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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Kevin Bartus. Je suis propriétaire et chef de la direction de Nexopia Inc., l'exploitant de Nexopia.com. Et voici Mark Hayes, directeur général de Heydary Hayes PC. Mark est un avocat canadien réputé dans le domaine de la protection de la vie privée, qui agit à titre de conseiller chez Nexopia dans ce domaine. J'aimerais demander au comité la permission de demander à Marc de se joindre à moi afin de m'aider, dans l'éventualité où vous auriez des questions techniques en matière de protection de la vie privée.
Merci de nous avoir invités à comparaître. Je vous prie de m'excuser pour les difficultés que je pourrais éprouver à répondre aux questions. Comme vous le savez, nous n'avons appris que la semaine dernière que nous étions invités à comparaître, et nous ne sommes propriétaires de Nexopia que depuis un mois. Cela dit, j'ai personnellement accumulé passablement d'expérience dans le domaine des médias numériques. Je suis propriétaire-exploitant d'Ideon Media, un réseau publicitaire numérique canadien, et de Maple Media, un éditeur numérique canadien. J'ai été le premier à occuper le poste de vice-président, Médias numériques, chez Rogers Media, et j'ai mis sur pied l'un des premiers développeurs d'entreprises point com, appelé Blue Spark.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, Nexopia a été fondé en 2004 par un adolescent d'Edmonton pour offrir une communauté ouverte aux jeunes Canadiens, une sorte de MySpace pour Canadiens. Le site a connu une croissance rapide et a commencé à attirer des investisseurs professionnels quelques années après. Face à l'essor météorique de Facebook, toutefois, des sites comme Nexopia et MySpace ont cédé du terrain et sont revenus à un noyau d'utilisateurs. Il y a seulement quelques années, Nexopia comptait plus de 2 millions de membres, mais aujourd'hui, il se concentre sur un noyau d'environ 200 000 membres actifs.
Selon Comscore Canada, il y aurait actuellement au Canada 70 sites de réseautage social plus importants que Nexopia, dont les grands sites américains comme Facebook, qui a enregistré environ 22,4 millions de visiteurs uniques pour le seul mois de septembre 2012, selon Comscore Canada. LinkedIn compte environ 5,3 millions d'utilisateurs, Pinterest, 2,8 millions, et MySpace, 1,4 million. Il y a aussi d'autres sites dont la taille se rapproche davantage de celle de Nexopia, comme Tagged, avec 219 000 utilisateurs, Multiply, avec 181 000 utilisateurs, et Hi5, avec 152 000 utilisateurs.
Ces dernières années, les principaux journaux, magazines et sites Web de médias ont lancé des capacités de réseautage social complètes, permettant aux usagers d'afficher leur profil personnel en plus de participer à des forums en ligne. Dans l'intervalle, des réseaux sociaux comme MySpace ont commencé à intégrer du contenu original pertinent pour leur public fidèle. Dans le cas de MySpace, c'est généralement de la musique et du divertissement. La distinction entre réseaux sociaux et sites de médias est devenue passablement floue.
Les petits sites comme celui de Nexopia se concentrent généralement sur un créneau, et Nexopia vise les jeunes adultes canadiens âgés de 16 à 24 ans. La décision de concentrer nos activités sur ce créneau a porté fruit: les membres de Nexopia se révèlent davantage engagés que ceux de la majorité des autres réseaux sociaux, puisqu'ils enregistrent près de six minutes et 14 pages par visite, comparativement à une moyenne de cinq minutes et de 10 pages dans la catégorie globale de Comscore.
Nexopia répond aux besoins essentiels du créneau formé par les jeunes Canadiens. En plus d'être le seul grand réseau social établi au Canada, Nexopia permet aux jeunes Canadiens de faire la connaissance d'autres personnes qui ne font peut-être pas encore partie de leur réseau social non connecté, contrairement à Facebook et LinkedIn, qui se concentrent sur les identités dans le monde réel. Cette fonction de découverte sociale, autrement dit faire la connaissance de personnes jusque-là inconnues des usagers, est particulièrement importante au Canada, où certains membres vivent parfois dans de petites collectivités et éprouvent de la difficulté à trouver des interlocuteurs de même sensibilité. Elle est aussi essentielle pour les jeunes Canadiens qui n'ont peut-être pas encore trouvé de personnes de même sensibilité pour partager leurs expériences.
Nexopia ambitionne de devenir un lieu d'échanges sociaux propre et bien éclairé, et c'est pourquoi la communauté de Nexopia fait l'objet d'une modération rigoureuse. En effet, nous comptons un effectif de 20 modérateurs qui examinent avant de les mettre en ligne chaque photo, chaque message du forum et chacune des plaintes relatives à des abus.
Nexopia ne se sert pas des renseignements du profil ou d'autres renseignements personnels en vue de cibler la publicité. Il s'agit là d'un engagement envers la collectivité, mais c'est aussi parce que le ciblage ne fonctionne réellement que sur une très grande échelle. Les publicitaires qui s'intéressent aux caractéristiques démographiques de Nexopia perdent de l'intérêt lorsqu'ils constatent que les membres sont subdivisés en segments de plus en plus petits, et ce, tout simplement parce qu'il n'y a alors pas assez de membres pour une campagne publicitaire significative.
C'est en partie en raison du succès remporté par Nexopia auprès des jeunes Canadiens et de sa nature ouverte que l'entreprise a attiré l'attention de la commissaire à la protection de la vie privée en 2010. En mars 2012, la commissaire a publié ses conclusions.
Le rapport de la commissaire comprenait 24 recommandations. Si vous ne l'avez pas lu, sachez qu'elles sont réparties principalement dans trois domaines. Le premier concerne l'exhaustivité de la politique en matière de confidentialité du site, et la facilité avec laquelle l'utilisateur peut donner un consentement éclairé. Le deuxième concerne la transparence quant à l'utilisation des profils, plus particulièrement entre non-utilisateurs et utilisateurs qui ne sont pas amis. Le troisième concerne l'assurance donnée aux membres que, lorsqu'ils quittent la communauté, leurs renseignements sont détruits de manière permanente.
Pour diverses raisons, les anciens propriétaires ont choisi de vendre leur entreprise à la suite de la publication des recommandations du Commissariat à la protection de la vie privée. J'ai racheté Nexopia Inc. aux anciens propriétaires le 30 septembre 2012, soit il y a un mois. Depuis, nous avons collaboré activement avec le Commissariat à la protection de la vie privée afin que toutes les questions relatives à la confidentialité soient prises en compte.
Dans certains cas, les changements que l'on nous a demandé d'apporter au site prendront beaucoup de temps et nécessiteront des activités de développement. Nous avons établi un échéancier avec le commissariat en vue de nous attaquer à toutes ses préoccupations, et nous espérons avoir achevé de nous conformer à toutes ses recommandations d'ici le 30 avril 2013.
Je suis heureux de vous signaler que nous avons déjà achevé la mise en oeuvre de certaines recommandations.
Nous pensons que les jeunes adultes canadiens méritent d'avoir accès à une communauté en ligne. À notre avis, cette communauté doit être propre et bien éclairée, et doit faire l'objet d'une modération solide qui intègre aussi du contenu pertinent dans des domaines comme la musique et le divertissement. Les membres de Nexopia se sont montrés incroyablement fidèles au cours des dernières années, et nous sommes résolus à les récompenser de leur loyauté par de nouveaux investissements dans la fonctionnalité et le contenu.
La majorité des Canadiens considèrent l'Internet comme un phénomène principalement américain, ne comptant que quelques sites locaux exploités par des journaux et des diffuseurs canadiens. Nous sommes fermement convaincus que l'expérience canadienne s'enrichit des sites Web appartenant à des intérêts canadiens et exploités par ces derniers. Toutefois, les économies d'échelle que l'on peut réaliser lorsque l'on exploite une entreprise en ligne signifient que les mêmes coûts rattachés au contenu et à la technologie sont tout simplement répartis sur une base d'utilisateurs et un marché publicitaire qui représentent le dixième de ceux des États-Unis. Cette situation crée des obstacles financiers et technologiques qui peuvent se révéler difficiles à surmonter.
L'année dernière, nous avons vu beaucoup de grandes entreprises médiatiques canadiennes se retirer des initiatives axées sur la publicité en ligne seulement. En effet, en 2012, Rogers Media a fermé pratiquement toutes les acquisitions diffusant en ligne seulement qu'elle avait faites depuis quelques années, y compris Branchez-Vous.com, SweetSpot.ca, et CanadianParents.com. En 2012 aussi, Transcontinental a fermé Woman.ca, et Torstar a mis fin aux activités de ParentCentral.ca. Le mois dernier, autant Torstar que le Globe and Mail ont annoncé leur intention de facturer l'accès à leur journal, ce qui pourrait se révéler une décision plus ou moins payante à long terme, mais la baisse de tirage qui en a résulté va certainement amoindrir leur capacité d'attirer de la publicité numérique. Les initiatives diffusées uniquement sur Internet et s'adressant aux consommateurs et aux publicitaires canadiens sont très peu nombreuses à avoir du succès, et nous sommes fiers que Nexopia en fasse partie.
La réglementation canadienne en matière de protection des renseignements personnels joue un rôle important dans la protection des Canadiens et pour garantir des règles du jeu équitables entre les entreprises numériques. Toutefois, la mise en ligne d'une grande initiative tablant sur les revenus publicitaires nécessite d'entrée de jeu d'importantes ressources en capital et plusieurs années de travail. Je vous demande d'y aller doucement afin d'éviter de rendre les choses encore plus difficiles qu'elles ne le sont déjà.
M. Hayes et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Bartus et monsieur Hayes, de comparaître devant notre comité, surtout avec un préavis relativement court. Comme vous le savez, nous étudions les mesures que nous pourrions éventuellement prendre, en tant que législateurs, pour encourager le développement du potentiel incroyable qu'offre Internet pour l'innovation et la communication, tout en garantissant la protection des renseignements personnels des Canadiens.
Nous entendons dire de toutes parts que notre commissaire à la protection de la vie privée s'est taillé une excellente réputation au niveau mondial quant à sa capacité d'arbitrer des dossiers de ce genre, capacité qui est certainement plus grande que la nôtre, nous autres simples parlementaires. Pour ce qui est du Parti néo-démocrate tout au moins, nous préférons nous en tenir le plus possible au jugement de la commissaire à la protection de la vie privée.
Je sais que le rapport d'enquête sur Nexopia contient 24 recommandations. Vous êtes le nouveau propriétaire de l'entreprise, et c'est à vous qu'il revient maintenant de régler ces problèmes, même s'ils sont antérieurs.
Nous avons cru comprendre, après la lecture du rapport de la commissaire à la protection de la vie privée, que les anciens propriétaires de Nexopia avaient refusé de mettre en oeuvre quatre recommandations du rapport. Avez-vous l'intention de vous conformer aux 24 recommandations? Est-ce là votre plan?
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Les deux. Ça sera réglé dans la dernière phase, et c'est pour ça que c'est prévu pour avril et non pour décembre.
Il y a plusieurs choses à prendre en compte. Il faut d'abord établir une définition précise de ce qui doit être supprimé — prenez l'exemple d'un utilisateur qui enregistre un message dans un forum démarré par une autre personne, ou qui contribue à un fil lancé par une autre personne, et supposons que cet utilisateur décide de quitter le réseau social. Sur le plan technique, c'est très difficile, et en fait ça ne s'est jamais fait, de faire disparaître la totalité du fil. Donc, les commentaires de l'utilisateur...
Par exemple, si vous allez sur le site d'un journal pour y enregistrer un commentaire sur un article, et que plus tard, vous décidez de ne plus être membre de ce site, je ne connais aucun journal qui supprime tous les commentaires que vous avez enregistrés.
À mon avis, donc, les parties ne s'étaient pas entendues sur la nature précise des informations qui devaient être supprimées.
La deuxième difficulté est la suivante. Nexopia a toujours collaboré avec les responsables de l'application de la loi lors de diverses enquêtes, et elle ne voulait pas compromettre cette relation. Il m'est difficile de vous répondre à la place des anciens propriétaires, mais il y avait un certain nombre de raisons — certaines exprimées dans ces recommandations, d'autres, oralement — qui les ont amenés à ne pas obtempérer.
D'un point de vue technique, supprimer d'anciennes données est moins problématique que de savoir exactement quoi supprimer.
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C'est une vraie question?
Si vous faites une recherche sur Nexopia dans Google, c'est l'une des premières choses qui apparaissent à l'écran. Il aurait donc fallu être vraiment incompétent pour ne pas savoir que c'était déjà un problème, d'autant plus que les anciens propriétaires nous en ont parlé. C'était donc assez évident.
Très franchement, je n'aurais pas acheté cette entreprise si je n'avais pas trouvé un avocat spécialisé dans ce domaine, qui savait ce qu'il fallait faire et qui il fallait contacter, car je n'aurais jamais su qui appeler ni quelles questions poser. Mais heureusement, nous avons réussi à établir une bonne relation avec le commissariat, qui nous a donné des conseils et des orientations, et qui a tenu parole, c'est-à-dire qu'il a fait ce qu'il nous avait dit qu'il ferait. Il n'était pas obligé de faire tout ce qu'il a fait, mais il l’a fait, et c'est ce que nous espérions.
Nous n'avons pas fini de mettre en oeuvre toutes les recommandations, mais comme pour bien d'autres choses, c'est le début qui est le plus dur, notamment pour ce qui est de supprimer les informations dont on parlait tout à l'heure. Une fois qu'on a établi de bonnes relations de travail, on peut leur demander si on peut faire ci ou ça, ce qui facilite les choses.
Je ne voudrais pas trop m'avancer au sujet des anciens propriétaires, mais j'ai l'impression qu'ils ont pris peur devant l'énormité de la tâche à accomplir, et ils ont préféré renoncer.
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Il existe, comme vous le savez, des organisations professionnelles comme l’ACM, que vous avez entendue, et IAB Canada, qui connaît bien le domaine, et ces deux associations sont certainement mieux placées que moi pour vous dire ce qu'il faut craindre ou ne pas craindre de la publicité ciblée.
Ce que je voulais dire quand je parlais de segments trop petits, c'est que la publicité ciblée ne marche qu'avec des segments importants. Si vous essayez de cibler les mères de deux enfants qui habitent à Ottawa, vous n'allez pas trouver de site dédié. Il se peut qu'il y ait un site d'Ottawa pour les parents, et il y en a certainement un, mais nous avons affaire en général à de gros annonceurs, qui ont toutes sortes de choses à présenter à un maximum de gens. La seule façon pour eux d’y parvenir est de cibler leur publicité à partir d’une base de données, et celle de Nexopia est tout simplement trop limitée pour pouvoir y contribuer. Beaucoup de fournisseurs de données le font, et certains des témoins que vous avez entendus sont très forts en matière de ciblage.
Vous voulez savoir si vous devez craindre ou réglementer cette activité — excusez-moi, je ne me souviens plus si c'est vous, mais quelqu'un a mentionné tout à l'heure que, lorsque vous étiez à Washington, les Américains vous ont dit qu'ils ne voulaient pas étouffer leurs entreprises. Il y a beaucoup d'innovation en technologie publicitaire. Mais ce n'est pas mon domaine, ce n'est pas quelque chose que nous utilisons beaucoup. Ça ne marche pas aussi bien au Canada tout simplement parce que nous n'avons pas une assiette suffisante. Quand on a un bassin de 300 millions d'utilisateurs Internet, comme c'est le cas aux États-Unis ou à peu près, c'est sûr que ça marche mieux. Là-bas, il y a beaucoup plus de fournisseurs de données, et la technologie y est beaucoup plus sophistiquée. Au Canada, c'est la galère.
Ça vient, mais à mon avis, le secteur de la publicité ciblée n'est pas aussi développé au Canada.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, messieurs, de comparaître devant notre comité aujourd'hui.
Vous avez mentionné plusieurs choses en réponse à des questions de mes collègues, notamment au sujet des entreprises canadiennes... Vous avez dit qu'un grand nombre s'étaient retirées des initiatives axées sur la publicité en ligne, ce genre de choses. Lors de notre voyage aux États-Unis, les entreprises de là-bas nous ont dit notamment que ça finissait par étouffer l'innovation. Est-ce que vous pensez que le problème vient en partie du fait qu'au Canada, les entreprises estiment que ça n'en vaut pas la peine, qu'on risque de ne pas réussir à attirer d'autres types de produits d'ailleurs, ou qu'ils nous ignorent complètement? Voilà pour la première partie de ma question.
Dans le même ordre d'idée, pourriez-vous nous parler un peu du type de modèle d'entreprise que cela suppose, afin qu'on sache un peu mieux — quand on parle de médias sociaux et de fournisseurs de données — ce qu'ils cherchent à obtenir de nous. Ce n'est pas un service gratuit, il faut bien qu'il soit payé par quelqu'un. Mais je crois que beaucoup de gens ne s'en rendent pas compte.
Pourriez-vous donc nous expliquer un peu ça, et nous parler des éléments fondamentaux de votre propre modèle d'entreprise?
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S'agissant de publicité, ce que les consommateurs préfèrent, c'est qu'il n'y en ait pas. Mais si c'est inévitable, alors la publicité ciblée est sans doute ce qu'il y a de plus acceptable. En effet, comme l'a dit Mark, si vous faites du ski et qu'on vous envoie des publicités sur le ski, c'est certainement plus plaisant que de recevoir des publicités sur les couches jetables si vous n'en avez pas besoin.
Je vais maintenant mettre ma casquette d'utilisateur en ligne. Quand je regarde la télévision, je vois principalement des publicités qui ne m'intéressent pas, et je finis par me demander pourquoi je me fais cibler avec ce genre de publicités. En ligne, c'est un média très mesurable. Donc, ce que font les annonceurs, c'est en fait payer plus pour une publicité qui cible la bonne personne. Ça se fait grâce à l'échange de données. Je pourrais vous énumérer des noms, mais ça fonctionne pratiquement comme la Bourse de New York. Une impression monte en prix et tout le monde se jette dessus en quelques micro-secondes. Si quelqu'un dit: « Ce type fait du ski et je veux vendre des équipements de ski », il est prêt à payer plus, voire jusqu'à 2,50 $ le CPM — qui est le coût pour mille impressions publicitaires —, au lieu de 25 ¢ le CPM. Comme certains témoins vous l'ont dit, c'est un marché plus efficient. Celui qui fait de la publicité pour des équipements de ski veut cibler la personne qui fait du ski, et il est prêt à payer plus pour les données qui vont lui permettre de le faire.
Quant à savoir comment ils obtiennent ces données, c'est une question intéressante. Aux États-Unis, beaucoup d'éditeurs numériques vendent ces données, et ils l'indiquent dans leur politique de confidentialité. Je ne suis pas sûr des noms des sites, donc je me garderai de les identifier, mais aux États-Unis, il y a beaucoup de sites automobiles — qu'on consulte pour acheter une voiture ou déterminer le prix d'un véhicule. Ces sites vendent leurs données aux grands courtiers en données — Blue Kai Inc. et eXelate étant les principaux. De leur côté, les courtiers vendent ces données aux bourses de données, et quand vous achetez une impression sur un site important — comme Yahoo!, Microsoft ou un autre —, vous payez un CPM très faible si elle n'est pas ciblée et un peu plus si elle est étayée par des données.
C'est un marché très efficient. J'ai dit qu'il était moins développé au Canada parce que l'assiette est trop petite. Pour nous, ça représente beaucoup de personnes, mais par rapport à des pays plus vastes... Notre assiette est plus petite.
L'autre facteur est que les éditeurs numériques ne vendent généralement pas leurs données aussi facilement. Je ne pense pas que ce soit à cause de notre législation en matière de protection des renseignements personnels. Peut-être que c'est une question de temps, mais quoi qu'il en soit, ils ne vendent pas leurs données aussi facilement.
Si vous voulez cibler les prospects de voitures — c'est-à-dire les acheteurs potentiels de voitures, en jargon publicitaire —, c'est beaucoup plus facile de le faire aux États-Unis qu'au Canada. Ici, il n'y a pas beaucoup de sites qui sont prêts à vendre leurs données là-dessus.
Est-ce inquiétant? Est-ce efficace? Tout ce que je peux dire, c’est que la publicité est beaucoup plus efficace si elle est ciblée.
Pour ce qui est de Nexopia en particulier, elle n'a pas la voilure, si on peut dire, qui permettrait d'envisager une telle proposition. Nous avons 200 000 membres, disons une moitié d'hommes et une moitié de femmes. Si vous voulez cibler une jeune Canadienne qui habite sur la côte Ouest — l'Alberta et la Colombie-Britannique constituant notre principal auditoire —, Nexopia est bien placée pour ça. Mais une fois que vous faites le décompte des jeunes femmes qui habitent à Edmonton et qui appartiennent à un groupe d'âge donné, vous allez peut-être en dénombrer 10 000, et ce n'est pas un bassin suffisant pour attirer beaucoup d'annonceurs.
Donc, c'est une activité qui est beaucoup plus rentable pour les grandes entreprises. Vous savez tous qui elles sont.
Ai-je répondu à toutes vos questions?
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Quand on se rend sur le site, ce qui est possible même sans mot de passe, on voit que ça va jusqu'à 55 ou 57 ans. Vous avez donc des abonnés de tous âges. Mais ce qui me préoccupe surtout, c'est ce qu'il advient des données.
On nous a dit, tout au début de notre étude, que les renseignements fournis par ceux qui entrent sur un site de média social, quel qu'il soit, peuvent être de toutes sortes, que c'est très libre. Manifestement, les gens donnent toutes sortes de renseignements, ce qui conduit parfois à des situations tragiques comme en Colombie-Britannique, où la jeune femme regrettait probablement d'avoir fourni les renseignements qui se trouvaient sur le site, mais elle n'avait aucun recours, elle ne pouvait pas les retirer.
Ce que je voudrais savoir, notamment, c'est dans quelle mesure ces données sont protégées. Y a-t-il déjà eu des piratages de bases de données? S'est-on posé des questions au sujet de la sécurité des bases de données?
Et pour revenir au sujet de la suppression complète des données — vous avez parlé d'une période de six mois à deux ans —, il me semble que si je vous ai fourni des renseignements et que je veux qu'ils soient supprimés, c'est le jour où j'en fais la demande qu'ils devraient être supprimés, quel que soit le modèle d'entreprise en place. Je viens du secteur privé et je comprends les complications que ça peut occasionner, mais cet aspect-là du problème me préoccupe beaucoup.
Pour ce qui est de votre engagement de supprimer complètement ces renseignements, c'est bien l'objectif que vous vous êtes fixé?
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Oui, notre objectif, comme nous l'avons dit, est un délai de six mois à deux ans.
Pour ce qui est du cas tragique dont vous avez parlé, j'ai deux enfants, de 11 et 14 ans, et j'en ai profité pour leur faire longuement la leçon. C'est vraiment tragique.
Nexopia vérifie toutes les photos avant qu'elles n'apparaissent sur le site, malgré les protestations des membres qui, souvent, voudraient qu'elles s'affichent instantanément. Mais nous voulons prendre toutes les précautions pour éviter ce genre de tragédie.
Pour ce qui est de la sécurité des données, il n'y a eu, que je sache, aucun cas de piratage. J'ai dit, et je le répète, que les anciens propriétaires voulaient avant tout faciliter l'application de la loi. Dans toutes mes conversations avec eux, c'est ce qu'ils me disaient, et il est en fait arrivé que les données servent à ça. Nous proposons un compromis entre les deux. On ne peut pas conserver ces données éternellement, même si les responsables de l'application de la loi en ont besoin, et par conséquent, nous allons les supprimer après deux ans. Au-delà de cette période, si des responsables de l'application de la loi nous font des demandes, nous n'aurons plus rien à leur fournir.