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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 054 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er novembre 2012

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Je rappelle le comité à l'ordre, s'il vous plaît. Nous allons commencer.
     Aujourd'hui, comme vous le voyez à l'ordre du jour, nous continuons notre étude sur la vie privée et les médias sociaux. Nous recevons des témoins de deux organisations. Nous avons avec nous Mme Tallim et M. Johnson, d'HabilioMédias — MediaSmarts, en anglais. Également, M. Bennett, professeur à l'Université de Victoria, est avec nous par vidéoconférence depuis Victoria, en Colombie-Britannique.
    Comme d'habitude, chaque témoin fera une présentation de 10 minutes. Ce sera suivi d'une période de questions et réponses.
    Sans plus tarder, je cède la parole à Mme Tallim et M. Johnson, d'HabilioMédias.

[Traduction]

    Bonjour. Je m'appelle Jane Tallim. Je suis codirectrice exécutive d'HabiloMédias. Je suis accompagnée de Matthew Johnson, notre directeur de l'éducation, qui est aussi notre expert à demeure en protection des renseignements personnels. Je vous remercie de nous avoir invités à cette réunion du comité.
    Nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt les témoignages présentés au comité ainsi que les nombreuses excellentes recommandations que vous avez reçues jusqu'ici. Nous avons également remarqué que beaucoup de témoins experts ont déclaré que l'éducation, surtout parmi les enfants et les jeunes, constitue un élément essentiel d'une approche globale des questions liées à la protection des renseignements personnels en ligne.
    En gardant cela à l'esprit, nous aimerions concentrer nos observations sur le fait que la littératie numérique, et plus particulièrement la sensibilisation à la protection des renseignements personnels, peut aider les jeunes à développer de bonnes habitudes pour ce qui est de la protection de leur vie privée lors de la participation aux médias sociaux et à d'autres activités en ligne.
    L'exposé que nous vous présentons aujourd'hui tombe à point nommé puisque le Canada célébrera la semaine prochaine, comme chaque année, la Semaine éducation médias, conjointement organisée par HabiloMédias et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. La manifestation se déroulera cette année sur le thème « Le respect de la vie privée: ça compte ». Lundi, nous irons à Montréal animer une discussion de jeunes sur ce sujet, qui marquera le lancement de la semaine.
    Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas notre organisation, je dirais qu'HabiloMédias est un centre national à but non lucratif pour la littératie numérique et l'éducation aux médias. Nous nous efforçons de développer parmi les enfants et les jeunes l'esprit critique nécessaire pour participer aux médias à titre de citoyens numériques actifs et éclairés.
    Nous avons commencé nos activités en 1995 sous le nom de Réseau Éducation-Médias, dans le cadre d'une initiative du CRTC sur la violence à la télévision. D'après la politique du CRTC à cet égard, même si l'industrie s'autoréglemente et que les systèmes de classification de la télévision ont un rôle à jouer, c'est dans la sensibilisation du public et les programmes d'éducation aux médias que réside la principale solution à la violence à la télévision.
    Le même principe s'applique aujourd'hui à la protection des renseignements personnels en ligne. Compte tenu des difficultés inhérentes que doivent affronter les législateurs pour s'adapter à l'évolution constante des plates-formes et des applications, l'éducation joue un rôle critique quand il s'agit d'aider les Canadiens de tous les âges à comprendre leurs droits et à gérer leur vie privée et leurs données personnelles.
     « Littératie numérique » est le terme que nous utilisons pour décrire la gamme de connaissances et de compétences dont les jeunes ont besoin pour prendre des décisions sages, éclairées et éthiques en ligne. La gestion de la vie privée et des renseignements personnels est l'une de ces compétences de base.
    Nos ressources et programmes de littératie numérique s'inspirent de notre projet de recherche longitudinale intitulé Jeunes Canadiens dans un monde branché. C'est l'enquête canadienne la plus longue et la plus complète sur les comportements, les attitudes et les opinions des enfants et des jeunes du Canada dans leur utilisation d'Internet.
    L'un de nos principaux domaines d'étude concerne la compréhension et les comportements des jeunes en ce qui concerne la protection des renseignements personnels en ligne, y compris les types d'invasion de la vie privée qu'ils doivent affronter et le rôle des adultes dans leur sensibilisation et la modification de leurs comportements.
    Nous avons récemment lancé la troisième phase de ce projet grâce à des fonds provenant du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Mme Valerie Steeves, de l'Université d'Ottawa, qui est notre principale enquêteuse, a présenté nos conclusions qualitatives au comité en mai dernier. Par conséquent, vous avez déjà une idée de la façon dont la surveillance en ligne est devenue une réalité pour les jeunes d'aujourd'hui.
    Même si les jeunes trouvent agaçante cette surveillance constante, les mythes concernant le danger que présentent les étrangers et les risques d'Internet les encouragent à se persuader eux-mêmes qu'ils ont besoin d'être surveillés pour leur propre sécurité sur Internet. La surveillance constante des parents, des écoles et des sociétés ainsi que son acceptation par les jeunes est une source de préoccupation. Le droit à la vie privée est un droit fondamental de la personne. Une surveillance constante réduit progressivement notre espace privé. De plus, le fait d'être perpétuellement épié sape la confiance mutuelle et la communication entre adultes et jeunes qui sont essentielles pour donner à ceux-ci l'autonomie dont ils ont besoin pour développer leur littératie numérique.
    Enfin, si un jeune grandit dans un environnement où la surveillance à la maison et à l'école est une chose normale et acceptée, il est moins susceptible d'être conscient de son droit à la vie privée et de l'exercer face à la surveillance des sociétés.
    En février prochain, nous étendrons notre enquête nationale aux salles de classe du pays afin d'étudier de nombreux aspects de la vie privée que l'étude qualitative a mis en lumière. Nous voulons en particulier savoir où se trouvent les lacunes en littératie numérique afin d'être en mesure d'y remédier dans le matériel éducatif destiné aux écoles et aux collectivités. Par exemple, nous demanderons aux étudiants si quelqu'un leur a jamais montré comment lire et interpréter les politiques de confidentialité ou les conditions d'utilisation des sites Web.
    En nous fondant sur les conclusions des phases antérieures de notre étude, nous avons développé une importante collection de ressources sur la gestion de la vie privée, comprenant aussi bien des jeux destinés à apprendre de bonnes habitudes de protection des renseignements personnels aux jeunes enfants que des ateliers complets de perfectionnement professionnel permettant d'apprendre aux enseignants comment améliorer la protection des renseignements personnels dans les activités en ligne de leurs étudiants.
(1535)
    Dans notre matériel éducatif, nous nous efforçons d'encourager les jeunes à faire de bons choix concernant leurs propres renseignements personnels et de leur inculquer l'éthique de la vie privée. Il est important non seulement de protéger sa vie privée et de la faire respecter, mais aussi de protéger et de respecter celle des autres. Cette notion est particulièrement pertinente dans l'interaction sociale en ligne, mais elle a aussi des incidences sur l'utilisation des renseignements personnels par les sociétés. L'une des raisons pour lesquelles nous situons la sensibilisation à la vie privée dans le contexte de la littératie numérique, c'est que, comme d'autres témoins l'ont noté, la vie privée n'est pas un concept indépendant. Il a des liens avec la sécurité, la cybersécurité, l'intimidation en ligne, l'authentification de l'information et la citoyenneté numérique.
    La compréhension et l'exercice de nos droits, aussi bien à titre de citoyens que de consommateurs, constituent un important élément de la citoyenneté numérique. Pour exercer leurs droits, les jeunes doivent comprendre que leurs renseignements personnels ont de la valeur et que, pour les protéger, ils ont des recours juridiques et contractuels.
    L'importance perçue de la confidentialité de l'information est un facteur critique quand il s'agit de déterminer si les jeunes gèrent bien leur vie privée en ligne. Comme les enfants qui vont sur Internet sont de plus en plus jeunes, il importe de cultiver chez eux la notion que les renseignements personnels sont précieux et constituent un bien privé, même à l'école primaire. Par exemple, nous avons sur notre site le jeu Pirates de la vie privée, qui a été financé par Google. Il aide les jeunes élèves à comprendre ce concept.
    La reconnaissance de l'importance critique de la sensibilisation des jeunes à la vie privée est une réalité aussi bien au Canada qu'à l'échelle internationale. En 2008, les commissaires à la vie privée et les responsables de la protection des renseignements personnels du Canada ont adopté une résolution sur la protection des renseignements personnels des enfants en ligne, dans laquelle ils se sont engagés à améliorer la situation dans le contexte des activités des enfants et des jeunes sur Internet en favorisant la mise en œuvre d'activités publiques d'éducation visant à renforcer leur sensibilisation aux risques qui existent en ligne. Depuis, le Commissariat à la protection de la vie privée a produit plusieurs excellentes ressources éducatives et a fourni des fonds à des organisations, y compris la nôtre, pour produire du matériel éducatif dans ce domaine.
    En février dernier, l'OCDE a adopté une recommandation visant à renforcer la protection des enfants en ligne et reconnaissant que cette protection doit s'étendre aux risques liés au contenu, aux contacts, aux consommateurs, à la sécurité de l'information et à la vie privée. L'OCDE recommande que les gouvernements nationaux favorisent la sensibilisation et l'éducation, comme outils essentiels d'habilitation des parents et des enfants, et conçoivent des moyens de réaction s'appliquant à tous les intervenants et comprenant différentes mesures publiques et privées, bénévoles, juridiques et techniques de sensibilisation et d'éducation.
    Le Canada peut trouver de bons exemples à suivre au Royaume-Uni et en Australie. Les deux pays ont de fortes composantes de littératie numérique dans leur stratégie numérique nationale. En Australie, l'organisme fédéral de réglementation — ACMA — produit de nombreuses ressources axées sur la protection des renseignements personnels des enfants en ligne. De son côté, le Royaume-Uni développe la notion que les Britanniques ont un droit numérique qui comprend non seulement l'accès, mais aussi l'acquisition de notions élémentaires de littératie numérique, y compris la protection de la vie privée.
    La notion de la sensibilisation de tous à la vie privée est essentielle pour avoir des citoyens éclairés capables de reconnaître et de contester les pratiques en ligne qui portent atteint à la vie privée. Comme plusieurs témoins l'ont noté, quand le public exerce des pressions, l'industrie a tendance à reculer.
    Il est généralement admis que les jeunes, qu'il s'agisse de fanatiques de Facebook ou d'artistes en herbe essayant de percer sur YouTube, se soucient peu de protéger leur vie privée. Ce n'est pourtant pas vrai. En réalité, la façon dont les jeunes comprennent la vie privée est peut-être plus proche qu'on ne le croit de la perception qu'en ont les adultes. En effet, il s'agit moins pour eux de décider s'il convient ou non de communiquer des renseignements que d'avoir un certain contrôle sur ce qu'ils souhaitent communiquer.
    Pour appuyer les jeunes, nous devons élargir notre interprétation des risques pour la vie privée de façon à y inclure le droit à la vie privée, l'utilisation éthique des renseignements, les mécanismes de recours ainsi que les dimensions civiques et démocratiques de la vie privée. La sensibilisation à la vie privée doit bénéficier d'un appui national, aussi bien dans les programmes scolaires, du jardin d'enfants à la 12e année, que dans des campagnes publiques destinées à informer tous les Canadiens.
    Je vous remercie.
(1540)

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de votre présentation.
    Nous joignons maintenant M. Bennett, en direct de la magnifique ville de Victoria, en Colombie-Britannique. Il va nous faire une présentation. Il est professeur à l'Université de Victoria.
    Monsieur Bennett, c'est à vous. Vous disposez de 10 minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup. J'espère que vous m'entendez bien.

[Français]

    Oui, parfaitement.

[Traduction]

    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité pour parler de cette importante question.
    J'enseigne les sciences politiques à l'Université de Victoria et j'étudie depuis près de 30 ans le dossier de la protection de la vie privée, tant au Canada qu'à l'étranger. J'ai signé ou produit six ouvrages et de nombreux articles sur le sujet. Je bénéficie actuellement d'une bourse du Conseil de recherches en sciences humaines qui me permet d'étudier la politique de protection de la vie privée des médias sociaux. De plus, je travaille sur le même sujet dans le cadre d'une contribution du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
    Comme vous l'avez sans doute constaté, les questions de protection de la vie privée que soulèvent les réseaux sociaux sont aussi vastes que dynamiques. Les réseaux sociaux remettent en question certaines des approches et des hypothèses conventionnelles qui sont à la base de notre législation de protection de la vie privée. Comme vous venez de l'entendre, ils nécessitent une importante sensibilisation.
    La commissaire à la protection de la vie privée du Canada a déjà énoncé les principes de confidentialité qui devraient s'appliquer aux médias sociaux. Le commissariat est à l'avant-garde des efforts déployés à l'échelle mondiale pour que les sociétés qui manipulent des « mégadonnées » respectent les règles et les pratiques établies en matière de protection de la vie privée. Mais les médias sociaux ne consistent pas seulement en organismes extérieurs tels que Facebook et autres. Ils englobent aussi nos propres organisations et pratiques.
    Plutôt que de parler des réseaux sociaux sous toutes leurs formes, je voudrais aborder aujourd'hui un aspect de ces réseaux et de la vie privée qui est beaucoup plus proche de votre propre expérience et de votre propre vie d'hommes et de femmes politiques. Je voudrais soulever une série de questions concernant la façon dont vos partis politiques utilisent les réseaux sociaux ainsi que d'autres sources de renseignements personnels pour constituer des bases de données sur les citoyens canadiens.
    Je suis coauteur d'un rapport, que le Commissariat à la protection de la vie privée vient de faire paraître, sur le respect de la vie privée par les partis politiques fédéraux du Canada. Ce travail, commencé au début de 2011, a été publié il y a quelques mois. Je voudrais profiter de cette occasion pour vous donner un aperçu des principales conclusions parce que je crois qu'elles se rattachent d'assez près au sujet de votre étude.
    Les partis politiques fédéraux recueillent une multitude de renseignements sur les citoyens canadiens, qu'ils soient électeurs, bénévoles, donateurs, membres ou partisans. Un nombre très variable d'employés et de bénévoles — qui n'ont probablement pas de formation en protection de la vie privée ou en sécurité — peuvent aussi avoir accès à ces données, qui sont en outre de plus en plus souvent communiquées dans des formats électroniques très mobiles et dispersés, ce qui permet de les capter en observant l'activité des réseaux sociaux.
    Les partis canadiens exploitent depuis un certain temps d'importantes bases de données de gestion des électeurs: le Système de gestion de l'information sur les électeurs (CIMS) des conservateurs, la Libéraliste et NDP Vote. Ces bases de données se fondent sur la liste électorale établie par Élections Canada en vertu de la Loi électorale, mais une gamme de plus en plus importante de données supplémentaires concernant les électeurs sont ajoutées à cette liste et analysées.
    Ces données proviennent de diverses sources: sondages téléphoniques, méthodes classiques de sollicitation, pétitions, lettres, bases de données commerciales et géodémographiques et, bien sûr, réseaux sociaux. Toutefois, dans l'ensemble et pour toutes sortes de raisons, le contenu de ces systèmes est plus ou moins secret.
    Les nouvelles technologies, que les États-Unis ont été les premiers à utiliser dans leurs campagnes électorales, jouent un rôle de plus en plus important dans les campagnes modernes. De ce fait, l'étendue et la variété des renseignements personnels utilisés par les partis politiques augmentent tandis que se multiplient les préoccupations concernant la protection de la vie privée.
    En voici quelques exemples: applications pour téléphones intelligents destinées aux démarcheurs politiques, logiciels de publicité ciblée en ligne, campagnes courriel ciblées faisant correspondre des adresses de serveurs avec d'autres ensembles de données indiquant l'affiliation politique, l'historique des dons et les caractéristiques socio-économiques, stratégies sophistiquées de segmentation du marché mettant en parallèle les comportements en ligne et ailleurs, recours de plus en plus fréquent aux appels et aux messages textes robotisés et, bien sûr, exploitation des médias sociaux pour planifier les campagnes, cibler les électeurs et les donateurs probables et mesurer l'impact et l'engagement.
    Les médias sociaux offrent un moyen pratique non seulement de cibler les partisans probables, mais aussi de capter de l'information de plus en plus précise sur les préférences et les comportements des électeurs ainsi que sur leurs connaissances et leurs amis. On a beaucoup parlé de ces développements au cours de la présente campagne électorale américaine. L'une des tendances les plus remarquables est l'utilisation de plus en plus fréquente de publicités politiques ciblées et personnalisées fondées sur les empreintes numériques que les gens laissent derrière eux sur les réseaux sociaux. D'après un rapport récent, il existe pas moins de 76 programmes de « traque » sur www.barackobama.com.
    Dans les campagnes électorales canadiennes, la surveillance a été moins étendue et moins envahissante, du moins jusqu'ici. Néanmoins, un certain nombre de faits récents ont mis en évidence l'importance de cette question et ont suscité des préoccupations quant aux pratiques des partis politiques.
    Au cours des dernières années, la commissaire à la protection de la vie privée a également reçu plusieurs plaintes et demandes liées aux activités des partis politiques. Des plaintes de la même nature ont aussi été déposées dans quelques provinces. La commissaire ne peut cependant pas faire grand-chose car, contrairement à la plupart des autres pays démocratiques, le Canada n'a pas assujetti ses organisations politiques à la législation fédérale de protection de la vie privée.
(1545)
    Les partis n'ont pas d'activités commerciales assez importantes pour devoir se conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) ou aux lois provinciales semblables. De plus, n'étant pas assimilables à des organismes gouvernementaux, ils ne sont pas assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels. La seule mesure législative fédérale qui régisse leurs pratiques est la Loi électorale du Canada, mais celle-ci ne s'applique qu'aux données sur l'inscription des électeurs recueillies et communiquées aux partis et aux candidats.
     Les partis seraient également exemptés de l'application du projet de loi C-28 visant à combattre le pourriel ainsi que des règlements concernant les abonnés exclus administrés par le CRTC. Ainsi, la majorité des gens n'ont pas légalement le droit de voir quels détails figurent dans les bases de données des partis politiques, d'accéder à ces données et de les rectifier, de faire retirer leur nom des systèmes ou de limiter la collecte, l'utilisation et la communication de leurs renseignements personnels. De plus, les partis ne sont pas en pratique légalement obligés d'assurer la sécurité de ces renseignements, de les conserver seulement pendant le temps nécessaire et d'exercer un contrôle sur ceux qui y ont accès.
    Presque toutes les autres organisations publiques et privées du Canada doivent se conformer à ces règles de base. Pourquoi les partis politiques peuvent-ils s'y soustraire? J'admets volontiers que les partis jouent un rôle essentiel dans notre démocratie et qu'ils ont besoin de renseignements personnels pour mobiliser et sensibiliser les électeurs et pour toutes sortes d'autres raisons. On a affirmé que ces importantes fonctions l'emportent sur les arguments qui militent en faveur de la réglementation et que l'autoréglementation devrait suffire. Néanmoins, comme nous l'expliquons dans notre rapport, les politiques volontaires actuelles de nos grands partis politiques fédéraux sont incomplètes et insuffisantes.
    Du point de vue d'un partisan ou d'un donateur ordinaire ou encore d'un simple électeur qui souhaite exercer un contrôle sur ses renseignements personnels, les engagements volontaires des grands partis fédéraux du Canada en matière de confidentialité sont souvent difficiles à trouver, incohérents et imprécis.
    Aucun parti n'est meilleur ou pire qu'un autre. Je ne choisis pas de gagnants et de perdants, mais, en toute franchise, il n'est pas évident que vos partis accordent une attention soutenue à la protection de la vie privée et aux risques associés à la collecte d'un énorme volume de renseignements personnels. Par exemple, la dernière fois que j'ai vérifié, je n'ai pas réussi à trouver un lien donnant accès à la politique de confidentialité sur les sites Web du Parti libéral et du NPD. Sur le site du Parti conservateur, le lien figure en bonne place, mais la politique est incomplète et remplie d'affirmations vagues et d'exceptions.
    Je préférerais que les partis politiques fédéraux canadiens soient assujettis aux dispositions de la LPRPDE et, partant, placés sous l'autorité de la commissaire à la protection de la vie privée du Canada. J'exhorte le comité à envisager cette possibilité. En attendant, je crois qu'il est possible d'en faire davantage sur une base volontaire.
    Je crois que ce serait une bonne idée — j'ai lu quelque part que certains partis politiques l'ont déjà fait sans faire trop de publicité — que tous les partis fédéraux déclarent qu'ils se conformeront volontairement aux exigences de la LPRPDE. Il serait souhaitable à cet égard qu'ils revoient leur politique de confidentialité en se fondant sur les 10 principes de protection de la vie privée sur lesquels repose la LPRPDE, et l'affichent d'une façon plus visible. Tous les partis devraient désigner un représentant — l'équivalent d'un chef de la protection des renseignements personnels — chargé de superviser la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels identifiables. Tous les partis politiques devraient adopter des stratégies appropriées de gestion du risque à mettre en œuvre en cas de fuites de données personnelles. Ces fuites se produisent dans de nombreux domaines touchant notre vie, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Il faudrait donc donner aux employés et aux bénévoles une formation en matière de sécurité et de protection des renseignements personnels.
    Il est possible que certaines de ces choses soient déjà réalisées. Je ne veux pas être trop critique, mais je tiens à souligner que les mesures prises ne sont pas évidentes. De ce fait, il est très difficile pour des personnes ordinaires — électeurs, partisans, etc. — de déterminer avec précision quels sont leurs droits.
    Ces questions ne touchent pas uniquement à la vie privée. Si les partis politiques ne se soucient pas trop de la protection des renseignements personnels, les Canadiens auront de moins en moins confiance en eux, et même leur confiance dans le système démocratique pourrait être ébranlée. À l'ère des médias sociaux, il serait bon, ne serait-ce que d'un point de vue organisationnel, de se montrer proactif pour mieux protéger la vie privée et de donner aux gens les assurances nécessaires à cet égard.
    Bref, je félicite le comité d'avoir entrepris l'étude de ces questions difficiles concernant les médias sociaux et les pratiques d'entreprises de mégadonnées telles que Facebook et Google. Le sujet a déjà fait couler beaucoup d'encre, et j'aurais certainement davantage à vous dire à cet égard. En même temps, les questions que j'ai soulevées n'ont suscité que peu d'attention, même si je crois qu'elles sont étroitement liées à votre étude et, bien sûr, à votre propre travail individuel.
    Je vous engage par conséquent à penser à ce que j'ai dit et à travailler au sein de vos propres organisations pour y mettre de l'ordre. J'encourage également vos partis politiques respectifs à se conformer aux principes de protection des renseignements personnels qui s'appliquent à la plupart des autres organisations du Canada.
(1550)
    Je crains que la controverse qui entoure les partis politiques et la protection de la vie privée des électeurs ne fasse que s'accentuer. À l'ère des grands réseaux sociaux en ligne, il convient de bien gérer les données personnelles non seulement dans l'intérêt des citoyens, mais aussi dans celui de vos partis et de la santé à long terme de notre système politique.
    Je vous remercie de votre attention.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de cette présentation. On sent vraiment le climat électoral qui règne à Victoria ces temps-ci.
    Sans plus tarder, je laisse la parole à Mme Borg pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je vais poser mes premières questions aux témoins d'HabilioMédias.
    Dans ce comité, on entend souvent parler de la nécessité de remettre des mesures de contrôle entre les mains des utilisateurs. C'est de là que vient la nécessité d'un organisme comme le vôtre. En effet, on ne peut pas décider de donner un contrôle à quelqu'un s'il ne comprend pas de quoi il s'agit. Les gens ne peuvent pas utiliser ces contrôles qui existent s'ils ne comprennent pas comment fonctionne le Web. Voilà qui explique la nécessité d'accroître la littératie numérique.
    Selon vous, le Canada en fait-il suffisamment pour promouvoir la littératie numérique auprès des jeunes citoyens ou des citoyens en général?

[Traduction]

    Nous sommes très optimistes. Nous avons présenté un mémoire dans le cadre des consultations organisées par le gouvernement sur l'économie numérique. Nous avons bon espoir que, comme cela s'est produit dans d'autres pays, la littératie numérique constituera un pilier de toute stratégie nationale.
    Nous avons également été très heureux de constater, en prenant connaissance du témoignage de Janet Goulding, qu'elle a constamment souligné l'importance du développement de compétences en littératie numérique.
    L'une des difficultés que nous avons au Canada découle du fait que l'éducation relève des provinces et que les projets fédéraux sont quelque peu différents. Du bon travail se fait un peu partout. Par exemple, RHDCC concentre ses efforts sur le développement de compétences professionnelles. Nous avons vraiment besoin d'un certain leadership au niveau public pour atteindre l'équivalent de l'objectif britannique que j'ai mentionné et pour veiller à ce que les jeunes Canadiens soient bien équipés pour être de bons citoyens du monde numérique.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Vouliez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Je voudrais ajouter que vous avez parfaitement raison de dire qu'il ne suffit pas de fournir des outils pour protéger la vie privée.
    Nous le savons à cause des conclusions auxquelles a abouti une étude de l'Université Columbia des États-Unis. Cette étude a révélé que 95 p. 100 sinon tous les participants — il s'agissait d'étudiants de 18 à 25 ans — avaient modifié leurs paramètres de sécurité sur Facebook et étaient donc persuadés que ces paramètres reflétaient le niveau de protection qu'ils souhaitaient. Toutefois, après étude de leur profil, les chercheurs ont constaté que chacun d'entre eux avait à son insu soit des choses partagées qu'il n'avait pas l'intention de communiquer soit, plus rarement, des renseignements tenus confidentiels qu'il souhaitait partager.
    Même s'il y a sensibilisation et si des outils existent, nous savons que les gens n'ont souvent pas les connaissances voulues pour utiliser efficacement les outils s'ils n'ont pas reçu une certaine formation.
(1555)

[Français]

    Dans cette même ligne de pensée, vous avez mentionné qu'il était nécessaire de sensibiliser les jeunes et les utilisateurs en général. Car ce n'est pas toujours simplement une question d'âge, non plus.
    À qui revient ce rôle? Cela incombe-t-il aux entreprises, aux compagnies de réseaux sociaux, au gouvernement? Comment percevez-vous les rôles des différents acteurs dans ce domaine?

[Traduction]

    D'habitude, ce sont les partenariats globaux qui aboutissent aux réactions les plus efficaces. Dans ses recommandations, l'OCDE a aussi souligné l'importance d'un travail commun de la collectivité, du milieu de l'éducation, du gouvernement et du secteur privé pour créer ces approches globales.

[Français]

    Merci.
    Vous avez mentionné rapidement le modèle britannique. Pouvez-vous préciser pourquoi ce modèle a connu un si grand succès?

[Traduction]

    Le modèle britannique est actuellement en cours d'évaluation. Le Royaume-Uni a, comme je l'ai dit, développé le concept du droit numérique. Ce faisant, il a évité que le développement de compétences en littératie numérique ne se fasse en vase clos et ne soit considéré que comme un aspect du développement de compétences professionnelles.
    De nombreux programmes ont été lancés au Royaume-Uni. Il y a par exemple Go ON UK — c'est maintenant une fondation — qui produit toutes sortes de cours et de ressources éducatives pour le grand public et qui s'intéresse aussi aux groupes les plus vulnérables de la société. Les Britanniques ont mis en place une sorte de campagne nationale à laquelle n'importe qui peut accéder.

[Français]

    C'est très intéressant.
    Nous avons entendu des témoins, notamment Valerie Steeves, parler des normes. Lors de la rédaction de normes, on ne veut pas nécessairement interdire tout simplement aux jeunes d'utiliser Internet ou d'autres réseaux sociaux, car ils représentent quand même un certain avantage. En fait, ils peuvent être utilisés pour l'apprentissage des jeunes, notamment. Les exemples sont nombreux.
    Selon vous, quelles devraient être les normes? Devrait-on établir des normes différentes pour une population plus jeune?

[Traduction]

    Les lois pourraient bien jouer un rôle. Pour nous, les jeunes doivent comprendre les dispositions qu'on leur demande d'accepter. Lorsqu'ils utilisent n'importe quel service, ils doivent savoir quels renseignements ils donnent, quels renseignements le service peut recueillir au sujet de leurs activités et ce qu'il adviendra de ces renseignements lorsqu'ils seront entre les mains de l'exploitant du service ou des tiers à qui ils peuvent être vendus. Cette transparence peut découler de mesures législatives, de règles adoptées par l'industrie et d'initiatives des consommateurs qui, comme nous l'avons vu, peuvent être très efficaces. Toutefois, nous avons besoin dans tous les cas du pilier supplémentaire de l'éducation et de la sensibilisation à la vie privée pour que les jeunes soient en mesure de comprendre que l'information est à leur disposition et qu'ils doivent s'en servir à bon escient.

[Français]

    Donc, il n'y a pas nécessairement que la loi. Il s'agit plutôt d'un programme à différents volets.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste cinq secondes.
    Alors, je vais laisser tomber.
    Merci beaucoup.
    Je vais donc passer la parole à Mme Davidson pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins. C'est certainement un bon sujet que nous étudions depuis un certain temps déjà, mais il est toujours intéressant d'entendre de nouveaux points de vue.
    Je m'intéresse particulièrement à l'éducation des enfants et des jeunes. Je n'arrive pas à bien comprendre de quelle façon le message est communiqué à nos enfants. Si je considère mes petits-enfants, qui ont respectivement 5 et 7 ans, que leur enseigne-t-on exactement? Vous avez parlé d'aller dans les salles de classe en février prochain. Quelles années et quels âges comptez-vous cibler? Qu'essayez-vous de leur apprendre? Comment pouvez-vous faire comprendre à un gamin de 5 ans ce qu'est la protection de la vie privée?
(1600)
    Dans le cadre de notre enquête Jeunes Canadiens dans un monde branché de l'année prochaine, nous irons voir des enfants de la 4e à la 11e année. Nous recueillerons une vaste gamme de renseignements. Nous avons deux versions de l'enquête, une pour les petits de la 4e à la 6e année et une autre pour les étudiants de la 4e à la 11e année. L'apprentissage de diverses compétences en littératie numérique, y compris la protection de la vie privée, est assez courant dans les programmes d'études du Canada, mais, comme vous pouvez bien l'imaginer, les cours varient d'une province à l'autre. Voilà un domaine dans lequel nous aimerions voir un certain leadership. Certaines provinces sont plus efficaces ou commencent plus tôt que d'autres.
    Lorsqu'elle a comparu devant vous le printemps dernier, je crois que Mme Steeves a mentionné que notre enquête sur les jeunes Canadiens comprenait, dans sa face qualitative, des entrevues avec les enseignants. Nous en avons fait. Les enseignants ont beaucoup à nous apprendre à ce sujet. Beaucoup d'entre eux souhaitent commencer à intégrer la technologie dans leurs cours d'une manière authentique afin d'être en mesure de développer ces compétences. Bien sûr, les enseignants aussi ont besoin de formation, d'appui et de programmes pour mieux comprendre les compétences dont les jeunes ont besoin.
    Certains éléments existent déjà. Ce dont nous avons réellement besoin, c'est peut-être d'un cadre global tenant compte des compétences de base nécessaires pour la sensibilisation à la vie privée et d'autres aspects de la littératie numérique, qui permettrait de guider nos enseignants et d'assurer une certaine cohérence dans la formation donnée.
    Vous souhaitez savoir comment il est possible d'inculquer des compétences en matière de protection de la vie privée à des enfants de différents âges. Je dirais, pour vous répondre, que toutes nos ressources sont produites par des éducateurs et par des experts en littératie numérique, y compris la protection de la vie privée.
    Cela signifie que tout ce que nous faisons se fonde en partie sur notre compréhension de la pédagogie et du développement cognitif. Nous prenons pour base ce que les jeunes peuvent comprendre à différents âges. Nous tirons également parti de nos propres recherches et de celles qui sont faites un peu partout dans le monde. Nous sommes donc en mesure d'écouter les jeunes et de savoir ce qui les intéresse en matière de vie privée et d'autres questions à différents âges. Nous nous servons de cela comme point de départ pour susciter leur intérêt.
    Cela représente une grande partie de notre recherche. Nous faisons ces études afin d'établir, comme tant d'études l'ont déjà prouvé dans le monde, que les jeunes se soucient en fait de la vie privée. Pour pouvoir les sensibiliser à ces questions, nous devons nous servir d'un langage qu'ils peuvent comprendre.
    Voilà une affirmation qu'on nous répète constamment: les jeunes se soucient de la vie privée. Je suis vraiment heureuse de l'entendre dire par des spécialistes de différents domaines. Nous ne le tenons donc pas d'une source unique. C'est très encourageant.
    Je voudrais cependant vous demander votre avis, encore une fois dans le domaine de la vie privée des jeunes, sur les formulaires de consentement et les règles de protection des renseignements personnels. Je ne connais pas beaucoup d'adultes — sans parler de jeunes — qui puissent comprendre quoi que ce soit dans ces formulaires longs de plusieurs pages. A-t-on fait des efforts pour essayer de les standardiser afin de les mettre un peu plus à la portée des jeunes?
    C'est très pertinent. Je sais que vous avez entendu beaucoup de témoignages selon lesquels il faudrait presque être juriste pour comprendre beaucoup des politiques de confidentialité. Il existe des pratiques exemplaires à cet égard. Sara Grimes a mentionné quelques sites pour enfants qui ont fait un travail exceptionnel dans ce domaine. Je crois que cela fait partie de la solution. Je pense qu'il faudrait féliciter les entreprises qui se montrent respectueuses et essaient d'être transparentes, qui énoncent les choses très clairement, d'une manière facile à comprendre, et qui ne demandent que les renseignements les plus essentiels.
    Il s'agit donc d'éduquer à la fois les parents et les enfants, afin que les jeunes qui n'ont pas encore l'âge de comprendre le tableau d'ensemble puissent être accompagnés d'un adulte en qui ils ont confiance et qui peut les aider à saisir certaines notions. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que les enfants s'amusent en ligne, et beaucoup le font dans des environnements commerciaux. Ils y sont attirés d'une façon ou d'une autre. L'important, c'est que les enfants comprennent que ces lieux d'amusement n'existent que parce que des entreprises essaient de leur vendre des choses. Ils peuvent s'amuser, mais il faudrait aussi les amener à comprendre.
(1605)
    Vous avez parlé de la difficulté qu'il y a à essayer de transmettre le même message partout dans le pays. Vous avez parlé des normes provinciales différentes et des différents niveaux et âges d'engagement.
    Quel rôle voyez-vous pour le gouvernement fédéral dans ce tableau?
    Le rôle fédéral peut consister à faire preuve de leadership en appuyant des rencontres et des manifestations et en favorisant des réunions d'intervenants pour donner forme au cadre dont j'ai parlé et mieux cerner les besoins. Dans les pays où la littératie numérique constitue un pilier de la stratégie nationale, il est clair que les mesures prises ne sont pas simplement dirigées par le gouvernement, par l'industrie ou par la collectivité. Il s'agit d'un effort collectif dans le cadre duquel de multiples intervenants se rencontrent pour travailler ensemble.
    Il faut également se rendre compte que l'éducation des jeunes ne suffit pas en soi. Il faut aussi éduquer les parents, les grands-parents et le public en général. Il n'y a pas de doute que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard.
    D'après nos propres recherches, l'une des raisons pour lesquelles les parents et les jeunes tendent à accepter l'idée de la surveillance — même si les jeunes font beaucoup d'efforts pour y échapper, ils acceptent l'idée d'y être assujettis —, c'est que tout le monde admet certains mythes concernant les risques qu'on court en ligne. Même si la recherche a parfaitement établi que c'est faux, la plupart des gens croient que quiconque en ligne court constamment le risque d'être agressé par un prédateur.
    Des parents nous ont dit qu'ils se sentent obligés d'espionner leurs enfants. Si les jeunes sont constamment épiés par leurs parents, s'ils grandissent en acceptant l'idée d'être espionnés par leurs parents ou par leur école, ils finissent par considérer que cela est normal et ne songent donc pas à contester la surveillance exercée par des entreprises ou par d'autres. Ils en viennent à croire que la surveillance est normale et, au lieu de recourir à des outils publics qui sont efficaces, ils auront recours à toutes sortes d'autres outils moins efficaces — nous en connaissons quelques-uns grâce à nos recherches — pour essayer d'échapper à la surveillance au lieu de s'efforcer de contrôler leur propre information.

[Français]

    Malheureusement, le temps de parole de Mme Davidson est écoulé.
    Je cède la parole à l'honorable M. Regan pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Bennett, pouvez-vous nous donner quelques exemples? Compte tenu de ce qui se passe dans le cadre de la campagne électorale américaine ou de certains incidents qui se sont produits au Canada, quels sont les aspects que vous trouvez alarmants?
    C'est une bonne question à poser.
    Le présent cycle électoral américain se caractérise par l'intégration de diverses formes de données provenant de différentes sources. Aux États-Unis, les données personnelles sont plus facilement accessibles qu'au Canada. L'intégration de données de marketing et de données géodémographiques ainsi que la surveillance du comportement en ligne sont devenues monnaie courante. Cela a permis aux partis politiques américains de segmenter l'électorat d'une manière beaucoup plus perfectionnée qu'auparavant pour mieux cibler les partisans réels et potentiels en fonction de caractéristiques démographiques de plus en plus précises.
    En principe, il n'y a rien de mal à cela, mais, aux États-Unis, les règles de protection des renseignements personnels sont très loin d'être aussi rigoureuses que chez nous. Cela n'a pas empêché les partis politiques du Canada de prendre modèle de temps en temps sur les partis américains.
    Je me demande si ce qui s'est fait aux États-Unis se fera chez nous à l'avenir et si les pratiques de ce genre inquiéteront suffisamment les Canadiens pour que la question revête une importance beaucoup plus grande que ce n'est le cas actuellement.
(1610)
    Je voudrais vous demander de nous dire pourquoi ces activités vous inquiètent. Pourriez-vous par exemple nous expliquer en détail les activités qui vous inquiètent le plus ainsi que les aspects précis de ces activités que vous jugez préoccupants?
    Il y a le manque de transparence. Il y a aussi l'utilisation de dispositifs de surveillance sur les sites Web et de logiciels espions permettant de relier des comportements personnels et des aspects particuliers de la navigation sur Internet à d'autres caractéristiques. Nos règles de protection des renseignements personnels se basent sur des notions de transparence, de consentement et de notification en cas de collecte de renseignements nous concernant.
    Comme je l'ai dit, très peu de règles s'appliquent aux États-Unis. Les pratiques de ce genre s'opposent aux notions de base sur lesquelles reposent les règles de protection de la vie privée figurant dans la LPRPDE canadienne. D'après ces règles, si des renseignements sont recueillis à votre sujet, vous devez savoir qui en fait la collecte, quelle en est la nature et à quel objet ils doivent servir. Vous avez le droit de voir cette information et de la corriger si elle est inexacte. Vous avez le droit d'accepter ou de refuser que l'information soit communiquée à d'autres.
    Ces principes d'équité sont à la base de nos lois fédérales et provinciales ainsi que de la législation régissant les secteurs public et privé du Canada.
    Bref, pour répondre plus directement à votre question, je dirais que c'est le manque de transparence qui est le plus inquiétant.
    Seriez-vous d'un autre avis ou tireriez-vous la ligne à un autre endroit si les activités en cause étaient conçues pour encourager les gens à voter plutôt que pour les inciter à voter en faveur d'un parti ou d'un candidat donné?
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je sais que M. Regan est nouveau au comité et qu'il est simplement en visite chez nous. Nous faisons actuellement une étude de la vie privée et des médias sociaux. Cela n'a rien à voir avec les partis politiques qui essaient d'obtenir des votes ou qui traitent l'information dans leur propre système. Notre comité a fait du très bon travail, je crois. Nous avons eu d'excellentes discussions sur la vie privée et les médias sociaux. Je sais que M. Bennett est notre invité. C'est pour cette raison que je l'ai laissé nous parler pendant assez longtemps des partis politiques, mais ce n'est pas le sujet de notre étude.
    Je voudrais vous demander d'inviter M. Regan à revenir à des questions générales entourant la vie privée et les médias sociaux plutôt qu'à parler de votes, d'élections et de tout le reste. Cela n'a rien à voir avec notre étude.

[Français]

    Merci, monsieur Butt.
    Avez-vous une réponse à donner à cela, monsieur Regan?
    Si vous avez besoin d'une réponse en soi, je peux vous dire que je ne trouve pas que ce soit un rappel au Règlement recevable.

[Traduction]

    Il est évident que cette discussion est liée à la vie privée et aux médias. C'est la raison pour laquelle M. Bennett est ici à titre de témoin. Si le comité considère l'utilisation des médias sociaux pour recueillir des renseignements, pourquoi exclurait-il les partis politiques? Et si vous souhaitez exclure les partis politiques, pourquoi avez-vous invité ce témoin?

[Français]

    Je vous remercie de vos commentaires. Ce n'est pas tout à fait un rappel au Règlement, mais je prends quand même bonne note des commentaires.
    C'est certain qu'il est préférable que les propos rejoignent les médias sociaux, c'est-à-dire le sujet de l'étude inscrite à l'ordre du jour du comité pour aujourd'hui. Donc, si on peut s'en tenir à la relation avec les médias sociaux le plus possible, ce serait l'idéal.
    Je vais donc vous laisser continuer.

[Traduction]

    Monsieur Bennett, aimeriez-vous répondre à ma question en insistant particulièrement sur les médias sociaux?
    Oui, bien sûr.
    Les partis politiques se servent des réseaux et des médias sociaux. Ils se servent des médias sociaux pour communiquer avec des électeurs possibles, des donateurs, etc., mais dans le cadre de cette communication, ils sont en mesure de recueillir d'importants volumes de renseignements sur les gens.
    Je dirais, pour être plus clair, que je suis tout à fait disposé à parler plus généralement de la question des médias sociaux et de la vie privée. J'ai fait d'autres travaux à ce sujet. Toutefois, lorsque j'ai décidé du sujet que j'allais abordé devant le comité, j'ai pensé qu'il serait opportun de soulever cet aspect, comme je l'ai fait dans une étude réalisée pour le compte de la commissaire à la protection de la vie privée du Canada. La question des réseaux et des médias sociaux figurait en bonne place dans cette analyse.
    Je comprends ce que vous dites, et je suis prêt à répondre à toute question que vous poserez. Je suis également disposé à répondre à des questions plus générales concernant l'étude du comité, Facebook, Google et la protection des renseignements personnels.
(1615)
    Merci beaucoup.
    Madame Tallim, vous avez parlé d'un groupe qui a une campagne nationale accessible à tout le monde. Je trouve que c'est une excellente chose pour les parents qui cherchent des renseignements ou pour les enseignants qui veulent trouver du matériel pour aider des enfants et des jeunes à comprendre les questions liées à la protection de la vie privée, mais je ne vois pas ce qu'une campagne de ce genre peut offrir à un jeune.
    Que pouvons-nous faire d'autre pour nous assurer que les enfants sont bien au courant de ces questions? Comment pouvons-nous faire en sorte que l'éducation se fasse en classe et à la maison partout dans le pays?
    Vous avez mis le doigt sur les deux éléments. Comme je l'ai dit, une approche globale doit comprendre un axe d'éducation publique et un autre, d'éducation scolaire.
    Du côté de l'éducation publique, Go ON UK n'est qu'un exemple de programme destiné à sensibiliser l'ensemble de la population. Il comporte toutes sortes de mécanismes de soutien favorisant l'éducation publique dans différents centres communautaires, etc.
    En fait, le Canada disposait d'un excellent réseau pour ce genre d'éducation publique dans le cadre du Programme d'accès communautaire, qui a été supprimé en avril dernier. C'est un peu dommage car il comportait une excellente infrastructure déjà très engagée dans la collectivité. Nous n'avions pas à exercer trop de pressions. Les gens savaient que le programme était là et pouvaient s'en prévaloir pour obtenir de la formation, des instructions ou de l'aide. Le programme était en outre particulièrement bien placé pour toucher des populations vulnérables.
    La présence de tels centres est très importante pour l'éducation publique. La cohérence et le leadership à l'école sont également importants parce qu'ils permettent de s'assurer par exemple que l'éducation commence dans les premières années. Il y a bien sûr des provinces qui prévoient la sensibilisation à la vie privée dans leurs programmes d'études, mais les cours ne commencent qu'à l'école secondaire. Nous savons pourtant que les enfants vont sur Internet bien avant d'avoir atteint le niveau de l'école intermédiaire.
    La cohérence et la présence d'un cadre solide sur le plan pédagogique, qui soit fondé sur des preuves probantes, seraient très utiles. On pourrait ensuite appuyer le tout en donnant la formation nécessaire à nos éducateurs.
    Est-il…

[Français]

    Monsieur Regan, votre temps de parole est malheureusement écoulé.
    Je cède la parole à M. Carmichael.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je voudrais aussi remercier nos témoins.
    J'appartiens moi aussi à la catégorie des grands-parents. C'est par là que je vais commencer. Madame Tallim, vous pouvez peut-être m'aider à situer le contexte. Votre collègue a parlé des élèves de la 4e à la 11e année. Est-ce qu'HabiloMédias a des activités destinées à des enfants encore plus jeunes?
    Oui.
    Permettez-moi de vous donner quelques précisions. C'est notre enquête qui porte sur les élèves de la 4e à la 11e année. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, nous voulons pouvoir comparer les données à celles d'enquêtes précédentes portant sur ce groupe d'âge. Toutefois, nos ressources s'étendent à l'ensemble des programmes d'études, du jardin d'enfants à la 12e année.
    Nous avons fait des efforts ces dernières années pour produire davantage de ressources de littératie numérique pour les jeunes enfants parce que nous savons que les jeunes vont sur Internet de plus en plus tôt. C'est particulièrement vrai depuis l'introduction des tablettes à écran tactile, qui sont conçues pour être spécialement conviviales pour les enfants. Il n'est pas du tout inhabituel ces jours-ci d'entendre des parents dire que leurs enfants vont sur Internet dès l'âge de deux ans.
    Nos recherches nous ont d'ailleurs révélé, comme d'autres études faites un peu partout dans le monde, que pour de jeunes enfants, l'environnement en ligne est extrêmement commercialisé et que la majorité des sites les plus prisés sont des sites commerciaux. Par conséquent, il est vraiment important de développer ces compétences de littératie numérique le plus tôt possible.
    Je vous remercie.
    Pour revenir à ce que vous avez dit, j'ai observé mes petits-enfants de 3, 4 et 5 ans pendant qu'ils utilisaient l'iPad de leurs parents et naviguaient d'un écran à l'autre en ligne. C'est vraiment impressionnant à voir. Je suppose que, dans une perspective de littératie numérique, cette génération sera de loin plus avancée, même par rapport à la génération qui l'a précédée, pour ce qui est de comprendre le fonctionnement de la technologie et les moyens de navigation.
    Je m'inquiète cependant de la protection des renseignements personnels. Vous avez mentionné tout à l'heure quelques exemples de pratiques exemplaires, dans lesquels on parcourt la politique de confidentialité et on l'accepte, que ce soit sur un BlackBerry ou sur un autre dispositif. Les petits enfants n'ont absolument aucune idée de ce que cela représente. Comment gérer la situation dans ces conditions? Quel contrôle, quelle surveillance faut-il exercer pour éviter d'exposer les enfants à certaines choses et de leur permettre d'atteindre certains endroits où ils ne devraient pas aller à leur âge?
    Je vous ai entendu parler des modèles britannique et australien. Pouvez-vous nous parler très brièvement de ce qui fait le succès de ces systèmes? Y a-t-il là des enseignements dont nous pouvons tirer parti?
(1620)
    Je vais commencer par les aspects évidents. Dans ces pays, des fonds considérables sont consacrés à la promotion d'un programme qui favorise le développement de compétences en littératie numérique. L'argent sert surtout…
    Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur?
    Oh, mon Dieu. En Australie, je crois qu'il s'agissait de centaines de millions de dollars, rien que pour le pilier de la littératie numérique. Et cela s'ajoute au plan relatif à l'économie numérique. Les Australiens ont également créé des sites de qualité pour les enfants, dans le cadre de leur stratégie destinée à leur permettre d'acquérir des compétences.
    Vous avez mentionné les tout petits enfants qui vont en ligne en vous demandant comment ils peuvent comprendre n'importe quoi à ce qu'on leur demande d'accepter. C'est là qu'il devient essentiel d'appuyer les parents, les grands-parents et les autres proches pour que le grand public puisse comprendre en quoi consiste un site de qualité pour un enfant. Nous savons tous qu'il suffit de très peu de renseignements pour permettre à un enfant de participer à un environnement en ligne. Par conséquent, la compréhension précise des critères permettant de dire qu'un site est respectueux de l'enfant fait partie de la formation générale dont les adultes ont besoin pour pouvoir accompagner les enfants dans leur navigation sur Internet.
    Très bien. D'accord.
    J'aurais quelque chose à ajouter.
    Il est également important de se rendre compte que, lorsque des jeunes vont sur Internet, ils sont exposés à de plus grands risques touchant la vie privée que leurs parents. Nous savons, d'après les recherches effectuées un peu partout dans le monde, que les jeunes sont suivis et surveillés en ligne d'une manière beaucoup plus agressive que les adultes.
    Ainsi, une enquête du Wall Street Journal a établi qu'en moyenne, les sites Web pour enfants avaient 30 p. 100 de plus de dispositifs de surveillance que les sites pour adultes. De même, une étude de la Commission fédérale du commerce des États-Unis a permis d'examiner 400 applications mobiles visant les enfants sur des dispositifs que les jeunes aiment particulièrement, comme l'iPhone et l'iPad. L'étude a établi que moins de 2 p. 100 des applications renseignaient l'utilisateur sur la nature des renseignements personnels recueillis et sur la façon dont ils seraient utilisés.
    La surveillance des enfants en ligne est vraiment agressive. Ils font l'objet d'un ciblage commercial vraiment intempestif, qui est très sensiblement plus intense que celui des adultes. Comme vous l'avez dit, les enfants ne comprennent pas vraiment ce qu'on leur demande d'accepter. D'ailleurs, est-il vraiment possible de demander à un enfant de donner son consentement dans une telle situation?
    Quand on parle de législation de protection des renseignements personnels — je dois dire que notre commissaire à la protection de la vie privée a fait du bon travail dans ce domaine jusqu'ici —, croyez-vous que de plus grands pouvoirs d'exécution sont nécessaires pour s'assurer que les entreprises respectent la loi? Devrions-nous conférer à la commissaire des pouvoirs plus importants pour qu'elle puisse imposer des sanctions monétaires ou autres aux entreprises qui ne se conforment pas aux dispositions législatives?
    La commissaire à la protection de la vie privée serait mieux placée que nous pour se prononcer sur l'opportunité de lui accorder plus de pouvoirs dans ses relations avec les entreprises. Il n'y a pas de doute que l'existence de normes, qu'elles soient inscrites dans la loi ou fassent l'objet de codes et de lignes directrices d'autoréglementation, comme cela a été le cas pour d'autres médias, permet d'avoir de bons points de repère. Ces normes deviennent l'objectif que les entreprises doivent s'efforcer d'atteindre d'une façon ou d'une autre.
(1625)
    Nous lui avons demandé, et…

[Français]

    Veuillez poser votre question très rapidement.

[Traduction]

    Le temps file. Je m'excuse.

[Français]

    Je tiens à rappeler que vous n'avez pas besoin de toucher aux boutons pour les micros. Nous avons des experts qui s'occupent de tout ça. Ils vont le faire pour vous.
    Avez-vous quelque chose à ajouter en réponse à cela, ou rien du tout?

[Traduction]

    Est-ce que mon temps de parole était écoulé?
    Oui.
    Ah, bon.

[Français]

    Cependant, je laisse aux témoins la possibilité d'ajouter quelque chose.

[Traduction]

    Je dirais très brièvement que, quelles que soient les mesures législatives ou réglementaires adoptées, il est vraiment important de ne pas perdre de vue l'éducation et de s'assurer que les jeunes sont au courant des droits que leur confère la loi ou la réglementation.
    La recherche montre qu'aux États-Unis, beaucoup de jeunes croient que les lois de leur pays protègent leur vie privée beaucoup mieux que ce n'est le cas en réalité. Les jeunes ne savent pas vraiment dans quelle mesure ils sont protégés.
    Nous ne savons pas encore si c'est la même chose au Canada, mais tout semble indiquer que c'est le cas.

[Français]

    Merci.
    Nous commençons maintenant les tours de cinq minutes.
    Monsieur Boulerice, nous commençons par vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos invités d'être présents et disponibles. C'est très apprécié.
    Je suis un témoin privilégié qui peut vous dire qu'effectivement, un petit bonhomme de 2 ans peut naviguer sur un iPad et choisir les vidéos qu'il veut écouter sur YouTube. Il le fait. Il sait qu'un triangle sert à visionner et que les deux barres correspondent à la fonction de pause. Je comprends que ça peut être préoccupant.
    Ma première question s'adresse au professeur Bennett.
    Professeur, vous travaillez sur un projet de recherche appelé « La nouvelle transparence: la surveillance et le tri social ». Pouvez-vous informer le comité de vos observations ou conclusions en ce qui concerne la conciliation des environnements des réseaux sociaux et médias sociaux et de ce qu'on pourrait appeler nos attentes raisonnables envers le respect de notre vie privée? Quel est l'état de la situation, selon vous?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Le projet est essentiellement réalisé à l'Université Queen's. Nous examinons les différentes tendances en matière de surveillance qui se sont manifestées dans les 10 ou 15 dernières années. Cela nous a amenés à faire plusieurs observations.
    Premièrement, la surveillance est devenue plus mobile et plus générale. Elle porte davantage sur l'endroit où vous êtes que sur votre identité.
    La surveillance est de plus en plus intégrée dans des objets matériels. Nous ne savons pas nécessairement que nous sommes épiés. De plus, la surveillance n'intervient pas seulement entre les grandes organisations et les individus. Elle se produit également entre pairs.
    Différentes tendances se manifestent, mais elles sont toutes centrées sur les réseaux et les médias sociaux. C'est la raison pour laquelle je trouve difficile de dire que les réseaux et les médias sociaux sont des choses extérieures qui se limitent aux grandes entreprises. En réalité, ils sont profondément enracinés dans toutes nos organisations.
    En ce qui concerne la vie privée, il est vrai que les règles de protection des renseignements personnels doivent être actualisées en fonction des médias sociaux, et particulièrement sous cet angle. Notre législation, c'est-à-dire la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LPRPDE, a été conçue en fonction d'une nette distinction entre l'organisation et le sujet ou entre un contrôleur de données et un individu. Aujourd'hui, cette distinction s'estompe puisque les médias sociaux produisent et vendent des données qui proviennent en fait des utilisateurs. Cette notion de données produites par l'utilisateur remet en cause quelques-uns des grands principes sur lesquels repose notre législation.
    Je voudrais ajouter quelque chose en réponse à la dernière question concernant les pouvoirs d'exécution.
    La commissaire à la protection de la vie privée du Canada a des pouvoirs d'ombudsman. Je suis en faveur de pouvoirs d'exécution plus étendus. Ils sont certainement nécessaires, compte tenu de l'évolution rapide de la technologie. Avec des pouvoirs accrus, il y aurait plus de certitude pour les consommateurs et, en fait, pour les entreprises.
    Cela permettrait d'établir une jurisprudence plus claire grâce à laquelle les règles et les rapports d'enquête auraient une interprétation juridique plus claire que ce n'est le cas à l'heure actuelle. Il est d'ailleurs un peu étrange que certains de nos commissaires provinciaux — notamment au Québec, en Colombie-Britannique et en Alberta — soient investis de pouvoirs d'exécution en vertu de leurs lois respectives tandis que notre commissaire n'en a pas.
(1630)

[Français]

    Monsieur Bennett, je vais devoir vous arrêter ici, car je ne dispose que de cinq minutes. Je m'aperçois du danger à demander à un professeur d'université de nous dresser l'état de la situation.
    En me préparant à vous poser des questions aujourd'hui, j'ai appris qu'il existait des technologies de reconnaissance faciale qui pouvaient être utilisées par des gens qui créent de la publicité qui sera affichée sur des panneaux, par exemple dans des centres commerciaux ou des épiceries. Par ces moyens, on est capable de déterminer si la personne qui regarde le panneau est jeune ou vieille, s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, et la publicité va être adaptée à la personne. Selon les articles que j'ai lus, on pourrait même établir un lien avec les informations et la photo que la personne pourrait avoir sur son compte Facebook. On serait capable de savoir qui elle est, si elle a des enfants, quel est son revenu et où elle habite.
     Ne trouvez-vous pas ça un peu inquiétant? Moi, je trouve ça inquiétant. Que pensez-vous de cette possibilité d'établir, à l'aide de la reconnaissance faciale, des liens entre les informations qui sont dans les médias sociaux et la publicité en direct?

[Traduction]

    C'est vraiment très inquiétant parce que des entreprises telles que Facebook et Google se servent de plus en plus de la reconnaissance faciale. La possibilité d'identifier une personne à partir d'une photo devrait nous inquiéter tous. Elle encourage la traque, la cybertraque et d'autres formes de harcèlement. D'une façon plus générale, elle donne lieu à une autre tendance à laquelle j'ai fait allusion: le fait que la distinction entre les renseignements personnels et les renseignements non personnels devient de plus en plus difficile à établir.
    Nous avons tendance à ne plus penser à nos renseignements personnels ou à nos renseignements identifiables. Toutefois, qu'il s'agisse de renseignements identifiables ou de reconnaissance faciale, la possibilité de faire le lien entre un visage ou une photo et une personne réelle montre à quel point nous somme tous identifiables en ligne.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Dreeshen pour cinq minutes.

[Traduction]

    Je voudrais remercier nos témoins.
    Je suis un ancien enseignant du secondaire. J'ai enseigné pendant 34 ans.
    De plus, ma fille donne un cours de technologie éducative en ligne à l'Université de l'Alberta. Le cours est destiné à des enseignants qui, à leur tour, donneront eux-mêmes des cours en ligne. Le secteur de l'éducation devra à l'avenir être conscient des choses qui se produisent, ce qui met en évidence l'importance de la formation et de tout le reste.
    J'ai noté, pendant votre exposé sur la littératie numérique, que ces choses sont nécessaires à la fois pour les étudiants et pour les enseignants et qu'il est donc utile d'intervenir lors des congrès d'enseignants et d'autres rencontres de ce genre. Ce sont certainement d'excellentes occasions de sensibiliser les gens.
    J'ai une question à poser au sujet d'une chose que vous avez mentionnée tout à l'heure. Vous avez dit que les étudiants se rendent compte qu'ils sont surveillés à l'école et à la maison et finissent par croire qu'ils n'ont aucun contrôle sur leur vie privée. Bien sûr, s'ils visitent des sites Web à l'école, vous savez à quel genre de difficultés ils sont exposés. Ils doivent donc être en mesure de se protéger eux-mêmes. Je me demande si vous avez examiné de quelle façon cela peut se faire.
    De plus, quand vous parlez de littératie numérique, je me demande si vous leur expliquez qu'il n'y a rien de gratuit et que la raison pour laquelle ils peuvent aller sur ces sites, c'est que les entreprises en cause cherchent à recueillir de l'information. C'est une chose que nous oublions parfois.
    Avez-vous des observations à faire à ce sujet?
    Oui, bien sûr. Je vais commencer, mais je sais que Matthew aura aussi beaucoup de choses à dire.
    Vous avez mentionné, je crois, que l'information est extrêmement pertinente. Le perfectionnement professionnel est plus ou moins en voie de disparition. Je crois que le Conseil scolaire d'Ottawa n'a actuellement que deux journées pédagogiques par an alors que certains enseignants sont chargés d'enseigner de nombreux sujets différents.
    Je crois aussi que nos écoles normales ont de la difficulté à suivre l'évolution rapide qui est en train de se produire à tous les niveaux, comme vous l'avez mentionné. Nous avons besoin de mieux former nos enseignants pour qu'ils puissent à la fois utiliser la technologie dans leur enseignement et apprendre la technologie à leurs étudiants.
(1635)
    Absolument.
    Une étude a été réalisée l'année dernière en Ontario auprès d'étudiants et de stagiaires inscrits à des cours d'initiation à l'enseignement. En très grande majorité, ils ont dit qu'ils n'avaient pas l'impression d'être préparés à affronter les différentes difficultés liées aux technologies numériques auxquelles ils s'attendaient à être confrontés en classe. L'une de ces difficultés concernait l'intimidation en ligne, qui suscite actuellement un très grand intérêt. Cet aspect aussi a une dimension liée à la vie privée parce que l'intimidation en ligne consiste pour une grande part à utiliser à des fins moralement contestables les renseignements personnels d'autrui, comme des photos, par exemple.
    C'est l'une des raisons pour lesquelles nous devons nous soucier de la vie privée. Il s'agit non seulement de protéger les renseignements personnels, mais aussi de le faire d'une manière éthique. Cela se rattache à la collecte de renseignements personnels par les entreprises parce que, si nous encourageons les jeunes à penser que la vie privée a une dimension morale, ils voudront, ils exigeront même que leurs renseignements personnels soient traités d'une façon éthique par les sites et les sociétés qui les recueillent.
    Nous avons également parlé du volume des renseignements recueillis au sujet des jeunes. Quelqu'un mentionné qu'on devrait peut-être envisager de permettre aux jeunes de demander la suppression de tous ces renseignements lorsqu'ils atteignent un certain âge.
    Nous essayons de parler de politiques et d'examiner différents aspects. Je me demande si vous avez des observations à faire à cet égard.
    Certainement.
    L'aspect éducation s'inscrit particulièrement bien dans cette dimension. Lorsqu'on examine la question de la conservation des données, on doit aussi penser à la responsabilité des entreprises, qui devraient être disposées à supprimer les images et les renseignements à un moment donné.
    L'aspect éducation est cependant vraiment important, surtout dans le cas des jeunes. Il y a des entreprises qui peuvent se montrer très respectueuses en supprimant les profils un certain temps après leur fermeture. Toutefois, si un jeune ou moins jeune s'est montré indiscret en diffusant inconsidérément des photos, des textes et d'autres renseignements, tout ce matériel a une vie propre allant au-delà de la courtoisie dont peut faire preuve l'entreprise chez qui ce matériel a été affiché à l'origine.
    Il y a donc un double problème. Encore une fois, l'aspect éducation revêt une importance centrale. Surtout quand on est jeune, on doit bien réfléchir à ce qu'on affiche en ligne.

[Français]

    Merci, monsieur Dreeshen. Votre temps de parole est malheureusement écoulé.
    Je cède la parole à Mme Sims pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup. C'est un plaisir d'être ici.
    Je suis très heureuse d'assister à cette discussion de l'un de mes sujets favoris, la littératie numérique. En effet, je ne connais pas grand-chose à la technologie et mes petits-enfants en savent bien plus long que moi dans ce domaine.
    Comme enseignante, c'est un sujet qui me tient beaucoup à cœur. Vous le savez sans doute, j'ai fait partie du conseil d'administration de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants pendant un certain nombre d'années. Le sujet revêt une grande importance pour tous les enseignants, partout dans le pays. Ils exhortent les gouvernements de tous les niveaux à faire davantage dans ce domaine, tant pour donner de la formation aux enseignants que pour prévoir des ressources sous forme de programmes d'études et d'outils pouvant servir dans les écoles et d'éducation préscolaire menée de concert avec les parents. Je sais à quel point cela peut constituer un défi.
    Je suis toujours très heureuse d'accueillir ici un témoin venant de ma province, et surtout de Victoria, qui est l'une des villes que j'aime le plus.
    Ma première question s'adresse à Matthew et Jane. N'importe lequel des deux peut me répondre.
    Est-ce que la suppression du Programme d'accès communautaire a eu des incidences sur l'accès à la formation en littératie numérique au Canada?
    J'ai été particulièrement intéressée par l'une de vos observations concernant l'Australie et le Royaume-Uni, qui semblent prendre la question beaucoup plus au sérieux que nous. Pouvez-vous me dire pourquoi vous avez fait cette observation? Prévoyons-nous suffisamment de ressources au niveau fédéral pour assurer à nos jeunes le genre de littératie dont nous avons besoin?
(1640)
    Je vous remercie de votre question.
    Je vais vous donner un exemple encore plus proche de chez nous. Les États-Unis ont formé un corps de jeunes dont les membres ont reçu une formation spéciale pour aller dans différentes villes du pays donner des cours de littératie numérique.
    En examinant cette initiative et d'autres, nous avons jugé qu'il était vraiment triste que nous ayons décidé de couper le financement d'un excellent système que nous avions déjà établi, qui était très respecté, qui a fait du bon travail et qui avait réussi à toucher des gens qu'il aurait autrement été difficile de joindre. C'est triste parce qu'en fin de compte, il nous faudra tout reprendre à zéro et réinventer la roue pour aboutir probablement à un autre Programme d'accès communautaire, alors que nous avions déjà investi pour établir dans les collectivités des systèmes qui étaient appréciés et permettaient de faire du bon travail.
    Absolument. Si j'ai bien compris, vous invitez les parlementaires, aussi bien ceux qui sont assis autour de cette table que ceux qui siègent à la Chambre, à veiller à assurer un financement suffisant pour que nous ne prenions pas du retard par rapport à d'autres pays qui ont fait du bon travail dans ce domaine.
    Oui.
    Comme vous l'avez dit, c'est une question très complexe qui a de multiples aspects. Il n'y a pas de solution facile. Pourtant, il faut bien commencer quelque part et, je le sais bien, le Programme d'accès communautaire était certainement un bon point de départ.
    Je vous remercie pour ces éclaircissements.
    C'est à vous, Colin, que je voudrais poser ma question suivante. Dans un récent exposé que vous avez fait au sujet de la dimension géopolitique des renseignements personnels et de la gouvernance de la vie privée, vous avez indiqué que vous avez fait d'importantes recherches sur ces questions aussi bien au Canada qu'à l'étranger.
    Dans votre exposé, vous avez passé en revue les tendances qui se manifestent dans le domaine des pratiques de surveillance. Pouvez-vous nous en dire davantage au sujet de ces tendances? J'essaie de me faire une bonne idée de certaines d'entre elles.
    Je voudrais aussi mentionner que, comme vous le savez, le Canada s'oriente lui aussi vers la collecte de données biométriques à nos postes frontaliers. Croyez-vous que cela puisse susciter certaines préoccupations?
    Pour revenir à la question des tendances, je dirais que la collecte de données biométriques à la frontière a suscité d'importantes préoccupations chez la commissaire à la protection de la vie privée.
    Cette question dépend un peu de ce qu'on entend par données biométriques. L'expression n'est pas toujours utilisée d'une manière cohérente, mais cela confirme d'une façon générale mon point de vue. La nature de l'information évolue, de même que la possibilité de surveiller les gens, parce que la façon dont nous pensons à l'identification des gens est en train de changer.
    Il serait probablement utile de vous donner un exemple du passé pour mieux expliquer mon point de vue.
    Il fut un temps, il y a 30 ou 40 ans, où nous savions que quelqu'un recueillait des informations à notre sujet parce que nous avions alors à remplir un formulaire. On nous posait certaines questions, et nous mettions des réponses sur un formulaire de recensement, un formulaire de demande ou quelque chose de ce genre. Aujourd'hui, il arrive de plus en plus souvent que nous ne soyons pas au courant de ce qui se passe. De plus, nous ne connaissons pas nécessairement la nature de l'information recueillie. Nous ne savons pas de quelle façon nous sommes identifiés. L'une des tendances les plus importantes, à part celles que j'ai mentionnées tout à l'heure, c'est que, comme individus, nous ne savons pas de quelle façon les organisations nous identifient. Nous ne savons pas de quelle façon cela se produit en ligne, et nous ne savons certainement pas ce qui se produira dans le cas des données biométriques. Pourtant, nos lois sont toujours basées sur une conception plutôt désuète de la nature des renseignements personnels. Cela occasion des difficultés pour notre commissaire à la protection de la vie privée ainsi que pour ses collègues des autres pays.
    J'espère avoir répondu à votre question, du moins en partie.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Sims, votre temps de parole est malheureusement écoulé. J'aurais aimé vous entendre encore plus, mais je dois vous arrêter ici, car nous devons passer au point suivant inscrit à l'ordre du jour.
    Je vous remercie, chers témoins, d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui pour nous présenter vos points de vue.
    Comme nous l'avons fait lors de la dernière réunion, nous allons devoir faire une mise à jour de la liste des témoins. Comme cette liste n'est pas publique, nous allons devoir siéger à huis clos pour en faire la mise à jour.
    Encore une fois, je vous remercie beaucoup.
    Chers membres du comité, nous allons nous revoir dans quelques minutes.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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