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Merci, monsieur le président, madame et messieurs les députés.
Ayant lu les témoignages précédents, je vous soumets ici huit remarques sur les questions qui n'ont pas été abordées jusqu'à maintenant.
La première remarque est que les médias sociaux ne sont pas un secteur d'activités commercial. Les médias sociaux sont plutôt une variété d'applications qui permettent de créer et d'échanger du contenu utilisé non seulement par quelques entreprises spécialisées bien connues, mais aussi par toutes sortes d'entreprises commerciales, des organismes publics, des associations, des employeurs, des écoles, des universités et même des hôpitaux qui sont, actuellement, en train d'en développer.
Il n'y a pas que des personnes qui les utilisent. Il y a aussi des machines. Par exemple, les policiers, les travailleurs sociaux et les personnes oeuvrant dans des maisons de refuge doivent aujourd'hui expliquer aux adultes et aux enfants qui sont sous leur protection que leurs ordinateurs, tablettes, téléphones et caméras diffusent automatiquement des informations qui permettent de les localiser.
Bref, les médias sociaux sont un environnement. La solution ne peut donc pas passer par une approche sectorielle applicable à certaines entreprises, ni même à tout le secteur privé, mais plutôt par une approche universelle qui s'appliquerait aussi, dans une certaine mesure, aux fabricants de certaines machines produisant de telles informations. Aujourd'hui, nous sommes entrés dans une ère qu'on appelle l'Internet des objets.
Deuxièmement, la transparence des processus d'un média social n'est pas importante seulement pour l'opérateur afin qu'il puisse respecter ses obligations légales ou pour l'individu afin qu'on respecte ses droits ou pour permettre au commissariat de faire son travail. La transparence des processus est aussi importante pour que les organisations tierces puissent respecter leurs propres obligations.
Je vais vous donner un petit exemple très simple. La Brasserie Sleeman avait lancé le concours Évadez-vous à Alcatraz, qui nécessitait d'accéder à une page Facebook. Or, le fonctionnement de sa page Facebook contredisait le règlement officiel du concours. Sleeman se retrouvait donc plus ou moins à enfreindre les lois sur les tirages et concours publicitaires et les lois relatives à la protection des informations personnelles. Je soulève ces deux points.
L'application exigeait d'être abonné à Facebook pour s'inscrire au concours, alors que ce n'était pas une condition d'admissibilité. Le règlement du concours affirmait qu'aucun renseignement personnel ne serait transmis à Facebook, mais l'application obligeait à cliquer le bouton « J'aime » de cette page et, donc, à produire et diffuser des informations personnelles sur l'abonné.
L'explication la plus probable dans un cas comme celui-là est que les professionnels engagés par Sleeman ne comprenaient pas les processus de Facebook, ni comment les processus de l'application de Sleeman s'y arrimaient. Cela m'amène à la troisième remarque.
La convivialité des médias sociaux donne une fausse impression de transparence. Par exemple, je vous réfère au premier schéma qui vous a été distribué. On imagine communément qu'un tweet fait 140 caractères. C'est faux et vous allez le voir sur les schémas. Un tweet fait plusieurs centaines de caractères, composant une trentaine de champs différents d'information personnelle. C'est la même chose pour les processus. L'usager a l'impression de voir les opérations effectuées sur ses informations. En réalité, l'application est une sorte de boîte noire dont on ne peut voir que ce que l'opérateur nous montre.
Quatrièmement, les textes des contrats d'adhésion, des conditions d'utilisation et des déclarations en matière d'usage d'information personnelle ne sont pas des moyens appropriés pour expliquer les processus. Il faut se rappeler que les premières lois dites de protection des informations personnelles ont été adoptées dans les années 1970. Donc, elles ont été conçues dans les années 1960. Le paysage de l'époque était dominé par des bureaucraties publiques ou privées où un préposé s'assurait que les informations produites sur un individu étaient compatibles à la fois avec les processus internes de l'organisation et avec la situation de l'individu.
C'est ce défi qu'on appelle la pragmatique de l'information. Je fais référence ici au deuxième schéma qui vous indique les facteurs qui peuvent déterminer le choix des bonnes informations pour obtenir les bons résultats. Je vais vous donner un exemple très simple à cet égard.
L'admission à une école et l'inscription à une année scolaire sont deux processus différents qui demandent d'identifier la mère, dans les deux cas, sauf qu'il ne s'agit pas de la même personne. La secrétaire de l'école s'assure que la bonne personne est décrite. L'admission a besoin de la personne inscrite au registre d'état civil afin de distinguer entre les petits Tremblay, les petits Smith, les petits Nguyen, alors que l'inscription identifie la personne qui s'occupe quotidiennement de l'enfant. Il ne s'agit donc pas nécessairement de la même personne.
Dans un contexte bureaucratique classique, les textes d'application générale suffisaient parce que les organisations avaient des centaines de préposés qui assuraient la médiation entre la réalité de l'individu et les processus de l'organisation. Aujourd'hui, on demande à des millions d'individus de s'auto-administrer les processus, et cela n'est viable qu'à deux conditions:
1) si l'individu, au moment opportun, a des explications spécifiques sur les processus précis qu'il enclenche;
2) si ces explications sont compréhensibles, y compris pour des enfants, des technophobes ou pour la moitié de la population canadienne adulte qui est à faible littératie.
Ici, par contre, les applications peuvent être la solution puisqu'elles sont interactives et multimédias. Je reprends l'exemple de Valerie Steeves. Le 29 mai, si le système m'a profilé comme étant une adolescente vancouvéroise de 16 ans et indiqué les intérêts caractéristiques de ce profil, pourquoi n'afficherait-il pas aussitôt ce profil ainsi qu'à quoi et à qui il sert exactement? Cela me permettrait d'ajuster les paramètres afin que le système réponde mieux à mes attentes et besoins, un peu comme dans le schéma auquel je me suis référé plus tôt. Il ne s'agit pas de dévoiler le secret industriel de l'algorithme de profilage, mais plutôt d'établir un dialogue qui va raffiner la relation, et peut-être même l'algorithme par la même occasion.
Voici la cinquième remarque. Même si les lois sur la protection des renseignements personnels ont émergé dans une large part en réaction au risque totalitaire et qu'elles demeurent une condition préalable au respect des droits de la personne, qui sont souvent garantis ailleurs — par exemple les questions liées au consentement de l'enfant —, il reste que ces lois ne sont substantiellement que l'expression de principes relatifs à une gestion efficace de l'information. J'ai participé à leur mise en oeuvre dans plus de 500 organisations, grandes et petites, de tous les secteurs. Or, une fois qu'on avait rationalisé la gestion, la loi était de facto respectée. En plus, on diminuait les coûts et on améliorait les processus.
Voici la sixième remarque. Le modèle législatif canadien en matière de protection des renseignements personnels ne couvre essentiellement que trois phases logiques ou critiques, à savoir la production, la conservation et la communication de l'information. Il couvre beaucoup moins bien la phase du traitement et celle de la conclusion du processus qui aboutit souvent à une décision. Or, on ne peut pas expliquer utilement les processus aux usagers qui s'autoadministrent sans rendre transparent l'ensemble des phases. Autant l'autonomisation des individus n'est pas possible sans cette compréhension, autant le dialogue démocratique entre les communautés d'usagers, d'une part, et les développeurs ainsi que les opérateurs, d'autre part, n'est pas possible sans cette transparence.
Voici la septième remarque. Si l'amélioration du modèle législatif canadien se maintient par l'entremise de principes de gestion appliqués au niveau des phases logiques plutôt que par l'imposition de procédures particulières, ces normes pourront durer malgré les changements technologiques et être plus aisément acceptées par les opérateurs.
Cependant — et il s'agit ici de la huitième et dernière remarque —, toute l'économie de la législation sur la protection des renseignements personnels est fondée sur le principe de finalité ou, en d'autres mots, sur le principe voulant qu'on établisse une relation prédéfinie avec l'individu.
Par conséquent, les entreprises qui n'ont pas de modèle d'affaires clair ou qui privilégient l'approche « générons n'importe quelle information, nous trouverons toujours une façon de l'utiliser » ne pourront jamais accepter d'emblée quelque législation que ce soit, parce que les deux logiques sont contradictoires.
Dans de tels cas, il est clair qu'on ne pourra pas transiger avec ce type d'acteurs autrement qu'en affirmant clairement les valeurs et principes auxquels on donne force de loi et en prévoyant des pouvoirs d'ordonnance ainsi qu'un régime de sanctions pénales conséquent permettant de faire respecter la loi.
C'était donc les huit remarques que je croyais pouvoir ajouter au débat qui s'est tenu à ce jour. Évidemment, je suis disposé à répondre à toute question que vous jugerez à propos de me poser.
Bon après-midi à vous, monsieur le président, et aux membres du comité. Je m'appelle David Elder. Je suis avocat chez Stikeman Elliot, ici, à Ottawa, et je me spécialise dans le domaine des communications et de la protection des renseignements personnels. Je suis également conseiller juridique spécial à la protection des renseignements personnels numériques pour l'Association canadienne du marketing.
L'Association canadienne du marketing, ou l'ACM, est la plus importante association de marketing et de publicité au Canada, comptant quelque 800 membres corporatifs dans les principaux secteurs d'affaires du Canada et toutes les disciplines, voies de communication et technologies liées au marketing. Les programmes de l'ACM aident à façonner l'avenir du marketing au Canada, mettant de l'avant le rôle stratégique du marketing comme principal moteur de la réussite en affaires. Les membres de l'association contribuent grandement à l'économie par la vente de biens et de services, l'investissement dans les médias et les nouvelles technologies de marketing, et la création d'emplois pour les Canadiens. Dans ce contexte, l'Association canadienne du marketing se fait la voix du milieu du marketing au Canada, défendant un environnement propice à la réussite du marketing éthique.
Au nom de l'ACM, je veux vous remercier de m'avoir invité à venir témoigner devant le comité pour son étude sur les enjeux relatifs à la protection de la vie privée qui découlent de l'évolution du monde des médias sociaux. Je vous propose cet après-midi de jeter un oeil sur les pratiques générales de l'industrie pour remédier aux problèmes relatifs à la protection de la vie privée pouvant découler des médias sociaux. Je vais surtout parler des codes et des lignes directrices de l'ACM. Toutefois, en tant que représentant d'une association de l'industrie, je vais m'abstenir de discuter des politiques et des activités d'une organisation ou d'une entreprise en particulier.
Ce n'est pas par hasard que l'ACM a participé à l'élaboration des lois et des politiques du secteur privé en matière de protection des renseignements personnels. L'ACM est en effet à l'avant-scène de ce secteur au Canada depuis de nombreuses années.
En 1995, l'ACM a été la première association de gens d'affaires à réclamer l'adoption d'une loi nationale sur la protection des renseignements personnels afin d'établir les principes de base de ce secteur. Et c'est l'un des membres originaux du comité technique de l'Association canadienne de normalisation qui a élaboré les 10 principes de la protection des renseignements personnels de l'ACM.
Plus tard, l'ACM a soutenu publiquement la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques quand elle a été adoptée par le gouvernement. Les membres de l'association ont milité fortement en faveur d'une loi qui établirait des consignes claires à l'égard de la collecte, de l'utilisation et de la communication des renseignements personnels, tout en permettant la latitude nécessaire pour que les entreprises puissent tirer profit des technologies émergentes et contribuer à la croissance de l'économie canadienne.
L'ACM demeure convaincue que ce délicat équilibre législatif entre les intérêts individuels et les besoins commerciaux profite grandement aux consommateurs et au marketing axé sur l'information, qui représente une part de plus en plus importante de l'économie du Canada.
De plus, suivant l'adoption de la LPRPDE, l'ACM a continué à participer activement au débat politique continu entourant la loi canadienne sur la protection des renseignements personnels et sa mise en oeuvre. Il y a plusieurs années, par exemple, l'ACM a proposé que le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada entreprenne des consultations avec des intervenants intéressés en vue d'élaborer des lignes directrices sur la notification de violations, même si la loi ne l'obligeait pas. Ces consultations ont mené à la publication, en 2007, des lignes directrices du CPVP intitulées « Principales étapes à suivre par les organisations en cas d'atteintes à la vie privée ».
Outre son intérêt et son engagement envers les approches législatives et politiques concernant la protection des renseignements personnels, l'ACM a longtemps fait valoir que les spécialistes du marketing eux-mêmes avaient la responsabilité de mettre en place des pratiques de gestion des renseignements personnels qui sont responsables et transparentes, et ils ont aussi un rôle important à jouer dans la promotion de telles pratiques.
À cette fin, l'association s'est dotée, au début des années 1990, d'un code d'éthique obligatoire et de normes de pratique, de même que d'un code d'autoréglementation qui offre aux membres de l'ACM, et aux spécialistes du marketing en général, une série complète de pratiques exemplaires pour un marketing éthique.
En 1993, l'ACM était la première organisation d'envergure du secteur privé à publier et à rendre obligatoire un code exhaustif de protection de la vie privée régissant les activités de ses membres, code qui reflète aujourd'hui les 10 principes de la LPRPDE. Le code de l'ACM vise à permettre aux consommateurs de garder mainmise sur leurs renseignements personnels, ainsi qu'à favoriser la transparence du processus de collecte et d'utilisation des données des clients par les spécialistes du marketing.
Le code de l'ACM est reconnu comme la référence en fait de pratiques exemplaires dans le monde du marketing au Canada. Plusieurs gouvernements et organismes de réglementation le voient également comme l'exemple à suivre pour un marketing éthique et une autoréglementation efficace de l'industrie. Par exemple, l'ACM était l'un des 10 membres du groupe de travail fédéral sur le pourriel, qui a utilisé le code comme guide principal sur les pratiques exemplaires du marketing éthique. Tous les membres de l'ACM sont tenus d'adhérer au code d'éthique de l'association, leur appartenance à l'ACM en dépendant.
Le code de l'ACM est aussi un document en constante évolution. L'association surveille régulièrement le marché pour veiller à ce que son code reste en phase avec les nouvelles pratiques et technologies du secteur du marketing. Au fil des ans, elle a formé plusieurs groupes de travail pour examiner des questions émergentes.
Si le contexte de la protection des renseignements personnels a changé, c'est aussi vrai pour les exigences d'autoréglementation et les lignes directrices régissant les activités des membres de l'ACM.
Par exemple, en 1999 et en 2002, l'ACM s'est penchée sur des questions de nature délicate à propos du marketing ciblant les enfants et les adolescents; elle a ensuite révisé son code afin de fournir aux spécialistes du marketing des consignes claires sur les pratiques de marketing appropriées pour ces groupes démographiques. Entre autres exigences, la collecte ou la sollicitation de renseignements personnels auprès d'enfants de moins de 13 ans nécessitent le consentement explicite d'un parent ou d'un tuteur, et toutes les communications commerciales doivent être adaptées à l'âge du groupe visé et formulées en termes simples que peuvent facilement comprendre les enfants.
Quelques années plus tard, face à l'arrivée de nouvelles technologies et techniques de marketing et à l'adoption d'une nouvelle réglementation, les groupes de travail de l'ACM ont examiné scrupuleusement les activités de marketing sur Internet avant d'émettre de nouvelles lignes directrices sur l'autoréglementation pour l'ensemble de l'industrie, en plus d'inclure au code de nouvelles dispositions obligatoires pour les membres de l'association, dont l'obligation de déclarer la raison de la collecte et de l'utilisation des adresses courriel, d'obtenir le consentement du destinataire avant d'envoyer des communications marketing non sollicitées par courriel, et de fournir un moyen simple et facile de cliquer pour refuser de recevoir à l'avenir les communications.
En 2010, l'ACM a révisé son code de déontologie pour donner à ses membres des directives sur les meilleures pratiques de marketing pour la publicité en ligne fondée sur les intérêts, aussi appelée « publicité comportementale », qui est peut-être la plus pertinente pour l'étude du comité. Les nouvelles exigences portent sur la transparence, le consentement des consommateurs et la publicité en ligne adressée aux enfants; elles découlent de discussions tenues par le comité de déontologie et de protection de la vie privée de l'ACM, en collaboration avec d'autres associations canadiennes.
Plus précisément, au sujet de la transparence, les lignes directrices exigent que les agents de marketing utilisant la publicité en ligne fondée sur les intérêts s'assurent qu'eux-mêmes et les canaux publicitaires et les éditeurs de sites Web qu'ils utilisent pour afficher ces annonces en leur nom offrent des informations claires pour expliquer comment sont recueillis et utilisés les renseignements envoyés lors de la navigation, et qu'ils offrent une façon simple d'attirer l'attention des consommateurs vers cette information. Pour ce qui est du consentement des consommateurs, le code exige que les agents de marketing prennent les mesures nécessaires pour s'assurer que les canaux publicitaires et les éditeurs de sites Web qu'ils utilisent pour afficher les annonces fondées sur les intérêts en leur nom offrent aux consommateurs un moyen clair et facile de voir, de comprendre et d'effectuer leur retrait du suivi de leurs activités en ligne au fil du temps qui sert à la distribution d'annonces fondées sur les intérêts.
Finalement, en ce qui a trait au marketing adressé aux enfants, conformément aux lignes directrices en place de l'association, les nouvelles directives interdisent aux agents de marketing de participer à l'utilisation de publicité en ligne fondée sur les intérêts visant directement des enfants de moins de 13 ans, sauf dans les situations où un parent ou un tuteur accorde un consentement distinct et explicite.
En conclusion, l'Internet en général et les médias sociaux en particulier ont ouvert de nouvelles voies extraordinaires pour les particuliers, la société et les entreprises. Ils ont fondamentalement changé notre façon d'entrer en contact les uns avec les autres, en plus d'avoir démocratisé les médias et d'offrir des façons innovatrices aux entreprises pour interagir avec leurs clients actuels et élargir leur clientèle. Parallèlement, les consommateurs veulent recevoir des offres plus personnalisées et profiter d'un meilleur service, en plus de rechercher la commodité. Les entreprises doivent ainsi se spécialiser afin de pouvoir anticiper les besoins et d'y répondre.
Sans surprise, cette quête d'une économie axée sur l'information, qui croît à un rythme effréné, a suscité des inquiétudes à l'égard de la protection des renseignements personnels, tant du côté des agents de marketing que de celui des consommateurs. Toutefois, à mesure que se multiplient les possibilités qu'offrent les médias sociaux, et que les connaissances et les attentes des consommateurs évoluent, on arrive à remédier aux situations qui pouvaient poser problème. Les entreprises légitimes ont en effet tout intérêt à anticiper les besoins des consommateurs à l'égard de la protection des renseignements personnels et à résoudre toute situation problématique, indépendamment des exigences ou des sanctions juridiques.
Les agents de marketing canadiens reconnaissent depuis longtemps que la confiance des consommateurs est de la plus haute importance, et que la protection des renseignements personnels et les pratiques d'information transparentes sont primordiales à leur réussite à long terme. Autrement dit, les agents de marketing savent que c'est bon pour les affaires de respecter les renseignements personnels, autant dans le monde virtuel que dans le monde réel.
Je remercie le comité de m'avoir accordé son attention; je serai heureux de répondre à toutes les questions que vous aurez à me poser.
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Très bien. Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Jason Zushman. Je suis avocat et je pratique le droit à Winnipeg, au Manitoba.
Bon après-midi à vous, monsieur le président, et aux membres du comité. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à vous parler aujourd'hui de la protection des renseignements personnels et des médias sociaux. J'ai hâte de pouvoir discuter avec vous de ces sujets importants qui touchent la vie de nombreux Canadiens.
C'est devenu « cool » de donner de l'information à notre sujet, et c'est devenu « cool » d'en donner beaucoup. Chaque jour, les Canadiens échangent une quantité incroyable de renseignements sur leur vie quotidienne. Par exemple, plus de 18,5 millions de Canadiens possèdent un compte Facebook, ce qui représente environ 55 p. 100 de la population. C'est énorme par rapport aux statistiques qu'enregistrait Facebook il y a à peine quelques années. Vu l'énorme portée que cela a, il est nécessaire dans l'intérêt de l'ensemble des Canadiens d'adopter des protections juridiques adéquates.
Le monde de la technologie et Internet ont changé nos interactions sociales de bien des façons. La transmission d'information est immédiate. Il y a de nombreux avantages à pouvoir communiquer des renseignements aussi largement, mais cela comporte aussi certains dangers, car les avancées technologiques peuvent évoluer à un rythme que le Parlement et les lois applicables ne peuvent tout simplement pas suivre.
Dans cette analyse des problèmes entourant la protection des renseignements personnels en ligne, il faut noter que les menaces ne proviennent pas seulement des sites de réseautage social traditionnels tels que l'on se les imagine en général. Les sites de quasi-réseautage, comme les sites de jeux en ligne, peuvent aussi poser problème. Beaucoup de ces sites offrent des services payants qui requièrent des renseignements de nature délicate. Si quelqu'un réussissait à pirater ou à infiltrer ces sites, les renseignements hautement confidentiels des utilisateurs, comme leur adresse à domicile ou leur numéro de carte de crédit, pourraient se retrouver entre les mains d'individus sans scrupule.
Quand il est possible de mettre en corrélation les coordonnées des utilisateurs grâce à leurs profils dans les médias sociaux conventionnels, où on trouve leur nom, numéro de téléphone, adresse courriel et mot de passe, le vol d'identité devient encore plus facile. Bien des utilisateurs ont des mots de passe identiques ou des voies d'accès qui se répètent dans l'ensemble de leur présence en ligne. Si un seul de ces services était piraté, tous les services utilisés par ces Canadiens pourraient devenir aussi la cible du pirate.
J'aimerais plus précisément parler de la protection des renseignements personnels et des médias sociaux. Voici quelques commentaires dont je veux vous faire part à ce sujet.
Tout d'abord, il est primordial d'obtenir le consentement éclairé de l'utilisateur. Cela signifie que lorsque l'utilisateur consent aux conditions d'utilisation des services, il doit aussi consentir à toutes les étapes du processus. On doit également lui redemander son consentement chaque fois que les services ou leurs conditions d'utilisation sont modifiés. Le fournisseur de services ne peut pas se contenter de demander aux utilisateurs de consentir une seule fois aux conditions d'utilisation qu'il pourrait modifier de façon unilatérale par la suite.
Parfois, lorsqu'un utilisateur soumet des renseignements à un service de réseautage social, il le fait dans l'intention de limiter la transmission de ces renseignements à un cercle de confiance. Cela peut causer bien des ennuis et entraîner des conséquences inattendues si l'information donnée par l'utilisateur ne sert plus à ce qu'elle avait été prévue au départ. Quand les conditions d'utilisation changent ou qu'elles sont modifiées subséquemment par le fournisseur de services, celui-ci doit obtenir à nouveau le consentement de l'utilisateur avant d'appliquer les changements et les nouvelles conditions.
Souvent l'utilisateur est informé de la modification des conditions d'utilisation par une simple fenêtre contextuelle qui ne permet qu'une lecture en diagonale du contenu, une formalité qui peut être éclipsée par le désir de l'utilisateur de retourner à son réseautage. L'utilisateur n'a apparemment pas toujours l'option de continuer à utiliser le service sans avoir consenti aux nouvelles conditions.
Tous les changements devraient être communiqués clairement à l'utilisateur, et il devrait être mis au courant des répercussions importantes possibles sur ses droits. Il est crucial que l'utilisateur sache toujours comment l'information qu'il fournit est utilisée et entreposée, et comment il peut la faire retirer du site de réseautage social. De plus, l'utilisateur devrait savoir exactement comment on fait le suivi de ses habitudes en ligne et comment la collecte d'information pour déterminer son profil psychographique ou biométrique, comme on l'a vu récemment avec les logiciels de reconnaissance faciale, sert notamment au placement publicitaire.
L'utilisateur doit également savoir dans quelle mesure l'information est communiquée non seulement au sein de l'organisation, mais aussi au public et à des tierces parties, qui pourraient utiliser l'information à des fins qui n'étaient pas nécessairement prévues au contrat initial que l'utilisateur a conclu avec le fournisseur de services de médias sociaux.
Je crois par ailleurs que les lois régissant la protection des renseignements personnels devraient être plus rigoureuses. En cas de violation de la vie privée, les lois devraient prévoir des recours importants et significatifs. Une loi sévère axée sur les conséquences aurait pour effet de dissuader les organisations de s'adonner à des pratiques non autorisées dès le départ. De plus, de telles lois incitent les organisations à prendre des mesures préventives pour éviter les cas de violation de la vie privée, ou toute modification des conditions qui entraînent l'utilisation ou la communication non autorisée des renseignements de l'utilisateur.
Le fait d'utiliser, de changer de façon unilatérale ou de modifier subséquemment, et sans consentement, le contrat qui donne accès aux renseignements de l'utilisateur devrait être lourd de conséquences. Une utilisation inadéquate des renseignements fournis en toute bonne foi par les utilisateurs ne devrait pas simplement s'inscrire dans le calcul des dépenses d'entreprise. Il pourrait être indiqué d'adopter des lois qui prévoient que l'évaluation quantitative des dommages-intérêts doit être calculée directement en fonction des profits ou des multiples de capitalisation des entreprises qui ont utilisé de façon inadéquate les renseignements des utilisateurs. À mon avis, des solutions parlementaires rigoureuses qui vont resserrer et consolider nos lois sur la protection des renseignements personnels contribueront grandement à veiller à ce que le droit à la vie privée des Canadiens soit véritablement reconnu et respecté.
J'aimerais aborder un troisième point. J'ai entendu M. Péladeau parler des règlements entourant un concours organisé par Sleeman, si je ne m'abuse, et comment ils sont entrés en conflit avec des protections juridiques potentielles qu'offre une loi qui n'est pas applicable au Canada.
Finalement, je veux vous parler de l'utilisation des dispositions concernant le choix d'une instance. Comme je le disais plus tôt, la plupart des conditions d'utilisation auxquelles consentent les consommateurs sont des modèles standard de contrat et sont rédigés dans les termes du diffuseur ou du site de réseautage social. Le consommateur n'a pas vraiment de pouvoir de négociation qui lui permettrait de changer ou de modifier les conditions de ces contrats.
Tandis qu'on s'engage dans un débat animé sur la possibilité de modifier la loi et d'octroyer des pouvoirs à ceux qui pourraient imposer des sanctions aux organisations qui ne respectent pas les droits à la vie privée des Canadiens, j'aimerais signaler au comité que bien des contrats de service offerts par les sites de réseautage social contiennent ce qu'on appelle dans le domaine du droit des dispositions sur le choix de la loi applicable ou le choix d'une instance. Ce n'est pas nécessairement évident pour le consommateur de comprendre de quoi elles retournent, mais elles s'avèrent très pratiques et avantageuses pour le diffuseur.
C'est bien beau de s'appuyer sur le droit de la responsabilité délictuelle et les codifications obligatoires qui fait des droits à la vie privée une priorité et qui protège les Canadiens, mais cela ne sert plus à rien quand le contrat accepté par le consommateur ne permet pas l'application de la loi canadienne. Les Canadiens se font dire que leur utilisation des médias sociaux et les atteintes à leur vie privée découlant de cette utilisation sont plutôt assujetties aux lois de la Californie ou de New York.
Conformément à cette disposition sur le choix de l'instance, nos lois nationales peuvent être supplantées par une loi étrangère, et tous les recours offerts seront conformes à cette dernière, une loi qui ne tient pas nécessairement compte des valeurs et des protections qui sont chères aux Canadiens. Il est essentiel qu'il y ait des conséquences significatives pour les organisations qui offrent des services aux Canadiens et abusent des renseignements personnels des utilisateurs en vue de récolter des profits. Il est primordial que les Canadiens soient protégés par les lois promulguées par le Parlement, pour qu'ils sachent que les normes juridiques sociétales que nous avons établies sont respectées et mises en application.
Beaucoup d'entreprises de réseautage social offrent des services directement aux Canadiens pour engranger des profits. Elles acceptent et diffusent des publicités locales. Elles ont des sièges sociaux au Canada. Elles offrent des promotions et des services qui sont adaptés à nos réalités nationales. Quand ces entreprises font le choix de mener des affaires au Canada en s'intégrant à notre industrie locale, elles devraient aussi accepter de reconnaître et de respecter les lois et les sanctions prévues par notre pays.
Je résume donc les trois points principaux de ma présentation que j'aimerais soumettre au comité.
Il y a premièrement le consentement éclairé de l'utilisateur. Il devrait être nécessaire d'obtenir le consentement éclairé de l'utilisateur au moment de l'acceptation initiale des conditions d'utilisation, en ce qui concerne les renseignements personnels, mais aussi à chaque modification subséquente des conditions qui aura des répercussions sur l'expérience de l'utilisateur ou sur la façon dont l'entreprise de réseautage social utilisera ces renseignements.
Deuxièmement, je crois que les lois sur la protection des renseignements personnels devraient être resserrées. Des sanctions efficaces devraient être appliquées en ce qui concerne les dommages-intérêts en matière de responsabilité délictuelle, la common law, ou d'autres infractions aux règles. Des sanctions sévères devraient être imposées à titre de mesures de dissuasion, de façon à protéger les droits à la vie privée de tous les Canadiens.
La troisième chose sur laquelle j'aimerais attirer votre attention concerne le territoire de compétence. Toute mesure que prendra le Parlement à l'égard de la Loi sur la protection des renseignements personnels devrait essentiellement remplacer le critère juridique des liens réels et importants par une juridiction en soi, afin d'avoir autorité sur les éléments auxquels peut s'appliquer la loi canadienne.
Il faut qu'il soit clair et non ambigu que les entreprises choisissant de faire des affaires au Canada devront se conformer à la loi canadienne. Je crois que cela devrait être codifié de façon explicite.
Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions cet après-midi.
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La réponse courte serait celle-ci. Si on est aux États-Unis, la question se pose. Pour ma part, j'ai fait, en 1986, l'étude de toutes les lois au monde pour le compte du gouvernement du Québec. L'une des caractéristiques particulières des lois américaines, si on les compare à toutes les autres lois dans le monde, est qu'aux États-Unis on réglementait beaucoup trop dans les détails. On bricolait, ce qui figeait l'innovation. C'est pourquoi j'ai dit précédemment qu'il fallait que les lois en matière de protection des renseignements personnels s'appliquent aux phases d'exploitation et non pas aux procédures. C'était d'ailleurs une des recommandations du rapport intitulé
L'identité piratée, qui recommandait cela pour la loi sur la protection des renseignements personnels au Québec. Dans le contexte américain, je comprends cette façon de légiférer.
Par contre, les lois canadiennes ou européennes se situent à un niveau plus large. Elles n'imposent pas nécessairement des procédures. Elles fixent des objectifs de gestion qui s'appliquent à la production, au stockage et à la communication d'informations de façon générale. Elle laisse le soin aux entreprises de les appliquer. C'est à la fois plus robuste face à l'évolution technologique et cela permet aux entreprises et aux organisations de les appliquer.
Depuis cette époque, j'ai remarqué que ce sont pour l'essentiel des règles de bonne gestion, comme je le disais plus tôt. Si on applique des règles de bonne gestion, cela sera profitable pour les entreprises. Brièvement, je vais vous donner trois exemples.
Dans une grande entreprise de services de communications, on s'était rendu compte que la section couvrant l'île de Montréal produisait 80 000 notes par mois. Il fallait de une à trois minutes pour écrire ces notes, qui étaient totalement inutiles et encombraient les gens qui allaient donner le service à la clientèle. Lorsque j'ai fait le travail en 1995, j'ai constaté que dans des petites entreprises, comme les garderies, il y a de très petites unités: une secrétaire et une directrice administrative. À l'époque, on avait réussi à réduire jusqu'à l'équivalent de trois mois par personne la quantité d'informations inutiles qu'elles géraient, en plus des conséquences que cela avait sur le service.
En somme, il faut intervenir le plus possible sur le plan des phases logiques de l'information, c'est-à-dire les grandes phases du cycle de vie de l'information, et non pas au niveau des procédures car, en effet, on compliquera la vie de tout le monde.
Comme je le signalais, il faut aussi se rendre compte qu'en matière de protection des renseignements personnels, il faut rester au niveau des règles de bonne gestion et de transparence. On peut régler à l'extérieur, par exemple, la question du consentement des enfants. Cette question ne touche pas uniquement l'usage de renseignements personnels, mais elle touche toutes les interactions qui se font avec des enfants. Cela peut être tenu comme un principe à part et de façon universelle.
En résumé, il ne faut pas agir de façon sectorielle comme aux États-Unis et non pas dans les détails comme on l'a fait, mais de la façon la plus universelle possible, à savoir sur le plan des phases et des principes de gestion.
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Oui, c'est un fait. L'historique disponible n'est pas suffisamment grand pour le vérifier et pouvoir l'affirmer. Toutefois, il y a des indices très clairs. Le cas de Facebook est éloquent. Facebook a fait certains changements qui ont déplu à ses abonnés. Ceux-ci ont réagi fortement. Cet événement nous fait prendre conscience que, essentiellement, on gère de la relation. La question de la relation de confiance est ainsi un élément fondamental.
Cela dit, indépendamment de la confiance, il faut se rendre compte que certaines de ces applications se développent en monopole local. C'est temporaire, mais c'est un monopole.
Reprenons le cas de Facebook. Dans certaines écoles et certaines classes, si vous ne faites pas partie de Facebook, vous ne faites pas partie de la bande. Les mécanismes de marché existent. On les voit à l'oeuvre à l'échelle macroéconomique. Toutefois, quand on les considère à partir de la position microsociologique de l'individu, ce dernier n'a pas nécessairement le choix de faire partie d'un groupe ou de l'autre.
Je vous donne un exemple très simple. Je suis grand-père depuis 18 mois. Il a fallu que je m'abonne à Facebook pour voir les photos de mon petit-fils. Ma fille est inscrite sur Facebook et a une centaine de contacts. Alors, même si j'aurais préféré qu'elle vienne sur Google+, Flickr ou un autre site, elle m'a dit que c'était là, sur Facebook, que ça se passait. Alors, je n'ai pas eu le choix. Ainsi, la confiance influe à l'échelle des communautés. Cependant, elle ne peut pas nécessairement influer à l'échelle des individus parce que les mécanismes de marché ne sont pas disponibles.
Cela a une conséquence. Si les mécanismes de marché ne sont pas nécessairement disponibles, il faut aller du côté d'autres mécanismes. Si le walk ne fonctionne pas, il faut aller du côté du talk. C'est pourquoi je disais qu'il faut assurer au maximum la transparence des processus. Il faut permettre aux gens de s'autodéterminer et de changer eux-mêmes les paramètres en toute connaissance de cause.
Ce média social nous impose une série de règles. C'est un exercice de pouvoir social auquel je suis obligé d'adhérer. Comme je vous le disais, le mécanisme de marché ne fonctionne pas nécessairement à l'échelle individuelle. Or, à l'échelle de la communauté, les médias sociaux sont des lieux de discussion où les communautés d'abonnés peuvent entrer en relation — dans ce que j'appelais plus tôt un dialogue démocratique — avec les développeurs et les opérateurs de ces systèmes.
Le législateur doit s'assurer que ce qui se passe se fait dans la transparence. Par la suite, il faut compter sur les relations sociales et les communautés pour débattre de la direction où cela doit aller. C'est par ce moyen qu'on peut appeler au boycott ou au changement de services, comme ça se fait dans les universités. Par exemple, on y utilise différents médias sociaux pour discuter avec les étudiants. Ceux-ci peuvent décider ensemble d'aller ailleurs si ça ne fonctionne pas.
Grâce à cela et aux lois de protection sur les renseignements personnels, on permet la transparence et la tenue d'un dialogue entre des individus ou une collectivité, d'une part, et les opérateurs de ces systèmes, d'autre part.
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J'avancerais que nous étions proche de la deuxième option pour ce qui est de simplifier et de codifier une série de règles. C'est exactement ce que fait la LPRPDE, reconnaissant que la technologie évolue très rapidement et que le processus législatif accusera toujours du retard. La LPRPDE s'appuie sur des principes de base que toutes les organisations doivent respecter. C'est une approche qui donne assez de latitude aux utilisateurs, et au bout du compte aux commissaires à la protection de la vie privée pour déterminer ce qui est requis, dans quelle mesure la communication de l'information est permise, quel type de consentement est nécessaire, quelles sont les utilisations qui correspondent aux attentes raisonnables des consommateurs, et ainsi de suite.
Je pense que nous sommes à un doigt d'avoir l'approche adéquate.
Pour ce qui est de donner plus de pouvoirs aux commissaires à la protection de la vie privée, je dirais que pour bien des entreprises, en particulier les grandes entreprises et celles de renom, les sanctions et autres mesures exécutoires de ce genre sont assez peu pertinentes. Ce qui blesse réellement, c'est le type de publicité auquel vous avez fait référence.
Lorsqu'on découvre une brèche importante dans la protection des renseignements personnels et que l'entreprise fait toutes les manchettes pour avoir été victime de piratage ou pour avoir utilisé les données de façon inappropriée, la marque de commerce en prend pour son rhume. Les gens se disent qu'ils devraient peut-être changer de fournisseur. Peu importe les lois, c'est surtout là-dessus que se concentrent la plupart des entreprises.
Ce qui pose notamment problème avec l'octroi de pouvoirs exécutoires supplémentaires, c'est que cela vient changer la nature de la relation entre les commissaires à la protection de la vie privée et les entreprises. En ce moment, on se base davantage sur un modèle plutôt axé sur la coopération, semblable à celui de l'ombudsman. Je crois que c'est assez efficace. Les organisations sont plus enclines à échanger proactivement de l'information avec les commissaires dans ce contexte.
Si nous adoptons un régime qui prévoit davantage de sanctions, on se rapproche beaucoup plus d'un régime contentieux, et je ne pense pas que ce soit la voie à suivre au Canada pour la protection des renseignements personnels.
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Merci, monsieur le président et merci également à nos témoins.
Tout cet échange d'idées montre clairement la raison d'être de notre réunion: nous sommes tous d'accord pour dire que les entreprises de réseaux sociaux — à l'exception, peut-être, de certaines sociétés de marketing, parce que je ne vois pas très bien la différence, la limite entre les deux — repoussent les limites à l'extrême et se contentent de formuler des excuses quand elles ont enfreint la loi ou qu'on leur demande des comptes.
Un membre du comité a parlé de notre voyage à Washington, la semaine dernière. Nous avons entendu beaucoup de réactions et de témoignages sur le nouveau cadre réglementaire américain, qui, bien sûr, s'appuie sur des fondements plus généraux que les nouvelles lignes directrices européennes, mais qui sont plus rigoureuses qu'elles ne l'étaient. Sauf erreur, il devrait être promulgué cette semaine. Nous constatons que les différents pays et les différentes parties du monde réagissent différemment à un problème grave évident.
Ce qui me préoccupe le plus, c'est la collecte de données. Où ces données se retrouvent-elles? Est-ce que les consommateurs, les utilisateurs d'Internet ont un mot à dire? Notre commissaire à la protection de la vie privée a déclaré que ces renseignements étaient librement communiqués. Je pense qu'elle avait raison de dire que nous, qui utilisons Facebook ou tout autre réseau social, nous communiquons librement toutes sortes de renseignements, sans avoir une idée de leur destination ou de leur utilisation éventuelles, que ce soit à des fins de marketing ou à d'autres fins. Le problème s'aggrave s'il y a ensuite manquement aux règles de sécurité. Toutes sortes de menaces peuvent être dirigées contre les divers utilisateurs d'Internet, les individus.
Est-ce que les utilisateurs d'Internet peuvent maîtriser l'information qu'ils communiquent ou accéder plus facilement aux renseignements qu'ils ont effectivement divulgués, pour en connaître la nature ou pour savoir ce qu'on sait d'eux sur Internet? Je me demande s'ils peuvent, d'une manière ou d'une autre, exercer une forme de maîtrise sur les données communiquées sur Internet.
Monsieur Elder, commençons par vous.
Merci messieurs. La discussion a été fascinante.
Je pense que nous sommes certainement d'accord, monsieur Elder, que nous sommes à la veille d'assister à des changements dans le marché, dans la démocratisation, dans l'innovation à partir des nouveaux médias. Je pense que tous les membres du comité sont déterminés à trouver une façon de ménager l'innovation. La question est de savoir comment réagir aux infractions, parce qu'il n'y a rien de joli là-dedans. Nous parlons de vol d'identité, de victimisation, d'infractions à la loi et de droit international, des questions graves. Cependant, si nous jouons aux apprentis sorciers, nous risquons de gravement compromettre le développement de toutes les formes d'idées et de marketing.
Je suis très heureux que votre organisme de marketing possède un code d'éthique. La démocratisation de la profession est également une chose intéressante. Il semble maintenant que les gros joueurs doivent s'adapter et se comporter comme les petits, parce que les nouveaux médias favorisent les petites compagnies débutantes. Ils favorisent les gens qui, auparavant, n'auraient jamais pu faire paraître leurs publicités dans un journal. Ils utilisent Twitter, Facebook, Tumblr, n'importe quoi d'autre. Maintenant, les gros doivent jouer avec les petits et je pense que c'est fascinant.
Monsieur Elder, vous parlez de statu quo, mais qu'en est-il de ceux qui ne respectent pas les règles? Ne devrait-on pas confier à la commissaire à la protection de la vie privée les outils permettant de conférer une certaine prévisibilité au marché, de sorte que vos professionnels respectent les règles, mais qu'on peut mater les autres?
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Encore une fois, je dirais qu'un équilibre est possible, et je pense que nous sommes sur le point d'y arriver, comme je l'ai dit précédemment. Notre approche est axée sur des principes. Notre commissaire à la protection de la vie privée s'assure d'être au fait des technologies, des nouvelles utilisations et des préoccupations des consommateurs au fil du temps. Elle émet des directives. Dans bien des cas, d'après moi, les attentes sont claires pour les compagnies. Elles savent à quoi s'attendre. Je pense que c'est le meilleur modèle, et le modèle le plus flexible que nous puissions avoir.
En ce qui concerne la commercialisation auprès des enfants, honnêtement, je ne connais pas vraiment de solution claire et absolue. L'ACM a bien un code qui dit que, si vous devez recueillir de l'information auprès des moins de 13 ans, il faut le consentement d'un parent. Je pense que ce qui est difficile, c'est d'adopter des mesures législatives à ce sujet — et je ne sais pas si cela a été abordé au cours des discussions à Washington, mais les États-Unis l'ont fait. Ils ont adopté une loi sur la protection de la vie privée des enfants en ligne, et elle a eu des bien des conséquences vraiment très bizarres et non voulues.
Entre autres, bien des sites ont indiqué que, puisque les règles sont si difficiles à respecter, ils interdisent tout simplement l'accès aux moins de 13 ans. Plutôt que d'adopter une démarche qui aurait comporté des mesures de protection de la vie privée convenant à ce groupe d'âge, de sorte que les enfants puissent profiter de certains de ces réseaux sociaux, ils ont exclu les enfants complètement, ce qui fait que les enfants doivent mentir, ou obtenir que leurs parents mentent pour eux. Il y a eu divers problèmes. Notamment, quand ils obtenaient le consentement parental, ils exigeaient une forme d'identification, la plupart du temps un numéro de carte de crédit, ce qui fait qu'ils recueillaient de l'information personnelle encore plus sensible simplement pour vérifier le consentement.
Je pense que c'est là l'approche. Le principe est déjà là, dans la législation relative à la protection de la vie privée: il faut la connaissance et le consentement. Je crois qu'elle est déjà assez flexible et qu'elle reconnaît qu'il faut appliquer une norme différente quand on s'adresse à des enfants.