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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 5 octobre 1998

• 1209

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous dans la magnifique ville de Vancouver, en Colombie-Britannique. Bien entendu, conformément au paragraphe 108(2) et à l'article 83.1 du Règlement, le comité reprend ses consultations prébudgétaires.

Avant de poursuivre, j'aimerais régler un point avec le comité. J'ai besoin de votre approbation pour inviter le ministre des Finances, Paul Martin, à venir présenter au comité sa mise à jour relative à la situation économique et financière, le mercredi 14 octobre 1998 au matin. Est-ce que j'ai votre appui unanime?

La décision est adoptée à l'unanimité. Nous inviterons le ministre des Finances, Paul Martin, à venir témoigner devant ce comité le mercredi 14 octobre au matin, à Ottawa.

• 1210

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Qu'advient-il des gens de Toronto?

Le président: Pour Toronto, le greffier fera en sorte que les témoins qui ne pourront être entendus participent aux audiences tenues à Ottawa.

M. Odina Desrochers: Je sais que le vendredi 9 octobre 1998, nous sommes supposés terminer à 10 h 30. Qu'arrive-t-il si vous annulez les séances de lundi et de mercredi?

Le président: Nous nous en occupons. Le greffier m'a dit que cela ne posait pas de difficulté. Cela vous va?

M. Odina Desrochers: Oui.

Le président: Nous avons donc votre appui unanime sur cette question. Merci beaucoup.

Je suis désolé de vous avoir imposé ces questions d'intendance interne. Je profite de l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux groupes suivants: le Advanced Education Council of British Columbia; la British Columbia Teachers' Federation; la Fédération canadienne des étudiant(e)s, Secteur Colombie-Britannique; la College Institute Educators' Association of British Columbia; la Confederation of University Faculty Associations of British Columbia, ainsi que le National Graduate Council. Bienvenue à tous.

Nous entendrons tout d'abord Gerry Della Mattia, directeur exécutif, et Neil Nicholson, président du Advanced Education Council of British Columbia. Bienvenue.

M. Neil Nicholson (président, Advanced Education Council of British Columbia): Merci, monsieur le président. J'aimerais vous présenter Gitta Oldendorff, notre directeur des communications et de l'analyse des politiques.

Nous demandons au comité de nous excuser. Notre organisme se réunit à 11 heures ce matin, une date arrêtée voilà quelque temps, et nous partirons probablement à la première pause-café. Nous consulterons avec grand intérêt les mémoires des autres groupes, ainsi que les résultats de vos délibérations.

Le mémoire que nous avons déposé est conforme au format prescrit dans votre lettre du 28 mai dernier. Je n'ai pas l'intention de vous le lire au complet; je me concentrerai plutôt sur les points importants. Votre première question était la suivante: Maintenant que le budget est équilibré, quel message souhaitez-vous envoyer au gouvernement quant aux priorités à fixer pour le dividende budgétaire?

Le Advanced Education Council of B.C. appuie l'objectif de la poursuite de l'équilibre budgétaire. Le gouvernement du Canada doit cependant fournir les moyens d'améliorer continuellement la compétitivité internationale du Canada d'une façon durable et financièrement responsable. Le dividende budgétaire devrait être investi dans des secteurs qui rendent le Canada moins dépendant de ses ressources naturelles. Il devrait être investi dans les secteurs qui contribuent à définir le Canada en tant que pays, à savoir: le souci que nous avons de nos citoyens en leur offrant une variété de programmes sociaux, y compris un système d'enseignement postsecondaire public de grande qualité.

Vous demandez ensuite quels sont les changements et les nouveaux investissements stratégiques dans le système fiscal afin d'aider le gouvernement à réaliser ces priorités. Au Canada, nous croyons que l'enseignement postsecondaire public devrait être abordable. L'endettement important des étudiants est déjà une priorité.

Pour remédier à ces problèmes, notre gouvernement provincial a gelé les frais de scolarité pour trois années consécutives. Alors que la province maintient et augmente à certains égards les subventions à l'enseignement postsecondaire, les fortes réductions du financement accordé par le gouvernement du Canada constituent pour les citoyens de la province un fardeau extrêmement lourd. Nous croyons que le gouvernement du Canada doit accepter sa responsabilité et rétablir le financement de l'enseignement postsecondaire en augmentant les paiements de transfert.

Des subventions conditionnelles équivalant à l'investissement des provinces dans l'enseignement postsecondaire constitueraient une option viable pour rétablir les paiements de transfert. Pour démontrer sa volonté de renforcer les valeurs pancanadiennes d'accès aux études à coût abordable, le gouvernement fédéral pourrait fournir une contribution équivalant aux fonds que le gouvernement provincial fournit actuellement.

Ce principe à rebours, à 0,50 $ pour 1 $, selon lequel le gouvernement fédéral devrait égaler les dépenses provinciales (plutôt que de demander aux provinces d'égaler l'investissement de fonds fédéraux) a un caractère très intégrateur et sert l'objectif louable de créer un fédéralisme plus coopératif dans des domaines où le pays dans son ensemble y gagnera.

Les crédits d'impôt, les bourses d'études du millénaire, l'accès accru aux REEE et d'autres mesures introduites en 1997 sont des initiatives visant à aider les particuliers à payer pour leurs études postsecondaires et à réduire leur endettement. Il s'agit là de mesures importantes pour rendre l'éducation postsecondaire plus accessible. Nous appuyons ces initiatives, mais nous incitons le gouvernement fédéral à élargir ces programmes pour que davantage d'étudiants puissent en bénéficier.

Nous recommandons d'apporter d'autres modifications au régime fiscal pour qu'il soit plus facile pour les Canadiens de poursuivre des études postsecondaires. Certaines nouvelles entreprises obtiennent une exonération temporaire d'impôt. Nous suggérons que les nouveaux diplômés des établissements d'enseignement postsecondaire bénéficient aussi d'un allégement de l'impôt sur le revenu des particuliers de deux ans. L'universalité de cette mesure n'exige pas d'évaluations onéreuses des besoins et en fait un investissement juste et équitable dans l'enseignement postsecondaire.

• 1215

Nos collèges peuvent répondre rapidement aux besoins régionaux et économiques, et contribuer ainsi à créer la population active qui forme une base économique dans toutes les régions du Canada. Ils constituent un outil important pour le développement économique régional et la création d'emplois, et peuvent être un partenaire stratégique dans le développement du marché du travail. Négliger le système dans son ensemble et déléguer tout le rôle d'assistance au consommateur individuel, ce serait affaiblir un système solide et miner le succès de l'un des produits canadiens d'exportation très en demande: les services d'éducation.

Les changements que l'on suggère d'apporter au financement de la formation professionnelle par le régime d'assurance-emploi désavantagent le secteur de l'enseignement postsecondaire public, notamment les collèges communautaires et les instituts, et compromettent sa position prédominante comme fournisseur de formation professionnelle et d'enseignement de grande qualité et accessible à coût abordable. Si le gouvernement du Canada veut que les études restent abordables pour tous les Canadiens, il ne peut accorder aux fournisseurs privés de formation professionnelle et d'éducation un traitement plus favorable qu'aux institutions publiques.

Quant au financement de la formation professionnelle par le régime d'assurance-emploi, le gouvernement du Canada doit continuer de rembourser aux établissements d'enseignement postsecondaire le coût entier de la formation et pas seulement la partie du coût équivalant aux frais de scolarité.

Votre troisième question est la suivante: Comment pouvons-nous aider les Canadiens à se préparer à profiter des possibilités qu'offrira l'ère nouvelle qui s'annonce? Nous suggérons que, si l'ère nouvelle est celle d'une économie fondée sur l'information, d'envergure de plus en plus mondiale et caractérisée par un échange rapide d'information, où les frontières matérielles deviennent de moins en moins importantes et ne sont plus un obstacle à l'échange de biens, de services et de connaissances, c'est en leur permettant d'acquérir le plus d'instruction possible que nous pourrons le mieux préparer les Canadiens à profiter des possibilités qu'offrira l'ère nouvelle.

Le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada a reconnu que l'éducation accessible à coût abordable était une valeur pancanadienne. Le gouvernement du Canada peut contribuer à préserver cette importante valeur en investissant le dividende budgétaire dans l'enseignement postsecondaire. Cette initiative donnera à tous les Canadiens, sans distinction de sexe, de revenu, d'âge, de race ou de résidence, la possibilité d'obtenir l'éducation qu'ils veulent. Si nous donnons aux Canadiens les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour participer à la nouvelle économie, ils découvriront par eux-mêmes comment profiter des possibilités offertes par cette ère nouvelle.

Quelle est la meilleure façon pour le gouvernement de veiller à ce que la nouvelle économie offre un large éventail de possibilités d'emploi à tous les Canadiens? À l'échelle internationale, dans les secteurs de l'économie liés aux services, le Canada a un avantage concurrentiel sur de nombreux autres pays. L'éducation postsecondaire est à la base des emplois très spécialisés qui sont au centre d'un secteur des services florissant. Les Canadiens ont acquis une réputation internationale de compétence dans la gestion de l'environnement, l'éducation et la formation professionnelle, le génie-conseil et d'autres services. Dans l'économie mondiale actuelle où l'avantage concurrentiel est de plus en plus fondé sur le savoir, le Canada, jusqu'à maintenant, a été capable de profiter des compétences des diplômés de son système d'éducation universel et accessible. L'avenir de la compétitivité du pays dépendra de la qualité de notre population active encore davantage que par le passé.

La réduction des investissements dans l'éducation pourrait compromettre la position avantageuse du Canada dans le secteur international des services. Les autres pays du G7 de même que les économies émergentes se préparent déjà à exploiter le potentiel de l'économie basée sur l'information. Si nous voulons exploiter le marché croissant de l'enseignement et de la formation professionnelle et ne pas nous laisser distancer par les économies émergentes, nous devons optimiser notre avantage concurrentiel dans l'enseignement postsecondaire.

La consolidation de la R-D constitue un autre moyen d'assurer un large éventail de possibilités d'emploi. Ce n'est qu'en restant à l'avant-garde des dernières recherches scientifiques que le Canada sera compétitif à long terme. Alors que nous tâchons de passer d'une économie de ressources à une économie du savoir, notre avantage concurrentiel ne réside pas dans une main-d'oeuvre à bon marché, mais dans une main-d'oeuvre instruite et spécialisée.

Le Canada ne peut se limiter à la recherche axée sur le marché s'il veut créer le plus d'emplois possible dans la nouvelle économie. Nous devons considérer l'ensemble de la situation, réfléchir de manière générale et aussi de manière latérale, et nous devons soutenir la R-D dans tous les domaines, non pas seulement dans les domaines les plus connus comme la technologie de pointe, la biotechnologie ou le génie. La gestion des connaissances, par exemple, représente un nouveau domaine de compétence pour lequel la demande est très forte. Dans des domaines comme celui-ci, la recherche en sciences sociales peut contribuer à donner aux Canadiens un avantage concurrentiel sur les autres économies.

• 1220

La Fondation canadienne pour l'innovation est une heureuse initiative pour soutenir la recherche dans tous les domaines et dans différents types d'institutions. Le Advanced Education Council voudrait encourager le gouvernement du Canada à augmenter les fonds de recherche ouverts au secteur des collèges et des instituts. Brian Wilson, ministre de l'Éducation et de l'Industrie au Scottish Office, résumait ainsi l'importance de l'éducation pour un pays et son économie: «L'éducation est la meilleure politique économique que nous ayons, et des citoyens très bien formés et instruits représentent l'atout le plus précieux de notre pays.» Nous exhortons le gouvernement du Canada à adopter cette conception.

Nous sommes heureux d'avoir été invités à déposer ce mémoire dans le cadre des consultations en vue de l'élaboration du budget fédéral de 1999-2000. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Nous tenons à réitérer notre plaidoyer en faveur de l'accroissement de l'investissement du fédéral dans le secteur de l'enseignement postsecondaire. Le Canada est aussi fort que le sont ses habitants, et l'éducation est la pierre angulaire de cette force, actuellement et dans le futur. Ce fait justifie à lui seul un investissement important dans l'enseignement postsecondaire. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Nicholson.

Nous entendrons maintenant Mme Elsie McMurphy, de la British Columbia Teachers' Federation.

Elle n'est pas ici.

J'appelle donc M. Michael Conlon, de la Fédération canadienne des étudiant(e)s, Secteur Colombie-Britannique.

M. Michael Conlon (représentant de l'exécutif national, Fédération canadienne des étudiant(e)s, Secteur Colombie-Britannique): Bonjour.

Je me nomme Mike Conlon. À titre de représentant de l'exécutif national pour la Colombie-Britannique, je me réjouis de témoigner aujourd'hui au nom de la Fédération canadienne des étudiant(e)s. Notre organisme représente plus de 400 000 étudiants des collèges, instituts et universités publics du Canada.

J'aimerais tout d'abord remercier les membres du comité de nous avoir invités à participer aux consultations prébudgétaires pour le budget fédéral 1999-2000, et d'avoir pris la peine de se déplacer jusqu'en Colombie-Britannique.

La Fédération canadienne des étudiant(e)s a été fondée selon le principe que l'enseignement postsecondaire devrait être entièrement financé et accessible à tous les Canadiens. Nous expliquerons ici comment notre pays tend actuellement à s'éloigner plutôt qu'à se rapprocher de ce principe, et pourquoi il faut renverser la vapeur. L'un après l'autre, les budgets de la dernière décennie ont diminué les subventions à l'enseignement postsecondaire, mettant en péril le système des prêts et bourses géré et administré au fédéral. Il en a découlé la diminution de l'accessibilité et de la qualité des établissements d'enseignement postsecondaire, et une crise de l'endettement des étudiants.

Nous espérons que le gouvernement fédéral, quand il établira les domaines prioritaires de dépenses pour le budget de 1999-2000, accordera la préséance à des mesures visant à endiguer l'érosion des subventions et la crise de l'endettement des étudiants. C'est une priorité parce que l'investissement social, particulièrement dans le secteur de l'enseignement postsecondaire, constitue pour le gouvernement une voie tangible et réelle d'offrir à tous les Canadiens la stabilité fiscale à laquelle nous avons tous contribué.

Notre argumentation s'appuiera sur les avantages économiques et sociaux de l'enseignement postsecondaire pour l'ensemble de la société canadienne. Nous tenterons par ailleurs d'expliquer pourquoi il est tout à fait erroné, malgré ce qu'en pense la majorité, de considérer que les mesures du budget 1997-1998 sont des remèdes à la crise de l'endettement des étudiants.

Le budget 1999-2000 sera le premier depuis longtemps à prévoir des moyens pour utiliser les excédents de ressources; le premier aussi à prévoir des mesures de réinvestissement au Canada plutôt que les sempiternelles mesures de réduction des dépenses. C'est un formidable défi, mais nous n'ignorons pas que la lutte sera acharnée pour la répartition de ces ressources.

Notre mémoire fait état de deux orientations générales pour l'utilisation des surplus en cette ère de l'après-déficit: la réduction de la dette ou l'augmentation des dépenses. Cette dernière avenue pourrait se traduire par des dépenses sociales accrues, ou par la réduction de l'assiette fiscale au moyen d'allégements fiscaux. Il va sans dire que nous favorisons pour notre part les investissements dans l'éducation et le domaine social en général.

Le renflouement du budget du domaine social offre au Canada le plus d'avantages économiques et sociaux. Plus particulièrement, il sera très bénéfique pour le pays de revenir aux niveaux précédents d'investissement dans l'enseignement postsecondaire, autant pour le Trésor que pour le bien-être économique et social du pays. Des arguments solides et décisifs prouvent que le rendement direct de l'investissement dans l'enseignement postsecondaire est supérieur aux coûts et, sans contredit, aux coûts de ne pas donner un tel enseignement.

Dans une étude récente, Robert C. Allen, un économiste de l'Université de la Colombie-Britannique, analyse le rendement de l'investissement dans l'enseignement postsecondaire, en comparant les revenus supplémentaires des diplômés et les impôts qui seront prélevés sur ces revenus avec les coûts que doit payer le gouvernement pour fournir cette éducation. Allen démontre que, pour la quasi-totalité des programmes, les diplômés paient des impôts plus élevés, qui remboursent largement les coûts engagés pour leur fournir cette éducation.

• 1225

L'économie est de plus en plus fondée sur le savoir, et le rendement de l'investissement dans l'enseignement postsecondaire ne cessera d'augmenter, tout comme les conséquences du non-investissement. Par contre, si on augmente de façon substantielle les dépenses en réduisant les impôts ou les dépenses fiscales, les avantages sociaux et économiques mesurables sont beaucoup moins sûrs.

En raison de leur nature et de leur portée, il faudrait apporter des modifications énormes aux dépenses fiscales pour que la majorité des Canadiens en ressentent les effets dans leur vie. En effet, pour les Canadiens, une facture d'impôt sur le revenu moins élevée entraînera des frais d'utilisation accrus des services publics, tels que les collèges et les universités, ou des pertes moins perceptibles dues au déclin des services. Alors qu'une augmentation annuelle de 2 milliards de dollars des subventions à l'enseignement postsecondaire aura un effet très bénéfique sur l'accessibilité et la qualité du système, des réductions d'impôt égales, assorties de frais similaires, se traduiront par un gain de 20 $ pour le contribuable.

Il est prioritaire de redonner au budget social un niveau respectable et concurrentiel. Il est tout à fait impensable de penser à des réductions fiscales actuellement. Il incombe à ce comité de recommander au gouvernement fédéral de reprendre son rôle de leader dans le domaine social, et de prendre les mesures qui s'imposent pour résoudre la crise de l'endettement des étudiants et pour stopper l'érosion des subventions à l'enseignement postsecondaire.

Nous recommandons donc que le gouvernement fédéral réinvestisse dans l'enseignement postsecondaire en mettant en place deux mesures distinctes: la restauration des budgets de l'enseignement postsecondaire par le truchement des Transferts canadien en matière de santé et de programmes sociaux au niveau qui prévalait avant la cessation des transferts; l'allocation de fonds à un programme national de bourses, qui serait administré en vertu d'ententes existantes entre le fédéral et le provincial sur les programmes d'aide aux étudiants. De cette façon, le Canada se doterait d'un programme national de bourses, à l'instar de tous les autres pays membres de l'OCDE, sauf le Japon. Je vous incite à consulter notre mémoire pour obtenir le détail sur ces recommandations.

J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le budget de l'année dernière, que le gouvernement a fièrement surnommé le «budget de l'éducation».

Je dirai tout d'abord que nous nous sommes réjouis de la préséance et de la place occupée par l'enseignement postsecondaire dans ce budget. Cependant, malgré les changements de surface aux modalités de remboursement des prêts étudiants, les avantages de ces mesures étaient grandement assombris par les mesures punitives inscrites dans le Programme canadien de prêts aux étudiants et dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

En fait, le dernier budget—plus particulièrement les ententes avec les banques sur le partage des risques—confirmait les craintes des étudiants quant aux dommages inévitables de la privatisation du système de prêts aux étudiants du Canada. En raison de ces changements, les étudiants pourraient désormais subir des vérifications de crédit pour obtenir un prêt et ne peuvent déclarer faillite dans les dix années suivant l'obtention du diplôme. Toutes ces mesures, qui entraînent des difficultés supplémentaires pour les étudiants, sont le reflet du non-respect du principe de l'accessibilité, que nous expliquons dans notre mémoire.

Nous recommandons à cet effet les actions suivantes pour annuler les modifications prescrites par le dernier budget: l'élimination des amendements à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et l'annulation des mesures exigeant la vérification du crédit. Ces dernières, encore à l'étape de la consultation, n'ont pas été adoptées.

Je vais maintenant vous livrer quelques commentaires sur la Fondation des bourses d'études du millénaire et sur ses incidences pour la communauté étudiante.

Le dernier budget contenait des dispositions relatives au fonds des bourses du millénaire, administré par le fédéral. Le fonds versera quelque 300 millions de dollars par année, soit environ 12 p. 100 des sommes versées actuellement en prêts aux étudiants. Bien que la Fédération canadienne des étudiant(e)s soit d'accord pour que l'on injecte de l'argent dans un programme de bourses, le fonds du millénaire ne permettra nullement de desserrer le joug qui oppresse le système d'aide aux étudiants. On a accueilli favorablement la nouvelle selon laquelle les bourses seraient en grande partie accordées en fonction des besoins; cependant, le fonds n'a pas eu pour effet de chasser l'impression de plus en plus forte que l'enseignement postsecondaire est réservé à ceux qui peuvent se l'offrir.

La bourse proposée de 3 000 $ ne couvre même pas les frais de scolarité d'un simple baccalauréat en lettres, dans aucune province. Pour un baccalauréat en droit ou en médecine, la bourse couvre la moitié à peine des frais et, pour un baccalauréat en médecine dentaire, seulement un sixième. En outre, selon une étude menée par le gouvernement lui-même, le programme rejoindra entre 8 et 12 p. 100 des étudiants seulement.

Nous recommandons que les ressources affectées au fonds des bourses du millénaire soient versées dans un programme national de bourses, qui serait administré en vertu de mécanismes provinciaux existants d'aide financière aux étudiants.

En conclusion, j'espère que cette exploration du passé et du futur, dans notre mémoire et dans notre présentation, vous aura permis de comprendre un peu mieux les angoisses et les défis qui pèsent sur la communauté étudiante. Nous sommes de plus en plus loin derrière les États-Unis et les autres pays membres de l'OCDE pour ce qui est de l'accès aux collèges et aux universités.

The Chronicle of Higher Learning rapportait récemment que, en moyenne, tous les États américains ont augmenté leurs subventions aux établissements publics—les universités d'État—de 6,9 p. 100 environ au cours du dernier exercice. J'ai été très surpris pour ma part d'apprendre que les frais de scolarité d'un baccalauréat en arts libéraux—pour les résidents de l'État—à l'Université de Washington étaient similaires aux frais demandés ici: il en coûte à peine 200 à 300 $US de plus que pour un programme semblable à l'Université de Toronto.

• 1230

La crise de l'endettement des étudiants demeure l'obstacle majeur empêchant l'accès à l'enseignement postsecondaire, et la réduction constante des budgets d'exploitation de nos établissements fait tomber en désuétude le concept de l'accès universel à l'enseignement postsecondaire, un bien public inaliénable. Il faut tout faire pour inverser le mouvement. Autrement, il faudra accepter que notre système d'enseignement secondaire, consciemment ou non, fasse de la richesse et non du mérite la principale exigence d'admission.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Conlon.

Nous entendrons maintenant, du College Institute Educators' Association of British Columbia, M. Ed Lavalle, président. Bienvenue.

M. Ed Lavalle (président, College Institute Educators' Association of B.C.): Merci, monsieur le président. Je suis très content de me trouver devant ce comité.

Je dois dire que j'apprécie grandement que ce comité se déplace encore jusqu'en Colombie-Britannique. Ce geste en dit long. Il consolide d'une certaine façon la réalité pancanadienne et nos aspirations nationales.

Le thème dont je traiterai pourrait se résumer par ceci: nous demandons que le fédéral joue un rôle accru dans l'enseignement postsecondaire, par la restauration du TCMSPS aux niveaux prévalant avant les réductions budgétaires, et en assurant une plus grande cohésion sociale. Ce thème est très populaire ici et, si l'on se fie aux médias, il tourne surtout autour de la santé. Je crois pour ma part que la santé du pays, sur le plan économique, sera tributaire d'un investissement accru dans l'éducation.

Je ne crois pas devoir expliquer au comité pourquoi l'enseignement postsecondaire est si important. Le gouvernement a lui-même expliqué pourquoi dans ses propres documents. Dans notre mémoire, nous commentons le premier rapport du Comité permanent du développement des ressources humaines, dont on peut tirer quelques faits significatifs.

Depuis 1981, les emplois, pour ceux qui ne détiennent pas plus d'un diplôme d'études secondaires, ont diminué de deux millions alors qu'ils ont augmenté de près de cinq millions pour ceux qui ont des qualifications supérieures. En fait, les nouveaux emplois exigent un plus haut degré d'éducation et, comme plusieurs le disent, une formation continue.

Le rapport indique que, d'ici l'an 2000, 45 p. 100 des nouveaux emplois exigeront au moins 16 années d'études et de formation. C'est quatre années de plus que les 12 années du primaire au secondaire.

En 1996, le taux de chômage pour les diplômés d'universités n'était que de 5 p. 100, alors que, pour ceux qui n'avaient pas même un diplôme d'études secondaires, il atteignait 15 p. 100. C'est encore plus pour les jeunes.

On constate aussi des avantages sociaux. L'observateur de l'OCDE, en juin-juillet 1998, fait observer que la majorité des améliorations sociales sont encore plus présentes quand la population détient une éducation de niveau supérieur, que ce soit sur le plan de la santé, de la criminalité, de l'environnement, du rôle parental, de l'engagement politique et communautaire, et de la cohésion sociale. Notre capacité à améliorer ces domaines dépend largement du niveau d'éducation de notre société.

J'aimerais maintenant aborder un thème qui sera peut-être nouveau pour le comité, soit la stagnation de l'inscription aux programmes au Canada. De récentes données publiées par Statistique Canada démontrent que l'inscription a augmenté de 1 p. 100 seulement en 1997-1998, un taux inférieur au taux de croissance de la population.

• 1235

Si nous acceptons le principe selon lequel l'éducation est une donnée essentielle d'une économie fondée sur le développement de l'emploi, il faut faire en sorte que le nombre de ceux qui recevront un enseignement supérieur augmente de façon importante d'année en année, en fonction de la croissance économique et des emplois créés. Mais il semble que ce n'est pas le cas au Canada. L'inscription à plein temps a été inférieure à 1 p. 100 depuis 1993. Plus encore, la formation visant l'amélioration des chances d'emploi ou l'ajout d'une plus-value à un emploi existant se fait la plupart du temps à temps partiel, mais la proportion des inscriptions à temps partiel diminue par rapport à l'ensemble des inscriptions.

Il s'agit donc d'un problème de taille. Trop peu de recherches nous permettent d'expliquer ce phénomène, mais nous soupçonnons que le gouvernement devrait faire en sorte de trouver les raisons du déclin des inscriptions à temps plein, par rapport à la croissance de la population, et du déclin absolu des inscriptions à temps partiel.

Nous ne connaissons pas les causes exactes de ce phénomène, mais nous avons de très bons indicateurs, que la Fédération canadienne des étudiant(e)s saura mieux expliquer que nous. Nous savons que les droits d'inscription constituent un important facteur dissuasif, parce que les provinces consacrent de moins en moins d'argent à l'éducation, hormis le Québec et la Colombie-Britannique je crois, à l'instar du gouvernement fédéral.

L'indice des droits de scolarité a augmenté de 11,8 p. 100 en 1996-1997, alors que le taux d'inflation était de 1,9 p. 100. Depuis 1992-1993, l'indice des droits de scolarité a augmenté de 43 p. 100, alors que l'indice des prix à la consommation a augmenté de 6 p. 100 seulement. L'éducation est l'un des services ou des biens de consommation ayant connu l'une des plus fortes hausses de coût dans le marché, y compris le mazout et autres. Alors que la tendance des coûts pour les autres biens semble être à la baisse, les coûts de l'éducation ont beaucoup augmenté.

Nous avons besoin d'autres données pour démontrer s'il s'agit ou non d'un facteur dissuasif; j'aimerais à cet égard porter à l'attention du comité une publication de la chercheure Diane Looker, parue dans la Revue canadienne de l'éducation. Ses recherches indiquent qu'une grande partie des jeunes estiment que les frais de scolarité élevés sont un important élément dissuasif, et encore plus, vous l'aurez deviné, si ces jeunes viennent de milieux moins aisés. Il est clair que les frais de scolarité et les frais généraux liés aux études contribuent à la stratification des classes.

Le chômage parmi les jeunes constitue un autre problème important. L'angoisse par rapport à l'endettement des étudiants combinée à l'incapacité de gagner de l'argent, comme le démontrent les taux de chômage élevés parmi les jeunes, contribuent à accentuer la désaffection graduelle des écoles, et causent la stagnation des inscriptions.

De nombreuses difficultés sont en cause, que notre mémoire traite assez exhaustivement à mon avis. J'aimerais en citer d'autres, qui ont émergé au cours de la dernière année, et qui s'ajoutent à celles dont je parle devant ce comité depuis trois ou quatre années. L'une d'elles touche indirectement au domaine des finances, puisqu'elle est liée à la politique financière s'appliquant à la gestion du budget de l'assurance-emploi et à la Loi sur l'assurance-emploi, ainsi qu'au transfert des programmes du marché du travail.

• 1240

Quand on a annoncé les mesures de transfert des programmes du marché du travail, on a cru à un transfert des compétences et à une nouvelle vision du fédéralisme. En fait, il s'agit d'une façon déguisée pour le fédéral de décharger son trop-plein sur les provinces. Dans les provinces qui refusent d'assumer cette responsabilité, ce sont les utilisateurs qui en subissent les conséquences—le client, le citoyen. Dans les provinces comme la Colombie-Britannique, où l'éducation est soutenue par ces programmes, il en découle une charge supplémentaire pour le gouvernement provincial.

Ce sont les amendements à la Loi sur l'assurance-chômage qui ont eu les pires conséquences. Ils ont entraîné un transfert du pouvoir d'achat de formation dans un seul panier, celui de l'assurance-emploi. Bien que le gouvernement continue d'avoir une certaine responsabilité financière, administrative et exécutive en vertu de la Loi, des distinctions sont faites entre les établissements publics et privés.

Le gouvernement fédéral paie la totalité des coûts pour une institution privée, parce que, bien entendu, un formateur privé est plus cher—il est à but lucratif. Les établissements publics subventionnés, quant à eux, reçoivent uniquement le paiement des frais de scolarité du gouvernement fédéral. La différence entre les coûts réels de la formation et les frais de scolarité nous permettent de quantifier les sommes délestées qui sont le produit direct des mesures du fédéral.

La qualité de la formation subit aussi des répercussions, parce que les établissements privés ne sont pas assujettis à la réglementation et ne sont pas tenus de garantir la qualité. Ils n'offrent pas nécessairement non plus une assurance d'harmonisation entre les niveaux, autant sur le plan des diplômes accordés que des prérequis pour passer à un niveau supérieur—les aptitudes et peut-être l'éducation et la formation requises pour obtenir un meilleur emploi.

Je crois que cette politique mine notre objectif de donner aux individus plus de souplesse, au grand détriment de la province et, du point de vue de la qualité, de l'individu.

Il me reste peu de temps. J'aimerais maintenant vous parler de nos réponses aux questions du comité. Nous avons huit recommandations.

À la question relative à la nécessité d'équilibrer le budget, nous répondons oui, mais qu'il est important de restaurer les niveaux de financement pour l'enseignement postsecondaire. J'ajouterai que—cela n'est pas dans le rapport—ce devrait être considéré comme étant un facteur clé de la cohésion sociale pancanadienne.

Nous avons très peu de recommandations à faire quant aux investissements stratégiques et aux modifications au régime fiscal; nous croyons toutefois que le gouvernement fédéral devrait faire encore plus pour encourager les travailleurs à augmenter leurs compétences. Nous parlons précisément d'incitatifs financiers.

Nous croyons qu'un régime d'impôt sur le revenu progressif est le moyen le plus juste pour permettre à ceux qui le désirent d'avoir accès à l'enseignement postsecondaire.

Le gouvernement fédéral devrait, en collaboration avec le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, élaborer des normes pancanadiennes et assurer un accès égal à l'enseignement postsecondaire, sans égard au lieu de résidence. On devrait accorder plus de soutien aux programmes d'alphabétisation.

Le gouvernement fédéral devrait revoir les décisions prises par rapport à la Loi sur l'assurance-emploi, et recommencer à acheter des blocs de formation pour les personnes qui en ont besoin. De toute façon, aucune formation ne devrait être donnée par des personnes non accréditées, qui ne peuvent offrir aucune garantie de satisfaction. De plus, le gouvernement devrait payer la totalité des coûts des programmes de formation offerts en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.

Merci de votre attention. J'espère que vous inclurez ces recommandations dans les suggestions que vous ferez au ministre des Finances en vue du prochain budget. Merci beaucoup.

• 1245

Le vice-président (M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.)): Merci, monsieur Lavalle.

Nous entendrons maintenant M. Clift, qui représente la Confederation of University Faculty Associations of British Columbia. Monsieur Clift, vous avez environ dix minutes.

M. Robert Clift (Confederation of University Faculty Associations of British Columbia): Je peux donc vous livrer deux fois plus de commentaires que je n'en ai préparé.

Bonjour. Je vous transmets, tout d'abord, les excuses de notre président, Jim Gaskell, qui devait témoigner ce matin. Malheureusement, l'invitation à témoigner devant ce comité est arrivée tardivement et il avait déjà pris un engagement ailleurs au pays. Il doit voler au-dessus de Regina en ce moment, à destination de Vancouver.

La Confederation of University Faculty Associations of British Columbia représente environ 3 600 professeurs, bibliothécaires et autre personnel universitaire des 4 plus grandes universités de la Colombie-Britannique.

Nous sommes heureux de témoigner aujourd'hui aux audiences de ce comité visant à établir une stratégie fiscale, ou du moins des recommandations au ministre des Finances en vue de l'élaboration d'une stratégie fiscale.

Il semble y avoir consensus, entre les personnes qui ont témoigné ce matin du moins, sur le fait que l'avenir économique du Canada sera d'autant plus solide qu'il est en mesure de concurrencer les autres économies que l'on dit fondées sur le savoir. On passe trop souvent sous silence la présomption selon laquelle l'avènement de l'économie fondée sur le savoir nous tombera dessus sans préparation. C'est loin d'être réaliste. Il faudra faire des choix.

Si nous voulons prospérer dans un contexte économique fondé sur le savoir, nous devons prendre des décisions éclairées. Sinon, nous continuerons de nous enliser dans nos vieilles ornières, dans nos anciens modes de production. Nous tenterons de continuer à progresser dans une économie fondée sur les richesses naturelles, par exemple, bien qu'on en connaisse parfaitement les limites. Nous pourrons aussi tenter de concurrencer, par nos salaires et nos impôts, d'autres pays qui ont pris la décision de se doter d'une main-d'oeuvre à bon marché, qui paie peu d'impôts.

Bien qu'il soit fort tentant de rapiécer des morceaux disparates, il faudra nous faire à l'évidence: nous avons besoin d'une stratégie intégrée. Et au coeur de cette stratégie se trouve l'engagement à assurer la meilleure éducation supérieure qui soit, si nous voulons bien entendu prospérer sur la voie de l'économie fondée sur le savoir.

Selon nous, le succès d'une économie fondée sur le savoir s'appuie sur deux pôles: le tri et l'analyse d'une quantité phénoménale de données, et l'engagement à favoriser la découverte et l'innovation continues.

Ainsi, la valeur stratégique d'Internet, ce puits sans fond d'information, passe par la capacité à en extraire les données les plus pertinentes, à les synthétiser afin d'en tirer de l'information utile, et à revendre l'utilisation de ces données à des fins lucratives.

Une donnée n'a en elle-même aucune valeur. C'est l'utilisation stratégique de cette donnée qui lui donne une valeur, sur laquelle on construira l'économie fondée sur le savoir. Autrement dit, les personnes qui possèdent des compétences en recherche, en analyse, en synthèse et en communication sauront comment utiliser cette avalanche d'information. Et ces personnes détiennent en majeure partie des diplômes de nos collèges et de nos universités.

La manipulation de données existantes ne pourra toutefois pas, à elle seule, nous garantir une économie du savoir florissante. Les gagnants dans cette arène seront aussi engagés sur la voie de la découverte et de l'innovation continues. Si on ne s'est pas doté de capacités à générer de nouvelles idées et de nouveaux produits, notre succès économique sera toujours dépendant des autres.

Permettez-moi de faire une analogie avec l'industrie forestière. Nous disposons d'une quantité de bois, qui nous permet de faire du commerce. Cependant, si on ne plante pas de nouveaux arbres, la source de profit sera tarie.

Une autre dimension nouvelle de l'économie du savoir touche, bien entendu, à la quantité de connaissances, de données, qui sont accessibles gratuitement et pouvant être diffusées gratuitement. Nous le savons tous, à la lumière surtout des débats qui ont entouré le droit d'auteur voilà deux ans environ, le contrôle de cette information et de son utilisation future fait partie intrinsèque de l'économie du savoir. De l'information gratuite circule actuellement dont nous pouvons tirer profit pour progresser, mais ne soyons pas dupe: tôt ou tard, elle sera mise dans des coffres-forts.

Voici un exemple typique pour ceux qui connaissent le domaine: j'ai remarqué la semaine dernière que le Congrès américain envisageait de modifier la loi sur le droit d'auteur afin de protéger les données de base originales contre l'utilisation dans les bases de données. Comment peut-on interpréter cet exemple?

Peut-être savez-vous que, actuellement, bien que la télédiffusion d'un événement sportif soit assujettie au droit d'auteur, le pointage final est pour sa part une donnée accessible gratuitement. Vous pouvez diffuser cette donnée dans votre journal ou dans votre bulletin de nouvelles. Mais si le Congrès américain adopte la loi à l'étude, le score deviendra la propriété de la ligue sportive, et vous ne pourrez l'utiliser si vous ne payez pas les frais de licence. Voilà ce qui constituera notre pain quotidien dans une économie fondée sur le savoir.

• 1250

Il est donc important de savoir que l'orientation que nous avons choisie—et je ne crois pas que ce soit la bonne... Si nous ne nous donnons pas les moyens de générer de l'information, nous devrons peut-être former plus de ligues sportives canadiennes—je ne sais pas—afin que nous puissions diffuser nos propres scores. Mais si nous ne nous donnons pas les outils pour produire de nouvelles idées et de nouveaux produits, nous serons toujours dépendants des autres pour l'information, et cette ressource pourrait très bien nous être confisquée définitivement.

Il est plus que nécessaire, impératif, que le Canada développe sa capacité à générer de nouvelles idées et de nouveaux produits. Une fois encore, je répète que cette capacité dépend avant tout de nos universités, parce que c'est dans ces établissements que la nouvelle recherche—c'est-à-dire la recherche accessible par le public—est générée, et que les nouveaux chercheurs et innovateurs sont formés, par l'enseignement direct lors de la poursuite d'un programme, ou par la participation à des activités de recherche aux deuxième et troisième cycles.

Notre pays occupe une position favorable. Nous sommes bien placés pour satisfaire aux demandes de cette nouvelle économie, si nous faisons maintenant les bons choix. Nous comptons l'un des taux les plus élevés de participation à l'éducation institutionnelle parmi les pays membres de l'OCDE. Nous sommes aussi le pays avec le plus haut taux de population détenant des crédits postsecondaires, bien que beaucoup de ces crédits n'aient pas été obtenus au Canada. Ils découlent de notre politique d'immigration, qui favorise la venue de personnes hautement qualifiées. C'est bien, mais nous devons aussi faire en sorte que les enfants de ces immigrants puissent obtenir ici leurs propres crédits.

Nos principaux concurrents, toutefois, nous rattrapent rapidement. Nombre de nos concurrents au sein de l'OCDE ont augmenté la proportion de leur budget consacrée à l'éducation; le Canada a inscrit pour sa part la deuxième baisse la plus importante de la proportion de ses revenus consacrée à l'éducation entre 1975 et 1993.

Malheureusement, le ciel n'est pas si bleu non plus en ce qui a trait à notre capacité de recherche. Le Canada se classe mal en ce domaine parmi les membres de l'OCDE et, selon les données les plus récentes (1995), il était l'avant-dernier pour les dépenses totales consacrées à la recherche publique et privée par rapport aux revenus. Seule l'Italie a fait pire. Cette lacune est de plus aggravée par une autre donnée publiée dans une étude réalisée l'an dernier: le Canada compte seulement 4,7 chercheurs pour 1 000 travailleurs, alors que les États-Unis en comptent 7,4.

Nos capacités de recherches déficitaires s'expliquent en grande partie par le fait que nous avons depuis longtemps misé sur une économie de succursale. L'exemple typique de cela est l'industrie pharmaceutique au Canada: elle est en grande majorité dirigée par des intérêts étrangers, et une grande partie de la recherche menée par et pour l'industrie pharmaceutique au Canada ne vise pas la création de nouveaux médicaments, mais plutôt le perfectionnement de médicaments déjà sur le marché.

C'est ailleurs que l'on met au point de nouveaux médicaments, aux États-Unis surtout. Non pas parce que les travailleurs et les chercheurs canadiens sont moins compétents—loin de là. Nous avons formé des chercheurs de haut calibre dans le domaine médical, dont un bon nombre travaillent aux États-unis, où les projets de recherche innovatrice sont beaucoup plus nombreux et bénéficient d'un meilleur financement. Quand nous parlons de l'exode des cerveaux des diplômés du postsecondaire, c'est de cela dont on parle. On ne parle pas d'impôts, mais du fait que les chances sont meilleures ailleurs.

Si nous choisissons d'investir l'arène de l'économie du savoir, nous devrons mettre en oeuvre un plan d'action à trois volets. Il faut tout d'abord inverser la tendance actuelle à la réduction du soutien à l'éducation en général, et particulièrement à l'enseignement postsecondaire.

Nous savons que le gouvernement a cessé les réductions au TCMSPS et s'est engagé à des augmentations légères au cours de la prochaine année, une nouvelle qui nous fait plaisir. Les réductions du fédéral ont été aggravées, cependant, par les réductions des gouvernements provinciaux. Comme l'a déjà énoncé mon collègue de la Fédération canadienne des étudiant(e)s, nous agissons à l'opposé des États-Unis. Entre 1995-1996 et 1997-1998, les crédits accordés aux universités ont augmenté dans 45 des 50 États. Au contraire, durant la même période au Canada, 8 provinces sur 10 ont réduit les crédits aux universités.

La deuxième action visera le soutien continu et l'augmentation de l'accessibilité universelle à l'enseignement et à la formation postsecondaires—je me garderai de répéter les commentaires de mon collègue de la Fédération canadienne des étudiant(e)s à ce sujet. Je me contenterai d'ajouter que les coûts de plus en plus élevés rendent la vie difficile aux étudiants déjà inscrits, et dissuadent les candidats éventuels.

Troisièmement, nous devons consolider notre capacité de R-D. La restauration des fonds du Conseil subventionnaire fédéral aux niveaux de 1994-1995 est une très bonne nouvelle; entre-temps toutefois, nos compétiteurs ont continué d'avancer. En plus de donner du soutien par l'entremise des Conseils fédéraux de subventions à la recherche, le gouvernement doit faire plus pour la recherche fondamentale dans les établissements, tel que nous le promet le rétablissement du TCMSPS. De telles subventions soutiennent les projets de recherches qui ne bénéficient pas des subventions des conseils de subventions, et contribuent à attirer et à conserver les chercheurs.

• 1255

Nous savons que le gouvernement fédéral a misé sur des programmes ciblés et des allocations directes pour s'assurer du nouveau capital politique. Nous reconnaissons que c'est un désir légitime, mais la mise au rancart d'allocations générales au profit des programmes ciblés a eu pour effet d'augmenter les disparités au pays.

En Colombie-Britannique, par exemple, nous avons été relativement peu touchés par les réductions des TCMSPS, parce que notre gouvernement provincial a contrebalancé les coups. Pourtant, une augmentation nulle n'est pas sans effet, car l'inflation galope toujours pendant ce temps. Dans d'autres provinces, Terre-Neuve par exemple, les budgets des systèmes d'enseignement postsecondaire ont subi de fortes réductions.

Les disparités se creusent aussi entre les types d'établissement. Si les organismes subventionnaires et les contrats de recherche sont les canaux privilégiés des subventions, alors les établissements centrés sur la recherche se trouvent en meilleure position et seront plus à même d'attirer des professeurs talentueux. Ainsi, même si une province se dote d'un budget national de recherches—supposons la province de Terre-Neuve—, mais que les conditions sont meilleures à Toronto, alors pourquoi un chercheur resterait-il dans sa province?

Il est important de bien saisir ces disparités parce que les réactions en chaîne sont de portée nationale. La recherche effectuée à Toronto peut être utilisée de façon efficace ailleurs au pays. Beaucoup des retombées de la recherche et de l'éducation sont circonscrites à des communautés et à des régions. Par exemple, on pourrait très bien amener à Toronto une certaine classe de chercheurs, au détriment de la recherche à Terre-Neuve; il ne faut pas oublier toutefois que le développement d'une industrie locale d'application de la recherche, qui contribue directement à l'économie, est impossible si la communauté ne s'est pas dotée de la capacité de recherche nécessaire.

Bref, la concurrentialité du Canada dans un contexte économique fondé sur le savoir sera fonction de notre capacité à former des travailleurs ayant de bonnes aptitudes de réflexion et de communication, ainsi que de notre capacité à accroître notre potentiel de R-D. C'est ce que visent principalement les programmes collégiaux et universitaires et, pour ce qui est du dernier élément, les programmes universitaires surtout.

Bien que le gouvernement ait pris des décisions encourageantes récemment, les initiatives sont encore trop maigres et entraînent malheureusement des disparités croissantes entre les provinces. Nous croyons qu'il faudra augmenter les subventions de base permettant de couvrir les frais d'exploitation des établissements postsecondaires. Cela soulève des difficultés importantes, parce que les provinces se demandent actuellement, à l'instar du gouvernement fédéral, comment elles pourront mettre en oeuvre ces mesures. Je n'ai pas de réponse à vous soumettre. Notre organisme national, la Canadian Association of University Teachers, s'interroge aussi à ce sujet. Nous avons organisé un congrès en novembre prochain, où nous espérons recueillir des suggestions intéressantes sur ces questions. Mais actuellement, je n'ai pas de recommandations précises à vous livrer en ces domaines.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Clift.

Nous entendrons maintenant Mme Joy Morris, du Conseil national des étudiants diplômés. Soyez la bienvenue.

Mme Joy Morris (membre, Conseil national des étudiants diplômés): Merci.

Mon nom est Joy Morris et, comme on l'a annoncé, je représente le Conseil national des étudiants diplômés, un groupe de plus de 45 000 étudiants diplômés de 22 universités publiques du Canada, qui sont tous membres de la Fédération canadienne des étudiant(e)s. J'aimerais vous remercier de me donner le privilège de témoigner aujourd'hui. Nous vous avons remis un mémoire, dont je soulignerai certains points auxquels j'aimerais que vous accordiez une attention spéciale quand vous ferez vos recommandations pour le budget.

À l'instar des autres témoins présents aujourd'hui, mes commentaires viseront l'augmentation du financement de base des programmes sociaux. En tant qu'étudiants, nous croyons qu'il est primordial, pour le bien de notre économie et de notre pays, de prendre cette orientation. Les Canadiens sont très fiers que le pays finance les programmes sociaux, et veulent poursuivre dans cette voie. C'est l'un des aspects qui nous distinguent des États-Unis, et la population est prête à ce que l'argent des contribuables serve à nous donner des programmes sociaux de qualité, appuyés par des subventions sûres.

Voici les points que je tiens à souligner à l'instar de la Confederation of University Faculty Association, nous aimerions que les organismes subventionnaires disposent de plus de fonds, de même que le programme de Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Nous aimerions que soient abrogés les amendements à la loi sur la faillite. Nous souhaiterions que cessent les discussions sur les vérifications de crédit pour l'octroi de prêts étudiants, et nous ne voudrions pas que des réductions d'impôt soient adoptées au détriment des subventions aux programmes sociaux.

À titre d'étudiants et de personnes qui font en sorte d'obtenir un niveau d'éducation supérieur, nous nous attendons à ce que nos revenus soient plus élevés après l'obtention du diplôme, et à payer par conséquent des impôts plus élevés. Cela démontre que nous ne voyons pas nos seuls intérêts quand nous demandons de ne pas réduire les impôts.

• 1300

Je parlerai tout d'abord des organismes subventionnaires. J'aimerais féliciter le gouvernement et les membres du comité pour les mesures mises en oeuvre l'an dernier. Toutefois, comme il a été dit, les subventions aux conseils nationaux de subvention à la recherche ont été simplement rétablies aux niveaux de 1994. Depuis, d'autres pays ont augmenté le financement de la recherche, et de nombreux chercheurs canadiens ont déménagé à l'étranger, où ils peuvent obtenir plus de subventions, le soutien nécessaire, de l'équipement de recherche, etc.

Les étudiants diplômés sont les chercheurs de l'avenir, et les formateurs des futurs chercheurs; à ce titre, ils seront la pierre angulaire d'une société fondée sur le savoir. Il est crucial que l'on accorde le soutien nécessaire à la recherche. À cet égard, j'aimerais attirer l'attention des membres sur le fait suivant bien que plus de la moitié des étudiants diplômés au Canada étudient dans des domaines subventionnés par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, ce dernier reçoit seulement 12 p. 100 de toutes les subventions accordées par les conseils de recherches.

À notre avis, le projet des instituts nationaux de la santé devrait être subventionné par le conseil de recherches. Ce projet a été proposé par le Conseil médical de recherches. Nous donnons notre appui à ce projet parce que, selon le Conseil médical de recherches, les subventions ne seraient pas réservées à la recherche médicale, mais aussi à la recherche en sciences sociales dans le domaine de la santé, pour étudier par exemple les facteurs sociaux ayant des incidences sur la santé, la psychologie et autres domaines connexes.

J'aimerais souligner que le financement des conseils de recherches est beaucoup plus important à nos yeux que certains autres programmes de recherches qui soutiennent majoritairement la recherche appliquée, donc l'industrie. C'est une branche importante, mais les entreprises sont prêtes à investir dans la recherche parce qu'elles en tirent des dividendes immédiats et directs. La recherche fondamentale est aussi importante, car elle est à la base de la recherche industrielle.

Je parlerai maintenant du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Certaines décisions du gouvernement au cours des dernières années ont favorisé le financement individuel plutôt que le financement de programmes sociaux. Cela entraîne plusieurs conséquences fâcheuses. Les gens sont de plus en plus inquiets, parce qu'ils n'ont aucune garantie que le financement individuel sera reconduit d'une année à l'autre. Bien entendu, le financement systématique n'est pas garanti non plus, mais il semble que sa base soit plus solide que ne le sont les bourses et les prêts individuels, et que sais-je encore, dont il faut renouveler la demande chaque année.

De plus, si une personne reçoit une subvention individuelle, mais que le système lui-même est surchargé, sous-financé, alors elle ne pourra recevoir des services de qualité, qu'il s'agisse d'éducation et de tout autre domaine de services. Il est primordial d'accorder du financement de base aux programmes, de sorte que le système lui-même fonctionne le mieux possible. Nous suggérons donc que le financement soit rétabli afin de couvrir les coûts d'exploitation de tous les programmes sociaux, par le truchement du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Certaines des mesures individuelles qui ont été mises en oeuvre, je tiens à le mentionner, servent très peu la cause des étudiants diplômés. Il semble, aux dernières nouvelles, que les bourses du millénaire ne seront pas accessibles aux étudiants diplômés. C'est plutôt inquiétant pour nos membres.

Nous nous interrogeons par ailleurs sur la pertinence de compter sur les entreprises pour insuffler des fonds supplémentaires dans le fonds du millénaire quand les fonds publics seront épuisés. Rien ne nous garantit que les fonds provenant des entreprises privées seront nouveaux, qu'elles ne détourneront pas vers le programme national d'autres subventions existantes, telles que les bourses universitaires individuelles et les programmes de bourses d'entretien, etc. Nous doutons fortement que, dans la réalité, nous bénéficierons d'une hausse des subventions.

• 1305

Passons maintenant à la loi sur la faillite. La nouvelle disposition qui interdit désormais aux étudiants de déclarer faillite—ils peuvent déclarer faillite, mais ils ne peuvent liquider leur prêt étudiant durant les dix années suivant l'obtention du diplôme—nous cause beaucoup de soucis. La faillite n'est jamais une expérience intéressante, pour quiconque. Personne ne déclare faillite à la légère. C'est une mesure de dernier recours, et si on prive des personnes qui sont dans l'absolue impossibilité de rembourser leurs dettes de ce moyen, c'est inacceptable.

Je traiterai enfin de la question des vérifications de crédit pour l'octroi d'un prêt étudiant. Nous estimons que les prêts aux étudiants font partie d'un programme de soutien gouvernemental, et que ce sont les étudiants et les personnes qui en ont le plus besoin qui devraient en profiter. Les personnes qui en ont le plus besoin ont peut-être eu des problèmes de crédit auparavant. Si on permet les vérifications de crédit, les personnes les plus nécessiteuses, qui sont peut-être très responsables même si elles ont pu avoir des difficultés à rembourser des dettes alors qu'elles n'avaient pas d'emploi ou pour toute autre raison, pourront se voir privées de l'accès à l'éducation. Comment pourront-elles améliorer leur sort?

Merci encore de m'avoir accordé le privilège de témoigner ici. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Morris.

Ici se termine la période de témoignage. Suivra immédiatement une période de questions; monsieur Harris tout d'abord.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président et messieurs et mesdames les témoins. Merci de nous avoir livré vos témoignages et vos mémoires.

Je vais faire mon sondage annuel, un rituel lors des consultations prébudgétaires. Combien d'organisations présentes ont reçu des subventions fédérales ou provinciales?

Combien de groupes sont entièrement subventionnés par les adhérents?

Merveilleux. C'est un bon départ.

Ma première question s'adresse au représentant du College Institute Educators' Association of B.C., M. Lavalle. C'est bien l'organisation que vous représentez? Votre deuxième recommandation suggère que le gouvernement fédéral devrait mettre de l'avant des mesures accrues pour encourager la population active à se perfectionner. J'aime cette recommandation qui, si je comprends bien, signifie que le gouvernement devrait accorder à l'employé ou à l'employeur un allégement fiscal ou une déduction fiscale afin que l'employé puisse recevoir un cours de perfectionnement. Est-ce bien l'essence de votre recommandation? En plus des heures de travail, si l'employé prend un cours du soir ou un cours à la maison—c'est ce que vous voulez dire?

M. Ed Lavalle: Cela et plus encore. Cela signifie que la population active recevra plus de formation. Il peut s'agir en effet de formation à temps partiel, mais aussi qu'on accorde un congé à un employé afin qu'il suive un programme complet, s'il en résulte une valeur ajoutée pour l'employeur.

La base du financement, cependant, pose des difficultés. Dans notre système, dans tout le Canada et au fédéral, le financement public constitue depuis toujours une nécessité parce que les entreprises réservent très peu de fonds pour le recyclage en cours d'emploi—l'un des taux les plus bas dans l'OCDE. Quelles seront les mesures incitatives à mettre en place et les autres modalités? Je ne sais pas. C'est le résultat qui nous intéresse: nous souhaitons que les employés bénéficient de possibilités pour se perfectionner.

M. Dick Harris: Je suis tout à fait d'accord avec cela. Je crois cependant qu'il ne faut pas aller trop loin. À mon avis, il faudrait se limiter aux programmes faisant partie d'ententes entre l'employeur et l'employé, où l'employeur—la société ou l'entreprise—est prêt à payer la nouvelle formation s'il reçoit une déduction fiscale en compensation. C'est souvent le cas actuellement. L'employé bénéficierait aussi d'une déduction fiscale pour tout investissement personnel dans une formation.

• 1310

Dès qu'une personne entre sur le marché du travail et gagne un revenu, elle devrait compter de moins en moins sur le soutien du gouvernement; elle devrait profiter au maximum des incitatifs fiscaux ou des déductions fiscales qui lui permettront de parfaire sa formation.

J'ai une autre question. Dans la recommandation 4, afférente aux normes pancanadiennes—je ne suis pas sûr de comprendre de quoi il retourne exactement—, parlez-vous de normes pancanadiennes relatives au rendement scolaire ou strictement à l'accès à l'enseignement postsecondaire?

M. Ed Lavalle: C'est beaucoup plus que l'accès qui est visé. Nous parlons de... Par exemple, le Conseil des ministres de l'Éducation élaborerait des normes relatives aux équivalences accordées pour les deux premières années. Donc, si vous avez suivi deux années d'un programme de lettres dans une province, elles seraient reconnues dans une autre province. Nous n'aurions plus à payer le coût social de la reprise de cours. Cela concerne les établissements d'enseignement.

Pour ce qui est de l'acquisition de nouvelles compétences ou de la formation dans l'industrie, il existe un programme réglementaire de formation en entreprise: dans certains domaines, les formations d'apprentissage ou les stages seront reconnus d'une province à l'autre.

Ces mesures favorisent la mobilité à la grandeur du pays.

M. Dick Harris: Il faudrait, bien entendu, obtenir le consentement de toutes les provinces pour ces mesures. Est-ce le cas actuellement?

M. Ed Lavalle: Oh oui! Dans notre mémoire, nous rappelons l'un des principes sur lesquels s'appuie notre organisme, à savoir que les politiques en matière d'éducation sont de compétence provinciale, en respectant le statut du Québec, la meilleure politique résulterait d'une négociation entre le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada et le gouvernement fédéral.

Pour en revenir aux normes, elles ne touchent pas uniquement les crédits accordés. Nous parlons aussi de normes nationales, qui entraînent des questions du type «Quels seraient les frais de scolarité acceptables?», «Quel est le degré de soutien à accorder aux étudiants?» et «Quelles sont les normes nationales à mettre en place pour abolir les frontières?». Ce serait l'essence d'un programme national.

Actuellement, les écarts entre les frais de scolarité sont énormes d'une province à l'autre. Ainsi, en Colombie-Britannique, les frais ont été gelés pour une période de 3 ans; en Ontario, ils ont dépassé les 10 000 $. Faut-il attendre qu'un gouvernement provincial impose des droits différentiels, mettant ainsi en péril la mobilité entre les provinces, bien que l'on reconnaisse que s'il faut le faire, on le fera?

M. Dick Harris: Merci, monsieur Lavalle.

J'aimerais poser une question à la Fédération canadienne des étudiant(e)s, à M. Conlon. J'imagine que Mme Morris sera aussi intéressée parce que vous avez tous deux abordé le même sujet.

Je veux vous questionner sur l'abrogation souhaitée des modifications à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Vous demandez que l'on abolisse les nouvelles dispositions.

Madame Morris, vous avez dit que personne ne déclare faillite à la légère. Je crois que, si on compare la situation actuelle avec ce qui prévalait voilà 20 ou 25 ans, les gens n'ont plus aussi peur de la faillite.

Je me souviens—je suis un peu plus vieux que vous, à peine—que la faillite, voilà 20 ou 25 ans, était considérée comme étant un péché mortel dans ce pays. Cette perception a changé: la faillite est maintenant considérée, dans l'ensemble, comme un mal nécessaire. Voilà mon explication: plus on instaure des mesures qui permettent de se décharger facilement de ses responsabilités, plus les gens ont l'occasion de le faire, plus ils en profiteront. Je ne parle pas seulement de la faillite; je parle de la vie en général.

• 1315

Je ne veux pas me lancer dans un débat philosophique, mais il semble que, s'il est facile dans une société de se dérober à ses responsabilités, cette société n'en tire aucun bénéfice.

Si je me fie à votre raisonnement, en supposant qu'une personne fasse des études et accumule une dette de 20 000 à 30 000 $—disons qu'elle a 22 ou 23 ans. Cette personne a terminé ses études. Elle n'est pas encore membre à part entière de la population active, elle n'a accumulé aucun avoir, n'a pas payé beaucoup d'impôt; en gros, elle n'a pas grand-chose à perdre si elle déclare immédiatement faillite pour se débarrasser d'une dette de 30 000 $.

Je me fais l'avocat du diable pour quelques minutes.

Cette personne se dit: «C'est facile: je me déclare en faillite et je me débarrasse de mon prêt étudiant de 30 000 $. Après, j'attends quelques mois et je me cherche un emploi. Dans trois ou quatre ans, peut-être moins, je recevrai des formules de demande de carte de crédit. C'est ce qui se passe maintenant. Je les remplis et j'obtiens une carte de crédit. Je suis de nouveau comme les autres, et je n'ai pas eu à payer mon prêt.»

Croyez-vous qu'il faille rendre cette voie facilement accessible? Même si la plupart ne voudront pas vraiment profiter de la situation, croyez-vous que c'est une bonne chose de laisser cette éventualité planer?

Mme Joy Morris: Je vais commencer, et Mike pourra poursuivre.

J'ai parlé dernièrement à un étudiant qui a déclaré faillite à 17 ans en raison d'une dette. Il ne savait pas que d'autres moyens existaient et il ne pouvait pas la rembourser. Il est plus âgé maintenant, et il m'a parlé des sept années qu'il a passées à essayer de fonder une famille, une carrière, etc., en essayant d'obtenir une hypothèque, une carte de crédit, sans succès. Il ne pouvait obtenir aucun crédit nulle part en raison de sa faillite. Je ne crois pas que c'est une solution facile.

M. Dick Harris: C'est vrai.

Mme Joy Morris: Ce n'est pas facile en raison de l'étape où en sont les étudiants dans leur vie. Peu après leurs études, ils arrivent le plus souvent à l'étape où on fonde un foyer, on obtient une hypothèque, etc.

M. Dick Harris: Eh bien, prenons l'exemple d'un étudiant qui déclare faillite à 22 ans—vous nous avez parlé d'un étudiant de 17 ans, mais parlons plutôt de 22 ans—en ayant liquidé une dette de 30 000 $, et qui obtient un emploi. Cet étudiant entre dans le marché du travail libre de toute dette. Il doit seulement payer ses dépenses courantes.

Je vous dirais que beaucoup de jeunes de 24-25 ans qui travaillent adoreraient être libres de toute dette et dire: «Je ne contracterai aucune dette tant que je n'en aurai pas les moyens.» Il s'écoulera peut-être deux ou trois ans où ils n'auront pas de carte de crédit et n'achèteront pas de nouvelle voiture pour éviter les paiements mensuels, afin de se construire une base solide.

M. Michael Conlon: Je voudrais faire plusieurs commentaires, parce que votre question touche plusieurs niveaux.

Je crois que la Fédération canadienne des étudiant(e)s s'inquiète, tout comme vous, du fait que la faillite soit devenue quasi routinière. Nous croyons par contre que la loi s'attaque aux effets et non à la cause. Les faillites sont le fruit de l'augmentation de l'endettement étudiant et de la croissance rapide du chômage chez les jeunes. Les statistiques le démontrent clairement.

D'autres facteurs sont aussi en cause, mais nous nous sommes attardés à un en particulier. La plupart des arguments donnés par les fonctionnaires et d'autres personnes en faveur de cette mesure punitive, qui n'affecte aucun autre groupe de la population, sont très maigres. Très peu de statistiques nous permettent de connaître les effets de cette mesure à long terme. En forçant une personne à attendre dix ans, le gouvernement espère-t-il recouvrer son prêt? Que la personne aura eu le temps d'amasser des ressources? Il faut se poser ces questions.

Je crois qu'il faut aussi souligner que le taux de remboursement des prêts étudiants avoisine les 90 p. 100, selon les données du gouvernement. Le taux de remboursement pour Industrie Canada est beaucoup plus bas, mais aucune mesure n'empêche les entreprises qui bénéficient de prêts d'Industrie Canada, constitués à même l'argent des contribuables, de déclarer faillite.

Il faut donc envisager cet argument à des niveaux différents. Il faut tout d'abord analyser pourquoi les faillites montent en flèche. Puis demander aux étudiants pourquoi, en vertu des statistiques sur la montée en flèche des statistiques, sont-ils le seul groupe visé par de telles mesures.

• 1320

À mon sens, la meilleure façon de régler le problème des faillites est de trouver des solutions à l'endettement étudiant, et non d'imposer des mesures punitives fondées sur des faits non prouvés à l'effet que les étudiants seraient des irresponsables. Le taux de remboursement chez les étudiants est en fait assez bon si on le compare au taux de remboursement des prêts accordés par Industrie Canada. À notre avis, cette mesure ne permettra nullement au Canada de récupérer son investissement en prêts. De plus, cette mesure qui s'adresse seulement aux étudiants est punitive, et ne se fonde sur aucune des statistiques obtenues du CPRH ou du ministère des Finances.

M. Dick Harris: Merci. J'aurais une dernière petite question, monsieur le président.

Peut-être pourrait-on procéder à main levée. Vous savez que, voilà quelques années, le gouvernement fédéral a rassemblé tous les transferts sociaux et les programmes d'éducation et de santé dans un seul TCSPS. Je suis encore un chaud partisan des subventions ciblées pour l'éducation, la santé et les programmes sociaux. Quelqu'un dans cette salle serait-il en faveur du retour aux subventions ciblées?

Merci beaucoup. En passant, j'aimerais beaucoup que l'on discute de cette question en profondeur.

Le président: Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: Ma première question s'adresse à M. Conlon.

Monsieur Conlon, dans votre document, vous parlez des priorités pour 1999 et l'an 2000. Vous parlez de restaurer les fonds qui ont été coupés au cours des dernières années dans les domaines de l'enseignement postsecondaire, de la santé et des programmes sociaux. Voulez-vous que cette restauration se fasse par l'intermédiaire des provinces ou si vous préconisez une autre façon d'aider ces secteurs?

[Traduction]

M. Michael Conlon: Bien que l'éducation soit de compétence provinciale sur le plan légal, le financement est encore une prérogative du fédéral. Nous recommandons que le gouvernement restaure les niveaux de subventions et qu'il trouve des solutions aux problèmes graves de l'endettement des étudiants et du déclin de la qualité. Il devra pour ce faire créer des normes pancanadiennes, aussi recommandées par M. Lavalle.

Nous estimons qu'il faudra coopérer le plus possible, en étant tout à fait conscients des difficultés sur le plan des relations fédérales-provinciales. Les fonds consacrés à l'enseignement postsecondaire proviennent des impôts versés au trésor national, et c'est de là que doivent provenir les fonds nécessaires à la revitalisation du secteur de l'éducation. Les provinces doivent de plus s'engager à consacrer les fonds reçus à cette fin à l'enseignement postsecondaire; il faudra signer des ententes quant à la source des fonds et à leur affectation.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'ai une autre question à vous poser, monsieur Conlon. Voulez-vous que tout ce qui a été coupé au cours des dernières années vous soit remis ou si vous préférez qu'on commence dès cette année, étant donné qu'on a un surplus, à restaurer le manque à gagner des dernières années?

[Traduction]

M. Michael Conlon: Avant que le gouvernement ne retire quelque 5 milliards de dollars du secteur de l'enseignement postsecondaire, la Fédération canadienne des étudiant(e)s considérait que notre système n'était pas adéquat. Durant les quatre ou cinq dernières années, nous avons été obligés de nous rendre à l'évidence: le degré d'accès était beaucoup plus élevé auparavant que nous ne le croyions. À mesure que l'accessibilité diminue—et est devenue quasiment nulle en Ontario—, les étudiants sentent qu'il faut agir vite pour assurer le financement de base de l'enseignement postsecondaire. Mais il est encore plus urgent de s'attaquer à la crise de l'endettement.

• 1325

Les chiffres indiquent 25 000 $. Ils datent de deux ans environ. Nous n'avons pas de chiffres récents pour ce qui est des étudiants diplômés. Si l'on tient compte des ressources disponibles, il ne serait pas réaliste de penser que tous les fonds de subventions pourront être renfloués cette année. Il me semble toutefois que, des points de vue philosophique et empirique, il faille viser à terme le rétablissement total des subventions. Si le Canada et ce gouvernement veulent encore se targuer d'offrir l'accessibilité universelle à l'enseignement postsecondaire, ils doivent prendre cet engagement.

Nous connaissons très bien les analogies que l'on fait avec les États-Unis, parce que les réductions viennent des deux côtés. Mais la réalité et les statistiques nous indiquent que ceux qui font des pressions aux États-Unis et ceux qui font les politiques publiques tendent à renverser la vapeur pour ce qui est de l'enseignement postsecondaire et du réinvestissement. Le Canada semble aller dans la direction opposée, ou veut tenir le cap après avoir imposé 5 milliards de dollars de compressions.

[Français]

M. Odina Desrochers: Vous avez parlé du problème de l'endettement des étudiants. Ma question s'adresse à tous les panélistes. Pensez-vous qu'actuellement, les institutions postsecondaires, c'est-à-dire les universités et les cégeps, répondent véritablement aux besoins des étudiants? On sait qu'on est dans un contexte de mondialisation, que tout change rapidement, etc. Pensez-vous que les programmes éducatifs qui vous sont offerts vous facilitent l'accès au marché du travail ou s'il vous arrive parfois d'être confrontés à des programmes vieux de 15 ou 20 ans?

[Traduction]

M. Michael Conlon: C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre.

L'enseignement postsecondaire est une institution dans notre société, et les choses changent très lentement. Mais je dirais que nos collèges et nos universités font un assez bon travail pour s'adapter aux changements que leur impose le marché du travail.

Certains programmes sont directement adaptés aux besoins du marché du travail. Mais du point de vue philosophique, les universités, surtout, et les collèges, doivent offrir beaucoup plus que la simple satisfaction des demandes dans le marché du travail. C'est un aspect important, certes, et je ne voudrais pas le minimiser. Mais si vous me demandiez de dresser la liste des cinq difficultés les plus importants dans l'enseignement postsecondaire, je ne suis pas sûr que la question de la pertinence en ferait partie.

La plupart des administrateurs sur notre campus font de la gestion d'urgence, de la gestion de crise en quelque sorte, depuis qu'on diminue progressivement les subventions. Ils font de leur mieux pour s'adapter à ce genre de demande. Du personnel se consacre à ces questions. Des recherches sont publiées chaque jour sur la meilleure façon d'investir l'argent dans les établissements, et sur la meilleure façon demander au gouvernement plus d'argent pour former les gens.

Mais il ne faut pas perdre de vue l'idéal selon lequel l'enseignement postsecondaire n'est pas un simple outil de formation. Il doit aussi permettre de se préparer à faire partie d'une société démocratique, à devenir des citoyens responsables et engagés, non seulement dans le marché du travail, mais...

Le président: Monsieur Della Mattia.

M. Gerry Della Mattia (directeur exécutif, Advanced Education Council of British Columbia): Si on examine les programmes—je parle au nom des collèges communautaires, du moins en Colombie-Britannique—nous nous apercevons que l'un des grands défis à relever est le remplacement des équipements techniques. Le financement fourni permet de couvrir une fraction seulement des besoins en équipements, au moyen desquels les étudiants pourraient se familiariser avec la technologie de pointe avant leur entrée dans le marché du travail.

Mais en Colombie-Britannique, et ailleurs aussi au pays je crois, nos établissements s'assurent de la pertinence de leurs programmes en entretenant des liens très étroits avec les employeurs. Plus particulièrement, nos programmes orientés sur le travail se sont dotés de comités consultatifs, constitués d'employés dans le domaine visé et de personnes qui embauchent des diplômés. Nous essayons d'assurer la pertinence de nos programmes de cette façon.

Le président: Monsieur Lavalle.

M. Ed Lavalle: J'aimerais ajouter un commentaire.

On tente actuellement de résoudre une équation sur la rentabilité des coûts, sur la façon de fournir des services d'éducation au moyen de la technologie. Le principal problème, dans un monde où les possibilités techniques sont en constant changement, est que nous n'avons pas les équipements pour donner la formation. Il est plus que probable qu'un formateur privé attire certains de nos étudiants parce qu'il offrira de la formation pointue. Les établissements publics, qui doivent satisfaire à des besoins de diverses natures tout en constatant la dégringolade de leurs revenus, auront beaucoup de difficulté à s'adapter aux changements technologiques.

• 1330

Je crois que le mot d'ordre de la décennie, l'expression favorite au sein des collèges, des instituts et des agences en Colombie-Britannique a été la sensibilité au marché. La croissance, l'élaboration des programmes et le développement, non seulement sur le plan du contenu, mais aussi sur celui des horaires, de l'accès et de la capacité à fournir de la formation complémentaire au travail, ont été des considérations très importantes. Les partenaires sociaux de l'industrie de l'éducation ont relevé le défi. C'est un phénomène organique cependant, qui continue d'évoluer à mesure que l'on détermine les champs de spécialisation et ce qui peut être offert dans la province.

Le troisième élément de l'équation est l'adaptation aux besoins des apprenants. C'est probablement l'élément le plus important, parce que les apprenants ont changé depuis les années 50. Souvent, ils détiennent deux emplois. Ils ont des responsabilités parentales et relationnelles plus tôt. Ce qu'ils apprennent, dans le cadre de la formation professionnelle, sera désuet beaucoup plus rapidement, de sorte qu'ils devront constamment se recycler. Je crois que nous réussissons assez bien cette tâche. Nous devrions toujours nous demander si nous satisfaisons aux besoins des apprenants, et je crois que nous le faisons.

Le président: Madame Morris.

Mme Joy Morris: La formation professionnelle est assez pertinente sur les plans de la quantité et de la qualité. Mais il ne faut pas perdre de vue que, parmi les aptitudes de base enseignées dans tous les champs et les domaines au postsecondaire, se trouvent la réflexion critique et l'aptitude à résoudre des problèmes. Ces aptitudes donnent de fabuleuses capacités d'adaptation à toutes les situations de la vie.

J'ai assisté à de nombreux séminaires animés par des associations de diplômés en philosophie, pour ne citer que ceux-là. On croit volontiers que ces diplômes sont inutiles. Pourtant, des diplômés ont réussi à en faire une application très directe dans leur vie et dans leur carrière.

Le président: Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: Ça va. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur Clift, pouvez-vous répondre?

M. Robert Clift: Oui. Je dirai d'abord que, en ce qui concerne les universités et, je crois, les collèges et les instituts aussi, notre système d'enseignement postsecondaire est à l'avant-garde. À l'époque où le meilleur moyen de faire de l'argent en Colombie-Britannique était encore d'exploiter la forêt ou les mines, ou de faire du commerce, les universités avaient déjà exploré l'enseignement des aptitudes à la réflexion, à l'analyse, à la recherche, etc., et nous préparaient à une nouvelle économie.

De plus, pour ce qui est de l'accès, je peux vous dire que j'ai pour ma part eu accès aux messageries électroniques internationales bien avant qu'elles ne deviennent un bien de consommation public. Avant l'explosion d'Internet, nous avions accès à ces technologies dans les établissements, et nous les utilisions. Il faut en tenir compte.

Il fut un temps où les universités ne s'inquiétaient que très peu des demandes du marché du travail, c'est un fait. Ce n'est plus le cas, et de loin. Je serais fort surpris d'apprendre qu'un programme universitaire dans ce pays ne s'est pas adjoint un comité consultatif avec une représentativité significative de la communauté des affaires. Notre défi le plus criant est de répondre aux besoins actuels de la communauté des affaires, et de préparer en même temps nos étudiants en vue d'éventuels besoins.

En fait, ce sont aussi les besoins futurs de l'entreprise. Nous le savons, les entreprises, ont des visées à court terme parce que c'est la seule façon pour elles de planifier et d'être rentables. D'autres établissements de la société doivent avoir des horizons beaucoup plus larges—c'est le cas pour les universités.

Le président: Très bien, monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson et Highland Valleys, NPD): Merci, monsieur le président.

Les présentations de ce matin ont été d'un extrême intérêt. Le thème commun, il me semble, va comme suit: si le Canada veut prospérer, quelle que soit l'avenue empruntée—parlons d'une économie fondée sur le savoir—, il doit considérer l'éducation comme étant un élément crucial, tout comme le financement et le soutien à celle-ci.

Monsieur Lavalle, vous nous avez cité des chiffres très impressionnants, à savoir que nous en sommes au point mort quant aux inscriptions à l'enseignement postsecondaire. Les étudiants à temps partiel sont de moins en moins nombreux, et le nombre d'inscrits devrait vraisemblablement être plus élevé, surtout au chapitre de la formation continue.

Certaines données m'ont fort surpris. Monsieur Nicholson, j'ai particulièrement remarqué votre référence à la Caroline du Nord et à la Californie, deux États où l'on envisage d'éliminer ou de réduire les droits de scolarité afin de, j'imagine... comme contre-mesure à la dissuasion dont nous avons beaucoup parlée.

J'ai beaucoup de questions, mais je vous en poserai seulement deux.

• 1335

Pour ce qui est de l'endettement, un problème qui ne disparaîtra pas, ne pourrait-on pas prévoir une déduction d'impôt pour toutes les dettes accumulées? Si un diplômé a accumulé une dette de 30 000 $, sur une période de cinq ans, c'est comme s'il avait exploité une entreprise. Il pourra déduire la dette de l'impôt sur une durée de cinq ans quand il entrera dans le marché du travail. Ne serait-ce pas une solution?

Pourquoi ne pas être audacieux? Si nous considérons vraiment que l'éducation postsecondaire est cruciale et que, selon les chiffres présentés par M. Lavalle, les jeunes y ont difficilement accès, il faudrait au moins éliminer les droits de scolarité. C'est ce qu'ont fait beaucoup de pays et, selon votre information, ce que la Californie et d'autres États envisagent de faire.

Pourquoi ne pas abolir les droits de scolarité? Je crois que quelqu'un nous a dit l'autre jour que, si nous additionnions tous les droits de scolarité recueillis actuellement par les établissements d'enseignement postsecondaire du Canada, on obtiendrait une somme de 5 milliards de dollars environ. Notre surplus atteint au moins cette somme, de sorte que, techniquement, nous pourrions éliminer tous les droits de scolarité au pays si nous le désirions. Le gouvernement fédéral pourrait ramasser la facture si vraiment cela représente une priorité.

C'est ce que font d'autres pays, tout simplement. Pourquoi ne pas éliminer les droits de scolarité complètement, pour une certaine période, ou graduellement, et pourquoi ne pas instaurer une déduction d'impôt pour toutes les dettes accumulées, que ce soit par un diplômé, comme vous, madame Morris, ou par une personne qui retourne à l'école pour recevoir une formation de courte durée. Il en coûte 5 000 $ pour un cours de perfectionnement de 2 mois. Donnons la possibilité de déduire les coûts pour les diplômés qui commencent à payer de l'impôt ou les travailleurs qui retournent dans le marché du travail. Quelqu'un pour commenter?

Le président: Vous le premier, monsieur Conlon?

M. Michael Conlon: Oui, ce sont d'excellentes propositions, que notre organisation a déposées depuis longtemps. Je laisserai à d'autres la possibilité de commenter les dernières propositions, pour me concentrer sur votre point de départ.

Dans notre mémoire, tout comme dans ceux de la plupart des autres témoins aujourd'hui, il est énoncé que le succès du Canada, sur les plans social et économique, est tributaire d'un système d'enseignement postsecondaire accessible. Il est important de souligner les critères du succès—notre mémoire décrit le succès économique. Mais nous tenons aussi à rappeler que, pour ce qui est de l'endettement dont vous avez parlé, notre société est menacée de fiasco total quant à l'accessibilité—en fonction des droits de scolarité, et de leur augmentation, une tendance encore plus marquée en Ontario et dans les Maritimes. Si nous voulons mesurer le succès, il faut aussi compter avec l'accessibilité, et pas seulement avec les indicateurs économiques indiqués.

Je suis tout à fait en faveur de l'élimination des droits de scolarité. Dans le document auquel j'ai fait référence, préparé par Robert Allen et que nous fournirons avec joie au comité, l'auteur estime que les droits de scolarité constituent une couche supplémentaire d'impôt, un fardeau supplémentaire en frais d'utilisation, qui sont doublement récupérés. C'est l'un des arguments économiques qui nous poussent à demander l'élimination des droits de scolarité.

Je cède maintenant la parole.

Le président: Monsieur Nicholson.

M. Neil Nicholson: Merci.

Les déductions d'impôt pour les versements à un prêt étudiant sont une idée attrayante, en l'absence d'autres mesures. Mais je crains que, à titre de dépense fiscale, cette mesure ne s'avère éventuellement dégressive—elle serait beaucoup plus profitable pour les personnes ayant un revenu très élevé, qui n'ont pas vraiment de difficulté à rembourser leur dette étudiante; par contre, elle défavoriserait les personnes qui ont choisi un domaine d'études de grand intérêt et de grande valeur pour notre société, mais qui produit un niveau de revenu plutôt bas. Ces personnes ont beaucoup de difficulté à rembourser leur prêt et, en raison du taux marginal d'imposition, la valeur de la déduction serait plutôt basse.

Je serais donc en faveur d'une telle mesure en l'absence d'autres mesures mais, à mon avis et à celui de mes amis de droite, un système qui préviendrait l'accumulation d'une dette serait de loin préférable.

Le président: Monsieur Lavalle.

M. Ed Lavalle: Notre organisme lutte depuis plusieurs années pour l'abolition des droits de scolarité. Ils constituent un facteur dissuasif sur le plan psychologique, parce qu'ils représentent un seul gros paiement unique exigé de l'étudiant lorsqu'il accède à l'enseignement postsecondaire.

• 1340

La survie du corps et de l'esprit chaque mois doit aussi être prévue, mais les droits de scolarité constituent un important obstacle institutionnalisé, et nous suggérons de les éliminer. Cependant, cette élimination est du ressort des provinces, et ce qui importe pour le gouvernement fédéral, c'est de travailler avec les provinces à élaborer une stratégie financière globale pour l'institution.

Aucune entente réelle n'existait quand le programme de Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a été instauré. Quelque 5 milliards de dollars ont maintenant été retirés de ce système. On ne peut se retourner et bricoler une ou deux solutions rapides. Ce n'est pas le type de système que la Fondation des bourses du millénaire ou l'élimination des droits de scolarité pourra remettre sur pied. Nous avons besoin d'une stratégie de soutien à l'enseignement postsecondaire, qui tiendrait compte de toutes les améliorations souhaitables, soit l'emploi, la sensibilité au marché du travail et la protection des formes traditionnelles de savoir. Ce sont tous des éléments auxquels il faut trouver des solutions, et une mesure unique n'y arrivera pas. Si une seule mesure est prise, le gouvernement fédéral devrait s'en occuper. Pas une mesure de subvention ciblée pour les droits de scolarité, mais plutôt la restauration du TCSPS.

Le président: Madame Morris.

Mme Joy Morris: Notre organisme se bat depuis longtemps pour que les droits de scolarité soient abolis, et nous sommes totalement en faveur de cette mesure. Comme vous l'avez indiqué, les droits de scolarité n'existent pas dans nombre de pays. Nous croyons, surtout avec l'exigence de plus en plus fréquente d'une formation postsecondaire pour tous les types d'emploi, que l'enseignement postsecondaire ne devrait rien coûter de plus que les études primaires et secondaires.

En ce qui a trait à la déduction d'impôt liée à l'endettement, il faut se montrer prudent. Dès qu'une mesure rend les choses plus faciles après l'obtention du diplôme, on a tendance à croire dans la population qu'il est légitime de laisser les étudiants du postsecondaire s'endetter encore plus, puisque qu'ils auront plus de facilité à rembourser par après. Je crois que l'un des principaux obstacles à l'accès n'est pas lié simplement à la difficulté escomptée de remboursement des dettes une fois le diplôme obtenu; les jeunes ont surtout peur d'avoir à accumuler une telle dette.

Le président: Monsieur Clift.

M. Robert Clift: Je suis d'accord avec les commentaires de M. Lavalle sur la nécessité de voir la situation dans son ensemble.

D'abord et avant tout, il faut rétablir les niveaux de financement du TCSPS. Pour donner un exemple des vices d'une approche fragmentée, je citerai M. Harris, qui n'est pas ici en ce moment. Il nous a parlé de la faveur accordée aux subventions directes aux jeunes qui n'ont pas encore intégré le marché du travail, alors que ceux qui y sont déjà devraient y faire face d'une autre façon.

Qu'en est-il de ceux qui sont déjà dans le marché du travail sans avoir eu l'occasion d'accéder à l'enseignement postsecondaire? Si notre pays choisit de se donner une stratégie visant une économie fondée sur le savoir, mettons-nous simplement ces personnes au rancart parce qu'il leur revient de se perfectionner elles-mêmes? Cela constitue une partie du problème. Ces personnes seraient défavorisées en raison des droits de scolarité trop élevés. Si ceux-ci étaient abolis, ce serait plus facile pour elles, même si elles doivent assumer le coût de renonciation et le soutien d'une famille. Peut-être leur faut-il faire vivre une famille et rembourser une hypothèque. Nous payons leurs droits de scolarité, mais nous ne leur offrons aucune autre forme de soutien. Voilà le problème. Nous revenons aux difficultés énoncées plus tôt.

M. Nelson Riis: Merci.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Lavalle, je crois qu'une recommandation dans votre mémoire incite le gouvernement fédéral à reconnaître qu'un système d'impôt progressif serait le moyen le plus équitable de s'assurer que ceux qui peuvent bénéficier d'un enseignement postsecondaire contribuent en conséquence aux coûts de cet enseignement.

Prétendez-vous que ceux qui ont un diplôme universitaire devraient payer plus ou du moins qu'ils devraient payer en fonction de l'investissement effectué?

M. Ed Lavalle: Non.

M. Roger Gallaway: D'accord. Pourriez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire alors?

• 1345

M. Ed Lavalle: Je suggère que les gens acquièrent la capacité de gagner un revenu en faisant des études universitaires, et qu'un système d'impôt progressif devrait tenir compte de cette capacité, mais en fonction du revenu net. Les professionnels gagnent des revenus élevés, équivalents à ceux des gens d'affaires. Ainsi, au lieu de considérer la façon dont vous vous êtes lancé en affaires ou celle qui vous a permis d'exercer la profession qui vous amène à payer de l'impôt, on devrait prélever l'impôt uniquement en fonction du revenu.

On pourrait arguer que les universitaires ont reporté la capacité de gagner des revenus de plusieurs années. Ils commencent beaucoup plus tard à verser de l'argent dans un REER ou à accumuler du capital immobilier, si on les compare à d'autres. Je ne crois pas que la source du revenu ait une importance. Autrement dit, on ne devrait pas différencier les commerçants ou les propriétaires d'une petite entreprise des professionnels, parce que les professionnels sont souvent de petits entrepreneurs, et ils sont parfois propriétaires de très grandes entreprises.

Tout simplement, si l'impôt est progressif, le gouvernement récupérera en impôts les profits investis dans la formation ou l'éducation des futurs contribuables.

M. Roger Gallaway: Si nous poursuivons dans cette ligne de pensée, qu'advient-il des personnes qui ont choisi d'exercer ce que je qualifierais de droit de mobilité, qui ont quitté le pays?

M. Ed Lavalle: Elles veulent quitter le pays.

M. Roger Gallaway: Oui, elles quittent le pays.

M. Ed Lavalle: Elles emportent leurs compétences avec elles. C'est un problème en effet, que l'on pourrait régler je crois par des mesures d'encouragement.

M. Roger Gallaway: Des exemples?

M. Ed Lavalle: On pourrait fournir des avances sous la forme de bourses d'études, qui seraient imposées par la suite; si la personne exerce son droit de mobilité, elle doit subir une pénalité. Si une personne quitte le pays en emportant la valeur ajoutée découlant de sa bourse, elle doit payer un coût financier.

M. Roger Gallaway: Très bien.

Madame Morris, je n'ai pas très bien compris votre intervention au sujet des vérifications de crédit. Sont-elles en vigueur?

Mme Joy Morris: Non, pas encore. Toutefois, la loi habilitant le budget de l'an dernier comprenait une disposition qui permet au gouvernement, sans plus de consultation ou sans appliquer de processus de législation, de mettre en oeuvre des mesures telles que les vérifications de crédit.

M. Michael Conlon: J'ai assisté à une rencontre de DRHC voilà deux semaines à Ottawa; on y a élaboré des stratégies en vue de la réunion de décembre de planification pour les deux années à venir. Il y a été annoncé que les vérifications de crédit devaient être adoptées très bientôt par le fédéral.

M. Roger Gallaway: Qui sera touché par ces vérifications de crédit? Le demandeur, la famille étendue ou les parents?

M. Michael Conlon: Le demandeur. Si je comprends bien la disposition telle qu'elle est rédigée actuellement, une vérification de crédit serait exécutée pour toute personne âgée de plus de 21 ans; si cette personne a accumulé plus de trois dettes impayées de 100 $ et plus, on pourrait lui interdire toute forme de prêt étudiant.

M. Roger Gallaway: Vraiment? Puisque vous y étiez, savez-vous si c'est une suggestion des banques—ce sujet nous préoccupe beaucoup ces jours-ci—ou de quelqu'un de DRHC?

M. Michael Conlon: De source officieuse, nous avons appris que c'est un produit direct des ententes de partage des risques: les banques ont demandé que l'on adopte ce règlement en compensation. C'était une condition pour signer l'entente.

M. Roger Gallaway: C'est bien.

Mme Joy Morris: J'aimerais ajouter un commentaire. Je ne crois pas que les banques aient fait de demande directe à cet effet. Toutefois, la pression croissante qu'elles exercent en vue des négociations des ententes de partage des risques, qui seront signées en l'an 2000, rejaillit inévitablement sur le gouvernement. Celui-ci cherche à faciliter les choses pour ne pas faire fuir les banques.

M. Roger Gallaway: Elles veulent une garantie sinon argent remis. D'accord.

Monsieur Clift, vous avez mentionné la question de la recherche. C'est un domaine auquel nous devrions tous nous intéresser. Vous avez cité les chiffres inversés 4,7 pour le Canada contre 7,4 pour les États-Unis. L'écart est-il dû à des subventions gouvernementales ou à un partenariat plus grand? Comment pourrions-nous selon vous amenuiser cet écart?

• 1350

M. Robert Clift: C'est un problème à plusieurs dimensions. Premièrement, si nous parlons des possibilités d'accès aux études supérieures, les étudiants ne reçoivent pas la formation de chercheurs au même niveau que les Américains. Les universités américaines reçoivent suffisamment de financement de base pour couvrir les dépenses d'exploitation des deuxième et troisième cycles; de plus, les professeurs bénéficient de contrats de recherches et de bourses qui leur permettent d'embaucher des étudiants diplômés. Non seulement ceux-ci ont-ils la chance de commencer à faire de la recherche, mais des subventions sont aussi disponibles qui permettront aux étudiants diplômés de poursuivre leur formation. C'est un aspect.

Le deuxième aspect, auquel j'ai fait référence dans ma présentation, est la nécessité pour nous de ne plus nous considérer comme une économie de succursale. Le régime fiscal propose déjà des incitatifs à cet égard, qui sont liés à la R-D scientifique. Je ne suis pas expert en fiscalité, et je ne m'aventurerai pas dans une explication. Je sais toutefois que—si je compare avec les données pour d'autres pays de l'OCDE—l'industrie privée canadienne n'utilise pas ces incitatifs. Elle n'a pas contribué à la croissance de la R-D au pays, du moins pas autant qu'elle aurait dû. Je ne peux pas dire pourquoi. Une partie de l'explication réside dans le fait que, dans le passé, il était plus facile d'importer les connaissances et de les exploiter ici, et que l'on prend du temps à réaliser que cette possibilité nous sera très bientôt retirée.

Ce sont des aspects du problème; le financement public en est un autre. Le Canada vient derrière d'autres pays de l'OCDE quant aux subventions publiques. Le portrait est sombre. Les établissements ne sont pas seuls en cause, mais ils constituent certes la partie la plus touchée par le financement de base et les subventions des conseils.

M. Roger Gallaway: Docteur Della Mattia, vous avez affirmé que le gouvernement du Canada, s'il veut continuer d'offrir une éducation abordable, ne peut traiter les établissements et les formateurs privés plus favorablement que les établissements publics. Je ne comprends pas bien votre point. Pourriez-vous me l'expliquer?

M. Gerry Della Mattia: En vertu des plus récentes dispositions liées à la formation des prestataires de l'assurance-emploi, dont mon ami Ed Lavalle a aussi parlé, les subventions seront versées à des personnes plutôt qu'à des établissements. Auparavant, Ressources humaines Canada achetait des blocs de formation dans les établissements et payait la totalité des coûts. Dorénavant, les individus recevront eux-mêmes les subventions; s'ils choisissent un établissement privé, la subvention couvrira toutes les dépenses, et la structure des coûts de l'établissement privé couvrira les frais généraux de même que, comme l'a dit M. Lavalle, une partie des profits. C'est leur but.

Pour ce qui est des étudiants qui fréquentent des établissements publics, le gouvernement leur verse uniquement l'équivalent des droits de leur formation, ce qui signifie que les gouvernements provinciaux subventionnent le restant des coûts de la formation. Nous croyons qu'il s'agit d'une autre façon de décharger le trop-plein sur les provinces.

M. Neil Nicholson: Je vais vous démontrer que le Dr Della Mattia et moi-même formons une vraie équipe: je terminerai sa réponse.

C'est un point très important. Premièrement, il est important de comprendre que la première modification, qui ne permettait plus l'achat de blocs de formation avec le fonds de l'AE—une pratique qu'elle remplace par ce que nous appelons un système de bons—, fait partie de la loi. Le deuxième changement, qui a trait aux sommes payées aux établissements d'enseignement postsecondaire, est le résultat d'une politique. Le gouvernement nous indique de cette façon comment il a choisi d'exécuter la loi.

Le deuxième aspect important à mes yeux est très négatif pour les sans-emploi, ou le deviendra éventuellement: les établissements de formation, les établissements publics, se retrouvent en très mauvaise position. Du temps où on achetait des blocs de formation, les établissements vendaient des sièges inexistants, réservés exclusivement au fonds de l'AE. Les établissements pouvaient ainsi couvrir l'ensemble des coûts et offrir les autres sièges.

Si le gouvernement paie seulement les droits de scolarité, il faudra demander au prestataire d'AE de se mettre en file. Vous êtes chômeur aujourd'hui, et il a été établi que vous aviez besoin d'un tel type de formation. Levez la main: nous vous appellerons quand vous serez au haut de la liste. Certaines de ces listes, surtout celles liées aux programmes qui améliorent grandement les chances d'emploi, sont assez longues. C'est une mesure contre-productive.

• 1355

M. Roger Gallaway: Une dernière question, que j'adresse à tous. L'un des éléments que personne n'ignore est l'endettement des étudiants qui sortent des universités. C'est tout à fait inconcevable; ces personnes éprouvent des difficultés qui peuvent aller jusqu'à la faillite.

Le dernier budget apporte un changement qui permet aux travailleurs qui souhaitent se perfectionner d'utiliser leur REER pour financer leur formation.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée d'un parent qui pourrait utiliser son REER pour payer les études postsecondaires de son enfant? Certains vous diront que, de toute façon, il incombe aux parents de se préparer pour cette éventualité et d'acheter en prévision un Régime enregistré d'épargne-études ou de prendre d'autres dispositions. Je sais toutefois que le coût de l'enseignement postsecondaire augmente plus rapidement qu'on ne l'avait prévu en général. J'habite en Ontario et les coûts des études postsecondaires ont augmenté de presque 100 p. 100 au cours des 6 dernières années. C'est un problème réel et persistant pour beaucoup.

Que pensez-vous de ce concept? Ainsi, le gouvernement est moins pris à partie et les banques non plus dans un certain sens, et l'étudiant établit un lien privilégié avec ses parents, qui l'inciteront fortement à rembourser ses dettes.

M. Michael Conlon: Je donnerai une réponse à deux niveaux. Je crois que, d'emblée, la première réaction de la plupart des gens de même que de certains étudiants serait positive, parce que c'est une mesure qui semble inoffensive. Elle pose pourtant des difficultés à deux niveaux.

Le premier niveau est culturo-philosophique: on pourrait considérer que l'on prend un nouveau tournant par rapport à la responsabilité de l'enseignement postsecondaire. C'est un débat politique et philosophique que pourrait avoir la Fédération canadienne des étudiant(e)s. On a des signes que l'État se retire encore plus, donc l'ensemble des contribuables, du soutien au système public; on se dirige vers un système où c'est l'individu qui doit assumer toute la charge de son éducation.

Le deuxième niveau, beaucoup plus empirique, est qu'une telle mesure ne serait d'aucun secours pour ceux qui sont le plus à risque actuellement de se voir privés de l'accès à l'enseignement postsecondaire. Vous récompenseriez les parents, les personnes dont le revenu est assez élevé pour leur permettre d'économiser en vue des études de leurs enfants. On ne ferait rien pour la population vulnérable dont le revenu se trouve au bas de l'échelle, qui lutte de mois en mois pour payer le loyer et autres dépenses courantes. Cette mesure ne fera rien contre le déclin progressif des inscriptions, démontré par les statistiques.

De notre point de vue, c'est une mesure inadéquate pour ces raisons.

M. Roger Gallaway: Très bien, merci.

M. Robert Clift: Le principe est bon. Ce qui m'inquiète, cependant, c'est le fait que pour nos membres—je garde des statistiques sur les retraites et je reçois de Statistique Canada, je ne sais plus à quelle fréquence, des statistiques sur la partie inutilisée des cotisations admissibles à un REER... Je me demande en fait quelle partie des revenus pourrait servir pour ces cotisations qui seraient retirées par la suite. Si on offre des réductions d'impôt, par exemple, seront-elles suffisantes pour donner aux contribuables suffisamment de droits de cotisations et la possibilité d'économiser, alors que des cotisations à l'impôt général serviraient peut-être à des investissements plus efficaces dans l'éducation? Je n'ai pas les réponses à ces questions.

Il est certain que, pour les hauts salariés, ce serait une mesure très intelligente. Ce serait pour eux un instrument très efficace. Pour les bas salariés, ce ne serait pas le cas. Et pour ceux de la classe moyenne, qui sait?

M. Roger Gallaway: Merci.

Le vice-président (M. Dick Harris): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le vice-président.

Je m'inquiète aussi du fait que même les inscriptions aux études à temps plein ou à temps partiel dans les collèges sont en baisse. Avons-nous des chiffres sur les bourses comparées aux prêts, et des statistiques qui démontreraient à quel point l'endettement serait un facteur dissuasif? Les élèves de troisième secondaire savent-ils s'ils iront à l'université, et font-ils en sorte d'atteindre leur but, malgré les embûches? Avez-vous des données fiables sur les facteurs dissuasifs?

• 1400

M. Michael Conlon: Les universités américaines sont en avance sur ce point, parce qu'elles semblent avoir subi ce phénomène avant nous, en priorité.

Une recherche conjointe des universités des Maritimes suggère que le taux d'inscription moins élevé là-bas serait directement lié à des facteurs socio-économiques. Les études abondent dans ce domaine, mais celle dont je vous parle est la plus tangible et pose exactement la question que vous avez soulevée.

Le journal Chronicle of Higher Education, le principal organe de recherche publique des États-Unis, a mené une analyse comparative sur les contextes britanniques et américains: on a comparé la situation réelle en Grande-Bretagne, reconnue comme étant une société fondée sur les classes, par rapport à la situation aux États-Unis, supposément une société sans stratification sociale. Les statistiques sont alarmantes: la Grande-Bretagne réussit beaucoup mieux à favoriser la participation des classes socio-économiques moins aisées.

Il existe des données, mais elles sont éparpillées. Malgré tout, ces données étayent pour la plupart le postulat selon lequel les bourses augmentent l'accessibilité à l'éducation.

Mme Carolyn Bennett: Pour ce qui est de la prise en compte des besoins ou du mérite pour l'attribution des bourses, qu'il s'agisse des bourses du millénaire ou d'une autre forme de soutien, savons-nous si les étudiants méritants reçoivent suffisamment de bourses, ce qui nous permettrait d'attribuer le restant des subventions gouvernementales en fonction des besoins?

Mme Joy Morris: Je crois que oui, jusqu'à un certain degré. Certains programmes, dans la plupart des établissements postsecondaires, sur le plan individuel, national aussi bien que provincial, donnent préséance au type d'étudiants qui obtiennent des bourses au mérite. De nombreuses études démontrent que la grande majorité d'entre eux ont moins besoin de soutien financier. Les étudiants de milieux aisés, qui n'ont pas eu à occuper deux emplois de front en plus de poursuivre leurs études, ont eu plus de temps pour étudier et obtenir des notes élevées et, de ce fait, des bourses au mérite.

Mme Carolyn Bennett: J'ai une question sur le TCSPS: dans les négociations sur la cohésion sociale et les relations entre le fédéral et les provinces, les discussions sur la santé achoppent souvent autour du mot responsabilités. J'aimerais que vous me disiez quelle direction devraient prendre les négociations sur l'enseignement postsecondaire, et si certains aspects de la responsabilité devraient en faire partie.

Quand on voit les avenues empruntées par certaines provinces sur le plan des droits de scolarité et de l'accessibilité, et d'autres provinces—celle où j'habite entre autres—qui ne semblent même pas comprendre ce que vous voulez dire par réflexion critique et résolution des problèmes, Joy... Si vous avez fait des études universitaires, fût-ce en philosophie ou en anthropologie, à 30 ans au plus vous avez un bon emploi, peu importe le domaine d'études. Alors, si des provinces décident d'accorder les subventions en fonction de la disponibilité des emplois, elles sont très loin à mes yeux d'une norme nationale adéquate. Voulez-vous une sorte de...?

Mme Joy Morris: Oui, je crois que cela se rapproche de l'entente éventuelle dont a parlée Ed Lavalle sur des normes nationales en matière d'enseignement postsecondaire.

Une telle entente devrait comporter des normes similaires à celles qui découlent de la Loi canadienne sur la santé. Elles touchent à l'accessibilité, au niveau raisonnable de financement, au nombre de places, à la transférabilité aussi. Comme M. Lavalle l'a affirmé, la transférabilité est un élément très important, parce qu'il est impossible de se donner des normes nationales si ces normes et les crédits d'études ne sont pas transférables d'une province à l'autre.

M. Michael Conlon: De plus, si l'on se fie aux réponses que l'on nous sert quant à la coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces, on s'aperçoit que le problème est énorme. Quand nous faisons du lobbying sur ces questions de fond, en nous appuyant sur des données non scientifiques aussi bien que sur des résultats de recherches empiriques, le gouvernement fédéral nous donne la réponse suivante: du point de vue politique, quel est l'intérêt pour le fédéral de transférer de l'argent aux provinces, alors que certaines d'entre elles, comme l'Ontario, s'en servent pour réduire les impôts? Le fédéral ne retire aucun avantage d'un investissement voué à l'éducation et à la santé au départ. C'est un problème aigu, qui semble récurrent. La seule solution que nous avons trouvée est l'adoption de normes pancanadiennes en matière de subventions à l'enseignement postsecondaire.

• 1405

Mme Carolyn Bennett: Dans mon bureau de députée, je reçois beaucoup de commentaires d'électeurs qui s'inquiètent, particulièrement par rapport au Québec, de l'approche adoptée par l'Université McGill et d'autres pour attirer... Ils envoient des brochures de publicité aux étudiants américains, qui paient des droits très élevés. Le fait de demander aux Américains de combler les trous n'est certes pas le meilleur moyen de financer les universités. Croyez-vous qu'il faudrait imposer des normes nationales sur la façon de...? Je ne crois pas que d'attirer des tas d'Américains ou d'étudiants étrangers, qui paient le gros prix, constitue une façon adéquate de subventionner les universités.

M. Michael Conlon: Vous avez tout à fait raison. Selon mon expérience à l'Université de Victoria, une partie importante des budgets d'exploitation est consacrée au recrutement d'étudiants asiatiques, parce que ceux-ci permettent à l'université de s'assurer le recouvrement des coûts. C'est à notre avis une piste tout à fait erronée.

Cependant, et nous les croyons en partie, les administrateurs nous disent qu'ils ont été forcés d'adopter ce type de mesures, à cause des réductions imposées à certaines universités. Les revenus d'exploitation ont été réduits de quelque 25 p. 100 au cours des 5 dernières années. Quand nous nous insurgeons, en invoquant une analyse politique, contre cette cavale auprès des étudiants étrangers, les administrateurs nous demandent de leur indiquer comment trouver des fonds en espèces. Bien que nous soyons contre le fait de se servir des étudiants étrangers comme d'une vache à lait, qu'ils soient américains ou non...

Mme Carolyn Bennett: Nous sommes tous d'avis ici qu'il est sain pour l'environnement scolaire d'aller chercher des gens d'ailleurs, parce que cela nous permet d'avancer et d'apprendre. C'est plus du côté du développement que de celui de la scolarité.

Dans le domaine de... surtout pour ce qui est des étudiants en médecine: 50 p. 100 des résidents en médecine familiale de l'Université de Toronto sont susceptibles d'aller travailler au sud. Croyez-vous que l'on puisse imposer des mesures dissuasives dans ce domaine? Si une personne n'exerce jamais ses compétences dans le pays qui lui a permis de les acquérir, pourrait-on trouver un moyen quelconque pour qu'elle rembourse?

M. Michael Conlon: C'est une difficulté en effet, que je ne veux pas minimiser mais, si on la compare à d'autres difficultés de plus en plus aiguës dans le domaine de l'enseignement postsecondaire, je crois, en réalité, que le Canada profite—comme quelqu'un l'a mentionné—des compétences et de la formation universitaire que les immigrants apportent au Canada. Nous n'obtenons peut-être pas le remboursement intégral, et nous accusons peut-être des pertes. Mais je ne vois pas comment on pourrait mettre en place des mécanismes de vérification aux frontières pour récupérer notre investissement. C'est vraiment un problème, qui sera réglé en partie si on assainit le climat ici, pour faire en sorte que les gens veuillent rester.

C'est un autre domaine où les données sont beaucoup plus anecdotiques qu'empiriques.

Mme Carolyn Bennett: Deux étudiants de ma circonscription ont obtenu d'énormes bourses pour entrer à Brown, mais n'ont pu, d'aucune façon, être admis à l'Université de Toronto. C'est bizarre.

M. Michael Conlon: Oui, en effet.

Mme Carolyn Bennett: Qu'est-ce qui ne va pas dans cette histoire?

Mme Joy Morris: Quelque chose ne va pas en effet.

Mme Carolyn Bennett: Comment expliquez-vous ce phénomène?

Mme Joy Morris: Les établissements canadiens manquent de place, parce qu'ils sont sous-subventionnés et n'ont pas les moyens de s'agrandir, d'accueillir plus d'étudiants, tout en continuant à fournir une qualité acceptable d'enseignement.

Mme Carolyn Bennett: J'aimerais poser une toute petite question relativement à la proposition du Dr Friesen. Joy je crois a abordé ce sujet. La proposition du Dr Friesen concernant les instituts nationaux de santé est assortie d'une facture très imposante. Trop imposante pour la plupart d'entre nous. Croyez-vous que la proposition aura l'effet escompté pour la recherche en sciences sociales, qui permettra de trouver des données plus larges sur les soins de santé et la prestation des soins de santé, ou pensez-vous au contraire que la recherche sera exclusivement médicale?

• 1410

Mme Joy Morris: Au début, j'ai entendu des commentaires comme quoi le modèle proposé était exclusivement médical. J'ai été témoin de débats incessants, de discussions et de négociations à cet effet. Actuellement, il semble que les gens des sciences sociales soient relativement satisfaits des propositions. Mais il est certain que les sciences sociales doivent faire partie intégrante de la proposition.

Mme Carolyn Bennett: Voici ma petite annonce: tant que nous n'aurons pas de résultats probants provenant de recherches sur la pauvreté, la violence et l'environnement, nous ne pourrons jamais nous donner un système de soins de santé viable.

Vous êtes donc très favorable à ce que l'on donne de l'argent pour la constitution des instituts sur la santé du Dr Friesen.

Mme Joy Morris: Oui, nous donnons notre appui à cette proposition.

Cela nous ramène à votre question précédente sur les mesures pour inciter les gens à rester au Canada. Selon ma compréhension des statistiques, ce ne sont pas en majeure partie les récents diplômés des universités qui quittent le pays, mais plutôt ceux qui ont déjà entamé leur carrière, qui acceptent des offres plus alléchantes. En fait, durant la période suivant immédiatement l'obtention du diplôme, les statistiques sont assez égales. Des mesures telles que les instituts nationaux sur la santé, et d'autres, encourageront les gens à rester au Canada, parce que des subventions et des ressources leur permettront de travailler dans leur domaine d'intérêt.

Le président: J'aimerais revenir à la question posée par la Dre Bennett au sujet des électeurs qui n'ont pu être admis à l'Université de Toronto, mais qui ont été admis à Brown.

Mme Carolyn Bennett: Avec une bourse.

Le président: Exactement. Je crois que M. Riis a fait référence à ce problème dans son commentaire sur les subventions publiques dans le domaine de l'éducation. Croyez-vous que l'Université Brown reçoit le même taux de financement public que l'Université de Toronto?

Mme Joy Morris: Non.

Le président: C'est un autre facteur à considérer.

Mme Joy Morris: Les universités américaines semblent se fier beaucoup plus aux subventions publiques, et il est de coutume que les associations de diplômés fassent du démarchage pour trouver des subventions. Cependant, les Canadiens ne voudraient pas du modèle américain pour tous les programmes sociaux.

Le président: Non. Je faisais simplement un commentaire.

Monsieur Clift.

M. Robert Clift: L'exemple de l'Université Brown illustre très bien les différences entre les systèmes canadien et américain. Si ma mémoire est bonne, l'Université Brown est un établissement privé. Cependant, le gouvernement fédéral, par son programme de subventions nationales—les bourses Pell et les prêts Stafford, entre autres—, fournit aux étudiants, par le biais de l'établissement, un soutien très considérable.

Par contre, en raison de son âge et du fait que les établissements américains savent beaucoup mieux que les nôtres comment obtenir de l'argent auprès des donateurs, l'université Brown peut offrir une politique d'admission en fonction des besoins. Ainsi, l'établissement choisit les étudiants qu'elle veut, puis elle bâtit un programme adapté à leurs besoins. Alors, si Brown voulait vraiment avoir ces étudiants canadiens, non admissibles aux bourses et aux prêts américains, elle trouve de l'argent dans ses ressources privées et dans ses fondations. S'ils s'étaient inscrits à des programmes où la demande est particulièrement élevée, et où l'offre est faible, ces étudiants n'auraient peut-être pas été admis. C'est l'explication.

Le président: Je crois que M. Riis veut poser une question.

M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président.

Nous recevrons plus tard un témoin du Fraser Institute, qui nous parlera probablement de baisses d'impôt pour contrer l'exode des cerveaux. Nous avons entendu cet argument à plusieurs reprises.

J'aimerais vous demander quelle importance ont les impôts dans la décision de quitter le pays? Vous semblez dire que les diplômés universitaires auront tendance à partir en raison de plus grandes possibilités de travailler dans leur domaine de formation, et non en raison d'impôts moins élevés ou d'autres facteurs incitateurs. Pouvez-vous me dire dans quelle mesure le régime fiscal est important dans la décision de partir ailleurs?

Deuxièmement, avez-vous des commentaires quant aux changements démographiques au pays? L'intervention de M. Lavalle sur les baisses d'inscription des étudiants m'a beaucoup étonnée. Faut-il tenir compte de changements démographiques, des modèles d'immigration, du vieillissement de la population, ou d'autres changements, dans notre analyse de ces tendances constatées dans les établissements postsecondaires?

• 1415

M. Ed Lavalle: J'aimerais commenter le sujet des impôts. Je ne crois pas qu'on ait démontré hors de tout doute que des impôts élevés constituaient un réel facteur de dissuasion, surtout pour les professionnels. Je cherche de telles preuves, mais je n'en trouve pas.

Parlons par exemple de la profession médicale. J'ai fait une petite étude dans ce domaine, auprès de quelques praticiens. La plupart d'entre eux traversent la frontière afin de recevoir un meilleur salaire, avant retenues de toute nature. Le salaire absolu est plus élevé, pour une raison: le Canada consacre 2 p. 100 de moins de son PIB à la santé que les États-Unis. Ainsi, les États-Unis dépensent plus d'argent pour la santé per capita que le Canada, mais la répartition des services per capita n'est pas la même qu'au Canada. En fait, une partie importante du système de santé américain est dédiée à une élite et à des privilégiés. Les professionnels y vont—je ne dirais même pas s'ils sont bons. On y va parce qu'on veut faire plus d'argent; c'est un investissement commercial.

Les professionnels canadiens peuvent réduire leur facture fiscale de diverses façons. Je ne crois pas que les médecins de ce pays, s'ils ont engagé un bon conseiller en matière fiscale, paient un taux d'impôt plus élevé sur leur marge bénéficiaire que tout autre commerçant, petit fabricant, ou... Ils n'ont pas à rester petits. Ils se dotent d'une clinique, profitent d'abris fiscaux, démarrent des entreprises, achètent des immeubles, forment des sociétés. Les impôts ne constituent pas le vrai problème. Personne ne me l'a jamais démontré. Ils partent parce que, sur le plan du taux de marge, leur revenu sera beaucoup plus élevé.

M. Michael Conlon: Pour ce qui est des changements démographiques, je ne sais pas si vous avez entendu parler du Cross Country Checkup, tenu hier à Western. Le président de Western, Paul Davenport, ainsi qu'un membre de notre organisation, professeur à lÂUniversité York, Jennifer Lewington, faisaient partie des interlocuteurs. La réunion a duré deux heures, et une partie des discussions a porté sur la déréglementation des droits de scolarité.

Paul Davenport a expliqué toutes les merveilleuses choses que Western peut faire à cause de la déréglementation. Elle peut maintenant demander 18 000 $ par année aux étudiants en médecine dentaire, et toutes sortes d'autres nouveautés. Il n'a pas parlé toutefois des incidences sur la démographie du campus, actuelles et à venir inévitablement.

La recherche que j'ai mentionnée plus tôt prouve indéniablement que, en augmentant les droits de scolarité, on change le portrait démographique de ceux qui ont accès à l'enseignement postsecondaire. Ce sont les plus riches qui y auront accès, laissant derrière ceux qui se trouvent à l'autre extrémité de l'échelle sociale. Les preuves sont indubitables. Il faut cesser de se demander si cela arrivera ou non; il faut se demander si nous voulons que cela arrive, ou si nous avons la volonté d'arrêter ce mouvement.

Le président: Madame Morris.

Mme Joy Morris: Sur la question des impôts, j'ai entendu une intéressante statistique récemment: dans la plupart des villes américaines, en raison des impôts fonciers, les contribuables paient un taux supérieur d'impôt sur le revenu que les contribuables de la plupart des villes canadiennes. Je ne crois donc pas que le facteur fiscal explique l'exode.

Sur le plan de la démographie, il est intéressant de faire remarquer que, en Colombie-Britannique, les inscriptions dans les établissements postsecondaires ne baissent pas. C'est une donnée clé, parce que les droits de scolarité ont été gelés au cours des trois dernières années. L'éducation y est encore relativement abordable, si on compare avec la situation en Ontario, par exemple. Il faudrait analyser les écarts entre les provinces afin de démontrer que les facteurs démographiques sont moins en cause que les coûts.

Le président: Monsieur Clift.

M. Robert Clift: Je ne peux parler pour l'ensemble des professions mais, pour ce qui est des professeurs et chercheurs, et des industries en marge, c'est beaucoup plus une question de soutien fondamental. Soyons réalistes: les professeurs d'université, en moyenne, reçoivent un assez bon salaire. Ils ne demandent pas plus d'argent: ils veulent avoir plus de possibilités de mener à bien leurs recherches.

• 1420

L'une des principales difficultés des universités de la Colombie-Britannique, à l'instar des universités des autres provinces, est d'attirer de jeunes professeurs brillants, pour remplacer des professeurs de plus en plus âgés, à la veille de la retraite. Quand un nouveau professeur arrive dans une université qui n'a pas établi de programme de recherches, il faut prévoir des coûts d'établissement de laboratoires ou d'acquisition d'ouvrages dans un domaine spécialisé. Ces dépenses étaient couvertes jadis par le financement de base aux établissements. Elles ne sont pas couvertes par les bourses de recherches, de loin. C'est un problème que nous vivons tous.

Parlons maintenant du secteur privé et des industries. Ma connaissance limitée de l'industrie de l'informatique, où j'ai de nombreuses relations, m'indique que le problème est le plus souvent lié à la croissance. Au début, l'entreprise a tout le personnel dont elle a besoin et elle réussit à le retenir au pays, et ainsi assurer une certaine croissance. Elle doit par la suite trouver des sources de financement d'un autre niveau afin de passer à l'échelon supérieur.

C'est en partie les banques qu'il faut dénoncer, parce qu'elles ne veulent pas investir dans les petites entreprises, surtout pas celles qui possèdent peu de biens durables. Les banques veulent bien financer les manufactures parce qu'elles peuvent compter sur la reprise de l'équipement en cas de pépin. Mais pour un fabricant de logiciels, qui possède très peu de biens matériels—la banque ne peut saisir le matériel enregistré sur une disquette—, c'est un problème de taille.

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est): Merci, monsieur le président.

L'un des avantages d'être le dernier est que tous les autres ont abordé vos questions.

J'aimerais revenir sur les écarts entre le régime fiscal américain et celui du Canada. Le gouvernement fédéral serait tout à fait prêt à ne pas réduire les impôts cette année, dans le prochain budget, et envisage en fait de le faire. Il aimerait par contre faire profiter d'une diminution d'impôt les gens qui ont le plus contribué à la réduction du déficit, soit les classes moyennes et supérieures. C'est en soi un problème.

On a dit ce matin que les données sur les professionnels de la médecine qui vont pratiquer ailleurs, aux États-Unis surtout, ne sont pas fondées. Dans ma profession, le droit, le salaire en début de carrière à New York est de 90 000 $US; à Toronto, il équivaut à 54 000 $. Pas besoin de calculer bien longtemps! Quand on ajoute le régime fiscal... Dans les faits, le gouvernement fédéral dispose de moyens d'action très limités; l'un d'eux est le régime fiscal.

Pendant combien de temps pourrons-nous maintenir l'écart entre le régime fiscal visant les classes moyennes et supérieures, si évident pour ceux que nous souhaitons retenir au pays? Êtes-vous d'avis que le gouvernement fédéral ne devrait sous aucun prétexte faire bénéficier ces personnes d'une réduction d'impôt?

Le président: Monsieur Conlon.

M. Michael Conlon: Si je veux être fidèle à la position promulguée dans notre mémoire, la réponse est oui. Mais je crois que la toute la question des impôts et du soutien en ce domaine, de l'ampleur et de la profondeur du soutien dans la société canadienne, n'a pas encore été débattue. Comme plusieurs l'ont dit, si l'on analyse la situation réelle pour un citoyen américain par rapport à celle d'un citoyen canadien, sur le plan du soutien à l'enseignement postsecondaire, à la santé, à l'assistance sociale—des valeurs auxquelles les Canadiens tiennent encore et qui sont à toutes fins utiles inexistantes aux États-Unis—, sur le plan aussi des coûts d'utilisation directs que doivent assumer les Canadiens de la classe moyenne—les Canadiens de la classe supérieure ne voient pas les mêmes effets—, c'est direct.

Par exemple, les Ontariens ont bénéficié je crois de réductions d'impôts de 300 $ en raison de la hausse des droits de scolarité. Prenons l'exemple d'une famille de la classe moyenne avec 2 enfants, dont le revenu annuel se situe entre 60 000 $ et 80 000 $. La réduction d'impôt découlant de l'augmentation des frais de scolarité constitue pour elle un très mauvais investissement, si elle songe à envoyer l'un des 2 enfants à l'université, ou du moins à contribuer à ses études. Et ne parlons pas des augmentations des frais d'utilisation des services municipaux et des effets cascades négatifs des réductions d'impôt. Notre argument a des fondements philosophiques aussi bien qu'économiques. Du point de vue philosophique, les réductions d'impôt constituent une menace pour la société démocratique équitable...

M. John McKay: J'aimerais vous interrompre à ce sujet. Nous parlons de gens qui gagneront entre 150 000 $ et 200 000 $ par année et, à mon avis, les mesures de protection sociale constituent pour eux un concept théorique qu'ils ont oublié après leur première année en sciences politiques.

• 1425

Je reviendrai à ma question fondamentale. Nous parlons d'une élite. Pendant combien de temps pourra-t-on maintenir l'écart pour cette élite? Notre régime fiscal leur soutire des cotisations de un pour un, soit deux fois plus que le régime fiscal des États-Unis?

M. Ed Lavalle: Premièrement, je ne crois pas qu'on ait démontré que nous sommes un pays exportateur net de cerveaux ou de professionnels.

M. John McKay: Cela est-il dû à notre brillante politique en matière d'immigration ou à notre politique en matière d'éducation?

M. Ed Lavalle: La politique en matière d'éducation n'est pas si brillante, alors ce doit être la politique en matière d'immigration.

Par ailleurs, le fait d'expliquer l'exode des professionnels qui ont un esprit d'entrepreneur... parce que c'est bel et bien ce qui se passe. Mère Teresa n'allait pas aux États-Unis. Une personne qui veut travailler pour un gros cabinet de droit, qui est aussi ma profession, doit aller à Philadelphie, à Boston ou à Chicago.

Vous me demandez combien de temps cela va-t-il durer. Aussi longtemps qu'il y aura de la demande aux États-Unis, que la croissance économique durera. Si le Canada se dotait de politiques économiques stimulant l'emploi, la croissance, nous n'aurions pas suffisamment de médecins, d'avocats ou de chefs d'orchestre pour satisfaire à la demande.

C'est en partie dû à la lenteur de notre croissance, qui est beaucoup plus rapide aux États-Unis, du point de vue de l'entrepreneuriat. Combien de temps cela va-t-il durer, je ne sais pas, à cause de la récession. Mais j'avancerais que nous perdrons nos professionnels tant et aussi longtemps qu'ils pourront aller dans un marché qui les paie plus, vers une économie où les emplois et les possibilités d'emplois sont plus nombreux, où ce genre de travailleurs est en demande. C'est là que doit commencer notre réflexion, je crois.

M. John McKay: Ainsi, le gouvernement ne peut rien faire, en l'absence d'autres politiques économiques?

M. Ed Lavalle: Je ne crois pas. Les incitatifs fiscaux seront plus susceptibles de stimuler l'investissement de capitaux, et d'autres conséquences. Les politiques fiscales n'ont pas d'incidence sur les choix individuels, parce qu'un haut salarié sait déjà comment ne pas payer trop d'impôt sur le revenu. Il s'inquiète plus de ses investissements, de la situation de son capital et de ses activités dans ce domaine.

Mme Joy Morris: J'ajouterai un bref commentaire. Si j'exclus les personnes qui peuvent engager leurs propres enfants, je crois que l'un des plus importants incitatifs, même pour ceux dont le revenu est élevé, est le fait que leurs enfants, leurs parents, leur famille en général, peuvent avoir besoin des mesures de protection sociale, même si elles-mêmes n'en ont pas besoin.

M. John McKay: Je m'interroge sur un autre point, sur lequel on a déjà posé des questions. Je veux parler du TCSPS.

L'opinion générale parmi les témoins est que le TCSPS devrait être rétabli. Pouvez-vous m'expliquer en général quelles seraient les retombées pour la Colombie-Britannique? Combien d'argent et quelle partie du budget de la Colombie-Britannique cela représenterait-il? 60 millions de dollars?

M. Ed Lavalle: Oh non! Ce serait plutôt de l'ordre des 800 millions de dollars...

Le président: Avez-vous dit 15 ou 16 milliards de dollars...?

M. Ed Lavalle: Pour rétablir le fonds dans les prochaines années... Je crois qu'il était question de 110 millions de dollars l'an dernier, ou pour l'exercice en cours, et un peu moins l'année précédente.

M. John McKay: Cela veut dire 110 millions de dollars par année, est-ce...

M. Ed Lavalle: Pour ce qui est de l'enseignement postsecondaire.

M. John McKay: Je parlais en termes généraux, de la valeur absolue de la réduction, et du pourcentage par rapport au budget de la Colombie-Britannique.

M. Ed Lavalle: Je crois qu'elle équivalait à 385 millions de dollars au total.

M. John McKay: 385 millions de dollars?

M. Ed Lavalle: Si on met l'aide sociale, la santé et l'éducation dans le même panier.

• 1430

M. John McKay: Quel est le pourcentage par rapport au budget de la Colombie-Britannique?

M. Robert Clift: Je dirais 3 ou 4 p. 100.

M. John McKay: D'accord, 3 ou 4 p. 100. Ainsi, la réduction de 18,5 à 12,5 milliards de dollars représente 3 ou 4 p. 100 du budget de la Colombie-Britannique. C'est bien cela, grosso modo?

M. Ed Lavalle: Oui. Je me souviens d'avoir entendu un fonctionnaire des Finances qui disait que, si notre économie était robuste, on pourrait absorber les conséquences de ces compressions tant et aussi longtemps qu'elles ne dépassaient pas le niveau actuel. Bien entendu, il nous manquait la robustesse de l'économie.

M. John McKay: Connaissez-vous le pourcentage réel du budget du fédéral qui est transféré à la Colombie-Britannique, et quel pourcentage cela représente...

M. Ed Lavalle: Les transferts totaux, les points d'impôts et les subventions inconditionnelles... À vrai dire, je ne sais pas.

M. John McKay: La restauration du TCSPS a acquis des vertus de sainteté, ou presque. En Ontario, en particulier, c'est un argument qui ne tient pas tellement, en partie parce que l'économie est forte, mais aussi en raison de politiques douteuses mises en vigueur par le gouvernement provincial. Si on fusionne les budgets, les sommes réellement versées à la province de l'Ontario, les transferts du fédéral représentent malgré tout 19 p. 100 du budget. C'était 19 p. 100 avant, c'est 19 p. 100 maintenant, et ce sera 19 p. 100 après. Je me demandais si on pouvait faire un parallèle avec votre province.

M. Ed Lavalle: Je n'avais pas compris la question.

M. John McKay: L'Ontario compte pour environ 40 p. 100 de l'économie nationale; si les transferts de fonds sont réduits de 6 milliards de dollars environ, c'est quelque 2,4 milliards de moins pour l'Ontario. Cette somme représente 1 ou 2 p. 100 du budget provincial. Mais, si vous examinez son budget au début et à la fin de l'exercice, vous constatez que le gouvernement fédéral en fournit toujours 19 p. 100, en vertu des exigences budgétaires totales du gouvernement provincial.

J'essaie de comprendre si les réductions du TCSPS ont entraîné une réduction absolue des recettes budgétaires de la Colombie-Britannique, ou si, proportionnellement, l'exercice n'a eu aucun effet, comme en Ontario.

M. Ed Lavalle: Les effets n'ont pas été nuls; ils sont imposants. Autrement dit, il a fallu trouver ailleurs les sommes qui provenaient auparavant du TCSPS pour les domaines visés. On a détourné ces sommes de budgets auparavant alloués à l'administration ou à la justice. On a puisé l'argent dans tous les ministères, dans les biens et services publics autres que la santé et l'éducation. On n'a pas puisé dans les fonds cumulés de l'aide sociale, mais d'autres services que ces trois...

Le TCSPS est en fait une espèce de code, non? C'est une définition facile pour dire pertes. Le TCSPS est un concept abstrait, du moins pour les membres de mon organisation. Nos membres recommandent de se donner une stratégie de l'éducation, d'assurer son soutien financier, de s'appuyer sur des mécanismes déjà en place pour unir les compétences fédérale et provinciales. Nous recommandons de fournir le financement adéquat en fonction de la demande, et d'établir des critères tels que la pertinence et la qualité, l'accessibilité, des coûts raisonnables.

Faisons en sorte que la stratégie en matière d'éducation fasse partie intégrale de la stratégie de développement économique. Peu importe le nom qu'on lui donne ou l'acronyme utilisé. Il demeure que le processus a déjà causé des dommages, et je serais le premier à reconnaître que certaines provinces ont mis en oeuvre des moyens excessifs pour les résoudre. Ces provinces en ont profité pour remodeler leur approche de l'éducation. L'Ontario en est un très bon exemple, et l'Alberta aussi, du moins en partie.

M. John McKay: Voyez-vous un moyen intelligent que pourrait mettre en oeuvre le gouvernement fédéral, avant de rétablir les mécanismes de subventions, pour obliger les provinces à prendre toute la responsabilité qui leur revient?

• 1435

M. Ed Lavalle: Il existe un moyen très facile: le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, une structure très bien définie. Il n'y a pas de ministre de l'Éducation à l'échelon fédéral, mais tous les éléments sont en place. Chaque année, ces ministres doivent subir des consultations nationales pénibles, mais rien ne se produit.

Le président: Merci, monsieur McKay.

J'aurais une petite question sur un sujet très à la mode récemment, soit l'assurance-emploi. Comme vous le savez, un budget découle de choix et de priorités. Aujourd'hui, nous avons parlé de l'importance d'investir dans l'éducation, dans la R-D, dans l'aide financière aux étudiants et autres domaines du genre. Si nous additionnions les sommes nécessaires pour répondre à toutes les demandes soumises au Comité des finances, on additionnerait des milliards, et des milliards et des milliards de dollars.

La question de l'assurance-emploi, bien entendu, nous place devant une situation intéressante. J'ai une question à cet égard. Certains affirment que le ministre des Finances, et donc le gouvernement du Canada, devrait rembourser aux employeurs et aux employés des sommes atteignant au moins 5 milliards de dollars. J'aimerais connaître votre réaction à un discours du budget dans lequel le ministre des Finances tiendrait les propos suivants: «Mesdames et messieurs, voici le budget pour 1999. Je rembourserai 5 milliards de dollars de primes d'assurance-emploi aux employeurs et aux employés.» Puis il se rassoit—au cas où le surplus serait de 5 milliards de dollars seulement. Les Canadiens seraient-ils en faveur d'un tel budget?

M. Ed Lavalle: Peut-être, mais il faut se demander s'ils devraient en fait avaliser un tel budget. Faites tourner la roue dans le bon sens...

Le président: Sérieusement, nous passons beaucoup de temps à écouter les Canadiens, et chacun a une proposition à nous faire. C'est une question d'équilibre. La population ne veut pas seulement un budget équilibré; elle veut qu'on trouve une approche équilibrée et qu'on établisse des priorités. Je me demande—à la suite des défenseurs du remboursement des primes d'assurance-emploi—5 ou 6 milliards de dollars, dépendant du montant du soi-disant surplus—, si les Canadiens se rallieraient derrière un tel budget.

Monsieur Nicholson.

M. Neil Nicholson: Je ne serais pas de ceux-là. J'appuierais davantage un gouvernement qui traiterait le fonds d'assurance-emploi comme un fonds, comme une mesure d'assurance assortie d'une analyse actuarielle fiable, et dont le but est clair. Quand on parle du surplus du fonds de l'AE et de la meilleure utilisation possible, on oublie la plupart du temps qu'il a accusé un déficit pendant longtemps et qu'il était alimenté par le gouvernement fédéral. Il est déficitaire ou excédentaire; il n'arrive jamais juste. Durant les bonnes années, on s'en sert pour appliquer des politiques visant d'autres fins que le soutien aux chômeurs, ou qui les soutiennent par des moyens à très longue portée.

J'aimerais que l'on arrête de discuter à ce sujet. Les travailleurs et les employeurs contribuent à un fonds visant à atténuer les bouleversements économiques du chômage. Ce devrait être un fonds distinct. J'en serais très heureux.

Le président: Actuellement, il fait partie des recettes générales.

M. Neil Nicholson: Oui, je sais, et ce n'est pas heureux à mon avis.

M. Ed Lavalle: C'est aussi mon avis. Je crois que le fonds de l'assurance-emploi subit beaucoup de pressions. Je ne veux pas entrer dans ce débat, qui n'est pas lié à l'enseignement postsecondaire, mais beaucoup de gens, y compris le Congrès du travail du Canada, estiment que le niveau des prestations versées aux chômeurs est trop restrictif et insuffisant. Les chômeurs ont énormément de difficulté à survivre au quotidien. Je crois que l'on pourrait améliorer cette situation.

Un autre sujet toutefois m'a amené à témoigner devant vous sur le thème de l'enseignement postsecondaire: je crois que le gouvernement devrait remettre en vigueur les achats de blocs d'activités d'éducation et de formation, et les financer en entier, plutôt que de transférer les charges supplémentaires aux provinces, comme c'est le cas actuellement si les cours sont dispensés par le système public. Je crois que c'est un problème épineux. Le fédéral a dans une large mesure retiré son appui à la formation en apprentissage. Il n'a promulgué aucune mesure incitative visant l'offre de nouvelles formations et l'adaptation aux changements économiques.

• 1440

Pour aller au plus court, on devrait explorer les besoins de formation et d'éducation plutôt que de se contenter de verser des prestations d'assurance-emploi. Le fédéral a un rôle à jouer dans ce domaine, en partenariat avec les provinces.

Le président: Ma question est plus directe, très simple. Je comprends ce que veut dire M. Nicholson quand il nous parle de la nécessité de revoir l'ensemble de la structure, et même de reformuler tout le système de l'assurance-emploi. Mais, dans la situation actuelle, alors que l'on rapporte des surplus de 20 milliards de dollars dans le fonds de l'AE—en 1986, on a incorporé le surplus dans les recettes générales, je crois—, comment devrait-il être traité dans le prochain budget? Allons-nous proposer, à l'instar d'autres interlocuteurs—peut-être y en a-t-il dans la salle—, de retourner 5 milliards de dollars aux employeurs et aux employés, ou demanderons-nous des allégements fiscaux personnels et des investissements dans la santé et dans l'éducation?

D'autres personnes nous demandent de conserver un fonds de prévoyance de 3 milliards de dollars pour le remboursement de la dette. D'autres encore veulent que l'on réduise les primes d'AE. Les ressources dont nous disposons sont limitées. Allons-nous acquiescer à toutes les demandes et nous trouver de nouveau en déficit? Ce sont les décisions que nous devons prendre, et il est clair que nous sommes devant un nouveau dilemme et un nouveau défi. J'aimerais que vous m'indiquiez où se trouve l'équilibre à votre avis.

Mme Joy Morris: Je ne crois pas que l'on pourrait parler d'assurance-emploi sans faire de lien avec toutes les autres mesures de protection sociale. Les chômeurs qui bénéficient de l'assurance-emploi, comme les autres citoyens, ont le plus souvent besoin de formation, de soins de santé, etc. Si le surplus est retourné au public d'une façon quelconque, ce devrait être par le truchement du système, par des moyens tels que l'assouplissement des conditions d'admission à l'assurance-emploi et l'augmentation des crédits aux systèmes en place, qui protègent ceux qui y ont contribué financièrement.

Le président: Iriez-vous jusqu'à dire, même au détriment des personnes que vous défendez—elles n'obtiendront peut-être aucune somme, et peut-être n'y aura-t-il aucune augmentation des cotisations au TCSPS—, ou de celles qui demandent des réductions d'impôt, des réductions des cotisations sociales, ou le remboursement de la dette...?

Mme Joy Morris: Je parle de tous les aspects des mesures de protection sociale, qui touchent aussi les électeurs que je défends—les étudiants diplômés qui ne sont pas admissibles, dans plusieurs cas, à l'assurance-emploi après avoir occupé un poste de chargé de cours, parce qu'ils n'ont pas accumulé suffisamment d'heures de travail dans l'année, en raison de la nature même du travail.

Le président: Vous nous proposez donc d'investir dans la santé.

Mme Joy Morris: Investissez dans la santé, l'éducation, et assouplissez les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi.

Le président: Monsieur Clift.

M. Robert Clift: J'avais anticipé une question du genre, parce que vous nous aviez fait le même coup l'an dernier; vous nous aviez posé une colle du genre.

Premièrement, si vous m'engagez, j'irai avec vous dans un bureau fermé et nous discuterons de ces points. Je vous ferai bénéficier de mon intelligence et de mes capacités intellectuelles.

Le président: Vous pouvez parler à huis clos si vous le désirez.

M. Robert Clift: Vous devrez rembourser à mon patron les heures facturables, alors. Je ne répondrai pas directement à la question. Sinon, ce serait simplement un mauvais cours. Je voudrais reformuler la question, en me concentrant sur les objectifs du fonds, dont Neil et Ed ont parlés.

• 1445

À tout le moins, l'une des plus graves lacunes dans le domaine de l'éducation au Canada se trouve dans la capacité à guider les étudiants dans la transition vers la nouvelle économie. De nombreux Canadiens qui étaient admissibles aux avantages voilà des années ne sont plus admissibles maintenant. Par conséquent, ils n'ont pas accès à la formation.

Un exemple des effets—dont Ed a parlés—qu'ont eus les réductions aux TCSPS en Colombie-Britannique serait qu'une bonne proportion des prestataires d'aide sociale ne sont plus bénéficiaires du régime d'aide sociale mais des prêts étudiants. C'était une façon de se débarrasser du problème—on a transféré une dépense publique au privé.

Nous avons fait la même chose pour les chômeurs canadiens, qui auparavant aurait pu bénéficier d'allocations de recyclage tirées du fonds de l'AE. L'assurance-emploi devrait être utilisée seulement pour les fins initiales. S'il est un besoin urgent en matière d'éducation, c'est bien de fournir les possibilités de perfectionnement et de recyclage. En même temps, notre système d'enseignement public en bénéficiera, les collèges plus que les universités. De toute façon, tous ces investissements sont de bon augure.

Le président: S'il faut de nouveau accuser un déficit, parce que nous décidons de remettre 5 milliards de dollars aux employeurs et aux employés, seriez-vous d'accord?

M. Robert Clift: Je ne crois pas qu'il faille revenir à un déficit.

Le président: D'accord.

Monsieur Conlon.

M. Michael Conlon: À mon avis, nous devons nous demander comment nous avons pu accumuler ce surplus—qui y a contribué et qui a payé, pas seulement sur le plan économique, mais sur le plan social aussi. Et maintenant que le gouvernement a les moyens d'investir de l'argent, je me ferai l'écho de Joy: l'argent doit être retourné aux domaines qui ont le plus souffert des compressions. Et je ne crois pas que ce soit les classes moyennes supérieures et la classe supérieure qui ont le plus fait de sacrifices pour rétablir le déficit, du moins pas sur le plan purement économique.

L'affectation des surplus de l'AE représente un véritable dilemme pour le gouvernement. Cet argent provient d'une certaine source, et des arguments très solides incitent le gouvernement à la retourner de là où il vient. Mais nous avons fait des sacrifices dans certains domaines—autant la société en général que les étudiants diplômés—qui nous ont permis d'accumuler ce surplus, non seulement dans le fonds de l'AE, mais un surplus plus global, dont nous devons parler aujourd'hui.

Je crois donc que le surplus devrait être redistribué dans les programmes sociaux, sans que l'on ait à créer un nouveau déficit. En effet, de l'avis de plusieurs, des économistes et d'autres, un déficit est une menace pour les programmes sociaux.

Le président: Votre point est bien amené. Vous nous dites que des personnes qui ont payé, pas nécessairement... Elles n'ont pas nécessairement payé en argent, sur le seul plan strictement économique. On peut aussi payer sur le plan social. C'est cela?

M. Michael Conlon: Oui, absolument.

Le président: Ainsi, les gens qui ont payé sur le plan social font aussi partie de cette société, c'est ça? Et dans ces cas, le surplus pourrait permettre de contrebalancer les difficultés avec lesquelles ces gens ont dû vivre durant les années de réduction du déficit. C'est bien cela? Si je résume l'essence de vos propos, une partie du surplus devrait être redistribuée dans des enveloppes telles que la santé et l'éducation ou, par exemple, servir à augmenter les exemptions personnelles aux fins du calcul de l'impôt. Ainsi, ces personnes ne seront plus inscrites sur le rôle des contribuables. De telles mesures seraient valables selon vous?

M. Michael Conlon: Absolument.

Le président: Bon, très bien.

Monsieur Lavalle.

M. Ed Lavalle: Dans le domaine de l'assurance-emploi, des initiatives très innovatrices sont mises en oeuvre, en Europe et ailleurs dans le monde, qui visent à créer des activités à valeur ajoutée. On investit dans les individus. On remplace l'ancienne manière qui était de se contenter de verser des allocations d'entretien. Si c'est tout ce dont une personne dispose et qu'elle en a besoin, pourquoi pas? Mais en France et en Allemagne, on investit dans les chômeurs, en leur fournissant de l'éducation, de la formation, ou même un petit capital de risque ou toute autre chose du genre. Le processus des prestations d'AE est accéléré, et on aide les gens à progresser.

Les incidences sur l'économie sont très, très avantageuses parce que ces gens, pas tous, bien entendu, mais un grand nombre, ne sont plus tributaires du régime de l'AE, et se mettent même à contribuer au PIB.

Le président: N'est-ce pas ce que propose la deuxième partie de la loi...? Quand nous l'avons modifiée pour en faire la Loi de l'assurance-emploi, n'est-ce pas ce qui était prévu dans la partie 2? Elle propose des bourses de compétences et des prêts, et cinq autres mesures visant la réintégration dans les activités économiques.

• 1450

M. Ed Lavalle: Mais ces mesures n'ont pas été financées ni élaborées adéquatement.

Le président: Il faudrait donc donner plus de place à cette portion de la loi?

M. Ed Lavalle: Vous devriez voir ce que ce surplus... La stratégie de DRHC n'a pas vraiment changé durant la dernière décennie, et les établissements publics, à mon avis, pourraient jouer un rôle important à cet égard.

Le président: Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président. Je vous ferai simplement part d'un commentaire, et de quelques réponses peut-être.

Bien entendu, aucun d'entre vous n'a parlé ni n'a appuyé des réductions fiscales. J'imagine que cela dépend de notre philosophie en matière d'économie, de notre préférence pour la théorie keynésienne ou la théorie de Friedman. Vous demandez que l'on ne réduise pas les impôts, mais plutôt que l'on dépense une plus grande partie du surplus. Vous savez, les théories économiques sont valables, mais il est abondamment prouvé sur la planète que, dans les pays où l'économie est solide, il existe un lien direct, un lien très direct, démontré hors de tout doute, entre des impôts peu élevés, la vitalité de l'économie et le taux élevé d'emploi.

Ce serait bien d'obtenir tout ce que l'on veut, mais quand vous dites au gouvernement de ne pas accorder de réductions fiscales aux Canadiens de la classe moyenne et de la classe moyenne supérieure—qui contribuent le plus, en passant, au régime fiscal—, et que vous nous dites que nous devrions dépenser tout surplus plutôt que d'essayer de payer nos dettes, quand vous nous dites de ne pas faire presque tout ce que les autres pays économiquement en santé ont fait, comment justifiez-vous vos demandes?

Ne serait-ce pas ces mêmes actions, le type d'actions que vous nous proposez, qui nous ont conduits à une dette de 500 milliards de dollars, sur laquelle nous payons annuellement 43 ou 45 milliards de dollars d'intérêt actuellement? La hausse constante des impôts n'a-t-elle pas conduit à notre quasi-incapacité à être concurrentiel dans les marchés mondiaux?

Incidemment, il existe un écart de 25 à 30 p. 100 entre les impôts prélevés aux États-Unis et au Canada, et c'est un facteur de l'exode des cerveaux. De nombreux chiffres nous le démontrent. Ne serait-il pas largement temps de mettre au point des mesures favorisant une économie solide, dont le succès drainera plus d'argent en impôts dans les coffres du gouvernement, que nous pourrons par la suite utiliser pour améliorer les secteurs de l'éducation et de la santé, et les programmes sociaux dont nous sommes si fiers?

Le président: Monsieur Nicholson, suivi de M. Conlon.

M. Neil Nicholson: Merci, monsieur le président.

J'ai lu mon mémoire en diagonale pendant que M. Harris parlait, et j'ai tenté de me souvenir des propos tenus par mes pairs. Je n'ai entendu personne dire qu'il s'opposait à des réductions fiscales. On ne m'a pas demandé, si je me rappelle bien, si j'étais en faveur d'une réduction fiscale. Nous avons répondu aux questions qu'on nous a posées, à savoir quelles actions permettraient au gouvernement d'accomplir tel et tel but. Ce sont les questions auxquelles nous avons répondu.

Tout le monde adore les réductions d'impôt. J'aimerais bien bénéficier moi-même d'une réduction d'impôt, mais on ne m'a pas demandé de traiter ce sujet. J'ai peut-être aussi omis les questions que vous m'avez posées, pour vous indiquer les domaines où on pourrait réduire les dépenses afin d'assurer un financement adéquat de l'enseignement postsecondaire. Je n'étais pas préparé à répondre à ces questions aujourd'hui; je m'étais préparé pour répondre aux questions que vous m'avez demandé de préparer.

Je crois que nous avons bien répondu à ces dernières. Les actions que nous avons proposées—les similitudes sont remarquables compte tenu de la disparité des groupes présents—permettraient de ramener le pays sur la voie de la reprise économique. Alors nous pourrons faire d'autres dépenses, réduire les impôts, prendre d'autres mesures.

• 1455

M. Dick Harris: Monsieur Nicholson, dans vos présentations, quand chacun d'entre vous a parlé des surplus qui ont été accumulés, personne n'a mentionné la possibilité d'utiliser ces surplus pour réduire la facture fiscale au Canada. Vous avez tous mis l'accent sur l'augmentation des dépenses. Bien qu'il ne s'agissait pas d'une question précise, les témoins nous ont parlé des surplus, dont le compagnon le plus fidèle sont les dépenses accrues, j'imagine, plutôt que des impôts diminués.

M. Neil Nicholson: Le plus respectueusement du monde, j'aimerais vous signaler qu'il ne sortira rien de bien utile d'une dispute entre vous et moi. Notre mémoire fait référence à des mesures fiscales, à des réductions ciblées visant des buts bien précis, et je préférerais que l'on s'en tienne à cela, si vous le voulez bien.

Le président: Merci, monsieur Nicholson.

M. Ed Lavalle: J'ai une question pour M. Harris, pour faire suite à ses propos. Supposons que je suis le meilleur chirurgien plasticien qui soit et mon régime d'assurance-maladie moyen... Il faut un motif médical pour effectuer une chirurgie du nez ou une réduction mammaire, ou une autre opération du genre, mais je peux aller... Si j'effectue l'opération sous la coupe du régime d'assurance-maladie, je peux obtenir entre 10 000 et 15 000 $, alors que j'aurais 90 000 $CAN à L.A. Quel incitatif fiscal me proposerez-vous pour que je reste ici, pour compenser l'écart entre une réduction mammaire qui me donne 90 000 $ et une autre qui m'en donne 15 000 $? Surtout si j'ai une clientèle haut de gamme à Los Angeles? Je n'ai pas de réponse.

M. Dick Harris: J'imagine que l'exode des cerveaux a différentes causes, surtout si l'on parle de la profession médicale; je pourrais vous donner de nombreux exemples tirés de ma ville natale, Prince George, qui a connu l'exode de la moitié de ses spécialistes vers Fargo, au Dakota du Nord. Ils font énormément d'argent, et ils paient entre 25 et 30 p. 100 d'impôt. Je peux vous assurer que les salaires autant que l'accès à la salle d'opération, en plus du régime fiscal—un facteur aussi important que les deux autres—expliquent pourquoi ils sont là-bas et n'ont aucun désir de revenir à la maison.

Le président: Nous devons conclure, malheureusement. En effet, M. Grubel, un ancien membre du Comité des finances, est prêt à nous livrer sa présentation.

Au nom du comité, j'aimerais vous exprimer nos plus sincères remerciements pour l'excellence de vos présentations, comme c'est toujours le cas à Vancouver. Les questions que vous avez soulevées sont de la plus haute importance. Vous comprendrez toutefois, j'en suis assuré, les défis que nous devons affronter quand vient le moment de faire le tri dans les différentes priorités présentées par tous les gens que nous rencontrons dans le pays.

Notre but, bien entendu, est de trouver l'équilibre entre les besoins et les aspirations de l'ensemble des Canadiens et, éventuellement, d'améliorer la qualité de vie de la population et de nous assurer un avenir meilleur.

Au nom du comité, je réitère mes remerciements. Cette discussion a été très intéressante.

Nous suspendrons les travaux pour une minute environ, pour laisser le temps à M. Grubel de prendre place.

• 1457




• 1501

Le président: La séance reprend immédiatement.

J'aimerais profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue au professeur Herb Grubel, un ancien député et membre de ce comité. Il nous fera part de son opinion sur les priorités à intégrer dans le budget de l'exercice 1999. Il nous fera donc bénéficier d'une perspective externe à la Chambre des Communes.

Monsieur Grubel, soyez le bienvenu.

M. Herbert Grubel (professeur, témoigne à titre personnel): Merci, Maurizio, de m'avoir invité. Puis-je encore vous appeler Maurizio?

Le président: Bien entendu.

Prof. Herbert Grubel: Je vous remercie de cette invitation. Je tiens à souligner que je témoigne à titre individuel, et non pas à titre de membre du Parti réformiste ni à titre d'ancien député. Je témoigne à titre de professeur et d'employé du Fraser Institute.

J'aimerais aussi vous remercier tous pour votre dévouement durable envers la vie et le travail politiques. J'en connais les sacrifices et les écueils; je sais aussi que vous recevez très peu de récompenses et de remerciements, mais plutôt des critiques et des soupçons sur vos motifs de la part du public et des médias.

Félicitations pour la poursuite de vos efforts, votre réélection et vos succès électoraux.

En écrivant mon autobiographie, que je n'ai pas encore terminée, j'ai dû revenir sur mes quatre années passées en politique, et je tiens à vous dire que mes souvenirs des séances du Comité des finances sont parmi les plus heureux. Le Comité des finances effectue un travail important. Je sais que M. Martin et le ministère des Finances délèguent des représentants à vos audiences, qui leur transmettent de l'information. La plupart du temps, rien de nouveau n'est dit, mais de temps en temps une nouvelle perce. Je crois que c'est un atout précieux pour le ministère des Finances.

J'ai trouvé l'expérience très riche sur le plan de l'enseignement. Je suis économiste de profession, et je crois connaître la complexité du monde. Mais le fait d'entendre de si nombreux témoins nous raconter leur propre expérience a été très révélateur pour moi. Cela démontre simplement qu'il n'existe pas de solutions simples qui résoudraient tous les problèmes. Nous vivons dans un monde très complexe.

Cette expérience m'a permis de renforcer mon point de vue: les conflits et les différentes demandes seraient beaucoup mieux traités dans le marché plutôt que par le processus politique. Chacun tire ce qu'il veut bien de ces expériences.

• 1505

J'ai également pris le temps dans mon livre d'indiquer où, à quelques reprises—pas très souvent en quatre ans—je crois que le Comité des finances a vraiment eu une influence directe. Ceux d'entre vous qui étaient avec nous à l'époque se rappelleront la présentation faite par la communauté bancaire, qui tentait de faire obstacle à la concurrence étrangère. Nous avons fait ressortir l'égoïsme de leur présentation, et je crois que le ministère des Finances a réagi de façon positive. De même, je crois que nos efforts visant à obtenir un traitement plus généreux des déductions pour frais de charité ont été positifs. Il y en avait quelques autres, mais je ne veux pas m'attarder là-dessus.

Je vous ai fait parvenir, Maurizio, un avis indiquant que j'avais un livre pour vous qui contient des documents et des résumés d'une conférence tenue en décembre 1997 sur un sujet qui est la principale question soulevée par le ministre des Finances à l'intention de votre comité, à savoir, que faut-il faire de l'excédent budgétaire à venir? Malheureusement, la publication de ce livre a été retardée, mais si vous permettez, j'aimerais le résumer rapidement, car il mène directement aux réponses aux questions soulevées dans cette séance.

Dans le livre, nous avons les positions politiques que vous connaissez tous, tenues par M. Charest, M. Manning et Nelson Riis. Nous avons également entendu plusieurs points de vue provinciaux exprimés par Stockwell Day de l'Alberta, Janice MacKinnon de la Saskatchewan et Ernie Eves de l'Ontario, qui essentiellement se plaignaient du problème de délestage que vous connaissez très bien.

Mais ce qui, je crois, était nouveau à la conférence, et qui est disponible dans ces documents dans six à huit semaines, ce sont certains mémoires présentés par des universitaires, et ils renvoient au point soulevé par Dick Harris dans sa question il y a un moment, à savoir qu'il y a partout dans le monde de nombreuses preuves qu'il existe ce qu'on pourrait appeler la taille optimale d'un gouvernement. Il y a des preuves empiriques et de nombreuses théories à cet effet.

Vous pouvez vous imaginer que lorsqu'il n'y a pas de gouvernement du tout dans un pays, tout le monde doit avoir sa propre police pour se protéger. Il n'y a pas de droit contractuel, et il n'y a pas de masse monétaire fiable, et ainsi de suite. C'est un genre de système très inefficace, lorsque les routes sont toutes entretenues ou...

De toute façon, moins il y a d'intervention du gouvernement au début, ou si vous pouvez vous imaginer une sorte d'expérience, pas de gouvernement du tout... la productivité de la population de ce pays est relativement faible. À mesure que le gouvernement augmente ses dépenses, certaines choses qui étaient faites individuellement sont maintenant faites collectivement et plus efficacement. Cependant, au fur et à mesure que les dépenses augmentent, on atteint un niveau où, s'il est dépassé, l'augmentation des dépenses du gouvernement exigeant des mesures fiscales mène à l'inefficacité et finalement à une réduction du taux de croissance économique.

Il est très intéressant que dans un mémoire qu'un de mes étudiants diplômés et moi-même avons inclus dans ce texte, inspiré de travaux effectués par un certain Scully qui a présenté un mémoire à la conférence, nous avons constaté qu'au Canada, si vous regardez un graphique, dans les années 20 et 30, lorsque les dépenses du gouvernement étaient modestes, le taux de croissance économique était élevé. Après la guerre, pendant un certain temps, l'augmentation des dépenses du gouvernement contribuait toujours à l'augmentation du taux de croissance économique. Mais une fois que nous avons dépassé les 34 p. 100, l'augmentation des dépenses s'est traduite par une réduction du taux de croissance économique. Cette constatation est tirée des données de Statistique Canada, utilisant des techniques statistiques qui sont à la portée de tout le monde, et vous constaterez que c'est là un résultat très éloquent.

Il y avait également un mémoire préparé par un homme du FMI et une personne de l'Organisation mondiale du commerce, Schuknecht et Tanzi—Tanzi, surtout, est un économiste réputé—qui ont montré que lorsqu'on classe les pays, au cours des récentes années et historiquement, en pays dont le niveau de dépenses est élevé, moyen et faible, en fait lorsque les dépenses du gouvernement dépassent les 25 à 30 p. 100 des revenus nationaux, une chose très intéressante se produit. On n'obtient pas de meilleur rendement en ce qui touche le revenu brut par habitant, le taux de mortalité infantile, toutes les mesures qui sont dans ce fameux livre du PNUD qui place le Canada à un rang si élevé, le premier. On n'obtient aucune amélioration.

• 1510

La seule chose, c'est qu'en ce qui touche la distribution du revenu, les pays qui ont des dépenses élevées s'en tirent mieux que ceux dont les dépenses sont faibles. Cependant, les gains sont très modestes. Dans les pays aux dépenses élevées, les 40 p. 100 de familles au revenu le moins élevé reçoivent 20 p. 100 de tous les revenus. Dans les pays dont le gouvernement intervient modérément ou peu, les chiffres sont respectivement de 18,7 p. 100 et de 17,3 p. 100.

La preuve est donc claire. Si l'on dépasse un certain niveau, et j'inclurais l'Allemagne et la Suède et tous ces pays, on n'obtient pas une meilleure croissance économique, un meilleur niveau de vie, et tous les indicateurs sociaux, à l'exception de la distribution du revenu. Les avantages de la distribution du revenu sont relativement peu significatifs au regard des sacrifices qu'on doit faire en raison de la réduction de la croissance économique.

Pour mes étudiants j'ai un graphique qui montre que si une chose croît plus rapidement qu'une autre, dans 15 ou 20 ans le montant gagné par le premier quintile sera plus élevé si les dépenses du gouvernement sont faibles, parce que la croissance économique est plus grande, et l'ensemble des ressources disponibles est meilleur.

Cela m'amène directement à la question que le ministre vous a demandé d'examiner, à savoir ce qu'il faut faire de l'excédent fiscal. D'après les preuves contenues dans ce livre, la réponse est sans ambiguïté. Il faut maintenir au niveau actuel les dépenses consacrées aux programmes, n'augmenter les dépenses que dans la mesure où les besoins augmentent en raison de la croissance de la population et du nombre de retraités, et pour le reste, réduire les impôts. Le résultat, c'est que vous atteindrez graduellement—en fait, assez rapidement, selon le taux de croissance économique—un niveau de dépenses qui, en pourcentage du PIB, reviendra au niveau que nous connaissions quand nous croissions le plus rapidement. Nous pouvons y revenir. Il sera peut-être impossible de renverser certaines des institutions et pratiques que nous avons adoptées pendant la période de grandes dépenses, et cela peut prendre du temps, mais nous n'y arriverons certainement jamais si nous ne réduisons pas la taille du gouvernement.

J'ajouterai simplement ceci: devant la crise que nous connaissons actuellement, je vous en conjure, soyons tous prudents et ne dépensons pas d'argent que nous n'avons pas. Je crois que l'idée de M. Martin d'une réserve pour éventualités et l'affectation automatique de la réserve pour éventualités, si elle n'est pas épuisée, à la réduction de la dette, était une très, très bonne idée. J'espère qu'elle sera poursuivie et élargie. Au lieu de 2 ou 3 millions seulement, elle devrait être un certain pourcentage des dépenses totales à l'avenir.

J'aimerais faire un exposé rapide là-dessus afin que nous puissions en discuter. En ce qui touche les modifications fiscales, les problèmes sont sans contredit l'exode des cerveaux. Il s'agit d'une question très grave. Nous aurons une autre conférence en novembre, organisée par l'Institut Fraser, qui portera sur l'exode des cerveaux et j'y présenterai un mémoire.

C'est une question complexe, comme on l'a dit à Dick Harris ici. La question que j'aurais soulevée, Dick, avec ces messieurs ici, c'est que le gouvernement du Canada ne peut rien faire contre le fait qu'un chirurgien plasticien encaisse 100 000 $ pour une intervention à Hollywood alors qu'il n'encaisse que 15 000 $ ici. Il n'y a rien que le gouvernement puisse faire à ce sujet si ce n'est une refonte en profondeur de notre système de santé, ce qui est une question tout à fait distincte. Le seul levier dont nous disposions, ce sont bien sûr les taux de taxes punitives que tout le monde a.

Vous avez peut-être vu, dans un article du Globe and Mail, des photos de ma fille et de mon fils, qui étaient interviewés parce qu'ils ont tous deux déménagé à Los Angeles. Ils ont donné les raisons qui les y ont poussés.

Je presserais aussi le gouvernement, et j'espère que vous pourrez faire rapport... C'est une honte que l'excellent travail effectué par le Comité technique sur la fiscalité des entreprises dans son rapport ne soit pas pris davantage au sérieux. Franchement, on l'a escamoté. Je crois qu'il serait très bon à long terme pour le bien-être du pays, quoique pas nécessairement pour le parti au pouvoir, qu'on donne suite à ces recommandations.

• 1515

En ce qui concerne le chômage, je dirais que c'est une bataille que je livre depuis 25 ans. C'est un scandale que nous ayons maintenant atteint un taux de chômage au Canada qui est environ le double de celui des États-Unis. J'ai effectué de nombreuses études qui montrent que ce n'est pas la différence des taux d'intérêt qui explique le chômage. Ce ne sont pas les dépenses déficitaires keynésiennes qui remettront les gens au travail. Ce n'est pas le commerce international. Nous avons un immense surplus à l'exportation, ce qui devrait créer de l'emploi. Les Américains ont un immense déficit à l'exportation, ce qui devrait réduire l'emploi.

C'est nettement structurel, et les caractéristiques structurelles qui causent notre chômage sont toutes créées par le gouvernement. La liste est longue. Les prestations d'assurance-chômage sont trop généreuses. On ne remet pas les gens au travail en disant «tant que vous resterez dans ce petit village isolé de Terre-Neuve et demeurerez pauvre, nous nous assurerons que vous n'aurez pas à déménager et tout ira très bien. Vous recevrez assez d'argent». Ce n'est pas comme ça qu'on réduit le chômage.

Il y a un article aujourd'hui dans le Globe and Mail selon lequel les employeurs dans les provinces atlantiques ont de la difficulté à trouver de la main-d'oeuvre, et il ne s'agit pas uniquement de travailleurs qualifiés. Les gens qui cherchent des ouvriers occasionnels peuvent en trouver. Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas, notamment le salaire minimum et les taux de salaire des syndiqués, et autres choses du genre.

Je comprends qu'en tant que société nous avons le choix de déterminer si nous voulons un filet de sécurité sociale vraiment très étendu et ainsi avoir l'occasion de nous vanter à chaque occasion qui se présente à la Chambre des communes que nous sommes mieux que les Américains, et de donner l'occasion à tous les intellectuels de marteler que nous sommes mieux que les Américains. Mais attention, on ne peut pas tout avoir, ce serait trop beau. Nous vivons dans un monde réel. Si vous payez des gens pour ne pas travailler, beaucoup d'entre eux choisiront de ne pas travailler—pas tous, mais certains le feront—et il y en a assez à qui c'est arrivé. Il va nous falloir accepter ces taux élevés de chômage.

Ce qui est très inquiétant, c'est qu'il y a une autre histoire dans le Globe and Mail aujourd'hui dans laquelle on apprend que nous avons déjà été au deuxième rang mondial pour le revenu par habitant. Au cours des 15 dernières années, nous avons stagné. Nous avons pris du retard. Nous sommes aujourd'hui onzième et continuons de reculer. Les Américains ont avancé alors que nous n'avons pas bougé.

J'aimerais réagir rapidement à la question des programmes de formation à l'emploi financés par le gouvernement. Avant de quitter la Chambre j'ai obtenu une série de documents qui avaient été commandés par Lloyd Axworthy lorsqu'il était ministre du Développement des ressources humaines et qui évaluaient ce genre de programme partout dans le monde, et ils disaient tous que ça ne valait pas l'argent qu'on y dépensait. Bien sûr, je connais les problèmes auxquels nous devons tous faire face, je sais que vous aurez des témoins ici qui jureront leurs grands dieux qu'ils ont obtenu l'emploi parce qu'ils ont participé au programme de formation financé par le gouvernement, et il n'y a aucun moyen de les contredire. Mais la réalité, c'est que si vous prenez toutes les personnes qui ont trouvé un emploi après avoir suivi la formation, il vous faudrait tenir compte du fait qu'une grande partie de ces gens aurait trouvé un emploi de toute façon.

À mon avis, la meilleure façon de préparer les gens au travail, c'est de leur donner une bonne éducation de base et, pour certains d'entre eux, une bonne éducation supérieure, car nous avons besoin de personnes hautement qualifiées. Mais pour le reste, la meilleure façon de réduire le chômage, c'est de faire du Canada un endroit accueillant où les entreprises du monde entier voudront investir. S'ils veulent des travailleurs et qu'ils n'ont pas les compétences, ils les formeront. Historiquement, ç'a toujours été comme ça. Nous avions peu de chômage et une bonne croissance économique lorsqu'il n'y avait pas d'intervention du gouvernement dans ces marchés.

• 1520

Je vous soumettrai que les preuves venant de partout dans le monde montrent que ce n'est pas la solution. L'Europe dépense des sommes énormes, comme l'a dit un des témoins ici—et personne n'a réagi lorsqu'il a dit cela. Vous auriez dû lui demander, si l'Europe consacre ces grandes parties de ses revenus provenant des primes de l'assurance-chômage au recyclage professionnel, comment se fait-il que leurs taux de chômage sont à 12 et 14 p. 100? Ils sont beaucoup plus élevés que tout ce que nous avons, et certainement deux à trois fois ce qu'ont les États-Unis.

Je voulais simplement conclure sur une question que j'avais déjà soulevée brièvement, à savoir que le véritable problème auquel doit faire face notre pays maintenant, c'est qu'il nous faut renouer avec la croissance économique. Le problème du budget a été résolu. Il nous faut maintenant nous efforcer de comprendre pourquoi nous tirons autant de l'arrière.

L'un des sujets que j'aimerais brièvement aborder avec vous, c'est que nous devrions essayer d'obtenir une union monétaire avec les États-Unis. Je sais que cette question n'est pas très populaire, mais j'écris présentement un rapport sur le sujet. Permettez-moi de vous dire ce qui à mon avis a été l'une des choses les plus néfastes en ce qui touche le taux de change flottant.

Rappelez-vous que nous avons eu une réduction de la demande et des prix des produits de base: les ressources naturelles que nous exportons. Nous savons que c'est là un problème grave. Il en est résulté que notre taux de change a baissé. Cela a produit deux effets néfastes, qui se sont manifestés dans tous les cycles pendant les années d'après-guerre. Qu'est-il arrivé à la rentabilité du secteur manufacturier au Canada? Qu'est-il arrivé aux profits de l'industrie automobile en Ontario à la suite de la baisse du taux de change? Les profits sont montés en flèche, parce que leurs coûts sont demeurés les mêmes mais les profits ont augmenté.

Alors que se passe-t-il? Les syndicats disent que c'est le moment d'obtenir de meilleurs salaires et de partager ces profits élevés. Mais comme vous pouvez le comprendre, cette dépréciation de la devise n'a pas augmenté la productivité des travailleurs. C'est une avance qu'ils obtiennent. C'est un profit fantôme qu'ils vont partager. Ensuite on nous dit qu'on devrait étendre l'équité salariale à toute l'économie, et lorsque cela se produit, les salaires des travailleurs augmentent, et lorsque le taux de change augmente encore, ou qu'une augmentation est anticipée parce que les prix des ressources naturelles se rétablissent, qu'arrive-t-il? Toutes les industries déclarent «Oh! non, nous ne pouvons nous permettre cela parce que nous coulerions». Évidemment, c'est parce que les salaires ont tellement augmenté.

Ensuite, les industries, par exemple la foresterie en Colombie-Britannique, sont protégées et ne sentent pas le besoin de réagir et de faire les difficiles ajustements qui s'imposent, en raison du fait que ce pourrait être une réduction permanente des salaires et des prix. Eux, par contre, ont un coussin. J'en connais assez sur la politique maintenant pour comprendre qu'aucun parti ne peut se permettre d'affronter les intérêts qui sont responsables de cette absence d'ajustement, de ces profits et salaires élevés dans l'industrie manufacturière, qui sont protégés par cette dépréciation.

Mais un système, un peu comme le libre échange, qui éliminerait la dépréciation du taux de change dans le cas d'une chute des prix des matières premières serait la solution à ce problème. J'écris présentement un essai sur ce sujet et je voulais simplement vous en faire part.

Le gros problème, c'est que notre revenu par habitant est maintenant tombé à 30 p. 100 en deçà de celui des États-Unis, alors que nous n'étions auparavant que de trois à cinq points de pourcentage derrière les États-Unis. Il y a quelque chose qui va très mal dans notre pays, et je crois que nous devrions étudier toutes les questions que vous avez soulevées et dont vous vous proposez d'analyser l'impact sur la productivité à long terme de notre économie. À long terme—et le long terme viendra dans 10, 15 ou 20 ans—tout ce que nous ferons dépendra de ce que nous aurons fait.

• 1525

Je vais m'arrêter ici et vous donner l'occasion de me bombarder. Je suis également heureux de vous faire part de mon point de vue sur le rapport MacKay. Je crois comprendre que c'est là le sujet maintenant. J'étais l'un des témoins, et j'ai le rapport et je l'ai lu, alors je serais heureux de vous en parler.

Le président: Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

Monsieur Grubel, Herb, je suis persuadé que la plupart des membres aimeraient que vous restiez avec nous pendant deux ou trois heures afin de nous éclairer sur les meilleurs moyens à prendre pour résoudre la grave question de la reprise économique dans notre pays.

Je voudrais poser quelques questions. Tout d'abord, avons-nous vraiment un budget équilibré? Je sais que le gouvernement se targue d'avoir équilibré le budget, mais il me semble que nous n'avons pas encore réussi à le faire, et voici pourquoi: si nous empruntons chaque année, disons d'une banque, pour financer notre déficit dans les dépenses, et que tout à coup, un beau jour, nous découvrons un riche parent au sein de la famille et nous disons, eh bien! nous n'avons plus besoin d'emprunter de la banque; nous emprunterons d'oncle Georges et ça restera dans la famille, alors ce ne sera pas vraiment une dette.

M. Herbert Grubel: Oui, je comprends.

M. Dick Harris: Voyez-vous, cet équilibre budgétaire dont parle le gouvernement m'agace car nous savons qu'il utilise l'excédent de l'assurance-emploi, qui est d'environ 19 millions de dollars à l'heure actuelle, pour avoir ce qu'ils appellent leur budget équilibré. En outre, je crois comprendre qu'ils ont également emprunté du fonds de retraite de la fonction publique pour équilibrer le budget.

N'avons-nous pas toujours une dette—un déficit à vrai dire, mais nous avons simplement emprunté de la famille?

M. Herbert Grubel: Je crois que vous avez raison sur un point, mais Paul Martin a également raison de dire que ce sont toutes là des taxes; elles sont toutes allées dans un grand chaudron.

Je crois que l'argument contre l'accumulation de l'excédent de l'assurance-emploi consiste à dire que c'est une mauvaise taxe. Les charges sociales augmentent les salaires. Si l'on trace une courbe de l'offre et de la demande, comme je le fais pour mes étudiants, on constate qu'il y a un équilibre dans lequel tous ceux qui veulent un emploi en ont un. Ensuite le gouvernement dit que le salaire qui était de 100 $ sera maintenant de 110 $. Pour ce qui est des salaires élevés, on hausse la courbe de la demande, et moins de main-d'oeuvre sera demandée, pour des raisons évidentes. Ils substituent le capital à la main-d'oeuvre. Ils rationalisent sur le capital.

Bien entendu, les travailleurs se déplacent le long de la courbe de l'offre, parce que leur salaire n'est pas de 100 $ mais de 110 $ en raison de la valeur actuelle des avantages qu'ils obtiennent de ces programmes. C'est pourquoi nous avons du chômage. C'est ce qu'on appelle la brèche salariale, la brèche fiscale dans les salaires. C'est donc une mauvaise taxe. C'est une taxe régressive.

Je crois qu'il est également méritoire de maintenir l'intégrité du programme d'assurance-chômage. M. Martin et vous-mêmes risquez d'avoir certains ennuis, parce que la prochaine fois qu'il y aura une grave récession et que nous serons à sec, alors vous ne pourrez augmenter les primes, parce que tout le monde dira, eh bien! cette fiction que nous avons, ce système de primes qui change en fonction des déficits ou des excédents, il n'a aucun sens; financez-le à même les revenus généraux. Alors le déficit sera encore plus important qu'il ne l'aurait été autrement.

C'est donc une question très complexe. D'un autre côté, ce qu'on reproche très souvent à la variabilité des primes en fonction des conditions cycliques, c'est qu'elle est procyclique. Voyez-vous, historiquement, lorsque nous avons eu des excédents nous avons également eu un essor et de l'inflation, ce qui se traduisait par une réduction des taxes, et vice versa dans le cas d'un creux.

Par conséquent, l'ensemble du système d'assurance-chômage devrait peut-être être réformé. Mais je crois que si les impôts pouvaient être réduits... Il y a un excédent. Espérons qu'il y a un excédent et que la grippe asiatique ne nous tombera pas dessus.

Le président: Lorsque vous parlez d'impôts, s'agit-il de l'impôt sur le revenu des particuliers?

M. Herbert Grubel: Non, permettez-moi de récapituler. Supposons que nous aurons un excédent. La première chose que j'ai fait valoir, c'est que nous ne devrions pas augmenter les dépenses. Nous devrions affecter un certain montant à la réduction de la dette et le reste à la réduction des impôts.

• 1530

La deuxième question, c'est quel genre de réduction? Je dirais qu'une réduction des charges sociales, pour les raisons que j'ai évoquées, en raison de leur effet sur le chômage, serait une des meilleurs choses à faire. La deuxième serait de réduire le taux élevé d'impôt marginal des personnes à revenu élevé de façon à ce que l'exode des cerveaux à long terme ne soit pas aussi important qu'il l'a été.

La troisième, c'est que nous élargissons les exemptions de base afin que les personnes à faible revenu ne soient pas obligées de payer et les personnes à revenu moyen et les autres auraient davantage de revenu disponible.

M. Dick Harris: Je n'ai qu'une autre question.

Vous avez parlé du revenu par habitant. Le Canada est passé du deuxième rang au onzième. Vous parlez de revenus bruts. Si c'est le cas, je frémis rien qu'à penser où nous en sommes en matière de revenu disponible par habitant étant donné l'augmentation dans notre régime d'impôt. Ou parlez-vous de...?

M. Herbert Grubel: Toute cette affaire est très compliquée.

Je viens de citer John Stewardson qui disait dans le Vancouver Sun d'aujourd'hui que le revenu par habitant du Canada est actuellement inférieur de 30 p. 100 à celui des États-Unis, et au lieu d'être au deuxième rang mondial, nous sommes tombés à la onzième place.

J'en sais tellement sur le sujet qu'il faudrait vraiment beaucoup de temps.

Il ne s'agit en fait que du taux de change actuel. Avant ou après impôt, ou la parité des pouvoirs d'achat, et autres choses du genre. Mais il ne fait aucun doute que peu importe les chiffres, nous tirons de l'arrière. La Suède—j'ai des statistiques précises—était au deuxième ou troisième rang mondial dans les années 60. Elle a fait ce que le Canada a fait, voire davantage. Nous avons imité la Suède, et la Suède se trouve maintenant, au lieu du deuxième rang de l'OCDE, vingtième ou trentième. C'est en deçà de la moyenne de l'OCDE, et je crois que c'est ce qui nous attend.

M. Dick Harris: Une dernière question, Herb.

Je crois que M. Martin ne peut être rien de moins qu'une personne raisonnablement intelligente—j'essayais de formuler cela avec grand soin. Depuis 1993, pourquoi avons-nous non seulement eu des augmentations d'impôt, mais étant donné les preuves historiques et l'expérience d'autres pays...? Le meilleur exemple qui me vienne à l'esprit, c'est l'État du New Jersey, où Christine Todd Whitman faisait campagne pour devenir gouverneur. Ils avaient quelque chose comme 11 ou 12 p. 100 de chômage. C'était terrible. Elle a dit «Je vais immédiatement réduire les impôts là et là», et elle a été élue. L'économie de l'État a complètement changé. Il s'en est suivi que l'État avait l'un des taux de chômage les plus bas, et les recettes du gouvernement ont même augmenté après les réductions d'impôt.

Comment se fait-il que nous soyons demeurés dans ce régime d'impôts élevés sans que quelqu'un—M. Martin—dise...

M. Herbert Grubel: J'ai félicité M. Martin en 1994 en Chambre, ce qui m'a valu une brouille avec le Parti réformiste. Pour la première fois depuis la fin de la guerre, depuis la démobilisation, il a sabré dans les dépenses. Je crois que c'est là une grande réalisation, et on devrait l'en féliciter. Bien sûr, il y a eu beaucoup de délestage au détriment des provinces, mais c'était également nécessaire. Mais il y a également eu un allégement du gouvernement, et je crois que c'est une grande réalisation.

La principale priorité de ce pays était d'éviter la faillite, et on ne pouvait donc se permettre de réduire les impôts. Je crois que c'était un geste prudent, et je vous encouragerais à poursuivre dans ce sens. Ne dépensez pas d'argent que vous n'avez pas. S'il vous faut errer, lorsque ça viendra, réduisez les impôts. N'augmentez pas les dépenses.

Le président: Merci, Herb. Maintenant que vous avez endossé la position de M. Martin, y a-t-il d'autres questions?

M. Dick Harris: Répétez ce que vous avez dit au sujet des réductions d'impôt.

Le président: D'un autre côté, le New Jersey n'est pas le Canada, parce que vous avez préconisé la réduction des impôts et vous n'avez pas formé le gouvernement. Je suppose que son électorat était différent.

• 1535

Monsieur McKay ou monsieur Gallaway. Qui posera la question?

M. Roger Gallaway: J'ai besoin de temps.

M. John McKay: Je serai très bref.

Monsieur Grubel, vos priorités me surprennent. Votre priorité, vous ai-je entendu dire, était de réduire les charges sociales en premier lieu, l'impôt des particuliers en second lieu, et de vous attaquer aux exemptions en troisième lieu. L'ordre était celui-là. Pourtant le Canada a les charges sociales les moins élevées du G7 et notre taux de chômage est toujours assez élevé. J'ai lu ces statistiques et nos charges sociales sont de 6 p. 100 du PIB et celles des États-Unis sont de 7 p. 100 du PIB.

Donc, si l'équation tient, moins les charges sociales sont élevées, moins il y a de chômage, vous vous diriez que ça devrait marcher, mais ça ne marche pas.

M. Herbert Grubel: C'est une question à plusieurs aspects. Je pourrais tout aussi bien dire, regardez où en est l'Europe avec ses très lourdes charges sociales.

M. John McKay: Pourquoi alors ne mettriez-vous pas l'accent sur un impôt personnel avec un écart vraiment grand? Nous sommes à environ 14 p. 100 et les États-Unis environ 10,7 p. 100. Pourquoi ne renversez-vous pas vos priorités pour dire que l'impôt personnel est la principale priorité—en maintenant les dépenses à un niveau constant, ce qui est votre hypothèse sous-jacente ici. Pourquoi n'accordez-vous pas la priorité à cela plutôt qu'aux charges sociales?

M. Herbert Grubel: C'est parce que je suis préoccupé par les conditions du marché du travail, et les conditions du marché du travail sont les suivantes. Écoutez, si demain le bon vieux NPD s'amenait et disait «Nous croyons que gagner 5 $ à travailler chez McDonald n'est pas assez; nous devrions leur donner 15 $ l'heure», et qu'ils introduisent une loi à cet effet, que pensez-vous qu'il arriverait à l'emploi chez McDonald? Certains restaurants McDonald fermeraient. Mais je peux prévoir que quelques années plus tard, ce sont des robots que nous aurions aux cuisines, qui prendraient votre argent, qui prendraient vos commandes, et ainsi de suite. Vous substituez le capital et l'équipement mécanique à la main-d'oeuvre.

Notre problème—le taux élevé de chômage que nous connaissons toujours—est attribuable à ce genre d'ajustements du marché du travail. Nous avons des salaires qui sont si élevés que nous encourageons la substitution du capital à la main-d'oeuvre.

M. John McKay: N'est-ce pas dans une certaine mesure en dehors des compétences du gouvernement?

M. Herbert Grubel: Eh bien, tout ce que je dis...

M. John McKay:

[Note de la rédaction: Inaudible]... ici, c'est la hausse ou la baisse du taux d'imposition, la hausse ou la baisse du taux de l'assurance-emploi, la hausse ou la baisse de ceci ou de cela. À certains égards, nous sommes incapables d'avoir une vue d'ensemble.

M. Herbert Grubel: Monsieur McKay, pour mes étudiants demain j'utiliserai un article écrit par une personne locale ici, un économiste. Il a calculé que si vous gagnez le salaire minimum, vous faites environ 14 000 $. Si vous prenez les charges actuelles imposées par le gouvernement à l'employeur en matière d'assurance-chômage, de régime de retraite, d'indemnisation des accidents du travail, vous atteignez 16 000 $. Je dis que c'est comme l'exemple que j'ai donné des employés de McDonald. Le gouvernement a dit «D'accord, vous n'avez pas à payer seulement 14 000 $ par année, vous devez payer 16 000 $ par année», sauf que l'employé ne le voit pas. Cela signifie que là où c'est possible, les employeurs chercheront des moyens de réduire la main-d'oeuvre.

Ce qui ne veut pas dire que vous avez tort en ce qui touche le revenu et l'effet dissuasif de l'impôt, surtout de l'impôt des sociétés. Ils ont tous des effets néfastes, parce que les gens partent, les gens choisissent de ne pas travailler.

Dans le livre nous racontons que Compas, une firme de recherche, a posé une question hypothétique à des gens: Votre employeur vous aborde et vous dit «J'ai du travail pour vous en fin de semaine et vous recevrez un certain montant d'argent, un belle somme d'argent». Ensuite ils ont demandé à certaines personnes «Mais le taux d'impôt que vous devez payer ne vous en laisse que la moitié». L'autre question disait qu'il n'en reste que le quart, et l'autre plus de la moitié. Les réponses sont claires. Si les impôts sont trop élevés, les gens n'acceptent pas ces emplois. C'est logique.

M. John McKay: Ce que vous dites, c'est qu'ils expriment leur désaccord en tournant les talons.

• 1540

M. Herbert Grubel: C'est exact, ils refuseront simplement les emplois qui leur sont offerts. Par conséquent, nous avons moins de production, moins de revenus fiscaux, nous avons tous ces effets négatifs. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous, toute la structure devrait être changée. Je dois admettre franchement que je ne sais pas vraiment très bien où exactement couper les impôts.

J'ai perdu ma famille; ils sont partis à Los Angeles—tous les plus productifs. J'ai eu cinq enfants de deux mariages. Les deux qui ne sont pas productifs—l'un est déficient mental et l'autre se demande encore quoi faire de sa vie—ils sont ici. Les autres, à qui il ne manque guère qu'une thèse de doctorat, font largement plus de 100 000 $ par année. L'un a une maîtrise en santé publique et l'autre a un diplôme en génie. Ils sont tous partis là-bas. Je ne les y ai pas encouragés. J'aimerais qu'ils soient ici. J'adorerais avoir mes petits-enfants ici. C'est un problème très, très grave.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: Je crois que quelqu'un devrait poser la question évidente lorsqu'un ancien député se présente devant le comité, à savoir pourquoi ont-ils toujours l'air tellement en santé, tellement animé et tellement fringant? Mais je vais passer là-dessus.

M. Herbert Grubel: Roger, votre réponse va de soi. Je suis heureux de vous revoir.

M. Roger Gallaway: Je suis heureux de vous voir.

Je crois que vous avez soulevé quelque chose qui nous dit qu'il n'y a pas de facteur unique qui permettra de résoudre tous nos problèmes. C'est un problème très complexe.

Comme vous le savez, j'habite en Ontario et M. Harris a dit que la réduction des impôts était la seule voie à emprunter. Pourtant j'ai reçu mon compte d'impôts fonciers l'autre jour et il a augmenté de 15 à 20 p. 100. J'ai un fils à l'université et chaque année je vois les frais de scolarité augmenter de 10, 15 ou 20 p. 100. Je ne sais pas ce qu'il fait; j'imagine qu'il n'augmente pas ses dépenses, il ne fait qu'une importante redistribution, redéfinissant les rôles du gouvernement mais sans redéfinir ses dépenses.

Dans votre mémoire vous avez soulevé un point très pertinent et très intéressant. Il me semble que le premier paragraphe, qui traite d'investissements stratégiques et de modifications fiscales, renvoie au fait que nous avons maintenant commencé ce qu'on appelle l'examen des programmes, qu'en fait les dépenses ont diminué; mais maintenant, ce faisant, il nous faut parler de ce qui est nécessaire et de ce qui n'est pas nécessaire dans les programmes du gouvernement. Deuxièmement, nous n'avons pas fait cela lorsque nous avons examiné les programmes, pour des raisons évidentes—c'était une question de temps. Je crois que c'est une observation vraiment intéressante. Ce n'était qu'un commentaire de ma part.

Lorsque vous dites que le chômage est partiellement structurel et partiellement cyclique, je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous dites que les niveaux de syndicalisation sont un des facteurs qui contribuent au chômage structurel. Laissez-moi vous dire que j'ai parlé récemment à un dirigeant de la Compagnie pétrolière impériale qui m'a dit que dans la province de l'Alberta, où en comparaison de l'Ontario il y a de faibles niveaux de syndicalisation, la productivité des travailleurs est épouvantable en comparaison de celle des travailleurs syndiqués de l'Ontario. Ce que je me demande, c'est—et je sais que c'est terriblement anecdotique—si ce sont les niveaux de syndicalisation qui créent le chômage structurel ou y contribuent, ou si c'est quelque chose de beaucoup plus profond ou complexe que ça?

M. Herbert Grubel: Chaque fois que je soulève ces questions je suis accusé d'attaquer les syndicats, mais si vous regardez les États-Unis vous verrez que certains États ont des lois sur le droit au travail. Ils sont simplement plus prospères que les États qui n'ont pas de telles lois. En fait, ils ont pris des comtés voisins où tout était constant—le climat est le même, le niveau d'éducation, la répartition professionnelle, et tout ça—et de ce côté-ci de l'État il y a une loi sur le droit au travail, la croissance économique et le revenu par habitant sont plus élevés qu'ils le sont de l'autre côté.

Il est évident que si vous payez des salaires élevés, vous avez des employés au capital humain plus important, et en un sens les travailleurs qui sont syndiqués et ont obtenu des salaires élevés doivent travailler pour gagner leur revenu car autrement l'entreprise ferait faillite. Ce que vous avez fait, c'est que vous avez peut-être même trop investi en capital humain dans ces professions.

Voici un exposé d'une semaine sur ce que font les syndicats, mais il ne fait aucun doute, si vous parlez à la plupart des employeurs, qu'il faut consacrer beaucoup de temps à transiger avec ces personnes et à élaborer pour eux des règles de travail, qui ne favorisent pas à long terme la productivité de la société.

• 1545

J'aimerais mentionner une chose au sujet de l'enseignement supérieur. Je viens de lire quelque chose dont j'aimerais vous faire part. C'est vraiment fascinant. Pour que les gens investissent dans l'enseignement supérieur ou tout autre genre de formation, il faut que ce soit rentable en bout de ligne. J'ai souvent rencontré des gens qui ont dit «Je suis à l'université depuis quatre ans. J'ai dépensé tant d'argent en frais de scolarité et autres dépenses du genre, mais le pire, c'est que j'aurais pu gagner beaucoup d'argent entre 18 et 22 ans». C'est un investissement. Or, ce qu'il vous faut avoir en retour, c'est un revenu qui soit plus élevé que celui du type qui est allé travailler à 18 ans, afin que l'enseignement supérieur soit suffisamment rentable. Voyez-vous ce que je veux dire?

Aux États-Unis les frais de scolarité universitaire sont beaucoup plus élevés. Même les universités d'État ont des frais de scolarité supérieurs aux nôtres, et c'est certainement le cas des universités privées. Par conséquent, pour inciter les jeunes à aller à l'université, ils doivent payer en bout de ligne un salaire suffisamment élevé pour compenser les coûts de l'enseignement supérieur.

Au Canada nous avons choisi l'autre voie. Nous avons des frais de scolarité peu élevés et d'autres subventions pour les étudiants. Par conséquent, nous pensions que nous pouvions nous permettre une société plus égalitaire à la fin, parce que les salaires qu'il faut payer aux gens qui ont investi beaucoup moins pourraient être moins élevés. Si nous avions une économie fermée et qu'il n'y avait pas de migration, ce serait très bien, et nous n'aurions pas les grandes différences qu'ont les Américains. Ce que nous faisons, c'est que nous subventionnons les gens pour qu'ils obtiennent une éducation supérieure dans ce pays, et donc lorsqu'ils sortent, ils peuvent avoir des salaires qui sont beaucoup moins élevés. Et ce serait bien s'ils restaient ici, parce qu'ils ont été subventionnés. Mais nous vivons dans un monde dans lequel les gens peuvent se déplacer, alors ils vont aux États-Unis et réalisent un immense gain en capital.

J'aimerais suggérer que ce dont parlaient ces gens ici devrait être vu dans le contexte suivant, à savoir qu'à moins que nous puissions changer la façon dont les Américains font les choses ou empêchent les gens de tirer profit de ce gain en capital, ces gens profiteront du système différent qu'ils ont de l'autre côté.

M. Roger Gallaway: Merci. Je vous dirais que l'exception à cette règle, c'est un diplôme en théologie. De toute façon, merci.

Le président: Madame Bennett, avez-vous une dernière question?

Mme Carolyn Bennett: Sur ce point précis, votre exemple des chirurgiens plasticiens n'est pas valable, parce que les chirurgiens en esthétique de ce pays peuvent établir les tarifs qu'ils veulent. En fait, ils ont établi des tarifs peu élevés, et beaucoup d'Américains viennent ici pour faire faire le travail. En ce qui touche notre système de santé, je ne vois pas comment vous pouvez utiliser l'exemple d'une chose qui est en dehors du système.

Je ne comprends pas non plus, dans le contexte de l'ensemble du paysage économique, comment vous pouvez dire que notre taux de mortalité ne change pas, alors on peut tout de suite dire à cette infirmière de l'unité de soins néonatals, qui sait que ces bébés meurent parce que les lits sont trop près les uns des autres et qu'ils s'infectent mutuellement et meurent, nous n'allons pas dépenser plus d'argent dans la santé parce que dans l'ensemble, il vaut mieux que le gouvernement dépense moins d'argent.

Notre plate-forme électorale prévoyait que nous réinjections 50 p. 100 dans les programmes, et nous avons gagné. Nous sommes donc tenus de le faire.

J'estime qu'il est très difficile de dire aux gens dans les urgences et à ceux qui attendent un traitement de chimiothérapie que le gouvernement ne devrait pas dépenser davantage d'argent.

M. Herbert Grubel: Je suis d'accord. Mais je pense que notre système a aussi besoin de changements structurels. Je crois que c'est une erreur fondamentale de dire—et j'ai publié des articles sur ce sujet dans le Medical Post—que peu importe ce que vous voulez et ce dont vous avez besoin, le voici gratuitement. Si vous offrez quelque chose gratuitement, vous aurez une demande excessive. Je crois que nous devrions avoir la coassurance, et plus tôt nous nous y tournerons...

• 1550

Mme Carolyn Bennett: Il nous faut de la recherche sur ce qui marche et sur ce qui ne marche pas. Nous savons que la participation aux coûts est mauvaise pour les gens, parce que si quelqu'un n'a pas les moyens de payer, il ne fait pas remplir son ordonnance et se retrouve aux soins intensifs trois jours plus tard. Nous avons de bonnes recherches qui montrent que ce genre de dissuasion coûte de l'argent au gouvernement.

Je pense donc que nous devrions affecter quelque argent au cadre de responsabilité dans notre système de soins de santé. Cela va nous coûter de l'argent parce que nous n'en avons pas maintenant, et nous ne pouvons déterminer où sont les dédoublements et les lacunes à moins de pouvoir mesurer, et nous ne pouvons mesurer à moins de dépenser de l'argent sur une infrastructure de technologie de l'information.

M. Herbert Grubel: Je crois que nous ne serons pas d'accord sur ces sujets, parce que mes preuves empiriques d'expériences menées partout dans le monde où les gens doivent payer un montant minimum, ou même à qui l'on donne de l'argent et l'on dit, «Maintenant faites ce que vous voulez», montrent clairement que les résultats ne changent pas mais qu'on réalise de grandes économies. Mais nous avons des preuves différentes sur ces sujets.

Je voudrais dire, à propos de la non-pertinence que vous avez suggérée au sujet de ce chirurgien plasticien, que mon épouse est médecin. Elle a une méthode pour aider les gens à cesser de fumer, mais le gouvernement a décidé que les thérapies antitabac ne sont pas couvertes par le régime de soins de santé. Par conséquent, afin de récupérer les coûts qu'elle encourt dans cette pratique—elle connaît beaucoup de succès depuis longtemps; elle utilise une médication spéciale—elle doit facturer. Les gens se présentent et disent, «Je meurs; mon médecin dit que je dois faire ceci et cela». Ensuite lorsqu'on leur dit qu'ils devront payer, ils disent, «Merci beaucoup, mais le gouvernement va prendre soin de moi de toute façon». Ainsi, ce qu'elle peut facturer dépend de ce que le secteur public offre gratuitement.

La société entière, et le système lui-même, ne s'en porterait que mieux si les mesures incitatives étaient différentes. Ce sont les mauvaises mesures incitatives.

La raison...

Mme Carolyn Bennett: Je crois que l'autre réponse à cette question, c'est que le gouvernement devrait dépenser davantage dans des programmes antitabac...

M. Herbert Grubel: Ce pourrait très bien être le cas.

Mme Carolyn Bennett: ... parce que finalement nous ferions des économies sur les unités de soins intensifs où 40 000 personnes par année meurent de maladies reliées au tabac.

M. Herbert Grubel: Je suis d'accord, mais il y a tous ces intérêts qui s'affrontent et autres usages dont vous parliez.

Mme Carolyn Bennett: La participation aux coûts ne réglera pas ce problème.

M. Herbert Grubel: Je vous enverrai la documentation sur le succès qu'elle connaît.

Mme Carolyn Bennett: L'adolescente enceinte ne paiera pas pour aller à son rendez-vous prénatal et finira aux soins intensifs avec un bébé de 25 semaines. Nous savons que c'est ce qui se passe si nous demandons aux adolescentes enceintes de payer leur rendez-vous prénataux.

M. Herbert Grubel: Avec tout le respect que je vous dois, j'ai eu cette discussion lorsque je faisais partie du Comité des finances, avec des médecins et tous les autres.

C'est là un mythe urbain. Il n'y a aucune preuve de cela. Je me souviens que dans les années 70, la sagesse traditionnelle voulait que tous les six mois ou tous les ans, nous devions avoir un examen médical complet parce que cela ferait exactement ce que vous dites. Cela préviendrait ce qui pourrait être une petite difficulté de devenir une difficulté vraiment grave, voyez-vous? C'est le dépistage précoce des maladies. N'est-ce pas merveilleux? Ainsi, si tout le monde a un examen complet régulièrement, nous finissons par faire des économies.

Qu'est-ce que s'est passé?

Mme Carolyn Bennett: Je dois vous dire qu'il y a de bonnes preuves qui montrent qu'un examen annuel ou faire exactement ce qu'il faut pour cette décennie est une bonne chose, et que consacrer un peu de temps à la prévention chaque année est une bonne chose. Mais accabler les gens et effectuer de nombreux examens inutiles, sans responsabilité aucune, est une mauvaise chose.

Vous ne pouvez pas mettre ces deux choses dans la même catégorie comme un économiste, parce vous parlez à quelqu'un qui a passé beaucoup de temps dans ce mythe urbain du visage froid du système de soins de santé. Me faire dire que quelqu'un n'a besoin d'un frottis vaginal que tous les cinq ans... lorsqu'on voit que le frottis vaginal d'une personne a changé en un an, qu'elle meurt ensuite, ce n'est pas une bonne chose. Les moyennes ne marchent pas dans les soins de santé, parce que les gens ne sont pas de simples objets, d'accord?

• 1555

Prof. Herbert Grubel: Tout ce que je voulais dire, c'est que nous n'avons plus de ces examens universels et complets, et la raison pour laquelle nous n'en avons plus est que, après analyse rigoureuse, nous nous sommes aperçus que les coûts étaient trop élevés par rapport aux avantages retirés. Je suggère que, de bien des façons, l'idée selon laquelle les gens qui souffrent ne consultent pas parce qu'ils veulent économiser de l'argent est aussi soumise à des vérifications empiriques. J'accepte votre expertise, et j'en tiendrai compte, je considère que vous vous trouvez du côté des personnes qui sont convaincues que seul l'accès à une assurance-santé complètement gratuite convient au pays et que ce type de régime nous permettra d'économiser de l'argent. Je voudrais vous fournir, si vous le permettez, d'autres preuves comme quoi c'est faux. Il y a des cas où cela a été fait...

Mme Carolyn Bennett: Je veux que l'on se montre responsable et que l'on s'appuie sur des faits. C'est tout ce que je veux: des faits.

Prof. Herbert Grubel: Je vous demande pardon, que voulez-vous dire par responsable?

Mme Carolyn Bennett: Nous devrions conserver les choses qui marchent bien, et rejeter celles qui ne fonctionnent plus. Nous devons aussi faire en sorte que tout le monde ait des vérifications et que des vérifications servent à étayer les décisions.

Prof. Herbert Grubel: Absolument. Comme chacun d'entre nous, vous préférez vous placer du côté de la vertu.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur Grubel, je vous remercie beaucoup. Le comité doit vous manquer.

Prof. Herbert Grubel: Oui, effectivement. Je pense que ce fut l'une des expériences les plus intéressantes de toute ma vie. Les experts qui viennent témoigner devant nous sur divers sujets comptent parmi les meilleurs du pays. Il s'agit d'une occasion unique d'apprendre toutes sortes de choses. Bien entendu, certains mettent votre patience à rude épreuve, en particulier les groupes d'intérêt, mais même cela était très intéressant pour moi.

Je n'oublierai jamais l'un des épisodes de cette période. Pour la première fois de ma vie, je me suis retrouvé dans les provinces Atlantiques et j'ai demandé à un homme qui voulait obtenir des prestations d'assurance-emploi et d'aide sociale plus élevées: «pourriez-vous, s'il vous plaît, m'expliquer comment les pêcheurs et les autres travailleurs saisonniers des provinces atlantiques faisaient avant l'invention de l'assurance-emploi? Comment vivaient-ils? Comment pouvaient-ils passer à travers des périodes où il n'y avait pas de poisson à pêcher, ou lorsque l'océan était trop agité?» Il a répondu: «Nous allions travailler en forêt, et plusieurs d'entre nous se rendaient à Montréal pour y trouver du travail.»

L'été suivant, j'ai rencontré quelqu'un au Québec—ma femme est du Québec—qui m'a confié qu'elle avait vécu une expérience assez terrible. Elle possédait une maison de vacances à l'Île-du-Prince-Édouard et ses enfants—elle et son mari sont des professionnels—adoraient la gardienne qu'ils avaient là-bas. Donc cette femme a offert à la gardienne de venir dans sa maison de Montréal, avec un bon salaire, de bons congés, de très bonnes conditions finalement elle lui a donc offert de venir prendre soin de ses enfants qui l'aimaient beaucoup durant l'hiver. La gardienne a d'abord dit qu'elle était d'accord. Deux semaines plus tard elle a rappelé et elle a déclaré finalement que cela n'en valait pas la peine parce que le supplément de revenus qu'elle retirerait par rapport aux prestations d'assurance-chômage n'était pas suffisant pour justifier le déplacement.

Le président: Est-ce que la raison donnée était l'assurance-emploi?

Prof. Herbert Grubel: Oui, c'est bien cela, M. Axworthy l'a dit lui-même—et je n'arrivais pas à le croire—dans une entrevue. Les petites entreprises, qui sont les principales créatrices d'emploi dans le monde, comme nous le savons... Il a dit, et officiellement, que la raison pour laquelle les petites entreprises du Canada Atlantique ne connaissaient pas une expansion suffisante pour endiguer le chômage était le fait que les salaires offerts n'arrivaient pas à concurrencer les sommes offertes dans le cadre des programmes de subventions de notre régime d'assurance sociale.

Le président: Oui, particulièrement durant les années où les salaires dans l'industrie étaient au-dessus de la moyenne. Il y avait des employeurs qui cherchaient du personnel et l'un des leurs principaux concurrents était en fait le système d'assurance-chômage de l'époque.

Puisque vous vous préoccupez de ce que les gens disent officiellement, j'aimerais pouvoir vous citer. Si vous étiez le ministre des Finances seulement pour une seconde, et si vous disposiez d'un surplus budgétaire de cinq à huit milliards de dollars cette année, comment le répartiriez-vous?

Prof. Herbert Grubel: Je pense que pour préserver l'intégrité du programme d'assurance-emploi, et pour empêcher que l'on ouvre cette boîte de Pandore qui entraînera de sérieuses difficultés dans le futur lorsque nous aurons une récession... Parce qu'à ce moment-là les exigences seront: «Oh, ces sommes sont tirées des recettes générales, alors soyons aussi généreux que nous le pouvons; essayons de gagner les prochaines élections en nous montrant généreux.» C'est la raison pour laquelle je pense qu'il serait préférable d'utiliser plutôt des réductions dans les cotisations à l'assurance-emploi.

• 1600

La deuxième raison pour laquelle je fais cette recommandation, est qu'il s'agit d'une charge sociale, et étant donné que ces charges sociales vont s'élever en même temps que les cotisations au RPC dans quelques années, il sera très utile de pouvoir maintenir les salaires, tels que doivent verser les employeurs, aussi bas que possible.

Le président: Qu'est-il arrivé à votre réduction de la dette?

Prof. Herbert Grubel: Pour ce qui est de la réduction de la dette, je pense qu'une somme de deux à trois milliards de dollars par année, si les choses continuent de bien aller, à partir de la Réserve pour éventualités constituerait un bon pas en avant. Je pense que la réduction de la dette est une priorité d'après les sondages de l'opinion publique mais, pour le pays dans son ensemble, à mon avis, la réduction de la dette pourrait se faire très efficacement et très rapidement par la croissance économique.

Le président: Aidez-moi à comprendre ceci. J'ai dit entre 5 et 8 milliards de dollars de surplus. Êtes-vous en train de me dire que ces 3 milliards sont inclus oui ou non?

Prof. Herbert Grubel: Eh bien, vous savez comment M. Martin a réglé cette question.

Le président: Je sais comment M. Martin procède; ce que j'aimerais savoir c'est comment vous procéderiez. C'est ce que je suis en train de vous demander. Je lui demanderai à lui lorsque je le verrai.

Prof. Herbert Grubel: Non, j'essaie tout simplement de... Bon laissez tomber. Mon argument principal est qu'il me semble que prendre de l'argent à même les recettes courantes pour rembourser la dette ne devrait pas être une priorité aussi élevée que le suggèrent les sondages de l'opinion publique. Je vous le dis en tant qu'économiste.

Dans la brochure que je vous transmettrai dès qu'elle sera publiée, j'ai procédé à des simulations qui montrent que même si nous ne remboursons pas la dette, nous obtiendrons malgré tout grâce à la croissance économique, et même avec un taux d'inflation de 1,5 p. 100, une réduction très significative du fardeau réel de la dette—mesures de dissuasion, exigences fiscales et ainsi de suite. La dette représenterait un pourcentage de plus en plus faible du PIB et elle continuerait de diminuer très rapidement.

Le président: Donc, vous êtes en train de nous dire que, grâce à la croissance économique, nous pourrions réduire la dette sans avoir à injecter de l'argent?

Prof. Herbert Grubel: C'est exact.

Le président: As-tu entendu ça, Dick?

M. Dick Harris: Je voudrais bien lire la façon dont vous avez expliqué cela.

Prof. Herbert Grubel: Le remboursement de 3 milliards de dollars par année aidera aussi.

Le président: Donc vous nous dites que sur une somme de 5 à 8 milliards de dollars... Désirez-vous conserver la Réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars ou non? C'est tout ce que j'ai à vous demander.

Prof. Herbert Grubel: Oui, c'est bien cela.

Le président: Alors dites-vous oui ou non?

Prof. Herbert Grubel: Non, non je veux la conserver.

Le président: Donc, vous voulez la conserver.

Prof. Herbert Grubel: Chaque année, et il est à espérer que nous demeurerons conservateurs dans nos prévisions, que nous continuerons d'avoir un surplus et que nous pourrons contribuer à la réduction de la dette.

Le président: Dites-moi, vous êtes préoccupé à l'idée que nos jeunes quittent le pays et vous voulez malgré tout que le revenu personnel soit réduit. Comment allez-vous réaliser tout cela avec 8 milliards de dollars?

Prof. Herbert Grubel: Je ne pense y arriver. Je sais qu'il s'agit d'un problème difficile. Mais une grande partie de la solution est une question de perception. Si M. Martin, lors de sa prochaine conférence, pouvait dire: «Nous avons fini par comprendre que nous devons nous doter d'un impôt sur le revenu des particuliers et d'une structure d'impôt sur le revenu des sociétés concurrentielles et voici notre premier versement; voici ce que je vais faire...», et ensuite il s'agira tout simplement de... Il a eu énormément de succès lorsqu'il a dit: «nous allons éliminer le déficit, advienne que pourra.» Ce serait un peu la même chose s'il s'était engagé en disant:«nous voulons rétablir la concurrence et la croissance de notre économie afin de nous remettre en selle.»

Le président: Vous êtes un économiste et, par conséquent, vous êtes préoccupé au sujet de la croissance économique, ai-je raison?

M. Herbert Grubel: Oui, absolument.

Le président: Les réductions d'impôt au niveau des particuliers ont un effet multiplicateur plus élevé par rapport à la croissance économique parce que les gens qui bénéficient des réductions de taxes dépensent leur argent sur-le-champ.

Prof. Herbert Grubel: Vous parlez de cette théorie keynésienne selon laquelle la croissance économique, et particulièrement le chômage, est une fonction qui consiste à stimuler la demande, et cette théorie a été largement discréditée. C'est une vérité à court terme. Ce dont nous avons besoin, c'est de la confiance. Nous avons connu une reprise assez extraordinaire, et c'est parce que les gens ont retrouvé la confiance, parce qu'ils ne pensent pas que le pays va faire faillite. C'est à ce moment-là que les gens recommencent à dépenser.

• 1605

Oh oui, j'ai oublié de mentionner les gains en capital.

Le président: N'abordons pas ce sujet. Restons-en à celui-ci...

Prof. Herbert Grubel: Je vais vous dire une chose. C'est absolument essentiel. Aux États-Unis, les gens n'épargnent pas. Tout l'argent qu'ils gagnent, ils le dépensent. Pourquoi? C'est tout simplement parce qu'ils se sentent beaucoup plus riches ainsi. Pourquoi se sentent-ils plus riches? C'est en raison de la vague de prospérité sur le marché des actions. Ai-je raison?

Maintenant, vous prenez une augmentation inattendue des gains d'une société au Canada et aux États-Unis. Combien êtes-vous prêts à payer pour la valeur présente de ce flux additionnel de revenus? Eh bien, cela dépend si, d'ici cinq ans, vous devez vendre des actions, si vous devrez payer 20 ou 50 pour 100 d'impôt sur les gains en capital...

Donc, pourquoi le marché boursier canadien a-t-il eu un rendement de moitié par rapport à celui des États-Unis? C'est à cause de l'impôt sur les gains en capital. Si nous pouvions obtenir des impôts moins élevés sur les gains en capital, cela se traduirait par des prix plus élevés sur le marché boursier, et vous obtiendriez plus de dépenses et c'est exactement cet effet keynésien dont vous parliez, et qui effacerait tout ce que vous pourriez faire sur le plan du taux d'imposition personnel pour ce qui est d'encourager les gens à dépenser.

J'ai l'intention d'organiser une conférence sur ce sujet.

Le président: Quel montant de réduction d'impôt est nécessaire pour obtenir le même impact que vous obtiendriez en révisant les taux d'intérêt de 1 p. 100?

Prof. Herbert Grubel: Je ne sais pas. Je suis désolé.

Le président: J'ai entendu que le montant se situe entre 5 et 10 milliards de dollars. Est-ce vrai?

Prof. Herbert Grubel: Si vous l'avez entendu d'une source fiable, je pense que c'est vrai. Mais, pour ma part, je n'en sais rien, c'est difficile à dire.

Le président: Consacrer 3 milliards de dollars à la réduction de la dette... Et je suis d'accord avec votre analyse, soit dit en passant, que vous devriez réduire la dette par la croissance économique. Cependant, cela donne un signal au marché selon lequel le gouvernement est très sérieux en ce qui concerne la réduction de la dette. Cette approche parle aussi de la question de confiance que vous mentionniez un peu plus tôt. Donc, en termes réels, 3 milliards de dollars n'est pas si énorme, et l'on devrait accepter cela...

Prof. Herbert Grubel: Oui, en effet.

Le président: ... Mais, à mon avis, le signal est un signal très puissant.

Prof. Herbert Grubel: Je suis d'accord.

Le président: Et la relation qui existe entre la dette et le taux d'intérêt est aussi réellement le facteur dont nous pouvons tirer les plus grands avantages.

Prof. Herbert Grubel: Oui, je suis d'accord, mais je ne pense pas que vous verrez jamais le taux d'intérêt descendre beaucoup plus bas que celui des États-Unis. Il n'y a rien que nous puissions faire. Et cela s'explique par le fait qu'il y aura toujours une prime de risque de change. Si vous étiez un investisseur aux États-Unis ou même un investisseur au Canada, vous devriez tenir compte d'une distribution de la probabilité selon laquelle, dans le futur, vous pourriez perdre une partie de votre investissement en raison de la dépréciation du taux de change. Vous devriez être compensés pour cela, que la situation se vérifie ou non.

Cela serait, soit dit en passant, l'un des grands avantages d'avoir une monnaie commune avec les États-Unis. Mais je ne voudrais pas que ce soit le dollar américain, je préférerais que ce soit le dollar nord-américain. Cette prime disparaîtrait et nous obtiendrions des taux d'intérêt beaucoup plus bas. Mais je ne pense pas que ce soit en notre pouvoir d'abaisser les taux d'intérêt à long terme...

Le président: Au nom du comité, j'aimerais vous remercier et aussi attirer votre attention sur le fait que vous excellez toujours dans les débats. En fait, vous n'avez pas répondu à ma dernière question lorsque je vous demandais ce que vous feriez avec vos 5 à 8 milliards de dollars, mais vous vous en êtes bien tiré. Je vous remercie beaucoup.

La séance est levée jusqu'à 14 heures.

• 1609




• 1703

Le président: Nous reprenons la séance et je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici cet après-midi.

Nous aurons le plaisir d'accueillir de la B.C. Federation of Labour, M. Phillip Legg, directeur; du British Columbia and Yukon Territory Building and Construction Trades Council, M. Joe Barrett, chercheur; du Centre canadien de politiques alternatives, M. Seth Klein, directeur; du Syndicat des employés d'hôpitaux, M. Fred Muzin, président; de la Vancouver Board of Trade, M. John Hansen, économiste en chef ainsi que Richard Fraser, vice-président, développement de l'entreprise et des projets.

Comme vous le savez, parce qu'il me semble que plusieurs visages me sont familiers depuis la consultation préalable au budget de l'année dernière, vous disposez d'environ cinq à sept minutes pour faire vos observations préliminaires, et ensuite nous passerons à une période de questions. Bien entendu, nous faisons preuve d'une certaine souplesse dans le minutage.

Nous allons commencer avec M. Phillip Legg de la B.C. Federation of Labour. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Phillip Legg (directeur, British Columbia Federation of Labour): Bon après-midi à tous. La Fédération est heureuse de voir cette occasion de rencontrer le Comité permanent des finances. C'est une occasion pour le gouvernement non seulement de recueillir un éventail de perspectives politiques en ce qui concerne les questions fiscales et monétaires importantes, mais aussi de s'assurer qu'il y a un équilibre entre les perspectives régionales incluses dans cette consultation.

• 1705

La B.C. Federation of Labour représente plus de 450 000 travailleurs et travailleuses de la province. Ses membres se retrouvent à la fois dans les secteurs public et privé et dans diverses régions.

Dans nos commentaires de cet après-midi, nous allons insister sur quatre points que votre comité devrait considérer durant la consultation prébudgétaire. Ce sont des questions importantes, non seulement en ce qui a trait à la mise en oeuvre de programmes publics efficaces, mais aussi pour ce qui est de garantir une croissance durable et équilibrée de notre économie.

Le premier point porte sur le surplus croissant dans le fonds de l'AE. Ce surplus existe parce que les protections pour les sans-emploi n'existent plus elles-mêmes. Aujourd'hui, moins de 40 p. 100 des chômeurs reçoivent des prestations d'assurance-emploi, ce qui représente une baisse de près de 90 p. 100 par rapport à il y a dix ans. Pour ce qui est des prestations, les versements ont chuté d'environ 4,2 milliards de dollars depuis 1995, même si le nombre de sans-emploi est demeuré relativement constant à environ 1,42 millions de Canadiens.

Il est important de se rappeler dans quel contexte l'assurance-chômage est devenue l'assurance-emploi. La majorité de la communauté des affaires a longtemps affirmé, mais ce n'était pas l'apanage exclusif de ce groupe, que le système d'assurance-chômage était trop généreux. L'argument avancé reposait clairement sur le principe que le chômage était volontaire et qu'en réduisant les protections aux travailleurs, ceux-ci trouveraient plus facilement du travail. En effet, ce fut une prescription politique qui endossait implicitement l'idée selon laquelle en rendant les chômeurs plus désespérés et un peu plus vulnérables on contribuerait à réduire le chômage dans l'ensemble. La réalité dans nos collectivités est quelque peu différente de cette prescription.

En éliminant l'assurance-chômage et en la remplaçant par l'assurance-emploi, on n'a réussi qu'à faire en sorte que les chômeurs soient encore moins protégés qu'ils ne l'étaient auparavant. Le surplus qui s'est développé dans l'intervalle est davantage un testament découlant des nouvelles privations qu'un le reflet d'une certaine amélioration sous-jacente dans les perspectives d'emploi. Si l'assurance-emploi est une expérience, c'est une expérience qui a échoué lamentablement. S'il doit y avoir un débat concernant ce que l'on devra faire avec le surplus existant, la priorité devrait être accordée à l'amélioration des prestations et de la protection de ceux dont les privations sont essentiellement à l'origine de ce surplus.

Le mouvement des travailleurs se tient prêt à envisager une réduction des cotisations seulement une fois que l'on aura réglé la question de la protection et des prestations. Il convient même que, si les préoccupations concernant les changements apportés à l'assurance-emploi n'ont pas entraîné un tollé de protestations à l'époque, c'est simplement parce que les gens n'avaient pas encore compris l'ampleur et la portée de ces changements. Les travailleurs dans le secteur des ressources, par exemple, savent désormais quels sont les effets de ces changements. Il y a des frustrations et du ressentiment qui s'accumulent dans ces collectivités, et il ne faudrait pas les sous-estimer.

Le deuxième point sur lequel j'aimerais insister est la nécessité d'améliorer le financement des soins de santé. Les coupures dans les transferts fédéraux au cours des quatre dernières années ont eu un impact majeur sur la viabilité des soins de santé au Canada. Cette situation place le Canada de plus en plus près d'un système de santé du style américain dans lequel l'accessibilité et la protection sont fonction du revenu. Plus vous êtes à l'aise financièrement, et meilleurs seront les soins de santé que vous pourrez vous offrir.

C'est un concept que les Canadiens rejettent dans les sondages auprès des et qu'ils rejettent sans aucune hésitation. Il existe une menace réelle qui se concrétisera, si le financement fédéral des soins de santé n'est pas rétabli. Fred Muzin vous décrira en détail les répercussions de ces coupures sur les soins de santé, et tout particulièrement ici en Colombie-Britannique. Aussi je vais lui laisser le soin de traiter ce point plus en détails. Il est clair qu'en continuant de passer cette question sous silence, les problèmes des soins de santé ne feront qu'empirer.

Les deux derniers points dont j'aimerais vous entretenir concernent la politique monétaire et le contrôle des capitaux. Le mouvement des travailleurs s'est longtemps opposé à l'obsession de la Banque du Canada et du ministère des Finances pour le contrôle de l'inflation. C'est une obsession qui a été poussée à l'extrême sous le gouverneur de la Banque John Crow, du milieu des années 80 jusqu'à la fin. Sa vision de la façon de juguler l'inflation à tout prix a entraîné un énorme mouvement de ressac économique au Canada lorsqu'il nous a entraînés dans une récession au début des années 90 qui a littéralement balayé des milliers d'emplois.

Même si M. Crow a été remplacé à la tête de la Banque du Canada, le parti pris politique quant à lui n'est pas disparu. Nous avons toujours, par exemple, une politique monétaire qui menace d'augmenter les taux d'intérêt et de ralentir la croissance économique si le chômage descend en dessous de la plage des 8 p. 100. Dans l'optique de la Banque, c'est donnant-donnant.

• 1710

Les chômeurs sont effectivement devenus les amortisseurs de notre économie, notre rempart contre l'inflation. C'est une stratégie perverse qui force les plus vulnérables de notre économie à absorber tout l'écart. C'est aussi une stratégie qui force notre économie à mal se comporter de façon chronique. Nous pensons que le moment est venu de réévaluer les mérites de cette approche de la Banque du Canada visant à contrôler l'inflation. C'est un choix politique qui pénalise les travailleurs de façon disproportionnée et qui se maintient grâce à leurs privations.

Durant les mois d'été, nous avons eu l'occasion de voir la politique monétaire bifurquer une fois de plus dans la mauvaise direction. Après des mois de résistance afin de soutenir le dollar canadien en élevant les taux d'intérêt, la Banque a réagi à la fin du mois d'août et a repoussé les taux à court terme d'un point de pourcentage complet. Dans des régions comme la Colombie-Britannique, où les exportations sont d'une importance critique, cette décision n'était pas très bien inspirée. Une fois encore, nous remettons en question la valeur d'une politique monétaire qui accorde trop de poids à sa priorité qui consiste à contrôler l'inflation.

Si les problèmes liés au taux de change durant les mois d'été et les diverses paniques financières à l'échelle internationale de l'année écoulée ont une signification, c'est bien celle-ci que le flot de plus en plus non réglementé de capitaux à l'échelle internationale a un énorme effet déstabilisant sur les économies nationales. La déréglementation financière ne fait qu'accélérer ce problème de même que les autres accords internationaux comme l'Accord multilatéral sur les investissements proposé, l'AMI. Une réglementation vigoureuse et efficace est le seul moyen de protéger les économies contre les spéculations excessives qui sont devenues beaucoup trop monnaie courante dans notre économie mondiale.

Le Canada a un intérêt direct dans l'établissement d'accords internationaux qui limiteraient ces spéculations excessives. Nous devons nous faire les défenseurs de ces types d'accords et le faire d'une manière qui garantisse une croissance durable à long terme. C'est une attitude que nous devons traduire dans nos gestes et non seulement en paroles.

En résumé, vos consultations prébudgétaires doivent envisager un large éventail de nouvelles politiques fiscales et monétaires conçues pour remettre l'économie canadienne sur ses rails. Il s'agit d'un objectif que tous les Canadiens appuient et c'est également un but que votre comité peut endosser et faciliter.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Legg. J'aimerais aussi remercier la B.C. Federation of Labour pour sa contribution à la consultation prébudgétaire.

Nous entendrons maintenant M. Joe Barrett, de la British Columbia and Yukon Territory Building and Construction Trades Council.

Bienvenue monsieur Barrett.

M. Joe Barrett (British Columbia and Yukon Territory Building and Construction Trades Council): Je tiens à remercier le comité de nous donner la possibilité de faire une présentation.

Le Building and Construction Trade Council représente 48 000 travailleurs des métiers de la construction de la province et du territoire du Yukon. Nos membres sont particulièrement affectés par la question de l'assurance-chômage, question que j'aborderai dans une seconde. Notre industrie est de nature cyclique et non saisonnière. Nous sommes largement en mesure de travailler au beau milieu de l'hiver du moment que les conditions économiques sont clémentes.

L'un des gros problèmes actuels, selon nous, tient à l'acceptation d'un taux de chômage élevé constant. Nous avons affiché un taux de chômage de plus de 9 p. 100 depuis quatre ou cinq ans. Et ce taux élevé existe en dépit du nombre de personnes qui ont véritablement quitté le marché du travail simplement parce qu'elles sont désormais des travailleurs autonomes ou parce qu'elles ne sont plus comptées au sein de la population active parce qu'elles sont sans travail depuis trop longtemps. Il en résulte une pauvreté de plus en plus répandue. Nous pouvons le voir dans les rues de nos villes, d'un littoral à l'autre. Depuis 1989, la pauvreté s'est accrue d'environ 40 p. 100 au pays, et cela inclut non seulement ceux qui sont désignés comme vivant sous le seuil de la pauvreté; dans la classe moyenne les attentes sont à la baisse.

Une étude récente montre qu'en 1989, 13 p. 100 de la population avait le sentiment de n'avoir pas aussi bien réussi que ses parents à la même époque de leur existence. Aujourd'hui, ce chiffre se rapproche de 40 p. 100. Nous connaissons tous cette étude récente des Nations Unies qui démontre que le Canada a chuté à la dixième place dans le monde pour ce qui est de la distribution du revenu à l'intérieur du pays. Nous pourrions nous classer à un bien meilleur rang pour ce qui est du niveau de vie général, mais la disparité des revenus dans le pays s'est réellement accrue.

• 1715

J'aimerais faire un rapide commentaire concernant ces accords commerciaux. Ces accords ont été largement diffusés au moment où ils sont entrés en vigueur, mais depuis qu'ils sont en place nous n'avons pas observé de grandes améliorations dans les investissements au pays. En fait, si mes chiffres sont exacts, entre 1995 et 1996, il y a eu une très légère augmentation de 10,9 milliards à 11,3 milliards de dollars en investissements directs étrangers, et depuis ces années, nous constatons de plus en plus que l'argent est investi à l'extérieur du pays. Donc, ces accords se traduisent par une perte nette pour le Canada.

Maintenant, cette assurance-emploi—ou plutôt assurance-chômage comme la plupart des gens l'appellent toujours—affecte vraiment notre industrie. En l'espace de deux ans—et nous ne reculons pas de dix ans, seulement de deux ans—le taux d'admissibilité est passé de 80 p. 100 à 40 p. 100. C'est pourquoi nous pouvons constater cet énorme surplus dans la caisse de l'assurance-emploi. Encore une fois, cet argent était destiné aux travailleurs, et non à être détourné comme il l'est présentement. Cet argent n'était pas destiné à d'autres fins. Nous constatons que 6 milliards de dollars ont déjà été retirés de la caisse et que la cible du déficit n'aurait pas été atteinte si ce n'avait été de cette somme de 6 milliards de dollars que le ministère des Finances s'est appropriée l'année dernière.

Nous sommes très inquiets au sujet des paiements de transfert. Encore une fois, Fred Muzin aura quelque chose à vous dire à ce sujet. Mais, rien qu'en Colombie-Britannique, depuis 1981, 8 milliards de dollars est la somme que l'on a demandé à la province de fournir pour financer son régime d'assurance-santé provincial et je sais que toutes les provinces doivent subir les mêmes restrictions budgétaires de la part d'Ottawa.

Nous vivons une période de récession. Nous nous préparons à vivre dans des temps très difficiles. Le moment est venu pour le gouvernement fédéral d'aider les municipalités et les provinces, au niveau des travaux d'infrastructure sous la forme de routes, d'égouts, de canalisations d'alimentation en eau et de développement portuaire. S'il y a un moment où nous avons besoin d'aide, c'est bien maintenant.

J'aimerais faire un commentaire final concernant l'économie souterraine, particulièrement dans le secteur de la construction. Une étude récente réalisée par Revenu Canada, le ministère des Finances et Statistique Canada a avancé le chiffre de 160 milliards de dollars par année qui échappent à l'imposition sur le revenu dans ce pays. Une grande partie de cette situation s'explique parce que les marchés viennent tout juste d'être complètement ouverts. Nous entrons dans une époque de marchés non structurés et impitoyables.

Nos demandons au gouvernement fédéral de rediriger certaines de ses propres politiques. Il existe actuellement dans les carnets du gouvernement fédéral une politique des salaires courants ou des justes salaires, mais aucun salaire n'a été fixé dans le cadre de cette politique. Nous aimerions voir le gouvernement fédéral mettre en vigueur sa propre politique du juste salaire. Cela contribuerait à réduire la concurrence non structurée qui existe sur le marché. Cette politique devrait établir une base à partir de laquelle nous pourrions travailler sur les projets publics, qui représentent environ 12 à 17 p. 100 de tout le capital du marché, où l'on pourrait garantir aux travailleurs un salaire décent, de sorte qu'ils n'aient pas à travailler pour un employeur qui contourne le système et à se retrouver dans l'économie souterraine.

Voici donc quelques-uns des points que nous aimerions soumettre au comité. Je vous remercie.

Le président: Merci à vous, monsieur Barrett.

Maintenant nous allons entendre M. Seth Klein, directeur du Centre canadien de politiques alternatives. Bienvenue, monsieur Klein.

M. Seth Klein (directeur, Centre canadien de politiques alternatives): Merci, monsieur le Président, de me donner encore une fois l'occasion de témoigner devant le Comité permanent des Finances.

Je sais que les membres du comité ont déjà reçu des exemplaires de l'Alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral pour l'année dernière. Bien entendu, je vous recommande le document en entier. Il est rempli de bonnes idées pour la création d'emplois, le réinvestissement dans les programmes publics et une réforme équitable de la fiscalité. La situation a changé, toutefois, depuis le budget de l'année dernière, aussi mes commentaires serviront à mettre à jour certaines de ces idées que nous avions avancées dans l'Alternative budgétaire de l'année dernière. Tout comme vous, nous nous préparons à amorcer notre propre processus de consultations prébudgétaires car nous avons commencé à rédiger l'Alternative budgétaire pour l'an prochain.

J'aimerais commencer en vous parlant de certaines préoccupations que nous avons concernant l'orientation prise par le gouvernement fédéral dans son budget de l'année dernière et la récente politique monétaire. J'ai distribué certains documents en plus de mon mémoire.

• 1720

Dans la plus récente plate-forme électorale des libéraux, les Canadiens se sont fait dire qu'en élisant un gouvernement libéral ils seraient sûrs que l'on consacre la moitié des dividendes budgétaires à de nouvelles dépenses dans les programmes sociaux, un quart à des réductions d'impôt et un dernier quart à la réduction de la dette. Les sondages d'opinion nous disent que cette répartition correspond plus ou moins aux désirs de la population.

Le premier article que je vous ai distribué est sous la plume de Jim Stanford. Comme il l'explique lui-même, ce n'est pas du tout ce qui s'est passé pour les Canadiens en 1998 dans le budget fédéral. En effet, le budget de M. Martin comprenait des réductions d'impôt pour environ 1,5 milliard de dollars, dont la plupart ont été ciblées avec raison sur les Canadiens à revenus faibles et modestes. Cependant, ces réductions d'impôt ont été compensées par une autre coupure dans les dépenses pour les programmes de 1,5 milliard de dollars. En pratique, le dividende budgétaire complet, qui vraisemblablement se situera dans les 5 à 8 milliards de dollars sera consacré au remboursement de la dette.

Il semble que le gouvernement ait remplacé la formule du 50-25-25 par une formule 0-0-100. Cette formule peut peut-être plaire à Bay Street et aux marchés financiers, mais ce n'est pas vraiment ce que les Canadiens avaient demandé. Cela signifie qu'il n'y a aucun stimulant fiscal net pour fouetter le taux de croissance ou pour améliorer la situation de l'emploi et, assez ironiquement, cette façon de procéder a moins d'impact sur la réduction du rapport dette au PIB qu'une stratégie plus favorable à la croissance.

Par contraste, l'Alternative budgétaire qui maintenait les taux d'intérêt bas en injectant de nouvelles dépenses dans l'économie, entraînerait une croissance plus forte et contribuerait à réduire le rapport dette au PIB, même sans remboursement direct de la dette.

En coupant encore davantage les dépenses pour les programmes, le rapport entre ces dépenses pour les programmes et le PIB chuterait jusqu'à un pauvre 11 p. 100, le plus bas niveau depuis la fin de la Deuxième Guerre. Il n'est pas surprenant que les Canadiens s'inquiètent au sujet de l'avenir des programmes publics tels que les régimes d'assurance-maladie. Le budget de l'année écoulée a, à toutes fins pratiques, verrouillé en place la détérioration continue des services publics et de l'infrastructure.

En ce qui a trait à la politique monétaire, j'aimerais reprendre à mon compte les commentaires qui ont déjà été faits. Nous sommes très inquiets en ce qui concerne les augmentations des taux d'intérêt depuis les dernières élections fédérales. Les taux ont monté de plus de 2 points de pourcentage depuis ces élections. Déjà, la croissance est au ralenti. En réalité, il n'y a eu aucune croissance et aucune création d'emplois depuis le mois d'avril, et l'augmentation apportée au mois d'août aux taux d'intérêts ne fera qu'aggraver cette situation. Les Canadiens commencent à craindre que la reprise économique leur échappe juste comme elle commençait à montrer des signes favorables pour les gens ordinaires.

Nous sommes d'avis que ce comité devrait exiger de la Banque du Canada qu'elle n'augmente plus les taux d'intérêts, qu'elle abaisse les taux le plus rapidement possible et qu'elle fixe des taux conformément aux besoins réels de l'économie nationale. La chute de un quart de point de la semaine dernière ne sera pas suffisant pour stimuler la croissance dans l'emploi.

Le deuxième document que je vous ai distribué—qui est lui aussi un texte d'opinion de Jim Stanford—indique que la Banque ne peut justifier ses taux d'intérêt élevés sous prétexte de maintenir la stabilité des prix. Le gouverneur Thiessen a, de façon constante, obtenu un taux d'inflation inférieur à son propre objectif, mais à quel prix pour l'économie et pour les sans-emploi? En fait, nous disposons maintenant d'indices selon lesquels le Canada serait face à une déflation, et non à une inflation, qui décourage l'investissement et la consommation.

J'aimerais vous parler maintenant de nos priorités en ce qui concerne le dividende budgétaire. Dans l'Alternative budgétaire de l'année dernière, nous avions alloué en toute confiance le dividende budgétaire entier à la reprise des dépenses pour les programmes, et nous ferons la même chose cette année. Nous avons repris les transferts financiers aux provinces en matière de santé, d'éducation postsecondaire et d'aide sociale; nous avons augmenté les prestations et l'accès à l'assurance-emploi et nous avons accordé de nouveaux fonds substantiels à l'assurance-médicaments, aux prêts étudiants, et à l'infrastructure sociale et écologique traditionnelle. Ce pays a désespérément besoin de plus de logements sociaux, d'installations de soins pour les personnes âgées, et de programmes, y compris des programmes de soins à domicile et un programme à l'échelle nationale de soins de l'enfant. Ces initiatives contribueraient à créer de nombreux emplois et feraient une différence importante dans la qualité de vie des gens.

Nous devons absolument reprendre ces programmes auxquels les économistes se réfèrent comme à des stabilisateurs automatiques, c'est-à-dire l'assurance-chômage, l'aide sociale et un système d'impôt sur le revenu progressif.

Au cours des 15 à 20 dernières années, nous avons assisté à une érosion importante de ces programmes dont les gens dans les collectivités ont besoin lorsque l'économie fléchit, ce qui est certainement le cas en Colombie-Britannique et, vraisemblablement aussi à l'échelle nationale. Plutôt que de rembourser la dette, ce qui a des effets procycliques, nous devons reprendre le financement de ces programmes qui contribuent à mettre de l'argent dans les poches des gens au moment où ils ont le plus besoin et aussi, juste au moment où leurs collectivités ont besoin d'une injection de fonds.

Avec un système d'impôt sur le revenu progressif, les personnes obtiendraient automatiquement une réduction d'impôt lorsqu'ils connaîtraient une baisse de revenus, c'est-à-dire au moment où ils en ont le plus besoin.

Dans l'Alternative budgétaire de l'année dernière, nous recommandions des réductions d'impôt pour la plupart des Canadiens, mais ces réductions étaient absorbées par des augmentations d'impôt pour ceux qui ont obtenu de bons revenus ces dernières années, et par ailleurs l'ensemble de l'Alternative budgétaire était sans incidence sur les recettes.

• 1725

Les réductions d'impôt générales sont un moyen inefficace de créer des emplois, alors que l'embauche directe par le gouvernement et ses dépenses créeraient automatiquement davantage d'emplois qu'une réduction d'impôt générale. Particulièrement maintenant, alors que la confiance des consommateurs et du monde des affaires commence à s'effriter, nous avons encore moins de chances de voir les avantages qui, nous l'espérions, devaient découler d'une réduction d'impôt se concrétiser. Les consommateurs ont plutôt tendance à épargner et à rembourser leurs dettes, et les entreprises qui s'inquiètent au sujet de la demande future peuvent aussi être tentées d'empocher les économies réalisées à l'aide d'une réduction d'impôt.

Nous avons recommandé spécifiquement l'élimination de la TPS sur les livres et les magazines, l'augmentation du crédit d'impôt pour la TPS, l'augmentation de la prestation fiscale pour enfants de 700 dollars par enfant la première année—ce qui représente une augmentation de beaucoup supérieure à celle qui figurait dans le budget fédéral de l'an dernier—une réduction du barème d'imposition inférieur tout en réintroduisant deux catégories d'imposition sur le revenu pour des revenus de 100 000 et de 150 000 dollars, la mise en place d'un impôt sur la succession au même niveau que le taux américain et la mise en oeuvre d'un impôt minimum sur les sociétés, étant donné que nos impôts sur les sociétés comptent parmi les plus bas de l'OCDE, et même bien en dessous de celui des États-Unis.

Finalement, une autre idée concernant la réforme du système fiscal que le comité devrait étudier sérieusement, et que nous recommandons dans notre Alternative budgétaire, porte sur ces changements que certains environnementalistes commencent à qualifier de «répercussions de l'impôt», plus particulièrement des réductions d'impôt pour les gens à revenus faibles et modestes pourraient être en partie compensées par des augmentations d'impôt sur les activités qui épuisent nos ressources naturelles et polluent notre environnement.

Une taxe sur les combustibles fossiles viendrait se placer en tête de ces augmentations d'impôt. Non seulement une telle taxe contribuerait-elle à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais elles contribueraient aussi à créer une mesure d'encouragement du marché pour ces nouvelles technologies et ces énergies de remplacement qui utilisent nos ressources de manière plus efficace et qui polluent moins.

Il n'y a plus de débat, s'il y en a jamais eu un, à savoir si oui ou non le déficit devrait être éliminé. Le débat le plus important porte plutôt sur le genre de société qui sera le nôtre dans cette ère de l'après-déficit. Nous croyons que cette société peut et qu'elle devrait devenir plus humaine et plus équitable.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Klein.

Nous allons maintenant passer au Syndicat des employés d'hôpitaux, M. Fred Muzin, je vous souhaite la bienvenue.

M. Fred Muzin (président, Syndicat des employés d'hôpitaux): Merci beaucoup, monsieur Le président.

Les 44 000 membres du Syndicat des employés d'hôpitaux travaillent dans des hôpitaux, des établissements de soins prolongés et des agences communautaires des services sociaux et sanitaires dans toute la Colombie-Britannique. En tant que travailleurs sanitaires de première ligne, nous constatons l'incidence des politiques fédérales sur les patients et leurs familles et, de ce point de vue, nous aimerions formuler un certain nombre de recommandations pour le prochain budget fédéral.

Nos commentaires sur les priorités concernant les dépenses fédérales se feront l'écho de l'appel lancé par des citoyens canadiens en faveur d'une politique budgétaire responsable sur le plan social. Il n'y a pas d'erreur que les Canadiens veulent une réorientation des dépenses publiques du secteur des entreprises vers les programmes sociaux, et le renouvellement de notre système public de soins de santé vient en tête de liste.

Ce n'est pas simplement un quelconque «budget de la santé» qui répondra à ces exigences; ce qu'il faut, c'est un budget qui réinvestit dans le système public de soins de santé équitable et efficace si apprécié des Canadiens. Les citoyens prennent peur face à la qualité décroissante du système public de soins de santé et en tiennent le gouvernement fédéral largement responsable.

Ce que nous attendons tous, c'est un réinvestissement assez important dans les soins de santé dans le prochain budget fédéral. Nous demandons au gouvernement fédéral d'investir une partie du dividende financier dans les soins de santé en restituant 3 milliards de dollars aux paiements de transfert et en créant un fonds distinct pour les soins de santé.

Cette province a perdu 633 millions de dollars en paiements de transfert fédéraux depuis l'instauration du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) il y a trois ans. Que représente ce chiffre pour les habitants de la Colombie-Britannique? La somme de 638 millions de dollars couvrirait la totalité du régime d'assurance-médicaments et tous les services de santé mentale pour adultes dans cette province pendant un an. Elle ferait fonctionner toutes les installations et tous les programmes dans la région sanitaire du Grand Victoria pendant deux ans. Ou encore, elle permettrait de défrayer les services de soutien cruciaux fournis aux enfants et aux jeunes qui risquent d'être maltraités dans toute la province.

À grands frais, le gouvernement de la Colombie-Britannique a amorti les compressions pratiquées dans les transferts fédéraux afin de satisfaire la demande de services de soins de santé. Cependant, les coupures opérées dans les paiements de transfert ont sérieusement éprouvé le système de soins de santé en Colombie-Britannique, comme le prouvent les pénuries de lits pour les soins de longue durée et la chirurgie dans de nombreuses régions, les pressions intenses exercées par la charge de travail sur les travailleurs de première ligne, l'augmentation du nombre de blessures subies au travail dans la province et le manque de fonds pour lancer de nouveaux programmes novateurs exigés pour les soins primaires et continus en particulier. Les restrictions des transferts ont également limité la capacité du gouvernement provincial d'aborder les questions sociales urgentes en-dehors du secteur de la santé, et la situation s'est détériorée avec le fléchissement économique des derniers mois.

L'urgence de renouveler notre système public de soins de santé est confirmée par les Canadiens sondage après sondage. Nos sondeurs nous disent que les trois quarts des habitants de la Colombie-Britannique estiment que le système a besoin de plus d'argent—soit une hausse par rapport à 52 p. 100 il y a quatre ans. Le mécontentement est encore plus marqué dans les provinces qui ont radié des procédures, sabré radicalement dans les services et refilé les soins aux secteurs privés.

• 1730

L'appui en faveur de l'équité et de la transférabilité dans le régime d'assurance-maladie demeure ferme et le prochain budget fédéral doit accroître substantiellement les paiements de transfert pour garantir le maintien des principes de la Loi canadienne sur la santé. Ce gouvernement devrait tenir ses promesses et mettre sur pied un régime national de soins de santé. Le moment est venu. Le Forum national sur la santé a demandé, il y a 18 mois, un système national de soins à domicile qui serait considéré comme une partie intégrante des services de santé subventionnés par l'État et comprendrait toute la gamme des services depuis les soins postaigus et les soins de longue durée jusqu'à la promotion de la santé et aux soins de relève.

Les buts de la réforme des soins de santé—aboutir à un système intégré et efficace—ne peuvent être atteints qu'en ayant un réseau public de programmes de soins à domicile qui sont coordonnés avec les soins en établissement. Le gouvernement fédéral devrait mettre en place un Programme national des soins à domicile en affectant dans le budget 1999-2000 un fonds supplémentaire de 2 milliards de dollars consacré à des programmes universels publics de soins à domicile calqué sur le modèle des programmes en vigueur au Manitoba et au Québec.

Le Syndicat des employés d'hôpitaux appuie un programme national d'assurance-médicaments dans le cadre d'un régime vraiment complet d'assurance-maladie. L'absence d'un tel système est un obstacle considérable à la réforme de la santé. À cause du refus du gouvernement libéral de modifier les lois sur les brevets concernant les médicaments, le coût des médicaments pour les autorités sanitaires régionales en Colombie-Britannique augmente de 10 à 15 p. 100 chaque année. Nous recommandons qu'une somme de 1 milliard de dollars soit mise de côté dans ce budget pour lancer un tel programme d'assurance-médicaments.

Le Forum national sur la santé a demandé instamment au gouvernement fédéral d'affecter des nouvelles ressources à la recherche, au suivi et à l'évaluation des déterminants non médicaux de la santé. Le rapport précise:

    Pour ce faire, le gouvernement fédéral devrait fournir au Canada, aux provinces, aux territoires et aux différentes parties intéressées un véhicule pour coordonner la collecte et la diffusion de l'information, et pour promouvoir des politiques qui améliorent la santé de la population.

Pour poursuivre le travail précieux amorcé par Santé Canada en vue de faciliter des liens entres les provinces pour aborder les besoins communs d'information sur la santé, le budget devrait investir 50 millions de dollars dans l'élaboration de recherches et de politiques portant dur des stratégies publiques d'information sur la santé. Un complément indispensable de l'infrastructure publique d'information sur la santé est l'analyse des recherches et des politiques sur les facteurs déterminants non médicaux de la santé et les options d'intervention qui sont actuellement insuffisamment dotées en ressources. Comme première étape, le gouvernement fédéral devrait instaurer un fonds annuel de 10 millions de dollars pour appuyer la recherche lorsqu'il existe des lacunes dans les connaissances sur l'impact des facteurs déterminants clés et les nouvelles méthodes de prestation des services.

À notre avis, le ministre des Finances irait dans une direction diamétralement opposée aux souhaits de la plupart des Canadiens s'il favorisait les réductions d'impôt aux dépens des dépenses sociales dans le prochain budget. De nombreux sondages ont révélé que, lorsque les Canadiens sont invités à choisir, la grande majorité d'entre eux déclare que le dividende financier devrait servir en premier à soutenir nos programmes sociaux. Au Canada, le degré d'inégalité s'est accentué durant le mandat du présent gouvernement libéral et il est urgent de satisfaire les besoins sociaux et économiques des éléments les plus marginalisés de notre société.

Le taux de chômage est encore supérieur à 10 p. 100 dans les provinces situées à l'est de l'Ontario et la moyenne nationale ne devrait pas descendre sous les 8 p. 100 cette année ni l'an prochain. De nombreux Canadiens sont incapables de trouver des emplois à plein temps, stables et décemment rémunérés. Au Canada, le taux de pauvreté se situe à un taux intolérable de 18 p. 100. Alors que les salaires de la plupart des travailleurs sont gelés ou en baisse et que le soutien des revenus tirés de l'aide sociale et de l'assurance-emploi a été réduit considérablement, les bénéfices des entreprises et la rémunération des cadres supérieurs continuent de grimper en flèche. Les banques ont affiché des bénéfices records de 7,13 milliards de dollars l'an dernier et les actifs combinés des «cinq grandes banques» ont totalisé 1,05 billion de dollars. En 1997, les 50 premiers PDG au pays ont amassé une rémunération totale de 207 millions de dollars.

La part des recettes fédérales générées par les impôts sur les sociétés a chuté de 18 à 10 p. 100 entre 1966 et 1996, tandis que la part engendrée par les particuliers a grimpé de 29 à 43 p. 100 au cours de cette même période. Le choix est évident et la sincérité du ministre à vouloir aider les travailleurs canadiens serait mise à l'épreuve par sa volonté de taxer la richesse au Canada.

Les coupures radicales dans les prestations, au cours des quatre dernières années, ont créé un excédent accumulé du fonds d'assurance-emploi qui atteindra 20 milliards de dollars d'ici la fin de 1998. Le gouvernement fédéral a éliminé le déficit sur le dos des travailleurs en utilisant cet excédent comme recette générale. Il y a huit ans, 87 p. 100 des travailleurs au chômage recevaient des prestations. Aujourd'hui, moins de 40 p. 100 sont admissibles à des prestations et les jeunes Canadiens figurent parmi les plus touchés par les règles d'admissibilité sévères.

• 1735

Le prochain budget fédéral devrait restituer aux travailleurs les salaires qu'ils ont versés en assurance-emploi en améliorant considérablement les critères d'admissibilité, les niveaux des prestations et les soutiens à la formation. Le gouvernement ne devrait pas oublier qu'il n'a contribué d'aucune manière à ce fonds; ce fonds est réalisé par les contributions des travailleurs et des employeurs. Nous appuyons les propositions formulées par le Congrès du travail du Canada en vue d'augmenter la couverture des chômeurs à 70 p. 100, de hausser les niveaux des prestations à 60 p. 100 des gains hebdomadaires et de supprimer la formule du diviseur et la règle de l'intensité. Ces améliorations coûteraient moins que l'excédent de 8 milliards de dollars pour ce seul exercice financier. Ce que nous demandons également, c'est le renouvellement des dépenses fédérales en matière de formation dans le cadre de l'assurance-emploi, qui ont été amputées de près des « ou de 700 millions de dollars par le présent gouvernement.

En conclusion, il est temps que le gouvernement fédéral réinvestisse des fonds substantiels dans le système public de soins de santé et les autres programmes sociaux qui ont été privés de fonds au cours de la dernière décennie. Au cours des trois dernières années seulement, le gouvernement fédéral a réduit les paiements de transfert aux provinces de 5,7 milliards de dollars, économisant ainsi un montant astronomique de 11,8 milliards de dollars en paiements cumulatifs au cours de cette période.

Nous pensons que le gouvernement fédéral est lié par la Loi canadienne sur la santé et par son engagement envers les électeurs de réinvestir dans l'assurance-maladie en prenant les mesures suivantes.

Le gouvernement devrait restituer 3 milliards de dollars dans les paiements de transfert pour les soins de santé. Il devrait supprimer le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et le remplacer par un fonds de soins de santé et par un fonds distinct et par un ensemble de normes nationales pour les transferts d'aide sociale. Il devrait mettre sur pied un programme national de soins à domicile doté d'un fonds supplémentaire de 2 milliards de dollars consacré à des services publics universels de soins à domicile sur le modèle des programmes en vigueur au Manitoba et au Québec. Il devrait lancer un programme d'assurance-médicaments avec un investissement de 1 milliard de dollars. Il devrait investir 50 millions de dollars dans la recherche et l'élaboration de politiques sur des stratégies publiques et d'information sur la santé. Il devrait établir un fonds de 10 millions de dollars pour appuyer la recherche sur la santé de la population.

En plus de réinvestir dans l'assurance-maladie, le gouvernement fédéral devrait mettre sur pied une réforme fiscale progressive en éliminant les allégements fiscaux sur le revenu de biens et la fortune héritée et en augmentant les impôts sur les grosses sociétés et les salariés à revenus élevés. Il devrait augmenter la couverture de l'assurance-emploi à 70 p. 100, accroître les niveaux des prestations à 60 p. 100 des gains hebdomadaires, supprimer la formule du diviseur et la règle de l'intensité et augmenter les dépenses consacrées à la formation dans le cadre de l'assurance-emploi.

Les Canadiens ont besoin d'un budget socialement responsable qui accorde la priorité à la santé des citoyens. Nous sommes persuadés que vous ferez preuve de leadership dans les domaines que nous avons identifiés.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, M. Muzin.

Nous allons maintenant entendre MM. John Hansen et Richard Fraser du Vancouver Board of Trade. Bienvenue messieurs.

M. John Hansen (économiste en chef, Vancouver Board of Trade): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je m'appelle John Hansen et je suis économiste en chef au Vancouver Board of Trade. Je suis accompagné de Richard Fraser, qui est vice-président des affaires corporatives de Sandwell Inc. et président bénévole du comité du Vancouver Board of Trade sur le budget fédéral.

Je vous remercie de me donner l'occasion de rencontrer les membres du comité aujourd'hui. Je pense que c'est la neuvième ou dixième fois que j'ai la chance de passer un peu de temps avec vous.

En manière d'introduction, le Vancouver Board of Trade représente environ 4 400 entreprises de diverses natures, des petites et des grosses entreprises de la région métropolitaine de Vancouver, y compris un certain nombre d'entreprises sans but lucratif et à but lucratif. Nous existons depuis 111 ans.

Le mémoire que nous présentons aujourd'hui au comité se présente sous la forme de deux lettres. La première lettre a été adressée récemment au ministre des Finances, Paul Martin. La deuxième est une lettre que nous vous avons adressée à vous-même, monsieur Le président, en juillet au sujet du prochain budget et du soi-disant dividende. J'aimerais faire seulement quelques commentaires concernant les mémoires.

En résumé, nous recommandons que dans le prochain budget, 50 p. 100 des surplus soient affectés à la réduction d'impôt et le 50 p. 100 qui reste soit affecté à la réduction de la dette. Nous recommandons que toute nouvelle dépense pour de nouveaux programmes provienne de la réaffectation des priorités en matière de financement.

Je suis convaincu que cela reflète assez bien certains des commentaires que j'ai entendus récemment dans la bouche du Premier ministre, qui a prononcé un excellent discours devant la Canadian Chamber of Commerce de St. John au Nouveau-Brunswick.

De plus, nous avons certaines idées concernant le fonds de l'assurance-emploi. Nous sommes persuadés que le surplus du fonds de l'assurance-emploi ne devrait pas être utilisé comme une vache à lait à d'autres fins de dépenses, mais qu'il devrait plutôt servir à réduire les cotisations des employés et des employeurs afin de réduire le coût de la main-d'oeuvre.

• 1740

J'aimerais commenter brièvement si vous me le permettez, monsieur Le président, deux autres secteurs. Mais nos commentaires viennent renchérir sur ce que nous avons entendu dans la bouche de nos collègues ici, aujourd'hui. Nous aussi sommes extrêmement préoccupés au sujet du taux de chômage au Canada, qui se situe aujourd'hui presque le double du taux global américain. L'on pourrait argumenter sur les chiffres individuels, mais de manière générale, notre taux est beaucoup plus élevé que celui des États-Unis.

Nous sommes convaincus que cela s'explique notamment par la compétitivité canadienne par rapport à celle des Américains. J'ai avec moi un exemplaire du rapport sur la compétitivité à l'échelle mondiale qui est publié par le Forum économique mondial. Ce rapport est produit chaque année. Le rapport de cette année place les Canadiens en cinquième position par rapport aux 53 pays qui ont été évalués, les têtes de liste étant Singapour, Hong Kong, Les États-Unis et le Royaume-Uni. Le Canada est le suivant sur la liste. Donc nous ne nous classons pas en si mauvaise position après tout.

Toutefois, lorsque vous commencez à examiner les politiques fiscales du Canada, vous constatez que nous avons un très mauvais rendement en ce qui concerne la compétitivité sur le plan du régime fiscal. Parmi les 53 pays évalués, nous nous classons au 43e rang. Nous atterrissons juste entre la Russie et le Zimbabwe, donc nous ne nous trouvons pas en si bonne compagnie.

Alors nous pensons que la réduction d'impôt et la réforme fiscale devraient figurer en tête de liste des priorités du gouvernement. Il est certain, que la première étape dans cette direction a été amorcée dans le dernier budget, et nous sommes persuadés qu'il reste encore beaucoup à accomplir.

L'autre raison pour laquelle nous pensons que la réforme fiscale et la réduction des impôts est importante, s'appuie sur le nombre de jeunes et d'un peu moins jeunes qui quittent le pays, ce que nous appelons l'exode des cerveaux. Les chiffres dont je dispose indiquent qu'entre 1990 et 1994, environ 20 000 professionnels ont quitté le Canada pour les États-Unis. Je pense que l'institut C.D. Howe prépare une étude qui sera publiée incessamment et qui documentera davantage cette tendance qui, à mon avis, s'est accélérée depuis lors. Nous perdons un nombre incroyable de personnes talentueuses qui nous quittent pour les États-Unis. Cet exode s'explique en partie—et ce n'est pas la seule raison, bien entendu—par le niveau d'imposition au Canada par rapport à notre concurrent. C'est une perte énorme pour le Canada, à la fois pour ce qui est du remplacement de ces personnes de même que de la perte du potentiel pour l'avenir que ces personnes talentueuses et bien éduquées auraient eu pour le Canada.

Mon dernier commentaire porte sur le dividende fiscal. Nous pensons que le dividende réel nous arrivera une fois que nous aurons remboursé en partie ou en totalité la dette et qu'à ce moment-là le dividende pourra retourner au contribuable sous la forme d'une réduction d'impôt ou dans des programmes pour un montant qui correspond à celui qui est versé actuellement pour le service de la dette, et qui se situe autour des 43 milliards de dollars par année. À notre avis, il s'agit d'un gaspillage terrible pour l'avenir que cet argent nous échappe de cette façon. Par conséquent, nous sommes persuadés que l'une des priorités devrait être de rembourser la dette. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hansen.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur Le président.

Merci de vos présentations. Messieurs Hansen et Fraser, vous avez été très cohérents. Nous avons en main vos trois lettres, qui sont datées de juin à juillet, et dans chacune de ces lettres vous avez recommandé que le gouvernement s'occupe du régime fiscal dans ce pays et vous avez expliqué ce que vous comptiez faire avec le dividende fiscal qui découlerait éventuellement de la réduction de la dette et bien sûr des allégements fiscaux.

Il me semble tout à fait approprié qu'une organisation telle que la vôtre, qui représente essentiellement les créateurs d'emplois et de richesse du pays et qui est dotée de représentants aux quatre coins du pays, vienne nous entretenir des moyens qu'il faut prendre pour créer une économie pleine d'entrain, pour réduire le chômage, pour devenir concurrentiels sur les marchés internationaux et, bien entendu, pour créer une économie nationale tout aussi florissante.

• 1745

Tôt ou tard dans le cadre des discussions, nous allons finir par aborder les impôts que nous payons dans ce pays. Comme vous le savez, avec les impôts les plus élevés des pays du G7—des pays de l'OCDE, je pense que nous nous situons à 45 p. 100 au-dessus de la moyenne des impôts payés—nous nous trouvons particulièrement désavantagés sur le plan fiscal à l'échelle internationale, c'est bien certain, mais aussi dans la possibilité de donner aux Canadiens le privilège de disposer d'un revenu disponible qui leur permettrait d'effectuer quelques dépenses supplémentaires. Il semble que ce soit de moins en moins possible.

Je ne sais pas trop où je m'en vais avec ma question, ou si j'en ai vraiment une, mais je voudrais résumer un peu les aspects les plus intéressants qu'ils ont abordés.

Vos collègues de l'autre côté, quant à eux, veulent dépenser chaque cent disponible de notre dividende fiscal dans des programmes de création d'emplois, et aussi ils veulent accroître les dépenses dans les programmes sociaux—et soit dit en passant, personne ne dira le contraire, les soins de santé et l'éducation ont besoin d'argent.

Voici ma question. En adoptant une approche conservatrice sur la façon d'utiliser l'argent dont nous disposons, comment pourrions générer les sommes dont les messieurs de l'autre côté de la table nous parlent: pour améliorer les soins de santé, pour accroître les dépenses en matière d'éducation ou pour accroître les dépenses dans les programmes sociaux?

M. John Hansen: Pour répondre à votre question, il faudrait tout d'abord remettre l'économie sur ses rails. Je vais vous donner un exemple d'un cas très extrême, ici même dans cette province. En Colombie-Britannique, nous avons assisté ces dernières années à une augmentation du taux de chômage, et nous avons aussi constaté un ralentissement de l'économie pour un certain nombre de raisons. Étant donné le ralentissement de l'économie, les recettes fiscales sont aussi à la baisse, et étant donné que les recettes fiscales sont à la baisse, il y a moins d'argent disponible pour les programmes et l'éducation, et les soins de santé, et ainsi de suite. Cette année, dans cette province, je pense que nous allons vers un déficit important, encore une fois.

À l'inverse, si vous considérez une économie en pleine croissance, plus il y a de gens actifs, moins il y a de chômage et plus vous générez de recette non seulement pour les employés et pour les employeurs, mais aussi pour ce qui est des recettes fiscales, de sorte qu'il y a plus d'argent disponible. Donc, il me semble que la réponse à long terme consiste à s'assurer que les politiques appropriées sont mises en place pour permettre à l'économie de croître.

M. Dick Harris: Merci beaucoup.

J'ai seulement une autre question, monsieur Le président. Constatant la situation à Vancouver, et à titre de résidant de la Colombie-Britannique, il me semble que je peux me permettre de poser cette question.

J'ai lu dans les journaux l'autre jour que notre premier ministre envisageait de mettre sur pied une toute nouvelle infrastructure de programmes afin d'essayer de nous sortir de la récession—ce projet s'inscrit dans la lignée de l'approche qui consiste à nous sortir de la récession en injectant de l'argent. Quelle est votre opinion à ce sujet et qu'en pensent les membres de votre groupe?

M. John Hansen: Nous sommes d'avis que les dépenses d'infrastructure publique sont importantes, mais qu'elles devraient être évaluées en fonction des coûts et des avantages de chaque projet. Il ne faut pas entreprendre des projets simplement parce qu'il faut faire quelque chose et créer des emplois. Cela vient en deuxième ou en troisième lieu. Le premier objectif consiste à dépenser dans des domaines où il y a des besoins pressants, d'ajouter des salles de classe, ou peu importe, ou encore dans des domaines où de toute évidence les investissements rapporteront davantage que la mise initiale, de sorte que cet investissement sera rentable.

• 1750

M. Dick Harris: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers: Tout d'abord, par mes premiers mots, je remercierai les panélistes d'avoir participé à cet exercice aujourd'hui. Ce qui est fort intéressant, c'est que ce contexte nous amène aujourd'hui des représentants patronaux et des représentants des travailleurs et des syndicats.

Vous avez souligné de part et d'autre que la crise du dollar cet été avait fait très mal à l'économie de la Colombie-Britannique et affecté la ville de Vancouver. Ma question s'adresse autant du côté des représentants des travailleurs que du côté patronal. Que penseriez-vous si, la semaine prochaine, au moment où le ministre des Finances va déposer son orientation économique, il annonçait un budget spécial, c'est-à-dire un budget qui pourrait comprendre des baisses ciblées des impôts, qui pourrait restaurer les programmes de paiements aux provinces, afin d'apporter un équilibre dans la santé et l'éducation, et une baisse substantielle du taux de cotisation de l'assurance-emploi? J'aimerais connaître votre opinion sur ces possibilités.

[Traduction]

Le président: Monsieur Klein.

M. Seth Klein: Si vous me le permettez, j'aimerais relier votre question à la précédente.

Les choses ont beaucoup changé depuis le dernier budget, et pendant que nous discutons, le ministre des Finances est à Washington dans une réunion avec d'autres ministres des Finances et des banquiers et il essaie d'éviter une récession d'envergure mondiale. Je ne sais pas si cela signifie que nous devrions nous doter d'un budget intérimaire; je pense que probablement ce n'est pas nécessaire.

Je ne pense pas que vous entendiez aucun d'entre eux mentionner la nécessité de rembourser la dette. Cela n'a tout simplement pas de sens. Il sont en train d'essayer d'éviter une récession mondiale, et ils étudient les diverses formes de relance budgétaire, qu'il s'agisse de réduction d'impôt, d'une réduction des taux d'intérêt—une réduction coordonnée des taux d'intérêt, qui constitue véritablement ce dont nous avons besoin à l'échelle internationale.

Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, si vous décidez d'investir dans le remboursement de la dette, vous obtiendrez l'effet opposé. Cette décision a pour effet d'extraire l'argent du système, juste au moment où nous essayons d'atténuer les effets d'une récession mondiale.

En outre, pour ce qui est de la crise du dollar...

[Français]

M. Odina Desrochers: Monsieur, j'ai posé une question. Je vous demande si vous êtes en faveur ou pas. Je comprends, j'ai lu vos documents. Je vous demande si vous êtes en faveur ou pas d'un dépôt prochain d'un budget spécial.

[Traduction]

M. Seth Klein: D'un budget spécial?

M. Odina Desrochers: Oui.

M. Seth Klein: D'ici le mois de février?

M. Odina Desrochers: Oui.

M. Seth Klein: À mon avis, cela contribuerait à lancer un message erroné, sauf pour ceci: depuis qu'il est devenu ministre des Finances, le ministre Martin a systématiquement sous-estimé les recettes chaque année. Chaque année, en effet, il a dépassé ses objectifs au total d'environ 50 milliards de dollars. Cela signifie qu'il dispose actuellement d'un certain pouvoir discrétionnaire en matière de dépenses, qui pourrait être utilisé, particulièrement dans le domaine des infrastructures et de la santé. Je ne sais pas ce qu'il faudrait pour que nous ayons un autre budget.

J'aimerais insister aussi sur le fait que nous réduisons notre dette plus rapidement qu'aucun autre pays industrialisé, à l'heure actuelle; c'est le rapport entre la dette et le PIB et la dette sur le marché. Mais cela ne semble pas nous avoir aidés beaucoup pour ce qui regarde notre dollar, et ainsi de suite. J'ajouterais cet élément aussi.

Le président: D'accord.

[Français]

M. Odina Desrochers: Pourrais-je avoir une opinion de l'autre côté?

[Traduction]

Le président: Monsieur Legg.

M. Phillip Legg: Je suis d'accord avec les commentaires de Seth.

M. Harris essayait de nous expliquer que, d'une certaine façon, nous sommes prisonniers de ce cycle, espérant qu'une force extérieure viendra stimuler la croissance de l'économie et que, d'une manière ou d'une autre, le rôle du gouvernement, et particulièrement le gouvernement fédéral, est un rôle passif, complaisant. Il me semble que c'est justement l'une des raisons qui explique notre situation actuelle. Il y a eu une ordonnance que nous avons suivie depuis les vingt dernières années, et cela s'est traduit par un désastre.

• 1755

De tout évidence, nous n'allons pas renverser la vapeur en une seule année ou en l'espace d'un budget. Mais d'une perspective politique, nous avons essayé de défendre l'idée que notre objectif devait être le déficit, qu'il devait être le contrôle de l'inflation et, il est assez évident que ces objectifs sont erronés. Ce n'est pas de cette manière que l'on relance une économie.

M. Harris faisait des commentaires sur ce qui se produit à l'échelle provinciale et sur la perspective que des mesures de relance budgétaire pourraient venir de la part du gouvernement provincial. Si vous voulez relancer votre économie, vous devez vous doter de certains moyens. Ces moyens peuvent se traduire par des ressources humaines, de la formation et de l'éducation une infrastructure à l'échelle de la collectivité, que ce soit par l'entremise des transports ou d'un éventail d'autres projets d'infrastructure. Voici le genre de projets dont la Colombie-Britannique a besoin pour aller de l'avant, si nous voulons avoir une économie prospère et durable.

Il est certain que nous devons le faire de concert avec le gouvernement fédéral. Si nous sommes toujours en bisbille avec le gouvernement fédéral en raison de divergences sur des questions de politique, nous nous préparons à un désastre. À mon avis, c'est une voie que nous devons éviter.

Le président: Monsieur Barrett.

M. Joe Barrett: Juste un commentaire concernant l'évaluation des devises, je pense qu'il est important que nous regardions au-delà de la crise immédiate que nous avons eue et que nous analysions notre position avant la signature des accords commerciaux.

En 1984, le dollar canadien valait environ 0,84 $ et il n'a pas cessé de dégringoler. Les critiques de l'époque nous prédisaient que le dollar devait descendre pour nous permettre de concurrencer les États-Unis. Il semblait logique que notre main-d'oeuvre soit dévaluée pour être en mesure de continuer à faire des échanges commerciaux avec les États-Unis. Le dollar a chuté jusqu'à la limite du 0,66 $ aujourd'hui, et selon nous, largement à cause de ces accords commerciaux mal pensés.

C'est presque ironique d'entendre le ministre des Finances nous dire aujourd'hui et durant la fin de semaine à quel point le moment est venu pour nous de nous rallier au règne de la libre circulation des devises entre les frontières et que nous devons ramener la stabilité dans notre économie nationale.

Déjà, dans le passé, on nous avait tenu ce discours selon lequel le seul moyen d'accroître les richesses et de redistribuer celles-ci consistait à nous doter d'une économie vigoureuse. En réalité, ce n'est pas exactement ce qui s'est produit entre le milieu des années 80 et les années 90. C'est dans les années 50 et 60 que nous avons véritablement pu voir une réduction de la disparité des revenus dans tout le pays. Mais, depuis les quinze dernières années, en fait, depuis que nous avons adopté la philosophie néo-libérale, nous avons vu les disparités s'accroître.

Entre 1995 et 1996 seulement, le revenu du cinquième de la population la plus pauvre a chuté de 3 p. 100. Il est passé de 17 882 $—c'était le revenu d'une famille en 1995—à 17 334 $. Et 1996 a été une année où l'économie était vigoureuse. Par conséquent, ce n'était pas seulement un effet de ruissellement, mais la situation découlait de la politique fiscale, elle était le résultat de l'économie globale du pays.

Merci.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

M. Odina Desrochers: Vous mettez en cause l'ALENA. Si on n'avait pas ces accords de base-là, que ferait le Canada face à la globalisation des marchés? Il est facile de dire qu'on avait prédit ceci, qu'on avait prédit cela. Mais, la situation étant ce qu'elle est, il faut renforcer notre commerce intérieur. Cependant, si les accords n'existaient pas et qu'on irait en négocier d'autres avec l'OMC, que ferait-on?

[Traduction]

M. Joe Barrett: Le problème est qu'il ne s'agit pas d'accords de libre-échange. Nous n'avons pas cessé de les appeler des accords commerciaux administrés. Ils n'ont pas été conçus pour les personnes qui créent véritablement le plus de richesse dans ce pays—c'est-à-dire les petites entreprises, les commerçants, les économies locales. Ces accords ont été conclus pour le capital d'investissement. Nous parlons des joueurs des ligues majeures.

Comme je l'ai dit un peu plus tôt, si vous analysez ce qui s'est produit avec le capital d'investissement, il n'a fait qu'augmenter d'un échelon dans le pays. Nous n'avons constaté que de très légers changements, et en fait, nous assistons à un exode des capitaux canadiens vers des pays étrangers.

• 1800

Je ne nie pas le fait que, plus que jamais, nous vivons dans une économie mondiale. Il est temps que nous changions nos politiques et que commencions à songer à ce qui se passera dans 10 ou 15 ans en raison du commerce électronique qui s'en vient.

Cependant, vous ne vendez pas la souveraineté, les rouages du pays, pour atteindre un but très limité en matière de politique. Je suppose que je devrais revenir sur ce qui a été dit plus tôt. En ce qui concerne ce que nous pouvons faire immédiatement, je pense que nous devons nous retirer de ces discussions au sujet de l'AMI. Au sein de l'économie canadienne, je pense que nous devons, dans la mesure du possible, améliorer notre diversification. On l'a répété à maintes reprises, nous sommes encore trop dépendants d'une économie dominée par les exportations des produits de base et nous devons essayer d'utiliser les ressources dont nous disposons pour créer des richesses ici même au Canada avant de les exporter à l'étranger.

Le président: Merci.

Je crois que monsieur Hansen aimerait commenter.

M. John Hansen: Je n'ai qu'un bref commentaire à formuler monsieur le président.

Jusqu'au début des années 70, la dette canadienne n'était pas très élevée et l'économie connaissait une croissance rapide. Je pense que les dépenses sans restrictions qui ont été faites au cours des années 70 et 80, et jusqu'à tout récemment, constituent un des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Ces dépenses nous ont entraînés dans le gouffre financier que nous connaissons actuellement.

Je respecte l'opinion de mes collègues ici présents. Cependant, si je peux me permettre de formuler un commentaire, je préciserais que je ne connais aucun autre endroit sur la planète où ce type de politiques économiques que l'on défend ici permet d'atteindre ces objectifs.

Le président: Merci. Merci, monsieur Desrochers.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Je ne sais pas trop par quoi commencer. Il y a tellement de points. Il semble toutefois qu'une partie du problème auquel nous sommes confrontés est ce qui se passe ici. Nous avons évidemment des gens très intelligents, des personnes qui possèdent des connaissances approfondies en économie et on a l'impression de se trouver sur des planètes différentes lorsqu'on discute de ce sujet. Je pense que nous devrons tenir de nombreuses discussions pour trouver un terrain d'entente.

Je me demande si c'est dans certaines hypothèses que nous utilisons que nous faisons erreur. J'ai remarqué, John, dans votre exposé, que vous étiez surpris par cette idée d'une ère nouvelle, laissant entendre je suppose que vous êtes surpris qu'il y ait un excédent. Y a-t-il un excédent? Si je me fie à l'exposé de Phil, je suppose que nous pourrions en fait prétendre qu'il n'y a pas d'excédent, que si le fonds de l'assurance-emploi était utilisé comme il devait l'être sous sa formule initiale, il y aurait peut-être un très léger excédent, le cas échéant. Je pense qu'il faisait allusion au fait que plus de 60 p. 100 des gens qui ont perdu leur emploi et qui ont contribué au fonds de l'assurance-emploi ne sont admissibles à aucune aide. S'ils recevaient de l'aide dans le sens propre de l'assurance-emploi, il n'y aurait pas d'excédent. Nous ne tiendrions pas cette discussion, j'imagine.

J'ai trois ou quatre petites questions, et je laisserai ensuite la parole à mes collègues.

Vous mentionnez que 60 p. 100 des gens ne sont pas admissibles. Pour nous aider à comprendre, en tant que comité, pouvez-vous nous donner trois ou quatre exemples de personnes qui ne sont pas admissibles? Il s'agit d'un pourcentage énorme. C'est tout comme lorsque vous payez une assurance-incendie, mais lorsque votre maison passe au feu, vous ne pouvez pas présenter une demande de règlement. Quels sont les changements qui ont été apportés pour que le pourcentage de personnes dont les besoins ne sont pas satisfaits du tout dans le cadre de ce programme soit si élevé?

M. Phillip Legg: Permettez-moi de fournir quelques exemples, mais je fais appel à votre indulgence pour un moment parce qu'à mon avis un des points qui doivent être traités est le suivant.

Oui, il semblerait qu'on ne soit pas tellement d'accord. Cependant, je crois que les dépenses constituent un des éléments dont nous devons tenir compte dans le présent débat. L'exemple que quelqu'un a utilisé—je pense que c'était John—était qu'on prenait toutes sortes d'initiatives en matière de dépenses à la fin des années 70 et au début des années 80, et que ces mesures n'étaient pas très fructueuses pour l'économie. Cela soulève les questions suivantes: À quoi consacrait-on ces sommes d'argent? Réfléchissait-on sérieusement à quoi ces sommes seraient affectées? Étaient-elles bien appliquées? Étaient-elles surveillées adéquatement? Je pense que la réponse qui vous vient à l'esprit est non.

• 1805

L'infâme programme de crédit d'impôt pour la recherche scientifique du début des années 80 a été un fiasco de 12 milliards de dollars. Les dentistes et les médecins qui ont investi dans ce programme à titre d'abri fiscal s'en sont bien tirés, mais je ne pense pas que du point de vue fiscal en général il ait donné les résultats auxquels on s'attendait.

Ne tombez pas dans le piège de considérer les dépenses comme une sorte de générique que vous faites ou ne faites pas. Je crois que vous devez franchir une étape de plus et vous demander à quoi vous consacrez ces sommes.

Le président: Vous avez dit qu'il s'agissait de 12 milliards de dollars?

M. Phillip Legg: Il s'agissait d'un montant de l'ordre de 10 à 12 milliards de dollars.

Le président: Il s'agissait de 10 à 12 milliards de dollars?

M. Phillip Legg: Maintenant, je remonte à 1982-1983.

Le président: C'est juste que lorsqu'un chiffre est lancé comme ça, je dois le vérifier.

M. Phillip Legg: C'était une somme d'argent astronomique. En fait, on a mené une longue enquête à ce sujet et cette affaire est toujours devant les tribunaux pour tenter d'attraper les personnes qui se sont fait passer pour des chercheurs.

Pour en revenir au point que vous avez soulevé, Nelson, pour en ce qui concerne des exemples précis, je crois que c'est à l'extérieur du Lower Mainlan et dans les villes industrielles des quatre coins de la province qu'on peut trouver les meilleurs exemples.

L'industrie de la pêche constitue un autre exemple de secteur où la collaboration des gouvernements fédéral et provincial est absolument importante et, actuellement, il n'y en a tout simplement pas. Dans les villages de pêcheurs situés le long du littoral, nous avons des gens—je parle maintenant des travailleurs à terre davantage que des pêcheurs—qui n'ont pas réussi à accumuler suffisamment d'heures pour être admissibles au programme ou qui sont maintenant pénalisés parce qu'ils retournent trois ou quatre fois pour faire des demandes de prestations d'assurance-emploi. Nous avons eu quelques saisons de pêche désastreuses au cours des deux dernières années. Ces catégories de gens sont très désavantagées, qu'il s'agisse de prestations ou de répondre aux conditions d'admissibilité, même s'ils sont en chômage.

Les villages de bûcherons situés le long du littoral et à l'intérieur des terres constituent un autre bon exemple. Dans une certaine mesure, vous éprouvez des problèmes saisonniers ou dans d'autres cas, c'est manifestement cyclique. Encore une fois, vous avez des gens qui, en raison de la nature et du cycle de leur travail, ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-emploi ou, lorsqu'ils le sont, touchent des prestations beaucoup moins élevées que celles qu'ils touchaient auparavant.

Je conseillerais au comité de porter une attention particulière à ce problème qui se pose en Colombie-Britannique, et ailleurs au Canada je suppose. Ce problème découle d'une économie à double secteur—une économie urbaine qui semble se porter relativement bien par opposition à une économie rurale, économie axée principalement sur les ressources, et qui n'est pas florissante. En fait, elle est mise à rude épreuve et les politiques et les programmes fiscaux peu réfléchis accentuent tout simplement cet écart qui se crée dans notre économie.

M. Nelson Riis: Merci Phillip.

Fred, dans votre exposé, vous avez mentionné plusieurs questions importantes. Le commentaire selon lequel le mécontentement est encore plus marqué dans les provinces qui ont radié des procédures, réduit considérablement les services et refilé les soins au secteur privé a attiré mon attention. Selon moi, une des craintes que l'on vit au Canada actuellement est que l'on considère la nouvelle privatisation du système de soins de santé comme l'orientation vers un système de santé à deux vitesses.

Pouvez-vous commenter sur ce que je qualifierais de changement apporté discrètement en ce qui concerne la privatisation des soins de santé? En d'autres mots, les gens n'en parlent pas beaucoup, mais tous les jours lorsque vous ouvrez l'annuaire, il semble y avoir une nouvelle entreprise privée ici, une autre entreprise privée là, qui offre divers services de soins de santé. Avez-vous une opinion à ce sujet? Ou seriez-vous d'accord pour dire que c'est ce qui se produit, ce passage pas si discret, mais graduel à une privatisation de plus en plus considérable des services?

M. Fred Muzin: Oui, je partage cet avis. Actuellement, le tiers de notre système de soins de santé est privatisé. Des accords commerciaux comme l'accord multilatéral sur l'investissement ne feront qu'aggraver cette situation. Toute la population de ce pays s'attend à bénéficier de services de soins de santé, et les entreprises considèrent cela comme un marché captif. Donc, lorsque vous avez un gouvernement fédéral qui permet à des compagnies pharmaceutiques multinationales de réaliser des économies de 20 milliards de dollars, cela entraîne inévitablement une augmentation des coûts des soins de santé. Par ailleurs, vous avez les exploitants de soins à domicile; en raison du vieillissement de la population, il s'agit de l'un des domaines d'incursion les plus importants de l'entreprise privée dans les résidences offrant des soins aux personnes âgées. Dans cette province, au cours des 18 derniers mois seulement, plusieurs de ces établissements privés offrant des soins ont fait faillite car ils ne pouvaient pas tirer suffisamment de revenus des soins offerts aux personnes âgées. C'est une lutte perpétuelle.

• 1810

Nous croyons que le gouvernement ne devrait pas participer à des projets comme l'établissement de partenariats entre les secteurs public et privé. Nous croyons qu'il a tout à fait tort. De plus, cela entraînera la faillite du système s'il élargit ses programmes car, au bout du compte, il finira par payer plusieurs fois pour les choses. Donc, nous croyons que le gouvernement devrait rendre des comptes en ce qui concerne un système public étant donné que vous ne pouvez pas appliquer les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé.

Eh bien oui, il y a une pression de plus en plus forte qui est exercée pour privatiser le système de soins de santé et se retrouver avec un système comme celui des États-Unis où 42 millions d'Américains ne disposent d'aucun régime d'assurance-maladie, et ce chiffre passera probablement à près de 63 ou 64 millions un jour ou l'autre parce que les avantages relatifs aux soins de santé sont liés à votre emploi. Eh bien oui, de fortes pressions sont exercées pour tenter de privatiser notre système de soins de santé.

M. Nelson Riis: J'ai une dernière question, monsieur le président.

Joe, vous avez parlé des 11,3 milliards de dollars en investissement étranger direct qui sont entrés au pays en 1995-1996. Je ne sais pas si vous l'avez mentionné, mais 95 p. 100 de l'investissement étranger direct a servi à prendre le contrôle d'entreprises canadiennes. Il n'y a pas eu grand-chose d'ajouté à ce secteur d'activité en ce qui concerne la productivité nouvelle.

La dernière question que je vous pose est d'ordre général et porte sur certaines hypothèses qui ont été formulées aujourd'hui concernant notre économie. Nos taux d'intérêt sont plus bas que jamais. Notre dollar est faible comme il ne l'a jamais été. Le ministre des Finances nous rappelle régulièrement que les données fondamentales de l'économie sont bonnes. Je ne crois pas qu'un grand nombre de personnes iraient jusqu'à dire que notre économie est florissante ou que les perspectives d'avenir sont très reluisantes. Je pense que tous les groupes d'analystes laissent maintenant entendre que les niveaux de chômage ne baisseront pas, mais en fait qu'ils augmenteront probablement légèrement l'an prochain.

Je pense que vous avez mentionné dans votre exposé qu'au cours des derniers mois, ces données relatives au chômage n'ont pas bougé. Les choses ne s'améliorent pas. Je crois que dans certains secteurs, tout particulièrement dans celui des ressources, vous pouvez dire que de toute évidence les choses se détériorent. Le secteur agricole est au bord de la crise, sans mentionner l'industrie de la pêche et ainsi de suite.

Qu'est-ce qui cloche? Manquons-nous vraiment le bateau? Est-ce qu'on ne comprend réellement pas ce qui se passe? Lorsque vous entendez le ministre des Finances et les responsables du Fonds monétaire international parler de leurs solutions, vous avez l'impression que personne ne sait ce qui peut bien se passer à ce sujet.

M. Seth Klein: Je crois que lorsque le ministre parle des éléments fondamentaux qui sont en place, il parle des éléments fondamentaux aux yeux de certaines personnes. Si vous êtes un intervenant sur les marchés financiers internationaux, si vous êtes un investisseur ou si vous disposez d'un patrimoine financier important, les éléments fondamentaux font bonne figure. On a lutté contre l'inflation jusqu'à ce qu'elle soit éliminée et on rembourse la dette.

M. Nelson Riis: Je dirais cependant, puis après?

M. Seth Klein: Exactement. Puis après? Je mentionnerais que les éléments fondamentaux qui intéressent la plupart des Canadiens, c'est-à-dire des choses comme le taux de pauvreté, le taux de chômage et le financement d'institutions comme les établissements de soins de santé dont ils se soucient, font mauvaise figure et se détériorent. L'emploi, comme vous l'avez mentionné et comme je l'ai mentionné, n'a pas bougé.

Une des choses les plus lamentables au sujet du taux de pauvreté est que même s'il est mesuré—et je ne veux pas m'engager dans une discussion sur la façon dont il est mesuré—ce qui s'est produit dans les années 90 est unique. Habituellement, le pourcentage de la population faisant partie de la catégorie des pauvres suit une courbe similaire à celle du taux de chômage. Pourtant, au cours des années 90, nous avons vu le niveau de pauvreté et l'ampleur de la pauvreté augmenter même si nous connaissions une période de reprise économique et que le taux de chômage avait commencé à diminuer.

Je veux juste apporter une correction. Les taux d'intérêt ne sont pas à leur niveau le plus bas. Cependant, les taux d'intérêt nominaux le sont. Je pense qu'il s'agit d'un point très important et que nous devons faire la distinction entre les taux d'intérêt réels et nominaux étant donné que les entreprises la font lorsqu'elles songent à faire des investissements. En fonction des taux que nous mesurons, les taux d'intérêts réels se situent encore à 4 p. 100, 5 p. 100 ou 6 p. 100 parce que le taux d'inflation est tellement bas.

• 1815

Entre la Deuxième guerre mondiale et 1980, la période qu'on a qualifiée d'âge d'or, le taux d'intérêt réel moyen était de 1,5 p. 100. Il s'agissait du type de politique sur les taux d'intérêt qu'il fallait pour assurer une croissance soutenue et un taux de chômage qui se rapprochait beaucoup plus du plein emploi. En fait—et ceci est particulièrement intéressant—lorsque vous jetez un coup d'oeil au taux d'escompte et au taux préférentiel, aujourd'hui, ils sont plus élevés en valeur réelle qu'ils ne l'étaient en 1994 lorsque le déficit s'établissait à 42 milliards de dollars. À cette époque, on nous disait que si nous acceptions la solution fiscale du ministre des Finances Martin, nous serions récompensés par des marchés financiers où les taux d'intérêt sont plus bas. Par conséquent, je crois que les Canadiens ont le droit de demander ce qui est arrivé aux dividendes qui devaient découler des marchés financiers. Il semble qu'au moment à peine où vous surmontez la dernière difficulté, il y en a une autre qui se pointe.

Je crois que cela fait vraiment ressortir la nécessité de commencer à élaborer une politique monétaire en fonction des besoins de l'économie nationale plutôt qu'en fonction des demandes des marchés financiers, et parmi la série de recommandations que je citerais dans l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral seraient celles qui, selon nous, nous procurent une plus grande capacité de fixer les taux d'intérêt au pays.

Parmi les idées proposées, mentionnons que l'on pourrait faire financer par la Banque du Canada une plus grande partie de la dette, réduire le plafond imposé sur le montant des capitaux de retraite qui peuvent aller à l'étranger, promulguer une loi sur le réinvestissement communautaire afin qu'une plus grande partie des capitaux des banques demeure réinvestie dans l'économie nationale. Toutes ces idées permettraient de garder les capitaux au Canada et, après quelques années, lorsqu'elles seraient mises en application, nous permettraient d'avoir une plus grande capacité de fixer les taux d'intérêt en fonction des besoins de l'économie nationale.

Le président: Merci.

Monsieur Klein, je vais vous poser une question. Vous avez formulé un point de vue très philosophique. Vous parlez en quelque sorte de repli, de retour, de ne pas aller sur le «marché mondial», de revenir au cocon.

M. Seth Klein: À mon avis, je ne parle pas de repli. Je dis plutôt que les marchés mondiaux sont, au mieux, irrationnels et souvent hostiles, et qu'il n'est pas logique d'établir une politique publique fondée sur leurs demandes. J'aimerais à nouveau signaler que c'est ironique car au moment où nous tenons cette discussion, les ministres des Finances des pays industrialisés sont en réunion et discutent d'idées qui auraient été qualifiées d'hérésie il y a seulement six mois en ce qui concerne les contrôles des mouvements internationaux de capitaux et les efforts déployés à l'échelle mondiale pour réduire les taux d'intérêt.

Toutes ces idées—une taxe internationale proposée par Tobin en est une autre—que nous aurions dû étudier sérieusement lors de l'effondrement du peso mexicain il y a quatre ans, et dont nous avons seulement commencé à nous occuper sérieusement depuis la crise financière asiatique maintenant que l'on craint qu'elle se propage. Il n'est pas question d'éliminer le commerce international ni d'un échec à reconnaître que nous vivons tous dans une économie mondiale. Ces idées concernent l'établissement de règles permettant un certain contrôle et donnant la possibilité à tous les pays d'établir des politiques en fonction des intérêts du pays sans être constamment secoués par les fluctuations des marchés financiers ou des prix des produits de base ou et tout le reste.

Le président: D'une part, vous dites que vous croyez qu'il existe certaines corrélations entre les économies et, d'autre part, vous dites que malgré cela, vous pouvez jouer suivant vos propres règles au pays et ne pas vous en soucier. Je trouve tout simplement qu'il est difficile de comprendre de quelle façon vous pouvez jouer sur la scène mondiale et, en même temps, dire que lorsqu'il s'agit de certaines choses vous voulez vous en tenir strictement aux règles du pays.

M. Seth Klein: Il y a certaines choses qu'un pays peut faire de son propre chef et d'autres qui nécessitent un accord international. Je crois, malheureusement trop tard, que ce qui se passe actuellement à l'échelle mondiale relativement à la crise financière mène à un consensus international de plus en plus grand. Nous entendons des propos à ce sujet provenant de sources très inusitées—des gens comme Jeffrey Sachs, l'économiste de Harvard qui, il y a quelques années seulement, était ce gourou du libre-échange et de la mondialisation, et de gens comme George Soros. On s'entend de plus en plus sur la nécessité de conclure des accords internationaux.

Le président: Très bien. Internationaux.

• 1820

M. Seth Klein: Exactement. De plus, il y aurait des accords internationaux qui iraient exactement dans le sens opposé de l'objectif général de l'accord multilatéral sur l'investissement.

Lorsque j'ai regardé le ministre Martin aux nouvelles hier soir, il a manifesté clairement son mécontentement à l'égard de quelques pays qui hésitent encore devant ce consensus. Je suis persuadé qu'il y a des choses que les gouvernements étrangers peuvent faire sans avoir à attendre qu'il y ait ce consensus international.

M. Nelson Riis: Le Chili.

M. Seth Klein: Le Chili constitue un bon exemple en ce qui concerne certains de ces contrôles des mouvements de capitaux; je crois que c'est un excellent modèle.

Le genre de choses dont je parle lorsqu'il est question que la Banque du Canada finance une plus grande partie de la dette, de la réduction du plafond imposé sur les investissements à l'étranger des fonds de retraite—je ne crois pas qu'il soit nécessaire que ces investissements soient visés par des accords internationaux. Je pense que nous sommes bêtes d'attendre.

Le président: Parce qu'il y a ceux qui préconisent d'augmenter le plafond.

M. Seth Klein: Oh, je sais. Et le ministre Martin, à son honneur, n'en a pas tenu compte. Lorsque vous jetez un coup d'oeil sur ce qui s'est passé avec le dollar au cours des six derniers mois, imaginez si ces investissements avaient été augmentés de 40 p. 100, que serait-il arrivé au dollar?

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: Monsieur Legg, dans votre exposé vous avez parlé d'une réglementation plus sévère—c'est mon adjectif, «plus sévère»—s'appliquant à ce que vous appelez les excès spéculatifs liés à la mondialisation. Parallèlement, vous critiquiez la réglementation du gouverneur de la Banque du Canada sur les taux d'intérêt. Je veux savoir, si vous pouvez m'expliquer, quels sont ces excès spéculatifs associés à la mondialisation? J'aimerais me renseigner à ce sujet.

M. Phillip Legg: En bien, Seth et le président traitaient justement de ce point. La réglementation de la Banque du Canada dont je me plains concerne son obsession à contrôler l'inflation. À mon avis, c'est établir manifestement le système de priorités de la mauvaise façon. La priorité, tout au moins, devrait être d'établir un équilibre entre le plein emploi et l'inflation. Bien qu'il s'agissait d'une priorité dans les années 70, elle a été pratiquement éliminée au cours des 20 dernières années.

M. Roger Gallaway: Ce matin, nous avions quelqu'un ici qui parlait d'une notion à laquelle on fait souvent allusion, l'exode des cerveaux. Monsieur Muzin, dans votre mémoire vous parliez d'augmenter les taux d'imposition s'appliquant aux salariés à revenu élevé de ce pays et aux sociétés. Il semble pourtant y avoir une croyance populaire selon laquelle vous ne faites qu'accélérer les départs de plusieurs sociétés et particuliers en agissant ainsi, et que leur présence dans ce pays est essentielle pour employer des gens et pour payer des impôts afin que nous puissions disposer d'un système de soins de santé. Qu'en pensez-vous?

M. Fred Muzin: Je dis que le système fiscal doit être juste, qu'il y a beaucoup de choses qui attirent les gens dans ce pays, et pas uniquement les taux d'imposition peu élevés. Sinon, pourquoi les gens vivraient-ils ici? Ils déménageraient dans le paradis fiscal le plus intéressant au monde. Oui, les impôts sont élevés, mais il doit y avoir une répartition équitable afin que la qualité de vie soit meilleure, qu'il s'agisse de votre système d'éducation, ou que vous ayez des gens qui dorment dans la rue... Il est tout à fait illogique d'avoir des gens extrêmement riches et des banques qui ne paient pas d'impôts quand nous avons des enfants qui vivent dans la pauvreté, car cela n'améliorera rien. Si vous établissez l'ensemble de votre politique financière simplement pour répondre aux besoins des gens riches et extrêmement riches, il ne vous restera pas une société très nombreuse.

M. Roger Gallaway: Si c'est le cas, alors, et si ce qu'on nous a dit est en fait exact—je ne prétends pas que ça l'est, mais je dis qu'il semble y avoir une tendance pour que les sociétés et les particuliers quittent ce pays en raison des politiques fiscales en vigueur ici, que c'est plus avantageux pour eux de vivre et de travailler principalement aux États-Unis—mais ce n'est peut-être pas une indication que nous avons atteint un point critique, et que nous l'avons franchi, ou ces gens quittent-ils pour d'autres raisons?

M. Fred Muzin: Je ne crois pas que nous ayons atteint un point critique. Je pense que le gouvernement doit se pencher sur les coûts. Lorsque certaines de ces sociétés peuvent tout simplement emballer leurs choses et déménager, elles laissent un coût social et elles ne sont jamais imposées. Il n'existe aucune réglementation s'appliquant aux entreprises qui agissent de la sorte. À mon avis, nous devons considérer qu'elles paient leur juste part, ce qui, je crois, n'est pas le cas actuellement; je pense que c'est loin d'être le cas. Ce passage constant des impôts moins élevés sur les sociétés aux impôts plus élevés pour les contribuables constitue un exemple parfait.

• 1825

M. Roger Gallaway: Qu'en est-il pour les jeunes gens? On estime que 60 p. 100 des diplômés en informatique de l'Université Waterloo s'en vont aux États-Unis. En réalité, ils n'ont jamais payé d'impôts dans ce pays. En fait, ils ont bénéficié d'une grande partie des impôts perçus en recevant une éducation, et bang, ils sont partis. Ils sont probablement partis définitivement car, selon eux, que ce soit la réalité ou non, ils peuvent réussir beaucoup mieux aux États-Unis. Et c'est le cas. Que faites-vous d'eux. Les interceptez-vous à la frontière?

M. Fred Muzin: Non. Il s'agit d'analyser la situation. Lorsque vous parlez de mieux réussir, ils bénéficient peut-être d'un revenu disponible plus élevé tant qu'ils sont jeunes, mais lorsqu'ils sont malades et qu'ils ne peuvent se payer des soins de santé, jetez donc un coup d'oeil à leur revenu net—ou lorsqu'ils vivent dans la pollution, lorsqu'ils ont de la pauvreté dans les rues. Vous devez examiner tous les aspects de la qualité de vie.

M. Roger Gallaway: Mais bien entendu certains des...

M. Fred Muzin: Eh bien oui, lorsqu'ils sont jeunes, ils sont jeunes et en santé et ils ne sont pas handicapés et n'ont pas besoin d'une vaste gamme de services sociaux. Cependant, au fur et à mesure que la population vieillit et que ces jeunes acquièrent une certaine expérience de vie... Il y a un grand nombre de professionnels qui sont déménagés aux États-Unis et qui sont revenus ici.

M. Roger Gallaway: Non, je comprends cela, mais c'est une question de perte nette pour le pays, par opposition au passage individuel.

Il y a bien entendu l'autre argument selon lequel dans une très courte période de temps ces diplômés font 250 000 $US par année, et ils ne s'inquiètent pas vraiment des choses que vous avez mentionnées parce qu'ils comptent parmi les privilégiés qui bénéficient de soins de santé aux États-Unis, ils vivent dans des quartiers sûrs, et ils ne s'inquiètent pas des choses dont vous avez parlé. Nous ne parlons pas de quelqu'un qui fait 30 000 $ ou 35 000 $ canadiens par année. Nous parlons de jeunes bien éduqués de ce pays qui regardent d'autres horizons.

M. Phillip Legg: Est-ce que je pourrais intervenir?

Ceci me rappelle... Dieu merci j'étais ici l'an dernier, car à un moment donné Seth est intervenu et a dit «le pluriel d'anecdote n'est pas données», et je crois qu'il s'agit d'un des problèmes auxquels nous faisons face. Nous parlons de l'anecdote concernant l'exode des cerveaux, et j'ai de la difficulté à comprendre les facteurs qui entraînent cette situation. Oui, des gens quittent le Canada. Pour quelles raisons, point d'interrogation. Combien de gens quittent le pays? Nous pourrions probablement être un peu plus précis à ce sujet. Quant à savoir si les impôts ont quelque chose à voir ou non avec cette situation—j'ai de sérieux doutes là-dessus.

Voici un élément intéressant dont vous devriez tenir compte. Depuis 1994, dans les budgets du gouvernement fédéral, on a réduit considérablement les dépenses fédérales en matière de R-D. Si vous examinez des données comparables pour les États-Unis, ils n'ont rien fait de la sorte. Bien entendu, ils ont recours à un système assez étrange dans le cadre duquel ils appuient leurs forces armées et leur industrie de l'aérospatiale et d'autres industries de toutes sortes. Nous pourrions argumenter longuement sur les raisons expliquant pourquoi le gouvernement des États-Unis peut subventionner diverses industries, à un point tel qu'il peut même prendre des mesures commerciales contre d'autres pays qui songent seulement à accorder une partie de ce type de subvention.

Je pense que vous devez étudier sérieusement ce genre de question pour déterminer ce qui peut bien attirer les jeunes diplômés canadiens talentueux aux États-Unis. Il existe plusieurs facteurs qui auront l'effet d'un aimant et attireront les jeunes à aller travailler là-bas. Vous voudrez peut-être également vous pencher sur certaines politiques fiscales qui ont été supprimées ici au Canada pour compenser et ramener ces gens au pays.

M. Roger Gallaway: Je crois que c'est juste.

Le président: Monsieur Klein.

M. Seth Klein: Je mourais d'envie de dire certaines choses au sujet de l'exode des cerveaux et de la concurrence.

Tout d'abord, je pense qu'il faut apporter des rectifications en ce qui concerne la discussion sur la concurrence. Je sais que John a cité l'étude du Forum économique mondial. Avant de venir ici, j'ai examiné l'étude de KPMG sur la solution de concurrence dans laquelle on comparait un paquet de villes canadiennes et américaines. Je suis certain que vous la connaissez. Elle révèle que presque toutes les villes canadiennes sont plus concurrentielles pour les entreprises que toutes les villes américaines et que la plupart des villes européennes citées. On y mentionne également que les impôts réels sur les sociétés sont, selon l'étude de KPMG, beaucoup moins élevés au Canada qu'aux États-Unis.

• 1830

M. Harris faisait allusion aux comparaisons de l'OCDE. Je n'ai pas apporté d'exemplaires de ce document, mais il se trouve que j'ai les comparaisons d'impôts de l'OCDE tirées de leur page Web et, selon moi, elles comportent des erreurs. Les impôts totaux du Canada exprimés en pourcentage du PIB sont essentiellement dans la moyenne—exactement comme ceux de l'OCDE, et un peu moins élevés que ceux de la moyenne américaine. Au chapitre de l'impôt sur le revenu des particuliers, le Canada a tendance à avoir des impôts légèrement plus élevés. Ceci s'explique par le fait que les impôts fonciers, les charges sociales et les taxes à la consommation sont, en général, passablement moins élevés. C'est donc de cette façon que l'équilibre est biaisé.

Ce qu'il est également intéressant d'examiner dans les comparaisons de l'OCDE, ce sont nos impôts élevés, nos impôts s'appliquant aux salariés à revenu élevé. Nous nous comparons aux États-Unis et à l'OCDE, légèrement au-dessus de la moyenne. En ce qui concerne le nombre de personnes à faible revenu que nous imposons au taux de base, nous nous situons considérablement au-dessus de la moyenne. Voilà pourquoi dans l'alternative budgétaire nous avons mis l'accent sur les réductions d'impôt applicables aux personnes à revenu faible et moyen.

Nous avons vu les impôts sur les sociétés réduits. Ces réductions ont été faites sous le règne de M. Trudeau et une fois de plus sous le règne de M. Mulroney. Si, dans les faits, cela n'a pas réussi à entraîner suffisamment de nouveaux investissements, je ne vois pas pourquoi nous devrions poursuivre dans cette voie.

Je veux dire quelque chose au sujet de l'exode des cerveaux. Phil a parlé de la nécessité d'examiner les données. En premier lieu, il est important de parler de l'émigration, et pas uniquement de l'émigration absolue du Canada vers les États-Unis. Si je comprends bien, il y a actuellement un petit exode net d'universitaires du Canada vers les États-Unis. Cependant, il y a l'immigration nette d'universitaires provenant d'autres pays, ce qui est une bonne chose. Mais comme certaines personnes l'ont déjà dit, il est important de comprendre pourquoi ces gens déménagent. Je ne crois pas que la majeure partie de ces gens le fassent en raison d'impôts comparatifs.

Monsieur Gallaway, comme vous venez tout juste de le mentionner dans votre exemple, cela est attribuable en grande partie à l'écart dans les revenus et non à l'écart dans les impôts. Je ne suis pas certain de connaître la réponse à cela en matière de politique publique, sauf que les États-Unis ont décidé d'accepter une répartition beaucoup plus vaste des revenus. Par conséquent, aux échelons supérieurs, les gens touchent un salaire beaucoup plus élevé dans le secteur privé et même dans le secteur public. Une partie des départs de nos professeurs d'université est attribuable au fait qu'il y a eu un gel dans la plupart des provinces ou qu'on a imposé un plafond salarial aux professeurs au Canada. La réponse dans ce cas semble être l'assainissement des finances publiques.

Notre travail, bien entendu, est de rappeler aux gens pourquoi ils paient des impôts, et qu'ils bénéficient d'un grand nombre de services au Canada en retour des impôts qu'ils paient, services qui ne leur sont pas offerts aux États-Unis. S'ils ont des enfants qui fréquentent l'université, leurs études leur coûteront moins cher au Canada. De plus, lorsque vous calculez ce que les Américains versent en primes à des compagnies d'assurances privées pour les soins de santé, l'écart dans les impôts offre une image tout à fait différente.

Je tiens à signaler une dernière chose concernant l'exode des cerveaux. Il y a 20 ou 30 ans, on a vécu le phénomène contraire de l'exode des cerveaux, c'est-à-dire les départs des États-Unis vers le Canada. Mes parents étaient du nombre. Je vais vous donner l'exemple de mes parents. Ils avaient fait des études universitaires et ont quitté les États-Unis pour venir s'installer au Canada à deux reprises. La première fois, ils sont venus en raison de la guerre du Vietnam. Ils sont ensuite retournés. Ils sont revenus de nouveau, cette fois par choix, et non sous la contrainte. Mon père est médecin de famille et il enseigne la médecine familiale. Ma mère est cinéaste dans le domaine du film documentaire et a travaillé à l'Office national du film. Ils jouissent tous deux d'une bonne renommée et sont respectés dans leur domaine respectif auquel ils ont apporté une contribution importante.

Mon père aurait pu faire beaucoup plus d'argent aux États-Unis, et il l'a toujours su, mais il est revenu ici parce qu'il trouvait que le système de santé canadien était beaucoup plus humain. Ma mère en avait assez d'essayer d'obtenir de l'argent auprès d'entreprises pour des cinéastes de films documentaires et trouvait que l'Office national du film était beaucoup plus attrayant.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous avons systématiquement cessé de verser des fonds suffisants aux institutions mêmes qui ont attiré au pays de jeunes universitaires dynamiques et énergiques.

Si je pense aux personnes qui ont obtenu leur diplôme en même temps que moi—et je viens tout juste de terminer mes études postsecondaires, il y a de cela seulement quelques années—que veulent ces gens? Ils veulent un emploi décemment rémunéré et espèrent accomplir un travail enrichissant. Bon nombre d'entre eux aimeraient enseigner, mais il n'y a aucun poste de professeur dans les universités en raison de l'insuffisance de fonds. Beaucoup d'entre eux aimeraient faire de la recherche, mais comme Bill l'a mentionné, ces conseils de recherches n'ont pas été reçus assez de fonds. Beaucoup d'entre eux aimeraient oeuvrer dans la fonction publique, mais la réduction des effectifs dans la fonction publique et les gels de l'embauche et des salaires ont écarté cette possibilité.

• 1835

Nous avons coupé les vivres aux institutions qui ont en fait accueilli un grand nombre de ces universitaires ici et qui les ont attirés à l'origine.

M. Roger Gallaway: Je comprends ce que vous avez à dire. Je viens de lire votre nom de famille et j'ai remarqué que vous proposiez une taxe sur les hydrocarbures. Je présume que vous n'êtes pas parent avec ce type en Alberta.

M. Seth Klein: Certaines personnes sont prises au dépourvu.

M. Roger Gallaway: Elles n'ont pas compris.

Vous avez mentionné que les réductions générales d'impôt n'étaient pas une bonne façon ou un moyen efficace de créer des emplois. Vous pensez qu'on devrait utiliser les deniers publics à cette fin. J'aimerais que M. Hansen présente peut-être l'autre facette de cette hypothèse.

M. John Hansen: Je crois que nous devons reconnaître que nous vivons dans un monde concurrentiel, que cela nous plaise ou non. Le fait est que le Canada compte parmi les pays les plus tributaires du commerce au monde. Une grande partie de nos emplois et de notre richesse repose sur des exportations rentables et des relations commerciales avec d'autres pays, principalement avec les États-Unis, qui sont toujours notre principal partenaire commercial, mais il y a également l'Europe, la région de l'Asie-Pacifique et ainsi de suite. Je pense qu'il est très important d'admettre que nous vivons dans un monde concurrentiel, et que les entreprises et les particuliers déménagent pour aller vivre dans des endroits où ils peuvent être plus concurrentiels.

Nous, dans cette province, nous menons à l'occasion des enquêtes sur les diverses entreprises et les particuliers de la région métropolitaine de Vancouver, et nous savons que plusieurs nous ont quittés pour aller en Alberta, dans l'État de Washington, en Oregon et ailleurs pour un certain nombre de raisons. La plupart du temps, ces départs sont liés à la concurrence.

M. Roger Gallaway: D'accord, merci.

Le président: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Tout d'abord, j'aimerais dire, Seth, que vous devriez saluer votre père. C'est parce que des gens comme votre père qui ont, sans contredit, transformé radicalement l'accouchement, que le système de soins de santé dont nous disposons dans ce pays est si humain. Je pense que le travail qu'a effectué votre mère à l'Office national du film est quelque chose qui nous rend tous fiers en tant que Canadiens. J'espère seulement que nous pouvons envoyer tous les Républicains vers le sud et amener des gens comme vos parents au nord. Notre pays s'en trouverait amélioré.

Le président: C'est prendre la direction du nord.

Mme Carolyn Bennett: Je crois que le système de soins de santé constitue un élément positif énorme pour le commerce et l'économie de ce pays. Je crains que les employeurs avec lesquels je discute et qui ont beaucoup d'employés partagent une opinion différente quant à savoir si nous devrions ou non investir dans les soins de santé comparativement aux personnes qui possèdent des entreprises n'ayant que quelques employés.

Notre système de soins de santé, tant et aussi longtemps que les Canadiens y feront confiance, constitue un atout important du pays et un incitatif considérable pour venir s'établir ici. Ma crainte est la suivante: ne croyez-vous pas que si nous nous engageons sur la pente glissante nous entraînant vers un système à deux vitesses, des pressions énormes seront exercées sur les entreprises du pays pour qu'elles consacrent beaucoup plus d'argent à l'assurance privée et à tous les avantages des employés en matière de soins de santé qui font partie de l'exploitation d'une entreprise aux États-Unis?

M. Richard Fraser (vice-président, Développement des projets d'entreprises, Vancouver Board of Trade): Notre entreprise compte des employés des deux côtés de la frontière et partout dans le monde et, ici, le système de soins de santé constitue un atout important; il n'y a aucun doute là-dessus.

Je ne crois pas que la discussion que nous tenons actuellement le rende plus efficace. En essayant d'éliminer, en général, ces obstacles au changement, étant donné que des changements sont apportés non seulement dans les soins de santé mais dans tous les secteurs de notre économie, actuellement, les États-Unis sont en train de nous dépasser et le Royaume-Uni également. Si nous ne réduisons pas ces barrières au changement, nous resterons dans leur sillage. Nous pouvons faire face à la concurrence.

Cependant, pour revenir à votre phrase d'introduction, oui, notre système de soins de santé constitue un atout.

• 1840

Mme Carolyn Bennett: Un des problèmes qui se pose actuellement est qu'il n'y a pas suffisamment de reddition de comptes dans notre système de soins de santé. Nous ne dépensons que 2 p. 100 sur l'information sur les soins de santé, et la plupart des gens estiment que ce pourcentage devrait être d'au moins 4 p. 100 si nous voulons savoir vraiment quels sont les dédoublements et les lacunes. Je me suis toujours demandée lorsque les gens disent que cela devrait être seulement des impôts et des décès, car pour pouvoir arriver à conserver notre système de soins de santé, nous devrons consacrer un peu plus d'argent à la technologie de l'information dans le but de mettre en place la reddition de comptes qui, par la suite, nous permettra d'économiser de l'argent.

M. Richard Fraser: Ce dont vous parlez c'est d'améliorer l'efficacité du système.

Mme Carolyn Bennett: Cependant, vous ne pouvez pas y arriver sans dépenser de l'argent. Actuellement, nous n'assurons aucun suivi. Dans le moment, il n'y a aucune reddition de comptes dans le système. Donc, nous devons en fait dépenser de l'argent. Ma thèse est que 1999 semble le moment idéal pour faire cela, car à un moment ou à un autre nous devrons commencer à dépenser de l'argent afin que nous puissions savoir où on s'en va.

Le président: Monsieur Muzin.

M. Fred Muzin: Pour ce qui est de l'efficacité, les Américains consacrent plus de 14 p. 100 de leur PIB à leur système de soins de santé, et nous consacrons environ 9 p. 100 du nôtre. Par conséquent, nous sommes déjà pas mal plus efficaces. Prenons le cas des laboratoires, si vous les amenez dans le secteur public, il y a là une possibilité de réunir des sommes importantes.

Mme Carolyn Bennett: Ils ont également un taux de mortalité épouvantable.

M. Fred Muzin: Je suis d'avis que nous devons investir davantage dans les systèmes d'information sur les soins de santé, mais la façon dont le gouvernement canadien se comporte actuellement, il laisse le champ entièrement libre aux sociétés de divulguer des renseignements confidentiels sur les dossiers médicaux et les statistiques et de les utiliser à des fins commerciales et non en vue d'améliorer le système de soins de santé. C'est réellement alarmant.

Mme Carolyn Bennett: Monsieur Muzin, de toute évidence, beaucoup d'entre nous estiment que nous devrions consacrer de l'argent à la technologie de l'information afin de pouvoir dégager des sommes pour les soins aux patients. Si le gouvernement fédéral pouvait consacrer de l'argent à l'infrastructure d'information, il y aurait plus d'argent pour les soins aux patients.

Une des préoccupations en ce qui concerne l'augmentation du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) est que même si dans votre document on dit que 8 000 emplois ont été perdus dans les hôpitaux dans cette province—évidemment nous avions espéré que ces emplois iraient dans les soins communautaires et les soins à domicile, et ce n'est pas le cas—dès qu'il y aura plus d'argent dans le TCSPS pour les provinces, les syndicats négocieront des conventions avec de meilleures clauses monétaires et il n'y aura pas un seul emploi créé. Nous finirions par ne pas faire ce qu'il faut que nous fassions en ce qui concerne l'embauche de cette infirmière additionnelle.

M. Fred Muzin: Sauf que ce n'est pas ce qui s'est passé dans cette province. Si vous jetez un coup d'oeil sur la négociation dans notre syndicat, nous en sommes arrivés à une semaine de travail plus courte parce que nous voulions aider le gouvernement à ne pas dépenser davantage dans les soins de santé, mais à transformer ces services en un modèle de soins de santé plus près de chez soi. Nous sommes très intéressés à éliminer les iniquités dans le redressement des faibles salaires, mais nous sommes également très prudents car notre principal objectif est de maintenir des services sous une forme nouvelle. Donc, cette situation ne s'est pas vraiment produite dans cette province.

Mme Carolyn Bennett: Pouvez-vous nous le montrer? Une des préoccupations que l'on nous répète est que le simple fait de modifier le TCSPS signifierait des augmentations pour le syndicat.

M. Fred Muzin: Dans notre convention actuelle, dans notre clause sur les installations que nous avons négociée en mai cette année, les augmentations salariales générales sont de 0 p. 100, 0 p. 100 et 2 p. 100. Le principal objectif est de s'occuper de nos membres qui touchent des prestations d'accidentés du travail. L'an dernier, il y a eu 6 300 cas de blessures dans les services de soins de santé, et 2 200 de nos membres touchent des prestations d'invalidité de longue durée. Des sommes d'argent astronomiques sont injectées dans un système qui est censé soigner et aider les gens qui sont blessés. Si les travailleurs sont blessés, ils ne peuvent pas offrir le service, donc notre principal objectif est de rendre ces gens productifs et d'offrir les services de première ligne que les gens demandent.

Mme Carolyn Bennett: En Ontario, une des conventions visant des infirmières accorde, je crois, 75 jours de maladie par année. Croyez-vous que les syndicats seraient disposés à se présenter à la table de négociation et à modifier cela?

M. Fred Muzin: Je ne peux pas me prononcer pour les syndicats de l'Ontario, mais je doute fort que la moyenne des gens prennent 75 jours de maladie par année. Dans nos conventions, étant donné que vous êtes exposés à toutes sortes de maladies, nous sommes assez généreux dans les clauses sur les congés de maladie. Vous accumulez une journée et demie par mois, mais ce n'est pas le taux d'utilisation. Vous avez l'exception qui prend beaucoup plus de congés en raison d'un problème de santé, mais une grande partie de nos membres ont accumulé le maximum de congés de maladie. Vous pouvez les accumuler, mais vous ne les utilisez pas nécessairement.

Mme Carolyn Bennett: Je pense que tout le monde veut que ce système soit efficace et je crois que tout le monde devrait se présenter à la table avec quelque chose qu'il est disposé à changer afin que ce système fonctionne mieux.

• 1845

M. Fred Muzin: L'autre question qui se pose ici est que nous avons beaucoup de travailleurs du secteur des soins de la santé qui sont sous-utilisés. Donc, ils nous viennent de notre système d'éducation... À titre d'exemple, on ne fait pas appel à toutes les connaissances acquises lors de la formation et à toutes les capacités des infirmières auxiliaires. C'est la même chose pour les infirmières de cette province. Nous avons, sans aucun doute, besoin d'un plus grand nombre de ces deux catégories d'infirmières, mais nous disposons d'une réserve de travailleurs du secteur des soins de la santé qui sont sous-utilisés.

Si vous parlez de la prestation des services, question qui nous intéresse tous, il s'agit d'un domaine pour lequel nous lançons continuellement des appels au gouvernement provincial et le poussons à s'en occuper, à utiliser des gens. Cela ne sert à rien de les former si vous ne les utilisez pas.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, je veux demander ceci aux représentants de la Chambre de commerce. En ce qui concerne l'assurance-emploi et les réductions d'impôt, si vous deviez aujourd'hui vous prononcer à titre de représentants des gens que vous représentez sur ce que préféreraient vos membres, une réduction de l'assurance-emploi ou une réduction d'impôt, que diraient-ils?

M. John Hansen: C'est une bonne question. Je ne sais pas quoi répondre.

Je suppose que la réponse serait de réduire l'assurance-emploi parce que l'assurance-emploi représente un coût d'embauche de personnes additionnelles, et la plupart des gens avec lesquels je fais affaire s'inquiètent à ce sujet, et ils veulent que les charges sociales, si vous voulez les appeler ainsi, soient réduites.

M. John McKay: Même si les charges sociales sont moins élevées qu'aux États-Unis?

M. John Hansen: Dans certains domaines, elles le sont.

M. John McKay: En fonction de la taille de vos membres, c'est-à-dire les employeurs ayant un petit nombre d'employés par rapport aux employeurs ayant un grand nombre d'employés, y aurait-il une opinion différente à ce sujet?

M. John Hansen: Je ne sais pas. Je ne peux pas dire.

M. John McKay: Des sondages sur cette question ont-ils été menés auprès des membres de la Chambre de commerce?

M. John Hansen: Pour clarifier cette question, non, nous n'en avons pas fait.

M. John McKay: L'autre chose que vous préconisez est la réduction de la dette. Nous avons entendu un témoin précédent qui nous proposait d'ignorer simplement la réduction de la dette et de laisser libre cours à l'économie, si vous voulez, que le ratio diminue au fur et à mesure que l'économie croît. En fait, M. Klein a formulé des commentaires négatifs sur le fait que nous sommes l'unique pays du G7 qui réduit progressivement sa dette et le ratio de cette façon.

Êtes-vous d'avis que nous devrions simplement nous asseoir et attendre que l'économie indique que le ratio diminue de 73 à 71, à 69, à 67, ce genre de chose?

M. John Hansen: Non. Nous pensons...

M. John McKay: Que croyez-vous que fait l'économie en réduisant la dette de façon mesurée?

M. John Hansen: Si vous commencez à rembourser le capital plutôt que de ne payer que des intérêts chaque année, vous accélérez le processus de réduction de la dette totale. La dette s'élevant à près de 600 milliards de dollars diminue plus rapidement. Comme je l'ai dit plus tôt, nous pensons que le dividende réel pour les Canadiens est lorsque les intérêts payés sur la dette nationale sont beaucoup moins élevés qu'en ce moment. C'est 43 milliards de dollars qui couvrent simplement les intérêts.

M. John McKay: Dernièrement, nous avons profité d'une légère réduction des taux d'intérêt. Il y a une discussion à savoir s'il s'agit d'une réduction réelle ou d'une réduction relative par rapport au taux d'inflation et à des éléments de cette nature.

Au moment de la crise du Mexique—si ma mémoire est bonne, vers 1992 ou 1993, quelque chose comme ça—je crois que le taux de base est monté jusqu'à 400 points et c'était, si vous voulez, le sommet de notre dette et de notre déficit. La crise que nous connaissons actuellement est beaucoup plus importante dans d'autres pays—la Thaïlande, le Japon, la Russie, l'Amérique Latine et ainsi de suite—pourtant le taux n'a augmenté que d'un seul point si je me souviens bien. La Banque du Canada l'a augmenté d'un point, puis il a commencé à diminuer rapidement.

Dans votre esprit, y a-t-il un lien entre la gestion de la dette et la réaction du taux d'intérêt à ces deux incidents particuliers dans les milieux financiers?

M. John Hansen: Je pense qu'il y a un lien entre la gestion de la dette et les marchés monétaires internationaux et la façon dont les taux d'intérêt réagissent au Canada, en ce qui concerne la confiance des investisseurs internationaux dans les obligations canadiennes et ainsi de suite.

• 1850

M. John McKay: Monsieur Klein, j'aimerais connaître votre réponse à cette question.

M. Seth Klein: En premier lieu, je pense que vous avez soulevé des bons points concernant la gestion de la dette. Évidemment, c'est un objectif noble de vouloir minimiser le plus possible la portion du budget fédéral qui est affectée au compte de service et au remboursement de la dette. Il s'agit d'une partie des économies que nous proposons dans l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral. En augmentant le montant de la dette financée par la Banque du Canada sur une période de cinq ans, vous éliminez en fait un bon morceau des paiements au titre du service de la dette, car ces frais d'intérêt versés à la Banque du Canada sont simplement retournés au Trésor à la fin de l'année. Donc, c'est comme si vous vous payiez des intérêts à vous-même.

M. John McKay: Cela nécessiterait la collaboration des banques à charte, n'est-ce pas?

M. Seth Klein: Non. Il y a 20 ans, environ 20 p. 100 de la dette fédérale était financée par la Banque du Canada. Maintenant, c'est moins de 5 pour 100.

Cela veut tout simplement dire qu'au lieu d'émettre des obligations et de les vendre pour le marché de la dette, la Banque du Canada conserve ces obligations, et nous recommandons dans l'alternative budgétaire que ce soit à un taux de 2 p. 100 par année au cours des cinq prochaines années, ainsi la Banque du Canada assume une plus grande partie du marché de la dette. Donc, au cours des cinq prochaines années, cela permettrait de ramener le niveau jusqu'à 15 p. 100.

M. John McKay: Franchement, la Banque du Canada doit donc acheter la dette. Comment achète-elle la dette?

M. Seth Klein: Il s'agit de la monétisation de la dette, et le défaut de cette solution est qu'elle serait inflationniste.

Je ne considère pas cela comme un risque et, je crois plutôt—pour répondre à votre question précédente—que l'unique raison pour laquelle le gouverneur Thiessen n'a pas réagi à ce qui se passe actuellement de la même façon qu'il l'a fait en 1994, en ce qui concerne l'escalade des taux d'intérêt, c'est qu'il a peur de la déflation tout comme beaucoup d'autres dirigeants de banques centrales. Il n'y a aucun risque d'inflation.

Nous recommandons, dans l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral, est que si le risque d'inflation se présente, de réagir alors en réimposant des exigences en matière de réserve des banques à charte, mais nous ne croyons pas que ce serait nécessaire pour commencer.

Pour revenir à votre question quant à savoir si oui ou non ces paiements de la dette nous aident par rapport à ce qui se passe actuellement sur les marchés financiers internationaux, je signalerais que vous n'avez qu'à observer ce qui se passe dans d'autres pays. Vous avez des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, dont le ratio d'endettement par rapport au PIB est inférieur à celui du Canada, qui ont été frappés plus durement par la crise qui sévit actuellement.

M. John McKay: Cela pourrait s'expliquer par leur dépendance à l'égard des produits de base.

M. Seth Klein: C'est exactement cela.

À l'inverse, vous avez des pays comme la Belgique et l'Italie, dont la dette est beaucoup plus élevée et qui n'ont presque pas été touchés, la question étant ici qu'en ce qui concerne la réaction des marchés financiers par rapport à ce qui arrive actuellement à diverses devises, il semble y avoir peu de liens avec la dette mais beaucoup plus avec des facteurs comme le fait qu'un pays soit, ou non, un exportateur de produits de base.

M. John McKay: Cependant, cela a sûrement constitué une des frustrations du ministre Martin en ce qui a trait à l'analyse de l'économie canadienne, car si vous vous penchez sur une bonne analyse de l'économie canadienne, nous nous sommes grandement éloignés de la dépendance à l'égard des produits de base et sommes davantage orientés vers les services et la vente de propriété intellectuelle; toutefois, nous semblons toujours avoir, comment devrions-nous dire, des opérations parallèles fondées sur les produits de base.

Avez-vous des recommandations à formuler en ce qui concerne la façon dont nous pourrions faire comprendre aux cambistes que l'économie est très complexe ici?

M. Seth Klein: Nous sommes plus diversifiés, mais nous avons encore beaucoup de travail à faire. Quarante pour cent des exportations canadiennes consistent en des exportations de produits de base. Évidemment, c'est connu, et c'est une partie de ce qui se passe actuellement.

Je pense qu'il n'y a pas de solution à court terme pour ce qui est de la situation actuelle du dollar, à l'exception de... et Phil soulevait la question plus tôt en ce qui concerne la mesure dans laquelle cela est en rapport avec la spéculation. Un nombre considérable d'opérations de change ne sont pas effectuées, bien sûr, pour acheter un bien ou un service d'un autre pays; ce sont des gens qui font de la spéculation sur le dollar, et nous avons constaté qu'un nombre considérable de banques à charte canadiennes ont spéculé sur le dollar canadien. Environ 10 milliards de dollars de devise canadienne font l'objet d'opérations de change chaque jour.

• 1855

M. John McKay: Mais environ 10 p. 100 de cela est de la spéculation réelle. L'autre 90 p. 100 constitue des opérations de change légitimes. Les gens doivent acheter des devises pour se rendre dans un autre pays...

M. Seth Klein: Non, ce n'est sûrement pas 10 p. 100, et de loin. Je dirais que le rapport est plutôt l'inverse. Peut-être 10 p. 100 de ces 10 milliards de dollars est utilisé pour acheter un bien ou un service aux États-Unis ou dans un autre pays, et le reste se compose d'investisseurs et de fonds d'investissement internationaux qui misent sur l'orientation de la devise canadienne. Donc, je dirais qu'à court terme, une partie de la solution repose sur le type de choses dont on discute actuellement à Washington. Cependant, dans la mesure où nous imposons des contrôles sur la spéculation de la devise, comme je le mentionnais au président, certains de ces contrôles nécessitent un accord international, comme la taxe Tobin. Encore une fois, c'est fait en grande partie par les banques à charte, qui sont des institutions à charte fédérale, et elles sont en bonne position de négociation actuellement, compte tenu de ce que vous demandez...

M. John McKay: Donc vous croyez que nous devrions revenir à la liste de magasinage, n'est-ce pas?

M. Seth Klein: Je pense franchement que ça devrait être une demande. Ces biens sont garantis par le gouvernement fédéral par l'entremise de la Société d'assurance-dépôts du Canada. Il devrait y avoir une compensation et vous ne devriez pas être capable...

M. John McKay: Cependant, dès que vous faites cela, les capitaux s'en vont ailleurs, dans une autre institution, qu'elle soit réglementée par le gouvernement provincial, réglementée à l'étranger ou non réglementée.

M. Seth Klein: Je ne sais pas si c'est aussi compliqué qu'on nous le dit si souvent. Il y a de grandes sociétés qui ont une charte fédérale et qui sont réglementées par le gouvernement fédéral. Si les directeurs sont tenus responsables de ce qui arrive à leurs actifs et investissements, je ne vois pas pourquoi cela ne peut pas être fait.

M. John McKay: De ce côté-ci de la table, on a passablement critiqué la façon dont le ministère des Finances et la Banque du Canada ont traité la chute du dollar qui est passé d'environ 68¢ à 63¢ et qui est remonté jusqu'à 65¢ et 66¢. Les outils qui existent sont la politique sur le taux d'intérêt et l'achat de dollars. Quelle serait l'opinion des gens de ce côté-ci de la table en ce qui concerne la façon dont la fluctuation du dollar devrait être traitée au cours des deux ou trois prochains mois? Selon vous, quelles sont les erreurs que le ministère des Finances et la Banque du Canada ont commises dans ce processus?

M. Phillip Legg: L'établissement de liens. L'escalade en août dernier des taux d'intérêt canadiens d'un point de pourcentage était une erreur. Encore une fois, cela illustre ce penchant qui existe au sein de la Banque et du ministère des Finances qui se concentrent de façon obsessive sur l'inflation au détriment d'autres choses.

M. John McKay: Donc, selon vous, utiliser le taux d'intérêt pour protéger la devise n'est pas une bonne chose à faire.

M. Phillip Legg: Je pense que l'intérêt de la Banque et du ministère des Finances à défendre le dollar a été mal placé. Je crois qu'ils auraient dû laisser le dollar chuter. Il y a eu beaucoup d'excès spéculatifs sur le marché à cette période, et si le dollar était passé sous la barre du 60¢, je crois qu'il aurait rebondi au niveau où il se situe actuellement.

Cela aurait-il eu un effet sur l'inflation? Cela aurait eu un effet minime, s'il y en avait eu un. Le prix du brocoli aurait peut-être augmenté de 10 p. 100 pendant l'hiver, mais un plus grand nombre d'équipes de travail auraient été embauchées dans les scieries de la région de Prince George. C'est ce genre de choses que vous devez comparer entre elles. Bien franchement, je paierais 10 p. 100 de plus pour du brocoli. Je pense que c'est aussi simple que cela. Encore une fois, c'est parce que le ministère et la banque ont mis trop d'insistance sur le contrôle de l'inflation et y ont accordé beaucoup trop d'importance. Je suis d'accord avec les commentaires de Seth selon lesquels la chose dont nous devrions nous méfier en ce moment est la déflation, non pas l'inflation.

M. John McKay: Donc, laissons l'inflation augmenter, laissons flotter la devise et frappons les salariés à revenu élevé.

M. Phillip Legg: Laissons l'inflation augmenter—vous dites cela comme si nous nous dirigions vers une inflation de 200 p. 100.

• 1900

M. John McKay: Non, non, je dis que votre exposé portait sur la fixation excessive de la Banque du Canada sur l'inflation...

M. Phillip Legg: En ce qui concerne le contrôle de l'inflation, et le prix que nous payons, c'est que chaque fois que l'économie commence à se rapprocher de ce que j'appellerais la pleine capacité, elle est immédiatement contrôlée. Il s'agit d'une tendance constante en ce qui a trait à la politique monétaire; je reviendrais 20 ans en arrière, mais vous pourriez probablement remonter plus loin que ça. Vous constatez que l'application constante de cette politique sur une si longue période entraîne—surprise, surprise—une diminution des recettes du gouvernement, ce qui entraîne immédiatement une explosion de «eh bien, nous devrons faire des coupures dans les programmes», ce qui mène à son tour à cette tendance à la baisse.

Je veux dire que si nous cherchons des solutions à long terme, et évidement les réponses se trouvent dans les solutions à long terme—vous ne pouvez pas simplement appuyer sur un bouton et voir la situation s'améliorer dès le lendemain—il vous faudra stimuler la croissance économique. De plus, je suis d'accord avec Seth Klein qu'à ce stade vous pouvez vous pencher sur...

M. John McKay: Est-ce que l'inflation stimule la croissance économique?

M. Phillip Legg: Je parle d'une croissance réelle de l'économie de l'ordre de 4 à 5 p. 100, et je crois que nous devrions viser ce type d'objectif en matière de croissance. Nous devrions nous fixer des objectifs très précis en matière de croissance de l'emploi. Dans le contexte économique qui prévaut actuellement à l'échelle internationale, désirons-nous avoir un taux d'inflation élevé? La réponse est non.

M. John McKay: Ma dernière question porte sur les taux d'imposition. On nous dit qu'environ 10 p. 100 des contribuables paient 50 p. 100 des impôts. Êtes-vous toujours d'avis que ce 10 p. 100 devrait être augmenté davantage?

M. Phillip Legg: La réponse en ce qui concerne le rééquilibrage du régime fiscal ne consiste pas seulement à se concentrer sur une petite catégorie de contribuables et dire qu'ils doivent payer davantage. Je crois qu'il y a un large éventail de...

M. John McKay: N'est-ce pas ce que vous dites—augmenter les impôts des grandes sociétés et des salariés à revenu élevé?

M. Phillip Legg: Ça pourrait faire partie de la stratégie. Je ne crois pas qu'il existe un projectile magique en ce qui concerne la réforme fiscale. Je veux dire que nous parlons de sociétés qui paient leur juste part d'impôt. La dernière fois que j'ai examiné la question il y avait une enquête de Statistique Canada qui indiquait—je crois que c'était pour l'année 1994—que 82 000 sociétés canadiennes, qui avaient réalisé des profits totalisant 17 milliards de dollars, n'avaient pas payé un sou d'impôt. Cela représente une somme d'argent prodigieuse qui n'est pas imposée. Il s'agirait d'un élément faisant partie du rééquilibrage et du rétablissement de la justice du régime fiscal, une autre partie de la stratégie—oui, les salariés à revenu élevé.

M. John McKay: Cependant, il y a eu une réaction générale de la part de Revenu Canada selon laquelle les sociétés constituent, comment devrions-nous dire, un problème en ce qui a trait à l'imposition et, par conséquent, le fardeau fiscal des sociétés a été refilé aux particuliers. Notre taux d'imposition des sociétés n'est pas très différent de celui des États-Unis. Nous nous situons à 3,3 p. 100 du PIB et les États-Unis sont à 2,7 p. 100, mais la différence vraiment importante se situe au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers qui s'établit à 13,9 p. 100 du PIB au Canada et à 10,7 p. 100 du PIB aux États-Unis.

Grâce aux pertes, à l'amortissement, à l'amortissement accéléré, la comptabilité en coûts actuels et ainsi de suite, vous pouvez avec un minimum de calculs savants réduire votre taux d'imposition. J'aimerais savoir quelle partie de la Loi de l'impôt sur le revenu s'appliquant aux sociétés devrait, selon vous, être éliminée ou modifiée afin que les recettes ne soient pas ramenées à zéro lors du calcul des impôts.

M. Phillip Legg: Il existe autant de possibilités que de gens présents à cette table, mais nous pourrions commencer par l'amortissement accéléré. Je pense qu'il s'agit probablement d'un aspect où la loi est trop généreuse.

M. Seth Klein: Si vous me permettez, en ce qui concerne nos recommandations dans l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral, nous n'avons pas recommandé d'augmentations du taux d'imposition des sociétés, à l'exception d'une surtaxe sur les profits que réalisent les institutions financières...

M. John McKay: Ce qui ne fait pas leur affaire.

M. Seth Klein: Bien entendu.

M. John McKay: Et l'argument qu'elles font valoir est qu'elles sont la partie du secteur industriel la plus imposée de toute l'économie.

• 1905

M. Seth Klein: Ils ne semblent pas s'en sortir trop mal.

M. John McKay: Eh bien, ils pourraient avoir un...

M. Seth Klein: Pour répondre à votre question au sujet de l'impôt sur le revenu des sociétés, ce que nous demandons dans l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral, c'est l'élimination de quelques-unes de ces exemptions fiscales. Ce que nous demandons, c'est un impôt minimum pour les sociétés, ce qui se fait aux États-Unis, la raison étant qu'il y a là-bas toutes sortes d'exemptions et de déductions fiscales dont certaines à des fins de politique publique légitime. Mais d'ans l'exemple de Phil, ce qui se passe c'est qu'il un grand nombre de sociétés qui paient leur juste part. Puis, il y a les autres qui accumulent toutes ces exemptions et qui parviennent à ramener leur revenu imposable à zéro. C'est pour cette raison que vous avez besoin d'un impôt minimum sur le revenu des sociétés.

Pour ce qui est des particuliers, nous n'avons aucune gêne à dire que nous pensons qu'il devrait y avoir un grand nombre de tranches d'imposition. Avant l'arrivée au pouvoir du gouvernement Mulroney, il y avait dix tranches d'imposition sur le revenu; maintenant il y en a trois. C'est sur ce plan d'ailleurs que nous ne résistons pas très bien à la comparaison avec les autres pays de l'OCDE. Dans le cadre de la progressivité de notre système fiscal, le nombre de tranches d'imposition au Canada est inhabituellement faible.

Ce que je voulais faire valoir au sujet des stabilisateurs automatiques est très important actuellement en Colombie-Britannique. Un système fiscal à plusieurs tranches d'imposition fait partie de la façon dont vous abordez la question du ralentissement. Dans un sens, tout ce débat au sujet de réductions d'impôt serait réglé si on avait un système d'impôt sur le revenu à plusieurs tranches d'imposition. Si vous étiez mis à pied au moulin, comme ce qui se produit dans des localités industrielles partout dans la province, et si vous aviez une diminution de votre revenu, vous auriez automatiquement une diminution d'impôt.

M. John McKay: Je suppose que je suis attiré par ma question initiale. Je ne comprends pas vraiment ce qui se passe au sujet de l'AE. L'AE, si vous accordiez une diminution appréciable, profiterait tout au plus à 8 millions de contribuables tandis qu'une diminution d'impôt profiterait à 20 millions de contribuables, donc je ne comprends pas comment...

M. Seth Klein: C'est parce que les gens qui se qualifiaient pour l'A-C et qui maintenant ne le peuvent plus sont touchés, beaucoup plus que la plupart des gens...

M. John McKay:

[Note de la rédaction: Inaudible] pour ces personnes.

M. Seth Klein: ... Et les communautés sont plus durement touchées par le ralentissement. En Colombie-Britannique, nous croyons que le ralentissement est beaucoup localisé dans ces villes industrielles. C'est ce que ressentent également les petites entreprises. La valeur du programme d'A-C, c'est qu'il donne de l'argent précisément aux personnes qui en ont le plus besoin, au moment où elles en ont le plus besoin.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McKay.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: J'aurais une seule question à poser à Seth.

Un des aspects d'une promesse d'autant pour les dépenses de programmes, d'autant pour les impôts, et d'autant pour les dettes, c'est qu'il y a certaines choses que vous pourriez mettre sous quelques colonnes. Ce que j'aimerais que vous me disiez, de votre part ou de quiconque qui aimerait commenter, c'est ceci. Si nous augmentons les exemptions personnelles, est-ce que cela n'aiderait pas un grand nombre de personnes en ce qui a trait à la pauvreté chez les enfants, ou encore les personnes qui travaillent à temps partiel et qui retournent aux études? Est-ce que ce serait une bonne chose à faire, que vous pourriez en réalité mettre sous...? Ce ne sont pas des dépenses de programmes, mais cela nous permettrait en réalité de pouvoir composer avec ce problème des pauvres qui travaillent dans notre pays.

M. Seth Klein: Mais l'exemption s'applique à tout le monde. Nous avons tenu compte de tous ces aspects lorsque nous avons abordé l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral l'année dernière, et nous avons effectivement demandé que l'on mette fin à la surtaxe de 3 p. 100.

Mme Carolyn Bennett: Que nous avons fait.

M. Seth Klein: Oui, quoique c'était prévu, et qui est bon d'ailleurs. Nous croyons que si vous vous concentriez sur une diminution de la tranche d'imposition... Je pense en réalité qu'il devrait y avoir une augmentation de l'exemption, quoiqu'une partie de cette situation serait automatiquement réglée par ce que je fais valoir au sujet d'un système d'impôt sur le revenu à plusieurs tranches d'imposition. Ce que les changements apportés par l'administration Mulroney ont fait, c'est que les hauts salariés ont effectivement eu une diminution de leurs impôts, mais il y a un très grand nombre de personnes qui sont au bas de l'échelle qui ne payaient jamais d'impôt auparavant et qui en paient maintenant.

Mme Carolyn Bennett: Donc ce que je dis, est-ce que ce ne serait pas une bonne chose de renverser la situation maintenant?

M. Seth Klein: Oui.

Mme Carolyn Bennett: En particulier pour les personnes qui reçoivent des prestations d'invalidité du RPC et quelques autres personnes qui paient de l'impôt alors qu'elles ont un revenu extrêmement faible.

M. Joe Barrett: Si je pouvais me permettre, je pense que l'une des choses que nous voulons faire valoir, c'est de savoir de quelle façon vous pourriez percevoir plus d'argent et où sont les sources. J'ai mentionné rapidement que nous avons constaté une augmentation considérable de l'économie au noir au Canada, en particulier dans le domaine de la construction. Nous mettons la faute sur la déréglementation systématique qui s'est faite sur toute la ligne. Nos spécialistes des corps de métier sont moins susceptibles de travailler à des projets de construction aujourd'hui. Il est plus probable que vous trouverez des personnes qui ne sont pas qualifiées et qui sont à l'emploi de personnes qui ne paient pas d'impôt et qui, en raison de l'extrême concurrence dans le domaine de la construction, ont tellement fait baisser les prix que les personnes compétentes ne peuvent pas faire concurrence. Ce que nous constatons, c'est que les quelques personnes compétentes qu'il reste sont soit acculées à la faillite ou vont elles-mêmes dans l'économie souterraine.

• 1910

Je pense que ce que le gouvernement fédéral peut faire, c'est d'utiliser un certain nombre des leviers dont il dispose, notamment d'exiger qu'au moins dans le cas des marchés fédéraux un salaire minimum soit versé afin que les gens ne se fassent pas une telle concurrence des prix qu'ils soient obligés de recourir à l'économie souterraine.

Le président: Monsieur Fraser.

M. Richard Fraser: J'aimerais soulever un dernier point, et c'est que nous devons être concurrentiels. Les critères sont de plus en plus élevés et les États-Unis s'éloignent de nous. Nous pouvons faire concurrence, mais ce que vous devrez faire dans le cadre de vos délibérations, c'est de trouver une façon d'atténuer certains freins au changement de notre économie là où nous en avons besoin. Un grand nombre des vieilles solutions des 20 dernières années ont empêché que l'on apporte des changements, et ce qu'il nous faut, c'est de changer. C'est ce qui va donner à nos jeunes un espoir pour qu'ils restent ici et travaillent. Mais si on retourne à une culture de dépendance, ça n'aidera pas à apporter ces changements. Nous avons beaucoup à faire pour que ces programmes fonctionnent, et nous pouvons le faire, mais nous devons être concurrentiels. Je veux tout simplement insister sur le fait que nous devons briser ces barrières pour changer.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fraser.

J'aimerais apporter un dernier commentaire. Nous avons tenu des audiences à Ottawa, et les députés ont tenu des assemblées publiques partout au pays. Lors de nos déplacements, nous avons entendu divers points de vue, y compris le vôtre, que vous avez d'ailleurs exprimé de façon très éloquente.

On a recours aux budgets de bien des façons pour indiquer aux Canadiens l'orientation future d'un gouvernement. Quoique le ministre Martin ait des objectifs continus sur deux ans, je pense que lorsque vous avez un excédent, on doit élargir le dialogue un peu plus, et il doit y avoir une certaine vision qui s'y rattache.

Ceci étant dit, il y a également certains facteurs liés à l'offre et la demande qui sont en cause. Certaines personnes veulent que les prestations soient augmentées, d'autres veulent réduire la dette, et d'autres estiment que les hauts salariés font tout autant partie de notre société que les autres et qu'ils devraient en profiter autant que les Canadiens à faible revenu et à revenu moyen. Ils font partie intégrante de notre collectivité canadienne. Certains estiment qu'on devrait également leur envoyer un signal pour leur dire que leur programme ferait également partie d'un programme canadien. Donc, par exemple, vous considérez la question de la surtaxe de 3 p. 100 ou de 5 p. 100, et vous devez agir sur ce point. Il y a aussi l'exemption personnelle de base, qu'un grand nombre de personnes appuient. Puis il y a tous ceux qui disent que si vous voulez construire une économie moderne, vous devez investir dans la R-D. Ce sont tous des commentaires justes.

Alors, évidemment, comme l'a signalé plus tôt M. Riis, il y a le problème que les Finances veulent régler à l'heure actuelle, celui de l'assurance-emploi et à savoir si nous devrions réduire les primes d'AE de 5 milliards de dollars. Il y a les gens qui veulent une diminution de la dette parce qu'ils peuvent comprendre qu'il y a des forces mondiales et des signaux qui influent sur le marché. Ce sont tous des choix avec lesquels nous, les membres du Comité des finances, devrons composer.

• 1915

Mais ma question, si je peux—il y a une question, croyez-le ou non—c'est dans quelle mesure pouvons-nous faire preuve de souplesse à l'endroit du soi-disant excédent de l'assurance-emploi pour que nous puissions faire des recommandations au ministre des Finances qui font appel à une plus grande souplesse? Tout budget ou tout plan économique doit avoir l'appui des Canadiens. C'est la seule façon pour que cela fonctionne. Il n'y a pas d'autre façon d'y parvenir. Je me demande tout simplement si, en particulier, de notre côté, il est vraiment important que cette somme de 5 milliards de dollars soit dirigée vers la diminution des primes d'assurance-emploi ou vers une amélioration des prestations.

M. Phillip Legg: Si vous devez établir un ordre de priorités, vous devez commencer par la protection, puis vous pouvez vous diriger vers la réparation des dommages pour ce qui est des prestations, et beaucoup plus bas dans cette échelle de priorités, il y aurait la réduction des primes.

Le président: Que dites-vous des soins de santé?

M. Phillip Legg: Au Canada, le système d'assurance-chômage n'a pas été mis en place pour financer les soins de santé. C'était un système d'assurance et je pense que c'est un système d'assurance qui a été bien mal canalisé, mais néanmoins un système d'assurance pour aider les travailleurs qui perdaient leur emploi. Si le gouvernement fédéral, à ce point-ci, décide qu'il va puiser dans cette réserve et injecter un paquet de dollars supplémentaires pour rééquilibrer un programme fiscal qui, je pense, a été très mal dirigé dès le départ, c'est une énorme erreur.

Le président: Donc, vous nous dites que vous accepteriez un discours du budget qui comporterait un seul poste, c'est-à-dire que nous réduirons les primes d'assurance-emploi ou...

M. Phillip Legg: Non, non. Commencez par la protection. Nous devons revenir à une protection complète...

Le président: Pensez-vous que nous pourrions rallier un pays autour de ce budget? Sincèrement, je crois comprendre la boîte qui a été créée. Je le comprends. Je comprends aussi de quelle façon les finances gouvernementales, quoiqu'il y ait des intérêts récupérés lorsqu'il y a un ralentissement économique. Par le passé, le soi-disant fonds a essentiellement emprunté du gouvernement. C'est donc une rue à deux sens. Je vous concède le fait que, selon certains chiffres que nous avons vus, c'est jusqu'à 20 milliards de dollars.

Ceci étant dit, je répète la question. Pensez-vous que nous, en tant que pays, accepterons du ministre des Finances un discours du budget qui pourrait ne comporter qu'un poste parce que tout ce que l'on ferait, c'est de retourner 5 milliards de dollars aux travailleurs et aux employeurs? Pouvez-vous accepter cela?

M. Phillip Legg: Je reviendrais aux premiers principes. Je pense que le problème que ce gouvernement a est qu'il ne peut pas se dégager de la boîte. Il doit se concentrer sur une croissance de l'économie et fondamentalement mettre d'un côté les prescriptions qui nous ont menés au gâchis dans lequel nous nous trouvons maintenant.

Le président: Je sais, mais en février...

M. Phillip Legg: Eh bien, en février, c'est le temps de mûrir.

Le président: Je comprends ce que vous dites, mais vous ne répondez pas à ma question. Je comprends qu'en 1986, lorsque c'était versé aux recettes générales, peut-être que ce n'est pas ce que l'on aurait dû faire; peut-être que nous devrions avoir uniquement des charges sociales et dire, si vous voulez faire affaire au Canada, voici le montant que vous devez payer—travailleurs comme employeurs; c'est ainsi que ça fonctionne. Nous pouvons prendre aussi cette solution. Je dis tout simplement que ce n'est pas la situation dans laquelle nous nous trouvons et je veux savoir s'il y a un appui dans cette pièce pour un budget qui ne comporterait probablement qu'un seul poste.

M. Seth Klein: Je ne pense pas qu'il y ait qui que ce soit qui veuillent un budget à un seul poste. Je comprends votre question, parce que nous jonglons avec la même question alors que nous préparons l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral, comme nous l'avons fait tout au long. Je veux vous dire de quelle façon je pense nous y répondons.

Premièrement, pour ce qui est de se sortir de la boîte, comme l'a dit Phil, nous considérerions le prochain exercice financier. Nous croyons qu'il est possible d'avoir un dividende fiscal qui soit passablement plus important que l'excédent annuel du fonds de l'AC. Nous croyons qu'il est réaliste de penser à un dividende fiscal de l'ordre de 13 millions de dollars si vous incorporez l'excédent de l'AC et les autres recettes découlant d'une stratégie plus axée sur la croissance et les économies réalisées du fait que la Banque du Canada assume une plus grande partie de la dette en ce qui concerne les économies réalisées à l'écart des intérêts. Il y a donc beaucoup plus que seulement que l'excédent de l'AC.

• 1920

Une partie de la difficulté, soit dit respectueusement, que nous rencontrons est qu'il y a eu tellement de programmes, y compris l'AC, mal dirigés qu'après une seule année de l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral il est difficile de savoir par où commencer pour réparer les dommages. Alors, je pense qu'on doit adopter une approche équilibrée.

Nous croyons aussi qu'on devrait revenir à une protection beaucoup plus complète en vertu de l'AC et à un rétablissement des prestations. Je pense que cela devrait être fait de la même façon que M. Martin a eu ses objectifs progressifs. Je pense qu'on devrait le faire selon un calendrier de trois ans ou quelque chose comme ça, de sorte que nous ayons une indication que c'est dans cette direction que nous nous dirigeons dans le budget de cette année, et que nous ayons aussi une indication que nous rétablissons le financement des soins de santé, et que nous commençons également à voir un paiement initial sur certains des autres programmes sociaux ou des programmes que les gens, je pense, en difficultés veulent vraiment voir, notamment le logement social.

Le président: Bien franchement, lorsque j'écoutais le propos de M. Muzin, je pense que le document sur les 6 milliards de dollars que je lisais... c'était votre exposé, je crois. Je ne pense pas que nous aurions suffisamment d'argent dans le budget de cette année pour réinvestir 6 milliards et 5 milliards de dollars, donc 11 milliards de dollars—parce que vous supposez qu'il y aurait un excédent de 11 milliards de dollars. Et s'il n'y en a pas, qu'arrive-t-il à votre assurance-médicaments, aux soins à domicile et à toutes les autres choses que vous avez mentionnées?

M. Fred Muzin: Eh bien, le budget est une question de choix. Lorsque vous avez 20 p. 100 des enfants du pays qui sont sous le seuil de la pauvreté, le fait de remettre de l'argent des primes d'AE ne réglera pas cette question, parce que les enfants ne participent pas à l'AE. J'appuierais donc ce que Seth a dit. Il faudrait que ce soit équilibré. Si vous n'atténuez pas les problèmes du système de soins de santé, alors vous n'aurez pas une main-d'oeuvre. Vous allez dépenser davantage de votre temps à essayer de rendre les gens en santé afin qu'ils puissent être des Canadiens qui cotisent. Donc le simple fait de réduire dans un domaine... je pense que vous devez considérer...

Le président: Vous n'êtes donc pas d'accord avec tout simplement une réduction des primes d'AE ou...

M. Fred Muzin: Absolument pas. Non.

Le président: Bien. Merci, monsieur Muzin.

Monsieur Hansen.

M. John Hansen: Monsieur le président, je pense que vous avez mis le doigt exactement au bon endroit lorsque vous avez mentionné que le budget est vraiment une indication de l'orientation financière pour le pays, et je ne pense pas qu'un budget comportant un seul poste ferait cela. Je pense que les questions sont beaucoup plus complexes et vont bien au-delà de la question de l'AE. Je pense que c'en est un élément. Je pense que la réforme fiscale de façon générale et les plans pour des réductions d'impôt sont un important élément, tout comme un programme pour commencer à rembourser la dette. Je pense que ce sont tous des éléments d'un budget.

Le président: Merci.

Monsieur Barrett.

M. Joe Barrett: Je pense que ce dont nous parlons, c'est de modifier certains des changements apportés en 1996. Oui, je pense que nous pourrions mettre un plafond à l'AC à 20 milliards de dollars, de sorte qu'au moins nous savons quelles sont les limites extérieures de cet excédent. Mais nous voulons modifier la façon de déterminer l'admissibilité de sorte qu'un plus grand nombre de personnes puissent se qualifier. C'est vraiment l'une des raisons pour lesquelles nous sommes dans la situation dans laquelle nous nous trouvons en ce moment.

Et c'est beaucoup plus que seulement des travailleurs. L'AC est reliée à des familles partout au pays, et une fois que nous nous défaisons de l'idée que ce sont seulement les travailleurs qui sont touchés, je pense que ce ne serait pas la seule mesure populaire. Il y a beaucoup d'autres mesures que le budget fédéral devrait présenter.

Le président: Merci, monsieur Barrett. Et nous devons toutes les équilibrer, en tant que Comité des finances, et c'est la raison pour laquelle nous écoutons avec attention les divers points de vue qui sont exprimés partout au pays.

Comme toujours, membres du panel, ce fut excellent. Vous nous faites toujours part de renseignements significatifs et vous énoncez clairement les défis et les choix avec lesquels nous devons composer en tant que personnes, mais ce qui est encore plus important, en tant que membres de la famille canadienne. Au nom du comité, je vous remercie beaucoup.

Nous allons prendre une petite pause et nous reviendrons.

• 1925




• 1929

Le président: Nous reprenons nos travaux.

J'ai le plaisir de présenter aux membres du comité le maire de la ville de Vancouver, son honneur M. Philip Owen.

• 1930

Bienvenue. Vous savez probablement de quelle façon fonctionne notre comité. Vous avez environ de cinq à dix minutes pour vos observations préliminaires, puis nous passerons aux questions.

M. Philip W. Owen (maire de Vancouver): Merci. C'est avec plaisir que je revois certains d'entre vous. Il y a quelques visages familiers de l'an dernier.

J'ai deux points à signaler sur un plan personnel. La grande question l'année dernière était de rembourser la dette ou de réduire les impôts et tout le reste. Personnellement, je pense qu'à ce stade-ci, nous devrions faire les deux, soit rembourser la dette et réduire les impôts. Nous nous dirigeons vers une situation mondiale qui est mal engagée. Au Canada, la Colombie-Britannique a certaines difficultés et pourrait continuer d'en connaître. Les jeunes ont cessé de dire pendant des années que leurs impôts étaient trop élevés. Je pense à ce stade-ci que je recommanderais que l'on examine les deux questions. La dette à long terme doit être réglée, mais je pense qu'un répit pour les contribuables serait extrêmement bienvenu.

J'ai remis une lettre, mais je ne sais pas si vous l'avez tous entre les mains. Elle a été remise n'est-ce pas? Parfait. Je vais mettre en évidence quelques points de cette lettre, que j'ai rédigée le 31 juillet.

Du point de vue de la ville, le programme d'infrastructure du Canada a été très bon. Nous l'avons beaucoup apprécié. La ville de Vancouver a dit que de l'infrastructure c'est de l'infrastructure—infrastructure massive, canalisations d'égout, conduites d'eau, routes et rues—quoiquÂà la fin évidemment nous avons accepté le 20 p. 100 d'infrastructure souple. Mais nous aimons l'infrastructure massive. Nous pensons que c'est un excellent programme. Nous nous dirigeons vers un troisième. Nous aimerions qu'il y ait une certaine permanence. Sur une période de temps plus longue, de mon point de vue et selon le point de vue de la ville de Vancouver, je pense que ce serait bénéfique pour tous.

L'autre aspect était que le gouvernement fédéral fait sa juste part au chapitre des impôts fonciers. IL s'agit d'un paiement qui tient lieu d'impôt, et nous savons que le gouvernement fédéral le respectera en 1998-1999. Il n'y avait aucun engagement en 1998 qu'il serait prolongé au-delà de cette date. Il y a diverses raisons qui expliquent cela, étant donné que nous continuons de recevoir des pressions de tous les niveaux.

L'autre aspect que j'aimerais aborder est le point quatre sur cette page, soit le logement social. À Vancouver, nous construisons en ce moment quelque 800 unités de logement social. Nous avions annoncé 300 unités plus tôt cette année, et nous avons annoncé deux autres emplacements depuis.

À Vancouver, nous avions l'habitude d'acheter des biens immobiliers et de les céder en vertu d'un bail à long terme aux organismes s'occupant du logement social à raison de 25 p. 100 d'amortissement, de sorte que nous donnerions 75 p. 100 de sa valeur et le céderions dans un bail à long terme. Récemment, la seule façon de pouvoir conclure une entente, c'est d'acheter des terrains, et nous avons investi 100 p. 100, sans retour de 25 p. 100 pour la ville et tout le reste. Nous avons de la difficulté et nous travaillons fort. Nous avons récemment ouvert, avec VanCity, une installation SRO, une installation à usage unique sur la rue Pender, pour les jeunes de la rue qui sont à risque, et nous sommes très heureux de ce que nous faisons dans ce domaine.

Nous espérons que la politique du gouvernement fédéral de ne pas s'impliquer dans le logement social n'est pas immuable, et qu'elle est revenue sur la liste. C'est le troisième point dont j'ai parlé dans ce document.

La quatrième question que je veux aborder est toute la question de la prévention du crime et de la sécurité. Le programme national de prévention du crime, soit le montant de 32 millions de dollars qui y est consacré, est un excellent programme. Nous avons présenté une demande. Nous avons effectué de nombreuses démarches auprès des députés locaux et les membres de notre personnel ont établi des contacts avec divers députés à Ottawa. Nous voulons remercier le gouvernement pour ce programme, parce qu'encore une fois c'est un programme de cinq ans et si vous pouvez y avoir accès, il s'agit d'un très bon financement stable qui permet à des programmes d'évoluer et d'aller au-delà des élections. Il apporte une certaine stabilité et constitue une occasion pour les municipalités d'avoir une visée à long terme.

Comme vous le savez, nous, à Vancouver, avons eu d'énormes problèmes avec les questions de crime et de sécurité. J'ai eu une rencontre vendredi dernier qui a duré trois heures avec les députés fédéraux et provinciaux de la région de Vancouver, et il y a beaucoup de gens qui sont venus, et il y en a beaucoup également qui sont venus de Victoria. Plusieurs ministres et personnalités importantes de l'opposition à Victoria étaient présents, deux libéraux et plusieurs membres du NPD, ainsi que Hedy Fry. Et plusieurs autres députés fédéraux de la région de Vancouver que j'ai rencontrés sont au courant de cela. Je leur ai parlé personnellement de ce que nous faisons dans le quartier du centre-ville est de Vancouver.

• 1935

Nous cherchons la collaboration et nous avons une politique ainsi qu'un plan. Nous possédons un document très important qui contient diverses options pour régler toute la question du secteur est du centre-ville—crime, sécurité, en particulier la drogue, qui entraîne une énorme désintégration sociale et des coûts énormes—et nous en arrivons à une stratégie de collaboration. Nous pensons à un programme national de prévention du crime qui serait financé conjointement par la province et le gouvernement fédéral.

Notre message vendredi après-midi était, laissons nos opinions politiques à la porte. Nous avons un problème énorme à régler. Nous aimerions trouver certaines solutions à long terme.

Comme je l'ai dit aux députés à Ottawa, nous dialoguons sérieusement avec les gens du secteur est du centre-ville de Vancouver qui participent au programme d'échange de seringues, ainsi qu'avec les gens qui s'impliquent au Carnegie Centre et dans toutes sortes d'autres programmes sociaux, comme l'Armée du salut et d'autres, afin de les amener à se réunir pour présenter leurs opinions, desquelles nous pourrions dégager un terrain d'entente. Nous allons donc avancer avec des composantes qui seront, nous le croyons, importantes pour le règlement de cette question.

Ce n'est pas seulement à Vancouver; c'est dans toutes les villes du pays. J'ai le caucus des maires des grandes villes de la Fédération canadienne des municipalités—je leur ai parlé de ce problème, et ils pensent que nous pourrions prendre le leadership—et l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique. Nous démontrons un certain leadership dans tous ces domaines et nous leur avons dit que si nous pouvions faire fonctionner cela, nous pouvions présenter un modèle qui peut commencer à fonctionner dans tout le pays, parce que nous devons avoir une stratégie nationale en matière de drogue; il faut qu'une politique nationale en matière de drogue soit mise en place. C'est très important.

Nous croyons que le programme national de prévention du crime est un début en ce sens. Il nous donne des indications sur les intentions d'Ottawa et nous voulons tabler sur cela. C'est vraiment tout en haut de notre liste, et ce l'est aussi pour tous les gouvernements municipaux du pays, peu importe leur taille. Il y a de la drogue partout—Vancouver, Prince George, Kamloops, et ainsi de suite, on en trouve dans toutes les petites villes et collectivités. Où que j'aille pour les réunions de L'Union des Municipalités de la Colombie-Britannique et de la Fédération canadienne des municipalités, ils parlent tous de la même chose.

Ceci découle du fait que toutes les villes du monde grossissent, particulièrement au Canada. Vancouver grossit. On nous en demande toujours plus. Nous avons cette désintégration sociale qu'entraîne la drogue, la drogue, la drogue, ce qui conduit au crime contre la propriété, à la prostitution, aux vies détruites et à tous ces problèmes.

Pendant ce temps, la gouvernement fédéral doit mettre de l'ordre dans sa maison et il a fait un excellent travail en ce sens, mais nous avons perdu un montant effroyable de paiements de transfert alors que la ville grossit, que la demande croît et que la province réduit ses dépenses. Il y a 15 ans, nous recevions habituellement 50 millions de dollars de la province en paiements de transfert annuellement. Ce montant est passé à 5,8 millions de dollars, et il est possible que ces paiements disparaissent.

Nous avons donc dû absorber tout cela. Au même moment, la demande s'accroît. Nos revenus proviennent de l'impôt foncier et des droits. Nous ne pouvons pas générer des sources de revenus. Nous ne pouvons ajouter un cent à la taxe sur le gaz en Colombie-Britannique et aller chercher 20 millions de dollars. Nous n'avons accès à aucune source de revenus. Nous obtenons notre argent des gens riches d'un actif et pauvres en argent dans leur maison, bon nombre d'entre eux veufs ou veuves, leur disant de presser sur un actif non productif de revenus pour en faire sortir plus d'argent, actif qui est représenté par leur maison.

Nos charges s'alourdissent et nos sources de revenus sont limitées. Maintenir nos budgets équilibrés, ce que nous devons faire, comme le font les gouvernements supérieurs—et je pense qu'Ottawa montre bien l'exemple en mettant de l'ordre dans sa maison. Nous espérons seulement que vous n'oublierez pas les villes et les municipalités; ne nous oubliez pas lorsque vous tentez de rééquilibrer la situation. Nous espérons seulement que nous n'aurons pas à absorber d'autres coupures et d'autres réductions dans les paiements de transfert.

Il y a un certain nombre d'autres choses que vous pouvez lire dans ce document. Le temps ne me permet pas de les aborder toutes, mais je voulais vous parler de ces quelques choses. Il y en a d'autres dans l'annexe que vous avez, qui est assez brève.

Merci beaucoup de votre temps.

Le président: Merci beaucoup.

Je sais que vous devez partir très bientôt, nous allons donc essayer ceci, monsieur Harris. Pouvons-nous placer peut-être quatre questions, et le maire pourra répondre à chacune de ces quatre questions?

M. Dick Harris: Bien sûr.

Le président: Nous allons commencer avec vous, monsieur Harris, puis nous passerons à M. Riis.

M. Dick Harris: M. le maire, j'apprécie le fait que vous soyez ici à nouveau; je vous ai vu l'an dernier. C'était une excellente présentation. Vous avez parlé du problème de la drogue, et évidemment nous reconnaissons tous la pression que le commerce de la drogue fait peser sur notre société.

Récemment, j'ai vu que le budget de la GRC est tel qu'ils ont dû discontinuer, fermer ou garer leurs bateaux dans le port et qu'ils ont dû diminuer les services de police en raison des restrictions budgétaires. Particulièrement en ce qui a trait au commerce de la drogue, quelles seront selon vous les conséquences pour le port de Vancouver qui est une porte d'entrée importante de la drogue?

• 1940

M. Philip Owen: La police municipale de Vancouver a pris la responsabilité du port il y a un an et demi. Notre service de police est très bien considéré de la part des citoyens de Vancouver, avec un taux d'appréciation de 85 p. 100, malgré les problèmes de la police et les problèmes liés à la drogue. Nous avons cette question. Le port est un énorme problème.

Je pense que c'est mieux depuis que la police de Vancouver a pris la responsabilité. Nous avons l'infrastructure; nous avons les ordinateurs. Une force de police distincte composée de 36 personnes n'était pas efficace.

Nous construisons présentement un centre de communication d'urgence au coin de Cassiar et Hastings à Vancouver au coût de 25 millions de dollars. Il s'agit d'un immeuble à l'épreuve des tremblements de terre où nous centraliserons un grand nombre de services. Nous souhaitons qu'à partir de cela lorsque les services de police, d'ambulance et d'incendie de Vancouver et des municipalités environnantes seront rassemblés sur un système de radio à large bande—et Ericsson vient tout juste de recevoir le contrat pour ce système radio, 120 millions de dollars—nous commencerons à avoir une certaine coordination.

Je ne sais pas si j'ai complètement répondu à votre question. Je ne suis pas très familier avec les affaires de la GRC, mais je sais qu'ils ont eu beaucoup de problèmes en relation avec les compressions.

Le centre de désintoxication de Pender est fermé et nous avons un immense besoin d'un programme d'échange de seringues dans le centre-ville de Vancouver. Je parle d'endroits sécuritaires pour les injections, et d'une quantité de choses. Tout cela vient ensemble, et c'est très sérieux. Les choses empirent et les citoyens nous demandent de faire quelque chose.

M. Dick Harris: J'ai une brève question, toujours concernant la drogue.

Je pense qu'il y environ deux mois, le coroner en chef de Vancouver, le médecin hygiéniste en chef et le chef de la police participaient à une émission à la télévision provinciale et qu'ils ont dit que la bataille concernant la drogue était perdue. Comme solution, ils ont mis de l'avant que l'on puisse fournir de la drogue gratuitement aux toxicomanes et que ce serait là une façon d'aider à résoudre les problèmes que nous avons. Appuyez-vous cela?

M. Philip Owen: Non. Je l'appuie, peut-être en fin de compte, dans le cas des soins de longue durée. Le problème au Canada actuellement, c'est que nous n'avons pas de soins de longue durée.

La ville de Vancouver a organisé un symposium sur la drogue les 12 et 13 juin derniers. Nous avions deux personnes de la Suisse, une de la Suède, une de New York et une de la Californie, plus les gens d'ici, discutant de cela. En Suède et en Suisse, ils ont eu une approche très libérale dans les années 70 et les années 80. Ce fut un échec lamentable. Ils ont maintenant une politique restrictive. Ce qu'ils ont, c'est un programme de soins de longue durée, et quand je parle de stratégie nationale en matière de drogue, je parle de s'occuper du problème à l'échelle nationale.

En dernier ressort, ils ont un programme d'aide aux héroïnomanes, financé par le gouvernement. En Suisse, où la population est de 7 millions de personnes, 800 personnes profitent de ce programme. Pour ce qui est de ces gens, le profil type est un homme de 45 ans qui utilise les drogues dures depuis 25 ans, qui a subi des traitements, qui a participé à toutes sortes de programmes de désintoxication, il a essayé la méthadone et c'est habituellement un cas désespéré. Il est tellement tendu qu'il lui est impossible de s'en sortir. Il participe à un programme fédéral d'aide aux héroïnomanes.

Nous ne sommes pas prêts à même envisager cela, parce que nous n'avons pas mis en place toutes les autres phases. Nous n'avons pas de traitement. Il y a à Vancouver un nombre effroyable de jeunes enfants qui consomment des drogues dures. Nous pouvons aller tout de suite sur les rues Hastings ou Main, cet après-midi, et nous trouverons une fille de 12 ou 13 ans. Notre police nous dit que 30 p. 100 au moins, toutes les deux ou trois semaines, ont des moments de sobriété et disent: «Je ne peux pas supporter cette vie; j'ai besoin d'aide.» Qu'est-ce que nous disons? Nous disons: «OK, brise-toi un bras et on t'emmène à l'hôpital; commets un crime et on t'emmène en prison; sinon, passe une bonne journée.» Nous ne pouvons rien faire, rien. Nous n'avons rien à leur offrir.

En Suède et en Suisse, c'est ce qu'ils ont, le traitement sur demande. Ce jeune de 12 ou 13 ans, utilisateur final, n'est pas un criminel; c'est une victime. C'est une question de santé pour ces personnes, et il faut que nous venions en aide à ces personnes. C'est pour cela que nous avons besoin d'une politique nationale.

Si nous avions un centre de traitement à Vancouver et si nous avions l'argent—et le conseil de la ville de Vancouver a consenti 2 millions de dollars, et je sais que nous pouvons faire cela du point de vue du privé—si nous avions un centre de traitement à Vancouver, nous serions l'un des premiers endroits à avoir un centre de traitement financé de façon significative par le gouvernement au Canada et on y viendrait en masse. Demain, nous pourrions soigner 1500 personnes. Puis ce serait 2000 personnes le jour suivant, et 3000 le jour d'après.

Nous avons un problème avec l'Alberta. Ralph Klein a une solution; c'est la solution Greyhound, un billet aller seulement, et ils pourraient affluer ici.

C'est pourquoi je parle de stratégie nationale. Nous devons éduquer les jeunes de deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième années. Nous devons avoir des centres de traitement pour les jeunes. Nous devons arrêter les trafiquants et les gros importateurs de drogue, plus particulièrement ces personnes qui ne sont pas des utilisateurs, et pouvoir les condamner à une sentence de 25 ans de prison obligatoire. Cela faisait partie du rapport Cain. Cette idée a reçu un fort appui en Colombie-Britannique.

Il y a toute une série de chose que nous devons faire avant de parler d'un programme d'aide aux héroïnomanes. En ce moment, nous sommes bien loin de cette phase.

Je m'excuse d'avoir pris autant de temps. Je vous ai donné un genre de vue d'ensemble, car c'est une question importante pour nous.

Le président: Merci.

Monsieur Riis.

• 1945

M. Nelson Riis: En réalité, vos commentaires sur ce sujet sont très intéressants, et vous avez absolument raison, il faut une stratégie nationale. Vous avez sûrement beaucoup réfléchi à ce problème et vous pourriez jouer un rôle majeur dans le développement de cette stratégie, et je vous remercie de votre aide sur ce sujet.

Il y a beaucoup de questions, mais je vais poser seulement celle que je voulais poser et qui n'a pas encore été posée. Vous avez indiqué la valeur du programme d'infrastructure pour une ville comme Vancouver, et que vous appuyez ce programme de façon générale—de façon générale, les gens appuient ce programme dans tout le pays—et vous avez parlé des ponts et des routes. C'est génial et c'est assez évident, mais certaines personnes disent maintenant que si nous devons avoir un programme d'infrastructure, nous sommes peut-être mieux de mettre tout de suite de l'argent dans des infrastructures plus sophistiquées sur le plan de la technologie de l'information et du développement des technologies, alors ils reviennent et parlent d'infrastructure lourde.

Est-ce que vous ou vos collègues avez pensé à cette question des infrastructures qui est un peu plus sophistiquée que lorsqu'il s'agit de construire une route ou un pont?

M. Philip Owen: Oui, je pense que c'est la tendance générale qui se développe et nous nous en sommes tenus à la position qu'une infrastructure est une infrastructure. Nous voulons une infrastructure lourde. Lorsque le gouvernement nous a dit 80 p. 100-20 p. 100, nous avons répondu, bien, cela a un certain sens. Aussi, je pense que nous serions favorables à cette idée. Peut-être que nous devons penser différemment et évaluer qu'il y aurait un meilleur rendement en plaçant un certain pourcentage dans le secteur de l'infrastructure sophistiquée plutôt que dans l'infrastructure lourde.

Je pense que c'est une tendance qui serait acceptable, définitivement.

Le président: Merci, monsieur Riis.

M. Philip Owen: Le monde change et nous devons suivre ce changement.

Le président: Monsieur Gallaway,

M. Roger Gallaway: Je n'ai qu'une question. Je voulais parler de la recommandation au sujet des compensations pour les réclamations territoriales et la négociation de traités.

En ce qui a trait aux revendications territoriales, j'étais ici à Vancouver en novembre pour une conférence portant sur le droit autochtone. Je pense que vos problèmes ici sont uniques—je ne suis pas positif sur ce point—mais à quel genre de problèmes la ville de Vancouver doit-elle faire face dans le cadre de la décision de Delgamuukw?

M. Philip Owen: En un mot, dévastateurs.

M. Roger Gallaway: Pouvez-vous élaborer sur ce point?

M. Philip Owen: Bien, je crois que les gens sont sous le choc. Cette décision a mis des bâtons dans les roues, et elle continue de se poser comme une question majeure qui peut causer des problèmes énormes. Personne ne veut croire que cette décision vient de la Cour suprême, en raison des revendications et parce que cela représente 115 p. 100 du territoire de la province.

M. Roger Gallaway: Je me demande si vous pouvez juste nous dire ce que vous prévoyez comme coût pour votre municipalité.

M. Philip Owen: Bien, je pense qu'il va y avoir des conflits et des litiges. Je pense que c'est assez irréaliste; je pense que c'est tout simplement affreux; et je pense que cela dépasse les rêves les plus fous des autochtones—d'être seulement près de ce genre de décision.

Je me souviens, lorsqu'il a été publié, je l'ai lu très rapidement, mais je suppose que je suis un peu influencé par la presse et par ce que les gens de notre comité consultatif sur le traité disent. La conseillère Nancy Chiavario de la ville de Vancouver fait partie de ce comité; ils ont été décontenancés. Ainsi, le Comité consultatif sur le traité fonctionne en quelque sorte localement parce qu'ils sont incapables de composer avec cette décision.

M. Roger Gallaway: OK, merci.

Le président: Merci monsieur Gallaway.

Monsieur le maire, j'ai eu l'occasion de comparaître devant un groupe de travail national sur la jeunesse il y a quelques années, et j'ai visité votre programme d'échange de seringues dans l'est de Vancouver. Je peux vous dire que j'ai été un peu surpris de constater les divers problèmes qui existaient dans la ville de Vancouver, mais ce que j'ai trouvé intéressant, c'était le fait qu'il y avait tellement de groupes et de personnes qui avaient vraiment relevé leurs manches et qui travaillaient fort pour essayer d'apporter des changements positifs dans ce secteur en particulier, aux individus qui y vivent. Ceci se veut aussi une reconnaissance de la volonté des gens de contribuer à une cause commune pour essentiellement en venir à comprendre le fait que les communautés se construisent en réalité à partir du bas vers le haut.

Maintenant, l'une des questions qui a trait à votre programme national en matière de drogue—c'est essentiellement ce à quoi vous faites référence—et aussi en liaison avec ce que M. Riis a dit, c'est qu'en particulier lorsqu'elles sont imposées du haut, je trouve que ces initiatives ne fonctionnent pas toujours. Elles ne fonctionnent pas toujours parce que je crois—et ce n'est peut-être pas l'opinion de tous ici—que parfois le gouvernement fédéral est trop loin des choses qui se passent au niveau de la communauté.

• 1950

Je me demandais seulement, si nous devions mettre en oeuvre cette question en particulier, si nous devons pousser du bas vers le haut—je suppose que les initiatives, les objectifs et les buts sont plus près des communautés que de quelque chose de national. L'approche en série ne fonctionne pas. C'est ce que j'essaie de dire. Il n'est pas possible d'avoir une seule taille pour tous. J'aimerais seulement avoir quelques commentaires.

M. Philip Owen: Vous avez absolument raison. C'est pour cette raison qu'en juillet la ville a déposé un livre blanc. On l'appelle maintenant la bible dans le secteur est du centre-ville et on y compte six rapports. Ce livre blanc traite de logement. Il parle du traitement de la toxicomanie. Il traite des problèmes de Gastown, de Victory Square et des problèmes de ce secteur. Chaque rapport comporte de 40 à 60 pages, et nous y avons travaillé longtemps. Nous les avons réunis, et c'est notre travail, avant que nous allions devant le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral, d'obtenir un consensus au sein de la communauté parce qu'il y a 50 idées pour 50 personnes. Il y a quelques fils conducteurs sur deux ou trois des idées afin que nous puissions commencer à travailler sur cette question.

C'est à cela que servira l'argent que nous allons obtenir pour le programme de prévention du crime. Nous allons être en mesure d'aller chercher un appui dans la communauté pour débuter et pour pouvoir progresser pour régler ce problème. Nous devons régler ces graves problèmes dans le secteur est du centre-ville.

J'assisterai à la rencontre des maires des grandes villes les 20 et 21 novembre et j'y apporterai ces recommandations. Jim Knight de la FCM a dit que toute la conférence serait articulée autour des initiatives prises par Vancouver en matière de traitement de la toxicomanie et de prévention du crime dans le secteur est du centre-ville de la ville de Vancouver.

Oui, il est bien vrai que l'approche descendante ne fonctionne pas. Il n'y a rien de pire que les politiciens qui pensent qu'ils ont trouvé une idée extraordinaire, puis la presse s'en empare, et les communautés qui sont vraiment dans les tranchées ne font qu'en rajouter par-dessus. Nous prenons des mesures pour éviter cela.

Les volets nationaux s'insèrent là où nous avons un modèle, là où je peux dire: «L'Union des municipalités de la Colombie-Britannique accepte ceci, et voici les principes que nous allons suivre.» C'est ce que nous avons fait vendredi avec les représentants de deux niveaux supérieurs de gouvernement. Nous allons continuer avec eux—l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique et la Fédération canadienne des municipalités—et ce sera quelque chose d'acceptable et de fiable, la façon dont nous abordons la crise sérieuse qui sévit dans le secteur est du centre-ville.

Nous pensons que c'est un modèle qui peut être reproduit et utilisé à la grandeur du pays. J'espère qu'il sera prêt pour le 20 novembre afin que je puisse faire avancer l'idée d'une politique et d'une stratégie nationale en matière de crime pour des choses comme le traitement de la toxicomanie. Nous offrons le traitement de la toxicomanie ici. Le traitement de la toxicomanie est offert partout. En Suisse, on vous pince à Genève et on décide que vous avez commis un crime. Le juge dit: «Choisissez-vous l'incarcération ou le traitement? Je vais vous placer en traitement.» Nous ne pouvons pas faire cela actuellement. Vous êtes de St. John à Terre-Neuve, vous recevrez donc votre traitement à St. John à Terre-Neuve. Ou peut-être que vous irez à Edmonton. Ou vous vous faites arrêter à Toronto et vous venez de Vancouver; c'est là qu'est votre service de soutien ainsi que votre famille, donc vous recevrez votre traitement à Vancouver.

C'est ici qu'intervient l'aspect national du projet et c'est la direction vers laquelle nous nous orientons. Il faut que ça vienne de la base. Il faut définitivement fonctionner du bas vers le haut.

Le président: Monsieur le maire, au nom du comité, j'aimerais vous remercier sincèrement. Nous savons que vous avez une autre réunion.

M. Philip Owen: C'était un plaisir pour moi d'être ici.

Le président: Au nom du comité, j'aimerais vous exprimer la plus sincère des gratitudes pour votre participation et aussi vous dire que vous avez peut-être un grand nombre de défis à relever en tant que maire de cette ville, mais vous avez tout de même une belle ville et un grand nombre d'hommes et de femmes qui travaillent fort pour que tout fonctionne. Je pense que c'est quelque chose dont vous pouvez être fier.

M. Philip Owen: Nous avons littéralement des centaines d'organismes qui travaillent dans le secteur est du centre-ville, et nous y dépensons entre 175 et 200 millions de dollars par année. Si nous pouvons obtenir la collaboration des niveaux supérieurs de gouvernement, nous allons commencer par chercher où il y a des duplications et où il y a des besoins. Ce n'est donc pas entièrement de l'argent neuf. C'est un réaménagement des ressources. Nous ne demandons pas beaucoup d'argent, parce qu'il n'y a pas d'argent. Nous ne faisons que parler de rembourser la dette et de réduire les taxes. Nous pensons que cette question était la vingtième sur la liste il y a 20 ans.

Le président: Merci encore.

Nous allons passer à M. Robert G. Seney, directeur des taxes de BC TEL. Nous entendrons aussi M. T. McEwen, analyste principal en matière de politiques du British Columbia Business Council, et M. Jock Finlayson, vice-président, Politique et analyse. Bienvenue.

M. Robert Seney (directeur des taxes, BC TEL): Est-ce mon tour?

Le président: Oui, c'est votre tour.

M. Robert Seney: Mon nom est Bob Seney, directeur des taxes chez BC TEL, et j'aimerais souhaiter la bienvenue au comité à Ottawa. Vous méritez nos félicitations pour siéger pendant toutes ces présentations, toute la journée et dans tout le pays.

• 1955

Le président: C'est toujours très intéressant. Nous aimons faire cela.

M. Robert Seney: Je peux vous dire que dans mon travail, je surveille le développement d'un point de vue économique. Je surveille ce qui se passe en lisant les articles de journaux. J'ai de bons contacts dans la communauté fiscale ici à Vancouver et dans tout le pays. Je donne des conseils sur la fiscalité lors de transactions commerciales à BC TEL, et des particuliers communiquent aussi avec moi pour obtenir des avis en matière de fiscalité. Je peux vous dire que la préoccupation de toutes ces sphères est que le taux d'imposition au Canada est trop élevé.

Je vais peut-être commencer par une brève vue d'ensemble de BC TEL. Il s'agit d'une entreprise qui offre des services complets en télécommunication, qu'il s'agisse de transmission par ligne métallique ou de communication sans fil dans toute la Colombie-Britannique. BC TEL a 12 000 employés et dépense environ 500 millions de dollars en immobilisations annuellement. En tant que payeur de taxes, nous occupons une part assez significative en Colombie-Britannique, puisque nous payons quelque 500 millions de dollars en taxes diverses: impôt, taxe de vente, taxe sur le capital, impôt foncier et autres. Les cotisations sociales de nos employés représentent un autre 250 millions de dollars et les taxes de ventes provenant des clients un autre 250 millions de dollars. Si on totalise le tout, c'est tout près d'un milliard de dollars.

La participation de l'industrie des télécommunications à l'industrie canadienne est d'environ 18 milliards de dollars ou 3 p. 100 du PIB. Des changements énormes se produisent dans l'industrie des télécommunications. La technologie change, il y a de la concurrence, il y a des marchés ouverts. Et ici aussi, les taux d'imposition élevés constituent le plus grand obstacle à la prospérité des Canadiens. Je pense que les taux d'imposition doivent être concurrentiels à l'échelle internationale, à la fois pour les entreprises, et pour s'assurer d'un approvisionnement stable ainsi que pour garder les travailleurs au Canada.

J'aimerais commenter brièvement la question de l'équilibre budgétaire et du dividende fiscal. Bon nombre de pays connaissent des surplus budgétaires, et dans mon document, j'indique que les restrictions dans les dépenses ont pu jouer, mais en réalité une grande partie de cette situation est due à une forte croissance économique, à une augmentation des recettes fiscales et à la réduction des coûts liés au chômage.

Sur le plan mondial, toutefois, il n'est pas certain que ces fondements soient vraiment viables. La crise asiatique rend la saga encore plus réelle, et en fait, le surplus pourrait disparaître devant nos yeux.

Du point de vue canadien, j'aimerais que vous mettiez l'accent sur le long terme et que vous gériez ce budget en tenant compte de tout le cycle économique, puisque ce dividende fiscal pourrait ne plus être disponible. Il semble que le gouvernement ait récemment révoqué son intention de dépenser 50 p. 100 du surplus et d'affecter l'autre 50 p. 100 à la réduction de la dette et à des réductions d'impôts. Du point de vue de BC TEL, la priorité numéro un devrait être la réduction des impôts. Ici aussi, les taux élevés d'imposition semblent constituer un obstacle à la prospérité du Canada.

J'aimerais faire des commentaires sur le Comité technique sur la fiscalité des entreprises, le Comité Mintz. Son mandat était de passer en revue les impôts payés par les entreprises et de recommander des moyens d'améliorer la régime fiscal des entreprises. Son objectif était d'améliorer le régime fiscal, de promouvoir la création d'emplois et la croissance économique, de simplifier la taxation des revenues d'entreprise pour faciliter la conformité et d'accroître l'équité en s'assurant que toutes les entreprises partagent les coûts.

Le comité en est venu à la conclusion qu'il y avait un certain nombre d'anomalies dans la structure d'imposition des entreprises, particulièrement en ce qui a trait à notre taux moyen de taxation qui est de 43 p. 100 comparativement à 39 p. 100 aux États-Unis. Il y a aussi des distorsions dans le régime fiscal, des charges qui varient selon les différents types d'activités commerciales et, en particulier, selon BC TEL, le fait que les industries de services sont plus fortement taxées que les autres secteurs comparativement aux États-Unis. On constate une dépendance croissante envers les impôts établis sans égard aux bénéfices, ce qui provoque de faibles rendements économiques et de l'injustice parmi les entreprises.

Le comité en vient à la conclusion qu'il devrait y avoir un grand principe général pour la taxation des entreprises, et il s'agit de la neutralité combinée à des taux concurrentiels sur le plan international, ceci étant cohérent avec les objectifs de création d'emplois et de croissance économique, de simplification et d'équité. Si l'on utilise le principe de neutralité, le total des impôts payés sur le revenu pour les différentes entreprises est similaire, donc les décisions ne sont pas influencées par le régime fiscal. De plus, les taux d'imposition devraient être maintenus au plus bas niveau possible et être appliqués à la base la plus large possible.

Le comité a reconnu que le Canada doit jeter un coup d'oeil sur les secteurs créateurs d'emplois et s'assurer que le régime fiscal ne va pas à l'encontre de la croissance dans ces secteurs. Il a recommandé les mesures suivantes: abaisser les taux d'imposition des sociétés pour les entreprises dans le sens des normes internationales et, concurremment, élargir l'assiette fiscale; renforcer l'impôt établi sans égard aux bénéfices pour les entreprises qui fonctionnement sur le principe des avantages sociaux—le principe de l'utilisateur-payeur—réduisant les coûts d'observation et améliorant l'application; mettre en place des mesures pour faciliter l'harmonisation.

• 2000

BC TEL appuie les conclusions du Comité Mintz. Ses propositions constituent un ensemble équilibré qui offre d'autres possibilités en regard de la croissance économique et de la création d'emplois. Le fait d'abaisser les taux d'imposition incitera fortement les entreprises à investir au Canada et à créer des emplois, tout en protégeant l'assiette du revenu. Une assiette plus grande conjuguée à des taux d'imposition plus faibles rendra la structure commerciale plus équitable et plus efficace.

J'aimerais passer aux taux d'imposition élevés, facteur qui est sans nul doute la plus grande préoccupation des Canadiens. Les taux marginaux d'imposition des particuliers provoquent ce que l'on appelle l'exode des cerveaux. Du point de vue de l'entreprise, c'est un problème, et il est clair que le Comité Mintz recommande une solution qui n'a pas d'incidence sur les recettes pour réduire les taux d'imposition des entreprises afin que celles-ci soient concurrentielles à l'échelle internationale.

Comme le temps s'écoule, je vais passer à l'assurance-emploi pour dire que je pense que le fait de réduire les primes d'assurance-emploi est peut-être le moyen le plus simple de diminuer le fardeau à la fois des entreprises et des individus. Le surplus de l'assurance-emploi contribue grandement au surplus budgétaire projeté. En réduisant les primes, on retournerait de l'argent immédiatement aux particuliers, réalisant ainsi l'objectif de réduction des impôts personnels tout en concédant un avantage aux entreprises.

BC TEL préconise l'équilibre dans les budgets des programmes du gouvernement fédéral. De la même façon, nous appuyons la proposition à l'effet que le programme d'assurance-emploi se serve d'une analyse actuarielle fiable pour équilibrer ses budgets par rapport au cycle économique.

Finalement, le Comité Mintz fait référence au fait que les contributions des employeurs soient tarifées selon les antécédents, sur la base du principe de l'usager-payeur.

Ce sont mes commentaires.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Jock Finlayson du British Columbia Business Council.

M. Jock Finlayson (vice-président, Politique et analyse, British Columbia Business Council): Merci, monsieur le président et membres du comité.

Nous avons reçu l'invitation à nous présenter ici vendredi, notre mémoire n'est donc pas complètement au point, mais votre personnel va distribuer une copie de certaines de mes remarques. J'aimerais vous présenter Tim McEwan, un analyste principal en matière de politiques appartenant à notre organisation qui travaille sur les questions économiques.

Notre association est une association d'entreprises qui représente la plupart des gros employeurs de la Colombie-Britannique. Les entreprises et les associations membres de notre organisation représentent près du quart de tous les emplois en Colombie-Britannique. Nous avons normalement la possibilité, ce que nous apprécions, de rencontrer le présent comité dans le cadre du processus de préparation du budget.

Je ferai seulement quelques commentaires sur la situation économique dans laquelle se trouve le gouvernement, situation qui se détériore de minute en minute, pendant la période qui précède la préparation du budget de l'an prochain. Je dis cela alors que je viens tout juste de quitter mon ordinateur. Nous avons connu une autre journée horrible dans les marchés financiers mondiaux, ce qui se traduit probablement par un autre demi-milliard de dollars de richesses accumulées anéanties en raison de ce qui se passe aux États-Unis, en Asie et en Europe. Il s'agit pour le Canada d'un environnement très déstabilisant.

Je dirai un mot ou deux à propos des grandes options politiques qui s'offrent au gouvernement. Je ferai quelques commentaires sur la fiscalité, même si dans l'ensemble je m'associe aux commentaires faits par M. Seney. Finalement, je ferai un bref commentaire sur la productivité et sur le défi à moyen terme auquel fait face le Canada pour améliorer notre rendement et notre productivité.

En tant qu'économiste, je dois dire, avec le recul, qu'il est clair comme de l'eau de roche que notre profession a non seulement sous-estimé l'ampleur de la crise économique en Asie, mais aussi sa durée, car elle a commencé il y a environ 17 mois avec la dévaluation de la monnaie thaïlandaise et la vague d'instabilité déclenchée par cette crise. Le spectre de la récession, selon ce que nous voyons aujourd'hui, plane sur l'économie mondiale, et il s'agit-là d'un changement dramatique par rapport à ce qu'était la situation il y a trois mois, ou même six, voire douze.

Le FMI et la Banque mondiale ont considérablement rabaisser leurs prévisions en ce qui a trait à la croissance économique mondiale en 1999. Elles sont actuellement en baisse à environ 1 p. 00. Il y a à peine six mois, elles étaient en hausse à 3 p. 100 ou 3,5 p. 100. Ces organisations internationales ont une tendance chronique à être trop optimistes dans leurs prévisions. Il est donc possible que le scénario pour 1999 soit vraiment lugubre, temporairement, pour ce qui est de la croissance économique mondiale.

• 2005

Pour ce qui est du Canada, je crois que la croissance économique équivaudra en gros à ce que le ministre Martin a prévu au budget, soit 3 p. 100 pour 1998. J'aimerais rappeler que M. Martin a été vivement critiqué par les économistes de Bay Street qui le jugeaient trop pessimiste lorsqu'il a déposé son budget en février. Mais, en rétrospective, nous devons lui être reconnaissants d'avoir été prudent dans ses prévisions, car cela nous permettra de nous en tenir aux prévisions fiscales et économiques contenues dans ce budget.

Malheureusement, les perspectives pour l'an prochain se sont nettement détériorées, non seulement en comparaison de celles de février dernier, mais même en comparaison de celles de la semaine dernière. Notre économie s'essouffle. Nous avons une croissance négative, ce qui est la façon pour les économistes de dire que la croissance de la production réelle est en baisse, depuis quatre mois consécutifs. Même si des facteurs temporaires tels que les grèves et les interruptions de travail ont entraîné cela, la vitesse de l'économie s'est érodée de façon draconienne au Canada.

Ce ralentissement se vit également aux États-Unis, et comme je surveille les données économiques d'assez près, il me semble évident que presque tous les indicateurs économiques dans le monde et en Amérique du Nord indiquent une tendance vers un ralentissement pour ce qui est du taux de croissance économique pour la prochaine année.

Dans son budget de février, M. Martin a prévu une croissance du PIB réel de 2,5 p. 100 pour 1999, et il a à nouveau été condamné sévèrement par mes collègues de Bay Street pour ces prévisions. Si on revoit le tout aujourd'hui, je dirais que c'est probablement un peu trop optimiste. Nous serons probablement plus près du 2 p. 100 ou peut-être moins. Si tel est le cas, il est évident que la marge de manoeuvre du gouvernement fédéral dans le domaine fiscal, est plus limitée que bien des Canadiens, et peut-être certains membres du Parlement, ont été amenés à le croire, en particulier par la profession économique, qui a fait un battage autour de ce dividende fiscal massif, maintenant en train de disparaître, au cours de la dernière année.

Du point de vue de la Colombie-Britannique, mes remarques seront encore plus graves. Selon à peu près tous les observateurs avertis, l'économie de la Colombie-Britannique est actuellement en récession. Ceci pour dire que la valeur de la production économique se rétrécit en Colombie-Britannique. Au mieux, nous pouvons espérer une croissance zéro cette année, bien que je soupçonne plus tôt que ce sera pire. Les perspectives pour l'an prochain, particulièrement à la lumière de la détérioration de l'environnement externe, sont au mieux une légère amélioration par rapport à ce que nous avons connu cette année.

Bien plus, notre province, contrairement à la façon de voir les choses à Ottawa, est vraiment en retard par rapport au reste du pays, et encore plus si on la compare aux autres provinces de l'ouest du Canada, pour ce qui est de la croissance économique globale, des investissements commerciaux, des exportations, des industries de la transformation et des gains de productivité, non seulement pour cette année avec la crise asiatique, mais depuis le début de 1995.

Nous sommes réellement enlisés présentement, en Colombie-Britannique, dans une période de stagnation économique prolongée ou de faible croissance. D'ici à ce que nous en sortions, probablement en l'an 2000, nous aurons essentiellement été au point mort pendant cinq ans en termes de rendement économique global. Je regrette beaucoup de le dire, mais nous constatons assurément cette situation dans le secteur industriel en Colombie-Britannique.

Plusieurs facteurs contribuent à cet état de chose, notamment la situation horrible de notre industrie forestière. Si l'industrie de l'automobile en Ontario était en aussi mauvais état que l'industrie forestière en Colombie-Britannique, on parlerait d'une crise à la grandeur de la province, et cette crise ferait l'objet de publicité dans les journaux et à la télévision tous les jours.

Notre industrie forestière est littéralement en train de disparaître de la surface de la terre. Chaque jour qu'elle ouvre ses portes, elle détruit du capital. Elle fait face à des coûts non concurrentiels sur le marché intérieur, de même qu'à une situation désastreuse sur le marché extérieur. Ceux d'entre nous qui sont concernés par l'industrie forestière en Colombie-Britannique sont profondément inquiets au sujet de l'avenir de cette industrie.

Nous avons aussi le problème des revendications territoriales des autochtones, auxquelles le maire Owen a fait brièvement allusion un peu plus tôt. Du point de vue économique, le principal problème découlant de cette situation est l'incertitude qui est créée dans l'environnement d'exploitation des entreprises de la Colombie-Britannique. Nul ne sait comment se résoudra cette question et ce qu'il adviendra lorsque ce sera fait. Ceci étant dit, j'ajouterais que nous appuyons le travail qui est fait pour en arriver à signer des traités et à conclure des ententes avec les autochtones en matière de revendications territoriales. Nous ne voyons pas vraiment d'autre solution que d'essayer de faire le travail.

Le troisième problème ici en Colombie-Britannique, c'est le haut taux d'endettement des ménages. Ce problème sévit à la grandeur du Canada, mais c'est la Colombie-Britannique qui a la proportion la plus élevée de dettes par rapport au revenu disponible. C'est plus de 100 p. 100, et ceci traduit bien le fait que nous n'avons pas connu de croissance des revenus réels dans les années 90. Nous avons aussi, évidemment, des coûts de logement élevés, ce qui signifie que les gens ont des dettes plus élevées s'ils ont contracté une hypothèque pour acheter un logement.

• 2010

Sans une forte augmentation du nombre d'emplois et une croissance du revenu, ce qui n'est pas envisagé en Colombie-Britannique au cours des deux prochaines années, nos consommateurs ne sont tout simplement pas dans une situation financière leur permettant d'ajouter d'autres dettes pour acheter des marchandises ou des biens durables. C'est l'un des éléments négatifs importants dans l'environnement économique de la Colombie-Britannique. Les mises en chantier, par exemple, ont littéralement chuté, pour être presque inexistantes.

Finalement, évidemment, il y a la crise asiatique et le déclin désastreux qui y est rattaché à la grandeur de la planète pour ce qui est des prix des produits de base, ce qui a de graves conséquences pour la Colombie-Britannique. Nous effectuons un tiers de notre commerce avec l'Asie, comparativement à 8 p. 100 avec le Canada, nous sommes donc frappés de plein fouet. De plus, les trois quarts de nos exportations internationales proviennent des industries primaires. En conséquence, non seulement nous vendons moins à l'Asie, mais les prix de ce que nous vendons diminuent en raison de la déflation dans les marchés mondiaux des produits de base.

La solution à ce problème n'est pas à Ottawa. Les députés qui nous visitent nous demandent souvent ce que peut faire le gouvernement fédéral à ce sujet. Pas grand chose, je pense, mais le gouvernement fédéral doit être sensible aux problèmes très graves que vit la province sur le plan économique et à la détérioration de notre rendement concurrentiel sous-jacent.

Pour ce qui est du budget, je traiterai de trois points. Premièrement, la priorité selon nous est de s'assurer que le budget demeure équilibré, à tout le moins. Je n'insinue pas que le dividende fiscal a complètement disparu, mais il s'érode, comme je l'ai dit au début, littéralement tous les jours. Donc il faut au moins sauvegarder les gains durement acquis pour vraiment en arriver à un budget équilibré, en dépit de la détérioration des perspectives économiques.

Deuxièmement, nous croyons très fortement à une approche graduelle mais disciplinée pour réduire le ratio d'endettement par rapport au PIB. La valeur en dollars de la dette est moins importante que sa taille en relation avec l'économie canadienne, et elle est en train de diminuer, ce qui est heureux, mais elle doit continuer de baisser, et ce sera un défi si la croissance du PIB diminue peut-être un peu. M. Martin a présenté quelques objectifs à moyen terme dans son budget, objectifs qui porteraient le ratio d'endettement à 63 p. 100 d'ici la fin de la décennie. Nous croyons qu'il est important de continuer dans cette veine après l'an 2000 et d'amener le ratio d'endettement à, disons, 30 p. 100 ou 35 p. 100, d'ici à ce que la génération des baby-boomers commence à se retirer en grand nombre en 2010 ou 2012, selon les prévisions que vous choisissez de croire.

Troisièmement, nous croyons que le gouvernement fédéral doit avoir une approche disciplinée dans la gestion de ses dépenses en général. Étant donné les pressions énormes qui s'élèvent dans les provinces et de la part des groupes d'intérêt, y compris la communauté des affaires, pour une augmentation des dépenses, je pense qu'une approche très disciplinée est justifiée dans les circonstances. Il pourrait peut-être y avoir une règle qui prévoit que le total des dépenses n'augmentera pas de plus que la combinaison de l'inflation et de la croissance de la population. Établissez cela comme une sorte de mesure que vous pourriez utiliser pour gérer l'ensemble des dépenses de façon à repousser les pressions énormes qui se répandent et dont vous avez dû entendre abondamment parler aujourd'hui, si j'en juge par la liste des intervenants qui ont comparu devant le comité aujourd'hui.

Sur le plan de la fiscalité, il est aussi nécessaire d'avoir une vision à long terme. Selon mon organisation, il est impératif de réduire les impôts, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l'effort consenti par le gouvernement pour avoir une politique fiscale durable. On ne peut réduire les impôts, si ce geste a pour conséquence de ramener le déficit, et on ne peut non plus le faire s'il en résulte une incapacité de réduire le ratio d'endettement fédéral par rapport au PIB. C'est vraiment impératif. Il ne faut pas se contenter de réduire les impôts, mais bien les réduire de façon à ce que ces réductions nous permettent d'avancer.

Je parlerai ici de trois secteurs. Le premier est celui des taux d'imposition des particuliers. Ici aussi, il s'agit d'une vision à moyen terme et pas nécessairement d'une mesure pour le budget de l'an prochain. La marge de manoeuvre pour réduire les impôts est peut-être très faible en 1999, mais il y en a heureusement quand même une. Le gros problème au Canada, c'est que qu'une trop grande part du fardeau fiscal repose sur l'impôt sur le revenu des particuliers. Conséquemment, nous détenons le ratio le plus élevé d'impôts prélevés chez les particuliers par rapport au PIB de tous les pays du G7 et cela alimente l'exode des cerveaux comme l'a fait remarquer l'intervenant précédent.

Je fais quelques suggestions dans mes remarques au sujet des priorités sur la façon de diminuer le fardeau d'imposition des particuliers, mais ce sera un peu plus long que le pensent la plupart des gens, en partie parce que le gouvernement fédéral lui-même est très dépendant des impôts sur le revenu des particuliers, c'est-à-dire près de 50 p. 100 des recettes fiscales. Il est logique de penser que si vous réduisez les taux d'imposition, vous en récupérerez une partie par le jeu des conséquences sur l'approvisionnement, mais cela prendra un certain temps. Entre temps, à court terme, vous vous dirigerez vers une perte de revenus significative.

Les primes d'assurance-emploi aussi sont un autre secteur où règne beaucoup d'incompréhension. Tout ce qu'on appelle le surplus accumulé dans le compte de l'assurance-emploi n'est pas déposé dans une banque; il a été dépensé. On pourrait dire que le fonds d'assurance-emploi devrait en réalité être séparé du budget général du gouvernement fédéral et conservé de façon distincte comme une sorte de programme de sécurité sociale, comme c'est le cas dans certains pays européens. Entre temps, nous sommes favorables à une modeste réduction des primes d'assurance-emploi l'an prochain, puis de réductions à suivre ultérieurement, si la conjoncture le permet.

• 2015

Vous pouvez constater à nouveau que je suis beaucoup plus pessimiste concernant le portrait fiscal que beaucoup de mes collègues de la communauté économique et de celle des affaires. Contrairement à eux, j'ai travaillé à Ottawa pendant 15 ans, j'en sais donc un peu plus à ce sujet.

Finalement, concernant la fiscalité des entreprises, je ferais écho à la demande de M. Seney à l'effet que le gouvernement fédéral jette un coup d'oeil sérieux au rapport du Comité technique sur la fiscalité des entreprises. Ce rapport contient une somme monumentale de travail analytique. Il fait ressortir une orientation positive en vue du développement au Canada d'un système de taxation plus juste et plus viable pour les entreprises. Ce rapport expose certaines des difficultés relatives aux transferts intersectoriels du fardeau fiscal qu'entraîneraient les recommandations qui suivent, mais nous pensons tout de même que le gouvernement, peut-être par l'entremise du Comité des finances de la Chambre, devrait commencer ce processus d'examen.

Le seul défaut du rapport du comité technique, c'est qu'il s'agissait d'un exercice théorique. Je connais certains des théoriciens qui font partie de ce comité, qui sont des gens biens, mais il n'y a eu que peu de consultations auprès de la communauté des affaires et des autres parties intéressées. Il est donc maintenant nécessaire, je pense, d'examiner l'analyse et les recommandations du comité technique en élargissant la réflexion aux groupes d'intérêt pour en quelque sorte trouver l'heure juste sur l'économie. Par ailleurs, comme orientation politique d'ensemble, nous appuyons fortement ce rapport.

Finalement, un commentaire sur la productivité—un sujet qui n'est pas très sexy. Nous sommes assis à Ottawa et nous réfléchissons sur notre économie, qui ne va pas si mal, mais nous avons tous ces terribles problèmes. Les gouvernements n'ont pas d'argent. Le nombre de gens sans emploi est élevé. Il semble que nous perdions du terrain par rapport aux États-Unis en termes de compétitivité. Sous-jacent à cette situation se trouve un dossier très médiocre relativement à la croissance de la productivité. À long terme, la croissance de la productivité est vraiment la seule source viable permettant la hausse des revenus réels. C'est la seule façon d'augmenter les revenus réels des travailleurs mais aussi de fournir au gouvernement les ressources dont il a besoin pour offrir aux Canadiens les services et les programmes qu'ils désirent.

La tenue de la productivité au Canada s'est quelque peu relevée au cours des deux dernières années, mais pour la décennie qui se termine, les résultats sont plutôt décevants. Pourquoi la tenue de notre productivité n'a pas été très impressionnante, ni les économistes, ni quiconque d'autre, ne peuvent l'expliquer. On a examiné la question des impôts, la qualité des investissements des entreprises plutôt que la quantité, la disponibilité d'une main-d'oeuvre compétente, l'impact de la réglementation gouvernementale et la diffusion de la technologie. Ce sont certains des aspects qui ont été étudiés.

Manifestement, nous avons besoin d'un effort concerté au niveau national pour examiner cette question de la productivité et trouver de quelle façon nous pouvons renforcer la croissance de la productivité dans l'économie canadienne. En toute franchise, si nous ne faisons pas cela, il sera extraordinairement difficile d'en arriver à résoudre beaucoup des problèmes dont vous entendez parler tous les jours en tant que représentants élus, et nous ne pourrons pas vraiment faire de progrès pour régler les nombreuses difficultés auxquelles le Canada fait face sur le plan économique.

La productivité est vraiment à l'avant-plan de nos préoccupations. Même s'il s'agit d'un concept quelque peu nébuleux, le règlement des difficultés économique auxquelles le Canada est confronté doit être à l'avant-plan des préoccupations.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Finlayson.

Puis-je poser une question sans intérêt ici? Lorsque vous avez examiné l'écart de la productivité, il est toujours question du secteur manufacturier. L'écart de la productivité avec les États-Unis est maintenant évalué à 25 p. 100 ou 30 p. 100 dans le secteur manufacturier et à un peu moins, tout en demeurant significatif, pour l'économie en général. Comment nous situons-nous dans ce que l'on appelle le secteur de l'innovation technologique? Qu'en est-il de notre productivité?

M. Jock Finlayson: Les données relatives à la productivité sont meilleures dans certains secteurs que dans d'autres. L'une des raisons qui incite les gens à se concentrer sur le secteur manufacturier, c'est que le système d'évaluation statistique, non seulement au Canada mais aussi dans les pays de l'OCDE, est très orienté sur la production de biens matériels. Si vous examinez les publications de Statistique Canada, vous verrez qu'on en publie mensuellement sur la fonte brute, sur les traverses de chemin de fer, sur tout, mais pas sur les logiciels.

Le président: Pourquoi pas?

M. Jock Finlayson: Parce que le système de comptes nationaux qui a été élaboré a beaucoup de difficultés—et ces choses sont examinées et révisées—tel qu'il existe présentement à tenir compte précisément d'une bonne partie de l'activité économique. Ainsi, de bien des façons, les chiffres peuvent présenter une image déformée de ce qui se passe vraiment. C'est ce que je suis venu à croire. Mais c'est aussi vrai pour d'autres pays. Ce problème n'est pas unique au Canada.

Selon moi, du peu que j'en sais, peut-être pas suffisamment pour être confiant, c'est que notre productivité vis-à-vis celle des États-Unis... Et ici je parle du niveau de productivité, pas de la croissance; le niveau de productivité se mesure en prenant l'ensemble du PIB par employé ou par heure de travail, par opposition au taux de croissance, qui mesure la vitesse à laquelle les changements se produisent chaque année. Mais le niveau de productivité dans bon nombre de nos industries de l'information est probablement plus près de celui des États-Unis que ne l'est le secteur manufacturier dans son ensemble. Et le secteur manufacturier dans son ensemble présente un tableau plus sombre lorsqu'on le compare aux États-Unis que l'ensemble de l'économie canadienne.

• 2020

Je ne comprends pas tout à fait pourquoi il en est ainsi. Je m'étais attendu à ce que l'écart de la productivité se rétrécisse avec l'avènement de certains changements structurels au Canada, le libre échange et les choses de cette nature. Même si cela s'est réalisé pour certaines usines et certains secteurs de l'industrie, dans l'ensemble les répercussions ne sont pas apparentes.

Bien sûr, l'autre facteur, c'est que les Américains vont toujours de l'avant. Le secteur des entreprises y est extraordinairement vivant et dynamique. Ils ont aussi le taux de croissance économique le plus élevé des pays du G7 au cours des dix dernières années, ce qui a tendance à faire augmenter la productivité, parce que les investissements augmentent considérablement dans une phase ascendante du cycle économique.

Le président: Ce que je trouve intéressant quand je parle avec des économistes ou des gens qui étudient les questions de ce genre, c'est qu'alors que tout le monde parle du changement de paradigme et des choses du même genre, nous utilisons toujours des méthodes qui ont très... Si nous croyons à ce changement de paradigme et à cette nouvelle économie, alors nous utilisons des méthodes qui sont peut-être désuètes ou qui ne font pas de projections dans le futur, ce qui signifie essentiellement que la situation est soit pire, soit meilleure, que prévu.

M. Jock Finlayson: Je ne veux pas trop critiquer Statistique Canada. En fait, le magazine The Economist classe Statistique Canada comme l'un des trois plus grands organismes nationaux de statistiques depuis plusieurs années de suite. C'est donc un organisme statistique très valable. Mais ils font face au fait, comme tous ces organismes nationaux de statistiques, que le rythme du changement de l'activité économique—provoqué en particulier par la technologie mais aussi par la croissance du commerce et des investissements à l'échelle mondiale—dépasse considérablement leurs systèmes et leurs outils de mesure.

Il est donc possible que l'on assiste ici à un accroissement de l'écart, ce qui du point de vue d'un décideur est quelque peu troublant. C'est l'une des raisons pour lesquelles les gens de ma profession sont tellement embêtés de faire des prévisions, selon moi, sur ce qui arrivera vraiment à l'économie. On ne peut gagner sa vie en tant que prévisionniste, parce qu'on ne peut pas livrer suffisamment de valeur pour convaincre un client de vous payer pour le faire. Dans mon organisation, nous ne payons pour aucune prévision parce que je les obtiens dans Internet pour rien. Il est devenu extrêmement difficile de faire des prévisions.

Le président: Je pense que l'une des difficultés à laquelle nous sommes confrontés en tant que comité, c'est que la collecte de données constitue un véritable défi. C'est plus qu'un défi; c'est un problème dans divers domaines, que nous traitions du secteur des services financiers, des soins de santé, du secteur manufacturier ou de la productivité. De toute façon, ce n'est pas votre problème, c'est le nôtre.

M. Jock Finlayson: C'est un problème pour nous tous.

M. Dick Harris: Messieurs, merci de votre présentation. Je dois vous dire qu'il n'y a rien dans votre présentation avec lequel je ne sois pas d'accord.

Ceci étant dit, je me demande si je peux prendre un peu de liberté ici et parler de l'état de l'économie en Colombie-Britannique. Certains de nos invités ici sont très au fait de ce qui se passe en Colombie-Britannique. Je sais qu'étant donné l'état désastreux de notre économie, vous avez probablement longuement considéré certaines solutions possibles qui pourraient éventuellement nous faire quitter le dixième rang derrière Terre-Neuve, pour nous amener quelque part au milieu, plus près de ce que nous méritons. Pourriez-vous nous résumer brièvement quelques-unes de vos réflexions sur la récession que nous vivons et exposer certaines des solutions que notre gouvernement provincial pourrait peut-être prendre à coeur.

M. Jock Finlayson: Le gouvernement provincial? Bien, à court terme, pour être franc, je ne vois pas un grand nombre d'options qui peuvent faire une différence dans un avenir rapproché, tout simplement parce qu'il y a des retards.

Nos problèmes ici en Colombie-Britannique—par opposition à ce qui se passe en Asie et sur le marché des produits de base, aspects que nous ne contrôlons pas—se sont formés sur une période de temps, notamment notre régime fiscal, le mode de réglementation de la province, une trop grande dépendance envers les industries primaires, qui historiquement ont constitué une source abondante de rentes économiques pour les habitants de la Colombie-Britannique, que ce soit les gens qui y travaillent ou les actionnaires. Malheureusement, la planète est un marché impitoyable pour les producteurs de produits de base de nos jours, et je ne crois pas que cette situation changera dans le futur.

• 2025

Si vous examinez un graphique des prix constants pour les produits de base à l'échelle mondiale—oubliez le cycle économique et les chutes et les hausses temporaires—ce graphique indique une chose: ces prix baissent depuis 30 ans, avec une tendance à la baisse qui s'accélère.

Le prix d'un baril de pétrole aujourd'hui, en dollars constants, est inférieur à ce qu'il était avant l'avènement du cartel de l'OPEP et l'embargo associé à la guerre du Moyen-Orient en 1973. Les gens se demandent pourquoi la consommation de pétrole ne diminue pas ou pourquoi les gaz à effet de serre sont produits par les automobiles aux États-Unis, en particulier, où les taxes sont inférieures. C'est parce que le prix des produits de base continue de descendre, de descendre, de descendre.

Je suis membre de plusieurs entreprises qui font partie du secteur des ressources, je ne dis pas qu'elles ne seront pas capables de survivre, mais certaines d'entre elles ne survivront pas, parce que ce n'est pas dans cette direction qu'il faut orienter l'économie dans le futur si vous voulez avoir un niveau de vie élevé.

Nous pouvons avoir un secteur des ressources compétitif en Colombie-Britannique, mais il va rétrécir. Il nous faut donc une stratégie de diversification de l'économie. Nous devons consacrer toute notre énergie à lancer de nouvelles industries, des industries de valeur supérieure qui ne sont pas liées aux ressources. Nous devons améliorer la position concurrentielle de nos industries des ressources—et il y a beaucoup de chose que notre gouvernement provincial devrait faire en ce sens. Nous devons aussi revoir notre régime fiscal, comme l'a mentionné mon collègue, et examiner les répercussions de la réglementation gouvernementale.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique travaille sur quelques-uns de ces aspects d'une façon préliminaire. Nous pensons qu'il devrait faire plus. Mais franchement, il ne peut pas faire grand chose dans les prochains six à douze mois qui peut sortir la Colombie-Britannique du marasme économique dans lequel elle est plongée. Le gouvernement peut entamer cette démarche, mais il faudra du temps.

M. Dick Harris: Bien, donnons maintenant à tout ceci une petite saveur fédérale, et parlons de l'entente sur le bois d'oeuvre.

Nous voyons de plus en plus de gens de l'industrie—je pense que ce sont tous maintenant—qui étaient tellement favorables à l'entente sur le bois d'oeuvre et au système de quotas qui commencent à dire que cet accord ne fonctionne pas du tout. Et, effectivement, ça ne fonctionne pas, étant donné le prix des produits forestiers. Comme je suis de Prince George, je connais assez bien l'industrie et les problèmes auxquels elle est confrontée.

Où devons-nous nous diriger concernant l'entente sur le bois d'oeuvre avec les États-Unis? Lorsque viendra le temps de renégocier, devrons-nous employer les grands moyens, considérant l'expérience que nous venons de vivre? Comment envisageons-nous l'avenir de nos relations avec les États-Unis pour ce qui est du bois d'oeuvre?

M. Jock Finlayson: Je ne suis pas un spécialiste de cette entente, mais historiquement, dans la province, l'industrie était divisée relativement à cette entente. En gros, quelques producteurs ont des quotas à expédier aux États-Unis, mais un grand nombre de ceux qui réussissent encore moins bien que ceux de votre région n'ont pas de quotas à expédier aux États-Unis. Soudainement, les marchés asiatiques se sont envolés, et ils ne peuvent se retourner et essayer d'exporter vers les États-Unis, qui à tout le moins est un marché encore en croissance, qui n'est pas en récession.

M. Dick Harris: Mais beaucoup des gros noms de l'industrie forestière étaient signataires de l'entente sur le bois d'oeuvre.

M. Jock Finlayson: Oui.

M. Dick Harris: Je me souviens que lorsque M. Eggleton était ministre du Commerce international, il s'est consolé en disant que l'industrie avait contribué à mettre sur pied...

M. Jock Finlayson: Oui, c'était une priorité pour le Comité de l'industrie forestière, l'association qui représente l'industrie forestière.

Oui, nous devons prendre les grands moyens avec les Américains. Ce que nous voulons idéalement, évidemment, c'est le retrait de l'entente sur le bois d'oeuvre, et que le libre-échange, ce qui est ce que nous sommes censés avoir avec les États-Unis, s'applique réellement. Mais en raison de l'histoire de cette question et de certaines pressions très efficaces exercées par quelques intérêts commerciaux très concentrés dans l'industrie forestière aux États-Unis, nous avons été pris pour cible. Et ce n'est pas nouveau; cela dure depuis dix ans, sous une forme ou sous une autre.

Notre premier et notre meilleur choix, c'est de se débarrasser de cette entente sur le bois d'oeuvre et d'avoir des règles commerciales qui ne soient pas différentes de celles qui s'appliquent à ceux qui vendent n'importe quel truc aux États-Unis. Si nous ne pouvons pas obtenir cela, nous regarderons évidemment du côté de l'augmentation des quotas. Ce sera extrêmement difficile à obtenir, sachant de quelle façon les Américains négocient, mais nous devrions certainement essayer.

Je pense que le choix auquel nous sommes confrontés est de savoir si nous laissons aller cette entente et tentons notre chance devant le système de recours commerciaux américain. Je ne connais pas assez ce système pour savoir si nous prenons un bon pari, mais l'industrie examine certainement cette possibilité, et ce pourrait être la position à laquelle ils arrivent: ça ne fonctionne pas pour nous, et nous allons tenter notre chance du côté des mesures compensatoires américaines et des procédures qui sont en place pour en arriver à un jugement sur des mesures compensatoires, plutôt que de contourner cela et de négocier un accord politique. C'est donc une demande que l'industrie pourrait avoir à faire. Je ne sais pas s'ils ont déjà fait cela.

• 2030

M. Dick Harris: D'accord. Merci.

Le président: Merci, monsieur Harris.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup.

Votre exposé est captivant. Il n'est pas très encourageant, mais il est sans doute très réaliste. Vous êtes assez critique à l'égard de certains de vos collègues et de leur réaction à des prévisions qui ont été faites dans le passé, etc.

Dans votre exposé écrit, vous dites qu'une foule d'indicateurs économiques mondiaux et nord-américains laissent penser que la croissance réelle du PIB au Canada pourrait être inférieure au taux de 2,5 p. 100 prédit. Je sais que la prospective est un art très imprécis, mais grâce à votre ordinateur, vous avez pu vous faire une idée de ce qui se passe aujourd'hui, et vous suivez évidemment ces processus de près ces derniers temps, de sorte que je me demande si cela nous serait utile si vous nous faisiez part de votre avis concernant les prochains mois, en particulier la période comprise entre maintenant et la présentation du budget.

M. Jock Finlayson: Merci de votre question.

Entre maintenant et la présentation du budget, nous faisons face à une situation au sujet de laquelle les économistes diraient que tous les risques sont des risques de baisse. Prenons ce chiffre de 2,5 p. 100 pour 1999 que le ministre des Finances Martin a inclus dans le budget de l'année dernière. Je ne vois rien arriver aujourd'hui, ni dans les trois à six prochains mois, qui me ferait croire que la croissance va être meilleure que le taux auquel on s'attend. Tout le risque est un risque de baisse. Il s'agit uniquement de savoir quelle est l'importance de ce risque. Pour ma part, je pense qu'il est assez important.

Comme je l'ai mentionné, certains de mes collègues, notamment dans le milieu financier de Bay Street, ont systématiquement minimisé l'importance de ce qui se passe dans le monde entier. Je n'entends pas me montrer nécessairement critique à leur égard, mais je crois vraiment qu'il y a une certaine myopie au sein de la collectivité financière dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, et certainement aussi à Toronto.

L'Asie compte pour un tiers de l'économie mondiale. Toute l'Asie, à l'exception, en partie, de la Chine, connaît soit une croissance nulle, soit une décroissance économique. Certaines de ces économies connaîtront une décroissance pouvant atteindre 15 p. 100 en 1998, ce qui veut dire que cette année, le PIB de l'Indonésie ou de la Corée du Sud sera inférieur, en moyenne, de 12 à 15 p. 100 par rapport au taux l'année dernière. L'économie du Japon décroît à un taux annuel d'environ 5 à 6 p. 100. L'économie du Japon est la deuxième au monde par ordre d'importance, son PIB étant trois à quatre fois celui du Canada, et elle a une énorme incidence en Asie. Le Japon est en chute libre en ce moment. Je ne sais pas ce qui va se passer là-bas, mais ce n'est pas très attrayant actuellement. La Chine connaît une croissance assez forte et représente une sorte de point positif en Asie—si vous pensez que nous avons des problèmes de chiffes au Canada, vous devriez vous pencher sur l'économie chinoise—mais le taux de croissance en Chine est en train de ralentir, de toute évidence, même si la croissance se poursuit.

Mais mon argument principal est que l'Asie a été le moteur le plus important de la croissance économique mondiale au cours des dix dernières années. Si on prend toutes ces données pour les analyser à l'aide de n'importe quel simple modèle d'une économie mondiale, on obtient une prévision qui dit que la croissance économique mondiale va être très faible, en raison de ce qui se passe actuellement en Asie.

Ce qui me préoccupe, en tant qu'analyste, au sujet de l'Asie, est que je ne sais pas exactement où est le creux de la vague. Dans le cas de la plupart des cycles, on peut, en étudiant des données historiques ou simplement en consultant des données actuelles, avoir une idée d'où sera le point tournant. Mais lorsque les marchés boursiers de pays comme l'Indonésie et la Thaïlande se situent 80 p. 100 au-dessous du niveau où ils étaient il y a quinze ou seize mois, et qui semblent encore décroître, on commence vraiment à se demander comment déterminer où se situera le creux de la vague. En raison de l'interdépendance des pays et de la création de liens économiques très étroits à l'échelle mondiale, ces événements tumultueux ont des répercussions instantanées au-delà des pays dans lesquels ils ont lieu, sur les marchés financiers et sur les marchés de partenaires commerciaux.

Mais gardons le sens des proportions: à l'exception du Japon, qui est le pays qui me préoccupe vraiment, la plupart de ces autres pays asiatiques ne sont pas un élément important de l'économie mondiale, même si certains d'entre eux ont un très grand nombre d'habitants, comme l'Indonésie, qui, je crois, en compte 200 millions. La Californie est vingt fois plus importante que l'Indonésie en ce qui a trait au PIB mondial. Mais le nombre d'économies qui sont touchées par cette perturbation et l'incidence qu'elle a sur les marchés mondiaux des produits, les pressions déflationnistes, qui ont un effet extrêmement déstabilisant dans toute économie lorsque la déflation est généralisée... Nous n'avons pas cela au Canada. Nous avons ce que j'appellerais une inflation zéro, mais nous n'avons pas de déflation touchant l'ensemble de l'économie. Si c'était le cas, nous aurions de sérieux problèmes.

• 2035

Ces choses se passent en ce moment. Elles semblent s'accélérer. Je ne suis pas très confiant que les réunions qui ont lieu à Washington cette semaine vont remédier à la situation. Je crois qu'elles vont aider. La Russie n'a pas de gouvernement qui fonctionne.

M. Nelson Riis: Qu'en est-il de l'Amérique latine, en particulier du Brésil et du Mexique?

M. Jock Finlayson: Le Brésil et le Mexique sont les prochains pays dans la mire des spéculateurs. Je crois que vous allez voir les États-Unis, en dépit des problèmes que connaît leur administration, ainsi que la Banque fédérale de réserve et le système bancaire américain intervenir afin d'éviter que la dégringolade asiatique ne se produise en Amérique latine, car les intérêts économiques des Américains en Amérique latine sont énormes. Les banques américaines n'ont pas prêté beaucoup d'argent en Asie, mais elles en ont prêté beaucoup au Brésil. Le Brésil est l'élément clé. Il représente 45 p. 100 du PIB de l'Amérique latine. C'est le pays qu'il faudra surveiller.

Les excès qui ont lieu sur ces marchés financiers sont extraordinaires. Qu'est-ce qui fait qu'un pays disposant un jour d'un marché boursier qui vaut 100 millions de dollars américains en capitaux investis se retrouve avec une valeur de 47 milliards de dollars trois semaines plus tard? C'est de la folie à une échelle... il n'y pas d'explication rationnelle du point de vue économique. Je me souviens de l'époque où j'étudiais en économie politique à l'université: tout fonctionnait avec des équations qui s'imbriquaient, et il y avait cette logique, je dirais homogène, qui sous-tendait le tout. Nous voyons maintenant dans ce cas que ce n'est pas ainsi que les choses se passent.

Dans le contexte du Canada et du budget du gouvernement fédéral, je crois qu'il faut faire preuve d'encore plus de prudence dans vos prévisions économiques, vos prévisions financières. Le fait de maintenir le cap présente une réelle légitimité dans une période de turbulence comme celle-ci. Nous sommes tout à fait en faveur des réductions fiscales, etc., mais je crois que vous devriez planifier cela comme une stratégie à moyen terme et essayer de faire quelque chose pour étayer la crédibilité de ce que vous promettez. Nous n'allons pas être en mesure de tenir les promesses concernant certains de ces avantages, une partie de cette retombée financière que l'on a tant annoncée au Canada au cours des 12 à 18 derniers mois. Je pense vraiment qu'il faut réexaminer tout cela et que les attentes doivent être réduites très rapidement.

M. Nelson Riis: J'ai remarqué dans votre rapport que vous avez fait référence à la question des revendications territoriales et formulé des commentaires sur l'instabilité que crée cette question. J'ai remarqué avec une certaine surprise, lorsque le maire a parlé, presque de la panique dans sa voix au sujet de la décision relative à Delgamuukw, dont s'est enquis mon ami Roger.

Cela pourrait vous paraître une question bizarre, mais je suis sincère. Avec l'incertitude qui entoure la question des revendications territoriales en particulier, toute personne qui envisage d'investir en Colombie-Britannique, sauf dans certains domaines évidents où je suppose qu'on est à l'abri de cela, pourquoi investirait-elle de l'argent en Colombe-Britannique avant que cette question relative à la revendication territoriale de Delgamuukw ne fasse pour le moins l'objet d'un processus de résolution? En ce moment-ci, il n'y a rien du tout. Lorsqu'on écoute la voix du maire, elle commence presque à chevroter lorsqu'il parle de Delgamuukw. Ce doit être un bien mauvais signal que l'on envoie.

M. Jock Finlayson: Je suis un peu surpris au sujet de ce commentaire, du point de vue de Vancouver. Je ne vois pas cela comme ayant beaucoup d'incidence.

Dans les parties de notre province qui dépendent de l'accès aux terres publiques pour des activités économiques, et qui comprennent certainement votre partie de la Colombie-Britannique—la partie qui comprend la majeure partie de la province, à l'exception du Lower Mainland et de la pointe méridionale de l'île de Vancouver, et, dans une certaine mesure, de la vallée de l'Okanagan—il s'agit d'un problème systémique chronique.

Ce problème n'a pas commencé avec la décision concernant Delgamuukw. Nous n'avons pas de traités en Colombie-Britannique, à titre d'information pour vos collègues qui ne sont pas d'ici. Je sais que vous-même êtes bien au courant de cela. Nous n'avons pas de traités qui ont été négociés avec les premières nations. C'est pourquoi nous faisons face à plus d'incertitude sur le plan juridique concernant la question de savoir qui possède quels droits, qui détient la propriété et la compétence relativement aux terres non privées, et en Colombie-Britannique, 94 p. 100 de notre territoire est constitué de terres publiques. Le gouvernement provincial est le locateur qui détient le droit de propriété sur ces terres et, nous l'espérons, la compétence territoriale.

Depuis un certain nombre d'années, les autochtones affirment n'avoir jamais cédé leur droits issus de traités en apposant leur signature sur un document; ils n'ont pas de traités. Ils affirment également qu'ils vont poursuivre ce processus visant à obtenir des terres. Encore une fois, nous appuyons les efforts déployés par notre gouvernement ici en Colombie-Britannique et par le gouvernement fédéral en vue de conclure des traités avec les premières nations. La décision concernant Delgamuukw a rendu ces efforts d'autant plus urgents, je pense, mais elle permet peut-être aussi de conclure des traités plus rapidement parce qu'elle a modifié certains des paramètres.

• 2040

M. Nelson Riis: Vous êtes peut-être au courant également que le vérificateur général, qui vient tout juste de présenter son rapport la semaine passée, a consacré une section importante à cette question. Il nous a rappelé, à notre dépit, qu'une fois qu'on a obtenu la signature d'un traité, ce n'est que le début du règlement. Ce traité va donner naissance à des centaines d'autres accords, bien sûr, qui vont dépendre de cette signature globale. Même la signature d'un acte relatif à une revendication territoriale n'est que le début du règlement.

En tout cas, je vais laisser ça...

M. Jock Finlayson: C'est pourquoi nous devrions agir vite au sujet de cette question, parce que nous devons conclure rapidement une série de traités qui peuvent être mis en oeuvre, et les gens verront que cela ne crée pas de désastre. Nous espérons que c'est cela qui se produira, et une fois qu'on s'en rendra compte, nous espérons qu'une partie de cette incertitude qui jette maintenant une ombre sur le secteur des ressources en Colombie-Britannique pourra être dissipée. Je crois qu'il s'agit là d'un problème clé. Même si les marchés des produits vont connaître une reprise, est-ce que nous allons obtenir les investissements dans le secteur des ressources? Cela est de plus en plus improbable.

M. Nelson Riis: Monsieur Seney, j'ai une brève question à vous poser. Je présume que vous avez rédigé vous-même votre rapport.

M. Robert Seney: Oui, c'est exact.

M. Nelson Riis: À la page 4, vous écrivez: «Les différences qui existent entre les taux d'imposition des particuliers pratiqués aux États-Unis et au Canada sont un facteur important de» et vous utilisez les mots «ce qu'on appelle», puis, entre guillemets, «fuite des cerveaux». Pourquoi nuancez-vous votre propos? Pourquoi utilisez-vous les mots «ce qu'on appelle»? Est-ce que vous n'êtes pas sûr qu'il s'agit d'une fuite de cerveaux? Et pourquoi mettez-vous les mots «fuite de cerveaux» entre guillemets? Rien d'autre n'est entre guillemets dans tout le rapport, à l'exception de ces mots.

M. Robert Seney: Eh bien, c'est uniquement parce que les gens appellent ça la fuite des cerveaux. Ces mots désignent l'exode de professionnels hautement qualifiés hors du pays, et je suppose que les mots «brain drain» pourraient désigner un quelconque état pathologique en médecine. Ce n'est qu'une nuance pour pouvoir utiliser ces mots dans le contexte fiscal.

M. Nelson Riis: Et qu'en est-il des mots «ce qu'on appelle»? Ce n'est pas la bonne expression? Encore une fois, pensez-vous que les gens...

M. Robert Seney: Je pense que d'une manière plus directe on pourrait parler d'un exode de personnes hautement qualifiées qui quittent le pays pour des raisons fiscales. On pourrait probablement décrire cela d'une meilleure façon dans un paragraphe ou à peu près. C'est tout ce que cela veut dire.

M. Nelson Riis: D'accord, merci.

Le président: Monsieur Finlayson, permettez-moi de revenir à vous. Ça pourrait vous paraître une question bizarre, mais elle ne l'est pas. Notre économie est très liée à celle des États-Unis. Êtes-vous d'accord?

M. Jock Finlayson: Absolument.

Le président: À cause de ces problèmes en Asie, les capitaux doivent être en train de quitter cette région vers un lieu sûr, ce que sont les États-Unis, est-ce que c'est exact?

M. Jock Finlayson: En grandes quantités.

Le président: Eh bien, est-ce que cela renforce ou affaiblit l'économie américaine?

M. Jock Finlayson: Cela renforce le dollar américain, et renforcera l'économie des États-Unis si les capitaux sont investis dans des actifs productifs, de l'équipement d'usine, de nouvelles technologies, des démarrages d'entreprise. Si les capitaux sont «mis en stationnement» dans des bons du Trésor à court terme et dans d'autres instruments financiers, ils vont profiter quand même à l'économie américaine parce qu'ils permettent de libérer du capital intérieur qui peut être dirigé vers d'autres types d'investissement.

Le président: Vous savez ce que j'essaie de savoir, n'est-ce pas?

M. Jock Finlayson: À vrai dire, non. Peut-être parce que la journée tire à sa fin.

Le président: Non, non. Vous avez été excellent dans la façon de décrire la gravité de la situation et comment toutes ces forces mondiales s'opposent même, je dirais, aux Inuits du Canada. Il y a beaucoup de gens qui seraient d'accord avec vous. Je dis simplement qu'il y a ce mouvement de capitaux qui va de l'Orient vers les États-Unis, et vous êtes d'accord avec moi que cela pourrait renforcer en fait l'économie en libérant des fonds intérieurs qui pourraient permettre le genre d'accès à de petites entreprises qui n'existe peut-être pas aujourd'hui. Si ces capitaux sont utilisés à des fins de production, et si notre économie est liée à l'économie des États-Unis, alors le fait qu'il y ait ce mouvement de capitaux de l'Orient vers les États-Unis, et le fait que notre économie soit liée à l'économie américaine, nous aide vraiment à absorber le choc dans une large mesure.

M. Jock Finlayson: Il faut placer les choses dans leur contexte. Le Canada s'en tire plutôt bien, compte tenu de ce qui se passe autour de nous. Si notre taux de croissance, l'année prochaine, sera de 2 p. 100 au lieu de 2,5 p. 100 comme l'a prédit M. Martin dans son budget, ou de 3,5 p. 100, qu'un grand nombre de mes collègues de Bay Street pensaient allait être le taux vraisemblable il y a à peine six mois, même 2 p. 100, c'est pas mal.

Quelqu'un m'a demandé récemment lors d'une émission dans un média si nous traversons une crise économique en Colombie-Britannique. J'ai répondu: «Non, il y a crise économique si vous habitez en Indonésie et que l'économie connaît une décroissance de 20 p. 100, que le taux de chômage a triplé, que le gouvernement n'a pas d'argent et que le FMI arrive et vous dit ce que vous allez faire.» Nous allons avoir au Canada un taux de croissance économique plus faible que ce que nous avions prévu il y a un an, ou même il y a six mois, mais je ne crois pas que nous allons vers une récession proprement dite au Canada, bien qu'il y ait certains économistes «baissiers» qui pensent que cela pourrait se produire.

• 2045

Mais n'oublions pas les États-Unis. Il est vrai que les États-Unis sont un lieu sûr et que leur économie bénéficie du flux de liquidités qui vient s'ajouter aux capitaux à court terme dans le pays. Mais les États-Unis vendent également sur le marché mondial. Ils exportent des quantités appréciables du point de vue financier vers l'Asie. Regardez les cours des actions des grands producteurs américains de biens capitaux ou de compagnies comme Boeing International, dont le siège se trouve à seulement deux heures et demie au sud d'ici. Ils ont pris quelques coups solides. Ces entreprises effectuent des mises à pied. Les États-Unis sont plus isolés que nous du monde extérieur parce qu'ils sont plus autosuffisants, mais ils ressentent quand même les effets. En outre, leur économie croît depuis sept ou huit ans, de sorte que leur cycle économique allait s'essouffler probablement quelque peu, même sans la crise asiatique. Le taux de chômage est à 4,5 p. 100, n'est-ce pas. Il ne peut guère descendre plus bas, et il a commencé à grimper légèrement.

Mais je suis d'accord que l'une des choses sur lesquelles nous comptons pour le prochain budget est un certain niveau modeste de croissance économique chez nos voisins du sud, quoique plus faible que ce qu'il a été, ce qui va certainement aider à nous maintenir à flot et qui sera particulièrement salutaire à des provinces comme l'Ontario, qui sont fortement dépendantes des États-Unis comme partenaire commercial. Nous le sommes moins. En fait, nous sommes les moins dépendants du marché américain, même si nous y vendons 50 p. 100 de nos exportations. Mais dans le cas de l'Ontario, bien sûr, c'est 90 p. 100.

Le président: Quatre-vingt-cinq pour cent de nos exportations sont destinées aux États-Unis, n'est-ce pas?

M. Jock Finlayson: C'est à peu près 55 p. 100 dans le cas de notre province.

Le président: Je veux dire que je suis d'accord que nous nous devons d'être prudents. Je pense vraiment qu'avec cette entrée de capitaux aux États-Unis, et le fait que nous soyons si près d'eux, et le fait que nous exportons vers ce pays, je crois qu'ils seront en mesure, comme vous le dites bien... Ils sont 300 millions et disposent d'une économie assez autosuffisante, même s'il ne fait aucun doute qu'ils exportent comme tout le monde et je ne sais pas. Mais s'il y a une économie à laquelle il est souhaitable d'être lié durant ce genre de crise, c'est bien celle des États-Unis.

M. Jock Finlayson: Il faut reconnaître, cependant, que pour la santé de l'économie mondiale, on aimerait voir une partie des capitaux qui sont entrés aux États-Unis et qui sont «en stationnement» dans des bons du Trésor et dans des acceptations bancaires, et qui sait quoi encore, retourner dans d'autres pays de façon à ce que leur système financier puisse être alimenté à nouveau en liquidités. Le resserrement du crédit dans ces économies asiatiques est un très sérieux problème structurel.

Mais, heureusement, ces mouvements de capitaux peuvent en effet être renversés avec une rapidité étonnante si la confiance est là et si les mesures structurelles sont en place pour que cela se produise.

Mais les États-Unis sont un lieu sûr, et le Canada peut se réjouir du fait que l'économie américaine se porte très bien d'après nos propres étalons de mesure et ceux d'autres pays, et cela va nous donner une certaine confiance pour aller de l'avant. Mais je crois néanmoins que nous devons réduire nos attentes en ce qui a trait à la croissance.

Le président: Aucun doute.

M. Jock Finlayson: Mais seulement pour les douze à dix-huit prochains mois. La situation à moyen terme peut être ou ne pas être celle que vous voudriez avoir, mais je crois que la perspective à moyen terme pour le Canada et pour l'économie mondiale est nettement meilleure que la perspective à court terme. Nous traversons une période très turbulente et nous en sortirons à un certain moment, et alors nous pourrons avoir—si je peux m'exprimer ainsi—une discussion plus normale concernant ce que vous allez faire dans un budget fédéral ou autre chose.

Mais actuellement, nous sommes dans une période très particulière. Le marché NASDAQ de haute technologie, aux États-Unis, a chuté de 6 p. 100 aujourd'hui. C'est toute une baisse. Ce genre de variations dans les indices du marché reflète une incroyable instabilité sous-jacente du comportement des consommateurs et de la confiance des entreprises...

Le président: Combien a-t-il augmenté au cours des deux ou trois dernières années?

M. Jock Finlayson: Il aurait plus que doublé, et une baisse ordonnée aurait probablement été la bienvenue, mais ce genre de... Et les États-Unis étaient bien sûr plus stables que d'autres. Le marché boursier du Brésil connaît des variations de 15 p. 100 par jour, et cela est un phénomène pratiquement sans précédent.

Je ne suis pas un prophète de malheur, je dis seulement, en tant qu'économiste, que j'ai l'impression que nous sommes dans une période quelque peu fragile et peut-être sans précédent, parce qu'il s'agit d'une contagion économique mondiale qui a lieu en ce moment et nous devons nous en occuper. Je crois que dans le processus normal de préparation de budgets et d'élaboration de politiques, il faut tenir compte du fait que nous traversons une période particulière qui finira par passer. Vous n'allez pas préparer le budget qu'a présenté M. Martin au mois de février dernier avec le même état d'esprit qu'il avait à l'époque, car la situation est vraiment différente aujourd'hui.

• 2050

Le président: Nous ne pouvons pas, cependant, ne pas tenir compte du fait que, quand on considère les marchés boursiers et tout ça, on voit qu'il y a eu une croissance exponentielle.

M. Jock Finlayson: Oui.

Le président: Je ne suis pas un économiste, mais dans la vie, tout ce qu'on fait de manière excessive finit par vous rattraper, y compris les profits, y compris toutes ces choses. C'est exactement ce qui est en train de se produire aussi; une partie de cela, c'est de la correction, une partie est due évidemment à ce qui se passe dans le monde entier. Mais je ne crois pas qu'on peut maintenir le genre de croissance que nous avons connue au cours des dernières années, parce qu'elle était astronomique.

M. Jock Finlayson: Sur le marché boursier américain.

Le président: Oui, le marché boursier américain.

M. Jock Finlayson: Il est clair que jusqu'à récemment, les marchés boursiers étaient surévalués, d'après tout étalon de mesure conventionnel.

Le président: Oui.

M. Jock Finlayson: Il y a des excès spéculatifs que l'on est en train d'éliminer. La vitesse avec laquelle ils sont éliminés est impressionnante aux yeux de quelqu'un qui étudie les marchés, mais on peut quand même considérer cela comme un processus salutaire. Les États-Unis ne vont pas s'effondrer. L'économie américaine va continuer de croître.

L'autre bonne nouvelle provient d'Europe occidentale, grâce à la création d'une zone à monnaie unique, ce qui, malheureusement préoccupe les Européens, les fait se replier sur eux-mêmes, et signifie qu'ils sont peu susceptibles de réduire les taux d'intérêt, chose dont l'économie mondiale a besoin en ce moment. Mais en avançant un tout petit peu, les économies européennes sont susceptibles de connaître une croissance raisonnable, peut-être d'ici l'an 2000, et peut-être même une croissance assez bonne l'année prochaine, en présumant qu'il n'y aura pas un gros effondrement financier à l'échelle mondiale.

Ainsi, l'Europe et les États-Unis, les deux plus gros marchés, sont en croissance. Ils sont en train de progresser. Cela va nous aider. Cela nous permet de dire avec une certaine assurance que nous allons connaître une niveau de croissance économique raisonnable l'année prochaine, peut-être de l'ordre de 1,5 à 2,5 p. 100, si vous voulez des chiffres. Mais il ne sera pas de 3 ou de 3,5 p. 100, qui est le taux que bien des gens prévoyaient même il y a six mois, et je dirais même qu'il y a un risque de baisse dans le cas des prévisions à court terme.

Le président: Je veux vous poser une question au sujet des entrées de capitaux aux États-Unis, qui sont dues à la crise en Asie. Vous avez dit de ne pas oublier que tout cela peut changer très rapidement. J'imagine que ça changerait très rapidement si les investisseurs avaient l'impression que des sorties de capitaux depuis les États-Unis allaient vers des marchés qui créeraient de la croissance économique. C'est pas mal logique, n'est-ce pas?

M. Jock Finlayson: Oui.

Le président: Si cela se produisait, cela voudrait dire qu'il y aurait de l'expansion dans ces pays, ce qui ferait augmenter également les exportations depuis les États-Unis et depuis des pays comme le Canada et l'Europe, depuis tous ces pays, à mesure qu'ils recommencent à croître.

Je ne dis donc pas qu'il n'y a pas de crise. Il y en a une. Mais ce genre d'entrées et de sorties peuvent survenir en fait à point nommé, dans ce sens que les capitaux s'en vont dans un endroit qui est sûr pour le moment, pendant que l'économie s'adapte, et quittent lorsque l'économie est prête à absorber ce genre de mouvements de capitaux.

M. Jock Finlayson: Je suis tout à fait d'accord.

Nous parlons ici de mouvements de capitaux à court terme, non d'investissements étrangers directs, qui ont plutôt trait au long terme. Rien ne serait plus salutaire pour l'économie mondiale, au cours des deux prochaines années, qu'un rapatriement d'une partie de ce capital à court terme, qui a fui les marchés émergents en très grandes quantités, principalement en direction des États-Unis, et en partie vers l'Europe. Ce capital va retourner non seulement parce que les investisseurs considèrent la perspective de croissance, mais également parce qu'ils ont peut-être l'impression que les marchés ont été survendus. Cela est en dehors de mon domaine d'expertise, mais un grand nombre d'analystes financiers diraient probablement que la diminution de la valeur des actifs, de la valeur des marchés boursiers, de la valeur des biens immobiliers et de la valeur des devises dans un certain nombre de marchés émergents a été excessive—on a en quelque sorte dépassé la limite inférieure—de sorte qu'il y aura des occasions attrayantes de réinvestir en vue de réaliser des bénéfices.

Ainsi, si vous êtes un investisseur à contre-courant ou quelqu'un qui croit que les choses vont s'améliorer en Asie au cours de la prochaine année ou des deux prochaines années, il est tout à fait sensé de réinvestir des capitaux dans un pays comme la Corée du Sud, par exemple, qui a subi de formidables revers au cours des dix-huit derniers mois. Mais j'ai été en Corée du Sud, et je dirais que son potentiel de production comme société et comme économie n'a pas du tout diminué autant que pourrait le laisser croire un examen de son marché boursier et de sa monnaie.

• 2055

Ainsi il serait sensé de retourner dans ces pays, et vous allez voir que cela va se produire beaucoup. Cela permettra d'injecter de nouvelles liquidités dans les économies asiatiques et de réduire le resserrement du crédit, et permettra à ces pays de commencer à croître à nouveau. J'espère que ce sera le scénario que nous verrons se dérouler.

Le président: Et à ce moment-là, le capital intérieur qui aura été libéré aura été mis en activité dans l'économie américaine.

M. Jock Finlayson: Oui, mais parce que l'économie américaine est en aussi forte croissance depuis tant d'années, et parce qu'il y a eu d'énormes investissements d'entreprise, on peut soutenir que la chose sensée à faire d'un point de vue macroéconomique est de ralentir la croissance des investissements aux États-Unis.

On ne va pas obtenir indéfiniment un taux de croissance annuel de 10 ou 15 p. 100 dans les investissements d'entreprise. Cela n'a vraiment pas de sens. Aux États-Unis, il y a presque trop de financement aujourd'hui. Il n'est pas là parce que les États-Unis en ont besoin. Leur gouvernement n'a même plus de déficit, de sorte qu'il n'émet même plus d'obligations.

Le président: Est-ce que je peux vous poser une question? Où se situe le Canada dans tout ça si, comme vous le dites maintenant, ils vont atteindre un point de saturation? On ne peut tout simplement pas investir davantage.

M. Jock Finlayson: Eh bien, on obtient des rendements de plus en plus bas.

Le président: Exactement, des rendements de plus en plus bas. Alors on regarde ailleurs. Pensez-vous que les Américains vont se tourner vers le Canada?

M. Jock Finlayson: Je pense que le Canada est en fait survendu, même si ce n'est pas autant que les marchés asiatiques, loin de là. Notre devise a chuté beaucoup plus que ce à quoi s'attendaient la plupart des gens, compte tenu de la détérioration de la situation extérieure. Elle a trop baissé. Je crois que nos marchés boursiers sont survendus, certainement en ce qui a trait aux titres de ressources.

Ainsi, ces choses pourraient changer très rapidement si les investisseurs internationaux jugeaient que les marchés mondiaux de produits s'étaient stabilisés, ce qui n'a pas encore eu lieu, si la perspective pour l'Asie commençait à s'améliorer, si le Japon parvenait à maîtriser ses problèmes et si les investisseurs de par le monde observaient ces phénomènes. Il pourrait y avoir une ruée assez importante vers les instruments financiers et les titres canadiens, ce qui serait apprécié par un grand nombre d'entreprises que je représente, compte tenu de ce qui est arrivé aux prix de leurs actions au cours des dernières années. Cela serait également bénéfique à l'économie canadienne en général.

Je crois que la situation peut pratiquement changer en un clin d'oeil. Comme je l'ai dit plus tôt, la vitesse à laquelle l'attitude du marché et les mouvements de capitaux changent aujourd'hui est vraiment tout à fait extraordinaire par rapport au passé.

Le président: Je me sens déjà mieux que quand vous avez commencé.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Je pense que la beauté de venir en Colombie-Britannique réside dans le fait que tout à du relief, y compris les témoins. Cela doit être dû aux montagnes ou je ne sais pas. Je ne suis pas tout à fait sûr qu'est-ce que c'est.

Je voudrais retourner en arrière et vous poser quelques questions qui ont été soulevées avec d'autres témoins, afin d'essayer de déterminer quelle est la marge de manoeuvre du ministre Martin.

On nous a demandé avec instance de laisser simplement flotter le huard, que la Banque du Canada n'intervienne pas, à toutes fins pratiques. Pas la peine d'augmenter graduellement les taux d'intérêt pour protéger la devise, ne faites rien. On nous demande avec instance de faire preuve de prévoyance et de réduire les taux d'intérêt. On nous demande avec instance de laisser simplement décoller l'inflation, de la faire démarrer, de créer de l'activité. On nous demande avec instance de monétiser la dette, et je ne suis pas tout à fait certain de suivre tout ça, de transférer la dette du marché à la Banque du Canada.

Je suis curieux de savoir quel est votre avis concernant ces orientations précises de politique qui ont été mentionnées par un témoin précédent, compte tenu de comment vous voyez notre situation économique actuelle, de nos prévisions à court terme, ainsi que de la situation du gouvernement canadien et de l'économie canadienne.

M. Jock Finlayson: Eh bien, on dirait que vous avez eu quelques témoins intéressants auparavant.

Commençons par la question concernant la monétisation de la dette. Une politique de ce genre, si elle est adoptée, où si les marchés en sont au courant, est vouée à l'échec.

• 2100

Si j'achetais une obligation que vous émettez, et si je pensais que votre stratégie pour alléger le fardeau économique réel de cette obligation consistait à faire augmenter progressivement le taux d'inflation, car c'est cela la monétisation de la dette, il est clair qu'au moment où je l'achèterais j'exigerais un rendement beaucoup plus élevé, c'est-à-dire un taux d'intérêt beaucoup plus élevé. Ainsi toute idée selon laquelle n'importe quel pays, et à plus forte raison le Canada, adopterait une politique visant à monétiser sa dette déclencherait immédiatement, dans le monde d'aujourd'hui où tout va vite, une hausse spectaculaire des taux d'intérêt qu'auraient à payer ceux qui émettent des obligations, et par conséquent cette idée serait autodestructrice, non pas en bout de ligne, mais immédiatement. Je ne veux pas critiquer un exposé que je n'ai pas entendu, et il m'intéresserait beaucoup d'en prendre connaissance. Mais ça c'est mon avis concernant la monétisation de la dette.

Concernant la politique monétaire et ce que nous devrions faire avec le dollar, le taux de change et tout ça, nous devrions laisser aller le dollar dans une mesure très importante. Nous avons déjà fait cela au Canada. Lorsque je travaillais à Ottawa, au mois de novembre 1991, le dollar canadien valait 89 cents américains. Aujourd'hui, il vaut 65 cents. Cela par rapport à notre principal partenaire commercial. Ainsi, durant cette période de sept ans, il y a déjà eu une baisse importante de la valeur de notre devise par rapport au dollar américain.

Le Canada a une politique de taux de change flottant selon laquelle la valeur de notre devise est généralement déterminée par l'offre et la demande de devises sur le marché. Au Canada, la politique monétaire, c'est-à-dire la politique relative aux taux d'intérêt, est appliquée par la Banque du Canada, on nous dit, en vue d'atteindre des objectifs qui ont trait à l'inflation. Mais en fait, on ne peut faire les deux choses à la fois. Si on vise le taux de change comme variable sur laquelle on veut influer, alors c'est cela qu'il faut faire, et on ne peut pas viser l'inflation. Si on veut viser l'inflation, alors, par définition, on ne peut appliquer une politique qui a comme cible le taux de change.

Or, en réalité, on fait un peu des deux choses à la fois, et de nombreuses banques centrales font cela. Elles font face au défi que représente le brassage d'énormes quantités d'argent à court terme, ce qui veut dire que leur capacité d'influer sur les prix du marché des devises, par exemple par l'entremise de leurs réserves, est quelque peu limitée. On ne peut s'attendre d'aucune banque centrale qu'elle reste là à regarder tranquillement sa monnaie chuter jour après jour bien au-dessous de la valeur qui est considérée comme le point d'équilibre à long terme. Abstraction faite de la façon dont on détermine cela, le niveau d'équilibre à long terme visé par la banque centrale pour le dollar canadien est nettement plus élevé que sa valeur actuelle, et fondamentalement, je suis d'accord avec cela. Je ne sais pas quel est le bon taux, mais il est plus élevé que 65 cents.

On a donc également augmenté les taux d'intérêt au mois d'août, je crois, parce que la spéculation sur la devise était devenue un pari à sens unique au sein de marchés des devises. Ainsi, si j'étais un spéculateur, je pourrais gagner de l'argent avec très peu de risques en pariant contre le dollar. Il me semble donc qu'on ne veut pas du scénario où les spéculateurs ne courent pas le risque de perdre de l'argent.

M. John McKay: Mais vous ne pouvez les atteindre qu'une fois ou deux, après c'est fini.

M. Jock Finlayson: Le truc consiste à ne pas les atteindre trop fort, afin d'éviter d'envoyer votre propre économie dans une récession. Vous voyez le problème.

Mais à la défense de la Banque du Canada, je ferais remarquer que bien que les taux d'intérêt administrés à court terme aient été haussés de 100 points de base le 29 août—j'étais en vacances, mais c'est à ce moment-là que c'est arrivé—les taux à long terme sur le marché obligataire, etc, et les taux pour 10, 20 et 30 ans ont baissé un peu lorsque cela s'est produit et ils ont continué de baisser depuis. Or, cela signifie pour moi que les marchés financiers ont reconnu qu'il s'agissait d'un phénomène à court terme conçu pour faire face à un problème de spéculation et qu'ils ont toujours une vision positive concernant le Canada en ce qui a trait au risque d'inflation à long terme, qui est d'ailleurs très favorable. Si les taux à long terme commencent à remonter, cela aurait tout d'abord une incidence négative très importante sur l'économie, et deuxièmement, cela indiquerait que les investisseurs pensent qu'il y a un risque d'avoir un taux d'inflation beaucoup plus élevé à plus long terme, ce qui, dans l'ensemble, est une mauvaise chose pour l'économie.

Cela a donc été un processus très difficile à gérer pour la Banque du Canada au cours des six ou huit derniers mois. Seigneur, M. Thiessen, lorsqu'il était à Vancouver la semaine dernière pour donner une conférence lors d'un déjeuner, parlait de façon optimiste d'un taux de croissance économique de 4 p. 100, disait que le Canada connaissait un véritable essor et qu'on ne voyait pas la fin de cette forte croissance. Ils sous-estimaient également, devrais-je ajouter, l'incidence de la crise asiatique et le fait qu'elle dure depuis si longtemps et que la turbulence continue. Vraiment, l'aspect le plus bizarre est la persistance de l'instabilité, on ne sait pas clairement où sera le creux de la vague dans ces marchés.

• 2105

M. John McKay: Si la Banque du Canada modifiait sa politique, qui comporte une fourchette de un à trois points pour l'inflation, en commutant ça, ou en abolissant cette politique, ou je ne sais quoi, quel serait l'avantage à court terme pour l'économie?

M. Jock Finlayson: Si on effectuait quel changement?

M. John McKay: Si on haussait ce taux, à 4 ou 6 p. 100, ou quelque chose du genre.

M. Jock Finlayson: Je crois que ce serait une chose difficile à faire par l'entremise d'une politique transparente—pour M. Martin, de se lever à la Chambre des communes et dire qu'à la suite de discussions menées avec la Banque du Canada, on a révisé la plage du taux d'inflation à moyen terme pour qu'elle soit de 3 à 5 p. 100. Cela pourrait se faire, mais d'après moi le résultat net sur le plan économique serait négatif. On ferait craindre aux marchés financiers un taux d'inflation nettement plus élevé à long terme.

Un des avantages que nous avons est que notre pays est considéré de plus en plus comme un pays à faible taux d'inflation, presque comme la Suisse ou l'Allemagne. Il a été difficile de se rendre jusqu'ici, et il y a un grand débat entre les économistes concernant la question de savoir si cela en valait la peine. Nous avons maintenant cette réputation; nous avons eu un taux d'inflation inférieur à celui des États-Unis pendant six ans d'affilée, ce qui devrait d'ailleurs faire monter notre devise et non la faire baisser, mais ça c'est une autre question. Je crois que ce serait très risqué de se départir de cela en modifiant notre politique.

M. John McKay: Mais il s'agit d'une des questions, voyez-vous. Les gens dans cette salle ne cessent de dire que les éléments fondamentaux sont bons, que nous sommes en train de réduire notre rapport du PIB à la dette plus rapidement que tout autre pays du G7. Nous avons le taux de croissance le plus élevé et le taux d'inflation le plus faible; nous avons ci, nous avons ça. Nous sommes passés d'un déficit de 42 milliards de dollars à un excédent. Nous parlons d'un excédent réel et de choses de cette nature. Je vous demande: où est la récompense ici?

M. Jock Finlayson: La récompense pour l'assainissement des finances publiques s'est concrétisée par une meilleure structure des taux d'intérêt. Beaucoup de gens, mais pas de nombreux économistes, croient qu'on peut remédier à nos problèmes par l'entremise de la politique monétaire. Il se trouve que moi je ne crois pas cela. L'amélioration financière que nous avons connue apportera comme récompense des réductions d'impôts durables, j'espère, ou elle se traduira par une augmentation des dépenses gouvernementales, qui, si elle se concrétise, se fera j'espère de manière judicieuse, afin qu'elle bénéficie à toute la population canadienne et qu'elle améliore nos perspectives de croissance économique et d'accroissement de la production dans le futur.

La politique monétaire contribue à une bonne performance économique par la mise en place d'un cadre de stabilité à l'intérieur duquel les agents économiques peuvent prendre des décisions en vue d'acheter, de vendre ou d'investir sans avoir à craindre que la valeur de l'argent soit érodée par l'inflation. Au Canada, nous avons créé une économie qui, pour un certain nombre de raisons, est maintenant, dans l'ensemble, une économie à très faible inflation—peut-être un peu trop faible, à vrai dire.

Le maintien de ce genre de situation stable en matière d'inflation et d'un cadre macroéconomique également stable profitera à l'économie à long terme, mais n'offre pas beaucoup d'avantages à court terme. Je crois que nous en tirerons avantage, et dans une certaine mesure c'est déjà le cas. C'est pourquoi y toucher est un risque que je ne voudrais pas courir sans réfléchir attentivement à ce que vous essayez d'obtenir et qui vous inciterait à mettre ça en péril.

M. John McKay: La difficulté ici est que le ministre Martin est en train de regarder dans un gouffre et, comme le diriez peut-être vous-même, on ne sait pas où est le fond. Il va essayer d'envoyer le bon signal à la population canadienne et aux marchés dans une déclaration qu'il fera d'ici quelques semaines—peut-être moins que quelques semaines. J'essaie d'imaginer où se trouve sa marge de manoeuvre. Peut-il faire quelque chose comme accorder des réductions d'impôts qui auraient un effet stimulant? Est-ce que ce serait une chose utile et est-ce qu'elle nous apporterait quelque chose?

• 2110

M. Jock Finlayson: Si la marge de manoeuvre financière permet d'éviter les déficits, alors une réduction des impôts, notamment une réduction qui serait conçue attentivement pour stimuler l'économie—ou si vous aviez l'impression qu'il n'y a pas assez de dépenses dans certains secteurs de l'économie et que vous vouliez favoriser ces dépenses et que cette réduction était conçue pour cela—serait bénéfique. Mais si on peut se le permettre du point de vue financier, je ne vois pas beaucoup d'intérêt dans une réduction d'impôts à court terme qui doit par la suite être révoquée.

M. Nelson Riis: Juste pour approfondir une question, quel genre de réduction d'impôts aurait cette incidence?

M. Jock Finlayson: Compte tenu de ce que j'ai dit dans mon exposé en ce qui a trait à la position de mon organisation concernant la politique monétaire, nous sommes d'avis qu'au Canada, l'impôt sur le revenu des particuliers...

M. Nelson Riis: De façon générale?

M. Jock Finlayson: J'imagine que si vous vous inquiétez au sujet de la stimulation de la croissance à court terme, une réduction générale serait la voie à emprunter. D'un point de vue structurel, notre plus gros problème ce sont les taux marginaux d'imposition, non les taux moyens. Mais ça dépend de ce que vous essayez de réaliser.

M. Nelson Riis: Quelle que soit la retombée fiscale qu'on obtiendra, il s'agirait d'une réduction générale d'impôts de quelques milliards de dollars—c'est une réduction d'impôts assez modeste.

M. Jock Finlayson: C'est vrai. C'est ça le problème avec l'impôt sur le revenu des particuliers.

M. Nelson Riis: Est-ce qu'une modeste réduction d'impôts visant à économiser quelques centaines de dollars aurait un quelconque effet stimulant sur l'économie?

M. Jock Finlayson: Elle en aurait un, mais il serait très faible. Nous avons affaire à un certain nombre de choses corrélées dans le cas de votre question. Concernant les taux d'intérêt, il nous faut vraiment des taux d'intérêts globaux plus bas. Le Japon a déjà réduit ses taux d'intérêt presque à zéro, mais dans tous les autres pays du G7 et de l'OCDE, je serais très en faveur d'un effort coordonné en vue de réduire les taux d'intérêt, et nous devrions y participer.

M. John McKay: Est-ce que n'est pas la décision de M. Greenspan?

M. Jock Finlayson: Oui. C'est une décision que prennent les directeurs des banques centrales, et ce n'est pas nécessairement une décision qu'annonce un ministre des Finances, parce que ce n'est pas sa tâche de faire cela. Mais compte tenu de la baisse spectaculaire dans la perspective de croissance économique en 1999, qui est passée de 4 à 1 p. 100, je serais très fortement en faveur d'une réduction coordonnée des taux d'intérêt dans les pays de l'OCDE. Nous ne pouvons prendre l'initiative à cet égard, mais nous devrions certainement y participer en tant que pays.

M. John McKay: Ce qu'il y a d'ironique, effectivement, c'est qu'un taux d'intérêt réduit fait démarrer le marché des valeurs mobilières...

M. Jock Finlayson: Ou place un plancher sous une étoile filante. Ce serait peut-être une meilleure façon de le dire.

M. John McKay: Oui, c'est probablement une meilleure façon de le dire.

M. Jock Finlayson: Les marchés profiteraient assurément de cela, mais les consommateurs également. Les marchés ne sont qu'une partie de l'économie. Les ménages, les propriétaires, les gens qui renégocient une hypothèque, les gens qui ont une dette de carte de crédit et les entreprises qui ont des prêts tireraient tous avantage d'une structure de taux d'intérêts réduits, ici comme dans d'autres pays.

Le président: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Merci, monsieur le président.

Monsieur Finlayson, votre paragraphe de clôture porte sur le caractère décevant de la productivité. Certains commentateurs ont dit qu'elle pourrait même être pire que ce qu'on croit, parce que le faible dollar fait croire que nous nous en tirons mieux en ce qui a trait à l'exportation de toutes sortes de choses que ce n'est le cas en réalité. Les Américains ont été obligés d'être plus compétitifs, plus dynamiques et plus novateurs; ainsi, si notre dollar devait remonter la pente, nous serions pris sans le genre d'innovation et d'entreprises compétitives qui nous emmènent dans ce prochain chapitre.

Vous avez dit qu'un effort coordonné est nécessaire pour venir à bout du défi de la productivité et pour élaborer des politiques. D'après vous, que devrions-nous faire à cet égard, en tant que gouvernement? Êtes-vous d'accord avec les commentateurs qui pensent que certains de nos prétendus succès ne sont dus qu'au faible dollar?

M. Jock Finlayson: Permettez-moi de répondre à cette question en disant quelle est l'erreur du point de l'histoire de l'économie. Il est difficile d'atteindre la prospérité par la dépréciation. La dépréciation de la monnaie peut contribuer à donner un certain avantage concurrentiel à une économie, certainement en ce qui a trait à la partie de l'économie relative aux biens et aux services négociables, et elle stimule l'activité économique. De faibles taux d'intérêt sont un incitatif, mais la dépréciation de la monnaie aussi.

D'autre part, il n'y a pas beaucoup de preuves dans l'histoire qui indiquent qu'une politique de dépréciation continue de la monnaie est une base solide pour un pays, quel qu'il soit. Il ne faut pas oublier non plus que le revers de la médaille est qu'on subit une diminution du pouvoir d'achat, ce qu'on constate dès qu'on se rend à l'étranger ou qu'on importe quelque chose qui a été fabriquée ailleurs. Le Canada est un pays qui dépend beaucoup des importations. Nous importons une grande partie de nos produits alimentaires. Nous importons beaucoup de machines et d'équipements, de l'équipement médical, des produits pharmaceutiques, beaucoup de choses que nous ne produisons pas ici et pour lesquelles nous dépendons d'autres pays. Si notre devise baisse par rapport à la monnaie de ces pays, nous payons plus pour chaque article que nous achetons, ce qui est une autre façon de dire que notre niveau de vie diminue.

• 2115

Mme Carolyn Bennett: Ce que je veux dire au juste, est-ce que vous avez l'impression que nous, en tant que pays, nous nous occupons suffisamment de la compétitivité et de l'innovation? En étant à Vancouver, je m'inquiète un peu au sujet de l'industrie cinématographique. Je pense que c'est artificiel. Je pense que...

M. Jock Finlayson: Nous allons prendre ça. Elle est en croissance maintenant.

Mme Carolyn Bennett: Mais je crois que si la valeur du dollar va changer, nous n'avons pas les équipes ou les compagnies qui sont disposées à réaliser des produits canadiens; nous ne faisons donc que la partie des services et nous n'avons pas vraiment une industrie cinématographique ici à Vancouver. Les sociétés canadiennes ont beaucoup de mal à recruter des équipes de tournage.

M. Jock Finlayson: Oui. Je ne suis pas un expert de l'industrie cinématographique, mais c'est un exemple d'un secteur qui est terriblement vulnérable au taux de change, aux variations, et la raison de cela est que la vaste majorité des coûts dans ce secteur sont liés à la main-d'oeuvre. Si on est en mesure de payer en dollars canadiens plutôt qu'en dollars américains un employé de la production, ou un manoeuvre de scène ou une maquilleuse ou un maquilleur, ou un assistant sur un plateau de tournage—et ce sont tous des emplois payés au tarif syndical des deux côtés de la frontière—c'est un grand avantage sur le plan de la concurrence. D'autre part, nous sommes en train de créer une infrastructure ici en matière de formation et de programmes d'apprentissage, de diplômes collégiaux, et ainsi de suite, ce qui aide à former les gens qualifiés dont on a besoin pour faire fonctionner cette industrie.

Je ne sais pas quelle devrait être la valeur du dollar canadien, mais ce que je sais en revanche est que s'il vaut beaucoup moins que le dollar américain, cela est dû en partie à l'écart de productivité sous-jacent qui existe entre les deux économies. En effet, si on effectuait une analyse de correction ou peu importe, on verrait qu'il s'agit d'un des facteurs clés qui a causé la baisse du dollar canadien.

À long terme, nous nous en tirerions tous mieux au Canada si nous avions un plus fort de taux de croissance en ce qui a trait à la productivité, un niveau de productivité plus élevé, et cela nous apporterait une plus grande valeur de la devise. C'est comme ça que fonctionnerait la chaîne. Cela veut dire que nous serions plus prospères par rapport à ce que nous connaissons maintenant. C'est pourquoi je reviens à la compétitivité. C'est une question qui est difficile à régler. Je ne pense pas qu'on puisse faire descendre les Canadiens et les Canadiennes dans la rue pour manifester en faveur de la productivité, mais je pense que c'est un point central.

J'ajouterais, très rapidement que les gens dans ma profession n'ont pas toutes les réponses, loin de là, sur ce qui se passe vraiment. Est-ce que nous évaluons correctement la situation? Où nous situons-nous vraiment par rapport à d'autres pays? Quels sont les facteurs de la réussite? Où pouvons-nous exercer de l'influence? En particulier en ce qui a trait aux politiques gouvernementales, quels sont les leviers dont pourraient se servir les gouvernements pour vraiment obtenir des résultats? Vous disposez de beaucoup de leviers; un grand nombre de ces leviers ne sont pas pertinents en ce qui a trait à cette question en particulier. Ce sont toutes des questions ouvertes, à vrai dire.

Le président: Ne s'agit-il pas finalement du degré d'intelligence de nos gens d'affaires? Si tout d'un coup on obtient des contrats qu'on n'a jamais obtenus auparavant, seulement en raison du faible dollar, et si on n'est pas assez intelligent pour réinvestir dans les ressources humaines ou dans la recherche, dans une meilleure diffusion de la technologie au sein de l'entreprise, dans de meilleurs processus de production de biens et de services, alors, franchement, que pouvons-nous faire d'autre que de dire que nous avons l'impression que de nombreux contrats sont obtenus parce que nous avons un faible dollar? Il incombe finalement à l'homme ou à la femme d'affaires de se servir de sa tête pour se rendre compte qu'il ou elle ne sera pas très productif ou productive.

M. John McKay: Ça c'est l'argument de John Ralston Saul—c'est-à-dire que nous sommes mal servis par nos convictions en matière d'affaires, que nous sommes en fait mal servis depuis 150 ans par nos convictions en matière d'affaires, et que notre réel manque de productivité est dû plutôt à un climat et à une culture d'entreprise qui ne sont de tout évidence pas les mêmes que ceux des Américains.

M. Jock Finlayson: Probablement, il va ensuite accueillir favorablement une frontière plus ouverte—et ayant lu ses livres, je ne crois pas que ce soit le cas—avec les États-Unis et la création d'une économie plus compétitive. Depuis toujours, nous avons une économie quelque peu isolée en ce qui a trait au rôle des gouvernements, des règlements et des tarifs. Nous avons une économie de plus petite taille. Aux États-Unis, de nombreuses industries tirent avantage rien que de l'échelle à laquelle elles fonctionnent, même dans un contexte intérieur.

• 2120

Ainsi, une bonne gestion fait partie des facteurs clés, ce qui, incidemment, est une des raisons pour lesquelles la question de l'impôt sur le revenu des particuliers est importante. Savoir gérer de manière compétente est probablement un des talents les plus rares qui soient. Nous savons tous cela parce que nous travaillons au sein d'organisations, ou parce que nous essayons d'être de bons gestionnaires, qualifiés ou non qualifiés, et on veut être en mesure d'avoir ce genre de personnes dans toutes les organisations—non seulement au sein des entreprises, en passant. Je pense donc qu'il est important de pouvoir attirer et garder ces gestionnaires.

Mais je suis d'accord avec vous au sujet de la monnaie. Je crois qu'aujourd'hui il y a probablement de nombreuses industries canadiennes, surtout celles qui exportent beaucoup vers les États-Unis, qui ont peut-être une vision erronée de leur position sur le plan compétitif, en raison de l'avantage qu'elles ont obtenu grâce à la chute quelque peu inattendue de la valeur du dollar canadien, et si cette valeur remontait, car c'est possible—je n'ai aucune idée si cela va se produire, ni quand, mais c'est sûr que cela peut arriver—vous pourriez recevoir au gouvernement fédéral des demandes d'aide de la part de certaines de ces entreprises et industries, et vous devriez ignorer ces demandes.

Le président: Vous savez, à l'époque où Bill Clinton briguait la direction de son parti, il jonglait avec toutes sortes d'idées, comme une taxe sur la masse salariale, une sorte de taxe négative en vertu de laquelle toute grande entreprise aurait à investir de 1 à 1,5 p. 100 de la masse salariale dans la formation. Je crois que les Français ont cette taxe à 1 p. 100.

M. Jock Finlayson: Le Québec.

Le président: Mais alors on est toujours coincé entre le fait... Je crois que c'est une chose qui est imposée aux entreprises, franchement, je préférerais qu'elles le fassent d'elles-mêmes. Par contre, si elles n'investissent pas dans les ressources humaines et si elles n'investissent pas dans les choses dont nous avons parlé précédemment, comment peut-on leur faire comprendre le message?

Nous sommes des décideurs; nous ne sommes pas des gens d'affaires. Je crois que les entreprises doivent être gérées par des gens d'affaires. Mais la question qui se pose est comment peut-on leur faire prendre conscience de certains faits? La productivité constitue un problème. D'accord. C'est le problème de qui? C'est le secteur des entreprises qui doit s'en rendre compte, n'est-ce pas?

M. Jock Finlayson: La question est essentiellement la suivante: y a-t-il un échec systématique du marché au sein du secteur des entreprises qui mène systématiquement les firmes à ne pas investir suffisamment dans la constitution et la formation du capital humain? C'est la question qu'étudient certains universitaires.

Je signale que les États-Unis, qui possèdent le secteur des entreprises le plus vaste et le plus productif au monde, n'ont aucune taxe comme celle des Français—le Québec a une taxe pour la formation aussi, en passant.

Nous avons effectué un sondage auprès de nos membres afin de déterminer, au sein de grandes entreprises, combien on investissait dans la formation. C'est Tim qui l'a fait.

M. Tim McEwan (analyste principal des politiques, British Columbia Business Council): En moyenne, on a constaté qu'on consacrait 2,2 p. 100 de la masse salariale, nos membres du secteur des entreprises...

Le président: C'est élevé.

M. Tim McEwan: ... ce qui est très élevé.

M. Jock Finlayson: Le dilemme, comme vous allez voir—et je ne veux pas rouspéter après mes amis du milieu des petites entreprises, même si eux rouspètent après nous parfois—c'est que si on dit 1 p. 100 ou peu importe quel chiffre, la plupart des grandes organisations... C'est ce qui se passe au Québec, où l'on a une taxe provinciale. J'ai parlé avec mes homologues du Conseil du patronat, qui est l'organisme équivalent au nôtre pour le Québec. La plupart de ses membres consacraient déjà 1 p. 100 de la masse salariale ou davantage à la formation, mais ils doivent composer avec l'appareil administratif et bureaucratique qui a été créé pour administrer ce programme gouvernemental.

Les entreprises de petite taille ont tendance à se trouver là où l'on effectue moins de formation structurée, et en tant que député vous savez sans doute que ces entreprises n'ont pas très hâte de se voir imposer une quelconque obligation par le gouvernement en ce qui a trait à l'argent qui doit être consacré à la formation. On a donc tendance à exempter les petites entreprises, et c'est au sein de ces entreprises qu'il y a le moins de formation structurée, mais on atteint toutes les entreprises importantes et de taille moyenne, dont la majorité, du moins dans notre cas, offrent déjà de la formation dans une assez bonne mesure.

Peut-être devraient-elles faire plus, et le gouvernement devrait peut-être jouer un rôle également. Je pense que c'est une question à étudier. Mais si vous vous penchez sur ce problème de la productivité et sur les éléments qu'elle comporte, vous pourriez constater que nous n'investissons pas assez ou pas de la bonne façon dans le développement du capital humain. Si cela est vrai, vous devriez faire preuve d'ouverture d'esprit pour trouver des solutions.

Je pose simplement la question. Je ne sais pas vraiment quelle est la réponse.

Le président: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: J'ai une petite question concernant la «fuite des cerveaux».

Le président: Ce qu'on appelle.

Mme Carolyn Bennett: Ce qu'on appelle.

Le président: Entre guillemets.

Mme Carolyn Bennett: Est-ce que vous avez des chiffres? Vous devez effectivement perdre des gens de BC TEL qui s'en vont aux États-Unis. Est-ce que vous avez des entrevues de départ? Est-ce que ces gens quittent à cause du salaire ou pour des raisons fiscales? J'étais en train de penser que l'industrie cinématographique dans cette ville est une sorte de petit laboratoire. Les gens paient les mêmes impôts, mais ils travaillent pour les compagnies de production américaines parce qu'elles leur paient beaucoup plus que les compagnies canadiennes. Ce n'est pas vraiment une question d'impôts, c'est une question de salaires.

• 2125

M. Robert Seney: Je n'ai pas vraiment de données précises à vous donner. Il s'agit plutôt de choses qu'on entend continuellement de diverses sources...

Mme Carolyn Bennett: Je vais revenir à la remarque de M. Riis. Avant de parler de ce qu'on appelle la fuite de cerveaux et...

M. Robert Seney: Bon, permettez-moi de terminer. Nous sommes une entreprise de haute technologie et un grand nombre de nos secteurs embauchent des personnes hautement qualifiées. On entend continuellement des gens de la haute direction parler du roulement de personnel dans ces secteurs, de gens qui peuvent trouver des emplois aux États-Unis, par exemple. Vous avez donc raison de dire que c'est une question de salaires, mais ce qui fait que les entreprises américaines sont en mesure de payer ces salaires plus élevés à...

Mme Carolyn Bennett: Je ne suis pas une femme d'affaires. J'ai reçu une formation en sciences. Dans la pyramide de preuves, nous avons, à la base, des anecdotes. Je suppose que je n'aime pas l'idée qu'on puisse élaborer des politiques gouvernementales sur la base d'anecdotes...

M. Robert Seney: Non, d'accord.

Mme Carolyn Bennett: Jusqu'à ce que nous ayons des faits concernant cette question—combien reviennent et combien...

M. Robert Seney: Eh bien, je pense qu'il y a des données qui ont été publiées là-dessus.

M. Jock Finlayson: Si je peux ajouter quelque chose à cela, le Laurier Institute ici à Vancouver, qui est dirigée par Mme Roslyn Coonan, qui a été l'économiste en chef de Développement des ressources humaines Canada en Colombie-Britannique, vient tout juste de lancer une étude empirique sur la question de la fuite des cerveaux. Dans cette étude, ils vont essayer de documenter de façon plus détaillée, du moins en ce qui a trait à la Colombie-Britannique, ce qui se passe effectivement—qui part; avec quels types d'antécédents professionnels et dans quels secteurs; quels sont les facteurs qui déterminent leur départ, parce que je pense que les impôts sont un des facteurs, mais il y en a d'autres. Y en a-t-il qui reviennent? Et ainsi de suite. Ils essaient de mettre un peu de chair sur les os.

J'ajouterais qu'il existe une abondante collection d'anecdotes dans le secteur des grandes entreprises de la Colombie-Britannique—des firmes de technologie en particulier, mais non seulement là—comme quoi la question de la fuite des cerveaux est une question réelle et elle est liée à la question plus importante du manque d'un certain type de main-d'oeuvre qualifiée. Vous avez raison, en tant qu'économiste je peux vous dire que les preuves concernant cette question, des preuves scientifiques systématiques, laissent quelque peu à désirer. C'est pourquoi je pense que nous devrions être fortement en faveur de tout travail qui vous permet, à vous les décideurs, d'être mieux renseignés.

Mme Carolyn Bennett: Monsieur le président, est-ce que les gens du Laurier Institute vont comparaître devant le comité?

Le président: Nous allons essayer de communiquer avec eux.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

M. Nelson Riis: Je voudrais ajouter quelque chose à la remarque de Carolyn. L'année dernière, au cours de ces consultations, on nous a fourni des preuves que le Canada était en fait dans une situation de gain net en ce qui a trait aux cerveaux, que si on considérait toutes les personnes qui arrivaient au pays, notamment en raison des récentes modifications apportées à la politique en matière d'immigration, nous étions en fait en train de gagner des cerveaux. Il n'ont pas précisé quel genre de cerveaux, ni ce que ces cerveaux faisaient. Ce sera intéressant d'obtenir quelques preuves tangibles.

Je pense qu'on peut dire que la plupart des gens que je connais—en fait tout ceux que je connais—sont allés aux États-Unis, peu importe le domaine, pour gagner plus d'argent, et beaucoup plus d'argent. Ce n'est pas qu'ils en gardent davantage à certains égards, mais même cela est discutable si l'on tient compte des divers types d'impôts et de taxes, et des diverses charges sociales, de l'absence de gain en capital sur les ventes de maisons. Mais je ne connais personne qui m'a dit qu'il déménageait aux États-Unis parce qu'il allait mieux s'en tirer sur le plan fiscal. C'est que là-bas, ils gagnent trois fois plus d'argent. Je veux dire, regardez les politiciens.

M. Jock Finlayson: Je pense qu'il y a toute une série de raisons pour lesquelles les gens y vont, y compris des raisons très pratiques, comme des occasions professionnelles dans de nombreux domaines. J'ai fait une maîtrise en administration des affaires dans une université américaine et j'ai été le seul Canadien qui est revenu au pays—c'était il y a bien longtemps—parce que rien que les occasions de travail étaient très importantes à Wall Street ou peu importe où l'on voulait travailler. Bien sûr on allait être payé en dollars américains, et puis il y a l'aspect fiscal qui vient s'ajouter.

• 2130

Je suis également d'accord que le Canada tire avantage du fait que nous recevons plus de gens qualifiés d'ailleurs que nous n'en perdons, et l'étude du Laurier Institute, je le sais, va se pencher sur cet aspect également. Mais je ne suis pas sûr que les gens qualifiés ou instruits que nous gagnons sont nécessairement en mesure de remplacer ceux qui partent. Ça dépend du secteur.

M. Nelson Riis: Nous ne le savons pas.

M. John McKay: Ils font tous du taxi à Ottawa.

Certains députés: Oh, oh!

M. Jock Finlayson: Mais je pense qu'il s'agit d'une question que nous devrions considérer du point de vue des politiques gouvernementale, afin d'essayer d'obtenir des preuves plus solides, parce que c'est important pour nous.

En mettant ma casquette du Business Council, je peux vous dire que c'est une question dont on nous parle. Nos entreprises ne parviennent pas à attirer des gens en Colombie-Britannique. Nous parvenons bien à en attirer des autres provinces, mais absolument pas des États-Unis. Ce n'est pas une problème énorme dans certains secteurs, mais dans le secteur des logiciels, par exemple, la personne qu'il vous faut pour emmener votre entreprise vers la prochaine plate-forme, ici à Vancouver, peut être quelqu'un qui a déjà fait cela à Silicon Valley, en tant que responsable du développement des produits ou quelque chose du genre, mais à moins d'être prêt à chambarder complètement votre barème des salaires en raison de ce que les gens gagnent là-bas et des impôts, vous ne serez pas en mesure de convaincre la personne en question de monter ici.

C'est donc un obstacle à la croissance dans certains secteurs. J'en suis convaincu. N'oublions pas que même un nombre relativement faible—pas une poignée, mais peut-être quelques milliers de personnes—peuvent avoir une incidence assez importante dans divers champs d'activité, s'il s'agit des meilleures personnes.

Le président: M. Finlayson, nous devons aussi être réalistes concernant ce que nous pouvons faire. Nous pouvons augmenter l'exemption personnelle de base, nous pouvons essayer de supprimer certaines des surtaxes, et nous pouvons faire ci et faire ça, mais essayer de concurrencer les salaires de 200 000 dollars américains en effectuant des réductions générales d'impôts n'est pas réaliste. C'est plutôt aux gens d'affaires ici au Canada de trouver une solution.

Nous pouvons faire notre petite part sur le plan fiscal. Nous pourrions peut-être dire qu'un de nos objectifs à atteindre dans dix ou quinze ans est d'avoir un des systèmes fiscaux les plus généreux qui existent, s'il s'agit d'une des questions de politique gouvernementale auxquelles nous décidons de nous attaquer. Mais concernant les salaires, en tant que législateurs, nous ne pouvons pas commencer à dire aux entreprises qu'elles devraient verser à telle personne un salaire de 500 000 dollars afin de concurrencer un emploi à...

M. Nelson Riis: Comment font les banquiers? Nos banques paient à leurs directeurs généraux des salaires qui sont probablement plus élevés que ceux que touchent la plupart des banquiers de par le monde.

Le président: Oui, mais combien de directeurs généraux y a-t-il?

M. Nelson Riis: Juste une poignée, mais...

Le président: Ce fut une discussion très intéressante. Nous savons certainement quels sont les défis, mais nous comprenons également qu'il y a certaines contraintes. M. McKay a mentionné la politique de la Banque du Canada, et nous faisons face à des contraintes sur le plan fiscal. Les centaines de personnes qui ont déjà comparu devant le comité nous ont soumis une foule de demandes. Il existe toutes sortes de questions que nous devons régler, comme la R-D et les soins de santé.

Vous avez été un groupe de témoins très intéressant, et nous vous remercions.

M. Jock Finlayson: Merci de nous avoir donné cette occasion.

Le président: La séance est levée jusqu'à demain matin, même endroit, même heure.