:
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je prie le comité de m'excuser de n'avoir pu donner suite à son invitation précédente. J'ai malheureusement été malade, mais je vais vous faire grâce des détails.
[Français]
Aujourd'hui, mon témoignage sera en anglais. J'essaierai de répondre à vos questions en anglais ainsi qu'en français.
[Traduction]
Mon témoignage d'aujourd'hui va s'articuler autour de trois recommandations principales. Premièrement, il faut modifier la Loi sur les conflits d'intérêts afin de codifier certaines dispositions des lignes directrices exposées dans le document Un gouvernement responsable: Guide du ministre et du ministre d'État. Deuxièmement, il convient de changer les sanctions que peut imposer la commissaire aux conflits d'intérêts. Troisièmement, il faut établir clairement les délais impartis pour se conformer aux différentes dispositions de la loi et faire connaître publiquement les noms des titulaires de charge publique qui n'ont pas respecté ces délais.
Avant d'aborder ces aspects, j'aimerais vous donner un aperçu du bagage d'expérience qui me permet de témoigner devant vous aujourd'hui dans le cadre de votre examen de la Loi sur les conflits d'intérêts. Comme le président du comité vient de vous le dire, je suis professeur à la section common law de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Je suis membre du groupe du droit public de notre faculté et mes recherches portent principalement sur deux domaines: le droit public et le gouvernement; et l'éthique dans la profession juridique y compris la déontologie judiciaire. J'ai notamment écrit à propos de l'éthique au sein du gouvernement, surtout pour ce qui est des avocats. Il va de soi que le sujet à l'étude aujourd'hui est relié à mes deux domaines d'expertise.
Avant mon entrée dans le milieu universitaire, j'ai été membre du personnel politique pendant trois années en Ontario, soit de 2003 à 2006. J'ai d'abord été conseiller principal en politique puis chef de cabinet pour le procureur général de l'Ontario. À ce titre, j'étais assujetti à certaines dispositions touchant les conflits d'intérêts et je relevais du commissaire aux conflits d'intérêts alors en poste. En ma qualité de chef de cabinet, j'avais des interactions fréquentes avec le Bureau du commissaire à l'intégrité de l'Ontario au nom du procureur général qui, comme tous les autres députés et ministres provinciaux, devait respecter les dispositions de la Loi sur l'intégrité des députés. Je crois d'ailleurs que vous avez reçu la commissaire à l'intégrité actuellement en fonction, Lynn Morrison, avec laquelle j'étais souvent en contact pendant ces années-là.
En 2009, j'ai eu l'occasion de travailler comme conseiller en recherche pour l'Institut d'administration publique du Canada dans le cadre d'un projet financé par l'ACDI qui s'intitulait Déploiements pour le développement démocratique. Sous la supervision de l'ancienne sous-ministre Mary Gusella, j'ai travaillé à un projet de réforme juridique en Tanzanie qui portait notamment sur les conflits d'intérêts au sein du gouvernement. Notre équipe a analysé les dispositions sur les conflits d'intérêts dans les différentes administrations canadiennes, aux États-Unis, dans des pays asiatiques et africains ainsi qu'au sein des Nations Unies et de l'OCDE.
Sur ce, j'aimerais maintenant vous parler de mes recommandations.
Premièrement, je recommande que la loi soit modifiée de manière à codifier certaines dispositions des lignes directrices incluses dans le document Un gouvernement responsable: Guide pour le ministre et le ministre d'État. Des événements récents nous ont démontré qu'il est nécessaire de modifier cette loi afin d'interdire expressément aux titulaires de charge publique de communiquer avec une cour de justice ou un tribunal quasi-judiciaire pour essayer de défendre les intérêts d'un particulier.
En vertu de l'article 9 de la loi, il est interdit à un titulaire de charge publique de se prévaloir de ses fonctions officielles pour essayer d'influencer la décision d'une autre personne. Comme vous le savez, la commissaire a considéré — à juste titre, selon moi — que cette disposition interdisait aux titulaires de charge publique d'écrire des lettres au nom de particuliers afin d'appuyer leurs revendications devant un tribunal quasi-judiciaire. Dans une ordonnance exécutoire à ce sujet, la commissaire a cité des dispositions du document Un gouvernement responsable. Ce document renferme quelques-unes des interdictions les plus importantes s'appliquant aux ministre et aux ministre d'État du point de vue juridique, constitutionnel et éthique. Il n'a cependant pas force de loi. Comme son nom l'indique, c'est seulement un guide. Je recommande donc que la loi soit modifiée de façon à indiquer clairement, tout d'abord, qu'il est absolument interdit à tout titulaire de charge publique d'intervenir ou de tenter d'intervenir au nom de qui que ce soit dans toute instance judiciaire et, deuxièmement, qu'il est interdit à tout titulaire de charge publique d'intervenir ou de tenter d'intervenir au nom de qui que ce soit dans toute procédure quasi-judiciaire.
Pour ce qui est des instances quasi judiciaires, je crois que les lignes directrices sont extrêmement détaillées, et je recommanderais simplement aux membres du comité d'en prendre connaissance.
En ce qui a trait à l'ingérence ou à la tentative d'ingérence dans les affaires juridiques, je sens la nécessité d'apporter quelques précisions en raison de certains commentaires formulés à la suite de la démission récente d'un ministre d'État qui avait fourni des références personnelles à la Cour canadienne de l'impôt au nom de l'un de ses commettants. Notre régime gouvernemental n'est pas fondé sur une séparation formelle des pouvoirs, comme c'est le cas aux États-Unis. Nous avons certes toutefois une délimitation stricte entre le pouvoir judiciaire et les autres secteurs de l'appareil gouvernemental. Exception faite des renvois aux tribunaux, le pouvoir exécutif ou législatif ne peut absolument pas dicter aux instances judiciaires ce qu'elles ont à faire. L'histoire nous a démontré qu'une telle prise de contrôle du pouvoir exécutif sur les tribunaux est souvent à l'origine d'un régime tyrannique comme en font foi les événements récents au Pakistan, au Zimbabwe, en Égypte et ailleurs.
Au Canada, nous tirons fierté de notre appareil judiciaire résolument indépendant qui s'est gagné le respect des Canadiens et des citoyens de toute la planète. Il nous incombe donc de veiller à ne pas miner cette confiance de la population à l'égard de nos instances judiciaires indépendantes. Les titulaires de charge publique exercent les pouvoirs que la population leur a confiés. Il va de soi qu'ils ne devraient aucunement s'ingérer dans le fonctionnement de l'appareil judiciaire pour le compte de qui que ce soit. Contrairement à ce qu'ont dit certains journalistes, je ne pense pas que l'on puisse affirmer qu'il n'y a pas vraiment de problème, car cela ne fait de tort à personne. Il s'agit ici de protéger l'intégrité du pouvoir judiciaire, mais aussi du pouvoir exécutif. J'estime que c'est un objectif beaucoup trop important pour que l'on s'en remette uniquement à des lignes directrices émises par le pouvoir exécutif. Cette interdiction absolue de s'ingérer dans les affaires judiciaires devrait être enchâssée dans la Loi sur les conflits d'intérêts.
Deuxièmement, je recommande que l'on supprime les dispositions de la loi traitant des sanctions pécuniaires administratives. Je crois que le montant actuel de 500 $ est tout à fait insuffisant compte tenu de l'importance des agissements visés par la loi. Avec des sanctions aussi faibles, on risque d'envoyer le message que les conflits d'intérêts et les comportements contraires à l'éthique ne sont pas plus graves qu'un stationnement en zone interdite, ou disons plutôt qu'un excès de vitesse.
Je ne préconise pas une majoration des sanctions pécuniaires administratives à un niveau qui serait davantage à la mesure des infractions visées, et que je fixerais pour ma part à au moins 10 000 $, car je craindrais que cela mène à une judiciarisation accrue de la loi. Bien que je sois moi-même avocat et professeur de droit, je ne suis pas ici aujourd'hui pour chercher de nouveaux débouchés d'emploi pour nos étudiants. J'estime plutôt que les sanctions les plus sévères à la disposition de la commissaire découlent de son autorité morale et de son pouvoir de condamner les contrevenants. J'aimerais donc que la loi soit modifiée de manière à accroître les pouvoirs de la commissaire sous deux aspects distincts. Premièrement, elle devrait pouvoir servir une réprimande formelle à un titulaire de charge publique qui enfreint une disposition de la loi. Deuxièmement, elle devrait être autorisée à transmettre copie de toute décision prise concernant un titulaire de charge publique au ministre responsable ou, dans le cas où c'est un ministre ou un secrétaire parlementaire qui est en cause, au premier ministre, en exigeant que le ministre ou le premier ministre lui réponde quant aux mesures que l'on entend prendre dans un délai prescrit pour donner suite à l'infraction commise.
Enfin, je recommande que la loi soit modifiée de façon à obliger la commissaire à rendre publics les noms de ceux qui ne se sont pas conformés aux différentes dispositions de la loi touchant la présentation de rapports. Dans son rapport annuel de 2011-2012, la commissaire a indiqué qu'au cours de l'exercice précédent, 53 des 299 nouveaux titulaires de charge publique principaux n'avaient pas soumis leurs rapports confidentiels dans le délai de 60 jours qui est prévu. C'était encore plus que lors de l'exercice précédent. La commissaire a le pouvoir d'imposer des sanctions pécuniaires administratives en pareil cas, mais elle hésite à le faire, comme on peut bien le comprendre. La loi devrait donc être modifiée de manière à obliger toute instance ou personne procédant à la nomination d'un titulaire de charge publique d'en aviser la commissaire dans un délai de sept jours. Je recommande en outre que l'on modifie la loi pour obliger la commissaire à rendre publics les noms de ces titulaires de charge publique qui ne se conforment pas aux délais prévus dans la loi. Je crois bien que les médias et les députés de l'opposition s'intéresseraient vivement à une telle liste de la honte. C'est du moins ce que j'espérerais.
Je crois qu'un processus semblable inciterait fortement tous les titulaires de charge publique à respecter les délais fixés par la loi. À ce titre, je peux certes vous parler de ma propre expérience en tant qu'avocat relevant du Barreau du Haut-Canada, lequel publie dans la revue Ontario Reports une liste des avocats sous le coup d'une suspension administrative pour ne pas avoir acquitté leurs droits d'exercice dans les délais impartis. Cette revue est distribuée gratuitement chaque semaine aux 44 000 avocats ontariens.
Lorsque j'étais chef de cabinet du procureur général de l'Ontario, l'avocat le plus important de la province, il y a un cauchemar qui me hantait sans cesse. J'oubliais de payer les droits du ministre et son nom figurait sur la liste. Je savais que si ce rêve devait se concrétiser, j'allais me retrouver sans emploi.
L'intégration d'une mesure similaire dans la Loi sur les conflits d'intérêts inciterait sans doute davantage les titulaires de charge publique à se conformer aux dispositions dans les délais prévus.
Je vous remercie et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
J'aimerais commencer par situer mon cas personnel: j'ai quitté le gouvernement pour travailler dans une université. Il était donc très facile pour moi de quitter le milieu gouvernemental. Il y a peut-être une interdiction de contact avec le gouvernement d'un an en Ontario, mais je n'avais pas de contact avec le gouvernement.
À mon avis, l'interdiction de cinq ans est trop stricte, trop sévère. Je crois que malheureusement, au Canada, nous n'accordons pas beaucoup de valeur à la fonction publique. Nous n'accordons autant de valeur au fait de se porter candidat à une élection, d'être élu, de travailler au cabinet d'un ministre ou de travailler pour la fonction publique que d'autres pays. Il me semble difficile de convaincre de bons candidats de se présenter aux élections, de travailler au cabinet d'un ministre, de travailler dans la fonction publique.
Je crois qu'il faut interdire le lobbying de façon permanente lorsqu'un titulaire de charge publique a détenu des renseignements confidentiels ou a personnellement contribué à un dossier, mais les choses changent très vite au gouvernement, et le gouvernement est une très grosse machine, comme vous le savez très bien. Bref, l'idée selon laquelle une personne qui a travaillé pour un ministère jouirait d'un avantage injuste si elle exerçait du lobbying auprès d'un autre ministère me semble plus relever des apparences que de la réalité.
Cette interdiction de cinq ans est donc probablement bien trop générale et nous place en situation de déséquilibre lorsque nous voulons recruter de bons candidats pour une élection ou pour accepter une charge publique, parce que nous ne sommes pas justes envers ces personnes dans les règles qui régissent ce qu'elles peuvent faire lorsqu'elles quittent leur charge publique.
Dans une note que vous avez publiée et qui est intitulée Conflict of Interest and Ethics in Government, vous avez écrit ceci:
[Traduction]
En effet, la condamnation politique est la sanction la plus rigoureuse dont disposent les commissaires. Le député qui, d'après le commissaire, a enfreint la loi, peut devoir en payer le prix politique.
Nous sommes au courant. Nous nous en sommes effectivement servis.
[Français]
En vertu d'une loi de la Colombie-Britannique, le commissaire peut recommander qu'une amende de 5 000 $ soit imposée. De plus — je reviens maintenant aux sanctions —, aux États-Unis, les gens qui sont reconnus coupables de conflit d'intérêts peuvent recevoir une amende ou même aller en prison.
Vous avez dit que les amendes actuelles de 500 $ n'étaient pas très sérieuses puisque le montant n'était pas très élevé. Vous avez dit par la même occasion que vous ne croyez pas tellement à l'efficacité des sanctions pécuniaires ou des amendes. Cependant, vous suggérez qu'une réprimande formelle — c'est notre traduction — soit envoyée au Cabinet du premier ministre.
J'ai de la difficulté à comprendre exactement où vous voulez en venir. Pour moi, une réprimande formelle ressemble beaucoup à une note dans le cahier de mon enfant lorsqu'il se comporte mal à l'école et que le professeur veut me le faire savoir. Est-ce suffisant? Ne devrait-il pas y avoir des sanctions beaucoup plus sévères?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur, d'être venu témoigner.
Je tiens notamment à revenir à la question de l'après-mandat. Je crois, si je vous ai bien compris, que vous aviez l'impression que les règles étaient peut-être trop rigides, que des modifications étaient possibles, que nous pouvions examiner certains éléments.
Avez-vous déjà songé à une période de restriction variable ou en préconiseriez-vous une, à cause des différentes catégories de titulaires visées par cette loi? Les secrétaires parlementaires ont accès à une certaine quantité d'information; les ministres, je l'espère, à toute l'information; des employés, à une bonne quantité d'information, mais leur participation aux enjeux est variable.
Est-ce que nous devrions ou nous pourrions examiner cette possibilité?
:
Monsieur le président, je remercie le comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Se joignent à moi cet après-midi Nancy Bélanger, avocate générale, et Annie Plouffe, gestionnaire, Conseils et conformité.
C'est la deuxième fois que je comparais devant ce comité dans le cadre de l'examen de la Loi sur les conflits d'intérêts. Lors de ma première comparution, j'ai défini huit grands domaines prioritaires visés par bon nombre de recommandations individuelles incluses dans mon mémoire écrit daté du 30 janvier 2013.
[Traduction]
J'ai suivi avec grand intérêt le témoignage d'autres témoins et les questions que le comité leur a posées. J'ai seulement manqué d'une demi-heure le témoignage du dernier témoin. J'ai remarqué que ces discussions ont porté sur plusieurs domaines qui suscitent de la confusion et des opinions divergentes. J'aborderai certains de ces domaines aujourd'hui.
Je remarque que, lors de réunions précédentes, on a souvent confondu la loi avec le code régissant les conflits d'intérêts des députés. Les seuls députés auxquels la loi s'applique sont les ministres et les secrétaires parlementaires.
La plupart des députés ne sont assujettis qu'au code des députés, qui fait l'objet d'un examen distinct par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. J'ai remis un mémoire sur le code à ce comité et j'ai témoigné devant lui en mai dernier. Bien que certaines recommandations que j'ai formulées sur la loi et le code soient similaires, mon témoignage, aujourd'hui, porte exclusivement sur la loi.
Vous avez entendu tout un éventail d'opinions sur la façon dont la loi traite les cadeaux et autres avantages. Selon la loi, n'importe quel cadeau qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été offert pour influencer le titulaire de charge publique n'est pas acceptable. De plus, la loi exige que les titulaires de charge publique principaux, y compris les ministres et les secrétaires parlementaires, divulguent et déclarent publiquement tous les cadeaux d'une valeur de 200 $ ou plus.
Il s'agit là d'un seuil de déclaration, et il ne sert aucunement à déterminer si le titulaire de charge publique peut accepter un cadeau, peu importe sa valeur. Comme je l'ai déjà dit, il circule une idée erronée selon laquelle les cadeaux d'une valeur de moins de 200 $ sont automatiquement acceptables. Enfin les gens semblent confondre seuil de déclaration et seul d'acceptabilité. Il n'existe pas de seuil d'acceptabilité, et je n'en propose pas un.
Compte tenu de la confusion qui persiste entre l'acceptabilité des cadeaux et l'obligation de les déclarer, j'ai recommandé que l'on abaisse le seuil de déclaration, qui est actuellement fixé à 200 $, à un montant minimal; j'ai proposé 30 $.
Ce montant semble au centre de l'attention et a fait perdre de vue l'enjeu réel. L'enjeu réel est le suivant: un seuil de déclaration inférieur augmenterait la transparence et inciterait les titulaires de charge publique à communiquer avec le commissariat, ce qui nous permettrait de leur offrir des avis sur l'acceptabilité d'un cadeau.
Je tiens à préciser que je ne recommande pas que l'on modifie le critère d'acceptabilité. Les titulaires de charge publique continueraient à ne pas être autorisés à accepter un cadeau, peu importe sa valeur, si ce cadeau pouvait raisonnablement donner à penser qu'il a été offert pour les influencer. Certains témoins ont déclaré que les Canadiens ne s'opposeraient pas à ce que des représentants élus acceptent des cadeaux de 200 $ ou encore plus. Je ne suis pas d'accord avec eux, particulièrement si le cadeau provient d'un intervenant. Je crois que le Canadien moyen trouverait qu'un dîner de 200 $ payé à un titulaire de charge publique par un intervenant est excessif et inapproprié et qu'il ne croirait probablement pas que le dîner ait été offert sans intention d'influencer ce titulaire.
Certains membres du comité ont critiqué le seuil que j'ai proposé et ont donné des exemples extrêmes de la façon dont il serait appliqué. Je tiens à rassurer le comité que peu importe la valeur choisie pour le seuil de déclaration, les ministres et les secrétaires parlementaires pourront continuer d'accepter des cadeaux qui respectent le critère d'acceptabilité ainsi que les cadeaux qui sont une marque normale ou habituelle de courtoisie ou de protocole, notamment bon nombre de soupers et de réceptions et même, habituellement, de boules à neige.
Un autre sujet que je souhaite aborder concerne les règles sur le dessaisissement prévues par la loi. Les titulaires de charge publique principaux ne sont pas autorisés à posséder des biens contrôlés, qu'il y ait ou non un conflit d'intérêts. J'ai proposé de restreindre cette interdiction absolue, et l'obligation de dessaisissement connexe, afin qu'elle ne s'applique qu'aux titulaires de charge publique principaux qui détiennent un important pouvoir décisionnel ou ont accès à des renseignements confidentiels y compris les ministres et les secrétaires parlementaires, les chefs de cabinet et les sous-ministres. L'interdiction s'appliquerait aux autres titulaires de charge publique principaux uniquement si les biens contrôlés qu'ils détiennent les placent dans une situation de conflit d'intérêts.
Un témoin a suggéré que l'interdiction absolue devrait continuer de s'appliquer aux employés des cabinets ministériels, qui sont souvent la cible des lobbyistes. Vu sa connaissance intime des cabinets ministériels, j'ai tendance à accepter sa suggestion et je ne m'opposerai pas au maintien de l'interdiction. Cependant, je constate que plusieurs employés ministériels, surtout ceux qui occupent des postes subalternes, n'ont généralement pas de biens contrôlés; l'obligation de s'en dessaisir serait donc rarement requise.
J'ai constaté que le groupe de personnes nommées par le gouverneur en conseil à certains conseils et tribunaux est le plus durement et le plus inutilement touché par la règle actuelle. L'interdiction absolue pourrait être maintenue pour certains conseils ou tribunaux, en fonction de leur mandat, mais la loi devrait clairement les identifier. Selon moi, dans le cas de la plupart des personnes nommées par le gouverneur en conseil, le dessaisissement ne devrait être obligatoire que s'il y a conflit d'intérêts.
Le besoin de renforcer l'interdiction de la loi s'appliquant aux activités de financement mérite également de plus amples commentaires. La loi permet à tous les titulaires de charge publique, y compris les ministres et les secrétaires parlementaires, de solliciter personnellement des contributions si l'activité de financement ne les place pas dans une situation de conflit d'intérêts. J'ai exprimé mon inquiétude quant à de potentiels conflits d'intérêts, actuels ou futurs, lorsque des ministres et des secrétaires parlementaires s'engagent dans des activités de financement. J'ai recommandé l'adoption de règles plus strictes dans ce domaine. Il a été suggéré que l'interdiction absolue serait appropriée pour les ministres et les secrétaires parlementaires. Je suis à l'aise avec cette suggestion. Je ne recommande aucune modification à l'article 16 pour les autres titulaires de charge publique.
Un autre témoin a proposé d'inclure dans la loi les directives sur le financement actuellement annexées au document intitulé Un gouvernement responsable: Guide du ministre et du ministre d'État. Cette proposition a du mérite, mais ces directives devraient être adaptées afin de servir de règles de conduite.
La plupart des témoins sont d'avis que les règles d'après-mandat de la loi devraient être renforcées. Je suis du même avis. J'ai recommandé que les ex-titulaires de charge publique principaux soient soumis à des obligations de déclaration pendant leur période de restriction. On compterait parmi elles l'obligation de déclarer toute offre ferme d'emploi qu'ils reçoivent pendant leur période de restriction et de décrire leurs fonctions et responsabilités en lien avec leur nouvel emploi.
Il a été suggéré une période de restriction variable en fonction de divers critères. Je n'en vois pas la nécessité. La loi prévoit déjà des périodes de restriction d'un et de deux ans, et j'ai également le pouvoir discrétionnaire de les écourter, si j'estime qu'il y va de l'intérêt public.
Certains ont laissé entendre que la commissaire au lobbying et moi-même étions parvenues à des conclusions contradictoires dans nos enquêtes. On nous a confié l'application de deux lois distinctes qui régissent le comportement de deux groupes différents, soit les titulaires de charge publique et les lobbyistes. Nos enquêtes respectives dans un cas précis, soit celui de la participation de lobbyistes à une activité de financement politique, ont porté sur les mêmes faits, mais selon des points de vue différents.
Ma priorité était de déterminer si un ministre avait contrevenu à la règle sur les cadeaux en acceptant les services de bénévolat et les contributions pécuniaires fournis par les lobbyistes. La commissaire au lobbying s'est plutôt intéressée à la conduite des lobbyistes et elle a cherché à déterminer si leurs actions avaient mis le ministre dans une situation de conflit d'intérêts réel, potentiel ou apparent. Elle a déterminé que les conflits d'intérêts incluent les conflits avec les intérêts personnels qui consistent notamment en des avantages politiques.
Toutefois, j'ai déterminé, dans un autre cas que celui qui, d'après les gens, fait problème, que, d'après le libellé de la Loi sur les conflits d'intérêts, les intérêts politiques ne sont pas visés par la définition d'intérêt personnel au sens de la loi. Pour que la loi vise les intérêts politiques, il faudra la modifier.
[Français]
Monsieur le président, voilà qui met fin à ma déclaration liminaire.
Je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre aux question du comité concernant certains points soulevés ou tout autre sujet visé par la Loi sur les conflits d'intérêts.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame la commissaire, je vous remercie de comparaître de nouveau devant le comité.
Nous obtenons des réponses à nos questions, mais la situation apporte aussi de la confusion. Je pense que personne ici ne pense que les députés ou les organismes n'ont pas le droit de demander une enquête.
Ce qu'il faut déterminer, c'est ce qui se passe par la suite, une fois que la demande a été présentée. Si j'ai bien compris, selon le processus actuel, si je vous demande de faire une enquête, je peux également le dire publiquement, et je pense que c'est très nuisible. Il nous faut examiner cet aspect. J'aimerais que vous en parliez un peu. Je sais que vous avez fait des recommandations à ce sujet.
De plus, je crois comprendre qu'une fois que la demande a été présentée, vous pouvez aller plus loin par rapport à ce que je vous ai présenté dans ma demande. Vous pouvez ajouter quelque chose; j'aimerais savoir dans quel contexte vous le faites et de quelle façon cela se déroule. Si le fait qu'une enquête est en cours est tenu confidentiel, la rend-on toujours publique lorsqu'elle est terminée? Est-ce que les gens savent alors qu'il s'agissait en effet d'une enquête frivole, ou qu'en fait, elle était justifiée?
C'est ce qui nous ramène à la question de la façon dont nous protégeons les ministres et les fonctionnaires contre des attaques injustifiées et partisanes. Je ne parle pas d'un parti plus que d'un autre. Cela peut se produire dans tous les partis. Je veux seulement savoir comment nous pouvons le faire.