:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie d'avoir invité BlueKai à témoigner à cette audience importante, qui vient à point. Je m'appelle Alan Chapell et je suis conseiller juridique externe et responsable de la protection de la vie privée pour BlueKai Incorporated, une société de données numériques dont le siège social est situé à Cupertino, en Californie.
C'est pour moi un honneur de comparaître devant ce comité. C'est avec grand plaisir que je vais vous décrire les activités de BlueKai et faire part au comité des mesures innovatrices que nous avons mises en place au sein de l'entreprise pour protéger les renseignements personnels.
La mission de BlueKai est de créer la première plateforme d'entreprise complète de marketing axé sur les données avec le plus grand souci possible de protection de la vie privée des consommateurs. Nous offrons une plateforme de gestion des données qui permet aux publicitaires de recueillir, de stocker et d'utiliser des données anonymes sur les préférences des consommateurs. Depuis sa fondation, en 2007, BlueKai s'efforce de mettre en application les idéaux de la protection intégrée de la vie privée dont fait la promotion la commissaire à l'information et à la protection de la vie privée, Ann Cavoukian. Nous reconnaissons l'importance d'intégrer la protection de la vie privée à nos produits et services et favorisons une culture de protection de la vie privée des consommateurs depuis notre premier jour.
La plateforme de BlueKai permet aux entreprises d'utiliser des données pseudonymes ponctuelles en matière de marketing à des fins d'analyse et de publicité comportementale en ligne. Elle permet aux entreprises de créer des publics cibles établis en fonction de leurs propres données et de données tierces afin d'atteindre leurs publics cibles grâce à des réseaux de publicité et à des échanges avec des tiers. Elle aide également les entreprises à déterminer avec précision quel type de campagne mener pour mieux cibler les achats dans les médias et trouver des idées de publicité créatives.
Les données de marketing stockées dans la plateforme de gestion des données sont généralement régies par les politiques de nos clients en matière de protection de la vie privée. BlueKai propose des lignes directrices pour aider ses clients à comprendre les lois et les normes d'autoréglementation qui s'appliquent en matière de protection de la vie privée.
BlueKai offre également un service d'échange de données afin de permettre aux entreprises d'utiliser les données pseudonymes de tierces parties dans leurs campagnes de publicité numériques. Nous prenons des mesures pour veiller à ce que les données de marketing des tierces parties accessibles grâce à l'outil d'échange de BlueKai respectent les lois et les normes d'autoréglementation applicables en matière de protection de la vie privée ou qu'elles soient encore plus rigoureuses.
BlueKai a un représentant au conseil d'administration de la Network Advertising Initiative, une coalition de plus de 95 grandes sociétés de publicité en ligne déterminées à élaborer et à mettre en application des méthodes responsables de protection de la vie privée pour régir les comportements publicitaires en ligne. Nous faisons également partie de la Digital Advertising Alliance, le programme d'autoréglementation de l'industrie sur la publicité comportementale en ligne. Depuis notre création, nous participons activement au mouvement d'autoréglementation de la publicité comportementale en Amérique du Nord, en Europe et dans le reste du monde.
Nous savons qu'il y a un programme similaire qui se prépare au Canada pour favoriser l'autoréglementation de la publicité comportementale. Les exigences en matière de protection de la vie privée qui sous-tendent ce programme sont généralement conformes à la position de principe sur la publicité comportementale en ligne du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Depuis toujours, BlueKai, est un leader de l'autoréglementation de l'industrie. Nous espérons poursuivre nos efforts en ce sens et être l'une des premières entreprises à participer à l'initiative d'autoréglementation canadienne dès qu'elle sera lancée.
J'ajoute enfin que BlueKai participe activement au groupe de travail du Consortium du World Wide Web sur la protection contre le pistage, en vue d'élaborer une norme de non-pistage qui serait intégrée aux navigateurs.
En plus de participer activement aux mesures d'autoréglementation de l'industrie sur la publicité comportementale en ligne, BlueKai a toujours fait preuve de beaucoup d'innovation en matière de protection de la vie privée. J'aimerais présenter deux de ces innovations au comité aujourd'hui.
La première est le registre de BlueKai. BlueKai a été l'une des premières sociétés de marketing numérique à faire véritablement preuve de transparence envers les consommateurs en leur donnant accès à ses données de marketing par le registre BlueKai. Ce registre, qu'on peut consulter à l'adresse BlueKai.com, est gage de transparence pour les consommateurs. Il leur permet de voir quelles préférences sont stockées par les témoins BlueKai sur leur ordinateur.
De plus, les consommateurs peuvent gérer leur profil anonyme en modifiant leurs sujets d'intérêt. Nous croyons fermement que ce degré de transparence envers les consommateurs et ces mécanismes de contrôle contribuent à renforcer la confiance des consommateurs. Nous le constatons dans la pratique; relativement peu de consommateurs qui consultent le registre BlueKai nous demandent de ne plus utiliser leurs données de préférence. Cela nous porte à croire que les consommateurs qui comprennent les façons de faire de BlueKai s'en inquiètent généralement moins.
La deuxième innovation de BlueKai, c'est son outil de protection de l'option de retrait. Il n'est pas évident d'offrir une option de retrait dans un contexte de publicité en ligne parce que les témoins ont deux fonctions. C'est-à-dire qu'ils servent à stocker les données de marketing et à enregistrer l'option de retrait de l'internaute.
Quand les internautes suppriment tous leurs témoins, ils risquent de supprimer en même temps leur option de retrait. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada est d'avis que l'option de retrait convient à la plupart des formes de publicité comportementale en ligne; cependant, il recommande également que cette option demeure toujours accessible. Cette recommandation est conforme aux recommandations des législateurs du monde entier. Pour suivre ces recommandations, BlueKai a créé l'outil de protection de l'option de retrait.
À l'aide d'un code source ouvert, BlueKai a développé un module externe de navigation Firefox conçu pour protéger l'option de retrait de l'internaute, même quand il supprime ses témoins Internet. La Network Advertising Initiative a reçu l'autorisation d'utiliser ce code, de sorte que toutes les entreprises qui en sont membres peuvent elles aussi recourir à la technologie de protection de l'option de retrait. Ce concept a été repris par la Digital Advertising Alliance et a été élargi pour s'appliquer à la plupart des grands navigateurs Web.
Nous sommes fiers de pouvoir dire que notre travail acharné a permis à BlueKai et à d'autres entreprises de publicité comportementale en ligne de protéger les choix des consommateurs en matière de confidentialité. Nous prenons la protection de la vie privée très au sérieux chez BlueKai et sommes heureux d'avoir eu l'occasion de faire part de nos mesures novatrices dans le domaine à ce comité.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Je vais parler surtout des États-Unis. Il est clair que nombre de ces concepts fonctionnent dans d'autres administrations.
La première organisation que j'ai mentionnée est la Network Advertising Initiative. Il s'agit d'une association commerciale de l'industrie qui existe depuis une douzaine d'années. Elle se compose principalement de ce que nous appelons les intermédiaires Internet: les réseaux, les plateformes, les échanges et les agrégateurs de données. Ces organes se trouvent entre les diffuseurs de sites Web et les annonceurs. Ils facilitent ce processus.
Avec ces entreprises, ce qu'il y a toujours eu de difficile est que, puisqu'elles ne contrôlent ni la publicité ni le site Web, elles ne peuvent pas aisément diffuser les normes en matière de protection de la vie privée dans le reste de l'écosystème. Ces normes supposent des avis, de la transparence, une option de retrait et une règle en ce qui touche ce que nous appelons les « données sensibles ».
Lorsque je fais référence à la Digital Advertising Alliance, je fais allusion à ce qui représente plutôt une vaste coalition d'associations de l'industrie, dont la Network Advertising Initiative. Cela dit, elle englobe aussi les diffuseurs en ligne et les agences de publicité numérique.
La Digital Advertising Alliance a pour mandat de veiller à ce que toutes les normes en matière de protection de la vie privée soient harmonisées dans l'écosystème d'une entreprise.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, de votre invitation à comparaître à nouveau à la toute fin de votre étude que nous avons suivie avec intérêt.
[Traduction]
Je suis accompagnée par Chantal Bernier, commissaire adjointe à la protection de la vie privée, qui s'occupe de nos activités courantes, et par Barbara Bucknell, analyste des politiques stratégiques, qui est spécialiste des médias sociaux. J'espère qu'elles m'aideront à répondre à vos questions.
Mesdames et messieurs, j'aimerais commencer par vous donner un aperçu des enjeux en matière de protection de la vie privée.
Au cours des derniers mois, je crois que vous avez entendu un éventail de parties intéressées s'exprimer sur les avantages et les défis pour la protection de la vie privée associés aux médias sociaux. Lorsque j'ai comparu devant vous pour la première fois en mai, j'ai énuméré les quatre aspects qui nous préoccupaient le plus sur le plan de la protection de la vie privée. Ces aspects étaient les suivants: la responsabilité, le consentement valable, la limitation de l'utilisation et la conservation. Il convient de noter que les témoins qui se sont présentés devant vous étaient largement d'accord pour dire que ces enjeux sont mis au défi par les médias sociaux. Toutefois, je crois comprendre qu'ils ne semblaient pas toujours s'accorder sur la pertinence des solutions offertes pour aborder les problèmes.
Il convient également de noter que la protection de la vie privée des jeunes et des enfants a été omniprésente dans la discussion. De nombreuses idées intéressantes ont été proposées relativement à la culture numérique ainsi qu'aux réponses législatives possibles.
Monsieur le président, j'aimerais féliciter le comité d'avoir eu la clairvoyance de mener une étude aussi pertinente.
J'aimerais aujourd'hui me pencher sur les principales observations découlant des témoignages que vous avez entendus.
La plus importante question mise de l'avant tout au long de l'étude concernait la capacité de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) de relever les défis liés à l'évolution de la technologie. La plupart des témoins étaient d'avis que la LPRPDE avait besoin d'être modernisée, tandis que d'autres estimaient que la LPRPDE n'avait pas besoin d'être modifiée, que son modèle d'application de la loi fonctionnait et que sa force résidait dans sa neutralité par rapport à la technologie.
Selon moi, l'émergence de géants Internet menace l'équilibre recherché par l'esprit et la lettre de la LPRPDE. Le quasi-monopole exercé par ces multinationales a rendu inefficace, selon moi, l'approche toute en douceur de LPRPDE, qui repose sur des recommandations non contraignantes et sur une menace de ternir la réputation. Nous avons vu des organisations ignorer nos recommandations jusqu'à ce que la Cour soit saisie de l'affaire, et nous avons vu de grandes entreprises, au nom d'une consultation avec le commissariat, s'engager à mettre en place des mesures répondant à nos préoccupations pour ensuite ignorer nos conseils. Par ailleurs, compte tenu des vastes quantités de renseignements personnels détenus par les organisations sur des plateformes de plus en plus complexes, le risque lié à des atteintes importantes et à des utilisations inattendues, non souhaitées, voire même envahissantes, de ces renseignements exige la mise en place de mesures de sécurité et de conséquences financières adaptées qui ne sont pas actuellement prévues par la LPRPDE.
De nouvelles mesures incitatives, y compris l'apport de changements au modèle d'application de la loi, sont requises pour inciter les organisations à se montrer proactives, à mettre en place des protections qui s'appliquent dès le départ et à veiller au traitement sécuritaire des renseignements personnels des gens. Je suis d'accord avec les témoins qui ont déclaré que la force de LPRPDE est qu'elle est neutre sur le plan technologique et qu'elle est fondée sur des principes. Nous croyons que ces caractéristiques doivent demeurer.
[Français]
Je suis également d'accord, du moins en partie, avec ceux qui ont souligné le succès du commissariat à amener les organisations à respecter davantage la loi. Nous avons utilisé les outils que fournit la loi et nous avons été en mesure de procéder à certains changements, souvent après des efforts ardus. Ces efforts ont coûté cher à la population canadienne et ils sont de moins en moins efficaces contre les puissances multinationales.
On vous a dit que le commissariat ne peut être — et je reprends des mots qui ont été prononcés très souvent dans vos délibérations — le juge, le jury et le bourreau. En réponse à cet argument, j'aimerais attirer votre attention sur la situation de certains de mes homologues internationaux et même provinciaux.
Le commissaire du Royaume-Uni peut imposer des amendes, tout comme peuvent le faire bon nombre des autorités internationales de protection des données qui figurent dans le document que j'ai présenté aujourd'hui. Au Royaume-Uni, mes homologues détiennent plus de pouvoirs en matière d'application de la loi, ce qui n'a pas empêché la mise en place d'une approche de l'ombudsman. Des amendes sont en effet imposées lorsqu'une méthode plus indulgente n'a pas fonctionné. Nos homologues nous disent que les entreprises qui s'engagent dès le départ à adopter de bonnes pratiques pour la protection de la vie privée croient qu'imposer un fardeau financier à celles qui ne le font pas rend la concurrence plus équitable.
Les commissaires du Québec, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique ont le pouvoir de délivrer des ordonnances et de régir le secteur privé. Ils ont également d'autres fonctions, prescrites par la loi, qui leur permettent de jouer de nombreux rôles, soit celui d'éducateur, d'arbitre, d'exécuteur, de défenseurs, etc. J'ai remarqué que les témoins ayant pris la parole devant le présent comité n'avaient que de bons commentaires à faire sur les relations qu'ils avaient eues avec eux. Des témoins ont dit que le modèle canadien faisait l'envie de nombreux pays partout dans le monde.
Ce qu'ils aiment à propos de la loi, c'est qu'elle n'exclut pas de secteurs et qu'elle est non normative. Pourtant, un grand nombre de mes homologues étrangers ont des outils plus puissants en matière d'application de la loi, ou ils en font la demande. C'est donc dire que ce n'est pas notre modèle d'application de la loi qu'ils admirent.
En fait, je suis inquiète de ceci. Si mes homologues continuent d'obtenir plus de pouvoirs, mais que le Canada ne bouge pas, nous prendrons du retard et les consommateurs cesseront d'avoir confiance. Or cette confiance est nécessaire pour que l'économie numérique prospère.
Nous pourrions au moins commencer par établir un avis obligatoire d'atteinte à la protection des données, y compris des conséquences financières dans les cas flagrants. De plus en plus de pays adoptent des lois semblables. Ces mesures renforceraient la responsabilité. De plus, des sanctions, sur le plan financier, inciteraient à une meilleure protection des renseignements personnels de la population canadienne. Ces sanctions seraient souples et devraient s'adapter à la situation afin de ne pas imposer un fardeau excessif aux petites organisations.
[Traduction]
J'aimerais maintenant parler un peu de culture numérique.
L'importance de la culture numérique est un autre sujet clé dont il a été question pendant les audiences. Je crois que le temps est également venu pour les gouvernements, les éducateurs et les collectivités de se concentrer sérieusement sur l'éducation numérique des Canadiennes et Canadiens de tous âges.
Il est impératif de s'intéresser aux questions éthiques et sociales plus vastes qui sont soulevées par les nouvelles technologies de l'information, mais qui ne relèvent pas à proprement parler de lois en matière de protection des données. Les gens doivent comprendre que les renseignements publiés sur Internet peuvent s'y retrouver pour l'éternité et qu'il faut faire très attention à ce que l'on publie à propos de nous et des autres. Cela étant dit, la culture numérique ne dispense pas les entreprises de leurs responsabilités en vertu des lois en matière de protection de la vie privée.
En conclusion, monsieur le président, vu la nature mondiale de l'économie numérique d'aujourd'hui, la loi fédérale du Canada doit être dotée de pouvoirs comparables à ceux des autres gouvernements afin d'avoir le plus grand impact sur la protection de la vie privée et de renforcer la confiance qu'accorde la population canadienne à l'environnement en ligne.
Une loi qui a été créée à une époque où les réseaux sociaux, les téléphones mobiles et les technologies intelligentes n'existaient pas encore ne peut rester inchangée. Les moyens par lesquels les renseignements personnels peuvent être recueillis et utilisés dans cet environnement par de nombreux acteurs font en sorte qu'il devient de plus en plus urgent de mener une étude officielle à propos de l'efficacité de notre cadre de protection de la vie privée. J'encourage fortement le gouvernement à procéder le plus rapidement possible à un examen de la loi, notamment de la LPRPDE.
Merci infiniment encore une fois de m'avoir invitée. Mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir d'essayer de répondre à vos questions.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bienvenue, madame la commissaire. C'est un plaisir de vous revoir ainsi que les collègues qui vous accompagnent. Nous vous savons gré d'être venue.
L'étude a été longue, mais bonne, je pense. Nous avons entendu des commentaires très intéressants et nous avons écouté les témoignages de gens et de représentants d'entreprises très intéressants. Je crois que cela a été très utile et je me réjouis que nous ayons entrepris cette étude.
Comme vous l'avez indiqué dans vos remarques, certains « témoins étaient d'avis que la LPRPDE avait besoin d'être modernisée, tandis que d'autres estimaient que la LPRPDE n'avait pas besoin d'être modifiée, que son modèle d'application de la loi fonctionnait et que sa force résidait dans sa neutralité par rapport à la technologie ». Je lis simplement la transcription des commentaires que vous avez formulés tout à l'heure.
Nous avons entendu les témoignages de beaucoup de personnes concernant les deux côtés de cette question. Ils se sont dits préoccupés que l'on songe à accorder des pouvoirs accrus, notamment les pouvoirs d'exécution et la capacité d'imposer des sanctions, et que cela mine la bonne relation que votre commissariat entretient actuellement avec nombre d'entreprises que vous examinez.
Pouvez-vous répondre à cette préoccupation? Estimez-vous que cela influera sur votre capacité de bien gérer la relation avec ces entreprises? Si vous aviez des pouvoirs d'exécution accrus, en quoi cela influerait-il sur votre relation actuelle avec les entreprises privées? Vous avez affirmé tout à l'heure que certaines personnes vous disent que le commissariat ne peut être le juge, le jury et le bourreau. Comment cela fonctionnerait-il? Où serait le juste équilibre? Y aurait-il des contrôles? À votre avis, est-ce au commissariat d'en décider?
:
Merci, madame la commissaire.
Oui, je pense que cette déclaration est très éloquente.
Si vous avez suivi nos travaux dans les médias, vous vous rappellerez peut-être qu'en 2011, nous avons produit un rapport pour présenter nos conclusions sur Google WiFi. Nous avons constaté que, durant la mise en oeuvre de Street View, Google a, par accident selon ses représentants — et nous n'avons aucune preuve du contraire —, recueilli les renseignements personnels de Canadiens. Nous avons donné une année entière à Google pour qu'elle nous remette une vérification réalisée par un tiers. Nous voulions avoir la garantie que Google appliquait toutes nos recommandations.
L'échéance était le 20 mai. Durant notre réunion au début mai avec les représentants de l'entreprise, nous avons constaté que Google ne semblait même pas envisager de présenter la vérification par un tiers que nous avions clairement exigée dans notre lettre. Les représentants se sont excusés et ont demandé une prolongation. En juillet, ils nous ont envoyé une vérification par un tiers qui répondait, en fait, à une demande de la FTC.
Je pense que ces informations prouvent votre argument.
:
Je dirais à cet égard que oui, nous entendons souvent qu'ils ne veulent que savoir quels sites sont consultés. Mais nos propres travaux sur ce qu'on peut découvrir avec des témoins montrent que le problème, c'est qu'on peut colliger l'information sur tous les sites visités pour établir un profil. Dans certains cas, il est possible de découvrir le nom et l'adresse de la personne de sources publiques et ainsi établir, pour un citoyen ou un consommateur, un profil qui peut être juste ou totalement erroné.
Internet devient de plus en plus perfectionné, et le spécialiste américain Jeffrey Rosen a publié un excellent article à ce sujet il y a environ deux semaines.
La surveillance et la discrimination sur Internet posent un danger et un problème parce que quand on a visité un site, le serveur de publicité peut décider qu'on entre dans une certaine catégorie. Pour l'instant, nous ne pouvons tous avoir une catégorie qui nous est propre, mais disons qu'il s'agit d'une « femme d'âge moyen qui aime jouer au golf et conduire des voitures familiales ». Dans l'exemple américain, comme c'était des sites politiques qui avaient été visités, le message pourrait indiquer « votez ceci, pensez cela ». On peut faire mouche ou rater la cible.
Le fait que cette pratique déterminera l'information ou les publicités qui vous seront présentées et parfois, le classement dans les moteurs de recherche — mais je n'en suis pas certaine — signifie que l'expérience et l'étendue des connaissances que l'on a sur Internet seront limitées. Elles dépendront d'un profil qui peut être juste, erroné ou approximatif que des algorithmes vous attribuent.
On craint donc que certains soient classés dans des catégories artificielles et ne voient que les renseignements jugés appropriés pour cette dernière.
:
Merci, Nous sommes heureux de vous revoir.
Notre premier témoin a tenu des propos intéressants, parlant de l'autoréglementation et de certains des acteurs qui oeuvrent au sein de l'industrie. Ils ont des normes, alors que d'autres n'en ont pas. Il a fait remarquer que l'autoréglementation fonctionne à merveille dans la mesure où on met en oeuvre un mécanisme d'application.
J'ai parfois l'impression que mes collègues du côté opposé considère que l'autoréglementation constitue une panacée. Si c'était le cas, la Somalie serait un centre de l'innovation internationale; or, elle ne l'est pas, parce qu'elle ne dispose pas de mécanisme d'application pour déterminer ce qui est une bonne ou une mauvaise activité.
En ce qui nous concerne, le mécanisme repose sur l'avis d'atteinte à la protection des données. C'est un des facteurs clés, selon moi. Si on accède à mes renseignements personnels, ce n'est pas pour connaître les sites que je visite, mes intérêts ou le terrain de golf que je fréquente, mais parce que j'utilise ma carte de crédit pour effectuer des achats. Si certains ont accès à ces renseignements, ma sécurité est menacée.
On trouve des termes intéressant dans la version reformulée que prépare le gouvernement. On parle de « risque réel », et non perçu, « de préjudice grave ». Si j'étais avocat de société, je dirais de ne révéler à personne qu'il y a eu atteinte à la protection des données. Qu'entend-on par risque important? Personne ne va venir vous tuer.
Il semble que le gouvernement fixe la barre si haute que les entreprises pourront se défiler et ne pas déclarer les atteintes à la protection des données, même s'il s'agit d'information sur les cartes de crédit ou de renseignements personnels, dont les cyberpirates sont friands. Devrait-on préciser le moment auquel une entreprise est tenue de révéler que des pirates informatiques ont mis la main sur des données personnelles?
:
Merci de me poser la question.
Je ne me suis pas penchée sur le montant des amendes à imposer en cas d'atteinte à la protection des données, une infraction différente du simple fait de ne pas obéir à la loi sur le consentement lors de la communication de renseignements personnels.
Quand j'ai traité des amendes aux États-Unis, j'ai fait remarquer que le montant dépend du fait qu'en général, on respecte ou pas la loi, qu'on est en présence d'une atteinte à la protection des données et du fait que cette atteinte est attribuable à un manque d'investissement dans la sécurité. C'est une situation que nous avons vue à maintes reprises.
Selon moi, Industrie Canada, qui a élaboré la mesure législative, est le mieux placé pour examiner ce qui constituerait une amende adéquate. Tout ce que je veux faire remarquer — et je ne suis pas venue préparée pour en parler, mais la question a été abordée —, c'est qu'il faut imposer une sanction appropriée. Je ne saurais dire de quel ordre elle serait, mais je ne crois pas que nous devrions aller de l'avant avec cette partie du projet de loi à cet égard, si ce dernier accuse un tel retard par rapport aux normes internationales.
Je n'ai que quelques remarques à formuler, ayant eu l'occasion de parler à diverses entreprises qui s'intéressent à la question.
L'un des aspects qui me préoccupent quand on fixe la barre relativement haut — et je crois que vous avez énuméré une liste en disant que chaque entreprise devrait disposer d'employés de divers niveaux pour protéger adéquatement les données —, c'est s'il ne faut pas craindre ensuite de commencer à faire des gagnants et des perdants. Peut-être que les grandes entreprises, qui disposent déjà de ce mécanisme, peuvent l'élargir. Les petites entreprises sauront alors qu'elles doivent respecter toutes les dispositions de la loi sur la protection des renseignements personnels.
C'est donc ce qui me préoccupe, quand les petites entreprises entrent en jeu. C'est quelque chose qu'on nous dit d'emblée: si on applique immédiatement des règles trop strictes, seules les entreprises assez costaudes pour supporter le fardeau qui leur est imposé réussiront à les respecter. Ce n'est pas ainsi qu'on favorise l'innovation.
Quand vous examinerez certaines de vos propositions — comme vous le ferez certainement, quand on pense à l'objet de notre étude —, je me demande si vous pourriez le faire en tenant compte de ce fait particulier, car nous voulons nous assurer de ne pas étouffer l'innovation. Voilà mes premières impressions et observations à ce sujet.
Nous avons également tenté de parler avec les personnes qui ont comparu du fait que ce n'est pas donné. Quand il est question d'utiliser le BlackBerry pour accomplir toutes sortes de fonctions, on se retrouve tout à coup libre de faire tout ce qu'on veut, protégé de soi-même, en fonction de certaines de ses activités. J'examine la question sous cet angle.
Si on entre dans un commerce et qu'on commence à lire une revue sur place, viendra un moment où il faudra la payer; il faut reconnaître que cela s'inscrit dans nos pratiques. C'est un fait que peu d'organismes de réglementation reconnaissent vraiment. Mais quand on demande aux entreprises comment elles font de l'argent et ce qu'elles font, on comprend un peu mieux ce qu'il en est.
S'il me reste quelques secondes, j'aimerais terminer en parlant du droit à l'oubli. Parmi les analogies que nous avons entendues figure celle de la personne qui verse un verre d'eau dans une rivière et, quand l'eau s'est écoulée, voudrait ravoir son verre d'eau alors que l'eau a descendu le cours de la rivière pour se perdre dans l'océan.
Il y a divers avis à ce sujet. Je me demande si vous pourriez réagir à certains de mes propos dans le temps qu'il me reste.
Je dirais alors très brièvement que tout d'abord, nous avons toujours essayé d'adapter la loi aux petites et moyennes entreprises. Certains des exemples que j'ai donnés concernent les sociétés de très grande envergure et non les petites et moyennes entreprises.
Pour ce qui est ensuite d'étouffer l'innovation, je ne considère pas que cette dernière a toujours un lien direct avec la protection de la vie privée. Elle est, selon moi, principalement encouragée par la formation de capital, le capital entrepreneurial, qui est gratuit, et les niveaux d'instruction ou de connaissances techniques.
De plus, le commissariat n'a rien contre le fait que les gens vendent leurs renseignements personnels pour obtenir des services gratuits. Nous n'avons jamais rien dit de pareil. Nous n'avons aucun problème à l'égard du modèle Internet. Nous voulons simplement que la loi que le Parlement a adoptée en 1999 soit appliquée correctement: les gens doivent donner leur consentement, et comprendre ce qu'ils vendent et l'usage qui en sera fait.
Pour ce qui est enfin du droit à l'oubli, je considère qu'il s'agit d'un concept important. Nous devons examiner sérieusement la manière et les moyens de l'appliquer. Le Parlement a eu la sagesse de dire qu'en vertu de la LPRPDE, les gens ont le droit de faire disparaître leurs renseignements personnels; en un certain sens, nous disposons déjà d'un mécanisme. Nous avons toutefois de gros problèmes avec certaines entreprises qui n'ont prévu aucun mécanisme pour effacer les renseignements des jeunes.
:
Merci, monsieur le président.
Madame la commissaire, mesdames, je vous remercie d'être ici avec nous.
Comme le disait ma collègue, il est intéressant de vous recevoir au début du processus et à la fin. Je prendrai quelques secondes pour dire que cette étude, grâce à ma collègue, a un peu été une révélation pour moi. Cela m'a ouvert les yeux sur le fait qu'on est beaucoup plus suivis qu'on ne le pense sur Internet et les médias sociaux. J'ignorais à quel point on était suivis et observés.
J'ai l'impression que c'est le cas pour beaucoup de mes concitoyens qui, rapidement, acceptent les conditions et, par la suite, vont naviguer et se promener sur les sites. Ils ne réalisent pas la machine qui existe, que ce soit les browsers les Google, les médias sociaux ou que ce soit ces data brokers dont j'ignorais même l'existence il n'y a pas si longtemps. Ils recueillent un foule d'informations sur nous, nos habitudes, nos choix, nos préférences, les lieux qu'on fréquente, nos achats, nos idées. Par la suite, ils vont regrouper tout cela, feront des ensembles et, souvent, vendront ces informations. Je pense que dans ce que vous nous avez dit, le rôle d'éducateur — que vous devriez jouer davantage — est à mon sens aussi important que celui de pouvoir imposer des amendes ou des pénalités.
J'aimerais que vous me parliez de votre perception de la connaissance numérique ou de la littératie numérique chez nos concitoyens canadiens. Les gens savent-ils qu'ils sont aussi suivis que ça?