Bonjour. Je m'appelle Jane Tallim. Je suis codirectrice exécutive d'HabiloMédias. Je suis accompagnée de Matthew Johnson, notre directeur de l'éducation, qui est aussi notre expert à demeure en protection des renseignements personnels. Je vous remercie de nous avoir invités à cette réunion du comité.
Nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt les témoignages présentés au comité ainsi que les nombreuses excellentes recommandations que vous avez reçues jusqu'ici. Nous avons également remarqué que beaucoup de témoins experts ont déclaré que l'éducation, surtout parmi les enfants et les jeunes, constitue un élément essentiel d'une approche globale des questions liées à la protection des renseignements personnels en ligne.
En gardant cela à l'esprit, nous aimerions concentrer nos observations sur le fait que la littératie numérique, et plus particulièrement la sensibilisation à la protection des renseignements personnels, peut aider les jeunes à développer de bonnes habitudes pour ce qui est de la protection de leur vie privée lors de la participation aux médias sociaux et à d'autres activités en ligne.
L'exposé que nous vous présentons aujourd'hui tombe à point nommé puisque le Canada célébrera la semaine prochaine, comme chaque année, la Semaine éducation médias, conjointement organisée par HabiloMédias et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. La manifestation se déroulera cette année sur le thème « Le respect de la vie privée: ça compte ». Lundi, nous irons à Montréal animer une discussion de jeunes sur ce sujet, qui marquera le lancement de la semaine.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas notre organisation, je dirais qu'HabiloMédias est un centre national à but non lucratif pour la littératie numérique et l'éducation aux médias. Nous nous efforçons de développer parmi les enfants et les jeunes l'esprit critique nécessaire pour participer aux médias à titre de citoyens numériques actifs et éclairés.
Nous avons commencé nos activités en 1995 sous le nom de Réseau Éducation-Médias, dans le cadre d'une initiative du CRTC sur la violence à la télévision. D'après la politique du CRTC à cet égard, même si l'industrie s'autoréglemente et que les systèmes de classification de la télévision ont un rôle à jouer, c'est dans la sensibilisation du public et les programmes d'éducation aux médias que réside la principale solution à la violence à la télévision.
Le même principe s'applique aujourd'hui à la protection des renseignements personnels en ligne. Compte tenu des difficultés inhérentes que doivent affronter les législateurs pour s'adapter à l'évolution constante des plates-formes et des applications, l'éducation joue un rôle critique quand il s'agit d'aider les Canadiens de tous les âges à comprendre leurs droits et à gérer leur vie privée et leurs données personnelles.
« Littératie numérique » est le terme que nous utilisons pour décrire la gamme de connaissances et de compétences dont les jeunes ont besoin pour prendre des décisions sages, éclairées et éthiques en ligne. La gestion de la vie privée et des renseignements personnels est l'une de ces compétences de base.
Nos ressources et programmes de littératie numérique s'inspirent de notre projet de recherche longitudinale intitulé Jeunes Canadiens dans un monde branché. C'est l'enquête canadienne la plus longue et la plus complète sur les comportements, les attitudes et les opinions des enfants et des jeunes du Canada dans leur utilisation d'Internet.
L'un de nos principaux domaines d'étude concerne la compréhension et les comportements des jeunes en ce qui concerne la protection des renseignements personnels en ligne, y compris les types d'invasion de la vie privée qu'ils doivent affronter et le rôle des adultes dans leur sensibilisation et la modification de leurs comportements.
Nous avons récemment lancé la troisième phase de ce projet grâce à des fonds provenant du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Mme Valerie Steeves, de l'Université d'Ottawa, qui est notre principale enquêteuse, a présenté nos conclusions qualitatives au comité en mai dernier. Par conséquent, vous avez déjà une idée de la façon dont la surveillance en ligne est devenue une réalité pour les jeunes d'aujourd'hui.
Même si les jeunes trouvent agaçante cette surveillance constante, les mythes concernant le danger que présentent les étrangers et les risques d'Internet les encouragent à se persuader eux-mêmes qu'ils ont besoin d'être surveillés pour leur propre sécurité sur Internet. La surveillance constante des parents, des écoles et des sociétés ainsi que son acceptation par les jeunes est une source de préoccupation. Le droit à la vie privée est un droit fondamental de la personne. Une surveillance constante réduit progressivement notre espace privé. De plus, le fait d'être perpétuellement épié sape la confiance mutuelle et la communication entre adultes et jeunes qui sont essentielles pour donner à ceux-ci l'autonomie dont ils ont besoin pour développer leur littératie numérique.
Enfin, si un jeune grandit dans un environnement où la surveillance à la maison et à l'école est une chose normale et acceptée, il est moins susceptible d'être conscient de son droit à la vie privée et de l'exercer face à la surveillance des sociétés.
En février prochain, nous étendrons notre enquête nationale aux salles de classe du pays afin d'étudier de nombreux aspects de la vie privée que l'étude qualitative a mis en lumière. Nous voulons en particulier savoir où se trouvent les lacunes en littératie numérique afin d'être en mesure d'y remédier dans le matériel éducatif destiné aux écoles et aux collectivités. Par exemple, nous demanderons aux étudiants si quelqu'un leur a jamais montré comment lire et interpréter les politiques de confidentialité ou les conditions d'utilisation des sites Web.
En nous fondant sur les conclusions des phases antérieures de notre étude, nous avons développé une importante collection de ressources sur la gestion de la vie privée, comprenant aussi bien des jeux destinés à apprendre de bonnes habitudes de protection des renseignements personnels aux jeunes enfants que des ateliers complets de perfectionnement professionnel permettant d'apprendre aux enseignants comment améliorer la protection des renseignements personnels dans les activités en ligne de leurs étudiants.
Dans notre matériel éducatif, nous nous efforçons d'encourager les jeunes à faire de bons choix concernant leurs propres renseignements personnels et de leur inculquer l'éthique de la vie privée. Il est important non seulement de protéger sa vie privée et de la faire respecter, mais aussi de protéger et de respecter celle des autres. Cette notion est particulièrement pertinente dans l'interaction sociale en ligne, mais elle a aussi des incidences sur l'utilisation des renseignements personnels par les sociétés. L'une des raisons pour lesquelles nous situons la sensibilisation à la vie privée dans le contexte de la littératie numérique, c'est que, comme d'autres témoins l'ont noté, la vie privée n'est pas un concept indépendant. Il a des liens avec la sécurité, la cybersécurité, l'intimidation en ligne, l'authentification de l'information et la citoyenneté numérique.
La compréhension et l'exercice de nos droits, aussi bien à titre de citoyens que de consommateurs, constituent un important élément de la citoyenneté numérique. Pour exercer leurs droits, les jeunes doivent comprendre que leurs renseignements personnels ont de la valeur et que, pour les protéger, ils ont des recours juridiques et contractuels.
L'importance perçue de la confidentialité de l'information est un facteur critique quand il s'agit de déterminer si les jeunes gèrent bien leur vie privée en ligne. Comme les enfants qui vont sur Internet sont de plus en plus jeunes, il importe de cultiver chez eux la notion que les renseignements personnels sont précieux et constituent un bien privé, même à l'école primaire. Par exemple, nous avons sur notre site le jeu Pirates de la vie privée, qui a été financé par Google. Il aide les jeunes élèves à comprendre ce concept.
La reconnaissance de l'importance critique de la sensibilisation des jeunes à la vie privée est une réalité aussi bien au Canada qu'à l'échelle internationale. En 2008, les commissaires à la vie privée et les responsables de la protection des renseignements personnels du Canada ont adopté une résolution sur la protection des renseignements personnels des enfants en ligne, dans laquelle ils se sont engagés à améliorer la situation dans le contexte des activités des enfants et des jeunes sur Internet en favorisant la mise en œuvre d'activités publiques d'éducation visant à renforcer leur sensibilisation aux risques qui existent en ligne. Depuis, le Commissariat à la protection de la vie privée a produit plusieurs excellentes ressources éducatives et a fourni des fonds à des organisations, y compris la nôtre, pour produire du matériel éducatif dans ce domaine.
En février dernier, l'OCDE a adopté une recommandation visant à renforcer la protection des enfants en ligne et reconnaissant que cette protection doit s'étendre aux risques liés au contenu, aux contacts, aux consommateurs, à la sécurité de l'information et à la vie privée. L'OCDE recommande que les gouvernements nationaux favorisent la sensibilisation et l'éducation, comme outils essentiels d'habilitation des parents et des enfants, et conçoivent des moyens de réaction s'appliquant à tous les intervenants et comprenant différentes mesures publiques et privées, bénévoles, juridiques et techniques de sensibilisation et d'éducation.
Le Canada peut trouver de bons exemples à suivre au Royaume-Uni et en Australie. Les deux pays ont de fortes composantes de littératie numérique dans leur stratégie numérique nationale. En Australie, l'organisme fédéral de réglementation — ACMA — produit de nombreuses ressources axées sur la protection des renseignements personnels des enfants en ligne. De son côté, le Royaume-Uni développe la notion que les Britanniques ont un droit numérique qui comprend non seulement l'accès, mais aussi l'acquisition de notions élémentaires de littératie numérique, y compris la protection de la vie privée.
La notion de la sensibilisation de tous à la vie privée est essentielle pour avoir des citoyens éclairés capables de reconnaître et de contester les pratiques en ligne qui portent atteint à la vie privée. Comme plusieurs témoins l'ont noté, quand le public exerce des pressions, l'industrie a tendance à reculer.
Il est généralement admis que les jeunes, qu'il s'agisse de fanatiques de Facebook ou d'artistes en herbe essayant de percer sur YouTube, se soucient peu de protéger leur vie privée. Ce n'est pourtant pas vrai. En réalité, la façon dont les jeunes comprennent la vie privée est peut-être plus proche qu'on ne le croit de la perception qu'en ont les adultes. En effet, il s'agit moins pour eux de décider s'il convient ou non de communiquer des renseignements que d'avoir un certain contrôle sur ce qu'ils souhaitent communiquer.
Pour appuyer les jeunes, nous devons élargir notre interprétation des risques pour la vie privée de façon à y inclure le droit à la vie privée, l'utilisation éthique des renseignements, les mécanismes de recours ainsi que les dimensions civiques et démocratiques de la vie privée. La sensibilisation à la vie privée doit bénéficier d'un appui national, aussi bien dans les programmes scolaires, du jardin d'enfants à la 12e année, que dans des campagnes publiques destinées à informer tous les Canadiens.
Je vous remercie.
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Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité pour parler de cette importante question.
J'enseigne les sciences politiques à l'Université de Victoria et j'étudie depuis près de 30 ans le dossier de la protection de la vie privée, tant au Canada qu'à l'étranger. J'ai signé ou produit six ouvrages et de nombreux articles sur le sujet. Je bénéficie actuellement d'une bourse du Conseil de recherches en sciences humaines qui me permet d'étudier la politique de protection de la vie privée des médias sociaux. De plus, je travaille sur le même sujet dans le cadre d'une contribution du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
Comme vous l'avez sans doute constaté, les questions de protection de la vie privée que soulèvent les réseaux sociaux sont aussi vastes que dynamiques. Les réseaux sociaux remettent en question certaines des approches et des hypothèses conventionnelles qui sont à la base de notre législation de protection de la vie privée. Comme vous venez de l'entendre, ils nécessitent une importante sensibilisation.
La commissaire à la protection de la vie privée du Canada a déjà énoncé les principes de confidentialité qui devraient s'appliquer aux médias sociaux. Le commissariat est à l'avant-garde des efforts déployés à l'échelle mondiale pour que les sociétés qui manipulent des « mégadonnées » respectent les règles et les pratiques établies en matière de protection de la vie privée. Mais les médias sociaux ne consistent pas seulement en organismes extérieurs tels que Facebook et autres. Ils englobent aussi nos propres organisations et pratiques.
Plutôt que de parler des réseaux sociaux sous toutes leurs formes, je voudrais aborder aujourd'hui un aspect de ces réseaux et de la vie privée qui est beaucoup plus proche de votre propre expérience et de votre propre vie d'hommes et de femmes politiques. Je voudrais soulever une série de questions concernant la façon dont vos partis politiques utilisent les réseaux sociaux ainsi que d'autres sources de renseignements personnels pour constituer des bases de données sur les citoyens canadiens.
Je suis coauteur d'un rapport, que le Commissariat à la protection de la vie privée vient de faire paraître, sur le respect de la vie privée par les partis politiques fédéraux du Canada. Ce travail, commencé au début de 2011, a été publié il y a quelques mois. Je voudrais profiter de cette occasion pour vous donner un aperçu des principales conclusions parce que je crois qu'elles se rattachent d'assez près au sujet de votre étude.
Les partis politiques fédéraux recueillent une multitude de renseignements sur les citoyens canadiens, qu'ils soient électeurs, bénévoles, donateurs, membres ou partisans. Un nombre très variable d'employés et de bénévoles — qui n'ont probablement pas de formation en protection de la vie privée ou en sécurité — peuvent aussi avoir accès à ces données, qui sont en outre de plus en plus souvent communiquées dans des formats électroniques très mobiles et dispersés, ce qui permet de les capter en observant l'activité des réseaux sociaux.
Les partis canadiens exploitent depuis un certain temps d'importantes bases de données de gestion des électeurs: le Système de gestion de l'information sur les électeurs (CIMS) des conservateurs, la Libéraliste et NDP Vote. Ces bases de données se fondent sur la liste électorale établie par Élections Canada en vertu de la Loi électorale, mais une gamme de plus en plus importante de données supplémentaires concernant les électeurs sont ajoutées à cette liste et analysées.
Ces données proviennent de diverses sources: sondages téléphoniques, méthodes classiques de sollicitation, pétitions, lettres, bases de données commerciales et géodémographiques et, bien sûr, réseaux sociaux. Toutefois, dans l'ensemble et pour toutes sortes de raisons, le contenu de ces systèmes est plus ou moins secret.
Les nouvelles technologies, que les États-Unis ont été les premiers à utiliser dans leurs campagnes électorales, jouent un rôle de plus en plus important dans les campagnes modernes. De ce fait, l'étendue et la variété des renseignements personnels utilisés par les partis politiques augmentent tandis que se multiplient les préoccupations concernant la protection de la vie privée.
En voici quelques exemples: applications pour téléphones intelligents destinées aux démarcheurs politiques, logiciels de publicité ciblée en ligne, campagnes courriel ciblées faisant correspondre des adresses de serveurs avec d'autres ensembles de données indiquant l'affiliation politique, l'historique des dons et les caractéristiques socio-économiques, stratégies sophistiquées de segmentation du marché mettant en parallèle les comportements en ligne et ailleurs, recours de plus en plus fréquent aux appels et aux messages textes robotisés et, bien sûr, exploitation des médias sociaux pour planifier les campagnes, cibler les électeurs et les donateurs probables et mesurer l'impact et l'engagement.
Les médias sociaux offrent un moyen pratique non seulement de cibler les partisans probables, mais aussi de capter de l'information de plus en plus précise sur les préférences et les comportements des électeurs ainsi que sur leurs connaissances et leurs amis. On a beaucoup parlé de ces développements au cours de la présente campagne électorale américaine. L'une des tendances les plus remarquables est l'utilisation de plus en plus fréquente de publicités politiques ciblées et personnalisées fondées sur les empreintes numériques que les gens laissent derrière eux sur les réseaux sociaux. D'après un rapport récent, il existe pas moins de 76 programmes de « traque » sur www.barackobama.com.
Dans les campagnes électorales canadiennes, la surveillance a été moins étendue et moins envahissante, du moins jusqu'ici. Néanmoins, un certain nombre de faits récents ont mis en évidence l'importance de cette question et ont suscité des préoccupations quant aux pratiques des partis politiques.
Au cours des dernières années, la commissaire à la protection de la vie privée a également reçu plusieurs plaintes et demandes liées aux activités des partis politiques. Des plaintes de la même nature ont aussi été déposées dans quelques provinces. La commissaire ne peut cependant pas faire grand-chose car, contrairement à la plupart des autres pays démocratiques, le Canada n'a pas assujetti ses organisations politiques à la législation fédérale de protection de la vie privée.
Les partis n'ont pas d'activités commerciales assez importantes pour devoir se conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) ou aux lois provinciales semblables. De plus, n'étant pas assimilables à des organismes gouvernementaux, ils ne sont pas assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels. La seule mesure législative fédérale qui régisse leurs pratiques est la Loi électorale du Canada, mais celle-ci ne s'applique qu'aux données sur l'inscription des électeurs recueillies et communiquées aux partis et aux candidats.
Les partis seraient également exemptés de l'application du projet de loi visant à combattre le pourriel ainsi que des règlements concernant les abonnés exclus administrés par le CRTC. Ainsi, la majorité des gens n'ont pas légalement le droit de voir quels détails figurent dans les bases de données des partis politiques, d'accéder à ces données et de les rectifier, de faire retirer leur nom des systèmes ou de limiter la collecte, l'utilisation et la communication de leurs renseignements personnels. De plus, les partis ne sont pas en pratique légalement obligés d'assurer la sécurité de ces renseignements, de les conserver seulement pendant le temps nécessaire et d'exercer un contrôle sur ceux qui y ont accès.
Presque toutes les autres organisations publiques et privées du Canada doivent se conformer à ces règles de base. Pourquoi les partis politiques peuvent-ils s'y soustraire? J'admets volontiers que les partis jouent un rôle essentiel dans notre démocratie et qu'ils ont besoin de renseignements personnels pour mobiliser et sensibiliser les électeurs et pour toutes sortes d'autres raisons. On a affirmé que ces importantes fonctions l'emportent sur les arguments qui militent en faveur de la réglementation et que l'autoréglementation devrait suffire. Néanmoins, comme nous l'expliquons dans notre rapport, les politiques volontaires actuelles de nos grands partis politiques fédéraux sont incomplètes et insuffisantes.
Du point de vue d'un partisan ou d'un donateur ordinaire ou encore d'un simple électeur qui souhaite exercer un contrôle sur ses renseignements personnels, les engagements volontaires des grands partis fédéraux du Canada en matière de confidentialité sont souvent difficiles à trouver, incohérents et imprécis.
Aucun parti n'est meilleur ou pire qu'un autre. Je ne choisis pas de gagnants et de perdants, mais, en toute franchise, il n'est pas évident que vos partis accordent une attention soutenue à la protection de la vie privée et aux risques associés à la collecte d'un énorme volume de renseignements personnels. Par exemple, la dernière fois que j'ai vérifié, je n'ai pas réussi à trouver un lien donnant accès à la politique de confidentialité sur les sites Web du Parti libéral et du NPD. Sur le site du Parti conservateur, le lien figure en bonne place, mais la politique est incomplète et remplie d'affirmations vagues et d'exceptions.
Je préférerais que les partis politiques fédéraux canadiens soient assujettis aux dispositions de la LPRPDE et, partant, placés sous l'autorité de la commissaire à la protection de la vie privée du Canada. J'exhorte le comité à envisager cette possibilité. En attendant, je crois qu'il est possible d'en faire davantage sur une base volontaire.
Je crois que ce serait une bonne idée — j'ai lu quelque part que certains partis politiques l'ont déjà fait sans faire trop de publicité — que tous les partis fédéraux déclarent qu'ils se conformeront volontairement aux exigences de la LPRPDE. Il serait souhaitable à cet égard qu'ils revoient leur politique de confidentialité en se fondant sur les 10 principes de protection de la vie privée sur lesquels repose la LPRPDE, et l'affichent d'une façon plus visible. Tous les partis devraient désigner un représentant — l'équivalent d'un chef de la protection des renseignements personnels — chargé de superviser la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels identifiables. Tous les partis politiques devraient adopter des stratégies appropriées de gestion du risque à mettre en œuvre en cas de fuites de données personnelles. Ces fuites se produisent dans de nombreux domaines touchant notre vie, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Il faudrait donc donner aux employés et aux bénévoles une formation en matière de sécurité et de protection des renseignements personnels.
Il est possible que certaines de ces choses soient déjà réalisées. Je ne veux pas être trop critique, mais je tiens à souligner que les mesures prises ne sont pas évidentes. De ce fait, il est très difficile pour des personnes ordinaires — électeurs, partisans, etc. — de déterminer avec précision quels sont leurs droits.
Ces questions ne touchent pas uniquement à la vie privée. Si les partis politiques ne se soucient pas trop de la protection des renseignements personnels, les Canadiens auront de moins en moins confiance en eux, et même leur confiance dans le système démocratique pourrait être ébranlée. À l'ère des médias sociaux, il serait bon, ne serait-ce que d'un point de vue organisationnel, de se montrer proactif pour mieux protéger la vie privée et de donner aux gens les assurances nécessaires à cet égard.
Bref, je félicite le comité d'avoir entrepris l'étude de ces questions difficiles concernant les médias sociaux et les pratiques d'entreprises de mégadonnées telles que Facebook et Google. Le sujet a déjà fait couler beaucoup d'encre, et j'aurais certainement davantage à vous dire à cet égard. En même temps, les questions que j'ai soulevées n'ont suscité que peu d'attention, même si je crois qu'elles sont étroitement liées à votre étude et, bien sûr, à votre propre travail individuel.
Je vous engage par conséquent à penser à ce que j'ai dit et à travailler au sein de vos propres organisations pour y mettre de l'ordre. J'encourage également vos partis politiques respectifs à se conformer aux principes de protection des renseignements personnels qui s'appliquent à la plupart des autres organisations du Canada.
Je crains que la controverse qui entoure les partis politiques et la protection de la vie privée des électeurs ne fasse que s'accentuer. À l'ère des grands réseaux sociaux en ligne, il convient de bien gérer les données personnelles non seulement dans l'intérêt des citoyens, mais aussi dans celui de vos partis et de la santé à long terme de notre système politique.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie de votre question.
Le projet est essentiellement réalisé à l'Université Queen's. Nous examinons les différentes tendances en matière de surveillance qui se sont manifestées dans les 10 ou 15 dernières années. Cela nous a amenés à faire plusieurs observations.
Premièrement, la surveillance est devenue plus mobile et plus générale. Elle porte davantage sur l'endroit où vous êtes que sur votre identité.
La surveillance est de plus en plus intégrée dans des objets matériels. Nous ne savons pas nécessairement que nous sommes épiés. De plus, la surveillance n'intervient pas seulement entre les grandes organisations et les individus. Elle se produit également entre pairs.
Différentes tendances se manifestent, mais elles sont toutes centrées sur les réseaux et les médias sociaux. C'est la raison pour laquelle je trouve difficile de dire que les réseaux et les médias sociaux sont des choses extérieures qui se limitent aux grandes entreprises. En réalité, ils sont profondément enracinés dans toutes nos organisations.
En ce qui concerne la vie privée, il est vrai que les règles de protection des renseignements personnels doivent être actualisées en fonction des médias sociaux, et particulièrement sous cet angle. Notre législation, c'est-à-dire la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LPRPDE, a été conçue en fonction d'une nette distinction entre l'organisation et le sujet ou entre un contrôleur de données et un individu. Aujourd'hui, cette distinction s'estompe puisque les médias sociaux produisent et vendent des données qui proviennent en fait des utilisateurs. Cette notion de données produites par l'utilisateur remet en cause quelques-uns des grands principes sur lesquels repose notre législation.
Je voudrais ajouter quelque chose en réponse à la dernière question concernant les pouvoirs d'exécution.
La commissaire à la protection de la vie privée du Canada a des pouvoirs d'ombudsman. Je suis en faveur de pouvoirs d'exécution plus étendus. Ils sont certainement nécessaires, compte tenu de l'évolution rapide de la technologie. Avec des pouvoirs accrus, il y aurait plus de certitude pour les consommateurs et, en fait, pour les entreprises.
Cela permettrait d'établir une jurisprudence plus claire grâce à laquelle les règles et les rapports d'enquête auraient une interprétation juridique plus claire que ce n'est le cas à l'heure actuelle. Il est d'ailleurs un peu étrange que certains de nos commissaires provinciaux — notamment au Québec, en Colombie-Britannique et en Alberta — soient investis de pouvoirs d'exécution en vertu de leurs lois respectives tandis que notre commissaire n'en a pas.
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Je voudrais remercier nos témoins.
Je suis un ancien enseignant du secondaire. J'ai enseigné pendant 34 ans.
De plus, ma fille donne un cours de technologie éducative en ligne à l'Université de l'Alberta. Le cours est destiné à des enseignants qui, à leur tour, donneront eux-mêmes des cours en ligne. Le secteur de l'éducation devra à l'avenir être conscient des choses qui se produisent, ce qui met en évidence l'importance de la formation et de tout le reste.
J'ai noté, pendant votre exposé sur la littératie numérique, que ces choses sont nécessaires à la fois pour les étudiants et pour les enseignants et qu'il est donc utile d'intervenir lors des congrès d'enseignants et d'autres rencontres de ce genre. Ce sont certainement d'excellentes occasions de sensibiliser les gens.
J'ai une question à poser au sujet d'une chose que vous avez mentionnée tout à l'heure. Vous avez dit que les étudiants se rendent compte qu'ils sont surveillés à l'école et à la maison et finissent par croire qu'ils n'ont aucun contrôle sur leur vie privée. Bien sûr, s'ils visitent des sites Web à l'école, vous savez à quel genre de difficultés ils sont exposés. Ils doivent donc être en mesure de se protéger eux-mêmes. Je me demande si vous avez examiné de quelle façon cela peut se faire.
De plus, quand vous parlez de littératie numérique, je me demande si vous leur expliquez qu'il n'y a rien de gratuit et que la raison pour laquelle ils peuvent aller sur ces sites, c'est que les entreprises en cause cherchent à recueillir de l'information. C'est une chose que nous oublions parfois.
Avez-vous des observations à faire à ce sujet?