:
Merci, monsieur le président. Merci de m'avoir invitée à témoigner concernant le travail du Bureau du commissaire à l'intégrité de l'Ontario et de la Loi sur l'intégrité des députés.
J'aimerais vous donner un aperçu des principales caractéristiques de la loi ontarienne et des activités de notre bureau. Je vais aussi formuler de brefs commentaires sur quelques-unes des questions que le comité examinera dans le cadre de son étude de la Loi sur les conflits d'intérêts, mais je n'entrerai pas trop dans les détails. Je crois que je peux vous être le plus utile en répondant aux questions et en vous faisant part de l'expérience de l'Ontario concernant les sujets d'intérêts.
D'abord, un peu d'histoire. L'Ontario a été la première province à promulguer une loi sur les conflits d'intérêts, en 1988. Cette loi prévoyait la nomination d'un commissaire, un agent indépendant de l'Assemblée législative de l'Ontario. Ce choix fut important. Les élus de l'Ontario bénéficient d'un conseiller indépendant sur les questions de conflits d'intérêts et d'éthique depuis près de 25 ans. J'ai l'honneur de travailler au bureau depuis sa création en 1988, et même si cela n'est pas arrivé du jour au lendemain, j'ai été témoin de la façon dont les élus en sont venus à faire confiance au bureau et à s'y fier.
Dès le départ, le bureau avait pour principaux objectifs d'aider les élus à comprendre les règles ainsi qu'à bien examiner les allégations de transgression. Nous nous sommes aussi attachés à faire en sorte que les élus connaissent mieux les règles pour qu'ils soient plus en mesure de cerner et d'éviter les conflits d'intérêts potentiels. Nous le faisons dans le cadre de nos autres mandats, qui consistent notamment à prodiguer des conseils en matière d'éthique au personnel ministériel ainsi qu'à gérer l'enregistrement des lobbyistes provinciaux.
Notre bureau est un chef de file indépendant en matière d'éthique qui sert l'intérêt du public en favorisant l'application de normes élevées en matière d'éthique pour accroître la confiance envers le gouvernement de l'Ontario.
Il y a beaucoup de similarités entre la Loi sur les conflits d'intérêts du gouvernement fédéral et la Loi sur l'intégrité des députés. Les règles qui régissent les conflits d'intérêts sont semblables, et nous exigeons également des élus qu'ils fassent état de leurs intérêts financiers. Il existe, par contre, un certain nombre de différences entre les deux, et j'aimerais en souligner quelques-unes.
Je tiens à dire clairement que, même si je crois que notre système fonctionne bien, mon but aujourd'hui est simplement de vous donner des renseignements sur notre façon de faire en Ontario, pas nécessairement de militer en faveur du même système pour le fédéral.
Je sais qu'un autre témoin, Ian Greene, professeur à l'Université York, a parlé de la question de la rencontre annuelle des élus avec le commissaire. L'Ontario est l'une des administrations qui l'exigent. Je rencontre des élus tous les ans pour discuter de leurs intérêts financiers. Cependant, ces discussions ne portent pas seulement sur les finances. Elles visent à tisser des liens entre notre bureau et les élus, et à faire en sorte qu'ils sachent que nous sommes là pour les conseiller concernant les questions d'éthique susceptibles de se poser dans le cadre de leur travail.
En règle générale, les réunions durent entre 30 et 60 minutes, et les députés y assistent habituellement sans leur personnel. Au cours des réunions, nous sommes capables de discuter franchement et en profondeur de bien des questions: les politiques sur l'acceptation des cadeaux, la commandite de barbecues estivaux, les lettres de soutien, l'utilisation appropriée des ressources du bureau — toute question qu'un député provincial est susceptible d'avoir. Nos discussions et tout conseil qui pourrait en découler sont confidentiels.
Les réunions m'aident aussi à comprendre la réalité de la vie politique de ces députés, et elles me donnent une excellente occasion de sensibiliser nos élus, ce qui représente une partie importante de notre démarche.
Je crois sincèrement que ce dialogue est la pierre angulaire de la réussite de la Loi sur l'intégrité des députés en Ontario.
Je crois aussi que ces réunions annuelles encouragent les députés provinciaux à demander mon avis sur leurs obligations au titre de la loi pendant l'année.
Lorsque je prodigue des conseils aux députés, je respecte leur confidentialité, et nous cherchons toujours à favoriser un environnement dans lequel aucune question n'est jugée sans importance. Nous travaillons d'arrache-pied pour offrir des conseils francs en temps opportun, et si le député nous communique tous les faits, il peut s'en remettre à notre opinion pour les défendre. Même s'il faut plus de temps pour répondre à certaines questions, nous formulons régulièrement une opinion dans les 24 heures, ce que les députés apprécient compte tenu de leur emploi du temps chargé.
J'ai remarqué que les élus ne sont pas toujours automatiquement au courant des chevauchements potentiels entre leur vie privée et leur vie publique avant de devenir député et une fois en poste. Il est réellement besoin d'un conseiller neutre et indépendant pour les aider à rester sur le droit chemin.
Les opinions confidentielles que nous formulons et nos réunions annuelles nous donnent amplement l'occasion d'aider les députés à être à la hauteur de ces attentes. Nous ne visons pas à faire en sorte que les député aient toutes les réponses, mais plutôt à ce qu'ils sachent quand poser les questions.
Nous répondons aussi aux demandes de leur personnel, en particulier au personnel de circonscription, qui doit répondre à de nombreuses demandes d'aide et d'intervention auprès des députés et qui a besoin de savoir ce que sont les activités appropriées. Je crois que cela a habitué les députés provinciaux de l'Ontario à être à l'affût des questions qui méritent d'être examinées de plus près. Selon moi, et selon les commissaires précédents, le nombre élevé de demandes que nous recevons chaque année, habituellement bien plus de 300 dans une année non électorale, a pour effet direct de réduire le nombre de plaintes officielles qu'un député provincial dépose sous le régime de la Loi à l'encontre des actes d'un autre député provincial.
Comme je l'ai mentionné, je crois que notre système fonctionne parce qu'il permet aux députés de poser n'importe quelle question et d'obtenir des conseils francs en retour. Nous nous attachons aussi à la formation et à l'éducation, en particulier après les élections, pour faire en sorte que les nouveaux députés et leur personnel connaissent les règles et notre bureau, et pour offrir une mise à jour aux députés réélus. À mon sens, l'éducation est primordiale pour aider les députés à respecter les règles.
J'ai examiné les recommandations que la commissaire Dawson a faites à ce comité concernant la Loi sur les conflits d'intérêts. Même si je n'estime pas qu'il me revienne d'en parler en détail, je crois qu'elles sont très complètes et qu'elles sont clairement fondées sur le mandat du Bureau du commissaire aux conflits d'intérêts.
Lorsque j'ai examiné les principaux thèmes dans le rapport de la commissaire Dawson, je remarqué deux points dont j'ai estimé pouvoir parler. Le premier est celui de traiter les informations erronées qui se retrouvent dans le domaine public. Bien que la commissaire Dawson mentionne précisément une enquête, je crois qu'il est important pour un commissaire d'avoir le pouvoir discrétionnaire de rectifier ce type d'informations. En fait, lorsque la Loi sur l'intégrité des députés de l'Ontario a été modifiée en 2010, notre bureau a demandé précisément à ce que ce changement y soit apporté. À l'origine, en vertu de la loi, je ne pouvais publier une opinion qu'avec le consentement d'un député. Cela allait en général, mais nous avons eu quelques situations où un député n'a publié qu'une partie de l'opinion, ce qui, selon nous, ne donnait pas tout le contexte. Nous avons réussi à faire en sorte que l'on modifie la Loi pour que la commissaire ait le pouvoir discrétionnaire de publier l'opinion intégrale si une situation semblable se reproduit. Il est important de corriger les informations erronées en pouvant parler de ses activités tant pour la commissaire que pour les élus.
Une autre des priorités de la commissaire Dawson était d'harmoniser la Loi et le code des députés. Cela me semble très sensé, et je vous encourage vivement à en tenir compte. À titre de commissaire à l'intégrité, j'ai divers mandats dans des domaines de compétence qui se chevauchent et dans lesquels des parties interagissent, comme les élus et les lobbyistes. Des définitions claires, identiques ou du moins une terminologie semblable dans les deux lois me facilitent beaucoup la tâche. Les cas où la terminologie diffère ne font que créer de la confusion pour les personnes visées par les lois et règles. C'est une recommandation qui a simplement du bon sens. Il sera plus facile pour les élus de respecter les règles si elles sont bien claires.
C'étaient là les principaux arguments que je voulais faire valoir aujourd'hui. J'espère que mes commentaires vous ont été utiles, et je serai heureuse de répondre à vos questions.
Merci à tous de m'avoir invité à prendre part à vos délibérations.
Partout au pays, l'on procède à l'examen des lois sur les conflits d'intérêts. Nous en avons un en cours en Colombie-Britannique, il y en a un autre en Alberta, et nous en faisons autant dans la capitale nationale. Il est intéressant de comparer nos expériences et aussi, dans une certaine mesure, de les évaluer en fonction de ce qui se fait à l'échelle internationale.
Si nous retournons très loin en arrière, nous nous interrogeons. Pourquoi avons-nous besoin de ce type de loi, et pourquoi avons-nous besoin de ces types de personnes pour la gérer?
J'ai lu l'autre jour une citation de James Madison, qui a été l'un des rédacteurs de la Constitution américaine. Voilà ce qu'il avait à dire il y a 200 ans:
La nécessité de mesures de contrôle [c.-à-d. des lois sur les conflits d'intérêts] des abus du gouvernement est peut-être le reflet de la nature humaine. Un gouvernement n'est-il pas, en soit, le reflet le plus parfait de la nature humaine? Si les hommes étaient des anges, point ne serait besoin de gouvernement. Si des anges gouvernaient les hommes, ni contrôles internes ni contrôles externes du gouvernement ne seraient nécessaires. Quelle est la difficulté majeure de l'encadrement d'un gouvernement d'hommes par des hommes? Devoir d'abord permettre au gouvernement de contrôler les gouvernés, puis le contraindre à s'autocontrôler. La dépendance du gouvernement par rapport au peuple est, nul doute, le contrôle de base du gouvernement. Riche d'expérience, l'humanité a toutefois mesuré l'utilité de précautions auxiliaires.
Ces mots, magnifiquement formulés par lui, nous guident vers l'équipe auxiliaire que vous avez ici, en partie, aujourd'hui.
Mme Morrison et moi-même avons eu l'occasion de lire les comptes rendus des éminentes personnes qui ont témoigné devant vous et de vous écouter les interroger, alors nous avons tous les deux convenu que puisque vous êtes à la fin du processus — ou peut-être, comme certains le diraient, vous n'êtes pas plus près de la fin, mais plus loin du commencement —, nous avons pensé qu'il serait plus utile que nous passions moins de temps à vous parler de nous de façon didactique.
Cela étant dit, j'aimerais mentionner, toutefois, que pour James Madison et les Américains, l'expérience de la gestion des conflits d'intérêts a été bien différente de la nôtre au Canada. Les Américains ont choisi de créer très tôt des commissions chargées de gérer les conflits d'intérêts, qui consistent habituellement en 6 à 12 membres dans chaque État. Ces commissions ont la réputation d'être partisanes et éprouvantes. Il s'agit, Dieu nous garde, de commissions qui sont utilisées en partie à des fins politiques.
Une citation d'un citoyen ayant été confronté aux conclusions de l'une des commissions nous donne une idée de la façon dont le public réagit parfois à celles-ci. Il a dit, concernant le président de la commission, qui n'était pas un de ses amis en politique, qu'il avait un sourire qui ressemblait beaucoup au reflet d'un soleil hivernal sur les poignées de cuivre d'un cercueil. Par contre, il a dit, à propos de l'un de ses collègues en politique, qu'il peut lui faire entièrement confiance, et qu'il était entièrement disposé, si on le lui demandait, à jouer au poker avec lui au téléphone. Vous pouvez voir qu'aux États-Unis, les activités de ces commissions sont hautement politisées.
Le système canadien est unique. Les commissaires provinciaux, territoriaux et fédéraux gèrent les questions d'éthique au sein des diverses administrations. À mon avis, nos réussites ainsi que les lois qui sont entrées en vigueur et qui ont été modifiées, ou le seront éventuellement, pour refléter ces réussites, sont en grande partie attribuables à ce modèle unique que nous avons choisi. Bon nombre de vos témoins l'ont dit, ce modèle permet non seulement au public, mais également aux intervenants — comme les gens autour de cette table — de comprendre ce que nous faisons, eux qui s'attendent à ce que les commissaires aient les deux pieds sur terre, aient une compréhension générale du processus politique, comprennent que nous sommes tous humains et enfin, soient là pour veiller à ce que personne ne se retrouve dans une situation fâcheuse.
À mon avis, la façon dont vous nous percevez et dont vous percevez notre travail est importante, puisque nous misons sur la confiance qui s'est bâtie grâces aux rencontres et aux discussions avec les députés. Comme l'a dit le juge Frankfurter il y a de nombreuses années au sujet du processus de divulgation, la transparence est le meilleur remède. En d'autres termes, nous avons tous déployé des efforts, à divers niveaux, afin de veiller à ce que le processus fonctionne.
J'aimerais vous expliquer le contexte de la Colombie-Britannique. Notre loi a été adoptée quelques années après celle de l'Ontario, et s'en est grandement inspirée. Il y a toutefois certaines différences entre les dispositions législatives de la loi ontarienne et celles contenues dans la loi et le code du gouvernement fédéral.
En Colombie-Britannique, nous n'avons qu'une seule loi, et non une loi et un code. Je tiens toutefois à préciser que la loi comprend les mêmes garanties et interdictions que le code. Toutefois, à la différence de l'Ontario et du Canada, nous nous référons à un seul document.
Notre commissaire n'a pas le pouvoir de lancer une enquête. Notre processus est fondé sur les plaintes. Toutefois, contrairement à l'Ontario et au Canada, la Colombie-Britannique fait partie des rares administrations dont le processus est ouvert au public, comme l'Alberta et le Nouveau-Brunswick. Le public a donc son mot à dire et peut déposer une plainte ou demander des opinions. Je suis certain que nous en traiterons plus longuement au cours de la discussion qui suivra, monsieur le président.
Il y a également une autre différence en Colombie-Britannique: les ministres ne sont pas tenus de se désinvestir, bien que nombre d'entre eux le fassent. Nous avons recours à des accords sans droit de regard de même qu'à des ententes relatives à la sélection. Notre loi vise les 85 députés. Elle compte certaines dispositions spéciales sur les membres du cabinet, mais la loi en soi et les exigences en matière de rapport s'appliquent à tous.
En Colombie-Britannique, vous n'êtes pas tenus de divulguer la valeur de vos biens ou de vos obligations. Du point de vue de l'intérêt public, nous ne nous soucions pas de la valeur nette de vos avoirs ou, en d'autres termes, nous ne croyons pas qu'il soit approprié de vous demander de la divulguer à tout le monde. À notre avis, il suffit de savoir la nature de vos investissements, et non leurs montants ou le montant de vos dettes.
Nous avons une disposition sur les conflits d'intérêts apparents, un sujet qui a pris beaucoup de votre temps dernièrement. Nous ne pouvons pas surveiller les députés après qu'ils ont quitté leurs fonctions, dans l'après-mandat, et nous n'avons pas la compétence pour le faire. Nous n'avons aucun pouvoir de discipline.
Le commissaire peut recommander des sanctions à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, après avoir tranché une question. Le commissaire ne peut prendre l'initiative d'imposer une amende ou une sanction. Seule l'Assemblée législative peut le faire, et elle peut choisir d'ignorer les recommandations du commissaire. Si toutefois les recommandations du commissaire sont acceptées, une sanction est imposée. L'Assemblée législative ne peut imposer une peine qui n'a pas été recommandée par le commissaire; elle doit donc ignorer les recommandations ou les appliquer.
Monsieur le président, voilà, en des termes généraux, certaines des différences entre la loi exécutée par la commissaire Morrison et la loi que j'exécute. Je réserve mes autres commentaires à la période de questions.
Merci de m'avoir entendu.
:
Je crois que des rencontres de ce genre pourraient être très utiles. J'aimerais savoir s'il s'agit d'une conversation à sens unique, pour expliquer les règles aux députés, ou si ces rencontres sont une occasion de connaître les réalités politiques.
Je ne sais pas si on a déjà dit à un député en quoi consistait son travail. Nous pensions tous pouvoir élaborer des politiques. Lorsque j'ai été élu dans la grande circonscription de Timmins—Baie James, j'ai compris que j'étais soudainement devenu propriétaire de magasin. J'avais trois boutiques, un budget, et on me demandait de participer à des réunions. Les gens voulaient m'inviter à dîner. Est-ce qu'ils tentaient de m'acheter, ou simplement de m'expliquer l'industrie? On reçoit aussi des demandes de publicité.
Nous sommes tous sur le terrain, et nous commettons des erreurs alors que nous tentons d'user de notre jugement au quotidien. Or, nous devons faire certaines tâches... vous savez, c'est un travail compliqué; nous nous salissons un peu les mains. Nous travaillons dans les collectivités, nous gérons un budget, et nous devons prendre des décisions.
Est-ce que vos rencontres avec les députés provinciaux changent votre perception quant à ce qui est approprié ou non, en fonction de ce qui se passe sur le terrain? Ou est-ce que vous leur enseignez un ensemble de règles strictes?
:
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous.
J'ai deux questions portant sur vos propres lois et règlements, et sur votre façon de les appliquer. L'autre jour, nous avons accueilli deux témoins qui sont venus nous parler de la Loi sur le lobbying, du code et de la Loi sur les conflits d’intérêts. Or, il m'a semblé que les gens étaient ressortis de la séance plus embrouillés qu'autre chose. Je crois qu'il est primordial que nous soyons en mesure, en tant que députés, de bien faire la part des choses.
Commissaire Fraser, vous avez affirmé, avec un clin d'oeil au monde agricole, que nous ne voulions pas que les députés avancent à l'aveuglette et, de toute évidence, nous ne souhaitons pas cela non plus. Je crois qu'il nous faut arriver à comprendre exactement les règles de base pour ce qu'elles sont, et à les arrimer de manière à ce que tous comprennent de quoi elles retournent.
Commissaire Morrison, vous avez évoqué la possibilité d'une rencontre annuelle avec les députés provinciaux, et j'avoue que ce concept me plaît. Je crois que ce serait une occasion formidable pour les nouveaux venus d'acquérir des notions de base et, pour vous, de faire connaissance avec ces nouveaux et de vous faire une idée de ceux avec qui vous aurez à travailler.
Mais j'aimerais que l'on parle de ces choses, vous avez parlé de cadeaux, de barbecues... Certaines des normes, et vous avez pu voir quelques recommandations à cet égard dans notre loi... Je me demandais si vous pouviez parler de certains des paramètres que vous avez cernés — en Ontario, et peut-être aussi avec le commissaire Fraser, en Colombie-Britannique —, qui fixent des chiffres précis. Par exemple, que pensez-vous de la possibilité de faire passer la valeur des cadeaux de 200 à 30 $? Allons-nous dans la bonne direction? Sommes-nous allés assez loin? Pouvez-vous nous entretenir brièvement à ce sujet?
:
En droit, il y a une expression latine — une expression à bon marché —, que l'on appelle
de minimis. Cela signifie que la loi ne s'occupe pas des causes insignifiantes. C'est pour cela que les juges de ce pays ne se préoccupent pas des détails lorsqu'ils estiment qu'il serait improductif ou inutile de le faire.
Je suis d'accord avec la commissaire Morrison, et j'ai la même impression que la commissaire Dawson lorsqu'elle affirme que les articles portant sur les cadeaux sont mal compris.
Cela dit, nous savons pertinemment que l'exception englobant la coutume, le protocole et les obligations sociales est particulière à l'Ontario. En Colombie-Britannique, nous disons qu'il y a exception lorsque les avantages ont été « reçus par le député ou le membre du Conseil exécutif dans le cadre normal du protocole ou des obligations sociales de ses fonctions ».
À vrai dire, je crains que nombre de députés ne se donnent même pas la peine de rapporter leurs cadeaux si la limite est abaissée à 30 $, même si, sur le plan logique, une telle baisse est défendable, comme l'a souligné la commissaire Dawson. Cela semble tout simplement insuffisant. Et par rapport au monde réel et aux cadeaux que les personnes reçoivent et qui correspondent aux définitions consignées dans les lois, je ne pense pas que 30 $ soit suffisant. Je crois qu'un montant de 250 ou 200 $, comme c'est le cas pour certaines administrations, est plus réaliste et correspond mieux à ce qu'un repas au restaurant pourrait coûter. Et pour dire vrai, si la limite est plus réaliste et mieux appropriée, il y a plus de chances pour que la mesure soit observée. C'est ce que mon expérience m'a appris.
:
La loi de la Colombie-Britannique inclut une définition des conflits d'intérêts — il s'agit en fait d'un paragraphe distinct — et le libellé est calqué sur la définition que le juge de la Commission Stevens en avait donnée dans le cadre de l'enquête Stevens. Le juge précisait ce qu'étaient les conflits d'intérêts directs et les conflits d'intérêts apparents. La formulation qui se trouve dans le rapport rédigé par ce commissaire a pour ainsi dire été importée telle quelle dans notre loi.
Étant donné que certaines lois d'un peu partout au pays ont des mesures relatives aux conflits d'intérêts apparents et dans la mesure où, je dois le reconnaître, le public réagit beaucoup en fonction de ses impressions lorsqu'il s'agit de conflits d'intérêts — pour lui, la moindre fumée signifie qu'il y a un incendie —, et qu'il ne s'en repent pas, je crois qu'il est désormais essentiel que nos lois aient des dispositions à cet égard.
J'estime que nous ne pouvons pas faire marche arrière à ce sujet. Selon moi, le public est vendu à la notion des conflits d'intérêts apparents. Il croit désormais qu'un simple soupçon, voire l'ombre d'un conflit d'intérêts, justifie la tenue d'une enquête.
Or, il importe de veiller à ce que la définition qui en sera donnée à cet article soit très objective. Une perception peut être très subjective, mais le processus par lequel elle mûrira dans l'esprit de quelqu'un jusqu'à devenir la constatation qu'il y avait bel et bien apparence de conflit d'intérêts doit, en l'occurrence, être encadré par ce qui suit:
Aux fins de la présente loi, un député est en conflit d'intérêts apparent s'il existe une impression raisonnable, chez une personne raisonnablement bien informée, que la capacité du député à exercer un pouvoir officiel ou à assumer une fonction officielle a probablement été [et non a pu être] compromise par son intérêt privé. [Traduction]
Avec un libellé aussi permissif, il est facile de comprendre qu'une simple impression sera loin d'être suffisante pour conclure qu'il y a eu conflit d'intérêts, mais le fait qu'il y ait apparence de conflit d'intérêts sera suffisant pour que l'affaire nous soit soumise. Un conflit d'intérêts clair et net signifie parfois qu'il vous faudra une photo de l'argent passant d'une main à l'autre. C'est ce que suggère le libellé de cet article, et c'est comme cela que cet article fonctionne.
Le problème reste entier. Je crois que vous avez pu entendre un certain nombre d'observateurs chevronnés se prononcer à ce sujet, et ils sont tous d'accord avec Oliphant dans le débat consistant à établir si les conflits d'intérêts et les conflits d'intérêts apparents devraient oui ou non être inclus dans la loi.
Cependant, si vous me le permettez, j'aimerais vous lire le point de vue contraire, qui a été formulé en 2001 par le juge en chef Evans, premier commissaire de l'Ontario. Voici ce qu'il a dit au sujet de cet enjeu d'intérêt général:
La preuve d'une violation de la Loi sur l'intégrité des députés ou d'une complicité dans une violation de cette loi doit reposer sur des faits plutôt que sur une conjecture, un soupçon ou une affinité découlant de liens d'amitié, d'intérêts communs ou d'une appartenance politique. La réputation d'une personne est importante, peu importe sa situation. La remise en question de cette réputation doit par conséquent s'appuyer sur une preuve apte à soutenir l'intention. La norme d'impression de moralité qui, comme certains l'ont suggéré, devrait servir de test pour les politiciens exigerait d'un législateur qu'il s'abstînt de se conduire d'une façon qui pourrait sembler répréhensible aux yeux d'une personne raisonnable, non partisane et bien informée. Le problème avec une telle « norme d'apparence » est qu'il y a très peu de personnes raisonnables, non partisanes et bien informées, sinon aucune. L'impression que l'un a de la conduite de l'autre découle d'une évaluation purement subjective qu'influencent de nombreux facteurs, y compris les intérêts propres de la personne qui évalue. Ce n'est pas le critère approprié pour juger de la conduite d'un législateur. [Traduction]
C'est ce que disait le juge en chef Evans, en 2001.
Je présume, et Lynn me le pardonnera, car c'était son mentor, que si le juge en chef Evans était là aujourd'hui — et j'aurais bien aimé qu'il le soit —, il aurait probablement convenu que nous avons bel et bien atteint un point de non-retour, compte tenu de la transparence que notre presse moderne a permise à l'égard de cette question, du battage médiatique entourant les décisions prises par les commissaires et ainsi de suite. Je crois que c'est ce qu'ont vraiment voulu vous dire les divers professeurs qui se sont adressés à vous. Si nous voulons, au terme de nos travaux, arriver à faire fonctionner ce genre de loi, si nous voulons que la loi fonctionne, nous n'avons pas à convertir le public, mais bien à le mobiliser. Cette mobilisation sera selon moi plus solide si nous incluons à même la loi une disposition sur l'apparence de conflits d'intérêts.
Je ne suis pas du tout en désaccord avec la commissaire Dawson lorsqu'elle affirme que sa loi contient déjà des dispositions qui équivalent à cela. Je crois cependant qu'il serait mieux que cela soit énoncé explicitement, et pas seulement aux fins de relations publiques, mais bien aussi pour protéger l'intégrité de notre législation moderne.