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Merci. Je suis heureux de pouvoir prendre la parole.
Il va de soi que tous les membres ici présents jugent l'incident absolument et totalement inacceptable. Laissez-moi vous dire que la ministre l'a indiqué très clairement. C'est une chose qui n'a certes pas échappé aux Canadiens.
Le Commissariat à la protection de la vie privée a été mis au fait de tous les détails. On a également communiqué avec chacun des clients dont les données ont été perdues. On a offert à ces clients différents types de protection, notamment via Equifax.
C'est une question importante, mais comme je ne crois pas que la prochaine heure et demie va changer quoi que ce soit à la situation, je préférerais que l'on attende à la fin de la séance. C'est bel et bien une discussion primordiale que nous devons avoir, mais il ne serait pas convenable de faire attendre les témoins que nous avons convoqués.
Dans une heure et demie, nous pourrons examiner ces motions dans le cadre des travaux futurs du comité. Nous pourrons alors en discuter sérieusement, mais il faut accorder la préséance aux témoins qui ont répondu à notre invitation. Ils ont fait le nécessaire pour pouvoir participer à notre séance, et je ne voudrais pas qu'ils soient pressés par le temps.
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Puisqu'il n'y a pas consentement unanime, nous allons respecter l'ordre du jour tel qu'il est défini.
Aujourd'hui, nous commençons l'étude de la révision de la Loi sur les conflits d'intérêts. Nous recevons deux témoins, tout d'abord M. Greene, de l'Université York.
Je vous remercie de votre présence.
Nous parlerons aussi par vidéoconférence à M. Gregory Levine. Je le remercie aussi de sa présence.
Nous allons tout de suite passer aux témoignages. Comme d'habitude, chaque présentation durera 10 minutes et, par la suite, nous passerons à la période de questions et réponses.
Je cède la parole à M. Greene, qui dispose de 10 minutes.
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Merci beaucoup. Je suis vraiment ravi de me retrouver ici aujourd'hui. Je vous suis très reconnaissant pour votre invitation. Je me réjouis tout particulièrement de constater qu'au moins deux membres du comité viennent comme moi de l'Alberta. J'ai découvert récemment que mon père était le dentiste du député de Red Deer, en plus d'être le mien.
Faire progresser la législation en matière d'éthique, c'est un peu comme arracher des dents. Il faut qu'il y ait quelque chose qui ne tourne pas rond au départ. C'est parfois aussi le résultat d'une discussion éclairée. J'espère vraiment que les recommandations dont nous allons débattre aujourd'hui pourront avoir un effet proactif et empêcher l'éclosion de futurs scandales.
J'ai travaillé quatre ans pour le gouvernement albertain: trois années à titre de cadre intermédiaire pour les services sociaux, et une autre comme adjoint d'un ministre du cabinet. C'est Peter Lougheed qui était premier ministre à l'époque. Il a prêché par l'exemple avec son éthique irréprochable. Il a inspiré dans une large mesure mon intérêt pour les questions éthiques dans le secteur public.
Je veux faire ressortir aujourd'hui deux points principaux. Premièrement, les régimes donnant les meilleurs résultats au Canada en matière de conflits d'intérêts sont ceux qui exigent une rencontre annuelle des élus avec le commissaire à l'éthique ou un représentant de son bureau pour discuter du document déclaratoire du député. Deuxièmement, j'estime important que le comité se penche à nouveau sur les recommandations formulées à la partie 3 du rapport de la Commission Oliphant et envisage la mise en oeuvre de celles relevant de sa compétence, lorsque cela n'a pas déjà été fait.
Parlons d'abord des rencontres obligatoires avec le commissaire à l'éthique. Ce qui est maintenant reconnu comme le modèle canadien en matière de prévention des conflits d'intérêts chez les élus tire son origine de la création en 1988 d'un poste de commissaire indépendant responsable des conflits d'intérêts, qu'on appelle maintenant commissaire à l'intégrité, en Ontario. Selon la loi ontarienne, tous les députés doivent soumettre une déclaration confidentielle au commissaire dans les 60 jours suivant leur élection, puis le rencontrer en personne dans les 60 jours subséquents pour discuter de leur déclaration. En général, les choses se déroulent beaucoup plus rapidement. Ces documents déclaratoires doivent être mis à jour chaque année préalablement à la rencontre annuelle avec le commissaire. Celui-ci a en outre le pouvoir de faire enquête au sujet des plaintes concernant de présumées violations des règles. En moyenne, il y a une enquête semblable à tous les deux ans.
Le régime ontarien a été mis en place au départ pour faire surtout oeuvre d'éducation, puis de prévention, la fonction d'enquête n'étant que secondaire. Cette approche a connu un vif succès. Le nombre d'allégations graves de manquement aux règles régissant les conflits d'intérêts a chuté en moyenne de 90 p. 100 par année depuis l'instauration du nouveau régime. Il ne faut donc pas se surprendre que la formule ait été copiée par toutes les administrations provinciales et territoriales au Canada, de même que par le Sénat et la Chambre des communes avec quelques variantes. Et voilà maintenant que des municipalités emboîtent le pas.
Partout où ce modèle canadien a été adopté, on note une baisse du nombre d'allégations de conflits d'intérêts. C'est malheureusement à la Chambre des communes et au sein du Cabinet que les résultats ont été les moins probants à ce chapitre. Le nombre d'enquêtes par député de la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique pour des allégations de manquement aux règles y est en effet plus élevé que dans tout autre parlement au Canada. Je crois que cela est attribuable au fait que les élus ne sont pas obligés de rencontrer la commissaire ou quelqu'un de son bureau. De 2004 à 2010, les commissaires en poste ont mené une moyenne de quatre enquêtes par année à l'égard d'allégations crédibles de manquement aux règles. C'est beaucoup trop. C'est autant de publicité négative pour les personnes visées. Ce n'est pas la faute de la commissaire. C'est uniquement parce que les mesures de prévention prévues dans le régime régissant les conflits d'intérêts sont insuffisantes.
Je sais d'expérience que la grande majorité des députés de tous les partis sont honnêtes. Ils font de la politique pour servir l'intérêt public.
La plupart d'entre nous pensons avoir une bonne éthique et ne pas avoir besoin de porter attention aux règles, mais le conflit d'intérêts n'est pas forcément un concept facile à cerner dans certaines situations. C'est pourquoi il peut être utile d'obtenir l'avis personnel de la commissaire à l'éthique ou d'un de ces collaborateurs. En outre, une fois ce contact établi, un député aura davantage tendance à s'adresser à la commissaire ou à son bureau pour obtenir conseil dans des circonstances inhabituelles.
En Ontario, les députés demandent conseil auprès du Bureau du commissaire à l'intégrité de cinq à sept fois par année en moyenne. D'après ce que j'ai pu comprendre du rapport de la commissaire Dawson, la moyenne serait d'une ou deux fois par année à la Chambre des communes. Ces requêtes informelles s'inscrivent dans l'approche préventive du modèle canadien et elles deviennent plus fréquentes à partir du moment où l'on instaure des rencontres obligatoires qui non seulement contribuent à prévenir les conflits d'intérêts dans différentes situations, mais créent également un lien de confiance et une volonté d'avoir recours au système.
Jusqu'à 2012, les commissaires Shapiro et Dawson avaient rendu publics 19 rapports à l'issue d'enquêtes portant sur des allégations voulant que des députés ou des ministres aient enfreint le code ou la loi. Après avoir lu tous ces rapports, j'en suis arrivé à la conclusion que bon nombre, si ce n'est la totalité, de ces 19 enquêtes auraient pu être évitées ou grandement écourtées si le député ou le ministre concerné avait rencontré au préalable le commissaire.
Ma seconde recommandation concerne le rapport de la commission Oliphant. Dans la partie III, on y trouve différentes recommandations à l'intention de la Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Mme Dawson, qui les a toutes mises en oeuvre, du Cabinet du premier ministre et de votre comité. J'ai communiqué avec le Cabinet du premier ministre pour savoir si l'on comptait donner suite à ces recommandations. J'ai reçu un accusé de réception, mais j'attends toujours une réponse.
Une partie des recommandations formulées concernent directement votre comité et sa sphère de compétence. Je ne sais pas si certaines de ces recommandations ont déjà été mises en oeuvre, mais j'aimerais vous les soumettre à nouveau advenant que cela n'ait pas déjà été fait.
Dans le cadre de son rôle éducatif, le commissariat tient des séances de formation facultatives au sujet du code et de la loi sur les conflits d'intérêts. Selon les rapports annuels de Mme Dawson, seule la moitié des députés y participent. Très peu de ministres en font autant. Oliphant a recommandé que la participation à ces ateliers de formation deviennent obligatoires pour les ministres et que les chefs de parti veillent à ce que leurs députés y assistent.
Il a été recommandé qu'aux déclarations produites en vertu de la loi et du code s'ajoutent des rencontres obligatoires avec le personnel du commissariat pour les ministres et les députés, comme c'est le cas au sein de la majorité des administrations canadiennes, y compris le Sénat. Mentionnons que le conseiller sénatorial en éthique n'a d'ailleurs toujours pas eu à faire enquête. Je pense que cela est attribuable au fait que les rencontres annuelles obligatoires permettent de prévenir tout comportement pouvant mener à des allégations de conflit d'intérêts.
Les règles relatives aux conflits d'intérêts et au lobbying ont beaucoup été améliorées au Canada depuis 1993-1994. Elles comptent maintenant parmi les plus rigoureuses au monde, mais il existe encore certaines échappatoires à corriger.
Oliphant a recommandé que l'on précise la définition donnée au terme « emploi » dans la Loi sur les conflits d'intérêts:
emploi... s'entend de toute forme d'emploi extérieur ou de relation d'affaires supposant la prestation de services par un titulaire de charge publique, un titulaire de charge publique principal ou un ex-titulaire de charge publique principal, ... y compris sans s'y limiter les services à titre de dirigeant, d'administrateur, d'employé, de mandataire, d'avocat, de consultant, d'entrepreneur, d'associé ou de fiduciaire.
Pour ce qui est de la Loi sur les conflits d'intérêts, Oliphant a recommandé que la définition de conflit d'intérêts y soit révisée de façon à englober les « conflits d'intérêts apparents ». À titre d'exemple, il en est déjà ainsi en Colombie-Britannique et dans quelques autres provinces et territoires. On s'assure simplement de cette manière que la loi va un peu plus loin en exigeant des députés le respect de normes plus rigoureuses.
Selon Oliphant, la Loi sur les conflits d'intérêts devrait être modifiée de telle sorte que les dispositions touchant l'après-mandat visent expressément tous les gestes posés par les ex-titulaires au Canada ou ailleurs.
Toujours d'après Oliphant, la Loi sur les conflits d'intérêts devrait être modifiée de façon à interdire à un titulaire de charge publique d'octroyer un contrat ou d'accorder un avantage à toute personne pouvant enfreindre le code. Dans l'incertitude, le titulaire de charge publique devrait vérifier auprès du Commissariat à l'éthique.
Le rapport recommande en outre que la loi soit modifiée de manière à rendre coupables d'une infraction non criminelle ceux qui ne s'acquittent pas de leurs obligations de déclaration.
De plus, il devrait y avoir pour les décisions du commissaire concernant l'après-mandat un mécanisme d'appel adéquat respectant les principes de l'équité procédurale et de la transparence.
En conclusion, je crois que la Loi sur les conflits d'intérêts nous a procuré de nombreux avantages. C'est toutefois encore un processus évolutif. La législature ontarienne intervient de temps à autre de façon proactive pour resserrer les règles, plutôt que d'agir uniquement à la suite de scandales. J'espère sincèrement que votre comité songera à faire de même.
Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
Je dois préciser d'entrée de jeu que je suis tout à fait d'accord avec ce que M. Greene vient de vous dire. Ses recommandations sont tout à fait logiques à mes yeux.
Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
L'adoption de la Loi sur les conflits d'intérêts a été une étape importante dans l'évolution de notre régime d'intégrité et d'éthique. Il s'agissait d'une mesure primordiale qui tombait à point, mais il demeure possible de l'améliorer de différentes manières. J'aimerais en aborder quelques-unes aujourd'hui en vous parlant notamment de l'intégration de la notion d'apparence de conflit d'intérêts, du resserrement des restrictions touchant l'après-mandat, et de l'éducation en matière d'éthique. Je voudrais également que l'on se demande si le recours accru aux sanctions administratives pécuniaires préconisé récemment par la commissaire va transformer la nature de la loi, et s'il s'agit ou non d'une bonne idée.
Avant de m'intéresser à ces différentes questions, je vais y aller de trois observations d'ordre général dont l'une a déjà été faite par M. Greene. Je vous rappelle donc dans un premier temps que la Commission Oliphant a formulé plusieurs recommandations portant expressément sur la Loi sur les conflits d'intérêts. À ma connaissance, aucune d'elles n'a été mise en oeuvre. J'aborderai brièvement deux d'entre elles, mais j'estime qu'elles sont toutes justifiées.
Ma deuxième observation générale concerne la façon dont la loi aborde le rôle du commissaire. Le commissaire est un conseiller, un surveillant et un enquêteur. Contrairement à ce qui se passe dans les provinces, les territoires et les municipalités, le commissaire dispose de pouvoirs considérables pour assurer l'application des règles, mais pas pour imposer des sanctions, si ce n'est des sanctions administratives pécuniaires.
Dans la présentation écrite qui a été affichée sur son site Web, la commissaire exige maintenant des pouvoirs accrus pour l'imposition de sanctions dans certaines circonstances bien précises. Suivant la formulation actuelle de la loi, elle est cependant en fait davantage un ombudsman spécialisé et c'est ce que prévoit également le code. Dans les deux contextes, ce rôle d'ombudsman spécialisé est semblable à celui de la plupart des autres commissaires à l'éthique au pays. J'aimerais simplement dire que si l'on envisage de transformer ce rôle, il ne faut surtout pas prendre ce changement à la légère. Je vais d'ailleurs y revenir dans un instant.
Ma troisième observation d'ordre général est que la loi est loin de se limiter aux seuls conflits d'intérêts. Contrairement à ce qu'indique son titre, la loi encadre des comportements qui vont au-delà des conflits d'intérêts: influence répréhensible, délit d'initié, acceptation inappropriée de cadeaux, etc. Selon la définition classique, il y a conflit d'intérêts lorsqu'un titulaire de charge publique a la possibilité de prendre une décision qui ira dans le sens de ses propres intérêts.
La loi décrit des façons d'éviter de telles situations, mais d'autres gestes, comme l'influence répréhensible pouvant être exercée, par exemple, dépassent largement le cadre du simple conflit d'intérêts. Il s'agit carrément d'écarts de conduite. Cela va dans le sens de l'une des revendications de la commissaire qui souhaite que l'on précise la partie établissant l'objet de la loi. J'y suis tout à fait favorable.
J'ajouterais qu'il pourrait être utile d'imiter la Loi sur l'intégrité des députés de l'Ontario qui énonce clairement dans son préambule la nécessité d'un comportement éthique au sein du gouvernement et les aspirations visées par la loi. Je ne sais pas s'il est nécessaire de changer le titre de notre loi, mais je pense que nous pourrions nous inspirer de celle-là.
J'aurais maintenant quelques commentaires sur des questions plus précises. M. Greene en a déjà parlé, mais j'estime primordiale la recommandation de la Commission Oliphant en faveur de l'intégration de la notion d'apparence de conflit d'intérêts dans la loi. Je sais que certains soutiennent qu'il n'est pas nécessaire de définir l'apparence de conflit d'intérêts parce qu'il est déjà question de perception dans d'autres parties de la loi, mais je crois très respectueusement que ces gens-là ont tort.
À l'échelon fédéral, deux commissions, la Commission Parker et plus récemment la Commission Oliphant, se sont penchées sur la question et ont recommandé l'inclusion d'une norme semblable. Les commissions Bellamy et Cunningham ont toutes deux fait de même au niveau municipal en Ontario. Je crois qu'il est grand temps d'agir.
Pour ce qui est des restrictions d'après-mandat, M. Greene en a déjà discuté, donc je vais m'abstenir de répéter ce qu'il a dit, mais je crois qu'il faudrait revoir la définition d'« emploi », comme l'a recommandé la Commission Oliphant.
Le troisième sujet que je souhaite aborder, que le professeur Greene a déjà présenté beaucoup mieux que je ne peux le faire, c'est l'éducation et de la formation. Je veux simplement dire que je suis d'accord avec l'idée qu'il devrait y avoir une formation obligatoire. Il ne serait pas exagéré d'obliger les titulaires de charge publique à suivre une formation en matière d'éthique, puis à recevoir une mise à jour chaque année suivante.
Je vais un peu vite, mais j'aimerais parler quelques instants des sanctions financières administratives. En général, le non-respect des règles inscrites dans la loi n'a que des conséquences limitées. La loi prévoit des sanctions financières administratives. Elle confère aussi à la commission le pouvoir d'ordonner aux titulaires de se conformer aux règles, mais elle ne prévoit pas des sanctions particulières pour le non-respect des principales règles.
Deux raisons semblent expliquer cela. La commissaire signale les incidents au premier ministre, puis on présume ce que le premier ministre au pouvoir va faire quelque chose pour corriger la personne fautive. De plus, ces signalements sont rendus publics, donc le simple fait de mettre ces affaires en lumière constitue une correction en soi, si l'on veut.
Dans son mémoire écrit, la commissaire a réclamé qu'on lui permette d'imposer des sanctions financières administratives dans des circonstances limitées, mais elle vous demande également d'envisager de prescrire d'autres sanctions pour les infractions plus graves. Elle s'interroge notamment sur la perspective de rendre ces affaires publiques.
En toute déférence, je suis d'avis que c'est une question distincte, qui revient à déterminer quelles sanctions devrait prévoir la loi, comment les appliquer et quand. Pour les infractions les plus graves, je crois qu'il devrait y avoir d'autres sanctions que les sanctions financières limitées qui existent déjà. Il devrait y avoir diverses possibilités. N'oublions pas que ces règles visent les titulaires de charge publique, donc les sanctions pourraient aller des plus simples excuses au congédiement. Je pense que ce devrait être de la responsabilité du premier ministre et non de la commissaire à l'éthique.
Cela dit, je crois que si vous voulez opter pour un modèle dans lequel le commissaire applique la loi et fait fonction de juge, vous devrez renforcer les règles de procédure prévues dans la loi pour protéger les personnes exposées à ces sanctions.
Cela vous donne un aperçu. Je vais m'arrêter là.
Je vous remercie.
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Merci, messieurs. Cette première séance sur les conflits d'intérêts est très intéressante.
Je crois que notre objectif commun, c'est de trouver le moyen de veiller à ce que les règles soient équitables. Il est vrai que les députés peuvent parfois franchir la limite dans le cadre de leurs activités quotidiennes, mais ce n'est pas nécessairement fait volontairement, donc il devrait y avoir place à la conversation. Les députés devraient être suffisamment en confiance pour chercher à comprendre en quoi ils ont contrevenu aux règles et quoi faire pour se corriger. Si M. Ford avait bénéficié des conseils de la commissaire la toute première fois où il a franchi la limite, je crois qu'il n'aurait pas connu tous les problèmes qu'il a eus. La commissaire ne voulait pas le rabaisser, mais simplement lui dire: « Écoutez, vous ne comprenez peut-être pas très bien les règles. »
Je comprends bien l'importance de sensibiliser les gens, mais regardons un peu ce que la commissaire demande pour les cas d'infractions les plus graves, comme quand quelqu'un essaie d'influencer une autre personne dans sa façon de voter ou de prendre des décisions. Ce type de comportement doit porter à conséquence.
Monsieur Greene, croyez-vous que la commissaire devrait être investie de pouvoirs accrus pour imposer des sanctions financières administratives? À qui devrait incomber cette responsabilité d'après vous?
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Donc, la question serait...
M. Gregory J. Levine: Puis-je simplement dire...
M. Charlie Angus: Je n'ai que quelques minutes pour m'exprimer et j'aimerais le faire très clairement.
M. Gregory J. Levine: Je m'excuse.
M. Charlie Angus: Il me semblerait excessif d'aller jusqu'à créer un quelconque tribunal, mais quand quelqu'un contrevient aux règles, je n'entends jamais, jamais personne assumer la responsabilité de ses actes.
Par exemple, le ministre des Finances a contrevenu à l'article 9 de la Loi sur les conflits d'intérêts. C'est un fait. La commissaire l'a découvert. Pourtant, jour après jour à la Chambre, nous le voyons patiner pour s'esquiver en disant qu'il a simplement agi comme un député d'arrière-banc. Eh bien ce n'est pas vrai.
Pouvons-nous nous attendre à ce que les gens assument la responsabilité de leurs gestes? J'ai l'impression que la commissaire est frustrée. Elle dit qu'elle n'arrive pas à faire respecter les règles. Personne n'ose avouer qu'il a fait quelque chose de mal. C'est un véritable petit jeu politique.
Si elle avait plus de pouvoirs, ce ne serait plus une question politique. Ce serait à elle de prendre une décision: de demander des excuses publiques, une restitution, des sanctions financières... Sinon, dans le contexte parlementaire que nous connaissons, croyez-vous vraiment que nous allons réussir à faire passer la pilule?
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Oui, je répondrais aux deux questions si vous le permettez.
Oui, je suis d'accord avec M. Greene concernant son dernier commentaire sur la capacité de réagir. Je dirais que c'est en partie une question de responsabilités, n'est-ce pas? Le rôle de la commissaire n'est pas de participer à des débats, mais de mener des enquêtes et de se prononcer dans un rapport présenté à un temps précis.
De toute façon, la commissaire peut faire de la sensibilisation sur le fonctionnement de la loi en général. Je serais plutôt mal à l'aise si elle se prenait au jeu des débats et perdait son objectivité. Je pense que c'est le commentaire que M. Greene vient de faire.
Seule la recommandation 6 de la commission Oliphant porte sur le conflit d'intérêts apparent. En effet, cette question est en quelque sorte évoquée dans d'autres passages de la loi, comme l'a répété la commissaire à plusieurs reprises. Je pense que l'objectif, c'est de préciser qu'il est question de conflits d'intérêts, qui constituent une règle particulière. Les autres passages concernés visent les comportements répréhensibles. Je pense que c'est différent.
Il faut prendre en compte divers aspects.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos deux invités de leur présence. C'est très intéressant.
Je veux aborder la question des rencontres en privé, des rencontres personnalisées avec la commissaire, ses adjoints ou ses employés. Je dois avouer que c'est une suggestion que j'accueille favorablement. Je suis député depuis bientôt deux ans. Je sais que lorsqu'on arrive sur la Colline du Parlement, la masse de nouvelles informations, de paperasse et de formulaires qui apparaissent sur notre bureau est considérable. Ce n'est donc qu'un truc parmi d'autres. Ces rencontres permettraient peut-être de mieux sensibiliser les nouveaux députés aux règles qui existent. Cela pourrait leur permettre d'éviter de faire des faux pas ou de commettre des erreurs bêtes.
En même temps, il y a une autre partie à la question. Lorsqu'on est ici depuis très longtemps, on est un peu trop confortable et on pense peut-être qu'on est à l'abri des critiques.
Bien sûr, ça fait beaucoup de gens à rencontrer, ça fait beaucoup de rencontres. Je m'adresse à vous deux. Pensez-vous que la commissaire n'a pas, en ce moment, les ressources humaines nécessaires pour faire un bon travail de sensibilisation et de surveillance de ce qui se passe?
Je pense avoir compris la majorité de votre question. Il me semble plus efficient de prévenir les infractions aux règles, plutôt que d'enquêter ensuite pour comprendre ce qui est arrivé.
Je pense que les réunions du premier commissaire à l'éthique au Canada, Greg Evans, avec les ministres duraient environ une demi-heure. C'était parfois plus long si leur situation était très complexe, parfois moins si leurs avoirs personnels étaient tout simples. Les réunions étaient très brèves. Ce qui est bien, c'est qu'ils entraient en contact avec le commissaire, qui était vu comme une personne-ressource pour éviter les ennuis, pas comme un enquêteur chargé d'imposer des sanctions. Les députés voulaient tirer profit de ses conseils.
Au bout du compte, le commissaire avait peu de travail en ce qui a trait aux enquêtes. Si nous pouvions réduire la moyenne annuelle de quatre enquêtes, qui sont longues et coûteuses, le personnel aurait assez de temps pour les réunions individuelles.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier nos deux témoins d'être ici avec nous aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.
La commissaire voulait témoigner devant le comité à notre dernière réunion, mais elle n'a malheureusement pas pu le faire. Elle nous a toutefois remis les notes qu'elle avait l'intention de nous présenter. J'ai lu son mémoire et j'en conclus qu'elle considère que le système actuel fonctionne relativement bien. Elle croit avoir un modèle efficace auquel les Canadiens peuvent faire confiance, mais elle a recommandé quelques modifications pour l'aider dans son travail. Évidemment, messieurs, vous aurez aussi des suggestions à nous faire à cet égard.
Vous nous avez proposé des mesures générales à propos des règles d'après-mandat s'appliquant aux titulaires de charge publique. Quand on parle de titulaires de charge publique, il est question du personnel, des députés, des anciens ministres, et bien d'autres, alors il faut parler de ce qui les attendra quand ils voudront trouver un emploi à l'extérieur de la fonction publique à la fin de leur mandat. Vous aviez quelques propositions concernant l'après-mandat, mais il me semble que le point le plus important est couvert par la Loi sur le lobbying. Certaines communications sont interdites. En plus d'interdire certaines communications — et les règles sont énoncées dans la Loi sur le lobbying —, quelles autres dispositions devraient être appliquées, selon vous? Est-ce que la Loi sur le lobbying peut remédier aux réserves que vous avez? Il y a eu quelques propositions, mais je ne suis pas certain qu'on les ait vraiment expliquées.
L'un ou l'autre d'entre vous peut répondre à la question.
Monsieur Levine, nous vous écoutons.
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Merci, monsieur le président. Comme je l'ai dit, je pense qu'il est très important que notre comité discute du contenu de la motion, car il est très rare qu'un problème de protection de la vie privée et de données personnelles touche... Eh bien, cela ne s'est jamais produit au point de toucher autant de Canadiens. C'est la plus grande atteinte de l'histoire de notre pays. Tous nos bureaux — et je suis sûr que je parle au nom de mes collègues conservateurs quand je dis que comme moi, ils reçoivent des appels de gens très inquiets. Je parlais justement à des gens de Matheson, d'Englehart, de Kirkland Lake, de Timmins, dans mon comté, qui en sont tous victimes.
Je vois mes collègues d'en face rigoler. Eh bien, les gens qui m'appellent n'ont pas envie de rire. Ils prennent cela très au sérieux.
Mon collègue, M. Mayes, a dit qu'il n'a reçu aucun appel. Eh bien, ils sont 583 000 Canadiens, soit 1 personne sur 60. S'il veut minimiser les préoccupations des Canadiens, qui sont très inquiets de ce qu'on a fait de leurs renseignements personnels — et il ne s'agit pas seulement des leurs... Parmi les gens qui nous ont téléphoné, certains nous demandent si les données de leurs parents sont touchées, car ils ont également signé les demandes de prêts.
Nous ne le savons pas. Nous essayons de rassurer les gens au sujet de ces questions. Je suppose que le problème, c'est que pendant deux mois, le gouvernement a étouffé l'affaire. Ce sont deux mois durant lesquels les Canadiens risquaient d'être victimes de fraude, car le gouvernement ne peut nous dire ce qui est arrivé à ces données.
Lorsqu'il a enfin admis qu'il y avait eu atteinte, je sais que, d'après ce que m'ont dit bon nombre de gens de mon comté et bien d'autres Canadiens de partout au pays qui téléphonaient à RHDCC, on leur disait seulement « nous sommes désolés que cela se soit produit », mais on ne s'est pas engagé à réagir au danger auquel les gens faisaient face.
Je ne sais pas combien de personnes ont été victimes de fraude d'identité ou combien ont vu la sécurité de leur carte Visa compromise, ce qui m'est déjà arrivé, et c'est une situation effrayante, car on ne sait pas comment c'est arrivé et si cela se reproduira.
Il incombe donc au gouvernement de réagir et de rassurer les Canadiens.
Il y a maintenant quatre recours collectifs à cet égard. C'est sérieux. C'est ce qui se passe lorsqu'on brise le lien de confiance avec la population.
Étant donné que c'est notre comité qui étudie les questions de protection des renseignements personnels et d'éthique et que nous venons de terminer notre étude sur les médias sociaux, nous sommes les mieux placés pour comprendre ce qui s'est passé, faire la lumière sur les mesures qui ont été prises et la culture interne qui a mené à ce qui s'est produit, et déterminer s'il existe un protocole pour d'autres ministères — maintenant que c'est arrivé dans l'un d'entre eux. Cela pourrait-il se produire à l'ARC ou dans d'autres ministères? Nous ne le savons pas, et nous devons les faire comparaître.
Je pense qu'il faut discuter de la motion.
Je vois que mon honorable collègue du Parti libéral présente la liste d'un certain nombre de personnes dans une motion. Je pense que nous pouvons déterminer comment nous procéderons pour ce qui est des témoins, car c'est dans notre intérêt à tous de faire toute la lumière sur cette affaire.