deviné, aucune de ces phrases n’était négative. Les enfants pouvaient indiquer comment ils aimaient la marque, mais ils ne pouvaient pas dire quoi que ce soit de négatif à son sujet.
Cela peut avoir, entre autres, des effets négatifs sur les droits des enfants. Ces exemples indiquent qu’un malheureux compromis a lieu, puisque les stratégies limitées de sécurité et de protection des renseignements personnels des enfants peuvent restreindre indûment leurs autres droits, comme le droit à la liberté d’expression ou le droit de participer librement à la vie culturelle.
Il est important de souligner que j’ai décrit ici des tendances générales, dont la plupart sont utilisées dans les sites commerciaux de médias sociaux considérés comme les plus populaires auprès des enfants. Ce ne sont pas toutes les entreprises qui utilisent ces pratiques. En fait, il y a des entreprises canadiennes qui ont adopté des stratégies de remplacement assez brillantes afin de créer un équilibre entre la protection des renseignements personnels, la sécurité, l’expression personnelle et la participation culturelle des enfants. Il est possible de faire preuve ici d’un véritable leadership, mais actuellement, le soutien nécessaire, sur le plan réglementaire et gouvernemental, n'est pas suffisant pour que ces approches individuelles, éthiques, axées sur les droits et d’ampleur limitée deviennent une pratique répandue dans l’industrie.
Je vais prendre le temps qu’il me reste pour vous parler de quatre priorités clés ou recommandations.
Premièrement, il y a un besoin évident et grandissant de mettre en place une réglementation adaptée aux enfants en ce qui concerne la collecte, la gestion et l’utilisation des données relatives aux enfants. Cependant, il nous faudra éviter de répéter les erreurs qui ont nui à certaines des tentatives antérieures, comme la COPPA, aux États-Unis. Cette loi a eu comme conséquence de priver les enfants de l'accès à certains espaces sociaux très importants ou de les inciter à mentir systématiquement au sujet de leur âge. Il nous faudra également étendre cette réglementation de façon à mieux refléter les pratiques actuelles et futures en matière de collecte de données en ligne.
Deuxièmement, il nous faut préciser beaucoup plus clairement l’éthique relative au consentement éclairé lorsqu’il s’agit d’enfants de divers groupes d’âge.
Troisièmement, nous devons atteindre un meilleur équilibre entre les droits de protection des renseignements personnels des enfants et les autres droits, comme la liberté d’expression et le droit de participer à la vie culturelle, dans nos discussions sur ces questions comme dans la réglementation, qu'elle soit nouvelle ou modifiée.
Finalement, nous devons exercer un véritable leadership et renforcer l’application de ces règles adaptées aux enfants, notamment la reconnaissance et le soutien des stratégies novatrices, éthiques et axées sur les droits que certaines petites entreprises indépendantes canadiennes de médias sociaux s’emploient déjà à développer.
Je me ferai un plaisir de discuter plus en détail de ces enjeux durant la période des questions.
Merci.
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Je vais parler un peu plus lentement.
On ne saurait sous-estimer l'importance grandissante et les avantages des médias sociaux pour les Canadiens. Ils ont une portée considérable et imprègnent tous les aspects de notre vie personnelle, sociale et politique. La croissance innovatrice et commerciale de tels réseaux ne devrait pas être restreinte indûment. En même temps, les Canadiens ne devraient pas avoir à choisir entre leur droit à la vie privée et leur droit de participer à ce nouvel environnement interactif.
La LPRPDE, qui constitue l'épine dorsale de la réglementation sur la protection des renseignements personnels au Canada, fournit un ensemble de principes souples qui pourvoient aux besoins légitimes des entreprises tout en offrant des mesures de protection pour les renseignements personnels des utilisateurs. Bien que la LPRPDE ait très bien résisté à l'épreuve du temps, la protection des renseignements personnels a considérablement évolué depuis son adoption, et une décennie d'expérience a mis en lumière un certain nombre de lacunes qui doivent être corrigées pour que la loi puisse continuer à atteindre ses objectifs.
Je vais vous parler brièvement des changements à la protection de la vie privée, puis j'aborderai quatre points qui requièrent, selon moi, une attention immédiate.
Dans un récent témoignage devant le comité, Mme Valerie Steeves a signalé que des études soulignent un manque de confiance envers les entreprises en ligne. Un sondage réalisé pour Ressources naturelles Canada à la fin de 2009 a révélé que le niveau de confiance des répondants à l'égard de divers types d'organisations en ce qui concerne la sécurité de leurs renseignements personnels varie de modéré à faible. Celles qui inspirent le moins confiance sont les petites entreprises privées et les sites de réseautage social.
De même, l’étude a révélé que la capacité à contrôler l’environnement dans lequel les renseignements sont partagés permettait d’augmenter le niveau de confiance. Une autre étude effectuée par des chercheurs d’Annenberg et de Berkeley indique que 67 p. 100 des Américains étaient d’accord ou fortement d’accord pour dire que les utilisateurs ont perdu tout contrôle sur la manière dont les renseignements personnels sont recueillis et utilisés par les entreprises.
Ce qui alimente ce sentiment de perte de maîtrise est un écosystème de plus en plus complexe dans lequel la portée et la nature des données recueillies augmentent de jour en jour, tandis que le raffinement de la collecte des renseignements et des mécanismes d’analyse évolue au même rythme. Bien que Google et Facebook soient au premier plan dans les débats sur ces questions, beaucoup d’autres entreprises sont en cause. Il semble qu’Acxiom, un courtier en données de l’Arkansas, ait recueilli en moyenne 1 500 points de données sur chacun de ses 500 millions de profils d’utilisateurs actifs.
Il y a très peu de ces utilisateurs qui ont entendu parler d’Acxiom, et il y en a encore moins qui ont interagi directement avec l’entreprise. Or, les profils, que vendent les courtiers en données comme Acxiom, contiennent leurs habitudes de navigation; leurs discussions avec leurs amis et les membres de leur famille sur Facebook; leurs renseignements médicaux et financiers sensibles; leur ethnie, leur religion et leur allégeance politique; et même les endroits réels qu’ils ont visités. Toutes ces données sont recueillies, analysées et transformées en un schéma élaboré de classification socio-économique, sur lequel les clients d’Acxiom se fondent pour prendre des décisions.
La complexité même de l’écosystème qui alimente les bases de données comme celle d’Acxiom anéantit toute tentative de faire quoi que ce soit qui respecterait une politique sur la protection des renseignements personnels. Un certain nombre de pays cherchent des façons de répondre à la nécessité d’une plus grande transparence et d’un plus grand choix. Je vais aborder brièvement quatre éléments qui, je crois, concernent précisément la LPRPDE. Je soulignerai également que la nature des données recueillies dans cet écosystème est de plus en plus sensible. De nouvelles capacités visent à inclure l’emplacement en temps réel et même l’état émotif dans les catégories de renseignements disponibles en vue du ciblage. Je vais aborder quatre changements sur lesquels nous devrions mettre l’accent. Le premier est la transparence.
Une plus grande transparence est nécessaire. À cette fin, la Federal Trade Commission des États-Unis a déclaré récemment qu’elle inciterait les courtiers de données à offrir des mécanismes électroniques centralisés qui permettront aux utilisateurs de savoir quels courtiers de données ont recueilli leurs renseignements. Cela peut servir de fondement à l’exercice d’autres droits des utilisateurs.
On peut informer les utilisateurs dans de nombreux contextes en intégrant davantage la notification dans le service même. Non seulement cela permet davantage de souplesse et de nuance, mais cela rappelle également aux utilisateurs l'importance de la protection des renseignements personnels dans le contexte des décisions qu'ils prennent dans ce domaine. De plus, les éléments des politiques de protection de la vie privée peuvent être normalisés, mais il faut prendre garde à ne pas simplifier exagérément les pratiques relatives aux données, qui sont en réalité complexes. Les dangers liés à la simplification exagérée sont que les organisations commenceront à compter sur le consentement général et le consentement catégorique, qui sont simples, mais qui ne donnent pas aux consommateurs ni aux groupes de défense les détails dont ils ont besoin pour évaluer adéquatement leurs pratiques.
Un autre point que j'aimerais aborder, c'est la protection implicite de la vie privée ou son pendant, la protection de la vie privée moyennant certains efforts.
La transparence, à elle seule, ne suffit pas pour protéger la vie privée en cette époque où tout est très étroitement lié. Dans le cadre d'une récente consultation sur la protection de la vie privée en ligne, on a fait remarquer que de nombreux services en ligne sont publics par défaut et privés moyennant certains efforts. Au moment de s'inscrire pour la première fois, les nouveaux utilisateurs savent rarement comment configurer l'ensemble complexe de services de contrôle de la confidentialité, qui sont d'ailleurs souvent conflictuels. Les paramètres changent constamment, à mesure que de nouvelles fonctions viennent remplacer les anciennes ou que d'autres attributs viennent se greffer aux services existants. Pour maintenir un niveau constant de confidentialité, il faut donc déployer sans cesse des efforts.
À cela s'ajoute la tendance des sites de réseautage social à faire, de temps à autre, des virages profonds dans la constitution et la nature de leurs services. Ces changements sont souvent imposés aux utilisateurs invétérés, et c'est « à prendre ou à laisser ». D'autres fois, les sites utilisent des paramètres présélectionnés par défaut afin d'amener les utilisateurs à choisir des options qui sont très différentes du service auquel ils sont habitués.
Comme d'autres spécialistes vous l'ont dit, il faut faire attention aux paramètres par défaut, et c'est là que le bât blesse. Des mesures de protection plus rigoureuses s'imposent pour s'assurer que les nouveaux services et attributs comportent des paramètres par défaut qui favorisent la protection de la vie privée et qui tiennent compte des attentes des utilisateurs et de la nature délicate des données en question, au lieu de s'en tenir aux configurations qui conviennent le mieux au modèle d'affaires du fournisseur de services.
Aux termes de la LPRPDE, la formule de consentement devrait toujours être adaptée aux attentes des utilisateurs et à la nature délicate des données pouvant être touchées. Toutefois, pour que ce concept soit fermement implanté dans la conception des services, on devrait intégrer à la LPRPDE le principe de la protection implicite de la vie privée.
Par ailleurs, j'aimerais vous parler brièvement de l'application de la loi et du processus.
Plusieurs témoins qui ont comparu devant le comité ont parlé de l'importance de s'assurer que le Commissariat à la protection de la vie privée peut appliquer ses pouvoirs. Il est essentiel de donner du mordant à la LPRPDE et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, cela encourage la conformité. À l'heure actuelle, il y a très peu de pénalités pour la non-conformité. Dans la plupart des cas, la pénalité maximale à laquelle une organisation peut s'attendre, c'est la menace de subir une humiliation publique pour cause de non-conformité. Deuxièmement, la mise en place de ces pouvoirs aidera le Commissariat à la protection de la vie privée dans ses interactions avec les grandes organisations multinationales et dans l'acquittement de son mandat qui consiste à protéger la vie privée des Canadiens.
Outre l'ajout de pénalités, on devrait envisager de modifier les procédures du commissariat en ce qui a trait au cadre d'enquête et de surveillance de la conformité. Dans le contexte du réseautage social, la conformité aux recommandations du commissariat risque d'être un chemin long et compliqué, qui nécessitera des changements à la conception des systèmes. Toutefois, aux termes de la LPRPDE, le commissariat dispose d'un délai de 45 jours, après avoir rendu publiques ses conclusions officielles, pour exercer son mandat légal par rapport à une plainte particulière. Le mécanisme n'a pas la souplesse nécessaire pour permettre d'appliquer, en bonne et due forme, les recommandations de la Commissaire à la protection de la vie privée.
Enfin, je vais parler brièvement des exigences en matière de notification des atteintes à la protection des données.
Le Canada a grand besoin d'une obligation de notification des atteintes à la protection des données. Une telle obligation encouragera l'établissement de mesures de protection techniques plus musclées et donnera aux utilisateurs la possibilité de réparer le tort qui leur est fait, comme le vol d'identité et l'humiliation potentielle à la suite d'une atteinte à leurs données.
Le projet de loi , qui en est à l'étape de la première lecture, prévoit un cadre raisonnable pour la notification des atteintes à la protection des données, sous réserve de quelques ajustements et d'un engagement à imposer des pénalités pour la non-conformité, afin d'en assurer l'efficacité.
Je serai heureux d'approfondir certains de ces points. Sachez que la CIPPIC prévoit envoyer au comité un mémoire plus détaillé à une date ultérieure.
Merci beaucoup de votre temps et de votre attention.
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Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle Adam Kardash. Je suis un associé du cabinet juridique national Heenan Blaikie, où je préside le groupe national sur la protection des renseignements personnels et de la gestion de l'information. Je suis également directeur général et chef d'AccessPrivacy, un service de consultation et d'information de Heenan Blaikie qui vise le respect des renseignements personnels.
Je comparais aujourd’hui devant le comité à titre personnel pour représenter mon propre point de vue. Toutefois, sachez que mes opinions reposent sur mon expérience chez Heenan Blaikie et AccessPrivacy.
Au cours des 10 dernières années, j'ai concentré ma pratique presque exclusivement sur les questions liées à la protection des renseignements personnels et à la gestion de l'information à l'intention d'organisations du secteur privé. J'examine régulièrement les conséquences des nouvelles technologies et plateformes dans le contexte des lois en matière de protection de la vie privée.
Dans mes observations préliminaires, je ferai quelques commentaires pour faire ressortir un message bien précis, à savoir que notre loi fédérale sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, soit la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques ou la LPRPDE, fonctionne très bien. Depuis son entrée en vigueur en 2001, et malgré les diverses critiques soulevées au départ par une foule d'intervenants dans le domaine canadien de la protection des renseignements personnels, cette loi a tout de même résisté à l'épreuve du temps. Selon moi, le point fort de la LPRPDE a été et continue d'être le fait qu'elle nous permet de relever les défis posés par les nouvelles technologies relativement à la protection de la vie privée.
La loi établit un ensemble complet d'exigences qui régissent la façon dont une organisation recueille, utilise, communique, met en mémoire et gère des renseignements personnels. Une des raisons pour lesquelles la loi demeure efficace aujourd'hui, c'est parce que son libellé est neutre sur le plan technologique. En gros, les règles de base de la LPRPDE sont énoncées dans un langage simple sous forme de principes généraux. Elles peuvent donc s'appliquer à tout nouveau système, technologie ou application qui met en jeu le traitement de renseignements personnels, et cela comprend aussi les plateformes des médias sociaux.
La LPRPDE ne vise aucun type de technologie en particulier, et c'est justement pourquoi elle parvient si bien à régler de soi-disant nouveaux problèmes en matière de protection de la vie privée attribuables aux progrès technologiques. À cet égard, il est important que le libellé de la LPRPDE demeure neutre sur le plan technologique. En raison du rythme de plus en plus effréné des innovations technologiques, toute mesure législative qui se concentre sur une technologie ou une plateforme particulière, comme les médias sociaux, sera obsolète et dépassée, à peine entrée en vigueur.
D'après mon expérience, la façon la plus efficace de régler des questions basées sur la technologie, qu'il s'agisse de la protection de la vie privée ou d'autres enjeux, c'est de recourir à des cadres d'autoréglementation en parallèle avec le régime législatif. Comparativement aux lois ou aux règlements, les cadres d'autoréglementation sont beaucoup plus faciles à élaborer, à mettre en oeuvre, à modifier par adjonction ou à réviser en fonction de l'évolution constante des technologies.
D'ailleurs, aux termes de la LPRPDE, un cadre d'autoréglementation élaboré au moyen d'un processus de consultation valable aurait une valeur juridique. Les cadres d'autoréglementation établissent des normes industrielles et, si celles-ci sont bien conçues, elles permettent d'éclairer la définition du critère fondamental de la LPRPDE, soit celui de la personne raisonnable. Cette définition se trouve au paragraphe 5(3) de la loi, en vertu duquel une organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.
Dans le cadre de ma pratique, lorsque je conseille mes clients, je n'invoque pas la LPRPDE comme un simple ensemble de règles juridiques. La loi établit plutôt un cadre utile qui permet aux organisations d'aborder de façon proactive les préoccupations liées à la protection de la vie privée, histoire de trouver le juste milieu entre la protection de la vie privée et la nécessité de recueillir, d'utiliser et de communiquer des renseignements personnels dans le cadre d'activités commerciales légitimes. Les règles de la LPRPDE sont dynamiques, en ce sens qu'elles s'appliquent au cycle de vie entier des données, de la collecte ou de la création jusqu'à la destruction éventuelle des renseignements personnels détenus par une organisation.
Toutes ces règles relèvent de l'attribut principal de la LPRPDE: le principe de la responsabilité. Bien qu'il soit formulé en termes simples, le principe de la responsabilité est une exigence très puissante, en vertu de laquelle les organisations sont responsables des renseignements personnels qu’elle ont en leur possession ou sous leur garde.
Des organismes partout dans le monde, qu'il s'agisse d'organismes étrangers chargés de la protection des données, d'organismes gouvernementaux étrangers ou de groupes de réflexion internationaux sur la protection de la vie privée, considèrent désormais le principe de responsabilité prévu dans la LPRPDE comme un modèle législatif éclairé pour la protection des renseignements personnels. Si le cadre de la LPRPDE a la cote auprès de ces forums internationaux, c'est surtout à cause de son modèle de responsabilité qui permet, dit-on, de bien régler les problèmes en matière de protection de la vie privée susceptibles de surgir dans le monde virtuel ou, encore, dans le contexte technologique.
Comme le démontrent clairement un certain nombre de lettres de conclusions publiées par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, le cadre actuel de la LPRPDE permet au commissariat d'examiner et de résoudre de façon efficace de nouvelles questions en matière de protection de la vie privée soulevées par les nouvelles technologies. Plusieurs de ces lettres portent aussi sur le contexte des médias sociaux.
Une des caractéristiques principales et, selon moi, essentielles de la LPRPDE est le modèle d'ombudsman qui est intégré à la loi. La commissaire à la protection de la vie privée joue le rôle d'ombudsman dans l'exercice de ses fonctions pour surveiller les pratiques des organisations visées par la LPRPDE en ce qui concerne les renseignements personnels. Si les questions demeurent non résolues, la commissaire peut recourir à la Cour fédérale.
Le modèle d'ombudsman ne date pas d'hier. Les gouvernements s'en servent d'habitude pour réglementer l'administration publique. Ce qu'il y a de novateur dans la LPRPDE, c'est l'application de ce modèle comme moyen de réglementer l'activité du secteur privé. Dans le cadre de ma pratique, je fournis des conseils à une clientèle provenant de tous les secteurs et j'ai eu à travailler et à interagir avec le commissariat; selon mon expérience, le modèle d'ombudsman suivi par le commissariat s'est avéré très efficace et a reçu l'appui général des organisations du secteur privé.
Un modèle d'ombudsman se prête particulièrement bien aux efforts visant à assurer une conformité efficace à la protection de la vie privée. Après tout, pour assurer une protection valable des renseignements personnels, une organisation doit faire plus que simplement respecter les règles juridiques. Il faut plutôt favoriser une mentalité favorable au respect de la vie privée au sein d'une organisation d'une manière qui est adaptée à la réalité du contexte d'affaires de celle-ci. Les directeurs de la protection de la vie ayant de l'expérience comprennent que la vie privée passe par le raffermissement de la confiance. Pour ce faire, il faut une discussion engagée avec les intervenants dans une organisation, dans des secteurs industriels et dans le domaine de la protection de la vie. Le commissariat joue un rôle important dans cette discussion, et le modèle d'ombudsman facilite une interaction flexible et concertée avec les organisations du secteur privé.
La commissaire Jennifer Stoddart a décrit avec éloquence la nature de son rôle à titre d'ombudsman dans un discours qu'elle a prononcé en 2005 sur les mérites de ce modèle. Voici ce qu'elle a dit:
Plus qu'un moyen de trouver des solutions remédiatrices, les fonctions de l'ombudsman constituent un moteur de changement et d'amélioration. L'objectif consiste bien sûr à résoudre les plaintes mais aussi à établir, grâce à la volonté et à la participation des parties concernées, une culture durable de conscientisation à la protection de la vie privée. Pour atteindre ce but, il faut donc que le processus soit souple, qu'il favorise la participation et qu'il soit adapté à chacun.
Récemment, divers intervenants dans le domaine canadien de la protection de la vie privée, dont la commissaire Stoddart, ont réclamé que la LPRPDE soit modifiée afin d'accorder au commissariat des pouvoirs accrus en matière d'application de la loi. D'après l'expérience que j'ai acquise au cours des 10 dernières années dans le domaine, il n'est pas certain que de telles modifications soient nécessaires.
La commissaire Stoddart et la nouvelle commissaire adjointe, Chantal Bernier, ont remarquablement bien réussi à remplir leur mandat dans le contexte du modèle d'ombudsman, et c'est tout à leur honneur. Elles l'ont fait grâce à une foule de pouvoirs prévus dans la LPRPDE. En particulier, elles ont le pouvoir de nommer publiquement les organisations qui enfreignent la LPRPDE, de lancer de leur propre initiative des enquêtes ou des vérifications concernant les pratiques d'une organisation en matière de renseignements personnels et, comme je l'ai dit, de renvoyer des plaintes à la Cour fédérale.
Le Commissariat à la protection de la vie privée est, depuis des années, très respecté dans le domaine international de la protection de la vie privée, mais il a considérablement amélioré sa réputation auprès des organismes étrangers de protection de données à la suite de son enquête très médiatisée sur les pratiques de Facebook concernant la gestion des renseignements personnels. Grâce aux activités d'application de la loi du commissariat, le Canada est maintenant considéré comme un des chefs de file mondiaux pour ce qui est des questions liées à la protection de la vie privée dans le contexte des nouvelles technologies, y compris des médias sociaux. Le commissariat a accompli ces réalisations sans aucun pouvoir de rendre des ordonnances ou sans aucun autre mécanisme d'application de la loi, comme la capacité d'imposer des amendes. D'ailleurs, la commissaire Stoddart a déclaré à plusieurs reprises que la simple menace publique d'une poursuite possible devant la Cour fédérale contre une organisation a presque toujours amené cette dernière à donner suite aux préoccupations du commissariat.
Les nouvelles technologies innovatrices, comme les plateformes des médias sociaux, procurent de très grands avantages aux Canadiens. À mesure que nous continuerons d'adopter de nouvelles technologies et d'en profiter, nous aurons tous à fournir nos renseignements personnels en cours de route. Voilà pourquoi la protection de la vie privée fera de plus en plus partie intégrante de la relation de confiance entre les organisations du secteur privé et les personnes.
Bien entendu, quand on examine de nouvelles questions en matière de protection de la vie privée, il est important de déterminer si le cadre actuel de réglementation permet d'aborder adéquatement la protection de la vie privée. Avec la LPRPDE, nous sommes chanceux: nous avons un cadre législatif qui est neutre sur le plan technologique, qui repose sur des principes et qui nous a très bien servis pour ce qui est d'assurer une protection de la vie privée de façon équilibrée.
Pour conclure, je présente en toute déférence les suggestions suivantes en espérant que le comité en tiendra compte dans le cadre de son étude, au moment de déterminer la pertinence et l'ampleur des modifications qui s'imposent à la LPRPDE afin de relever les défis posés par les nouvelles technologies, surtout en ce qui concerne les modifications visant à renforcer les pouvoirs d'application de la loi.
Premièrement, en tant qu’individus, nous avons tous la responsabilité de faire attention à la manière dont nous utilisons nos renseignements personnels dans des contextes publics. À cet égard, il est essentiel d'assurer la sensibilisation du public et d’offrir une formation régulière par l'entremise d'organismes de réglementation en matière de protection de la vie privée et des organisations pertinentes du secteur privé. Aucune modification à la LPRPDE ne serait requise pour améliorer nos efforts collectifs en ce sens.
Deuxièmement, je propose respectueusement que le comité examine attentivement les coûts liés à la transition vers un modèle de coercition aux termes de la LPRPDE. Pour tirer parti des nouveaux pouvoirs d'application de la loi comme le pouvoir de rendre des ordonnances, il faudra apporter des changements à la structure du Commissariat à la protection de la vie privée, et on perdra ainsi les principaux avantages fournis par le modèle de l'ombudsman.
Troisièmement, dans le cadre d'une stratégie nationale destinée à assurer la croissance du secteur canadien de la technologie, nous devons bien étudier toute modification ou initiative législative pour éviter d’imposer des obstacles inutiles aux activités commerciales légitimes. Bref, selon moi, il faut examiner soigneusement les coûts économiques associés au changement de la réglementation en matière de protection de la vie privée. Nous avons besoin d'un cadre de réglementation qui favorise l'innovation. Dans le domaine de la protection des renseignements personnels, la LPRPDE nous fournit un modèle approprié qui nous a bien servis jusqu'ici.
Enfin, il faut bien réfléchir aux effets constitutionnels que pourrait avoir tout changement législatif à la LPRPDE, en particulier sur le plan des nouveaux pouvoirs d'application de la loi. Dans l'affaire portant sur la constitutionnalité d'un poste d'administrateur national des valeurs mobilières, la récente décision rendue par la Cour suprême du Canada nous rappelle qu’il faut intégrer les questions constitutionnelles à toute étude sur la réforme législative de la protection de la vie privée.
Merci encore une fois de m'avoir invité à vous parler ce matin. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie infiniment nos témoins de leur présence. Nous avons entendu des témoignages fascinants aujourd’hui.
J’ignore par où commencer, mais je vais simplement commencer par vous, madame Grimes.
Vous avez dit qu’à l’insu de la plupart des Canadiens — je pense que ce fait est assez connu —, leurs activités en ligne sont surveillées. Il y a des explorateurs de données, des aspirateurs de site et des robots qui interviennent sur Internet. Les gens téléchargent involontairement dans leur ordinateur toutes sortes de logiciels. Des logiciels espions, des logiciels malveillants, des logiciels de publicité, ou peu importe comment vous voulez les appeler, suivent les activités des gens, qu’ils utilisent un ordinateur portatif ou un dispositif mobile. Dans les contrats d’utilisation, nous acceptons que nos renseignements soient employés. Les paramètres de nos appareils nous permettent d’autoriser ou non les témoins, par exemple, dans nos ordinateurs. Ces paramètres existent dans nos iPods et nos iPads. Nous recevons des avis de diffusion personnalisée, et nous pouvons activer ou désactiver ces paramètres. Un utilisateur informé devra déployer quelques efforts pour y arriver. Nous pouvons nous procurer des logiciels tiers qui nous aideront à protéger, par exemple, nos ordinateurs à la maison que nos enfants utilisent pour tenter de faire leurs devoirs. Ainsi, en tant que parent, je peux être informé du genre d’activités que mes enfants pratiquent ou non en ligne.
Voilà l’une des questions que j’aimerais vous poser. Croyez-vous que mon enfant a le droit d’utiliser un ordinateur pour s’adonner à certaines activités, sans que je le sache? Je vais garder cette question pour la fin.
En ce qui concerne tous les contrats, soit j’en accepte toutes les conditions, soit je les refuse en bloc. C’est le seul choix qui s’offre à moi. Je n’ai pas la possibilité d’analyser le contrat et d’en refuser certaines parties.
Ma question, que j’adresse en général à vous trois, est la suivante: selon vous, une loi ou un règlement devrait-il exiger que ces genres de contrats d’utilisation puissent être analysés de sorte que l’utilisateur final ait, en fait, le pouvoir de sélectionner les parties auxquelles il consentira ou non? La plupart de ces contrats décident par défaut de la façon dont mes renseignements personnels seront partagés avec des entreprises comme Acxiom, ce qui me terrifie, pour être honnête.
Je sais comment ces choses fonctionnent parce que, dans le passé, j’étais un administrateur de base de données. Je comprends comment ces points de données sont collectés, et bon nombre d’entre eux le sont à mon insu. Je suis certain que mon nom se trouve dans la base de données d’Acxiom ou, sinon, dans celle d’une autre entreprise. Quelqu’un possède des renseignements à mon sujet, au sujet de mes habitudes d’utilisation et de navigation, etc. Je trouve donc cela très frustrant.
Pourquoi, en tant qu’utilisateur, n’ai-je pas le pouvoir de choisir les parties du contrat auxquelles je consens ou non? Est-il raisonnable, sur le plan de la réglementation, que le gouvernement intervienne en ce sens?
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Il y a eu des développements et des recommandations au sein de l'Union européenne. Je ne suis pas suffisamment à jour pour savoir où ils en sont rendus dans ce processus. Ils ont mené une très grande étude à l'UE, qui s'est terminée récemment. Les universitaires et un certain nombre d'organismes gouvernementaux ont étudié ces types de questions avec des enfants de divers âges qui utilisent Internet dans le cadre du projet EU Kids Online. Après la parution des rapports, je sais que l'on a entamé des discussions concernant les lignes directrices de l'industrie et la mise en oeuvre de nouvelles lignes directrices et d'une réglementation éventuelle. Je ne sais pas exactement où ils en sont rendus dans ce processus, mais ce serait un endroit où regarder. Je sais qu'ils l'envisagent, et ils ont aussi appuyé une grande partie de ce qu'ils font sur des projets de recherche, ce qui est fantastique.
Pour ce qui est des exemples d'enfants qui sont précisément ciblés et exploités à des fins commerciales, un des gros problèmes que pose l'étude de ce secteur et de ces processus est le manque de transparence. Les données sont recueillies, et vous pouvez lire les conditions de service et voir, en quelque sorte, que les données viennent de différentes sources, mais on ne voit pas toujours clairement quels sont les liens et la façon dont les données sont transférées et utilisées. Les exemples que j'ai examinés pour comprendre le fonctionnement de ce processus sont surtout des sites qui vendent les données à d'autres entreprises et qui ne se cachent pas de le faire. Ils fonctionnent comme un espace de média social, mais ils font aussi du forage et du courtage de données maison.
Un exemple d'il y a quelques années était celui de Neopets, qui est une communauté en ligne pour les enfants. Ils ont vendu l'étude de marché qu'ils avaient réalisée à diverses entreprises et ils publiaient un rapport annuel dans AdAge, qui est une grande revue spécialisée de l'industrie de la publicité aux États-Unis. Ils fournissaient des enquêtes et des stratégies d'études de marché assez faciles à reconnaître dans ce site.
Un exemple plus récent est celui de Habbo Hotel, dont la base est en Finlande, mais qui est populaire dans le monde entier. La plupart des gens qui l'utilisent ont entre 13 et 18 ans, je crois, mais ils ont aussi un nombre considérable d'utilisateurs entre 11 et 13 ans. Ils offrent un type de service semblable, appelé Habbel, par l'intermédiaire duquel ils compilent les données et les vendent à d'autres entreprises. Les entreprises peuvent aussi faire appel à Habbel à l'avance pour, en quelque sorte, espionner les conversations que les enfants pourraient avoir au sujet d'un produit en particulier et leur rapporter non seulement ce que les enfants disent concernant le produit, mais aussi le contexte général dans lequel cette conversation a lieu — leurs goûts, les parties du site autour desquelles ils gravitent, les autres sujets qu'ils abordent, l'heure à laquelle ils vont sur le site, où ils prévoient d'aller par la suite s'ils décident de se rencontrer en personne, car bien des enfants qui se communiquent par le biais des médias sociaux se connaissent aussi dans la vraie vie et ils fréquentent les mêmes écoles et ce type de choses. Il peut s'agir d'informations très détaillées.
La seule raison pour laquelle nous savons à quel point elles sont détaillées et nous sommes au courant de ces types de processus est qu'ils vendent leurs données ouvertement. Mais dans bien des cas, ils ne les vendent pas. Ils les conservent ou ils les vendent de façon beaucoup plus dissimulée, alors c'est moins évident.
Les enfants se préoccupent-ils de la protection de la vie privée? Tout à fait. On a beaucoup parlé des différentes conceptions qu'ils ont de la vie privée. Je crois que cela nous ramène au commentaire qu'a formulé M. Andrews un peu plus tôt concernant les enfants nés à l'âge de Facebook, qui ne connaissent rien d'autre et dont les photos sont affichées en ligne avant qu'ils soient assez vieux pour y aller eux-mêmes.
Il est possible que leurs conceptions de la vie privée diffèrent légèrement, mais une bonne partie d'entre elles ressemblent beaucoup aux conceptions traditionnelles. Au fil des études, ce qui ressort le plus est qu'ils se préoccupent surtout des atteintes à la vie privée qui influent directement sur eux: les amis ou les parents qui portent atteinte à leur vie privée ou la perception que leurs parents le font. Ces formes abstraites sont détaillées. Elles ne semblent pas influer sur eux quotidiennement. Ils traitent ces questions de protection de la vie privée d'une façon que nous ne comprenons pas encore entièrement. Ils peuvent ne pas sembler aussi préoccupés par ces choses, mais il arrive souvent qu'ils ne comprennent pas vraiment comment et où elles peuvent les toucher. Honnêtement, puisque bon nombre d'entre nous ne comprennent pas non plus comment ces types d'atteintes à la vie privée influent sur nous et à quel endroit, nous nous inquiétons de ce qui pourrait arriver, mais nous ne voyons pas encore entièrement les conséquences. C'est plus difficile de savoir ce qu'ils en pensent.
Il y a une nouvelle étude sur les enfants et les jeunes Canadiens qui vient de paraître et qui porte sur ces questions. Les enfants sont de plus en plus capable d'exprimer des préoccupations concernant la nature abstraite de l'atteinte à la vie privée, ce qui, selon moi, est un développement très important. Ils en apprennent plus à ce sujet, ils en font davantage l'expérience et ils sont plus capables de dire comment ils se sentent à ce sujet et s'ils estiment que l'on porte atteinte à leurs droits.
Ce qui est triste, c'est que je ne suis pas sûre qu'ils estiment avoir une porte de sortie, une solution ou une solution de rechange. On ne leur en présente certainement pas à l'heure qu'il est.
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C'est une très bonne question. Je pense que cela doit être examiné de plus près.
La même question commence à être soulevée dans le contexte des jeux électroniques pour enfants. Avant, les documents de marketing étaient plus faciles à obtenir parce que les entreprises y décrivaient leurs pratiques. Si j'essayais de comprendre ce qu'un site précis faisait, je pouvais consulter leurs documents de marketing et y trouver la réponse, comme le disait Sara. Maintenant, ils ne le font plus. Ils ne mettent plus ces documents à disposition, alors ce n'est plus aussi facile d'obtenir l'information.
Il en va de même pour les courtiers de données. Je ne sais pas vraiment ce qu'ils font. Vous pouvez consulter certains de leurs documents de marketing pour vous faire une idée, mais je crois que vous avez besoin... Je n'ai pas de solution. Je crois qu'il faut procéder à un examen plus approfondi, en compagnie de ces courtiers, pour essayer de les convaincre d'expliquer en quoi consistent leurs processus.
Il a été suggéré de n'avoir qu'un endroit centralisé où les personnes peuvent envoyer un message à ces courtiers de données et faire des recherches à leur sujet dans un seul et même endroit pour voir si leurs noms s'y trouvent. Ensuite, vous avez, en vertu de la LPRPDE, par exemple, le droit de demander à un organisme de vous donner tous les renseignements qu'il a sur vous. Mais vous devez d'abord savoir vers quel organisme vous tourner, quels sont les organismes. Je ne veux pas envoyer 100 000 demandes du genre. S'il y a 100 000 courtiers de données, je veux pouvoir aller à un seul endroit, voir qui ils sont, leur envoyer une demande, voir quelles données ils ont sur moi et, ensuite, peut-être corriger des erreurs éventuelles qui se trouvent dans ces documents.
En plus de ce mécanisme de transparence, il existe peut-être aussi un genre de mécanisme de réglementation analogue qui pourrait être mis en place pour parler à ces organismes et avoir une idée de l'endroit où ils envoient leurs données, de la façon dont ils les utilisent et de la source à laquelle elles sont puisées. C'est un genre de mission d'information qui, selon moi, serait vraiment utile, mais c'est très difficile pour les particuliers d'entreprendre la leur.
C'est un point de départ.