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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 octobre 1998

• 1001

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour.

Je demanderais aux témoins suivants de s'approcher: l'Insurance Brokers Association of Manitoba, Portage La Prairie Mutual, Shelter Canadian Properties Limited, TelPay-A Division of CTI-Com Tel Inc., et Wawanesa Mutual. Je demanderais aux représentants de ces organisations de bien vouloir s'approcher en apportant leur insigne d'identité.

Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici ce matin, à Winnipeg. Vous savez que le Comité des finances est en train de parcourir le Canada pour savoir ce que les gens pensent du rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Nous avons hâte d'entendre les observations de tous les témoins qui sont là ce matin.

Nous allons entendre d'abord MM. Gerry Corrigal et Brent Gilbert de l'Insurance Brokers Association of Manitoba. Bienvenue.

M. Brent Gilbert (ancien président, Insurance Brokers Association of Manitoba): Merci, monsieur le président.

C'est pour nous un privilège d'être ici aujourd'hui pour vous présenter les observations de l'Insurance Brokers Association of Manitoba sur le rapport du groupe de travail MacKay sur l'avenir du secteur canadien des services financiers.

Je m'appelle Brent Gilbert. Je possède et j'administre une firme indépendante de courtiers d'assurances multirisques à Portage-La-Prairie. Je suis accompagné aujourd'hui de deux autres propriétaires exploitants d'une firme indépendante de courtiers d'assurance, M. Ron Vandenbosch de Saquet & Vandenbosch à Sainte-Rose-du-Lac et M. Gerry Corrigal de McElhoes & Duffy à Winnipeg même.

Nous formons une association professionnelle facultative qui représente 1 154 des 1370 courtiers d'assurance autorisés de la province. Nos membres servent leurs clients du Manitoba à partir de quelque 316 firmes de courtage dispersées dans la province.

Nous sommes des administrateurs de petites entreprises indépendantes qui agissent comme intermédiaires entre les sociétés d'assurances multirisques et nos clients. C'est un rôle qui est souvent mal compris par les décideurs au fédéral.

Nous faisons une analyse impartiale et exhaustive des risques de dommages matériels et de responsabilité civile de nos clients. Nous aidons nos clients à déterminer quels risques ils peuvent assumer seuls et lesquels ils préféreraient transférer à une ou plusieurs compagnies d'assurance. De plus, nous achetons les protections dont le client a besoin d'une ou plusieurs sociétés qui représentent la meilleure combinaison couverture, service de réclamation et primes pour notre client. Une fois la protection établie, nous continuons de jouer un rôle consultatif auprès de nos clients au sujet des modifications en cours de contrat, de la gestion des risques et des réclamations à présenter.

• 1005

Nous sommes venus ici aujourd'hui pour demander au gouvernement qu'il continue de respecter son engagement d'assurer une concurrence loyale et de placer tout le monde sur un pied d'égalité, en refusant aux banques tout privilège particulier pour leur permettre de vendre des assurances multirisques. Les conclusions du groupe de travail MacKay nous ont extrêmement déçus. La recommandation d'accorder aux banques des privilèges particuliers pour commercialiser les assurances multirisques est très boiteuse.

À ceux qui se demandent si les courtiers d'assurance indépendants craignent la concurrence je réponds «pas du tout». On affronte la concurrence quotidiennement dans notre travail. En réalité, on court après la concurrence. On mène une concurrence loyale et on est tous sur un pied d'égalité. Mais si les banques bénéficient de privilèges spéciaux, elles auront un avantage compétitif indu sur nous. Je vous explique pourquoi.

Le premier avantage, c'est la volonté de consommer. Les consommateurs cherchent généralement des assurances quand ils sont sur le point de faire un achat. Avant d'acheter, ils s'adressent généralement à une banque pour obtenir un prêt. Par conséquent, les banques sauront toujours avant nous que quelqu'un va avoir besoin d'acheter une assurance. Être le premier, c'est toujours un avantage, quel que soit le produit.

Un deuxième avantage, c'est la coercition. Les consommateurs auront l'impression, à tort ou à raison, que les banques font pression sur eux pour qu'ils achètent l'assurance qu'elles leur offrent s'ils veulent obtenir un prêt ou encore l'obtenir aux meilleures conditions possible. Le rapport MacKay suggère l'établissement de règles interdisant expressément cette pratique. Cependant, on s'interroge sur l'efficacité de leur mise en application.

L'utilisation des renseignements sur le crédit est un troisième avantage des banques qui ont d'énormes banques de données et une foule d'informations sur les détenteurs de comptes dont ils peuvent se servir à leur avantage pour vendre de l'assurance. Le groupe de travail MacKay a recommandé l'adoption de règles pour protéger les renseignements personnels, mais qui va contrôler ça?

Comme quatrième avantage, il y a l'utilisation de renseignements confidentiels. Notre travail nous amène couramment à fournir aux banques des copies des polices d'assurance de nos clients, qui renferment des renseignements confidentiels sur les primes et la couverture. Les banques pourraient se servir de ces informations que nous leur avons fournies pour nous faire une concurrence déloyale.

Le dernier avantage qu'elles ont, c'est qu'elles font des affaires avec un concurrent. Comme toute autre PME, les courtiers d'assurance indépendants ont parfois besoin d'un prêt, d'une hypothèque et d'une ligne de crédit. Si les banques se mettent à vendre de l'assurance au détail, nous serons forcés de faire affaire avec un concurrent direct. Nous devrons fournir des renseignements financiers confidentiels, y compris notre plan d'entreprise à l'institution même qui nous fera concurrence. Est-ce que c'est juste?

Nous estimons que cet avantage compétitif aura de graves conséquences sur l'avenir de nos membres qui forment un segment important du secteur des PME au Manitoba. Depuis des années, nous participons énormément et assidûment au bien-être économique de notre province. Si on accorde aux banques un avantage indu sur nous, nous ne pourrons plus continuer à le faire aussi bien. C'est important étant donné l'instabilité de notre économie.

De nos jours, au Manitoba, les assurés sont bien servis et ont un vaste choix pour leurs assurances multirisques. Nous offrons à nos clients des polices de l'une ou l'autre des nombreuses bonnes compagnies d'assurance qu'on trouve au Manitoba. Je suis d'ailleurs fier de dire que certaines sont originaires de la province et y ont leur siège social, même si elles font des affaires dans tout le pays.

Les courtiers sont établis dans 150 localités de la province. Voilà la clé. Ils font partie de la même collectivité que leurs clients et ils y créent de l'emploi et de l'activité économique. Nous ne sommes pas un numéro 800 auquel on répond dans un centre téléphonique lointain. Nous avons des intérêts dans les localités où nous vivons. C'est là qu'on travaille et qu'on élève nos familles.

Le rapport MacKay déclare qu'en accordant des privilèges spéciaux aux banques, on intensifiera la concurrence. Nous, nous affirmons que ça aura tout l'effet contraire. Les consommateurs auront moins de choix, pas plus. Les avantages indus des banques sur nous seront préjudiciables aux PME, aux assurés et à l'ensemble de l'économie manitobaine.

• 1010

En conclusion, nous sommes résolument contre les recommandations du rapport MacKay au sujet de la vente d'assurances par les banques. Les banques, dont l'existence est déjà privilégiée et bien protégée au Canada, jouiraient d'un avantage commercial indu qui compromettrait les moyens d'existence de centaines de PME et les emplois de milliers de travailleurs au Manitoba.

Le gouvernement fédéral a pour politique de favoriser et de soutenir les PME. Les règles de concurrence loyale établies en 1992 ont mis en équilibre les PME et les grandes banques. Nous vous demandons de confirmer cette politique pour préserver la prospérité et l'intense compétitivité du secteur des assurances multirisques.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gilbert. Je suis certain qu'on aura des questions à vous poser tout à l'heure à la période des questions.

Nous allons maintenant écouter Tom W. McCartney, vice-président de Portage Mutual Insurance Co. Bienvenu monsieur.

M. T.W. McCartney (vice-président, Portage Mutual Insurance Co.): Bonjour, monsieur le président.

Tout d'abord, je voudrais savoir à combien de temps on a droit et quels sont les paramètres. M. Mitchell de Wawanesa Mutual m'accompagne. On a combien de temps pour notre exposé?

Le président: Vous avez environ cinq à sept minutes et ensuite, il y aura une période de questions.

M. T.W. McCartney: Est-ce que c'est cinq à sept minutes pour nous deux?

Le président: C'est cinq à sept minutes pour vous et cinq à sept minutes pour M. Mitchell.

M. T.W. McCartney: Bien, merci beaucoup.

Le président: Merci.

M. T.W. McCartney: Mesdames et messieurs, je suis ici pour présenter un mémoire au nom de l'industrie des assurances et au nom de l'entreprise pour laquelle je travaille, la Portage Mutual Insurance Co.

Dans notre jeu de documents, il y a copie d'un mémoire que M. Mitchell et moi avons présenté au groupe de travail le 18 septembre 1997, à Winnipeg. Nous présentons le même aujourd'hui parce que nos propos d'alors valent encore aujourd'hui.

Je vais passer le mémoire en revue avec vous. Pour commencer, nous tenons à souligner que nous représentons deux compagnies d'assurance qui ont été fondées au Manitoba et qui ont toutes deux plus de 100 ans. Nous n'avons pas à nous justifier de vouloir servir l'industrie des assurances multirisques dans l'ensemble du Canada sans subir l'avantage et l'influence indus des institutions bancaires.

Nous entendons dire depuis un bon moment déjà que les banques veulent se lancer dans l'assurance afin de s'internationaliser. Il semblerait que, pour parvenir à cette fin, elles aient besoin d'un accès libre au secteur de l'assurance-vie et des assurances multirisques. À notre avis, c'est un raisonnement creux puisque les banques sont assez prospères dans leur secteur actuel. Il s'ensuit que les arguments des banques ne tiennent pas et qu'il faudrait continuer à leur interdire de vendre de l'assurance dans leurs succursales, comme le font déjà les règles de 1992.

On fait remarquer que les banques réussissent très bien, qu'elles réalisent des profits records et un taux de rendement de 20 p. 100 sur leurs avoirs. Les affaires sont plus difficiles dans les assurances multirisques à cause de la concurrence féroce que se livrent plus de 200 sociétés actives au pays, alors qu'il n'y a que cinq ou six gros joueurs dans le secteur bancaire. On a déjà été témoin des prises de contrôle des sociétés de fiducie et de courtage en valeurs mobilières. L'industrie bancaire est loin de ressembler à un secteur en détresse.

Il faut se méfier des arguments tournant autour de la concurrence internationale parce que ce n'est qu'un prétexte pour prendre le contrôle intégral de tous les services financiers. Or, nous vous rappelons que les consommateurs seront les grands perdants si leur liberté de choix est restreinte.

Faire des profits, ce n'est pas mal en soi, et nous reconnaissons que les banques sont déjà des concurrentes dans les assurances multirisques depuis la réforme de 1992 et ça suffit. On n'a pas besoin de changements pour rendre les banques compétitives sur le plan international, votre comité et le groupe de travail devraient peut-être se pencher maintenant sur l'absence de concurrence dans le secteur bancaire.

Nous voulons dire par là qu'un nombre supérieur de banques devraient être en concurrence pour les opérations bancaires au pays, puisque les six grandes banques semblent avoir beau jeu au Canada, dans leur milieu protégé. Peut-être que le groupe de travail devrait étudier le manque de concurrence découlant de la protection dont elles jouissent depuis des années.

Dans notre industrie, il y a beaucoup de concurrence, comme je l'ai déjà dit, étant donné les 200 sociétés d'assurances multirisques qui se font la lutte au Canada en ce moment. Il n'y a pas une compagnie qui détienne plus de 7 p. 100 du marché, malgré l'intervention indirecte de certaines banques par l'entremise de leurs filiales. Les trois quarts des compagnies d'assurances multirisques font vendre leurs produits par des courtiers indépendants qui sont établis dans la plupart des localités au Canada et qui fournissent des assurances de façon responsable tout en étant des employeurs très importants.

• 1015

Ajoutons que les deux sociétés représentées ici aujourd'hui croient au système des courtiers indépendants pour la commercialisation des assurances et nous vous demandons de réfléchir sérieusement aux conséquences qu'elles subiraient ainsi que les autres compagnies d'assurances multirisques qui sont établies en dehors du centre d'activité de Toronto.

Quelque 100 000 employés travaillent dans l'une ou l'autre des facettes du secteur au Canada et on les retrouve dans tout le pays. L'industrie cherche très activement à rationaliser tous ses réseaux de distribution et elle réfute la critique des banquiers qui trouvent que notre industrie a du retard. Notre secteur concerne des affaires personnelles qui exigent un service personnel, puisqu'il faut déterminer la protection qui convient aux biens les plus importants des gens—c'est-à-dire leur maison, leur voiture et leur petite entreprise. Il est intéressant d'apprendre que la Banque Royale a annoncé qu'elle allait acheter le système de télémarketing des Co-operators, qui est un souscripteur direct des assurances multirisques au Canada. Autrement dit, même nos plus grandes institutions bancaires n'ont pas tout ce qu'il faut pour offrir certains services.

Nous vous prions de nous laisser continuer à faire notre travail et de confirmer l'application de la réforme de 1992.

Si les banques veulent l'abolition des règles, c'est uniquement à cause de leur influence. Elles ont les moyens de faire pression sur les gens pour qu'ils achètent tous leurs produits et l'industrie des assurances multirisques n'est qu'une partie de leur stratégie. Elles ne cherchent pas du tout à fournir des assurances, à régler des réclamations, etc. Elles cherchent uniquement à générer encore plus de revenus et à ajouter d'autres frais de service pour le bénéfice de leurs actionnaires.

Même en vertu de la réforme de 1992, les banques auront un effet sur notre industrie, mais elles sont obligées d'être sur le même pied que les autres. À notre avis, il faudra songer sérieusement à protéger les renseignements financiers personnels parce que ces informations ne devraient pas pouvoir servir de levier pour la vente d'assurances. Or, les règles actuelles permettent quand même un certain contrôle.

Au Manitoba, nous sommes fiers d'avoir toujours réussi à protéger les biens grâce à la fondation de nombreuses compagnies dans la province. En ce moment, au Manitoba, il y a Portage Mutual, Wawanesa Mutual, Red River Valley Mutual, et la Compagnie d'assurance et de garantie Grain. Ce sont toutes des sociétés manitobaines qui ont commencé ici et qui continuent de protéger les biens des Manitobains, comme ceux des Canadiens de tout ce beau pays d'ailleurs.

Nous avons un réseau de courtiers qui n'ont pas abandonné les petites localités comme le font les banques à charte en fermant leurs succursales.

Le paragraphe suivant du mémoire traite de l'histoire au Manitoba.

Nous faisons dans la protection des biens; or, les institutions bancaires ont toujours financé l'achat de ces biens. Nous estimons que ça ne devrait pas changer. Nous, nous répartissons le risque et si on laisse les banques se regrouper, on va à l'encontre de ce principe de base de l'assurance. Pour prospérer, nos banques canadiennes devraient s'internationaliser et non pas consolider leur emprise sur les services financiers.

Dans ma documentation, il y a quelques documents que je voudrais présenter sommairement. Le premier, c'est un dépliant qui a été distribué en Alberta par les assurances CIBC. Regardez-le, j'ai surligné en jaune. Ce qui nous choque, c'est qu'on y fait la promotion des résiliations en cours de contrat. Or, ces résiliations entraîneraient l'application du taux à courte échéance à la police actuelle, ce qui n'est jamais très avantageux pour le consommateur. J'ajouterais que cela bat en brèche toutes les règles que doivent suivre les compagnies d'assurance. L'industrie de l'assurance-vie est aux prises avec le problème depuis quelques années déjà, mais c'est la première fois que ça devient vraiment problématique pour les assurances multirisques. Vous trouverez aussi ma lettre au surintendant des assurances.

Parmi les documents, il y a un autre dépliant de la même banque, qui accompagnait le relevé mensuel aux clients. J'encouragerais tous les clients de la CIBC à téléphoner au numéro 800. Voici ce qu'on peut lire:

    N'oubliez pas que vous pouvez profiter de cette économie même si le renouvellement de votre police d'assurance automobile n'est pas prévu dans les 60 jours.

Voilà un autre document qui préconise la résiliation à brève échéance.

L'autre document vient des assurances Scotia. Il est intéressant d'apprendre qu'on peut tout savoir sur l'assurance multirisques en sept minutes et qu'on peut par la même occasion économiser des milliers de dollars. J'ignore la compétence de la personne qui répond au numéro 800.

• 1020

Enfin, il y a un communiqué de M. Gregg Hanson, le président et chef de la direction de la Wawanesa Mutual Insurance Company. C'est sa réponse aux conclusions du groupe de travail MacKay.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McCartney.

Nous allons maintenant entendre Ken E. Mitchell, directeur de succursale à Wawanesa Mutual. On vous écoute.

M. Ken E. Mitchell (directeur de succursale, Wawanesa Mutual): Monsieur le président, merci de nous accueillir ce matin.

Étant donné le temps qui m'est alloué, je vais prendre quelques minutes pour discuter d'un problème qui concerne le service offert par l'industrie aux consommateurs et à la société.

L'industrie de l'assurance du Manitoba répond largement aux besoins des consommateurs par l'intermédiaire de quelque 133 sociétés d'assurances multirisques autorisées au Manitoba. Grâce à notre réseau de courtiers qui totalise 340 bureaux et 1 370 employés agréés, nous avons fait face à certains cataclysmes. Par exemple, il y a eu en 1993 trois tempêtes ayant entraîné quelque 15 000 sinistres assurés causés par un refoulement d'égout, dont le montant totalisait 165 millions de dollars et, en 1996, une tempête de grêle ayant provoqué 16 000 sinistres déclarés d'une valeur de 40 millions de dollars.

Je vais vous laisser des statistiques sur le personnel établi au Manitoba, qui comprend des employés s'occupant de la souscription, de la commercialisation, du soutien administratif et du service des réclamations. Pour compléter, nous faisons affaire avec un réseau de firmes d'expertise indépendantes qui ajoutent 102 travailleurs qualifiés. Enfin, il y a au moins huit entrepreneurs extrêmement compétents pour faire les travaux de restauration et 210 employés formés pour servir la clientèle et veiller à sa satisfaction.

À notre avis, monsieur le président, le système actuel répond rapidement et efficacement aux besoins et aux attentes des consommateurs.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mitchell. C'était un exposé succinct, précis et pertinent.

Nous allons maintenant entendre le président et chef de la direction de TelPay Bill Payment Service, M. William Loewen, qui représente TelPay-A division of CTI-Com Tel Inc. On vous écoute.

M. William H. Loewen (président et chef de la direction, TelPay Bill Payment Service): Bonjour. Merci beaucoup de me permettre de vous présenter notre opinion.

Je voudrais exposer une proposition concernant des services bancaires dont le rapport MacKay n'a pas vraiment traité. Nous avons présenté un mémoire au groupe de travail et au Comité sénatorial des finances et nous allons vous en distribuer des copies.

Tout d'abord, je veux faire la distinction entre le secteur dont je vais parler et les services bancaires traditionnels. Le principal rôle des banques qui est visible pour la population, c'est celui d'intermédiaire. Elles acceptent de l'argent en dépôt et le prêtent à risque. Elles se qualifient habituellement d'institutions de dépôts alors que ce qui est plutôt particulier chez elles, c'est qu'elles prennent des risques. Cette partie de leurs opérations est régie par la Société d'assurance-dépôts du Canada et par le Surintendant des institutions financières.

Le côté service du secteur, le domaine qui nous intéresse plus particulièrement, a un chiffre d'affaires annuel de 2,5 milliards de dollars. C'est le service qui permet aux clients d'avoir accès à leurs comptes de banque, de tirer des chèques sur leurs comptes, de virer des fonds et d'utiliser de façon générale l'argent qui a été déposé à une banque donnée. À l'heure actuelle, on ne peut recevoir ces services que de la banque qui détient l'argent déposé.

Depuis qu'il y a des transactions électroniques, qui composent évidemment la majeure partie des transactions effectuées par les consommateurs et les entreprises, il existe la très nette possibilité que d'autres fournisseurs puissent offrir ces services. Les fournisseurs feraient donc concurrence aux banques pour obtenir leur part de ces 2,5 milliards de dollars de revenus.

• 1025

Les banques ont pu se lancer dans d'autres secteurs, mais les entreprises d'autres secteurs n'ont pas réussi à mettre le pied dans ce segment des opérations bancaires. C'est contrôlé par l'Association canadienne des paiements, une organisation qui s'arrange pour entourer les banques d'un mur très étanche pour les protéger contre la participation des autres fournisseurs de services.

Je vais maintenant vous lire mon mémoire à partir du milieu de la troisième page.

Jusque dans les années 90, les transactions financières se faisaient surtout sur papier. Il était difficile pour de nombreuses organisations offrant des services financiers de participer au système de compensation. Les adhérents au système de compensation interbancaire devaient être présents à plusieurs endroits au pays, sinon ils devaient s'entendre avec un autre adhérent pour qu'il les représente là où ils étaient absents.

La situation a changé du tout au tout en cette fin de siècle. Interac, les services bancaires téléphoniques et les GAB permettent désormais d'effectuer de nombreuses transactions financières presque partout où l'on peut trouver des moyens de communication acceptables. Ces progrès technologiques ont amené des firmes de courtage et des compagnies d'assurance à réclamer le droit de s'occuper de leurs transactions sans passer par l'intermédiaire d'un adhérent. Nul doute que d'autres organisations comme les entreprises de service de paye vont revendiquer la même chose.

TelPay Bill Payment Service, qui est exploité par CTI-ComTel, se trouve dans la même situation. TelPay pourrait étendre ses services à la population s'il lui était possible de débiter un compte en direct, comme on peut le faire avec Interac et les transactions au GAB. Un tel service concurrencerait évidemment les services offerts par les banques mêmes. Les banques affronteraient donc une concurrence importante dans le domaine des services bancaires facturés. C'est pourquoi elles y sont si réfractaires.

L'outil de leur résistance, c'est l'Association canadienne des paiements. L'Association a été formée en 1980 et a pour missions d'établir et de mettre en oeuvre un système national de compensation et de règlement, et de planifier le développement du système national de paiement. Or, l'Association n'a pas établi de système national de compensation puisqu'il existait depuis de nombreuses années et qu'il continue d'exister sous la même forme, exception faite des transactions électroniques.

Les adhérents à l'Association effectuent eux-mêmes les échanges, sans la participation de l'Association, puisque les transactions provenant des services au consommateur sont réglées d'une banque à l'autre. Chacune balance les transactions présentées et avise la Banque du Canada des montants tirés sur elle et des montants qui ont été présentés à d'autres adhérents. La Banque du Canada inscrit alors au compte de chacun des adhérents les débits et les crédits applicables. Grâce à cette compensation, aucun adhérent ne doit de l'argent à un autre. C'est donc la Banque du Canada qui procède au règlement et qui semblerait être le débiteur ou le créancier lorsque les transactions entre deux adhérents laissent un solde.

Il ressort nettement de ce qui précède que l'Association des paiements n'administre pas un système national de compensation et de règlement. Elle a un bureau à Ottawa et elle se branche quotidiennement au système pour recueillir des statistiques, mais jamais elle ne s'occupe des transactions.

L'Association avait pour troisième objectif de planifier le développement du système de paiement national. Elle n'a pas fait ça non plus. Elle n'a rien eu à voir avec l'établissement du système Interac bien que celui-ci ait été implanté par les parties qui la contrôlent. Dans certains cas d'ailleurs, il semblerait que sa création ait eu un effet néfaste sur les services au public.

• 1030

Ce que l'Association fait en réalité—et elle ne fait absolument rien d'autre—c'est établir les règles qui régissent les articles passant par le système de compensation. Ces règles s'appliquent à toutes les parties ayant quelque chose à voir avec les transactions financières. Elles touchent tous les particuliers, toutes les entreprises et tous les concurrents des banques. On prétend qu'elles ont force de loi et ça se peut que ce soit vrai malgré le fait que les parties qui les ont édictées ne soient vraiment responsables devant aucun corps élu.

D'ailleurs, on m'a appris récemment qu'on proposait d'imposer une amende de 250 000 $ à tout adhérent ou sous-adhérent qui ne respecterait pas les règles de l'Association des paiements ou qui ne les appliquerait pas à ses clients. En réalité, certaines des règles de l'Association sont tellement absurdes qu'on en fait généralement abstraction.

L'Association des paiements n'a pas été créée comme organisme de réglementation, mais c'est en fait sa seule fonction. Un organisme qui édicte des règles s'appliquant à toute la gamme des transactions financières dans tout le pays et qui est administré par les cinq grandes banques est illogique, inacceptable et antidémocratique. Je doute que ce soit conforme au mode de fonctionnement qu'envisageait le Parlement lors de la création de l'agence en 1980.

Il semble acquis que les banques doivent assumer le plein contrôle des comptes de leurs clients. C'est probablement par mesure de sécurité et de confidentialité. En réalité, ces arguments sont intéressés et visent d'abord et avant tout à éliminer la concurrence.

Il est essentiel d'établir de nouveaux principes pour déterminer qui a le droit de contrôler l'accès aux comptes bancaires des particuliers et des sociétés. Cette personne devrait évidemment être le propriétaire du compte même. Le propriétaire devrait avoir droit à cet accès par des moyens autres que ceux actuellement offerts par la banque. C'est le seul moyen d'accorder aux consommateurs des services de transaction l'accès à des prix compétitifs, à des services innovateurs et à un choix plus varié. À défaut de le faire, il est certain que les services de traitement des transactions seront contrôlés par des Américains. Les grandes banques et Microsoft ont déjà conclu des ententes en ce sens. Un nombre étonnant de transactions gérées par les banques sont déjà traitées aux États-Unis.

L'idée de donner aux consommateurs le contrôle de l'accès à leurs comptes n'est pas un concept nouveau. Pendant des années, les titulaires de comptes ont pu autoriser des tiers à avoir accès à leurs comptes. Il y a de multiples exemples et le volume des transactions est très élevé. Ça comprend les débits préautorisés traités par les compagnies d'assurance et les sociétés hypothécaires. Les entreprises de paiement de factures comme TelPay reçoivent l'autorisation d'exécuter les directives de leurs clients qui veulent qu'on débite leurs comptes bancaires. Les entreprises de services de paye ont traité des débits préautorisés valant des milliards de dollars pour obtenir l'argent de la paye. Certains procédés sont utilisés depuis de nombreuses années. Ce qui manque maintenant, c'est le droit de traiter ces transactions en ligne plutôt que de la façon actuelle. On pourrait par exemple passer par le système Interac, quoique les banques aient réussi à détourner la suggestion lors des audiences sur Interac au printemps 1997.

Bien qu'on dispose des moyens techniques pour permettre aux gens d'avoir accès à leurs comptes en passant par des tiers, les institutions financières opposeront maintes objections à un tel accès. Il faut analyser ces objections cas par cas.

Voici ce qui se passe dans le cas de TelPay lorsque le client demande l'accès.

Par mesure de sécurité, les clients de TelPay ont accès au service de paiement des factures d'une façon tout aussi sûre que s'ils utilisaient le service offert par une banque. D'ailleurs, il est arrivé que la sécurité offerte par les banques laisse sérieusement à désirer.

En ce qui concerne la confidentialité des renseignements, les lignes directrices de TelPay ont toujours été beaucoup plus rigoureuses que celles des banques, pour les renseignements personnels. Nous avons d'ailleurs préconisé l'adoption d'une loi sévère à cet égard malgré l'opposition des banques. On se plaint depuis des années du fait que les banques utilisent les renseignements confidentiels de leurs clients pour servir leur compétitivité et pour d'autres motifs. À certains égards, TelPay règle ces problèmes.

• 1035

Quant à l'efficacité, TelPay a probablement le mode de fonctionnement le plus efficace de tous les services de paiement de factures. C'est en partie parce que nous avons conçu notre système de façon que les instructions des clients soient exécutées le plus exactement possible. Certaines institutions financières n'ont pas fait attention à cette nécessité.

Au sujet de la sécurité du système de compensation, TelPay traite actuellement des transactions valant des centaines de millions de dollars qui passent par le système de compensation et jamais personne n'a laissé entendre que ça créait un risque. Bien entendu, nous nous préoccupons surtout d'empêcher toute utilisation illégitime du service.

Les banques brandissent constamment la menace d'un risque de contrepartie et d'un risque systémique sans préciser ce qu'elles veulent dire et sans montrer d'analyse confirmant l'existence du risque. C'est une tactique pour faire peur aux législateurs et aux bureaucrates et elle a bien marché. Croire que l'Association des paiements, dans sa structure actuelle, permettra l'accès aux comptes en ligne, ce serait comme s'attendre que Telecom Canada, le prédécesseur de Stentor, vote pour la concurrence dans les services téléphoniques.

Pour que TelPay puisse concurrencer efficacement les banques dans le secteur des services financiers, il faut que TelPay puisse avoir accès aux comptes en ligne et non 24 heures plus tard comme c'est le cas en ce moment. Pour y arriver et pour bien d'autres raisons, il est essentiel que la réglementation du système de compensation ne soit plus contrôlée par les banques mais plutôt confiée à un organisme indépendant. Cet organisme pourrait alors soupeser les intérêts des consommateurs, des entreprises et des institutions financières. Un tel changement marquerait le début d'une nouvelle ère caractérisée par l'innovation, un service meilleur et des frais plus bas pour les consommateurs. On contribuerait ainsi à répercuter sur les consommateurs les économies réalisées grâce au cybercommerce.

Malheureusement, le rapport MacKay n'a pas du tout traité ces questions. J'espère sincèrement que le comité des Communes le fera.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Loewen.

Nous allons maintenant entendre M. Arni Thorsteinson de la Shelter Canadian Properties Limited. Bienvenue.

M. Arni C. Thorsteinson (président et chef de la direction, Shelter Canadian Properties Limited): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Arni Thorsteinson et je suis le président et chef de la direction de Shelter Canadian Properties Limited. Je suis un analyste financier agréé et je m'occupe d'activités financières sociales depuis plus de 30 ans.

Notre entreprise a son siège social à Winnipeg depuis sa fondation en 1971. C'est une moyenne entreprise familiale de gestion et de promotion immobilières qui est implantée au Canada et aux États-Unis. Nous avons bâti 110 immeubles locatifs, condominiums, hôtels, immeubles de bureaux, centres commerciaux, bâtiments industriels, et même une canalisation d'eau, et nous les gérons. La gestions de ces propriétés occupe plus de 600 employés.

Toutefois, je veux signaler que mes racines sont dans la campagne de la Saskatchewan. Je suis né à Rosetown où je possède notre ferme familiale qui a été exploitée par quatre générations depuis que mes grands-parents ont reçu ce lot de colonisation il y a 113 ans. D'ailleurs, c'est au pays de M. Nystrom, dans le district de Wynyard.

Je suis heureux de pouvoir vous faire part de notre opinion sur le rapport MacKay. À mon avis, c'est un document réfléchi et important et je souscris aux grandes orientations proposées comme la concurrence sur le marché des services financiers et le développement au Canada d'institutions financières mondiales de premier ordre.

Nous sommes en faveur d'institutions financières canadiennes beaucoup plus grandes, comme celle qui résulteraient des deux fusions proposées, étant donné l'expérience de consommateur de services financiers acquise par notre entreprise. Des systèmes électroniques, économiques et efficaces d'encaissement et de gestion de l'argent sont essentiels pour une entreprise immobilière comme la nôtre qui a de multiples succursales au Canada et aux États-Unis. À notre avis, seule une très grande institution financière possédant un réseau nord-américain peut vraisemblablement nous offrir le système de gestion de caisse dont nous avons besoin. En ce moment, ce service n'existe pas. En théorie, des banques canadiennes beaucoup plus importantes peuvent justifier l'investissement qu'il faut faire en technologie pour mettre sur pied ces services et en faire un réseau qui couvrirait les États-Unis.

Vous n'êtes pas sans savoir que notre marché est maintenant nord-américain plutôt que canadien et que les entreprises canadiennes pâtissent de ne pas avoir librement accès aux systèmes américains.

• 1040

Mais pour une entreprise immobilière moyenne, une bonne source de placements hypothécaires et autres est évidemment plus importante qu'un système de gestion de caisse. Nous sommes fermement convaincus que les grandes banques sont la meilleure source de capital pour des entreprises comme la nôtre. D'après notre expérience, les grandes institutions financières nous ont infailliblement offert les taux d'intérêt les plus bas, ont fait preuve d'une bien plus grande tolérance au risque pour le financement de nouveaux projets, disposent du personnel et des ressources nécessaires pour être bien plus innovatrices dans la création de nouveaux types de prêts et de nouvelles conditions de financement, ont dans leur service de prêts du personnel beaucoup mieux informé et capable de se spécialiser dans certains types d'entreprises. Au Canada, seules les grandes institutions financières peuvent accorder des prêts transnationaux à des entreprises comme la nôtre aux États-Unis et au Mexique.

Les entreprises immobilières canadiennes ont toujours été très actives et prospères aux États-Unis en partie grâce au soutien des banques canadiennes qui ont financé leurs activités aux États-Unis. Les banques américaines ont généralement été réticentes à financer les entreprises canadiennes à cause des différences juridiques et de la résidence de l'entreprise.

Enfin, dans les situations inévitables où les prêts doivent être modifiés et restructurés, les grandes banques se sont montrées beaucoup plus souples et conciliantes dans leurs relations avec les clients en difficulté. Pour ces six raisons, notre expérience nous a appris que les grandes institutions financières, les banques canadiennes, ont joué un rôle primordial et déterminant dans notre réussite.

En ce qui concerne le choix des consommateurs et la concurrence, si quatre de nos plus grandes banques fusionnent pour en former deux, ça peut être inquiétant. Toutefois, une réglementation appropriée comme celle recommandée dans le rapport MacKay devrait provoquer l'évolution rapide de nouvelles institutions financières spécialisées. Bref, les sociétés emprunteuses comme la nôtre vont gagner sur les deux tableaux. Il y aura deux grandes banques à l'échelle internationale doublées d'un développement des bailleurs de fonds spécialisés. Le choix sera beaucoup plus varié et la concurrence plus vive pour les emprunteurs comme nous.

Enfin, je crois que les deux fusions offrent une occasion d'obtenir l'engagement important à long terme de servir les régions rurales du Canada et d'avoir du financement disponible pour les PME. Suivant les conditions, engagements et covenants qui pourraient, selon le rapport MacKay, assortir l'approbation de la fusion des grandes banques, le réseau des succursales rurales et les prêts aux PME seraient largement supérieurs à ce qu'ils sont en ce moment. En effet, les covenants des fusions protégeraient le Canada rural et les PME contre toute diminution des services actuellement disponibles et, surtout, valoriseraient le crédit à la disposition des PME.

Monsieur le président, j'espère que mes observations seront utiles aux délibérations de votre comité. Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à la période des questions. Au premier tour, vous aurez droit à dix minutes et au second, à cinq minutes. M. Epp va commencer.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie tous d'être venus ici aujourd'hui pour nous faire part de votre sagesse collective. Nous sommes évidemment ravis que vous ne soyez pas tous d'accord puisque ça promet un débat intéressant.

• 1045

Je voudrais faire précéder ma question de ma déclaration habituelle qui sert d'avertissement. J'ai travaillé comme enseignant et instructeur pendant 31 ans et je pose des questions dans le but de découvrir ce que vous voulez vraiment dire. Mes questions ne révèlent donc pas ma position personnelle. Je vous prierais donc de ne pas tirer de conclusions hâtives quand je vous pose des questions difficiles.

Tout d'abord, je vais poser la grande question qui concerne l'assurance. Je veux que vous vous défendiez aussi vigoureusement que possible parce que je vais certainement dire quelque chose que vous désapprouvez et que vous n'arriverez peut-être pas à réfuter. Je regarde ce qu'offrent les banques, et si elles arrivent effectivement à offrir des primes si basses que les consommateurs se rueront vers elles en nombres tels que votre industrie sera compromise, alors ce doit être avantageux pour les consommateurs puisqu'ils paieront moins cher.

Si elles n'offrent pas des primes moins élevées, alors votre industrie n'a rien à craindre puisque, de votre propre aveu, votre service est plus personnel. Vous avez du monde en chair et en os sur place au lieu d'un numéro 800 et comme ces gens vous connaissent, vous avez un avantage compétitif. Personne ne laissera tomber un bon service sauf s'il y trouve un avantage compétitif considérable, autrement dit si ça coûte beaucoup moins cher.

Que répliquez-vous à ça? Allez-y chacun votre tour.

M. Brent Gilbert: Merci, monsieur Epp.

Au nom des courtiers d'assurance, je répliquerais que nous ne craignons pas la concurrence des assureurs appartenant à des banques dans les circonstances actuelles. Les banques ont le droit de posséder des compagnies d'assurance et de vendre directement aux Canadiens. Elles le font depuis 1992. Nous n'avons pas peur d'une concurrence juste et équitable. Je vous parle au nom des courtiers d'assurance indépendants.

Ce que nous craignons, ce sont les privilèges spéciaux que le rapport MacKay recommande et qui permettraient aux banques d'utiliser leur réseau de succursales pour la commercialisation au moment précis des opérations de prêt et de se servir des renseignements confidentiels qu'elles détiennent pour nous faire concurrence. Nous sommes capables de soutenir la concurrence si tout le monde est sur un pied d'égalité, mais nous estimons que les recommandations du rapport MacKay vont modifier les règles du jeu en faveur des banques.

M. Ken Epp: D'accord. Qui veut ajouter quelque chose?

M. T.W. McCartney: Je voudrais seulement dire que l'un des problèmes, c'est le pouvoir d'influence; il y a un avantage indu auquel Brent Gilbert a fait allusion. Quand on demande de l'argent à un prêteur, par exemple une hypothèque, et qu'une des conditions c'est d'acheter son assurance là aussi, la décision s'impose d'elle-même.

Il faut aussi comprendre comment est le monde bancaire et comment est celui des assurances. Nous, nous sommes là pour régler les problèmes après un sinistre ou un cataclysme. Les banquiers, eux, sont intéressés parce qu'ils viennent au premier rang.

Je veux aussi attirer votre attention sur autre chose qui figurait dans mon mémoire et c'est qu'on peut avoir une idée de la façon dont les banques vont fonctionner. Elles vont placer les consommateurs dans la position très inconfortable d'avoir à faire des changements qui ne font pas leur affaire et une fois qu'ils se seront engagés, je suis certain que ce sera pour longtemps.

Brent a parlé de «pied d'égalité» et de «concurrence loyale». Nous croyons que ça, ce n'est pas loyal et que les banques vont utiliser leur pouvoir d'influence pour atteindre leurs objectifs. Les compagnies d'assurance ne se contentent pas de faire payer des primes; elles règlent les problèmes des gens.

M. Ken Epp: Mais si elles offrent un service sans faire d'histoires, pourquoi les consommateurs ne pourraient-ils pas en profiter? Vous avez parlé d'accès à des renseignements confidentiels. Peut-être que le consommateur pourra en bénéficier, parce que si—c'est vraiment dur et je m'en veux presque d'en parler—il y a plein de courtiers d'assurance et d'autres qui ne sont plus sur la liste de paye des assurés, il est évident que l'assurance coûtera moins cher parce que ces coûts font aussi partie du prix de l'assurance; il n'y a pas que le remboursement des sinistres. Il y aura donc une réduction spectaculaire de votre activité et ça coûtera beaucoup moins cher au consommateur qui bénéficiera à la fois du service et des réductions.

• 1050

M. Brent Gilbert: Monsieur Epp, je dirais que le problème ce n'est pas qu'elles offrent des primes inférieures mais qu'elles jouissent de privilèges spéciaux comme le recommande le rapport MacKay, parce que ça leur donnera un avantage concurrentiel sur nous, qui nous chassera du marché. Peut-être qu'à court terme, les consommateurs remarqueront une diminution puisque, comme vous dites, nous ne resterons pas tous sur la liste de paye des clients. Mais qu'arrivera-t-il quand il ne restera plus que cinq compagnies d'assurance au Canada? Supposons que grâce à l'avantage indu et aux privilèges spéciaux recommandés dans le rapport MacKay, on réussisse à faire disparaître les 200 compagnies d'assurances multirisques et les 40 000 courtiers d'assurance au Canada. Dans trois ou cinq ans, s'il ne reste plus que cinq concurrents au lieu de 200, est-ce que les consommateurs bénéficieront encore de primes plus basses?

M. Ken Epp: Eh bien, en ce moment, il y a cinq banques et vous parlez de cinq compagnies d'assurance. La concurrence n'est-elle pas suffisante avec cinq banques? Un des témoins tout à l'heure a affirmé que c'était assez.

Allez, ne m'abandonnez pas.

M. Brent Gilbert: Est-ce que ça suffit? Non. À mon avis, non, il n'y a pas assez de concurrence.

Dans ma localité, les cinq banques sont présentes. Quand aux différences de conditions d'une banque à l'autre, je n'ai pas fait de comparaison récemment, mais d'après ce que je comprends des propos de mes clients et des autres gens d'affaires de ma localité, c'est assez serré.

M. Ken Epp: Bien. Croyez-vous que les banques, et maintenant les compagnies d'assurance aussi, profiteront de leur quasi monopole pour augmenter exagérément les prix? Ça ne passera pas. Les consommateurs ne l'accepteront pas. Elles ne feront jamais comme les pétrolières qui pratiquent toutes le même prix même s'il est de 20 p. 100 trop élevé. Elles ne feraient jamais ça, n'est-ce pas?

M. Brent Gilbert: Les banques?

M. Ken Epp: Oui.

M. Brent Gilbert: Si, elles le feraient.

M. Ken Epp: Vous croyez?

M. Brent Gilbert: Avoir au-delà de 200 compagnies d'assurances multirisques qui se font concurrence au Canada, c'est beaucoup plus avantageux pour les consommateurs que si ces privilèges spéciaux—ce ne sera pas une concurrence loyale et des règles du jeu équitables, mais des privilèges spéciaux—entraînent une réduction de la concurrence au Canada. À long terme, ce sera au détriment des consommateurs canadiens.

M. Ken Epp: D'accord, alors vous dites qu'elles utiliseront cet avantage indu parce que l'accès aux renseignements et leurs fonds et...

M. Brent Gilbert: La vente liée.

M. Ken Epp: La vente liée.

M. Brent Gilbert: Et aussi le fait qu'elles seront les premières arrivées.

M. Ken Epp: Bien. Donc, elles vont utiliser tous ces avantages pour offrir aux consommateurs une prime inférieure et vous, vous êtes contre des primes inférieures pour les consommateurs.

M. Brent Gilbert: Monsieur Epp, je ne crois pas que dans une telle situation, le consommateur profite d'un meilleur prix.

Voici le scénario que je propose. Supposons qu'un jeune couple soit sur le point d'acheter sa première maison. Il a eu un coup de foudre. Les deux jeunes sont assis en face d'un préposé aux prêts et ils ne remplissent pas tout à fait les critères donnant droit à une hypothèque. C'est alors que le préposé aux prêts leur dit: «Vous savez, si on ajoutait l'assurance-vie pour l'hypothèque et une assurance multirisques sur la maison que vous achetez, je suis certain que j'arriverais à faire approuver le prêt hypothécaire. Alors, même si l'assurance coûtait 40 p. 100 de plus que ce que je pourrais offrir sur le marché, le jeune couple signerait parce qu'on fait pression sur lui pour qu'il achète les autres produits offerts par la banque s'il veut obtenir son prêt.

Je ne pense pas que de jeunes consommateurs mal informés vont partir du bureau du préposé aux prêts en disant qu'avant d'acheter l'assurance, ils vont aller voir les prix offerts ailleurs, surtout s'ils tiennent vraiment à la maison et si leur avenir est à la merci de cette personne qui peut approuver ou refuser le prêt hypothécaire. Ça ne se peut pas.

M. Ken Mitchell: Monsieur Epp, ça se peut qu'au début elles offrent des prix plus bas aux consommateurs, mais il ne faut pas se contenter de penser uniquement à court terme. Il faut songer aussi à ce qui se passera plus tard. Comme Brent l'a dit, à mesure que le nombre de compagnies d'assurance va diminuer et que le nombre de banques va diminuer à cause des fusions, le consommateur aura moins de choix et les banques auront tout le loisir de pratiquer les prix qu'elles veulent.

M. Ken Epp: Vous souscrivez donc vraiment à la théorie de la conspiration. Les banques conspirent ensemble pour accaparer le secteur des assurances. Ensuite, après avoir anéanti la concurrence, elles fixeront des prix très abusifs et les consommateurs seront les grands perdants. Vous êtes tous convaincus que c'est ce qui va arriver.

M. Ken Mitchell: Nous pensons vraiment que ce ne sera pas dans l'intérêt des consommateurs à long terme.

M. Gerry Corrigal (vice-président, Insurance Brokers Association of Manitoba): Monsieur Epp, je crois qu'en ce moment même, nous sommes en concurrence avec les banques parce que les banques offrent de l'assurance et, comme l'a dit Brent, elles peuvent être propriétaires de compagnies d'assurance. On est donc déjà dans le même secteur.

• 1055

Ce qui nous préoccupe, c'est ce qui se trouve aux pages 3 et 4 de la proposition. Il se peut qu'il y ait quelques avantages à court terme, mais il n'y en aura certainement pas à long terme.

M. Ken Epp: Je voudrais traiter de certains des avantages indus que vous mentionnez. Le premier, c'est que les banques auront accès à vos renseignements financiers.

En quoi cela peut-il nuire au consommateur si la banque qui détient son hypothèque ou son prêt apprend que son assurance arrive à échéance parce que vous avez été obligé de lui dire et qu'alors, elle lui téléphone ou lui écrit pour proposer une prime inférieure? Pourquoi serait-ce mauvais pour le consommateur?

M. Brent Gilbert: Pour en revenir à ce que j'ai dit, si ce pouvoir sert éventuellement à réduire la concurrence, pas immédiatement mais dans trois, quatre, cinq ou dix ans, alors ce sera au détriment du consommateur.

M. Ken Epp: Auriez-vous des objections au maintien du statu quo, c'est-à-dire que les compagnies d'assurance appartenant aux banques pourront vous faire concurrence indépendamment des banques? Si j'ai bien compris, c'est comme ça en ce moment. Ce que MacKay suggère, d'après mon interprétation, c'est que les banques puissent rapprocher ce secteur d'activité de leur opération principale et vendre de l'assurance directement au comptoir, etc. Si les choses restaient telles quelles, auriez-vous des objections ou voulez-vous aussi leur enlever ce qu'elles peuvent faire maintenant?

M. Brent Gilbert: Les courtiers d'assurance indépendants, tant à l'Association canadienne, qui est notre association mère, qu'à notre association provinciale, n'ont rien contre les règles de concurrence loyale qui ont été établies en 1992. Selon ces règles, les banques peuvent être propriétaires de compagnies d'assurance et vendre de l'assurance directement aux Canadiens, mais elles ne peuvent pas le faire dans leurs succursales et elles ne peuvent pas non plus avoir accès aux renseignements privilégiés que renferment leurs banques de données, pour cibler des marchés parce que ça leur donnerait un avantage indu sur le reste de l'industrie.

M. Ken Epp: Vous savez que notre comité se préoccupe d'abord et avant tout de l'intérêt des Canadiens, des contribuables et des consommateurs. Quand vous venez présenter un mémoire comme ça au comité, j'ose croire que vous partagez un peu nos préoccupations. Mais vous êtes aussi là pour protéger vos emplois et vos entreprises. Quelle est l'importance relative de ces deux sujets de préoccupation pour vous?

M. Brent Gilbert: Manifestement, une concurrence loyale, gagner sa vie, créer des emplois et stimuler l'activité économique dans nos petites localités du Manitoba sont des préoccupations très importantes pour moi personnellement parce que j'ai une famille, que mes enfants iront bientôt à l'université, etc., et qu'il est important de gagner sa vie.

Comme préoccupation secondaire, je m'inquiète des répercussions sur les économies rurales. Les petites villes du Manitoba ont peut-être deux, trois ou quatre courtiers d'assurance indépendants employant de deux à neuf personnes qui travaillent et s'impliquent bénévolement pour que ces localités restent animées et viables. Si ces courtiers disparaissent pour être remplacés par une succursale ou par un numéro 800 auquel on répond à Houston, au Texas, à Toronto ou à Vancouver, alors je crains énormément pour l'avenir économique du Manitoba rural.

M. T.W. McCartney: Je voudrais aborder la question du point de vue des entreprises. Il faut se rappeler l'histoire du Manitoba et la façon dont on s'est nous-mêmes occupés de mettre en valeur notre actif. Nous avons une histoire vraiment particulière avec des compagnies comme Portage La Prairie Mutual, Wawanesa Mutual, Red River Valley Mutual, et la Compagnie d'assurance et de garantie Grain. Elles ont toutes été formées par nécessité. Deux des entreprises représentées ici aujourd'hui appartiennent aux porteurs de police. Elles avaient besoin d'être créées et elles continuent de répondre aux besoins en protégeant les biens.

Nous ne nous sommes pas aventurés dans le secteur des prêts parce que c'est une activité diamétralement opposée au secteur des assurances. Il y a conflit. Quant à notre mandat, surtout pour M. Mitchell et moi, nous travaillons pour des organisations dont c'est la seule raison d'être. Nous sommes très fiers de notre industrie. Notre seule erreur, si erreur il y a, a été de mal raconter notre histoire.

• 1100

Si on pouvait revenir en arrière et abroger les règlements actuels qui autorisent les banques à posséder des compagnies d'assurance, nous en serions heureux, mais nous savons que ce n'est pas réaliste. Accorder une plus grande liberté aux banques et leur permettre de nommer un ombudsman, prévoir un processus d'enquête réglementaire, c'est... Dans mon mémoire, j'ai voulu vous présenter des exemples de ce qu'elles vont faire au juste. L'ombudsman et l'organisme de réglementation vont seulement intervenir périodiquement. Quand on pense à la domination et à l'envergure de ces institutions, on aura certainement énormément de mal à les réglementer.

Le président: Bien, merci.

M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président. Je veux souhaiter la bienvenue à tout le monde qui est là ce matin. Il y a deux jours, nous avons entendu des courtiers de la Saskatchewan présenter de façon très convaincante la cause des nombreux courtiers qu'ils représentaient à Saskatoon.

Je veux d'abord poser deux ou trois questions à Arni Thorsteinson. Voilà un nom bien islandais et Wynyard—ma ville natale—abrite la plus importante collectivité islandaise au Canada, après celle de Gimli si je ne m'abuse. L'un des premiers personnages célèbres que je me rappelle avoir vu quand j'étais à l'école, c'est la fois où on nous a donné congé et que le président de l'Islande s'est rendu à la patinoire de Wynyard; il est aussi allé à Gimli, à Winnipeg et ailleurs. C'est un moment intéressant de notre histoire.

Arni, je veux que vous expliquiez pourquoi le citoyen moyen de Wynyard pense qu'il est préférable d'avoir de grandes banques. Nous avons reçu M. Godsoe, le président de la Banque Scotia, qui nous a dit que les choses marchaient très bien. D'ailleurs, la Banque Scotia fait plus d'opérations à l'étranger que les autres banques canadiennes. Elle semble réussir très bien aux États-Unis et ailleurs. Pourquoi serait-il préférable pour le citoyen moyen de Rosetown, où j'espère me trouver ce soir, et de Wynyard que la banque soit encore plus grosse? Elle sera encore petite sur le plan international, probablement au 19e ou 20e rang. Pourquoi est-ce important pour le commun des mortels?

M. Arni Thorsteinson: Je pense que, pour les régions rurales du Canada surtout... Laissez-moi vous donner un exemple qui nous touche d'assez près. À 35 milles à l'ouest de Winnipeg, à Elie, on vient tout juste de construire une usine de carton-paille de calibre international. C'est la première en Amérique du Nord. C'est une technologie relativement nouvelle importée d'Europe. Comme la technologie n'est pas éprouvée, la construction d'une usine de 150 millions de dollars comportait un risque. On utilise la paille traitée chimiquement et comprimée comme substitut aux panneaux de particules de bois. L'une des principales banques à charte canadiennes a accordé un financement de 70 ou 80 millions de dollars. Je pense que si aucune banque n'avait eu les moyens de tolérer le risque associé à ce projet, l'usine n'aurait jamais été construite.

M. Lorne Nystrom: C'est arrivé...

M. Arni Thorsteinson: Parce qu'il y a de grandes banques qui sont informées et qui détiennent l'expertise voulue pour évaluer le risque de la technologie et les marchés possibles du produit. Depuis l'abolition du tarif du Nid-de-Corbeau, vous savez qu'il y a eu des investissements considérables dans le négoce agricole dans la petite localité d'Elie: la première minoterie construite depuis 75 ans l'a été au Manitoba.

Pour ça aussi il faut de grandes institutions capables de fournir un capital considérable. La caisse populaire locale n'avait ni la capacité ni les connaissances voulues pour entreprendre de tels projets. C'est gigantesque. Au Manitoba, on parle de la possibilité de construire deux autres usines de carton-paille qui nécessiteraient un investissement de 300 millions de dollars. Il faut une mégaformation de capital. Seules les très grandes institutions financières peuvent le faire.

• 1105

Pour aborder un autre aspect...

M. Lorne Nystrom: Si vous permettez, elles le font déjà. Elles sont déjà assez grosses pour le faire. À un moment donné, j'ai été absent du Parlement pendant quatre ans et l'un de mes clients à cette époque était Alliance Pipeline qui envisageait un mégaprojet de quelque 3,8 milliards de dollars et je pense que 43 institutions financières se sont regroupées pour en assurer le financement. Donc, ça se fait déjà. Les banques canadiennes participent à ce projet et à bien d'autres aussi. Pourquoi serait-il préférable qu'elles soient encore plus grosses? Seriez-vous un homme meilleur si vous pesiez 100 livres de plus?

M. Ken Epp: Oui.

M. Arni Thorsteinson: Plus une institution est grosse, mieux elle peut tolérer le risque et plus elle a les moyens d'offrir un meilleur service. Ce qui est crucial pour ces investissements dans le négoce agricole, ce n'est pas seulement le capital, mais l'expertise. Une petite institution est incapable de réunir l'expérience et l'expertise nécessaires pour évaluer et structurer un financement de cette envergure.

Je prévois que s'il y a des mégabanques au Canada, on pourra s'établir à Winnipeg. L'échelle d'activité qu'elles pourront avoir leur donnera les moyens d'avoir sur place, pas à New York ni à Toronto, des spécialistes des finances du négoce agricole pour évaluer des projets dans ce domaine à Elie au Manitoba. Il y aura un spécialiste à Winnipeg. Voilà l'un des avantages dont bénéficieront les régions rurales du Canada.

L'un de nos grands problèmes, c'est qu'on a toujours été obligé de présenter notre demande d'investissement et de financement à un inconnu de Toronto ou de New York. Si on pouvait avoir des spécialistes sur place, ça nous aiderait beaucoup.

Dans un autre ordre d'idées, je trouve que pour des localités comme Wynyard et Foam Lake, c'est une occasion formidable d'obtenir l'établissement de services financiers à long terme chez elles. Les uns après les autres, les villages du Manitoba et de la Saskatchewan ont perdu leurs services. Si on s'en tient au statu quo, ça va probablement continuer. Je crois que nous avons l'occasion d'obtenir des services de qualité, d'un niveau national, pour les localités si on en fait une condition d'approbation des fusions.

M. Lorne Nystrom: Des gens comme Hal Jackman, qui a été propriétaire du Trust National, Doug Peters, un ancien ministre libéral qui a déjà été économiste en chef à la Banque Toronto-Dominion, Charles Baillie et d'autres encore ont affirmé que les fusions visaient essentiellement à élargir la part du marché intérieur et n'avaient rien à voir avec la concurrence internationale. Nos banques ont assez de succès sur le plan mondial. Elles cherchent à accroître leur part de marché au Canada même. Pour y parvenir, elles doivent acculer tous ces gens à la faillite.

Est-ce que vous souscrivez aux conclusions de MacKay qui croit que les banques devraient commencer à vendre de l'assurance au détail pour devenir plus grandes et plus puissantes encore, pour avoir plus de capital et faire ce qu'elles veulent? Croyez-vous que ce serait avantageux?

M. Arni Thorsteinson: De façon générale, je crois au marché libre.

M. Lorne Nystrom: Mais s'agit-il d'un marché libre? Eux disent que les règles du jeu ne sont pas équitables.

M. Arni Thorsteinson: Ce sont des marchés libres au sens large. Dans le monde occidental, il y a longtemps qu'on réglemente les marchés financiers. Il faut donc incorporer dans les mécanismes des mesures appropriées pour protéger les déposants et les clients. Dans toute la mesure du possible, le marché doit être libre mais les clients et les déposants doivent être protégés.

Dans tous les secteurs d'activité aujourd'hui, il doit y avoir des occasions sur une plus grande échelle. Quand on regroupe ces institutions pour en faire de plus grosses, ça crée automatiquement la possibilité pour un spécialiste de se faufiler.

M. Lorne Nystrom: Vous êtes plus politique que moi dans votre façon de répondre. Dois-je en conclure que vous souscrivez aux conclusions de MacKay que les banques devraient être autorisées à vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales?

M. Arni Thorsteinson: Oui.

M. Lorne Nystrom: Je me demande si l'un de vous ne veut pas lui répliquer.

M. Brent Gilbert: Il a parlé d'un marché libre, mais je crois que les banques au Canada n'opèrent pas dans un marché libre. Elles jouissent d'une situation protégée dans la société. On a déjà dit avant que, si les banques au Canada occupaient une place privilégiée et protégée dans notre société, c'était pour favoriser les entreprises commerciales et non pas pour leur faire concurrence.

Si on veut un marché vraiment libre, il faut abandonner la règle de propriété de 10 p. 100 qui s'applique aux banques et on va tous se lancer là-dedans. Mais on ne peut certainement pas parler d'un marché libre en ce moment.

• 1110

M. Arni Thorsteinson: Le rapport MacKay affirme essentiellement qu'il faut arriver à un marché libre par la déréglementation. Toute entrave à la formation de nouvelles institutions devrait être supprimée et il faudrait même encourager la formation de nouvelles institutions. Ça ferait donc un tout.

On ne peut pas revenir à la vie d'il y a 20 ans. Aujourd'hui, c'est la mondialisation. On ne peut plus parler du marché canadien. C'est un marché nord-américain et toute entreprise qui veut croître doit être prête à en tenir compte et à considérer l'ensemble de l'Amérique du Nord comme son marché. Ça ne veut pas dire que certaines ne peuvent pas se spécialiser dans une région, mais les entreprises qui veulent grossir et fournir des services à des prix économiques doivent avoir l'envergure pour être actives à l'échelle du continent.

M. Lorne Nystrom: Au sujet de votre principe de marché libre, M. MacKay a exprimé devant notre comité la crainte de toute cette théorie voulant que si les banques fusionnent, elles deviendront trop grosses pour pouvoir faire faillite. Si une faisait faillite, elle entraînerait avec elle toute l'industrie canadienne des services financiers. Si c'est vrai, est-ce que ça ne leur accorderait pas un énorme avantage indu parce qu'alors, étant trop grosses pour faire faillite, le gouvernement serait obligé de les renflouer. Il faudrait trouver une solution parce que le gouvernement ne pourrait pas les laisser faire faillite.

Ne jouiraient-elles pas ainsi d'un énorme avantage indu, puisqu'on saurait que c'est plus sûr de faire affaire avec une mégabanque qu'avec une institution financière plus petite? Est-ce ça le marché libre? Est-ce que ce sont des règles du jeu équitables?

Parfois, des grandes banques font faillite. Regardez ce qui est arrivé au Japon. C'est très inquiétant ce qu'on entend dire au pays. C'est comme si vous, vous deviez vous battre contre Mike Tyson. Est-ce que ce serait équitable? On ne peut pas dire que tout le monde est sur le même pied.

M. Arni Thorsteinson: Il est arrivé récemment sur les marchés internationaux que les gouvernements soient tenus d'intervenir et d'aider financièrement des institutions financières parce qu'on estimait que c'était dans l'intérêt national ou international de les soutenir provisoirement afin de ne pas perturber l'ensemble du marché. Ça s'est passé comme ça pendant des années et ça arrivera probablement encore.

Espérons qu'avec la grande amélioration de la réglementation de l'industrie bancaire internationale, qu'avec les nouvelles obligations imposées pour les règlements internationaux et la structure du capital des banques qui sont actives à l'échelle internationale, la situation se produira moins souvent dans l'avenir. Néanmoins, on ne peut pas être certain qu'il n'y aura jamais de problèmes nulle part. Quand ça se produira, il faudra décider s'il y a lieu d'intervenir ou s'il faut laisser le marché agir. De telles décisions sont prises quotidiennement.

M. Lorne Nystrom: Je veux poser une question aux courtiers d'assurance, M. McCartney ou M. Mitchell. Si l'opinion de M. Thorsteinson l'emporte et que le ministre des Finances et le Parlement décident d'autoriser les fusions et de donner suite à la recommandation du rapport MacKay sur la vente d'assurance au détail dans les banques, ou même si les fusions n'étaient pas autorisées et que les banques avaient le droit de vendre de l'assurance au détail, ce qui forme une partie importante du rapport MacKay, que deviendrait votre industrie dans cinq ou dix ans? On me dit qu'au Québec, les caisses populaires ont maintenant le droit de vendre de l'assurance au détail et qu'environ 25 p. 100 des courtiers ont disparu.

Quoi qu'il arrive pour les fusions, supposons que les banques soient autorisées à vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales comme le recommande le rapport MacKay; si M. Thorsteinson a raison, que reviendrez-vous nous dire dans dix ans? Combien d'entre vous survivront? Restera-t-il 200 compagnies d'assurance? Y aura-t-il toujours 100 000 travailleurs dans votre secteur? Comment entrevoyez-vous l'avenir si cela devait arriver?

M. T.W. McCartney: Monsieur Nystrom, vous soulevez un parallèle intéressant parce que je crois que nous subirons le même sort qu'au Québec. Notre entreprise ne fait pas d'affaires dans la province de Québec, mais j'y ai passé un peu de temps. Prenons par exemple les assurances personnelles; la Caisse centrale Desjardins du Québec et une autre ont un immense pouvoir d'influence. Elles ont effectivement eu un effet sur le marché de l'assurance.

Évidemment, la situation au Québec n'est pas la même que dans les autres provinces du point de vue de la loi et du reste, mais le marché a tout de même changé et je prétends que ça changera ici aussi.

M. Gerry Corrigal: Monsieur Nystrom, pour répondre à votre question sur ce que sera l'industrie de l'assurance dans cinq ou dix ans, je n'ai pas de boule de cristal, mais j'entrevois pour tout le reste du Canada les mêmes conséquences qu'au Québec.

• 1115

Votre comité va déterminer quel est l'intérêt du consommateur. Laissez-moi vous donner un exemple pour illustrer nos craintes. Il ne concerne pas les assurances multirisques, mais les REER.

Un membre de la famille d'un courtier d'assurance qui fait partie de notre association est allé à la banque pour demander un prêt pour son REER. La banque allait approuver le prêt à la condition de s'occuper elle-même du REER. Ce n'était pas plus avantageux pour le consommateur mais ce l'était certes pour la banque. Quand le consommateur a voulu aller en discuter avec son courtier qui était alors un courtier général mais qui faisait aussi du financement, la banque lui a dit qu'il ne pourrait pas obtenir son prêt. Comme il n'avait que deux jours, on lui a dit de faire affaire avec la banque. Est-ce dans l'intérêt du consommateur? Non.

Est-ce qu'il sera dans l'intérêt du consommateur de voir 25 p. 100 de l'industrie disparaître? Certainement pas.

M. Lorne Nystrom: Je veux faire une dernière observation. Je soutiens que si les banques sont autorisées à vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales, dans peu de temps les caisses populaires les imiteront. On revient toujours à l'argument du pied d'égalité. Comment les provinces peuvent-elles refuser au mouvement des caisses populaires de la Saskatchewan, du Manitoba et d'ailleurs ce qui se fait au Québec?

Donc, vous affronterez non seulement la concurrence des banques dans la vente d'assurance au détail, mais aussi celle du mouvement des caisses populaires dans les régions rurales du Manitoba dont vous avez parlé. Je suis un fervent partisan des caisses populaires, ne vous méprenez pas, et le mouvement est très fort dans les zones rurales de la Saskatchewan, du Manitoba et d'ailleurs. Donc, en l'espace de quelques mois, vous subirez coup sur coup la concurrence des banques puis des caisses populaires. N'est-ce pas que j'ai raison?

Pour les chiffres concernant le Québec, l'un de vos collègues m'a dit à Saskatoon que c'était 25 p. 100 des courtiers qui avaient disparu à cause des caisses populaires. Imaginez si les banques se mettaient à vendre de l'assurance au Québec. Donc, ce sera bien pire si les deux s'y mettent. Dans cinq ans, peut-être que la moitié de vos membres auront quitté le domaine. Je ne suis pas certain.

M. Gerry Corrigal: C'est bien possible. Et pourtant, pour rappeler ce que Brent a dit à ce sujet, nous n'avons pas du tout peur de la concurrence; c'est l'équité des règles du jeu qui nous préoccupe le plus.

M. Lorne Nystrom: L'équité?

M. Gerry Corrigal: Oui, certainement.

Le président: Merci, monsieur Nystrom.

Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur McCartney, dans votre exposé vous avez mentionné le dépliant sur les assurances de la CIBC et l'idée d'une résiliation en cours de contrat. Vous avez dit ensuite que ça avait toujours été un problème dans l'industrie de l'assurance-vie et que les organismes de réglementation en général étaient contre. Y a-t-il un règlement interdisant ce type de publicité dans l'industrie des assurances? Est-ce que d'autres compagnies d'assurance font une telle publicité pour encourager la résiliation en cours de contrat?

M. T.W. McCartney: Non.

M. Tony Valeri: Y a-t-il un règlement ou est-ce tout simplement quelque chose qui ne se fait pas?

M. T.W. McCartney: C'est une question d'éthique et de bonne pratique d'affaires parce que le client est alors soumis au taux à court terme qui comporte une pénalité.

Ce que je fais valoir auprès de l'organisme de réglementation en l'occurrence, c'est que le consommateur va éventuellement demander de l'aide. Ce n'est pas la CIBC qui se fera un plaisir de répondre à sa question; ce sera plus vraisemblablement la compagnie qui a perdu son client.

M. Tony Valeri: Je vais me servir de votre exemple. CIBC affirme que le consommateur économisera 20 p. 100 en moyenne pour l'inciter à résilier sa police. Si le taux à court terme était alors facturé, est-ce que le consommateur en bénéficierait d'une façon ou d'une autre? Outre l'agacement provoqué par le fait de savoir qu'on a été surfacturé—eh oui, bien des consommateurs y pensent parce qu'ils sont pénalisés quand ils veulent changer leur police d'assurance—est-ce que c'est avantageux pour eux d'après votre expérience?

M. T.W. McCartney: Est-ce que ce sera plus avantageux pour eux? Ils seront plutôt susceptibles de se dire: «Pourquoi me suis-je donné autant de mal? Je n'ai pas économisé 20 p. 100.»

M. Tony Valeri: C'est ce que vous avez pu constater?

M. T.W. McCartney: Bien entendu.

M. Tony Valeri: J'ai une autre question. À la section sur l'utilisation des renseignements confidentiels, vous dites que, dans votre travail, vous devez régulièrement fournir aux banques des copies des polices d'assurance de vos clients. Je sais que la plupart du temps, vous envoyez simplement par la poste la police ou la liste des protections en annexe. Ne pourriez-vous pas envoyer plutôt une lettre exposant la couverture sans révéler le montant des primes, puisque vous craignez tellement que les banques soient au courant des primes et de la couverture et que ce soit pour elles un avantage concurrentiel?

• 1120

M. Brent Gilbert: Monsieur Valeri, d'après mon expérience, le contrat d'assurance nomme l'institution financière «bénéficiaire des indemnités» ou «créancier hypothécaire»—pour reprendre les termes employés—et ce contrat lui confère des droits parce qu'elle prête à l'assuré de l'argent pour acheter l'assurance.

M. Tony Valeri: Mais pourquoi auraient-elles ces droits? Elles ont légalement le droit de savoir quelle est la protection, mais...

M. Brent Gilbert: Les banques veulent voir le contrat. À ma connaissance, on n'a jamais répondu aux banques qu'on n'allait pas leur communiquer la police.

M. Tony Valeri: Ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire que si vous avez pu leur montrer quelle est la protection—c'est ça qui les intéresse—elles ne devraient pas vraiment se préoccuper de la prime parce que c'est la couverture qui va les protéger et elles n'ont pas besoin de connaître le reste. Est-ce que vous pourriez vous contenter de faire connaître uniquement la couverture de la police à l'institution financière? Si elle vous demande quelle est la prime, pouvez-vous lui répondre d'aller au diable. Qu'est-ce que ça lui donne de connaître le montant de la prime?

M. Brent Gilbert: Je suppose qu'on pourrait le faire, mais elle possède néanmoins la liste de mes clients qui m'appartient pourtant en propre en vertu de la common law. Elle connaît le montant de l'assurance, les conditions de la police. Elle a bien des avantages que je n'ai pas quand je fais concurrence à Gerry. J'aimerais bien avoir la liste des clients de Gerry à mon bureau, mais il ne va certainement pas me la donner. Pourtant, je suis obligé de la fournir à la banque. Que la banque connaisse ou non le montant de la prime, elle n'en a pas moins un avantage sur nous qui sommes sur un pied d'égalité.

M. Tony Valeri: Ma question s'adresse à Shelter Canadian Properties. Vous avez dit que les pourparlers actuels sur une fusion éventuelle donneraient aux régions rurales du Canada l'occasion de négocier un service à long terme avec une institution donnée. Voulez-vous dire que vous êtes pour ce que dit le rapport MacKay au sujet d'engagements juridiques qu'on pourrait exiger des banques qui veulent fusionner? Vous leur dites—je ne fais que glaner des choses au hasard dans votre mémoire—qu'elles ne pourront pas fermer des succursales là où elles seules sont présentes s'il y a tant d'habitants et qu'elles devront conserver les mêmes effectifs qu'en ce moment. Êtes-vous pour cette façon de faire?

M. Arni Thorsteinson: Oui.

M. Tony Valeri: Même si vous avez dit être en principe pour un marché libre?

M. Arni Thorsteinson: Oui, mais je ne pense pas que les banques se soient montrées disposées à prendre des engagements qui rassureraient nombre de petites localités du Canada rural sur la pérennité de leurs services bancaires.

M. Tony Valeri: Vous avez dit qu'elles devraient le faire.

M. Arni Thorsteinson: Oui, elles le devraient. Je trouve que c'est l'occasion idéale pour ces localités et le gouvernement d'obtenir de tels engagements en échange de l'autorisation de fusionner et les banques devraient accepter l'engagement.

M. Tony Valeri: Ce n'est pas une question d'être d'accord ou non avec vous, mais le comité a entendu certains témoins affirmer que c'était inacceptable. Vous dites que des engagements formels seraient acceptables si des banques voulaient absolument fusionner.

M. Arni Thorsteinson: Oui. De plus, ça augmenterait les prêts contractuels aux PME.

M. Tony Valeri: Donc, si ces deux banques voulaient fusionner et qu'on nous fournissait certaines statistiques, vous ne verriez pas d'objection à l'imposition par le gouvernement d'une proportion donnée de prêts aux PME par rapport aux prêts à la grande entreprise dans le secteur immobilier.

M. Arni Thorsteinson: En effet.

M. Tony Valeri: Vous n'y voyez pas d'objection?

M. Arni Thorsteinson: Non.

M. Tony Valeri: D'accord. Passons à l'accès au système des paiements. Monsieur Loewen, le groupe de travail MacKay dit essentiellement que la disponibilité des fonds le même jour est rare et devrait être valorisée. Il veut parler du système de paiement. Il dit que c'est possible parce que les participants au système sont assez convaincus de la solvabilité de toutes les autres institutions adhérentes qui émettent des paiements. De plus, si les adhérents jugent que de nouvelles institutions qui adhèrent à l'association ne sont pas assez solvables, ils peuvent refuser de rendre les fonds disponibles tant que les chèques qui leur ont été présentés n'auront pas été vraiment compensés et ce sont les consommateurs qui en souffriront.

• 1125

Il dit encore que les conditions d'adhésion sont restrictives, que le gouvernement doit se pencher sur la question parce qu'il faut qu'elles le soient moins. Mais, comme vous le dites, il ne traite pas vraiment des institutions non financières.

Au sujet de l'élargissement des pouvoirs accordés aux institutions, il recommande que le pouvoir d'autoriser les nouveaux règlements administratifs ou leurs modifications et celui d'enjoindre par directive à l'Association des paiements de modifier un règlement administratif, soient conférés au ministre des Finances plutôt qu'au gouverneur en conseil. Alors je me demande, si cette recommandation ne suffit pas, est-ce que c'est au moins un pas dans la bonne direction? Est-ce que ça vous rassure un peu?

M. William Loewen: Très peu. Il est vrai que le ministère des Finances a été efficace pour régler certains problèmes que nous avons soulevés dans le passé, mais de là à leur demander d'approuver un règlement administratif qui aura sans doute été rédigé par les banques... Je trouve que les banques, surtout les cinq grandes banques, ne devraient pas être les seules à pouvoir prendre l'initiative de modifier le système des paiements. Quiconque est touché par le système, et c'est tout le monde, devrait être habilité d'une façon ou d'une autre à jouer un certain rôle.

On ne confierait pas la direction du CRTC à Izzy Asper et Ted Rogers. Vous n'accepteriez certainement pas de le faire. Or, vous placez l'Association canadienne des paiements sous la direction des cinq grandes banques. Vous savez, on a eu connaissance de maintes initiatives pour étouffer la concurrence, profiter d'un avantage indu et établir des règles dont le seul objet plausible c'est de supprimer la concurrence.

Comme je l'ai dit dans mon mémoire, elles ont créé l'impression—une impression très forte et qui va en s'accentuant selon moi, et il y a des années que je suis là-dedans—qu'elles constituent l'autorité juridique en matière de transactions financières. Que cette autorité établisse les règles de droit pour le pays, c'est trop, surtout étant donné ce que ces règles nous font vivre. Elles sont inéquitables, elles restreignent le choix des consommateurs et elles entraînent une hausse des coûts. Comme le mentionne le rapport MacKay, elles soutiennent entre autres qu'il serait risqué d'autoriser un trop grand nombre d'adhérents au système de compensation. Eh bien, ce n'est pas nouveau, c'est le refrain des banques—tout est risqué et personne ne met leur argument en doute.

Nous faisons tous partie du système de compensation. Chaque fois qu'on fait un chèque, on participe au système de compensation. Chaque jour, on est à l'origine de transactions à notre banque qui valent peut-être un million de dollars, peut-être 20 millions—en tout cas je sais que c'est entre 60 millions et 100 millions de dollars par mois. Ces transactions passent par le système de compensation. Notre banque règle avec nous. Qu'est-ce que ça pourrait bien changer qu'on présente ces transactions, comme le faisait Comcheq, à chaque banque individuellement, ce qui revient au même que le système de compensation? Elles mettent une barrière qui est inutile.

Comcheq, c'est une entreprise que j'ai fondée en 1968. Elle compensait plus de dix millions de chèques par année. Nombre de nos transactions de compensation étaient soumises individuellement aux banques plutôt qu'à une seule, parce que certaines passaient plus rapidement par le système de compensation. On ferait exactement la même chose si on était adhérent à l'Association des paiements. La seule différence, c'est qu'on était obligé de payer les banques.

M. Tony Valeri: Corrigez-moi si je me trompe, mais vous préconisez presque que l'Association des paiements soit considérée comme un bien public ou un service public qui devrait être réglementé à ce titre par l'État. Ai-je raison?

M. William Loewen: Oui. D'ailleurs, dans son étude sur le système Interac, le Bureau de la concurrence a conclu que le réseau Interac devrait être un service public. Malheureusement, il n'y a pas eu de suite.

• 1130

C'est la même chose pour tout le système de compensation. Tout le monde y participe. Tant qu'on limite son accès à quelques utilisateurs principaux, ils peuvent contrôler tout le monde. Les sociétés de fonds mutuels, les compagnies d'assurance... Bien des organisations feraient une concurrence beaucoup plus vive si le système était plus ouvert.

M. Tony Valeri: D'accord.

Dans votre dernier paragraphe, vous écrivez que la direction du système devrait être retirée aux banques et confiée à un tiers.

M. William Loewen: Oui.

M. Tony Valeri: Pouvez-vous me donner une idée de votre conception de ce tiers? Qu'est-ce que vous envisagez? En quoi consisterait-il?

M. William Loewen: Je ne sais pas au juste comment sont choisis les membres du CRTC ni qui compose le personnel de soutien, et je ne dis pas que le CRTC soit le modèle idéal, mais peut-être qu'on pourrait néanmoins s'en inspirer.

On a l'impression que le système de compensation a quelque chose de magique, qu'il est très complexe et difficile à comprendre. En réalité, je pense que je viens de vous l'expliquer de A à Z. Ce n'est pas un système complexe.

Je crois donc qu'un organisme indépendant... Les modifications qui sont prévues, qui se produisent régulièrement, ont parfois besoin d'être examinées pour comprendre quelle est leur orientation véritable et quels en sont les risques. Mais en ce moment, vous discutez avec les banques sur l'existence ou non de risques, mais il y a toujours des risques.

Ce qui est intéressant dans l'étude sur Interac, c'est que l'industrie du commerce de détail voulait participer directement au système Interac. D'après ce que j'ai compris, ça mettrait le système en péril. En fait, c'étaient les détaillants en alimentation et dans d'autres secteurs qui espéraient être payés par le système de compensation. Le risque, c'était pour les détaillants, pas pour les banques.

Donc, il ne faut pas se laisser arrêter par l'idée qu'il y a un risque; il faut commencer à examiner toute la situation. Je pense qu'on constatera alors que c'est une industrie qui est facile à réglementer, mais qu'elle ne devrait pas l'être par les gens qui s'en chargent en ce moment.

M. Tony Valeri: Merci.

Le président: Madame Bennett, voulez-vous poser une question?

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Oui.

Comme vous le savez, la difficulté des politiques d'ordre public, c'est qu'elles sont bien plus faciles à adopter lorsque le public est convaincu au départ qu'elles sont bonnes. C'est plus simple pour le gouvernement d'agir lorsque le public s'est déjà fait une idée.

À la page 106 du rapport MacKay, on peut lire que les consommateurs ne sont pas aussi préoccupés que l'industrie par la question du droit des banques à vendre de l'assurance. On précise que moins de 30 p. 100 des consommateurs se sentent personnellement concernés par ce dossier et pourtant, on lit plus bas que certains craindraient que les banques disposent de trop de renseignements sur la clientèle et que la concurrence ne serait intensifiée qu'à court terme.

Il est certain que, dans tout le pays, votre industrie nous a fait part de sa crainte sérieuse que les banques pratiquent des prix d'appel pour les assurances multirisques et les offrent peut-être même gratuitement dans le but d'éliminer la concurrence. Pourquoi croyez-vous que le public ne se rallie pas à cette opinion et est-ce qu'il s'est passé au Québec des choses qui confirmeraient le bien-fondé de vos craintes? S'est-il produit au Québec des cas qui devraient inquiéter les consommateurs?

M. Brent Gilbert: Écoutez, je ne pense pas que les assurances I.A.R.D., les assurances de choses et les assurances risques divers soient un sujet de conversation courant. Je ne pense pas que les gens y pensent beaucoup.

• 1135

Quant à ce qui se passe au Québec, si un consommateur obtient d'une institution prêteuse ce qu'il veut, c'est-à-dire un prêt hypothécaire pour sa nouvelle maison ou sa nouvelle entreprise qui le passionne, même s'il n'est pas satisfait de l'assurance qu'il a souscrite, croyez-vous qu'il va s'en plaindre si son prêt était conditionnel à cette assurance?

L'important pour lui, c'est de réaliser son rêve et s'il doit supporter quelques inconvénients pour le faire, il ne va certainement pas l'admettre et encore moins s'en vanter. Il n'avait pas le choix et c'est tout. Je ne pense pas qu'il va aller se plaindre.

Je ne sais pas si ça répond vraiment à votre question, mais...

Mme Carolyn Bennett: Ce qui m'inquiète, c'est qu'on en a toujours pour son argent. C'est seulement quand les gens demanderont le remboursement d'un sinistre qu'ils découvriront que ce n'était pas vraiment une aubaine...

M. Brent Gilbert: Précisément.

Mme Carolyn Bennett: ... ou qu'on n'a pas adapté l'assurance à leurs besoins.

M. Brent Gilbert: Exactement.

Mme Carolyn Bennett: Étant médecin de famille, je l'ai constaté dans le cas de l'assurance-invalidité. Tant qu'ils n'en ont pas besoin, les gens ne se rendent pas compte qu'ils ont une assurance bas de gamme et si...

M. Brent Gilbert: Je peux vous raconter une histoire dont j'ai eu connaissance.

La caisse populaire de Portage-la-Prairie a décidé il y a quelques années, par l'entremise d'une filiale, d'essayer de vendre de l'assurance assortie à ses prêts. J'ai reçu un appel d'un consommateur paniqué qui disait avoir besoin d'acheter une assurance sur-le-champ. Je lui ai demandé de s'expliquer et il m'a raconté avoir acheté une assurance de la caisse populaire par l'intermédiaire de CUMIS—je crois que c'est le nom de cette organisation—et le préposé aux prêts lui a donné le nom du courtier et transmis les renseignements à CUMIS.

Il a présenté une réclamation et c'est là que se présente l'expert en sinistres qui lui dit: «C'est pas une police propriétaires occupants, c'est une police type X.» Donc, on lui a vendu une police de série qui ne répondait pas à ses besoins. J'ignore si le sinistre a été remboursé ou non, mais le gars lui a dit qu'il recevrait sous pli recommandé un avis de résiliation de 15 jours parce qu'eux ne s'occupaient que de ce qui pouvait être moulé dans la police.

Donc, c'est déjà arrivé mais je ne sais pas si ça touche assez de monde lorsqu'il y a réclamation... Ça pourrait prendre 20 ans avant que les gens se rendent compte que leur assurance ne répond pas à leurs besoins. Vous avez raison; c'est quand il y aura des problèmes qu'on en entendra parler. Il y a déjà eu des problèmes d'ailleurs.

Mme Carolyn Bennett: C'est étonnant que dans le sondage sur la vente liée, bien des Canadiens aient dit avoir vécu cette forme de pression et s'être fait proposer d'acheter sur-le-champ une chose à laquelle ils n'avaient peut-être même pas pensé. Bien.

J'ai une question pour M. Thorsteinson. Tout au long de votre exposé, vous avez parlé des grandes institutions financières, de l'usine de carton-paille, etc. Ce que le comité entend dire par bien des secteurs, c'est que les institutions financières sont déjà assez grosses comme ça et que les arguments en faveur de la nécessité d'être encore plus grosses ne sont pas très convaincants.

Que ce soit l'usine de carton-paille ou... On entend dire que ce n'est pas nécessairement la plus grande banque au Canada qui forme le plus grand nombre de consortiums. Connaissez-vous des gens qui n'ont pas réussi à obtenir un prêt au Canada et qui ont dû aller aux États-Unis. Est-ce que les banques canadiennes n'arrivent pas généralement à former un syndicat capable d'accorder aux consommateurs le prêt dont ils ont besoin?

M. Arni Thorsteinson: Votre question commande deux réponses.

Dans les cas de projets de très grande envergure et fort risqués—et étant donné le risque que représente la canalisation, on peut dire que c'est une projet d'une grande envergure, comme le sont habituellement les projets miniers—il est impossible de trouver le financement nécessaire à l'intérieur du Canada. Il faut aller sur les marchés étrangers parce que les institutions ici ne sont pas assez grandes pour consentir des prêts aussi élevés. Il arrive donc que les banques ne soient pas assez grandes.

Les Canadiens qui trouvent que les banques sont trop grosses sont myopes. Les banques sont minuscules en comparaison...

Mme Carolyn Bennett: Non, je ne pense pas qu'on ait dit «trop grosses»; on a plutôt dit «assez grosses».

M. Arni Thorsteinson: Bon, «assez grosses»... c'est de la myopie quand même car, en comparaison avec le reste du monde, elles sont toutes petites. Si on souscrit à cet argument, il n'y a pas de raison...

Mme Carolyn Bennett: Mais depuis la fusion récente aux États-Unis, je suppose que les gens se disent que ces minuscules fusions au Canada ce n'est rien et qu'il faut conserver la faculté de diriger un syndicat pour répondre aux besoins de ses clients. Connaissez-vous des cas où des banques canadiennes n'ont pas pu répondre aux besoins de leurs clients qui ont dû s'adresser à des banques étrangères?

• 1140

M. Arni Thorsteinson: Oui. Dans le cas de projets de grande envergure, il a fallu former un consortium international, ce qui prend plus de temps et coûte habituellement plus cher. Je vous parle du point de vue des projets plus petits qui n'ont pas besoin d'un consortium.

Laissez-moi vous donner comme exemple une concession d'outillage agricole de 3,5 millions de dollars—le nec plus ultra, de niveau international—établie dans une zone rurale du Manitoba. C'est un projet qui ne correspond pas aux critères établis par la plupart des institutions financières pour les prêts, exception faite des grandes banques qui peuvent consentir un prêt en vertu de leur autorisation de crédit aux entreprises. Voilà un cas où seule une grande banque peut accorder le crédit nécessaire à cause des politiques générales de prêts et des autorisations de crédit de la plupart des institutions financières.

Mme Carolyn Bennett: Vous savez que ces fusions ne font pas vraiment partie du mandat du comité. Nous devons étudier les recommandations du rapport MacKay concernant le processus d'examen des fusions. Certains pensent que si ces fusions étaient autorisées, si les deux banques voulaient ensuite fusionner, le Bureau de la concurrence ou quelqu'un d'autre déciderait que ça suffit à cause de l'intérêt public. Ce serait inquiétant si on finissait par se retrouver avec une seule banque au Canada.

Croyez-vous qu'il faudrait abandonner le principe voulant que les gros ne mangent pas les gros? Devrait-il y avoir des exceptions? Faites-vous confiance au processus d'examen suggéré dans le rapport MacKay? Est-ce que ça convient ou est-ce trop lourd? Quel rôle le public devrait-il jouer et qui devrait se charger de l'évaluation de l'intérêt public? Croyez-vous que les variables énumérées par MacKay relativement à l'intérêt public sont foncièrement bonnes pour les Canadiens? Parmi toutes les recommandations de MacKay, est-ce que vous approuvez celle concernant l'examen des fusions?

M. Arni Thorsteinson: Oui. Je le répète, c'est un document très réfléchi. Il avertit les Canadiens qu'ils doivent prendre conscience que les institutions financières, comme d'autres grandes entreprises, grossissent et se mondialisent. Nous ne pouvons pas empêcher le progrès, sinon on se fait du tort en omettant de créer à l'étranger des occasions pour les Canadiens et les entreprises canadiennes.

Le rapport nous avertit aussi que les projets de fusion, à mesure qu'ils se présenteront, devront être soumis à un examen du Bureau de la concurrence comme tous les regroupements d'importance dans les autres secteurs le sont. D'ailleurs, le Bureau de la concurrence a bien servi les Canadiens en triant les regroupements d'entreprises qui lui ont été soumis, en empêchant ceux susceptibles de nuire à la concurrence et en autorisant les autres. Il a très bien rempli son mandat d'ordre public.

Mme Carolyn Bennett: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir au sujet de la recommandation MacKay concernant le processus d'examen des projets de fusion?

M. T.W. McCartney: Oui, moi. On pourrait donner l'impression d'être contre le rapport MacKay au complet. Mais c'est faux. On ne se prononce pas sur bien des recommandations concernant l'assainissement de la situation, en partie parce qu'on n'est pas des banquiers et qu'on ne saisit peut-être pas vraiment ce que ça veut dire. On s'en est tenu essentiellement à ce qui nous touche et à ce qui touche nos assurés qui sont des consommateurs.

Les banquiers en général—et comme je n'ai pas vérifié si mon banquier à moi était ici, je dois être prudent—sont nos partenaires. C'est ce qu'on a toujours pensé dans notre secteur et on croit que la plupart des consommateurs sont du même avis. Je ne crois pas que les banques aient répondu à la question de savoir pourquoi c'est bien que les banques prédominent à ce point dans le secteur des services financiers. Aujourd'hui les assurances, peut-être demain l'alimentation. Est-ce vraiment si avantageux d'être aussi gros?

• 1145

La vente liée—on vous a donné comme exemple les prêts pour un REER, puisque si on en a besoin, on doit être disposé à acheter le REER de l'institution qui consent le prêt. Il y a aussi les renseignements personnels. Voulez-vous que vos renseignements personnels circulent?

Les pertes d'emplois—au Manitoba, on a déjà perdu des emplois à cause des fermetures de succursales bancaires. À notre avis, la banque est le pilier de bien des localités. Si le courtier local qui est un employeur important se rend compte qu'il ne peut plus continuer, d'autres emplois disparaissent. Nous abordons la question sous l'angle des pertes d'emplois.

Le président: Monsieur Loewen.

M. William Loewen: Comme Arni pouvait s'y attendre, je ne suis pas d'accord avec lui sur presque toute la ligne. Il dit que sans une grande entreprise, il n'y a pas d'innovation. En réalité, les banques sont toujours les dernières à innover. D'une part, il y a les petites organisations qui sont novatrices et qui lancent des idées nouvelles parce qu'elles sont assez souples pour le faire. Les innovations des banques viennent généralement de la technologie américaine. Les banques achètent un système uniquement après qu'il ait été éprouvé aux États-Unis.

Quant à leur capacité d'appréciation du risque, ça me rappelle un article que j'ai lu dans un magazine d'affaires il y a plusieurs années. Il y était question des merveilles de Dome Petroleum et des choses magnifiques que Dome Petroleum avait faites et de la participation de quatre des principales banques dans cette réussite prétendument colossale. L'article disait que la Banque de Nouvelle-Écosse n'avait pas participé au financement de Dome Petroleum parce qu'elle n'avait pas l'expertise nécessaire pour administrer un tel prêt. Un an ou deux plus tard, Dome Petroleum, c'était du passé. Donc, le fait d'être plus gros n'est pas nécessairement synonyme de sophistication ni de génie.

Quant à la possibilité d'être servi aux États-Unis, tout d'abord il faut tenir compte de ce qui est bon pour le Canada et de la façon dont les banques vont servir les Canadiens. Je suis certain qu'Arni peut trouver une banque américaine qui répondra à ses besoins. Et les banques vont espérer que les entreprises américaines viennent au Canada chercher des services qui leur seront utiles.

Un autre inconvénient de la très grande taille concerne la confidentialité des renseignements. Il y a déjà eu de très graves entorses au principe de la confidentialité et bien des gens s'en sont plaints. C'est un problème qui s'aggrave proportionnellement à la part du marché détenue.

En ce moment, il y a cinq banques. Supposons qu'elles détiennent 15 p. 100 du marché et qu'elles veulent faire une recherche dans leur base de données pour trouver des renseignements sur quelqu'un en particulier, ce qui est déjà arrivé. Elles ont une chance sur six de trouver. S'il ne reste plus que deux banques, la probabilité de trouver les renseignements personnels recherchés est bien plus considérable. Voilà un domaine qui devrait être régi par la loi. De toute façon, pour un individu, ça fait peur.

Pour en revenir à la Loi sur les banques, la loi prévoyait avant, et peut-être qu'elle le prévoit encore, que les banques peuvent exercer toute activité se rapportant aux opérations bancaires. Comme il se devrait à mon avis, le principe c'est que toutes les autres entreprises ont besoin d'une banque. Les banques sont là pour servir les entreprises et non pour leur faire concurrence.

• 1150

La Loi sur les banques renferme encore une disposition en ce sens, mais ça se passe autrement. Il y a toutes sortes d'entreprises auxquelles les banques font concurrence et ces entreprises ont besoin de services bancaires. Bien entendu, moins il y a de banques, plus il est difficile de se faire servir par un fournisseur indépendant.

Tout compte fait, je pense qu'aujourd'hui, il n'y a probablement pas assez de banques et non le contraire. Et je crois que si on compare la situation des banques au Canada à celle dans les autres pays, on constatera qu'il y a effectivement moins de banques ici par rapport au produit national brut, à la population ou à je ne sais quoi d'autre, que dans la plupart des autres pays.

Mme Carolyn Bennett: Estimez-vous que vous ne pouvez pas appuyer la recommandation du rapport MacKay sur l'examen des projets de fusions? Ne croyez-vous pas que le processus exposé à grands traits dans ce rapport finirait par apaiser vos préoccupations en ce qui concerne le Bureau de la concurrence ou l'évaluation de l'intérêt public ou voudriez-vous que l'on procède autrement?

M. William Loewen: Oui. D'un point de vue personnel et comme homme d'affaires, je crois que ce processus aurait dû être écarté d'emblée. Comme concurrent, cela ne fait pas une grande différence. Pour le moment, en ce qui nous concerne, nous sommes en concurrence avec l'Association canadienne des paiements. C'est la même situation qu'en ce qui concerne les cinq divisions de General Motors: elles sont légèrement distinctes mais elles relèvent d'un seul organe de régie. Dans notre cas, il s'agit de l'Association canadienne des paiements, de l'Association des banquiers canadiens ou tout simplement du club.

Mme Carolyn Bennett: Je crois que dans son rapport de l'année dernière, le service des finances de l'Association canadienne des paiements était en faveur d'un élargissement prudent et c'est ce que recommande également M. MacKay. Pensez-vous qu'un élargissement soit en cours?

M. William Loewen: Je ne pense pas que d'un côté comme de l'autre, on ait fait les progrès nécessaires pour que ce soit le moindrement efficace.

Si le rapport MacKay est approuvé, les diverses firmes de courtage deviendront des sous-adhérents. Le rapport parle de membres adhérents de l'Association canadienne des paiements mais je ne pense pas que les auteurs de ce rapport comprennent bien la différence entre un membre adhérent et un sous-adhérent; en outre, le sous-adhérent n'a pratiquement aucune influence. Les voix sont proportionnelles au nombre d'opérations de compensation. Le financement de l'association est lié au nombre d'opérations. Par conséquent, qui paie les factures et qui a les voix? C'est injuste, et les sous-adhérents n'ont à mon avis pas beaucoup d'influence.

Mme Carolyn Bennett: Par conséquent, même si l'on rendait le système plus accessible, étant donné que les voix sont toujours proportionnelles au nombre d'opérations de compensation, les grandes banques continueraient d'avoir une influence décisive.

M. William Loewen: C'est exact. Cela n'y changerait rien. Il faut que le système d'examen soit indépendant pour que je puisse obtenir la permission d'instaurer tel ou tel service. Il ne faut pas que je doive la demander à mes concurrents car un refus de leur part est garanti.

Mme Carolyn Bennett: Avez-vous une opinion au sujet du processus de fusion?

M. Brent Gilbert: J'allais justement dire que notre association n'a pas d'opinion officielle sur cet aspect précis mais je pense personnellement que les divergences d'opinions actuelles dans le secteur bancaire sont déroutantes. En effet, le p.-d.g. d'une des grandes banques trouve que c'est terrible alors que ceux de trois ou quatre autres banques pensent que c'est formidable. Par conséquent, nous ne prétendons pas avoir une opinion à ce sujet parce que nous ne sommes pas banquiers, comme l'a déjà signalé M. McCartney.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Merci, madame Bennett.

J'ai une question à poser à l'Insurance Brokers Association of Manitoba. Le rapport MacKay contient 124 recommandations et dans votre conclusion, vous signalez en fait que vous n'approuvez pas du tout celles concernant les services d'assurance offerts par les banques. Le but du présent exercice est d'établir les orientations futures du secteur des services financiers. Pourquoi n'avez-vous parlé que de questions qui vous concernent personnellement sans faire de commentaires substantiels sur l'avenir de ce secteur?

• 1155

M. Brent Gilbert: Pardon. Est-ce que la dernière partie de la question concerne l'avenir du secteur bancaire ou...?

Le président: Le titre du rapport du groupe de travail est: Changement, défis et possibilités. Il porte sur l'avenir du secteur des services financiers. Votre exposé est principalement axé sur la situation actuelle. Je me demande pourquoi votre exposé porte pour ainsi dire exclusivement sur le principe qu'il ne faudrait pas permettre aux banques de vendre de l'assurance. Est-ce là la seule préoccupation de votre secteur?

M. Brent Gilbert: Non et je suis désolé si c'est l'impression que vous avez. Le fait que les banques vendent de l'assurance ne nous préoccupe pas. Elles font déjà concurrence...

Le président: Avec leurs succursales.

M. Brent Gilbert: ... avec nous. Elles nous font déjà concurrence. Par contre, la recommandation du rapport MacKay concernant uniquement les assurances—et c'est évidemment le domaine qui nous intéresse—leur donne un avantage concurrentiel injuste sur nous. Ce n'est pas juste à notre avis. Nous n'avons toutefois pas poussé l'étude plus loin. Nous n'avons pas à notre disposition des recherchistes que nous pourrions charger d'examiner l'avenir du secteur bancaire dans le contexte mondial et d'autres thèmes analogues. Nous nous en tenons à ce qui est important pour nos membres pour l'instant et c'est ce manque de justice qui les préoccupe.

Le président: Pouvez-vous répondre à une question?

M. Brent Gilbert: Certainement.

Le président: D'après le texte que vous nous avez remis, je présume que vous avez beaucoup de respect pour les consommateurs et pour vos clients; je crois comprendre que vous respectez beaucoup leur opinion et leur jugement.

M. Brent Gilbert: Absolument. Nous avons tous les jours des contacts directs et personnels avec eux.

Le président: Combien de clients avez-vous?

M. Brent Gilbert: Mon bureau? Je n'ai pas vérifié. J'ai peut-être 3 000 dossiers.

Le président: Trois mille dossiers et vous dites que vous voyez vos clients tous les jours?

M. Brent Gilbert: Non, je n'ai pas dit cela.

Le président: Je suppose que non.

Par conséquent, la qualité du service est importante dans votre milieu. Les contacts personnels avec vos clients sont importants. Je vous avoue toutefois que personnellement, je me contente d'envoyer un chèque à mon courtier. Je le vois peut-être de temps en temps mais cela n'a généralement rien à voir avec les affaires. Je ne lui pose par conséquent pas beaucoup de problèmes. Il suffit de m'envoyer la police d'assurance et je la signe. Je fais un chèque, ma police est renouvelée et la vie continue.

Comme consommateur, ne pensez-vous pas que je devrais avoir la possibilité de m'assurer auprès d'une banque? Pourquoi n'aurais-je aucune autre possibilité? Pourquoi n'aurais-je pas droit à ce choix supplémentaire?

M. Brent Gilbert: Vous avez déjà le choix maintenant. Au Canada, on peut déjà aller dans n'importe quelle banque qui a une filiale dans le secteur des assurances et lui demander le numéro d'appel sans frais de celle-ci pour se renseigner sur les tarifs. Il n'y a aucune restriction à cet égard.

Le président: Dans ce cas, en quoi le fait que les membres vendent des assurances vous dérange?

M. Brent Gilbert: Cela ne nous dérange pas du tout. Comme je l'ai dit dans mon mémoire, elles le font déjà. Par contre, le rapport MacKay recommande qu'elles puissent le faire par l'intermédiaire de leurs succursales...

Le président: C'est ce dont je parle.

M. Brent Gilbert: Bon. Ce qui nous dérange, ce sont les ventes liées avec coercition et le fait qu'elles puissent se servir des renseignements confidentiels—ceux que nous devons leur fournir sur nos clients—pour nous faire concurrence. C'est tout cela qui nous dérange, comme je l'ai indiqué dans le mémoire—le fait que les clients soient prêts à acheter, la tendance à leur forcer la main, l'utilisation de renseignements sur le crédit, l'utilisation de renseignements confidentiels. Ce n'est pas de la concurrence loyale à notre avis.

Le président: J'ai une question à vous poser. Vous connaissez certainement les téléphones intérieurs que l'on trouve dans les hôtels et qui permettent d'appeler la chambre? Seriez-vous d'accord que l'on installe des téléphones de ce genre dans les succursales? Seriez-vous d'accord que l'on y installe une ligne d'appel sans frais?

M. Brent Gilbert: C'est déjà possible à l'heure actuelle, par conséquent...

Le président: C'est donc déjà possible, si je comprends bien?

M. Brent Gilbert: Pour autant que je sache, on peut aller à la banque et demander le numéro d'appel sans frais de la filiale. On peut demander l'autorisation d'utiliser un téléphone.

Le président: Vous êtes donc d'accord si le téléphone est sur place? Ce que je veux dire...

M. Brent Gilbert: Parlons du problème de la coercition. Dans notre mémoire, nous avons dit qu'elle était «réelle ou perçue». Par conséquent, si le consommateur considère qu'il aura plus de chances d'obtenir son prêt, ou de l'obtenir à de meilleures conditions, et si cela lui facilitait les transactions avec la banque, je considère malgré tout que c'est un avantage déloyal sur les autres participants de ce secteur. Par conséquent, je ne suis pas d'accord que l'on installe un téléphone sur les lieux pour faciliter la communication.

• 1200

Le président: D'après le peu que je sache, les principes fondamentaux du marketing sont la qualité du service, le prix et la commodité. Si je trouve pratique d'acheter mes assurances à ma succursale bancaire, pourquoi me priverait-on de ce droit? Pourquoi estimez-vous devoir prendre une décision à ma place? Qu'est-ce qui vous autorise à ressentir le besoin de me dire où je dois faire mes achats?

M. Brent Gilbert: Je ne vous dis pas où vous devez faire vos achats. Comme je vous l'ai dit, vous avez déjà le choix. Vous pouvez déjà vous adresser à votre succursale.

Voici ce que nous voulons dire. Imaginez la situation suivante. Vous avez fait une demande de prêt à la banque. Vous en profitez pour demander à l'agent de prêts si la banque a une filiale «assurances» qui peut vous donner un prix. L'agent vous répond que oui et que vous pouvez appeler tout de suite en utilisant son téléphone. Ou l'agent, conformément à une des recommandations de M. MacKay, vous laisse entendre que la banque exige que vous fassiez affaire avec elle pour vos fonds communs de placement, votre assurance-maison et votre assurance si vous voulez obtenir le prêt en question. Nous estimons que ce genre de pratique ne sert pas les intérêts du consommateur.

Le président: Prétendez-vous que c'est le cas actuellement?

M. Brent Gilbert: Pas pour le moment. D'après les règlements sur la concurrence loyale qui ont été établis en 1992, les banques ne peuvent pas se servir de certains renseignements pour vendre des assurances à leurs clients. Elles ne peuvent pas «cibler un marché». Elles ne peuvent pas utiliser leur base de données pour cibler un marché.

Le président: Dès l'instant où le consommateur met le pied dans sa succursale, la situation est entièrement différente.

M. Brent Gilbert: Je regrette, mais je n'ai pas compris. Voulez-vous dire que la situation est différente actuellement...

Le président: Oui. Je parle de permettre aux banques de vendre des assurances au détail mais vous prétendez que, dans ce cas, elles se mettraient du jour au lendemain à utiliser les renseignements.

M. Brent Gilbert: C'est exact. C'est ce que dit le rapport MacKay. Il dit qu'elles devraient être en mesure d'utiliser ces renseignements mais qu'il faudrait établir des règles. Nous nous demandons comment on pourrait s'assurer qu'elles soient respectées.

Le président: J'ai une question à vous poser. Il ne s'agit pas en fait... Qu'essayez-vous de protéger au juste? Votre emploi? Les consommateurs? Qu'essayez-vous ou qui essayez-vous de protéger au juste?

M. Brent Gilbert: Qu'essayons-nous de protéger? Nous essayons de protéger notre gagne-pain et la capacité de créer des emplois dans de petites localités du Manitoba. Nous estimons que si le rapport MacKay est adopté avec la recommandation qui vise à permettre aux banques de vendre des assurances sur les lieux et d'utiliser les renseignements qu'elles possèdent, notre gagne-pain et ces emplois disparaîtront.

Le président: Ne s'agit-il pas en réalité surtout d'un problème de concentration du pouvoir? Je ne sais pas si la prolifération des courtiers d'assurance est la façon la plus efficace de fournir un service. Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas s'il en faut environ 1 300. Je n'en suis pas sûr.

M. Brent Gilbert: Je suis désolé de devoir vous interrompre. On peut acheter directement des assurances aux sociétés d'assurance directe. Les personnes qui estiment que le courtier coûte trop cher au système ont le droit de traiter avec des sociétés d'assurance directe.

Le président: Je sais également que quelqu'un paie ces quelque 1 300 courtiers, et cela s'ajoute probablement au prix parce que c'est généralement le consommateur qui paie en fin de compte. Est-ce exact?

M. Brent Gilbert: Oui.

Le président: N'est-ce pas en réalité une question de pouvoir? N'est-ce pas le problème de l'octroi d'un pouvoir trop grand à une seule et même personne morale? N'est-ce pas l'argument que vous devriez invoquer de préférence à celui de la qualité, par exemple? Il faut reconnaître que la qualité du service et tous ces autres facteurs regardent le consommateur. C'est lui qui décide si vous offrez un bon service. Certains courtiers sont probablement excellents alors que d'autres sont incompétents. On se demande toujours comment ces derniers ont bien pu obtenir leur permis. Est-ce exact?

M. Brent Gilbert: C'est exact.

Le président: N'est-ce pas le cas dans tous les types de commerces?

M. Brent Gilbert: Oui, je suis bien d'accord.

Le président: Par conséquent, est-ce en réalité une question de pouvoir?

M. Brent Gilbert: Oui, monsieur le président. Ce que je veux dire, c'est que si l'on ne maintient pas les règlements qui ont été établis en 1992, il y aura concentration de pouvoir dans le secteur bancaire.

Le président: Merci.

• 1205

Monsieur Thorsteinson, vous devez croire que... Le secteur des services financiers est gigantesque et le monde est vaste. Une multitude de transactions ont lieu chaque jour, un peu partout. Certaines personnes estiment qu'il nous faudrait cinq banques d'envergure à peu près analogue et d'autres pensent que, pour qu'il y ait de l'action à un certain niveau, une banque gigantesque capable de faire de grosses transactions serait préférable. Une société peut-elle supporter ce genre de divergence d'opinions dans un secteur? Les épiceries de quartier n'ont pas disparu à cause des grands supermarchés et... Qu'en pensez-vous?

M. Arni Thorsteinson: Absolument, je crois que le Canada peut supporter deux grosses banques voire trois, mais des banques d'envergure internationale, qui peuvent faire face aux risques nécessaires pour aider l'industrie canadienne.

Le président: La Banque de la Nouvelle-Écosse est une banque intéressante du fait qu'elle est très active à l'étranger et qu'elle est assez prospère. Estimez-vous qu'elle pourra poursuivre ses activités actuelles après la fusion de deux banques? Pensez-vous qu'elle aurait toujours la marge de manoeuvre suffisante pour...? A-t-elle un créneau? Est-ce que...

M. Arni Thorsteinson: Oui, il en a toujours été ainsi dans le cas de cette banque.

Le président: Lorsque des regroupements ont lieu dans le secteur des services financiers, ou dans n'importe quel autre d'ailleurs... Permettez-moi de revenir quelques instants à M. MacKay. Il parle dans son rapport du développement des services financiers aux entrepreneurs. Pensez-vous qu'un regroupement renforcerait ce secteur? Autrement dit, un regroupement entraînerait-il un accroissement du nombre de nouvelles entreprises dans le secteur des services financiers?

M. Arni Thorsteinson: Pas nécessairement à cause des regroupements à la suite desquels quatre banques n'en formeraient plus que deux; la création de nouveaux établissements serait à mon avis la conséquence d'autres recommandations du rapport MacKay qui visent à faciliter l'expansion des petites entreprises et le démarrage de nouvelles entreprises.

Le président: J'ai une dernière question à vous poser avant de donner à nouveau la parole à M. Epp.

Étant donné que les présentes consultations concernent l'avenir du secteur des services financiers, je voudrais que chacun d'entre vous me dise en une ou deux minutes comment vous concevez l'avenir de ce secteur et quelles seront ses caractéristiques au cours du XXIe siècle.

Je donne d'abord la parole à M. Gilbert.

M. Brent Gilbert: Je pourrais peut-être parler d'abord de ce qui vous préoccupe à notre sujet, à savoir le fait que nous nous intéressons au présent... Un des aspects qui nous préoccupent depuis le début, c'est que cet exercice consiste à détruire les quatre piliers. Les compagnies d'assurances multirisques ont été amenées je ne sais trop comment à participer parce qu'elles sont considérées comme un service financier.

Nous assurons contre les pertes catastrophiques. Aucun des autres piliers ne le fait et nous avons tendance à être forcés de suivre le mouvement. Étant donné que nous avons été forcés de suivre et que nous continuons... Monsieur le président, je parle plutôt maintenant en mon nom personnel qu'au nom de l'association. Je constate malheureusement que l'on a de plus tendance à trouver que grand, c'est mieux. Dans tous les secteurs, et pas seulement dans celui des services financiers, on a tendance à le croire et je ne pense pas que cela s'atténuera dans le secteur des services financiers, étant donné le nombre de sociétés d'assurance et de banques qui essaient de fusionner.

La question de la concentration du pouvoir économique dans un secteur ou dans une ou plusieurs régions du Canada ne me préoccupe pas. Je ne crains pas non plus que les succursales et les services bancaires disparaissent dans les petites localités, pas seulement au Manitoba mais dans tout le pays. Je suppose que, dans l'ensemble, je considère que cette tendance à fusionner subsistera.

Le président: Merci.

Monsieur Loewen.

M. William Loewen: J'estime que, d'une manière générale, il n'est pas bon de permettre aux banques de s'infiltrer dans un nombre croissant de secteurs. Cela a peut-être produit autrefois des résultats assez intéressants dans certains cas. Par contre, au cours de ma vie active, nous avons été témoins de la disparition des sociétés de crédit, de la quasi disparition des sociétés de fiducie et d'une forte diminution du nombre de firmes de courtage indépendantes.

• 1210

Dès que les banques se lancent dans un secteur, certaines des entreprises de ce secteur reconnaissent leur position concurrentielle désavantageuse et vendent en conséquence. C'est ce qui s'est passé dans bien des cas. Les banques essaient d'acquérir une part du marché et par conséquent, elles rachètent les entreprises. Les irréductibles se démènent pendant encore pas mal de temps puis s'essoufflent, et le secteur en question finit par disparaître.

Je suppose que c'est exactement ce qui arrivera dans celui des assurances. On assistera à des prises de contrôle par les banques. Vous souvenez-vous de l'époque où la Banque Royale a essayé de prendre le contrôle de la London Life? Je ne suis pas certain que le rapport MacKay permette ce genre d'opération mais plus on laisse les banques s'ingérer dans un secteur, plus les risques de disparition de celui-ci augmentent—je ne parle pas de disparition complète mais de domination totale par les banques.

À propos des perspectives d'avenir et de l'ère des transactions électroniques, vous seriez probablement étonnés d'apprendre combien de transactions canadiennes sont traitées aux États-Unis. Je suppose que l'Association canadienne des paiements deviendra une association affiliée au système de compensation américain si l'on permet aux banques d'avoir le contrôle direct et exclusif, malgré ce qu'elles ont pu affirmer et même si elles vous ont dit, ainsi qu'à d'autres comités, qu'elles étaient très soucieuses des intérêts du Canada.

En ce qui concerne l'entreprise d'administration de la paie, nous l'avons vendue à la CIBC parce que nous ne pouvions pas devenir une banque. Nous avions beaucoup trop de difficulté à atteindre le but que nous nous étions fixé dans ce secteur. Nous l'avons vendue en 1993 en pensant que nous la cédions à un établissement très sérieux. Nous gérions un compte fiduciaire d'une valeur de 100 à 150 millions de dollars. Nous ne voulions pas le céder à n'importe qui. Plus de 10 000 entreprises ainsi que leurs 475 employés comptaient sur nous pour leurs chèques de paie réguliers. Nous avons par conséquent décidé de vendre cette entreprise à une banque. À ce moment-là, une société américaine nous avait fait une offre beaucoup plus élevée mais nous avons jugé que ce n'était pas la chose à faire. Dans le courant de l'année dernière, cette société américaine a acheté deux autres banques et celles-ci, y compris la CIBC et son service Comcheq, ont été revendues à ADP ou à Ceridian, qui sont toutes les deux des sociétés américaines. Environ 90 p. 100 des services de paie sont actuellement sous contrôle américain.

Nos grandes entreprises ne se soucient pas autant des intérêts de notre pays que je le voudrais. Par conséquent, j'estime qu'il est nécessaire de s'assurer que les services bancaires canadiens restent au Canada. Les Canadiens qui veulent faire des transactions bancaires ailleurs trouveront des services bancaires là où ils veulent aller.

Le président: Merci, monsieur Loewen.

Monsieur McCartney.

M. T.W. McCartney: Vous nous demandez de vous dire comment nous envisageons l'avenir. Je voudrais expliquer pourquoi on achète des assurances à un courtier. Un courtier est un acheteur d'assurances et il achète les produits dont nous avons besoin à plusieurs sociétés. Autrefois, on s'adressait à un agent qui était presqu'un employé de la société qu'il représentait. Un courtier d'assurance s'adresse à plusieurs sociétés et choisit celles qui offrent les meilleures conditions. Par conséquent, il s'agit d'acheteurs professionnels.

• 1215

Pour ce qui est de l'avenir, je pense que des fusions auront lieu au Canada. La façon dont cela se déroulera dépendra de la région. Je crois que ce qui se passe actuellement au Canada pourrait être un signe précurseur de l'avenir. Il y aura davantage de coopératives de crédit dans les petites localités pour satisfaire les besoins des personnes qui veulent faire leurs transactions dans leur région. À mon avis, les besoins de services augmenteront.

En ce qui concerne la vente d'assurances, je crois que vous verrez dans les régions métropolitaines des projets-pilotes ciblés sur les consommateurs et reliés à la base de données utilisée. Je crois que les banques feront des expériences de ce genre. C'est ce qui se passe actuellement en Alberta.

Dans les régions rurales, la situation pourrait être légèrement différente. Ce système pourrait être un peu plus lent à s'établir. À mon avis, on ne sait pas encore si c'est du marketing efficace. Tout dépendra de la région.

Le plus difficile est de savoir comment maîtriser ces monstres. Selon moi, il sera difficile de décider si l'on nommera un ombudsman et de choisir un processus de surveillance de ces grosses institutions.

Je pense que des fusions auront lieu. Les banques vont grossir, d'une façon ou d'une autre. À mon avis, on fera davantage d'essais que maintenant dans le secteur des assurances et je pense que nous aurons des difficultés à réglementer tout ce système.

Le président: Merci, monsieur McCartney.

Monsieur Corrigal.

M. Gerry Corrigal: Merci.

On m'a dit que je devais essayer de parler un peu plus fort. Je vous prie de m'excuser. Ma famille est dans une phase de partage et pour l'instant ma fille de 8 ans partage son rhume avec son père.

Je crois que notre secteur est déjà extrêmement concurrentiel étant donné qu'aucune compagnie ne détient pas plus de 7 p. 100 du marché. Le consommateur a le choix entre les courtiers indépendants, les sociétés d'assurance directe et sa banque, si c'est ce qu'il préfère.

Il ne fait aucun doute que les regroupements sont très fréquents pour l'instant dans notre secteur. Les compagnies d'assurance fusionnent. Je ne crois pas que cela cesse. Je pense que cela continuera. Certains marchés à créneau naîtront. On remarque un certain regroupement chez les courtiers d'assurance également. Depuis une dizaine d'années, des sociétés cotées en bourse rachètent des maisons de courtage. Dans d'autres provinces, des coopératives de crédit ont investi dans le courtage d'assurance. Des courtiers d'assurance se sont regroupés et ont formé des coopératives pour être extrêmement concurrentiels et offrir un grand choix au consommateur. Cela ne cessera pas. Je pense que cela continuera.

Le problème, c'est de s'assurer que tout le monde soit sur le même pied et que le choix du consommateur n'en souffre pas. Il faut que ce soit dans l'intérêt du consommateur.

Nous ne sommes pas un cas unique. Des fusions ont lieu dans d'autres secteurs. Chez les vendeurs comme chez les fabricants d'automobiles, les fusions sont fréquentes et on a tendance à croire que le gigantisme est préférable. Personnellement, je ne suis pas entièrement d'accord mais j'estime que, quoi qu'il arrive à l'avenir, tout ira bien pour autant que l'on serve les intérêts du consommateur et que l'on s'arrange pour que les règles du jeu soient équitables.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Corrigal.

Monsieur Mitchell.

M. Ken Mitchell: Ce besoin de fusionner est-il nécessairement intéressant pour la petite entreprise ou ne l'est-il que pour la grosse entreprise?

Notre secteur est extrêmement fier d'offrir un bon service au consommateur. Tous les sondages indiquent que le secteur des assurances multirisques est très bien coté par les consommateurs pour ce qui est du service.

Je vous signale par exemple que l'Institut national de la qualité a demandé à des Canadiens d'évaluer le niveau général de service qu'on leur offrait dans 21 secteurs. Les sociétés d'assurance-automobile étaient classées parmi les sept premiers et vous ne serez peut-être pas étonnés d'apprendre que les banques étaient classées parmi les sept derniers.

Nous ne prêchons pas pour notre chapelle. C'est l'opinion des consommateurs.

Merci.

• 1220

M. Arni Thorsteinson: Monsieur le président, je crois que vous nous avez demandé de dire à quoi ressemblerait à notre avis le secteur des services financiers au Canada au XXIe siècle. Nous sommes déjà au XXIe siècle. Il suffit de regarder ce qui se passe aux États-Unis où Travelers et Citibank ont fusionné. Il suffit de voir ce qui est arrivé avec la Nations Bank et la Bank of America.

Pensez à ce qui s'est passé en Suisse et aux Pays-Bas, deux pays où le secteur des services financiers est extrêmement florissant. Ce secteur a contribué énormément à la croissance et à la réussite économiques de ces deux pays et le Canada doit absolument éviter de rester à la traîne de ces «meneurs» en élargissant et en développant le secteur des services financiers. Il y aura un moins grand nombre d'institutions financières, mais elles seront plus grosses; elles amélioreront la concurrence et offriront plus de choix aux consommateurs. Si le Canada cesse de poursuivre cet objectif, le pays en souffrira.

Le président: Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Je voudrais poser une dernière question concernant les assurances et je voudrais ensuite discuter avec M. Loewen.

Voici la dernière question que j'ai à vous poser. Je fais la plupart de mes transactions bancaires à une institution financière qui n'est pas une des cinq grandes banques. Il s'agit en fait d'une coopérative de crédit des Prairies dont les origines remontent à un mouvement coopératif. Je suis sûr que vous la connaissez très bien. Cette coopérative de crédit joint souvent à mon relevé bancaire de la publicité concernant les assurances qu'elle offre. Elle propose une assurance-maison, une assurance-vie, une assurance-automobile. Elle offre même une ristourne spéciale de 10 p. 100 si l'on achète son assurance-maison en même temps que l'assurance-automobile. Pouvez-vous m'expliquer quelle est la différence avec les ventes liées des banques que vous essayez de faire interdire?

M. Brent Gilbert: Puis-je répondre, monsieur Epp?

On dirait que cette coopérative de crédit respecte les règles sur la concurrence loyale qui ont été adoptées en 1992 pour les banques. Ces règles autorisent notamment les banques à envoyer des renseignements sur leurs filiales du secteur des assurances mais elles doivent les envoyer à tous leurs clients. Elles ne peuvent pas cibler uniquement ceux qui possèdent une maison ou qui sont sur le point d'en acheter une. Elles ne peuvent pas envoyer la documentation sur les REER uniquement aux clients qui ont un solde bancaire élevé. Elles ne peuvent pas utiliser des renseignements confidentiels pour faire du ciblage et accroître ainsi nettement l'efficacité de leurs efforts de marketing.

C'est la différence, à mon avis. Comme je l'ai dit, nous sommes disposés à affronter la concurrence pour autant que les règles du jeu soient équitables. Il est possible que parmi nos concurrents se trouve une banque qui envoie des renseignements à tous ses clients pour leur faire savoir qu'elle possède une société d'assurance et qu'elle peut offrir des assurances aux conditions énoncées dans le dépliant. Cela fait partie des règles de la concurrence à l'heure actuelle.

M. Ken Epp: Par conséquent, si ces établissements expédient leurs dépliants en même temps que leurs relevés pour économiser les frais d'envoi, cela leur donne un avantage sur vous.

M. Brent Gilbert: Exactement et nous avons manifesté notre désaccord en 1992, mais nous avons jugé que c'était le meilleur compromis que nous pouvions faire à propos des règles en question.

M. Ken Epp: Merci. Je voulais seulement connaître votre opinion à ce sujet.

J'ai lu. Pendant que les autres personnes parlent, notre cerveau est capable d'être branché sur deux ou trois canaux en même temps. Par conséquent, j'ai suivi attentivement les discussions tout en lisant certains des documents qui nous ont été remis et que je n'avais pas encore eu l'occasion d'examiner.

Monsieur Loewen, votre entreprise m'intrigue. Je dois reconnaître que je ne savais pas grand-chose à son sujet avant que vous n'en ayez parlé. Je suis enchanté de rencontrer une personne capable de monter une entreprise aussi prospère avec un investissement initial de 15 000 $. Vous avez vendu cette entreprise et vous avez maintenant une autre entreprise prospère.

Ce que vous semblez déplorer le plus c'est que vous n'ayez pas été en mesure de faire prospérer votre première entreprise, le Comcheq Payroll Service, parce que vous ne pouviez pas devenir une banque. Vous n'aviez pas accès au système de compensation. J'ai quelques questions à vous poser car je voudrais savoir ce que vous voudriez que l'on fasse pour les institutions financières. Je vous ai déjà entendu dire en réponse à d'autres questions que vous voudriez que le système des paiements soit administré par le gouvernement, comme un service public éventuellement, et qu'il soit soustrait au contrôle des banques. Veuillez rectifier si je me trompe, mais je crois vous avoir entendu dire que les banques n'administraient pas seulement le système des paiements mais qu'elles le contrôlaient et que les règlements avaient été établis davantage en fonction des intérêts des banques que par souci d'efficacité ou dans l'intérêt du consommateur.

• 1225

Pensez-vous qu'un système de paie administré par le gouvernement serait préférable? Voulez-vous dire qu'un organisme gouvernemental pourrait être plus efficace que les banques?

M. William Loewen: Ce n'est pas exactement ce que je veux dire. Je veux dire que les banques devraient être assujetties à des règlements établis par un organisme gouvernemental. L'État n'administre pas l'industrie de la télévision ou celle du téléphone mais il les réglemente. Quand une entreprise veut innover dans un de ces domaines, elle s'adresse à un organisme compétent pour obtenir l'autorisation nécessaire. Dans notre cas, ce n'est pas possible pour l'instant. On peut seulement s'adresser à l'Association canadienne des paiements. Les résultats des démarches que nous avons faites auprès de cet organisme ont été plutôt décevants parce que nous proposions généralement des initiatives que les banques n'avaient pas encore prises. À notre point de vue, on nous faisait attendre jusqu'à ce que les banques soient en mesure de faire la même chose. Un tel système ne favorise certainement pas la concurrence.

M. Ken Epp: D'accord. Par conséquent, j'avais raison dans un sens. Les règlements de l'association ont été conçus, en partie du moins, pour tenir les concurrents à l'écart.

M. William Loewen: En très grande partie.

M. Ken Epp: Voici une question qui n'a rien à voir avec nos travaux mais elle concerne un sujet qui pique ma curiosité. Vous avez vendu Comcheq à la CIBC. J'ai lu dans le mémoire que vous lui avez vendu cette entreprise même si vous aviez reçu une offre plus élevée d'une entreprise américaine. Vous l'avez fait par amour du pays. D'après ce que j'ai lu du moins, il est évident que vous aimez le Canada puisque vous avez renoncé à la vendre à une entreprise américaine et par conséquent renoncé à un bénéfice supplémentaire pour que votre entreprise reste au Canada. La CIBC l'a de toute façon vendue plus tard à ADT.

M. William Loewen: C'est exact.

M. Ken Epp: Regrettez-vous de l'avoir vendue? Souhaiteriez-vous l'avoir gardée?

M. William Loewen: Oui. J'ai commis plus d'une erreur, mais c'est ma plus grosse.

M. Ken Epp: Bien. Je me demandais comment vous aviez réagi.

J'ai des questions à vous poser sur le document que vous nous avez remis. J'ai besoin tout d'abord de quelques petits renseignements plus précis voire d'explications. Lorsque je vais à Pizza Hut—et vous voyez que j'y vais trop souvent rien qu'en me regardant de profil—, je paie avec ma carte de crédit. Il s'agit d'une MasterCard émise par la Banque de Montréal—je fais un peu de publicité gratuite. À Pizza Hut, le caissier passe la carte dans la machine et me dit que l'argent est crédité à leur compte et débité du mien dès que la transaction est terminée. Est-ce vrai?

M. William Loewen: Je ne pense pas que ce soit tout à fait exact. À mon avis, les transactions de la journée sont regroupées et une somme globale est créditée au compte. Je ne sais pas comment cela se passe au juste.

M. Ken Epp: Bien. Votre entreprise actuelle assure-t-elle le traitement des transactions par carte de crédit?

M. William Loewen: Non.

M. Ken Epp: S'occupe-t-elle uniquement de paye?

M. William Loewen: Non. Nous ne nous occupons pas de paye.

M. Ken Epp: Oh, vous avez complètement abandonné ce genre d'activité.

M. William Loewen: À l'époque où nous essayions de devenir une banque, nous avons mis au point ce que l'on pourrait appeler un système bancaire sans succursales qui permettait de recevoir son chèque de paye par un terminal et d'avoir également accès à son compte bancaire par téléphone. Lorsque la CIBC a acheté Comcheq, elle n'a pas acheté cette partie de l'entreprise et nous avons par conséquent maintenu le service de règlement des factures. C'est ce que nous faisons pour le moment.

M. Ken Epp: Bien.

M. William Loewen: Il s'agit pratiquement du même genre de service que celui qui est offert par la banque. C'est un service de transactions bancaires par téléphone en quelque sorte.

M. Ken Epp: Par conséquent, vous assurez le paiement des factures des services publics, par exemple, pour le compte du consommateur.

M. William Loewen: Oui.

M. Ken Epp: J'ai trouvé une phrase dans votre mémoire qui m'a particulièrement frappé. Dans la section a) Sécurité d'accès, qui se trouve à la page 8, vous affirmez que votre entreprise offre une sécurité d'accès égale voire supérieure à celle d'une banque. Vous ajoutez ceci: «En fait, dans certains cas, la sécurité offerte par les banques laisse beaucoup à désirer». Que voulez-vous dire?

• 1230

M. William Loewen: À la banque, on a une carte identificatrice qui est en quelque sorte universelle, quel que soit le système utilisé. Les banques ont tendance à utiliser une seule carte identificatrice, ce qui est bien, mais il faut alors utiliser un numéro d'identification personnel, un NIP, que vous êtes le seul...

M. Ken Epp: Il s'agit généralement d'un numéro de quatre chiffres.

M. William Loewen: C'est exact. Quatre ou cinq chiffres.

Une banque avait un système—elle l'a peut-être encore—qui vous permettait, grâce à ces quatre chiffres, d'avoir accès par téléphone, par guichet automatique et probablement aussi par carte de débit. C'est assez dangereux. Je vais utiliser un peu de jargon technique. En gros, une transaction de règlement de facture comporte moins de risques qu'une transaction par GAB. Quand on fait un retrait d'argent par GAB, on a en main de l'argent que l'on peut dépenser n'importe où. Personne ne peut remonter la filière alors que, lorsqu'il s'agit d'une transaction de règlement de facture, on peut toujours retrouver des traces de toutes les opérations. Par conséquent, si quelqu'un connaît vos quatre chiffres, il peut retirer à un GAB de l'argent qui ne laisserait aucune trace. C'est une lacune de ce système.

M. Ken Epp: Ce que vous dites au sujet de la sécurité d'accès nous intéresse en partie parce que vous nous expliquez pourquoi, si l'on donnait une plus grande facilité d'accès au système des paiements à une entreprise comme la vôtre, la concurrence qui en résulterait accroîtrait notamment la sécurité et la confidentialité des renseignements pour toutes les parties, du fait que les autres banques seraient obligées de s'adapter. Elles devraient vous faire concurrence. Je suis d'accord avec vous sur ce point-là.

En ce qui concerne la confidentialité des renseignements, vous avez manifestement certains principes, et votre entreprise aussi. Vous ne vendez pas vos listes de comptes. Vous gardez tous les numéros de compte, les mots de passe et autres renseignements de ce genre confidentiels.

M. William Loewen: C'est exact.

M. Ken Epp: Les banques ne le font-elles pas?

M. William Loewen: Elles gardent certainement leurs numéros de compte et leurs mots de passe secrets. Que font-elles des renseignements sur les clients qu'elles possèdent? Je ne crois pas me tromper en disant que, dans certains cas, elles n'appliquent pas exactement les mêmes principes que nous.

M. Ken Epp: D'accord.

J'ai enseigné les mathématiques pendant 31 ans avant de devenir député. Je travaille maintenant à un endroit où je ne peux même pas apprendre aux autres à faire une addition de quelques chiffres ni à balancer les comptes.

Des voix: Bravo!

M. Ken Epp: Mes collègues apprennent lentement.

Lorsque j'étais professeur de mathématiques, j'ai fait un peu d'informatique et je m'intéressais beaucoup aux systèmes de chiffrage. J'en ai même mis un au point, mais je ne suis malheureusement jamais parvenu à le commercialiser parce que j'ai été emporté subitement par le tourbillon de la vie politique. Je voudrais savoir si vous utilisez des méthodes de chiffrage très efficaces pour les transferts.

M. William Loewen: Oui. Nous avons commencé assez tôt, au début des années 80. Notre première étape a été de mettre au point notre système de chiffrage personnel. Le vôtre est peut-être meilleur. Cela nous intéresserait de le connaître.

M. Ken Epp: Il serait sans aucun doute supérieur aux autres.

M. William Loewen: On utilise par conséquent des systèmes de chiffrage. Je suis sûr qu'ils sont utilisés par toutes les entreprises qui utilisent des données personnelles.

M. Ken Epp: Selon certaines rumeurs, les sommes d'argent que les banques perdent à cause des GAB et des transactions bancaires par téléphone sont beaucoup plus élevées qu'elles ne l'admettent publiquement. C'est le genre d'incident qu'elles cachent discrètement, parce qu'elles ne tiennent pas à ébranler la confiance des consommateurs. Pensez-vous qu'il y a une part de vérité dans ces rumeurs ou qu'elles sont dénuées de tout fondement?

M. William Loewen: Je n'ai jamais entendu parler de cela. Je ne peux pas faire de commentaire à ce sujet. Tout ce que je sais, c'est que certains systèmes de règlement des factures qui ne sont pas particulièrement vulnérables à la fraude sont toutefois exposés aux erreurs. Il est parfois très difficile de retrouver la trace et cela demande beaucoup de travail. On entend parfois parler de factures payées qui ne sont jamais créditées au compte.

• 1235

Je ne sais pas trop comment le client règle ce problème avec la banque mais ce genre d'erreur peut entraîner des pertes.

M. Ken Epp: Dans les quelques cas dont j'ai entendu parler, je crois savoir que les banques ont fait preuve d'une très grande générosité pour que le client n'ait rien à leur reprocher.

M. William Loewen: Oui.

M. Ken Epp: Le dernier sujet dont je voudrais discuter avec vous est celui de la sécurité du système de compensation. Vous dites qu'on devrait vous donner accès à ce système. Les entreprises qui sont relativement petites par rapport aux grandes banques... Je vous parle de votre entreprise actuelle—bien que, d'après ce que j'ai lu dans ce document, les sommes manipulées par Comcheq étaient finalement comparables à celles manipulées par les petites banques.

Si l'on modifiait les règlements de façon à autoriser l'accès au système des paiements à des entreprises comme la vôtre, cela ne le rendrait-il pas accessible à toutes sortes d'autres entreprises d'un peu partout au Canada?

Nous avons déjà entendu le témoignage de sociétés d'assurance qui se chargent du paiement des prestations d'invalidité courantes et font d'autres opérations analogues. Elles voudraient avoir accès au système des paiements pour pouvoir faire des virements automatiques sans devoir passer par la banque, qui conserve tous ces fonds en attendant qu'ils soient transférés. D'après elles, cela représente des sommes assez importantes qui sont bloquées en attendant que le transfert se fasse.

Si nous vous donnons accès au système, nous devons également leur permettre d'y avoir accès; nous devons permettre à toutes les entreprises qui le désirent d'y avoir accès. Cela ne compromettrait-il pas la sécurité du système de compensation?

M. William Loewen: Je n'en suis pas sûr. Cela dépendrait des circonstances mais je ne demande pas nécessairement l'accès au système de compensation, contrairement à ce que vous dites.

Que l'on en soit conscient ou non, nous faisons tous partie du système de compensation mais ce que nous réclamons, ce sont des règles. Je vais vous citer un exemple. Supposons que nous ne devenions jamais des adhérents du système des paiements. L'Association canadienne des paiements continue d'établir des règles qui nous empêchent de faire un certain type de transaction que nous utilisons pour la compensation par l'intermédiaire de notre banque, parce qu'il va à l'encontre de ces règles.

Nous voulons que ces règles soient établies par un autre organisme entièrement indépendant des banques. Le premier gros problème auquel notre service de règlement des factures s'est trouvé confronté a été causé par une règle établie par l'Association canadienne des paiements. Nous en avions beaucoup discuté avec elle avant son adoption. Elle prétendait que cela ne nous causerait pas la moindre difficulté.

Après avoir adopté cette règle, l'ACP l'a interprétée de telle façon que, si nous pouvions nous occuper de payer les factures de services publics comme le téléphone ou l'électricité et autres factures de ce genre de nos clients, nous n'étions pas autorisés à payer les relevés de compte de cartes de crédit, sous prétexte qu'il s'agit de paiements variables, alors que les autres types de paiements ne le sont pas.

À cause de cela, l'attrait de nos services a beaucoup diminué aux yeux de nos clients; cela leur a causé un choc énorme. À cette époque, nous faisions des virements à la banque concernée. La CIBC, la Banque de Montréal et la Banque de la Nouvelle-Écosse nous ont dit que, puisque nous avions toujours procédé de la sorte avant l'entrée en vigueur de cette règle, nous pouvions continuer ainsi.

Par contre, la Banque Royale et la Banque Toronto Dominion nous ont dit qu'on ne pouvait plus procéder ainsi. Nous avons par conséquent dû en aviser tous nos clients qui font affaire avec ces banques. Cela nous a finalement obligés à changer d'orientation.

Quatre ou cinq ans plus tard, l'ACP a finalement modifié la règle en question. Je possède des boîtes remplies d'études, de courrier et autres documents concernant cette affaire. L'ACP a décidé que les paiements variables étaient acceptables dans certains cas. Il nous a donc fallu supporter tout cela pour revenir à un système qui était efficace dès le début et que les consommateurs appréciaient, de toute évidence.

• 1240

M. Ken Epp: Merci beaucoup. J'ai hâte de lire cet autre gros document que je n'ai pas encore examiné. Je le lirai sur l'avion plus tard dans la journée.

Merci pour votre exposé. Il m'a sensibilisé davantage à la nécessité de permettre la concurrence dans un secteur comme celui-ci afin d'obliger les grandes banques à se tenir sur leurs gardes et à s'efforcer d'être aussi efficaces que vous.

M. William Loewen: Nous voudrions faire beaucoup d'autres innovations mais ce serait trop risqué dans la situation actuelle.

M. Ken Epp: Merci.

Le président: Merci, monsieur Epp.

Merci à tous. Il nous semble de plus en plus évident que notre secteur des services financiers est un des meilleurs du monde. C'est ce que tout le monde dit. Il est très important de le reconnaître. Nous sommes par ailleurs conscients du fait que ce n'est pas uniquement à cause des règlements mais aussi parce qu'il y a des experts très compétents dans toutes les branches de ce secteur.

Étant chargés d'établir les politiques gouvernementales, nous essayons d'être à l'avant-garde et de préparer l'avenir. C'est le défi que nous avons à relever. C'est cela le leadership. Il faut avoir une vision de l'avenir. En notre qualité de parlementaires, nous avons l'avantage d'écouter des gens comme vous qui comprennent le secteur des services financiers et qui nous fournissent des renseignements précieux.

Nous nous laisserons guider par notre volonté d'élaborer un système concurrentiel qui assure à la fois une bonne protection et un certain choix au consommateur, qui lui donne accès à la plus vaste gamme de produits possible au meilleur prix. Nous nous rendons compte de l'importance de la stabilité du système parce que le secteur des services financiers contribue pour beaucoup à la vigueur économique et à la prospérité d'une nation.

Merci encore une fois.

La séance est suspendue jusqu'à 13 heures.

• 1242




• 1402

Le président: Bonjour. Comme vous le savez, nous sommes ici pour étudier le rapport MacKay, pour demander aux Canadiens comment ils envisagent l'avenir du secteur des services financiers, quels problèmes il conviendrait d'examiner et comment on peut influencer l'avenir. Si l'on ne peut pas le prédire, nous pouvons au moins essayer de savoir comment l'influencer et c'est précisément le but de cet exercice.

Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous des représentants des organismes et entreprises suivants: Allmar Distributors Limited, M. Bühler de Bühler Industries Inc., Energy Consultants International Inc., la Société du crédit agricole, Man-Shield Construction Inc. et Entreprises Ramboc.

Je donne la parole à M. Bühler. Bonjour.

M. John Bühler (président, Bühler Industries Inc.): Je m'appelle John Bühler. Je suis président d'une entreprise de fabrication de matériel agricole léger.

Mes parents sont partis de Russie pour venir au Canada en 1929. Je n'étais pas encore né. En 1956, j'ai acheté ma première entreprise alors que je n'avais pour ainsi dire pas un sou, grâce à un petit prêt bancaire.

Après avoir été à l'école pendant 12 ans, quand j'étais en 9e année, j'ai dit à mon jeune frère, qui était déjà en 11e année, que j'allais emprunter un million de dollars à la banque. Il m'a dit en se moquant de moi que je devrais agrandir mon circuit de distribution de journaux. À cette époque, je faisais affaire avec la Banque Royale.

J'avais un problème. Je savais ce que je voulais. Je savais que ne serais jamais universitaire. Par conséquent, j'ai abandonné mes études et je suis allé travailler pour le CP Rail comme sous-chef de gare. Je suis rapidement devenu télégraphiste, puis chef de gare. J'ai également appris très vite qu'un emploi dans une compagnie de chemin de fer ressemble à un emploi dans la fonction publique: je devenais un expert en oisiveté. Par conséquent, à l'âge de 22 ans, je suis allé revoir mon banquier.

Je voulais emprunter 5 000 $ pour faire démarrer une entreprise. «Combien d'argent avez-vous?», m'a-t-il demandé. Je lui a répondu que je ne serais pas là si j'avais de l'argent. Je lui ai dit que j'avais 1 000 $. Il m'a prêté 1 000 $ et j'ai lancé mon entreprise. Deux ans plus tard, je suis allé retrouvé le même banquier pour obtenir un autre prêt. Il m'a alors expliqué le principe du niveau d'endettement par rapport à l'avoir. Je l'ai cru et j'ai appliqué ce principe de façon systématique pendant mes 45 années de carrière dans les affaires, et je continue de l'appliquer.

Je lui ai dit qu'un jour je viendrais lui emprunter un million de dollars. Il m'a fallu dix ans, mais j'y suis arrivé. Lorsque j'ai emprunté le million de dollars, je me suis fixé un nouvel objectif de dix millions de dollars. Je l'ai atteint et les banques m'ont prêté cette somme de bon gré.

Si je vous raconte cette anecdote, c'est parce qu'elle permet de comprendre que les personnes comme moi, qui ont un rêve pour seule richesse, peuvent arriver à le réaliser avec l'aide d'une banque.

• 1405

Je n'entretiens pas des relations particulièrement amicales avec la banque. En fait, je mets les banques dans le même sac que les avocats, les comptables et les consultants. Nous avons toutefois besoin d'elles alors que nous pourrions peut-être nous passer de ces derniers.

Notre entreprise a pris de l'expansion avec le temps. Nous avons deux usines aux États-Unis. Là-bas dans le Sud, les banques savent à peine où est situé le Canada et elles ne comprennent pas du tout notre système bancaire.

Le système canadien est nettement supérieur à n'importe quel système bancaire américain que je connais. Nous sommes rentrés depuis peu du Royaume-Uni, d'Angleterre plus exactement, où j'ai regardé des émissions d'information pour entendre des nouvelles sur le Canada. Je n'en ai pas entendues. Je ne suis même pas parvenu à obtenir les taux de change alors que les taux de change pour les devises de tous les petits pays voisins étaient publiés.

Pour que le Canada soit reconnu, il faut commencer quelque part. Les banques suisses sont réputées dans le monde entier. Pourquoi pas les banques canadiennes?

Si vous devez établir une réglementation, réglementez la rémunération des p.-d.g. des banques mais n'entravez surtout pas la croissance de ces dernières.

Si vous devez établir une réglementation, faites payer autant d'impôts aux banques qu'à une entreprise comme la mienne, qui paie 42 p. 100, déduction faite du crédit pour la taxe de fabrication. Si j'ai bien compris, les banques canadiennes paient environ 22 p. 100 d'impôts. Il faudrait que je mette la main sur leur comptable.

Notre petite entreprise compte un peu plus de 600 employés. Elle paie plus de quatre millions de dollars d'impôts par an. Cela ne me fait rien. Tout ce que je veux, c'est être traité équitablement. Il serait à mon avis profondément injuste de priver les Canadiens, y compris moi-même, du droit d'avoir une banque reconnue à l'échelle internationale.

Il faudra des années pour réaliser cette fusion; il faudrait par conséquent cesser de parler et commencer à agir.

Les banques appartiennent à des citoyens ordinaires comme vous et moi. Pourquoi les Canadiens ne seraient-ils pas fiers de dire qu'ils possèdent une des plus grandes banques du monde? N'écoutez pas tous les arguments négatifs. Pourquoi les Canadiens ne pourraient-ils pas rêver de grandeur? Si un jeune qui a abandonné ses études en 9e année peut faire un rêve et finir par payer plus de quatre millions de dollars par an en impôts sur le revenu, pourquoi ne permettrait-on pas aux banques ou aux banquiers de rêver et de payer quatre milliards de dollars voire 40 milliards de dollars par an en impôts sur le revenu? Vous pourriez peut-être leur faire payer 40 milliards de dollars par an en impôts sur le revenu mais de grâce, n'entravez pas leur croissance.

Bref, je suis en faveur de cette fusion. C'est le point de départ d'un changement très bénéfique pour le Canada. On ne peut pas avoir peur du changement quand on souhaite que le pays progresse. Je souhaiterais qu'il existe une banque canadienne d'envergure internationale, reconnue dans le monde entier. Cette banque pourrait accroître davantage la visibilité du Canada que tout autre facteur et elle prouverait davantage son dynamisme aux autres pays que n'importe quel discours politique, ce qui est apparemment tout ce dont nous devons nous contenter ces derniers temps.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur David Farlinger, président de Energy Consultants International Inc.

Bonjour.

M. David Farlinger (président, Energy Consultants International Inc.): Merci. Je suis accompagné de M. Sandison. Nous sommes les principaux dirigeants de Energy Consultants International Inc.

On dirait que M. Bühler n'apprécie pas trop les consultants mais nous pourrions peut-être lui donner l'occasion de voir ce que nous pouvons faire pour lui. C'est peut-être de nous qu'il parlait.

Quoi qu'il en soit, Energy Consultants International Inc. est une petite entreprise. Nous offrons des services que je qualifierais d'études de coûts techniques dans le secteur de l'énergie. Nous faisons beaucoup de travaux et d'analyses de taux. Nous travaillons principalement pour des organismes de réglementation, au Canada comme à l'étranger.

Je signale que nous possédions, mon collègue et moi, une plus grosse firme d'ingénierie, qui occupait environ 300 personnes et dont les recettes se chiffraient à 20 millions de dollars; nous l'avons vendue il y a plusieurs années. Nous avons ensuite lancé une nouvelle entreprise plus petite et plus spécialisée.

Merci de nous avoir donné l'occasion de venir faire cet exposé. Nous savons que les présentes audiences s'inscrivent dans une perspective plus large mais nous souhaitons parler plus particulièrement des fusions de banques et des répercussions qu'elles ont sur les petits entrepreneurs et les particuliers, que ce soit dans l'immédiat ou dans un avenir rapproché

• 1410

Étant donné que j'ai été dernièrement président du programme de consultation publique concernant les inondations de la rivière Rouge de 1997, une des plus grosses catastrophes naturelles survenues au Canada, je comprends qu'il est important que les Canadiens expriment leurs opinions d'une façon sensée.

Pour nous préparer aux audiences d'aujourd'hui, nous avons dû faire beaucoup de recherche sur l'industrie bancaire canadienne. Voici les facteurs que nous jugeons importants.

Des changements radicaux sont en train de se produire dans le secteur bancaire, comme dans bien d'autres secteurs, en raison de la mondialisation, des progrès technologiques et de l'évolution démographique. Le secteur bancaire est, d'une manière générale, très concurrentiel, comme l'ensemble du secteur des services financiers. Un système bancaire vigoureux a permis aux banques d'établir une assise solide au Canada et à partir de là, de s'implanter convenablement à l'étranger, dans l'intérêt des Canadiens. À cet égard, le secteur bancaire est semblable à celui de l'ingénierie et à bien d'autres secteurs. Nous estimons que c'est très important. Il faut une assise solide au Canada pour pouvoir être concurrentiel à l'échelle internationale.

La façon dont la clientèle fait ses transactions bancaires est en train de changer radicalement en raison des progrès technologiques. Cette situation confronte ce secteur à des difficultés de taille tout en lui offrant de nouveaux débouchés. À cause d'un certain nombre de facteurs, les Canadiens placent désormais la plupart de leurs économies dans des fonds communs de placement et dans des obligations au lieu de les placer à la banque. Par conséquent, la part du marché des banques diminue et le réseau des succursales est menacé à cause de la diminution de la demande et par conséquent des économies d'échelle. En outre, de grosses entreprises spécialisées dans un seul type d'activité, comme les établissements émetteurs de cartes de crédit et les sociétés de prêts hypothécaires, ont recours au gigantisme et à la technologie pour devenir très concurrentielles au détriment des banques.

Nous estimons qu'un système bancaire national solide est nécessaire pour fournir à tous les Canadiens, quelle que soit la région, les services dont ils ont besoin et permettre aux banques canadiennes de prendre de l'expansion à l'étranger, créant du même coup des emplois chez nous et faisant la prospérité des actionnaires canadiens. À ce propos, nous souhaitons vous parler des circonstances entourant une soumission que nous avons faite dernièrement pour des travaux au Mexique, où nous participons très activement depuis deux ans à la privatisation et au développement de l'industrie du gaz naturel. Nous avions très peu de temps pour fournir une caution de soumission et une garantie d'exécution. Nous y sommes parvenus relativement vite grâce aux relations qui existent entre une banque canadienne, la Banque de Montréal en l'occurrence, avec Bancomer, une institution financière mexicaine. Sans cela, nous n'aurions pas pu les fournir à temps pour présenter notre soumission.

Cet exemple démontre que les Canadiens ont besoin d'un système bancaire robuste au Canada pour qu'il ait des chances de s'implanter solidement à l'étranger, dans l'intérêt de l'industrie canadienne. Je profite de l'occasion pour signaler rapidement que les institutions mexicaines sont dotées des technologies les plus modernes et qu'elles risquent de nous faire un jour une sérieuse concurrence.

Nous estimons que dans le secteur bancaire, comme dans bien d'autres, la taille et le savoir-faire ont beaucoup d'importance lorsqu'il s'agit d'être à la pointe de la technologie et d'offrir des services concurrentiels. C'est pourquoi nous en sommes arrivés à la conclusion qu'en définitive, les fusions sont nécessaires et qu'elles servent les intérêts des Canadiens.

Les fusions permettront aux banques canadiennes de consolider leurs assises au Canada pour pouvoir prendre de l'expansion à l'étranger, préservant ainsi les emplois au Canada et en créant de nouveaux. Elles contribueront à préserver le réseau de succursales grâce à des économies d'échelle, permettront aux institutions bancaires canadiennes d'être concurrentielles à l'échelle mondiale, leur permettront de faire des investissements d'une importance critique dans la technologie ainsi que dans de nouveaux produits et services et d'être mieux armées pour affronter la concurrence des grosses institutions spécialisées.

À notre avis, si les projets de fusion avortent, cette situation aura de graves répercussions pour l'industrie canadienne; elle entraînera notamment des pertes d'emplois et une diminution des recettes fiscales. Ce qui est encore plus grave, c'est que l'on ne s'en rendra pas compte avant un certain temps et qu'il sera alors trop tard pour remédier à la situation.

Nous sommes convaincus que l'on ne peut pas aller à contre-courant des forces du marché qui entraînent inexorablement les banques vers les fusions afin de leur permettre de protéger leur acquis et de prospérer à l'avenir.

C'est tout, monsieur le président. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Je donne maintenant la parole à M. John Ryan, président-directeur général de la Société du crédit agricole. Bonjour.

M. John Ryan (président et directeur général, Société du crédit agricole): Merci. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter de l'avenir du secteur des services financiers et exposer le point de vue de la Société du crédit agricole. Avant de vous donner notre opinion sur les recommandations du groupe de travail MacKay, je voudrais vous expliquer en quelques mots en quoi consiste la Société du crédit agricole.

Elle a été établie en 1959. Elle est le plus important prêteur agricole à terme du Canada. Nous avons environ 70 000 clients dans toutes les régions du pays. Nos 900 employés sont répartis dans une centaine de bureaux situés dans les régions rurales. Notre siège social est situé au coeur de la zone céréalière canadienne, à Regina, en Saskatchewan.

En ce qui concerne nos services, la demande ne cesse d'augmenter. L'année dernière, nous avons approuvé des demandes de prêts d'une valeur de 1,5 milliard de dollars au lieu d'environ 600 millions de dollars en 1995. C'est une très forte augmentation sur une période de trois ans. Notre position financière est solide, ayant généré des profits pendant huit années consécutives. La valeur globale de notre portefeuille a atteint environ 5,3 milliards de dollars.

• 1415

La Société du crédit agricole se consacre entièrement à l'agriculture et aux collectivités rurales du Canada. Nous estimons par conséquent avoir une perspective unique à partager avec vous aujourd'hui, étant donné la période d'incertitude et de bouleversements que traverse le secteur des services financiers. Nous avons toujours offert aux collectivités rurales canadiennes une option de rechange—ce qui deviendra encore plus important à mon avis dans l'avenir, étant donné la consolidation du secteur financier et le creux du cycle économique dans lequel nous nous trouvons pour l'instant. Vous trouverez des renseignements supplémentaires sur la Société du crédit agricole et sur les produits et services que nous offrons dans les annexes qui vous ont été distribuées.

Au nom de la Société du crédit agricole et de ses clients, j'aimerais parler des recommandations clés présentées dans le rapport MacKay qui pourraient avoir des conséquences pour les collectivités rurales.

Les auteurs du rapport MacKay affirment que le renforcement de la concurrence est essentiel à la concrétisation de leur vision. Nous croyons également que le renforcement de la concurrence et un meilleur accès au capital sont essentiels à la concrétisation de la vision collective des intervenants du secteur agricole canadien.

À ce propos, trois mots clés me viennent à l'esprit: accès, disponibilité et choix. Tous les Canadiens doivent avoir différents moyens d'accès aux institutions financières, soit par la voie électronique, par téléphone ou en personne. Ils doivent également être assurés de l'accessibilité du crédit, quelle que soit la région où est située leur exploitation. Ils doivent enfin pouvoir choisir le fournisseur des services dont ils ont besoin et le mode d'exécution de ces services.

Le secteur agricole traverse une période de grandes perturbations attribuables à la mondialisation et à la concurrence. Il y a quelques années à peine, l'agriculture représentait pour la majorité des agriculteurs une activité traditionnelle axée sur la production de denrées. Aujourd'hui, l'activité économique agricole contribue à la production de la valeur ajoutée du début à la fin, de la production de matières premières à la transformation, à l'emballage et au produit final destiné à la consommation.

Le secteur agricole est une composante vitale de l'économie canadienne. Il doit relever le défi d'accroître la part des exportations canadiennes de produits agricoles et agroalimentaires sur le marché mondial de 3 4 p. 100 d'ici 2005. La valeur de ces exportations se chiffrerait alors à 40 milliards de dollars par année, comparativement à 23 milliards de dollars aujourd'hui.

La recommandation numéro 17 concernant les progrès technologiques dans le secteur bancaire, faciliterait effectivement l'accès et la concurrence. Un sondage effectué récemment auprès des agriculteurs canadiens indique que 50 p. 100 d'entre eux seront branchés sur Internet d'ici l'an 2000.

Tel que le souligne la recommandation numéro 21, la location à bail des véhicules améliorerait également l'accès aux services et favoriserait la concurrence sur le marché à l'avantage des consommateurs. En raison des coûts d'achat élevés, la popularité du système de location à bail de matériel agricole s'est accrue au cours des deux ou trois dernières années.

La SCA s'efforce constamment de respecter l'esprit de la recommandation numéro 53 concernant une information complète.

Conformément à la recommandation numéro 79—voulant que chaque institution financière se dote d'un ombudsman interne—, les comités d'examen des prêts à l'échelle du pays procurent aux consommateurs un premier palier de recours pour contester le refus par la SCA de leur demande de prêt.

Conformément à la recommandation numéro 102, qui concerne les problèmes de taux élevé de rotation des directeurs de comptes, j'ai le plaisir de vous annoncer que la SCA maintient depuis longtemps une présence durable dans les régions rurales du Canada.

La recommandation numéro 104 concernant les emprunteurs présentant plus de risques soulève un problème important pour les agriculteurs et les agri-entreprises qui envisagent d'adopter des procédés de production et de transformation à valeur ajoutée et des technologies de pointe.

La recommandation 107 concorde avec ce que nos clients nous disent. En raison des défis engendrés par la mondialisation, l'intensification de la concurrence et la déréglementation, le secteur agricole devra se transformer à un rythme très accéléré. Cela ne sera possible qu'en poursuivant avec plus d'empressement des initiatives en faveur des entreprises axées sur le savoir, surtout dans le domaine des technologies nouvelles comme les techniques de production, la biotechnologie et l'ingénierie. Pour développer ces technologies nouvelles, il faut effectuer des recherches, faire preuve de patience et pouvoir répondre à la demande accrue de capital de constitution et de capital de risque.

Pour reprendre les paroles de Harold MacKay, le changement est le résultat des actions des dirigeants, des entrepreneurs et des innovateurs. On ne peut pas fermer les yeux sur eux ou faire semblant qu'ils n'existent pas.

En tant qu'institution prêteuse consacrée au secteur agricole, la SCA rejette l'option du statu quo, étant donné l'évolution constante du secteur agricole et de l'économie mondiale dans son ensemble. À mesure que notre environnement se mondialise, il nous faudra plus d'un seul modèle. Il faudra de grands fournisseurs de services financiers universels, mais les institutions financières à créneaux bien établies auront également un rôle à jouer. Nous croyons que la Société du crédit agricole a sa place. Nous nous consacrons exclusivement à l'agriculture et à la grande variété de produits et d'activités qu'elle englobe. Parce qu'il est une composante vitale de l'économie, le secteur agricole doit être suivi de près pour éviter de laisser passer les nouveaux défis auxquels il est confronté et tirer profit des occasions qui se présentent.

• 1420

Pour conclure, je tiens à féliciter le Groupe de travail dirigé par M. MacKay d'avoir produit un rapport visionnaire qui va droit au but. Nous nous réjouissons d'avance d'avoir la possibilité de collaborer avec d'autres institutions financières au cours des années à venir, qui s'annoncent riches en changements et en occasions de croissance. Nous estimons que la Société du crédit agricole est dans une position idéale pour s'adapter aux changements qui se produisent au sein du secteur agricole et de celui des services financiers et nous sommes disposés à discuter de la façon dont nous pourrions aligner nos activités sur les recommandations du groupe de travail qui doivent être adoptées par le gouvernement.

Nous sommes entièrement consacrés au secteur agricole qui se situe dans les régions rurales du Canada et nous nous efforçons non seulement de lui emboîter le pas à mesure qu'il évolue mais également de prendre de l'avance et de nous affirmer comme le chef de file du financement agricole.

J'ai terminé, monsieur le président. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ryan.

Nous allons maintenant écouter M. Tom Struthers, président et propriétaire de Entreprises Ramboc. Bonjour.

M. Tom Struthers (président et propriétaire, Entreprises Ramboc): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens à vous signaler d'abord que j'ai fini par trouver un domaine dans lequel je bats John Bühler. En effet, j'ai terminé ma 10e année.

Notre entreprise a également des liens avec le secteur agricole et par conséquent les processus et les changements dont a parlé M. Ryan font pour nous partie de la vie courante. Nous sommes très au courant de l'aspect mondial actuel de ce secteur d'activité.

Les rôles que jouent les banques dans ma branche sont ceux de prêteur, de fournisseur de services innovateurs, de conseiller, de consultant et de futur partenaire stratégique. Ce dont a besoin Entreprises Ramboc, c'est une société financière appartenant aux Canadiens et administrée par eux, un prêteur concurrentiel, un fournisseur de services, bref une société qui nous offre des solutions mondiales pratiques et des services consultatifs compétents.

La banque dont mon entreprise a besoin doit être sous gestion canadienne et comprendre à fond mes besoins bancaires à l'échelle mondiale. Autrement dit, il faut que ce soit une banque canadienne prospère et concurrentielle à l'échelle internationale. La banque dont j'ai besoin devra utiliser des technologies de niveau international pour fournir des services globaux tels que le transfert de chèques à l'échelle mondiale, l'émission de lettres de créance électroniques, des services mondiaux d'évaluation du crédit, des services de change et de nouveaux produits technologiques concurrentiels, à mesure qu'ils deviennent accessibles. Elle devra également connaître tous les produits qui me permettront de rester concurrentiel à l'échelle internationale. Elle devra enfin connaître tous les aspects de mon secteur d'activité y compris les prévisions, les tendances des taux de change et la gestion des risques.

Au début, ma banque me prêtait des capitaux. C'était assez simple. Je négociais le meilleur taux et c'était tout. À mesure que mon entreprise prenait de l'expansion, le rôle de ma banque s'est élargi également: elle devait me fournir des services de change, des services d'options et des services de transfert de chèques en devises étrangères. Quand nous avons eu besoin de services de location à bail et de services hypothécaires, ils ont été fournis par la Banque Royale. Nous avons en outre besoin de bons renseignements sur les services bancaires et de services d'encadrement. Notre banque est comme un partenaire; elle relève les opportunités et nous aide à accroître le statut de nos clients, de nos fournisseurs et de nos nouveaux clients potentiels.

La Banque Royale a contribué énormément à accroître la visibilité de notre industrie et de notre collectivité. Mes partenaires du secteur bancaire m'offrent des choix. Nous sommes une entreprise très prospère et je reçois toutes les semaines des appels de concurrents de la Banque Royale. Par contre jamais la Banque Royale, ou quelque autre banque que ce soit, n'a fait étalage de son envergure.

• 1425

Si le gouvernement estime devoir empêcher les banques canadiennes de prendre de l'expansion et de tirer parti de la technologie pour fournir des services, cela m'inquiète beaucoup. C'est le moment ou jamais pour nos banques de faire les changements nécessaires pour devenir des entreprises d'envergure internationale.

Les banques canadiennes, l'État ou les Canadiens ont malheureusement créé le besoin de changement, mais ce besoin est réel. Le gouvernement devrait encourager les p.-d.g. dynamiques de nos banques à faire prendre de gros risques à leur entreprise et à en prendre personnellement, pour avoir une vision de l'avenir de leur entreprise qui lui donne des chances de réussir sur le marché international.

Leur décision de fusionner n'est pas une garantie de réussite. Cette aventure comporte des risques énormes. Elles ont besoin de l'appui inconditionnel du gouvernement canadien. Nous y gagnerons tous si le gouvernement fait le nécessaire pour faciliter ces changements.

L'autre option est de laisser les banques s'affaiblir ou de les laisser tomber entre les mains ou sous le contrôle d'énormes banques étrangères qui n'auront pas à coeur les intérêts de Ramboc. Si le gouvernement décide qu'un secteur des services financiers vigoureux est important pour le Canada et les Canadiens, faites-lui comprendre qu'il faut aider sans tarder les institutions financières canadiennes à survivre et à prospérer.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Struthers.

Je donne la parole à M. Joe Bova, gérant de Man-Shield Construction Inc. Bonjour.

M. Joe Bova (gérant, Man-Shield Construction Inc.): Bonjour. Soyez les bienvenus à Winnipeg.

Je suis venu d'Italie il y a 36 ans. Depuis lors, je suis arrivé à faire des études universitaires, à fonder une famille et à créer une entreprise, ce dont je suis très fier. Je suis également client de la Banque Royale depuis lors. Je dois reconnaître que j'ai un parti pris en faveur des banques et du Canada.

Abraham Lincoln a dit un jour ceci: «Un pays, c'est comme un enfant. Quand l'enfant grandit, il faut lui mettre d'autres culottes sinon sa croissance s'arrête ou il les fera craquer.» Je crois que le rapport MacKay voulait plus ou moins dire la même chose en concluant que les changements sont inexorables et que l'on ne peut pas les ignorer. Pour les institutions financières, pour leurs clients et pour la politique gouvernementale, le statu quo n'est pas une solution.

Étant donné que dans une société aussi dynamique que la nôtre le changement est inévitable, je me suis demandé quelles seraient pour moi les conséquences de cette fusion, que ce soit à titre de citoyen, de père de famille ou d'homme d'affaires. À mon avis, un des arguments—et c'est peut-être le plus convaincant—qui est invoqué pour affirmer que cette fusion ne devrait pas avoir lieu est qu'elle réduira la compétitivité des banques sur le marché. Je tiens à vous signaler que je ne suis pas d'accord du tout et voici pourquoi.

Si l'on suit le même raisonnement, on doit forcément en conclure que, dans un pays doté d'une superbanque issue de la fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal, les clients n'obtiendraient pas un bon service et qu'en fait, on ne s'intéresserait même pas aux nouveaux clients potentiels. Les raisons pour laquelle des entreprises, y compris des institutions financières, quelles que soient leur taille ou leur situation monopolistique, tiennent ce genre de raisonnement m'échappent. Comme dans mon cas, pour assurer la continuité, elles doivent élargir leur clientèle au lieu de la réduire.

Je crois que mon gérant de banque approuverait ma demande de prêt ou d'hypothèque non parce que je risque de changer de banque mais parce qu'il considère que c'est une bonne affaire de me prêter de l'argent, tant sur le plan commercial que sur le plan personnel. Si mon crédit n'est pas bon, les banques refuseront toutes de me prêter de l'argent, peu importe leur nombre ou leur taille. Cela ne veut pas dire que je ne veuille pas que le nombre de banques augmente au Canada. En fait, comme le dit M. MacKay dans la conclusion de son rapport, la meilleure formule consiste à faire disparaître les obstacles et à permettre au plus grand nombre possible de banques de s'établir dans ce pays. Il ne faut toutefois pas confondre une fusion de banques, qui est une décision d'affaires, avec la capacité de ma banque voire sa volonté de me traiter de façon décente.

• 1430

D'autres personnes estiment que, si la fusion a lieu, des centaines de succursales seront fermées un peu partout dans le pays et des milliers d'employés perdront leur emploi. Cela m'a tracassé. Ma soeur est caissière de banque et je suis allé lui parler. Je dois reconnaître que ce n'est pas uniquement parce que je voulais préparer mon exposé. C'était un peu aussi par intérêt personnel. Je suis sûr que M. Bevilacqua sait ce qui se passe dans une famille italienne quand un de ses membres perd son emploi; elle finirait probablement par être à ma charge pendant un certain temps.

Ma soeur m'a dit que les fermetures de succursales et les compressions de personnel par attrition duraient depuis des années et qu'elles étaient générales. Actuellement, depuis l'apparition des transactions bancaires sur Internet, des GAB et des transactions bancaires par téléphone, moins de 15 p. 100 du total des transactions financières se font en personne dans une succursale—moins de 15 p. 100. Voilà pourquoi. Par conséquent, je lui ai demandé ce qu'elle deviendrait. Elle m'a dit qu'elle avait suivi une formation pour être promue aux services bancaires aux particuliers de sa banque.

S'il y a une chose qui n'a jamais changé dans le monde, c'est qu'un changement se produit un jour ou l'autre et qu'il faut s'adapter. C'est le cas par exemple du gouvernement dont vous vous occupez avec un sens aigu des responsabilités, le gouvernement du Canada. Il a dû considérablement modifier son administration au cours des dix dernières années. En fait, le gouvernement du Canada a restructuré, fusionné voire supprimé non seulement certains programmes mais des ministères complets. N'oubliez pas que le grand protecteur des programmes publics et de l'administration publiques, le gouvernement néo-démocrate de la Saskatchewan, a dû supprimer des centaines de lits d'hôpitaux et des centaines d'emplois dans la fonction publique. Il ne l'a pas fait par principe mais par nécessité.

Je me demande sincèrement si nous avons le droit de discuter comme nous le faisons de l'opportunité d'accorder à la Banque de Montréal et à la Banque Royale le droit de faire ce que vous vous êtes permis de faire au cours des dix dernières années pour le compte du gouvernement du Canada. Et surtout, je ne peux m'empêcher de me demander quelles seraient les conséquences de l'avortement de ce projet de fusion.

J'ai deux fils; l'un est diplômé de la Faculté de gestion de la University of Manitoba et l'autre aura bientôt terminé ses études universitaires. Quel avenir auront-ils si nous refusons d'accorder à nos banques les moyens d'être concurrentielles à l'échelle internationale? Que leur réservera l'avenir si nous n'arrivons pas à envisager l'avenir dans une perspective mondiale? Que deviendront-ils quand nous aurons obligé nos institutions financières à rester de petites entreprises incapables de se défendre contre les tentatives de prise de contrôle par des institutions étrangères—fort probables à mon avis—et quand notre compétitivité sur les marchés mondiaux aura diminué?

Je ne parle pas des possibilités d'accroissement du rendement qui seront immanquablement engendrées par une fusion. Je n'envisage même pas la possibilité de profiter, comme consommateur, de ce rendement accru par le biais d'une réduction des frais bancaires. Je ne pense pas que ce soit là l'enjeu. Ce n'est qu'une question d'ordre purement financier. Le tout, c'est de savoir s'il faut appliquer la politique de l'autruche ou relever le défi et se classer parmi les pays les plus avancés sur le plan économique au cours du XXIe siècle, pour cesser d'être une nation de bûcherons et de porteurs d'eau. Cette situation me suffisait mais je crois sincèrement qu'elle ne suffit plus pour mes enfants.

• 1435

Quelqu'un a dit longtemps avant que je n'arrive au Canada que le XXIe siècle appartiendrait au Canada. Vous représentez le leadership politique de ce pays. Le XXe siècle nous appartenait-il? Sinon, pourquoi ne nous appartenait-il pas?

Je me permets de dire que c'est parce que nous nous sommes contentés d'être des bûcherons et des porteurs d'eau. Nous nous sommes contentés d'une culture fondée sur le compromis politique voire une performance médiocre.

Le XXIe siècle ne nous permettra plus d'échapper au changement. Tout pays qui ne relèvera pas le défi de la mondialisation et qui se retranchera dans son passé confortable devra se contenter d'une devise dévaluée de moitié ou pire encore, il sera relégué aux oubliettes de l'histoire.

Par conséquent, comme l'a si bien dit Abraham Lincoln à propos des enfants, il faut l'aider à se procurer des culottes plus grandes ou vous serez responsables d'avoir ralenti sa croissance ou pire encore, de lui avoir fait craquer ses culottes.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bova.

La présentation des mémoires est terminée. La période des questions durera 15 minutes. Veuillez commencer, monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens avant tout à vous remercier tous pour vos exposés. Je tiens à vous dire, au nom de tous mes collègues, que nous apprécions les diverses perspectives que vous nous avez fait entrevoir.

J'ai entré quelques notes dans mon ordinateur. Dans la section consacrée aux banques, j'ai notamment noté quelques commentaires de mes collègues. Certains disent que les banques devraient fusionner alors que d'autres estiment que non.

Dans les deux cas, ils ont avancé des arguments convaincants. Bien entendu, notre tâche ne consiste toutefois pas uniquement à établir un processus de fusion en ce qui concerne les banques. En fait, comme l'a signalé notre président, le rapport MacKay n'examine pas expressément la question des fusions mais donne quelques indications au sujet du processus à suivre en ce qui concerne les projets de fusion ou autres rajustements proposés.

Je m'adresse d'abord à M. Bühler. Vous avez dit que nous ne devrions pas dresser d'obstacles à l'expansion des entreprises. D'après ce que vous avez dit, j'ai l'impression que les banques respectent leurs propres règles ou celles qui leur ont été imposées et qu'elles vous ont assez bien traité. Par contre, vous avez dit qu'elles devraient payer leur juste part d'impôts.

Si on leur fait payer davantage d'impôts, elles vous feront payer un taux d'intérêt plus élevé parce que les banques sont là pour faire gagner de l'argent à leurs actionnaires. Si une hausse d'impôts fait partie de leurs coûts, elles feront tout simplement payer ce coût supplémentaire aux emprunteurs ou aux déposants. Par conséquent, cela ne ferait en réalité aucune différence.

Pourquoi tenez-vous à ce qu'elles paient des impôts?

M. John Bühler: J'adore votre logique, monsieur Epp. Je crois qu'il faudrait également diminuer mes impôts car dans ce cas, je ferais payer moins aux agriculteurs pour leur matériel. Ce type de raisonnement est valable à tous les niveaux.

Il ne devrait pas y avoir de différence. Nous ne sommes pas là pour parler d'impôts mais il ne devrait pas... Je suis en faveur de cette fusion mais si celle-ci permet aux banques de payer encore moins d'impôts en... Elles arrivent déjà à en payer moins que les autres entreprises parce qu'il s'agit de sociétés internationales, mais ce n'est pas normal. Mon entreprise est internationale également, mais je ne veux pas m'adonner à ce petit jeux-là. Je ne veux pas me battre avec Revenu Canada.

La logique de votre raisonnement m'échappe complètement. Je regrette, mais je ne vous suis pas. J'ai déjà entendu cela, mais ce genre de raisonnement n'a aucun sens.

M. Ken Epp: Ma question n'a rien de logique.

M. John Bühler: Oh.

• 1440

M. Ken Epp: Je voudrais tout simplement que vous m'expliquiez avec un peu plus de précision ce que vous vouliez dire en affirmant que les banques devraient payer leur juste part d'impôts.

M. John Bühler: C'est ce que je voulais dire. Chacun devrait payer sa juste part d'impôts. Une entreprise ne devrait pas avoir droit à un régime fiscal différent pour la seule raison qu'elle est d'envergure internationale. Toutes les entreprises devraient être sur le même pied en ce qui concerne les impôts. C'est tout ce que je veux dire.

M. Ken Epp: Bien.

Estimez-vous que si les banques fusionnaient effectivement...? Je suppose que je pourrais poser la question à tous les témoins ici présents. Il s'agit de concurrence. Je ne sais plus qui, mais un des témoins a dit qu'il fallait supprimer les obstacles et permettre au plus grand nombre possible de banques de s'implanter, qu'il fallait laisser libre cours à la concurrence dans le secteur bancaire comme dans les autres secteurs. Si c'est vrai, il y aurait peut-être plus de concurrence dans les marchés à créneaux ou dans les marchés spécialisés, voire à l'échelle locale, mais si les grandes banques devenaient encore plus grosses et plus impersonnelles, estimez-vous que la qualité des services offerts à votre entreprise augmenterait ou qu'elle diminuerait?

M. John Bühler: Je répondrai le premier, dans ce cas.

Notre entreprise est en train de devenir une entreprise internationale et nous avons besoin d'une banque internationale. Ce qui m'embête beaucoup, c'est de constater qu'en Angleterre, les banques canadiennes ne sont pas connues du tout. Les banques suisses sont connues dans le monde entier mais personne n'a entendu parler des banques canadiennes.

À 50 ou 200 milles au sud de la frontière, ou à Memphis et Louisville, on ignore pratiquement notre existence. Il y a deux ans à peine, quelqu'un m'a demandé si nos agents de la police montée étaient toujours à cheval.

Dans ces régions, on ignore littéralement ce qui se passe au Canada. Le Canada n'est pas reconnu. Je ne sais pas quel autre moyen on pourrait utiliser pour montrer que le Canada est un pays solide que d'y envoyer nos représentants politiques pour vanter une fois de plus nos mérites dans de beaux discours.

Pour moi, l'argent parle. Si vous avez de l'argent, vous avez le pouvoir et si vous avez une banque solide, vous avez le pouvoir. C'est un fait qu'il ne faut pas ignorer sous prétexte que l'on veut établir des règlements et maintenir ainsi tous les Canadiens dans la pauvreté. Nous avons besoin d'une banque solide au Canada.

M. Ken Epp: Bien. Est-ce qu'un des autres témoins a des commentaires à faire sur cette question? Sinon, je continue.

Plusieurs témoins—même parmi ceux qui sont venus témoigner avant vous—nous ont également dit que les banques devraient s'arranger pour être davantage en mesure de nous aider dans nos transactions internationales.

Vos plaintes au sujet de la situation actuelle sont-elles fondées? Êtes-vous effectivement incapables de réaliser certains projets d'expansion internationale parce que nos banquiers ne sont pas en mesure de vous aider sur ce plan-là? Est-ce effectivement un problème ou la situation n'est-elle pas trop mauvaise pour l'instant et peut-elle être améliorée un peu en faisant quelques efforts?

M. Tom Struthers: Je ne dis pas que le service bancaire est particulièrement bon ou particulièrement mauvais mais si l'on ne permet pas aux banques de profiter des économies d'échelle nécessaires pour acheter la technologie et de mettre en place l'infrastructure indispensable pour nous offrir un bon service, elles n'y arriveront certainement pas.

À mon avis, si l'on empêche les banques de prendre librement les décisions qui les concernent pour aller de l'avant à une époque où tout évolue à vive allure et si l'on retarde encore cette fusion d'un an par toutes nos discussions, nous leur feront un tort énorme. Pour l'instant, tout le secteur bancaire se ligue contre la Banque Royale et la Banque de Montréal, parce qu'il sait que la fusion est imminente. Elles sont gênées dans leurs mouvements. Elles ne peuvent rien faire.

Par conséquent, si nous empêchons les banques de mener leurs affaires comme elles l'entendent, nous leur causerons du tort et j'en payerai les conséquences également.

M. Ken Epp: Ce que je voudrais cependant savoir, c'est si le fait de ne pas avoir accès à des services bancaires internationaux efficaces constitue un obstacle à votre implantation sur les marchés d'exportation.

M. Tom Struthers: Pas pour l'instant mais si ces banques ne sont pas rentables, si elles ne sont pas solides et si, particulièrement en ce qui me concerne, elles ne sont pas canadiennes, et qu'il n'est pas possible de dialoguer et d'établir des partenariats avec elles...

Si le gouvernement empêche cette fusion, la prochaine étape sera une fusion entre la Deutsche Bank et la Banque de Montréal, parce que celle-ci ne pourra plus rester rentable. Que deviendrai-je dans ce cas? Je ferai affaire avec une banque allemande au lieu de faire affaire avec une banque canadienne.

• 1445

M. Ken Epp: Un autre sujet qui me vient à l'esprit est la façon dont les banques fournissent leurs services. Nous savons qu'elles ont de plus en plus recours à des systèmes électroniques pour communiquer avec leurs clients. En fait, je ne suis plus allé à la banque depuis longtemps parce que tout se fait à distance.

Il y a aussi la question de la fermeture des succursales qu'une fusion ait lieu ou non. Les banques ont tendance à devenir de plus en plus impersonnelles du fait qu'elles ont tendance à offrir leurs services par téléphone ou par l'intermédiaire de réseaux informatiques. Comme plusieurs d'entre vous l'ont signalé, les gens d'affaires ont besoin d'un banquier qui les comprenne. Il faut un banquier qui connaisse le marché international. Par conséquent, on recherche un service relativement personnel. Par contre, si les banques continuent à fermer des succursales ou à réduire le personnel, les possibilités d'accès à des personnes qui vous comprennent seront probablement réduites. Est-ce ce que vous prévoyez également et est-ce un problème?

M. John Struthers: Quand j'ai essayé de téléphoner pour demander la permission de venir témoigner, je suis tombé à quatre ou cinq reprises sur une machine. Par conséquent, je vous signale que le gouvernement est déjà... Tous les cabinets d'avocats sont dotés d'un répondeur téléphone. On ne peut rien y changer. C'est la tendance actuelle. C'est bien beau de discuter et de croire que l'on peut gérer nos affaires d'une certaine façon tout en exigeant des banques qu'elles gèrent les leurs autrement. Vous feriez bien de vous faire à l'idée que l'infrastructure sera réduite et que les banques auront de plus en plus recours à l'électronique. Si on veut les en empêcher, elles feront du déficit.

M. David Farlinger: Je voudrais également répondre à cette question. Je ne pense pas que le service soit nécessairement devenu plus impersonnel. C'est un fait que les banques sont en train de réduire leurs effectifs mais bien des clients préfèrent utiliser les nouvelles technologies et les nouveaux modes d'accès à distance à leurs comptes et à leurs banques. Si les banques réduisent effectivement leur personnel, le nombre de clients qui recherchent systématiquement les contacts personnels avec les employés a tendance à diminuer. Ce genre de contacts est toutefois important pour les entreprises et je ne pense pas que la situation changera dans leur cas.

M. Ken Epp: Bien. Par conséquent, vous estimez que ce n'est pas un problème.

M. Joe Bova: Votre question porte à croire que les banques se débarrasseraient de pratiquement tout leur personnel. Je ne crois pas être privé à l'avenir de la possibilité de téléphoner à mon directeur des comptes par exemple pour discuter d'une transaction que je veux faire aux États-Unis. Cela peut arriver n'importe où, que ce soit au Canada, aux États-Unis ou ailleurs. Ce n'est pas le but de cette fusion.

Je ne pense pas qu'elle me prive de l'aspect humain des relations avec la banque. Nous ne sommes pas en train de faire de cette nouvelle banque une supermachine, si je puis dire. Je ne pense pas qu'il en ait jamais été question ni que cela ait jamais été le but de l'opération. Certains changements se produisent à plusieurs niveaux, aussi bien dans la fonction publique que dans notre société. Si vous ne relevez pas le défi, les conséquences risquent d'être plus graves que le simple fait d'avoir raté une occasion d'établir notre présence à l'échelle internationale.

M. Ken Epp: Je me demande toujours pourquoi les gens viennent exprimer leurs opinions devant un comité comme le nôtre. Beaucoup de témoins que nous avons entendus sont préoccupés par certaines des recommandations du rapport McKay. Ils s'y opposent. Pour l'instant, nous nous trouvons devant toute une brochette de témoins qui semblent être de l'avis opposé; ils estiment en effet que M. MacKay a fait de l'excellent travail, qu'ils n'ont rien à reprocher à quelque recommandation que ce soit et qu'il faut aider sans hésiter les banques à prendre de l'expansion.

Est-ce que j'interprète correctement les raisons pour lesquelles vous êtes venus ici?

M. Joe Bova: C'est peut-être parce que nous habitons une ville qui, pour la première fois depuis longtemps, commence à prendre conscience des débouchés que crée le changement. Grâce à l'ALENA, de nouveaux marchés se sont ouverts au Nord comme au Sud. Nous avons dû faire face au nouveau concept de port transformé en centre de transport, en plaque tournante pour le transport vers la plupart des régions du monde.

À cause de sa situation géographique, Winnipeg devient de plus en plus synthétisée par les changements qui se produisent dans la communication des renseignements et l'exécution des services.

• 1450

Nous commençons à comprendre, peut-être mieux qu'ailleurs, que si l'on veut rester dans la course au cours du XXIe siècle, on ne peut plus appliquer les mêmes règles qu'il y a 50 ou 100 ans. C'est peut-être la raison... Je n'essaie pas de dénigrer quelque autre ville canadienne que ce soit. Par contre, nous sommes très sensibles au fait que si nous voulons avoir le moindre espoir ou la moindre chance, nous devons profiter de cette nouvelle technologie. La fusion de ces banques fait partie du jeu.

J'ai l'impression que nous n'avons pas aussi peur qu'ailleurs de participer à la course à l'échelle mondiale plutôt qu'à l'échelle nationale ou municipale. Les Canadiens en sont capables.

M. Ken Epp: Oui, je suis d'accord.

M. John Ryan: Monsieur le président, à propos de la question de M. Epp, je vous signale que si j'ai décidé de participer à ces consultations, c'est plutôt pour dire quelles seront les incidences des diverses recommandations du groupe de travail dirigé par M. MacKay pour les collectivités agricoles que pour parler des fusions proprement dites. À propos de certaines questions que vous avez posées pour essayer de décider s'il convient d'être en faveur des fusions ou non, je vous signale que le rapport MacKay dit clairement que c'est une option, que c'est une stratégie commerciale mais que cela ne convient pas dans tous les cas.

Les opérations bancaires deviendront entièrement électroniques. Certains Canadiens sont de toute évidence entièrement en faveur de ce changement. À bien des égards, c'est une simple question de choix de la part du consommateur. Certains clients préfèrent pouvoir avoir accès après 17 heures ou après 21 heures, ou encore pendant les fins de semaine. D'autres veulent un service personnel, selon la nature du problème ou du sujet dont ils veulent discuter. Il ne s'agit pas de prendre une décision qui exclue toutes les autres possibilités.

Le président: Merci, monsieur Ryan. Monsieur Farlinger.

M. David Farlinger: Je voudrais répondre à cette question. Si nous avons décidé de venir témoigner aujourd'hui, c'est pour les deux raisons suivantes.

Premièrement, comme je l'ai signalé dans notre mémoire, nous venons de faire l'expérience d'un processus de consultation publique et sommes donc à même d'apprécier toute la valeur de témoignages sérieux.

Deuxièmement, à l'occasion de processus de consultation publique antérieurs, nous avons constaté que ce sont surtout les personnes qui s'opposent à certains changements qui se présentent alors que les autres ne se donnent pas la peine de comparaître. Elles restent chez elles. C'est pourquoi nous tenions à venir exposer nos opinions.

Le président: Merci. Je vous remercie également, monsieur Epp.

M. Ken Epp: Monsieur le président, le temps dont je disposais est écoulé mais je voudrais malgré tout conclure en disant que j'apprécie beaucoup l'esprit d'entreprise. J'adore les personnes qui considèrent que les études universitaires ne sont pas le seul moyen de réussir dans la vie. Je vous félicite. Les témoins assis de ce côté-ci qui ont abandonné leurs études en 9e année ou en 10e année me rappellent mon père qui les avait abandonnées en 8e année et qui a réussi dans les affaires, après que j'aie quitté la maison. Il pourrait d'ailleurs y avoir un rapport entre les deux.

J'espère avoir une autre occasion de poser des questions. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Avant de passer la parole à Mme Bennett pour la dernière question de la période, je vais laisser M. Pinto faire son exposé.

Comme tous les autres témoins, vous avez environ cinq minutes pour votre exposé. Je suis certain que nous aurons ensuite beaucoup de questions à vous poser.

M. José M. Pinto (vice-président des finances, Allmar Distributors Ltd.): Je vous prie de m'excuser d'être arrivé en retard. Je viens de rentrer de Toronto. J'ai été retardé par la circulation.

Je voudrais expliquer brièvement, en trois points, pourquoi, à l'instar de la plupart des autres témoins, je suis en faveur du projet de fusion qui permettra de créer une institution alliant la taille à la puissance.

Premièrement, on a déjà signalé que le changement est inévitable mais le tout est de savoir comment on peut exercer un certain contrôle sur le changement.

Deuxièmement, on se demande comment on va faire pour établir les nouvelles règles qui seront nécessaires pour gérer les besoins financiers mondiaux, pour réglementer les activités bancaires et toutes les autres activités financières, car ce genre de règles n'existe pas encore de toute évidence. Qui rédigera ces règles? Importe-t-il de permettre à de grosses institutions influentes de participer à leur rédaction?

Troisièmement, où allons-nous trouver les ressources nécessaires pour élaborer les outils indispensables pour innover pour l'avenir?

Nous avons besoin d'institutions assez puissantes et assez solides sur le plan financier, d'institutions capables de faire les investissements nécessaires pour instaurer de nouvelles façons de faire des affaires.

• 1455

Pour cela, il faut avant tout être capable d'exercer un certain contrôle sur le changement. L'année qui vient de s'écouler a prouvé que le changement est synonyme de vitesse, d'incertitude et d'instabilité. Le crash asiatique, la chute des marchés, les ralentissements économiques, l'implantation de nouvelles institutions financières mondiales dotées d'actifs gigantesques et de méthodes agressives d'achat ne cessent de modifier l'aspect du secteur des services financiers. Nous avons besoin d'institutions financières canadiennes qui soient capables de faire face à ces changements tout en les maîtrisant, et qui aient à coeur l'intérêt supérieur des Canadiens.

Ces institutions devront avoir la taille et le pouvoir nécessaires pour affronter la concurrence. Ce pouvoir leur donnera le droit d'avoir leur mot à dire lorsqu'il s'agira de fixer les règles internationales concernant le secteur financier. Nous savons qu'il faudra établir de nouvelles règles. Notre ministre des Finances est un fervent partisan de l'adoption de nouvelles règles mais il n'aura pas beaucoup d'influence s'il n'a pas l'appui d'institutions solides, capables d'assurer une présence dans toutes les régions du monde tout en restant concurrentielles.

Le sujet suivant concerne les ressources nécessaires pour mettre au point les outils dont nous aurons besoin pour innover pour l'avenir. On reproche beaucoup aux banques de réaliser de gros bénéfices, surtout depuis quelques années. Ce qui est moins connu, ce sont les investissements énormes nécessaires pour établir les systèmes modernes de fourniture de services comme Interac et les guichets automatiques. Les systèmes que nous utilisons actuellement n'existaient pas il y a quelques années. Quel type d'investissement faudra-t-il faire pour innover pour l'avenir? Je recommande fortement les fusions bancaires qui donneront naissance à des institutions capables de maîtriser le changement, de participer à la rédaction des nouveaux règlements nécessaires et d'innover pour l'avenir.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pinto.

Nous allons maintenant revenir à la période des questions et commencer par Mme Bennet.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le groupe de discussion a été fort intéressant aujoud'hui, en ce sens que les positions qui nous ont été présentées sont diamétralement opposées à celles qu'ont fait valoir un bon nombre des autres groupes que nous avons entendus.

Comme vous le savez, notre comité se penche sur les recommandations du rapport MacKay. Ce que j'aimerais que chacun de vous nous dise, c'est ce qu'il pense du cadre d'examen qu'a proposé le Groupe de travail MacKay concernant les fusions, qui recommande qu'on ne ferme pas systématiquement la porte aux fusions même entre les grandes banques. Mais certains diront que ce processus d'examen est trop onéreux, alors que d'autres y verront une importante série d'étapes au cours desquelles on vérifiera si l'intérêt public est protégé, on fera intervenir le Tribunal de la concurrence, etc. Certains des experts que nous avons entendus jusqu'à ce jour ont parlé du projet de fusion entre la Banque Royale et la Banque de Montréal et de celui qui s'y est ajouté depuis, et ont exprimé l'opinion que si ces ceux projets se réalisent, les Canadiens finiront par considérer que le pouvoir économique est concentré entre les mains d'un trop petit nombre de joueurs. Il faudra donc trouver un moyen de peser toutes ces considérations.

J'aimerais par conséquent connaître le fruit de vos réflexions à propos des recommandations de M. MacKay sur la question de savoir qui devrait être responsable de la sauvegarde de l'intérêt public si tant est qu'on doive s'en préoccuper, que vous nous disiez si tout cela vous convient et, le cas échéant, si le gouvernement devrait se tenir à l'écart du débat. S'il y a lieu de protéger l'intérêt public, qui devrait s'en charger, et le gouvernement a-t-il une responsabilité à cet égard? Certains nous diront qu'une seule fusion aurait pu leur apparaître acceptable, mais que maintenant qu'on parle de deux, la concentration serait trop grande. Nous devons donc retourner à la planche à dessin et imaginer un processus et un mécanisme d'examen de l'avenir du secteur financier.

• 1500

M. Joe Bova: J'ai pris connaissance du rapport MacKay. Comme je ne suis pas économiste, je vous prierais de ne pas prendre au pied de la lettre ce que je vais dire, mais, si je ne m'abuse, le Groupe de travail MacKay a mentionné dans son rapport que nous devrions permettre aux banques de fusionner. Il a également dit que nous devrions entreprendre de faire tomber les obstacles à la libre concurrence et permettre aux autres banques et institutions financières de jouer désormais dans notre pays un rôle beaucoup plus important que par le passé, y compris laisser les banques étrangères s'implanter au Canada. Le rapport se penche également, je crois, sur les limites qu'il conviendrait ou non d'imposer concernant le droit d'une même personne de contrôler une institution financière. On ne peut donc pas aborder ces deux éléments indépendamment l'un de l'autre.

Nous soutenons que si notre pays entend relever les défis du XXIe siècle, il faut permettre à ces banques de fusionner. Non seulement une telle ouverture ne restreindrait pas la concurrence, mais elle pourrait même l'intensifier.

On n'a jamais eu, que je sache, l'occasion d'entendre les porte-parole de la Banque Royale, de la Banque de Montréal ou de l'une ou l'autre des grandes banques canadiennes affirmer qu'on devrait empêcher les banques étrangères de faire affaire chez nous, ou interdire aux coopératives de crédit ou aux sociétés d'assurance-vie de jouer un plus grand rôle dans notre pays.

Quand on s'intéresse, comme il se devrait, au bien-être de la population ou à l'intérêt public, il faut envisager la question sous deux angles: d'abord, il faut veiller à ce que notre pays soit apte et prêt à affronter résolument la concurrence sur le marché mondial. Qu'on nous donne le droit et les moyens de le faire. Par ailleurs, les recommandations du rapport MacKay répondent à la nécessité d'apporter un peu d'air frais dans ce qu'on appelle l'«establishment» financier de notre pays et de permettre la venue de nouveaux joueurs dans ce domaine. Je ne crois pas que les grandes banques appréhendent une telle évolution ou cherchent à la freiner.

Je pense que si vous vous préoccupez du bien-être de la population, ces deux recommandations vous apparaîtront également excellentes. À mon sens, l'une n'exclut pas l'autre, du moins de la façon dont je le comprends.

Mme Carolyn Bennett: J'aimerais également que chacun de vous nous dise ce qu'il pense de la recommandation du rapport MacKay de permettre aux banques, entre autres choses, de s'occuper de crédit-bail automobile et de vente d'assurance depuis leurs succursales. Vous semblez tous souhaiter qu'on crée des conditions propices à l'existence de banques fortes dans notre pays. Croyez-vous que ces éléments en fassent partie? Ne sont-ils pas nécessaires pour parvenir à cette fin, ou croyez-vous plutôt qu'il suffirait pour y arriver de permettre les fusions? Que considérez-vous le plus important? Croyez-vous qu'il serait souhaitable pour les Canadiens qu'on accorde aux banques le droit non seulement de fusionner mais aussi d'offrir d'autres services?

M. John Bühler: Selon moi, les Canadiens y trouveraient leur compte si on permettait aux banques de s'occuper de crédit-bail ou de ce qu'elles voudraient bien. Je n'irais toutefois pas jusqu'à dire qu'on devrait leur permettre de se lancer dans la fabrication d'instruments aratoires.

Je crois qu'il serait parfaitement indiqué de laisser quatre de nos grandes banques se regrouper, fusionner. Je verrais très bien qu'il n'y ait qu'une seule grande banque canadienne. Nous parlons d'économie mondiale, et le système bancaire canadien n'est pas connu sur la scène économique mondiale. Nous ne sommes reconnus nulle part. Alors, pourquoi ne pas faire le saut et regrouper nos cinq grandes banques, s'il le faut, pour n'en former qu'une seule très grande dont nous serions fiers, plutôt que de voir quatre banques se faire la lutte? Nous n'aurions plus à subir toutes ces stupides réclames. Il y aurait beaucoup moins de publicité.

Mme Carolyn Bennett: La prochaine fois que vous irez en voyage, je vous suggérerais de vous rendre dans les Antilles. La présence des banques canadiennes y est très visible, je crois. Cela vous rassurerait peut-être, monsieur Bühler.

M. John Ryan: J'aimerais répondre à vos questions concernant l'interprétation à donner au rapport du Groupe de travail MacKay et à ses diverses recommandations.

Suivant mon interprétation, le rapport MacKay cherche clairement le juste milieu. Il nous faut nous préoccuper à la fois de l'intérêt public et de l'intérêt des entreprises, concilier les deux. Ce qui décrit le mieux ce souhait dans le rapport, c'est qu'à propos des fusions, on y dit qu'il conviendrait de donner aux banques non pas le feu vert ou le feu rouge, mais le feu jaune. Par conséquent, considérons tous les faits en nous assurant que tout soit sur la table. Je crois qu'il s'agit là d'un exercice important qu'il nous faut effectuer.

Les auteurs du rapport, selon moi, n'avaient pas à l'esprit uniquement les fusions; ils ont abordé la question, je crois, dans une perspective plus large. Ce qu'ils nous proposent, c'est d'examiner l'ensemble du tableau. C'est une chose que d'envisager des fusions, mais il faut aussi—et je pense que c'est là que la notion de recherche du juste milieu entre en ligne de compte—ouvrir les portes à la concurrence. Favorisons et intensifions la concurrence, et l'ensemble de notre secteur des services financiers s'en trouvera renforcé.

Il nous faut nous pencher à la fois sur la question de l'accroissement de la concurrence et sur celle des fusions. Ce que dit le rapport à propos de crédit-bail me semble bien illustrer cette nécessité. Les Canadiens ont de plus en plus recours au crédit-bail, à tel point que 45 p. 100 des nouveaux véhicules qui ont été écoulés sur notre marché l'an dernier l'ont été par ce moyen.

• 1505

Dans le milieu agricole, nous voyons de plus en plus de gens se tourner vers la location plutôt que vers l'achat d'équipement. Par conséquent, si, en dernière analyse, cette possibilité est avantageuse pour le consommateur, on devrait favoriser la concurrence dans ce domaine. J'approuverais personnellement sans hésitation toute mesure en ce sens.

Mme Carolyn Bennett: Monsieur Ryan, d'aucuns disent craindre, entre autres choses, que nos grandes banques se mettent à abandonner les activités qui leur apparaissent moins rentables. Une des questions que se pose le comité, c'est à savoir si les joueurs qui se spécialisent dans des créneaux précis seront en mesure d'aller occuper les champs qui auront été délaissés par les banques, et si, en fin de compte, les consommateurs ne risquent pas de se voir privés de certains services. Êtes-vous confiants que les organismes de crédit agricole et les organisations comme la vôtre seraient en mesure de prendre la relève dans les secteurs dont les banques pourraient s'être retirées.

M. John Ryan: Cela dépendrait très largement de ce que délaisseraient les banques. Mais pour répondre d'une manière générale à votre question, je dirais qu'à cet égard, les entreprises spécialisées dans les créneaux pertinents auraient un rôle à jouer, et c'est d'ailleurs précisément ce que j'ai tenté de faire ressortir dans mon exposé d'ouverture. Sauf erreur, le Groupe de travail MacKay a parlé du développement éventuel d'un second niveau d'institutions dans le domaine des services financiers. Si les possibilités d'affaires y sont, on verra apparaître la concurrence, pourvu qu'il n'y ait pas trop d'obstacles à franchir ou qu'on ne favorise pas indûment les uns au détriment des autres.

Mme Carolyn Bennett: D'aucuns auraient voulu qu'on procède au plus tôt sur ces questions, et cela nous met un peu mal à l'aise ici au comité, car comme nous ne souhaitons pas avoir à reprendre cet exercice à répétition, nous voulons être sûrs de prendre les bonnes décisions du premier coup. Alors que ce groupe de travail a été créé à leur demande même, les banques n'ont pas attendu qu'il produise son rapport pour annoncer leurs projets de fusion. Je crois que certains se sentent pressés d'obtenir une réponse, alors qu'on devrait considérer comme très sérieux le processus de réflexion en cours.

Selon vous, les recommandations du Groupe de travail MacKay devraient-elles être considérées en bloc? Croyez-vous qu'on devrait examiner d'abord les plus faciles à traiter et mettre de côté les plus difficiles? Si vous aviez à formuler des recommandations au nom de notre comité sur les suites à donner au rapport MacKay, estimeriez-vous que certaines choses doivent être considérées en bloc, que certaines devraient être accomplies dans un délai donné? Quelle serait votre position à cet égard?

M. John Ryan: Je tiens à revenir ici à la charge sur des positions que j'ai tenté de faire valoir précédemment, à savoir que si on se met à traiter distinctement des divers aspects du rapport MacKay, il y a lieu de se demander si on pourra vraiment atteindre le juste milieu que préconise le Groupe de travail. Par exemple, si on décidait d'autoriser les fusions sans s'être d'abord préoccupé des mesures à prendre pour faire disparaître les obstacles à la libre concurrence, je vois mal qu'on puisse parvenir à ce juste milieu.

Le président: D'autres ont-ils des remarques à formuler à ce sujet?

M. José Pinto: À la vitesse où les choses évoluent, si nous attendons de pouvoir appliquer en bloc les recommandations du rapport, il s'écoulera probablement bien du temps avant qu'on bouge. Je ne crois pas que nous puissions, nous du milieu des affaires, nous permettre une telle attente, encore moins les institutions financières.

Si les banques ont annoncé leur projet de fusion il y a dix mois, c'est peut-être précisément pour souligner l'urgence de la situation. Elles sont mieux informées que quiconque sur l'état de la concurrence sur le marché, et ce n'est certes pas par hasard qu'elles ont procédé de la sorte. À mon avis, si nous attendons d'avoir examiné de près toutes les implications du rapport MacKay avant de donner suite à certaines de ses recommandations, il sera peut-être alors trop tard.

Le président: Le Tribunal de la concurrence a-t-il, selon vous, un rôle à jouer à cet égard? Vous semblez laisser entendre dans vos propos que seules les banques s'y connaissent en matière de concurrence. Ne croyez-vous pas que les consommateurs ont également leur mot à dire sur ce chapitre?

M. José Pinto: Ils savent ce qu'il en est de la concurrence et ils devraient pouvoir en profiter. Cet aspect de la question relève du gouvernement, si tant est que le gouvernement ait un rôle à jouer en cette matière, par exemple en ce qui touche la réglementation.

Le président: Bien sûr qu'il a un rôle à jouer.

M. José Pinto: J'en conviens. Je crois que la concurrence, telle qu'elle existe actuellement—et j'ignore si la situation va changer à cet égard—peut fort bien être avantageuse pour le consommateur, mais pas forcément. D'ailleurs, elle peut parfois profiter au consommateur sans nécessairement être une bonne chose pour le Canada.

Par exemple, si les banques étrangères s'amènent ici avec certains de leurs programmes et que le gros de leurs profits s'en vont à l'étranger, notre pays y trouve-t-il son compte?

• 1510

Je crois que la concurrence a sa place, et que le consommateur devrait être conscient de ses bienfaits. Mais pour répondre à la question de savoir si nous devrions attendre avant de bouger que toutes les recommandations du rapport MacKay aient été appliquées, je suis d'avis que nous risquerions alors de perdre du temps et de rater le coche.

Le président: Mme Bennet m'a semblé vouloir parler de certaines recommandations préconisant d'accroître la concurrence avant de permettre la réalisation de fusions de l'importance de celles qui sont projetées. Autrement dit, ne doit-on pas d'abord semer avant de pouvoir récolter, préparer le terrain pour ces fusions, avant de les réaliser?

M. José Pinto: Je ne crois pas que cette comparaison soit valable, car l'agriculteur doit en outre attendre patiemment que ses semences germent et que les pousses arrivent à maturité. Il doit parfois se contenter d'espérer, car tellement de choses peuvent survenir. Il se peut que les conditions climatiques... et que sais-je? Parfois même, il ne récoltera rien.

Le président: Monsieur Bova.

M. Joe Bova: Ce pourrait être une amorce de réponse à la question posée. On trouve une foule de propositions intéressantes dans le rapport MacKay, et lorsqu'on y avance l'hypothèse d'élargir le marché de manière à permettre à d'autres banques ou institutions financières d'y intervenir afin d'accroître la concurrence, cette recommandation est dans une certaine mesure liée à celle qui vise à autoriser les fusions.

Voici, selon moi, comment on pourrait répondre à la question de savoir si on pourrait ou même devrait donner suite à ces deux recommandations en même temps. Comme parlementaires, vous avez, à mon sens, deux rôles à jouer à cet égard. D'abord, celui de protecteurs de l'intérêt public, et je crois que c'est celui-là que vous jouez ici aujourd'hui, puis, celui de dirigeants à qui il incombe d'indiquer à notre pays la voie à suivre, de lui faire accepter une certaine vision des choses et de lui donner les moyens d'être le meilleur possible.

C'est en cherchant à concilier ces deux rôles que vous allez devoir trouver une réponse à la question posée, car si vous vous cantonnez dans votre rôle de protecteurs de l'intérêt public—de protecteurs des citoyens touchés, pour ainsi dire—en oubliant complètement votre autre rôle, celui de dirigeants—de mandataires ayant de la vision et disposant des mécanismes, des outils et des moyens voulus pour nous motiver et nous faire avancer—vous allez échouer. Quelque part entre les deux, il y a nécessairement un juste milieu, et c'est au gouvernement actuel qu'il appartient d'établir où il se situe.

Votre décision ne plaira certes pas à tout le monde. Elle vous vaudra forcément d'être la cible de critiques, mais il vous faudra la prendre. Je crois que nous avons au Canada de bons parlementaires et un bon régime démocratique. Au sortir de votre réflexion, vous allez prendre la bonne décision. Votre réponse vous sera dictée en partie par votre devoir de protéger l'intérêt public et en partie par votre devoir d'être des chefs de file, madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Il s'agit, je crois, d'établir où se situe ce juste milieu.

M. Joe Bova: Il nous serait un peu difficile de vous l'indiquer sur-le-champ.

Mme Carolyn Bennett: Si, en faisant nôtre la position de M. Bühler, nous nous avisions de considérer qu'il ne devrait y avoir qu'une seule grande banque, la population n'aurait pas le sentiment d'avoir été bien représentée dans ce processus.

M. Joe Bova: Voilà à quoi doivent servir les parlementaires, car c'est vous, en fin de compte, qui êtes les gardiens de l'intérêt public. En venant comparaître devant vous, nous avons tous un parti pris. Une fois que tout aura été dit et fait, vous aurez le devoir de vous prononcer et de nous représenter tous. Je tiens à vous dire bien franchement que, quoique vous fassiez cette fois, notre pays a souvent dans le passé manqué du leadership d'avant-garde dont nous avons besoin pour progresser. Ne nous en privez pas cette fois-ci.

M. John Bühler: Laissons nos grandes banques n'en former qu'une, si tel est leur souhait, mais il n'en sera rien. Personnellement, je suis un banquier commercial, et je crois qu'une telle éventualité ne ferait que permettre à des entrepreneurs comme moi d'envahir le fief des banques, de s'occuper davantage de prêt et de créer de nouvelles coopératives de crédit. Il est impossible que les banques puissent exercer un monopole. Je crois sincèrement que le gouvernement devrait se tenir à l'écart de ce débat, laisser les banques courir à leur perte si c'est ce qu'elles veulent, et s'abstenir d'intervenir. Cela n'arrivera pas. Si elles ne réussissent pas à faire de l'argent avec le crédit-bail, elles délaisseront tout simplement ce secteur d'activité. Si elles ne font pas d'argent dans le domaine de l'assurance, elles s'en retireront. Pourquoi débattons-nous de ces choses?

• 1515

M. Tom Struthers: Je vous invite à vous représenter l'hypothèse où les banques auraient opté pour ne pas fusionner. Les banques ont toutes fait énormément d'argent ces dernières années, et elles sont passablement bien protégées par les règlements qui sont en vigueur actuellement. Aurions-nous vraiment eu ces audiences si les banques avaient opté pour ne pas fusionner?

Je crois qu'elles auraient pu choisir le statu quo. Elles s'en seraient accommodées, mais nous en aurions tous souffert tôt ou tard. La vision qu'elles ont en voulant se lancer sur des terrains très incertains m'indique qu'elles doivent savoir et entrevoir des choses qui rendent ce genre d'évolution proprement nécessaire.

Croyez-vous que la Banque de Montréal aime la Banque Royale? J'en doute fort, car ces deux institutions se font concurrence depuis un siècle. À mon avis, si elles veulent fusionner, ce n'est pas tellement qu'elles veulent se mettre à plusieurs pour jouer dur sur le marché tel qu'il est actuellement. Je crois plutôt que leurs directions générales respectives entrevoient la nécessité de s'engager sur une nouvelle voie. La population canadienne aurait été beaucoup plus mal servie, je crois, si ces banques avaient préféré se contenter des énormes profits qu'elles réalisent dans un marché protégé et s'en tenir aveuglément à cela jusqu'à nouvel ordre. Cet aspect mérite réflexion.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Au nom du comité, je tiens à remercier notre très intéressant groupe d'experts, peut-être le plus favorable à la fusion des banques que nous ayons rencontré jusqu'à présent au cours de notre tournée dans diverses villes canadiennes.

Monsieur Bühler, vous avez abordé deux ou trois aspects dont je vais prendre bonne note—le juste milieu entre notre rôle de protecteurs de l'intérêt public et celui de dirigeants, en nous plaçant, pour ainsi dire, en avant du peloton dans ce débat. Veuillez m'en croire, ce débat a été très difficile à tenir, du simple fait que la population est mal renseignée sur ces questions. Je crois que toutes les parties intéressées, dans tous les secteurs, doivent s'employer à mieux expliquer leur point de vue, car, bien sincèrement, quand nous parlons avec les Canadiens, d'où qu'ils soient d'un océan à l'autre, nous constatons que l'information leur fait défaut sur toutes sortes de questions, depuis celle des droits des consommateurs jusqu'à celles des incidences de la mondialisation, des progrès technologiques et de l'évolution démographique sur notre système actuel. C'est pourquoi l'une des choses que notre comité aimerait faire, c'est d'améliorer la qualité de ce genre de dialogue.

Je tiens par ailleurs à ce qu'on sache qu'il est facile de dire que nous devrions prendre telle ou telle direction, quitte à prendre des risques, mais nous aimerions le faire en ayant bien les deux pieds sur terre et en examinant chaque possibilité dans tous ses détails.

Le Groupe de travail MacKay s'est vu confier son mandat bien avant l'annonce des projets de fusion, parce que nous avions le sentiment que des changements s'imposaient dans le secteur des services financiers. C'est pour cette raison que nous tenons ce débat, qui n'a en principe rien à voir avec les deux projets de fusion qui ont été annoncés après la création du Groupe de travail. Au sortir de cette séance, je vous prie de bien réfléchir à cet aspect. Ce débat porte sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada, et non pas forcément sur les deux fusions projetées.

Merci beaucoup.

Nous allons maintenant prendre une pause de deux minutes, après quoi nous reprendrons nos travaux sans tarder.

• 1518




• 1525

Le président: Nous poursuivons maintenant nos travaux.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants des groupes suivants: l'Association canadienne de financement et de location et GE Capital Canada.

Nous donnerons d'abord la parole à M. Robert Weese, vice-président des relations gouvernementales et externes chez GE Capital Canada. Soyez le bienvenu.

M. Robert Weese (vice-président, Relations gouvernementales et extérieures, GE Capital Canada): Merci beaucoup. Je suis heureux d'être parmi vous.

Je vous présente d'abord les deux collègues qui m'accompagnent et qui viennent eux aussi de GE Capital Canada, MM. Michael Davis, notre vice-président et chef du contentieux, et Roman Oryschuk, le directeur général de la plus importante filiale canadienne de GE Capital, GE Capital Canada Equipment Financing.

Je vais vous faire un bref exposé et, ensuite, mes collègues m'aideront à répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.

Sans trop prendre de votre temps, je voudrais rappeler brièvement au comité ce qu'est GE Capital et son mode de fonctionnement. GE Capital est l'une des 11 grandes divisions de la société General Electric, l'éclairage, les appareils électroménagers, les systèmes médicaux et les moteurs d'avions étant quelques-uns des autres secteurs d'activités de la société.

GE est l'une des entreprises les plus importantes et les plus florissantes au monde. Ses produits d'exploitation mondiaux étaient l'an dernier de 91 milliards de dollars US et son bénéfice net, de 8,2 milliards de dollars US. GE est présente au Canada depuis plus de 100 ans, et ses produits d'exploitation canadiens se chiffraient l'an dernier à 4,2 milliards de dollars canadiens.

L'apport de GE Capital, dont le siège social est situé à Stamford au Connecticut, représente maintenant environ 40 p. 100 des produits d'exploitation et du bénéfice de GE. L'an dernier, les produits d'exploitation mondiaux de GE Capital s'élevaient à 40 milliards de dollars US, et son bénéfice, à 3,3 milliards de dollars US.

GE Capital est une société de services financiers diversifiés bénéficiant d'une cote de crédit triple A. Elle offre une large gamme de services de financement et de crédit-bail spécialisés par l'intermédiaire de 28 divisions commerciales distinctes regroupées dans 5 principaux secteurs: la gestion d'équipement, le financement du marché intermédiaire, l'assurance spécialisée, les services financiers personnels et le financement spécialisé.

Pour ce qui est des filiales canadiennes, disons que GE Capital Canada est une société affiliée en propriété exclusive de GE Capital. Seize des 28 divisions de GE Capital ont des activités au pays; parmi elles, on compte GE Capital Financement d'équipement, qui relève de Roman Oryschuk; GE Capital Solutions technologiques, une entreprise qui, dans le domaine des ordinateurs, s'occupe de location à bail et de services de réparation et d'entretien; GE Capital Assurance hypothèque, le concurrent de la SCHL dans le secteur privé de l'assurance de gros prêts hypothécaires; GE Capital Gestion de véhicules, GE Capital Location d'autos et GE Capital Financement immobilier commercial.

Nous vous avons distribué des exemplaires de notre prospectus. Vous y trouverez, aux pages 6 à 14, la liste et la description de chacune des divisions canadiennes de GE Capital. Je vous invite à y jeter un coup d'oeil, quand vous aurez un moment, pour avoir une idée plus précise de ce que nous faisons au Canada.

GE Capital, qui emploie 2 600 personnes dans des bureaux situés d'un bout à l'autre du Canada, affichait l'an dernier des produits d'exploitation de 1,9 milliard de dollars canadiens, et nos avoirs productifs nets s'élèvent maintenant à... Mon texte mentionne 6 milliards de dollars canadiens, mais j'ai pris connaissance d'un chiffre plus récent aujourd'hui. Il faut maintenant parler de 7 milliards.

Nos capitaux ne proviennent pas de dépôts de détail, mais plutôt de fonds que nous obtenons de prêteurs spécialisés—euro-obligations, effets de commerce—en coupures de 100 000 $, garantis par GE Capital et sa cote de crédit triple A.

Certaines des divisions de GE Capital font concurrence aux banques, mais ce n'est pas le cas de la plupart. Le principal concurrent de plusieurs des divisions canadiennes de GE Capital est Newcourt Credit, qui vous est passablement familier, je présume.

Depuis plusieurs années, GE Capital a pris une part active au débat concernant la législation et la réglementation canadiennes dans le secteur des institutions financières. C'est avec plaisir que nous avons fait des démarches auprès du ministère des Finances et du BSIF et que nous avons présenté nos vues à votre comité de même qu'au Comité sénatorial des banques relativement aux modifications que proposait d'apporte à la Loi sur les banques le projet de loi C-82. Ces discussions ont mené bien sûr aux amendements qui sont entrés en vigueur en 1997.

• 1530

Nous avons été et continuons d'être tout à fait en faveur des amendements de 1997, qui ont éliminé, pour nous, d'importants obstacles à l'efficacité de nos activités au Canada, en nous libérant de l'obligation d'obtenir une autorisation du Cabinet chaque fois que nous voulions créer une nouvelle division, transférer des actifs d'une filiale à une autre ou acquérir de nouveaux éléments d'actif dans un secteur d'activités où nous avions déjà obtenu l'autorisation d'être présents sur le marché canadien. Avec ces amendements, le gouvernement reconnaissait le fait que nous ne sommes pas une banque et qu'aucune politique d'intérêt public ne peut justifier une réglementation une fois que l'autorisation d'entrer sur le marché canadien a été accordée.

Nous ne sommes pas assujettis à la réglementation sur les banques aux États-Unis. Nous n'acceptons pas de dépôts. Nous ne sommes pas couverts par l'assurance-dépôts. Nous n'exposons le gouvernement à aucun risque, et nous ne participons pas au système des paiements.

Comme quasi-banque étrangère, ainsi qu'on nous décrit dans les amendements de 1997, ces amendements signifiaient effectivement l'abolition d'un fardeau réglementaire inutile dont le seul effet avait été d'augmenter nos coûts et de nous créer des difficultés supplémentaires lorsque nous voulions fournir aux entreprises canadiennes le financement dont elles ont besoin pour croître et poursuivre leurs activités.

C'est également avec plaisir que, plus récemment, nous avons présenté nos vues dans le cadre de l'exercice de réflexion qu'on effectue actuellement sur l'avenir des services financiers au Canada. Nous nous sommes adressés à deux reprises au Groupe de travail MacKay et à son personnel pendant la période de consultation. Nous avons rencontré les représentants du Bureau de la concurrence relativement à l'examen des projets de fusion de banques. Nous avons participé à la séance technique organisée récemment par votre comité à Ottawa, nous nous sommes adressés le 7 octobre au Comité des Banques du Sénat, et nous sommes ravis d'être ici avec vous aujourd'hui à Winnipeg.

Monsieur le président, nous sommes ici aujourd'hui pour vous dire que nous applaudissons aux conclusions du Groupe de travail et que nous appuyons son approche générale de même que ses principales recommandations. Nous croyons que M. MacKay et ses collègues ont fait un travail soigné et minutieux et qu'ils ont produit un rapport judicieux et équilibré qui nous oriente dans la bonne direction.

Nous appuyons l'avis du groupe MacKay selon lequel les consommateurs et les entreprises seront le mieux servis et de la façon la plus efficace si le secteur des services financiers est soumis à un maximum de concurrence et à un minimum de réglementation.

Nous croyons que l'approche générale adoptée dans le rapport est la bonne: n'utiliser la réglementation que pour des motifs de prudence, pour assurer la sécurité et la solidité du système financier, et seulement pour autant que cela s'impose pour protéger les déposants et les assurés ordinaires et limiter les risques auxquels on expose le gouvernement. Pour le reste, il faut laisser les forces du marché agir librement, sous réserve des lois d'application générale régissant le comportement des entreprises sur le marché.

On doit laisser les banques, si elles le désirent, étendre les services qu'elles peuvent offrir à leurs clients. Mais, et c'est là un point très important, il faut s'assurer d'éliminer tous les obstacles qui entravent les activités des autres fournisseurs de services financiers, tant nationaux qu'étrangers, qui peuvent offrir des solutions de remplacement aux consommateurs et aux entreprises du Canada.

En particulier, nous nous réjouissons de ce que, devant les profonds changements qui s'opèrent actuellement dans le secteur des services financiers au Canada et dans le monde entier à cause des progrès technologiques et de la mondialisation, le Groupe de travail MacKay ait reconnu la nécessité d'adapter les politiques, les lois et la réglementation canadiennes aux réalités nouvelles.

Nous estimons qu'il a visé juste en reconnaissant la nécessité d'assurer la concurrence sur les marchés pour réaliser les niveaux d'efficience souhaitables et maximiser les choix des consommateurs.

Nous applaudissons à la reconnaissance de la nécessité d'éliminer les obstacles à l'entrée au Canada ou au démarrage et au succès des activités d'un large éventail de fournisseurs de services qui sont compétitifs ou complémentaires par rapport aux services offerts par les banques.

Nous souscrivons à la proposition de lever le moratoire général sur la fusion des banques; aux propositions visant à faciliter aux banques étrangères l'exercice de leurs activités au Canada et la fourniture de services aux Canadiens; à la proposition d'assouplir la règle de propriété de 10 p. 100 et à celle visant à encourager les prêteurs non résidents en abolissant la pratique des retenues fiscales.

Nous appuyons également la recommandation d'abolir ou de réduire l'impôt sur le capital, bien que nous craignions qu'à cet égard on traite différemment les institutions financières existantes et les nouvelles.

Nous sommes favorables au libre accès au système des paiements, même si GE Capital ne voit pour le moment aucun intérêt à y participer.

Enfin, nous appuyons la recommandation visant à simplifier les procédures d'approbation du BSIF et du gouvernement, de même que celle qui préconise qu'on fasse la distinction entre les prêteurs étrangers et les institutions de dépôt, chaque catégorie devant être régie par des règles appropriées.

Ce sont là autant de mesures parmi d'autres dont le Groupe de travail MacKay recommande l'adoption et qui vont, selon nous, dans la bonne direction, celle d'une réglementation moins lourde et d'une concurrence plus libre et plus ouverte. Nous reconnaissons que le danger réside dans les détails, et que l'application des recommandations soulèvera d'importants problèmes d'équilibre, ou encore, d'efficacité des mécanismes du marché. Nous ne voudrions pas qu'on soit trop sélectif, et nous craignons que certaines propositions n'imposent un fardeau réglementaire encore plus lourd à certains joueurs. Mais, en principe et dans l'ensemble, nous pensons que les recommandations du Groupe MacKay constituent une base solide qui nous permettra de progresser.

• 1535

Dans une large mesure, monsieur le président, le secteur des services financiers connaît les mêmes défis, les mêmes pressions, et les mêmes opportunités que d'autres secteurs de l'économie ont connus en s'adaptant à la mondialisation et aux progrès technologiques. Reconnaissant la responsabilité spéciale des gouvernements en ce qui regarde la santé du secteur des services financiers et le rôle d'une réglementation dictée par la prudence en vue de protéger les déposants et les assurés ordinaires, nous croyons que le Groupe de travail a adopté une vision qui est dans son ensemble juste: abandonner le modèle d'un marché intérieur réglementé et protégé et chercher à accroître l'efficacité des services, à favoriser la concurrence et à offrir aux Canadiens et aux entreprises canadiennes un plus grand choix, en permettant au secteur des services financiers d'être plus ouvert, plus flexible et plus concurrentiel à l'échelle mondiale.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Weese.

Nous allons maintenant entendre M. Tom Simmons, de l'Association canadienne de financement et de location.

M. Tom Simmons (président du conseil d'administration, Association canadienne de financement et de location): Merci, monsieur le président.

Au nom de l'industrie canadienne du financement et du crédit-bail, je tiens naturellement à remercier le comité de la possibilité qu'il nous donne d'exposer nos points de vue sur le rapport MacKay.

Je m'appelle Tom Simmons. Je suis président du conseil d'administration de l'ACFL, et je suis à l'emploi de la société Newcourt Financial. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Nick Logan, vice-président de l'ACFL et président du National Leasing Group, dont le siège social est ici-même à Winnipeg, et de M. David Powell, le président de l'ACFL.

L'ACFL représente l'industrie du financement adossé et du crédit-bail d'équipement et de véhicules. Nous avons préparé à l'intention du comité un mémoire qui résume nos réflexions. Compte tenu de la diversité des opinions et des intérêts de nos membres, les positions exposées dans notre mémoire ne sont naturellement pas partagées par tous les membres de l'ACFL, mais elles reflètent une convergence de vues chez la majorité d'entre eux.

En guise de rappel des activités qu'exercent nos membres, nous avons également joint une copie du document d'information sur notre industrie que nous avions remis aux membres du comité le 14 septembre 1998, lors notre précédente comparution.

Depuis lors, le Groupe de travail MacKay a soumis son rapport. Pour notre industrie, la publication du rapport MacKay constitue un événement déterminant. C'est la première fois qu'un rapport gouvernemental officiel reconnaît l'importance du rôle que joue notre industrie dans l'économie nationale.

Le Groupe de travail mentionne dans son rapport qu'en 1996, l'actif total de notre industrie s'élevait à quelque 50 milliards de dollars. Par comparaison, l'actif total de l'industrie de l'assurance multirisques, qui est depuis longtemps établie sur le marché canadien, représentait 53,3 milliards de dollars. Votre comité sera donc à même de constater, entre autres choses, que notre industrie apporte à l'économie canadienne une contribution très importante et très positive.

Je vous ai mentionné que je travaillais au sein du groupe Newcourt Credit. Les groupes Newcourt et National Leasing se classent parmi les entreprises les plus florissantes du secteur financier canadien.

Vous savez sans doute déjà que Newcourt est la deuxième société de financement adossé en importance au monde. Fondée il y a moins de 20 ans à Toronto, elle exerce maintenant ses activités dans plus de 25 pays et elle se classe au deuxième rang, derrière nos seuls amis de GE Capital.

Le groupe National Leasing a son siège ici-même à Winnipeg. Il sert dans l'Ouest canadien près de 30 000 clients d'affaires, dont plus de 90 p. 100 sont des petites et moyennes entreprises. Ces quatre dernières années, il a été classé par le Financial Post comme étant au nombre des 50 sociétés privées les mieux gérées au Canada. Un troisième membre de notre conseil d'administration, M. Serge Masse, n'a pu se joindre à nous aujourd'hui. Serge est président de Crédit-bail FINDEQ Inc. de Montréal. L'an dernier, sa société a été désignée la petite entreprise de l'année au Québec.

Le principal objectif que vous poursuivez dans vos délibérations est sans doute celui de faciliter le plus possible aux Canadiens l'accès aux capitaux. Ce débat porte essentiellement sur les moyens de permettre aux particuliers, aux entreprises et à l'ensemble du secteur financier d'obtenir du financement. L'essor futur de notre industrie étant une importante partie de la solution, le défi que vous avez à relever consiste notamment à créer un environnement propice à l'apparition et à l'éclosion au Canada de nouveaux groupes du genre de Newcourt, National Leasing et Crédit-bail FINDEQ.

Oui, c'est un fait que notre industrie est une importante partie de la solution, et je vais vous l'illustrer par un exemple. L'automne dernier, le Conference Board a publié une étude intitulée What's New in Debt Financing for Small and Medium-Sized Enterprises? Cette étude a permis deux importantes constatations. Premièrement, la taille du marché du financement des entreprises par emprunt, notamment de celui accessible aux petites entreprises, demeure largement méconnue. Pourquoi? Parce que les méthodes classiques d'analyse du crédit à la petite entreprise ne portent en réalité que sur environ la moitié des prêts qui sont consentis aux PME au Canada à l'heure actuelle. Deuxièmement, l'essentiel de l'expansion qu'a connue le secteur du financement des entreprises est attribuable à des sociétés qui se spécialisent dans le financement adossé et le crédit-bail.

• 1540

Ces constatations du Conference Board soulignent une réalité importante: l'incapacité des moyens classiques de collecte de données statistiques et d'analyse de l'activité sur le marché des services financiers de donner le tableau complet de la situation.

Je demanderais maintenant à M. Nick Logan, vice-président de l'ACFL, président du groupe National Leasing, et un véritable joueur spécialisé dans un créneau particulier, de nous entretenir brièvement de ce qui, selon lui, se passe actuellement dans l'Ouest canadien et, partant, dans l'ensemble du Canada. Nick.

M. Nick Logan (président, National Leasing Group, Winnipeg, Manitoba, Association canadienne de financement et de location): Merci, Tom.

Carolyn a posé une question à propos des joueurs qui se spécialisent dans un créneau particulier. National Leasing fait vraiment partie de cette catégorie. Elle a pris de l'expansion parce qu'il lui fallait trouver un marché plus lucratif. Nous étions dans le domaine du crédit-bail de véhicules, et nous le sommes toujours, mais il y a dix ans, il nous fallait diversifier nos activités et trouver une industrie à plus fort potentiel de croissance. Or, c'est la location d'équipement à bail que nous avons choisie. Essentiellement, nous empruntons à des banques et à des sociétés d'assurance de l'argent en gros pour acheter des contrats de location. Par exemple, nous pouvons emprunter à 7 p. 100 pour prêter sur crédit-bail à environ 11 p. 100. L'écart de 4 p. 100 est le revenu qui nous permet de payer nos dépenses et de réaliser un profit. Vous devez donc comprendre que si vous entendez permettre aux banques d'envahir le domaine du crédit-bail de véhicules, nous trouverions normal qu'elles ne puissent pas obtenir leurs fonds à un coût inférieur au nôtre.

Nous offrons à notre clientèle quatre types de services. Premièrement, un service de soutien aux ventes, une sorte de forfait, à plus de 1 000 petits marchands d'équipement d'un peu partout au Canada. Il s'agit de petites sociétés qui vendent de tout, depuis les ordinateurs jusqu'aux tracteurs. Nous payons le vendeur, et le client nous rembourse par versements.

Deuxièmement, nous procurons du financement à 110 petits courtiers indépendants, de même qu'à un grand nombre de courtiers américains. Ces courtiers canadiens trouvent eux-mêmes leurs clients et nous revendent ensuite leurs contrats ainsi qu'à Newcourt et à d'autres. L'industrie canadienne du courtage est très jeune—elle n'existe que depuis cinq ou six ans—, et notre société a été parmi les premières à organiser des conférences à l'intention de ces courtiers, pour les former et pour favoriser l'éclosion d'autres sociétés comme National et Newcourt, comme dirait Tom.

Troisièmement, nous nous allions directement avec d'importants fournisseurs d'équipement. Ici-même au Manitoba, par exemple, MTS s'associe à National pour offrir du financement à ses clients désireux de se procurer du matériel téléphonique ou de communication.

Enfin, nous offrons à nos clients des lignes de crédit de base leur permettant de se procurer de nouveaux éléments d'actif.

Nous avons fait nos débuts dans l'Ouest canadien, mais aujourd'hui, National a des bureaux jusque dans les Maritimes et exerce ses activités dans tout le Canada, d'un océan à l'autre. Croyez-m'en, quelles que soient les mesures que prendra le gouvernement concernant l'avenir de notre secteur financier, elles devront favoriser et encourager la croissance des petits fournisseurs de services financiers au Canada. Nous sommes engagés dans cette voie, mais nous sommes encore loin derrière nos concurrents américains. Nous vous pressons donc de chercher à déréglementer le plus possible ce secteur.

Je redonne la parole à Tom.

M. Tom Simmons: Merci, Nick.

Maintenant que nous avons décrit le contexte dans lequel nous évoluons, nous aimerions vous faire part sommairement de nos réflexions à propos du rapport MacKay. D'abord, comme remarque générale et au risque de me répéter, je suis convaincu que ce rapport aura une influence déterminante sur l'issue du débat concernant l'avenir du secteur des services financiers au Canada. Nous applaudissons tout particulièrement à plusieurs des positions du Groupe de travail.

Premièrement, le gouvernement ne devrait réglementer ce secteur que pour autant que sa responsabilité de gardien de l'intérêt public l'y oblige. Nous sommes d'avis que lorsqu'il s'impose d'intervenir pour protéger l'intérêt public, on devrait, dans un contexte vraiment concurrentiel, privilégier l'obligation d'information comme moyen de réguler les forces du marché.

À propos de cette obligation d'information, nous partageons la vision du Groupe de travail, qui la voit comme un moyen de permettre au consommateur de prendre, en toute connaissance de cause, les meilleures décisions possibles dans le sens de ses intérêts.

La fiabilité et la solidité du système financier jouent un rôle important dans la protection de l'intérêt public. Les institutions qui choisissent d'aller chercher leurs fonds dans le public, comme les banques à même les dépôts des épargnants ou les sociétés d'assurance à même les primes des souscripteurs, doivent s'attendre à devoir se conformer à certains règlements visant à protéger le public non averti, à réduire au minimum les risques pour le système financier et le gouvernement, lequel demeure toujours l'ultime garant du système.

• 1545

Notre industrie est, à juste titre, exempte d'une telle réglementation. Nous n'obtenons pas nos fonds du public, nous ne présentons pas de risque pour le système financier, et nous ne nous attendons pas non plus à ce que le gouvernement assume nos pertes, à supposer que nous en ayons un jour. Nous reconnaissons que certaines règles, comme celles ayant trait à la protection du consommateur, sont nécessaires pour réguler la conduite des acteurs du marché. Nous trouvons normal qu'on assujettisse notre industrie, comme d'ailleurs toutes les autres, aux règles visant la protection du consommateur.

Nous sommes également heureux que le Groupe de travail ait souligné l'importance des joueurs qui se spécialisent dans des créneaux particuliers pour assurer dans l'avenir une saine concurrence et un plus grand choix dans le secteur des services financiers. La majorité des membres de l'ACFL entrent dans cette catégorie, en ce sens qu'ils consacrent l'essentiel de leur expertise et de leurs ressources à l'offre de tel ou tel produit ou service financier. Ce faisant, nos membres ne contribuent pas moins à accroître sensiblement l'importance du réservoir de capitaux accessible aux entreprises et aux consommateurs canadiens.

Le Groupe de travail reconnaît par ailleurs l'importance des investissements étrangers pour l'économie canadienne. La foi en la valeur de la contribution des capitaux non canadiens au renforcement de la concurrence et de la compétitivité sur notre marché est un des principaux facteurs d'augmentation du nombre et de la diversité des fournisseurs de services financiers au Canada. Bien que notre économie soit en mesure de générer un volume important de capitaux d'investissement, nos besoins en capital ne peuvent être comblés uniquement de l'intérieur. L'apport des fournisseurs de capitaux étrangers est essentiel pour que le consommateur canadien puisse avoir un choix étendu. Or, il se trouve que de nombreux membres de l'ACFL entrent dans cette catégorie de fournisseurs.

Il s'impose toutefois de faire ici une mise en garde. Nous souscrivons pleinement à l'objectif que propose le Groupe de travail de créer un cadre politique propre à permettre au Canada et aux Canadiens de se doter d'un secteur des services financiers prospère, dynamique, innovateur et compétitif. Mais l'important, selon nous, est d'établir comment y parvenir. Au moment où les décideurs envisagent d'appliquer les recommandations du Groupe de travail, où l'on s'apprête à passer de la théorie à la pratique, il s'impose qu'on se préoccupe du risque de mettre en place un cadre qui aboutisse à une concentration accrue du secteur des services financiers, concentration qui se traduirait par une restriction du choix offert au consommateur. Cet aspect mérite qu'on y regarde de plus près qu'on ne l'a fait dans le rapport MacKay.

Le mémoire qu'a soumis l'ACFL au Groupe de travail avait pour titre Choix. La vision du système financier que privilégie l'ACFL tourne en effet autour de cette notion de choix, c'est-à-dire de choix tout autant pour les consommateurs en général que pour les clients commerciaux.

Pour la première fois dans l'histoire moderne, ce ne sont pas ceux qui fournissent les services financiers mais bien ceux qui les utilisent qu'on veut avantager. Le catalyseur essentiel de cette évolution est l'assurance que le consommateur aura un choix suffisamment étendu. Dans l'évaluation de l'étendue véritable du choix dont bénéficie le consommateur, il faut toutefois tenir compte à la fois des facteurs qui diminuent ce choix et de ceux qui l'accroissent. La concurrence, la concentration, l'efficacité, l'innovation et la réglementation ne sont que des moyens pour atteindre une fin, et cette fin, c'est d'offrir au consommateur un choix varié.

Une décennie au moins de déréglementation dans le secteur des services financiers nous a amenés à donner aux banques de l'annexe A plus de pouvoirs, plus d'atouts commerciaux et plus d'avantages par rapport aux autres acteurs du marché. Comment illustrer à quoi a mené jusqu'à présent la déréglementation? Dans le mémoire que nous avons soumis au Groupe de travail, nous avons, à titre d'exemple, d'abord comparé les taux d'intérêt qu'ont appliqués sur les hypothèques résidentielles les banques et les sociétés de fiducie entre 1984 et 1995. Puis, nous avons comparé le coût des prêts automobiles offerts par l'intermédiaire des succursales bancaires avec ceux offerts par les concessionnaires d'automobiles qui se financent auprès des banques. Cette étude nous a révélé que les banques exigeaient des prix plus élevés, et que contrairement à ce qu'on croit souvent, la venue des banques dans différents segments du marché de la consommation ne s'était pas traduite par des baisses de coûts pour le consommateur.

Par conséquent, s'ils entendent donner suite aux recommandations du Groupe de travail MacKay, les décideurs devront d'abord s'interroger très sérieusement sur l'impact qu'auront leurs décisions sur le marché. La concentration et les problèmes qui peuvent en découler constituent toujours de graves menaces. Les craintes que soulèvent ces questions ne sont pas simplement d'ordre théorique; elles sont lourdes de conséquences pour la société, car elles touchent aussi bien les consommateurs en général que les divers paliers de notre structure économique.

• 1550

La possibilité qu'on se retrouve avec un groupe restreint d'institutions financières qui domineraient l'ensemble du secteur des services financiers suscite une inquiétude généralisée. Parmi les problèmes pouvant résulter d'une trop forte concentration du secteur des services financiers, il y ceux que posent les accords d'exclusivité; le refus de traiter avec un client; les ventes liées effectuées sous pression; la limitation du marché; les avantages sur le plan du coût d'obtention des capitaux; les conflits d'intérêt, notamment dans le cas où une banque finance son client d'affaires et lui fait par ailleurs concurrence; et l'utilisation abusive de renseignements personnels ou commerciaux. Ces sujets d'inquiétude ne sont pas nouveaux. Le rapport MacKay fait état de certains de ces dangers, mais se montre généralement avare de solutions.

S'ils vont de l'avant, les décideurs auront pour défi d'établir comment un régime qui a généralement favorisé par le passé la concentration du pouvoir au sein du secteur des services financiers pourra évoluer de manière à assurer l'existence d'une saine concurrence, à empêcher que le marché soit indûment dominé par certains et à prévenir les abus de toutes sortes.

Nous connaissons bien ce qu'il en a été dans le passé, mais en ira-t-il autrement dans l'avenir? Le crédit-bail automobile, par exemple, sera-t—il simplement le prochain secteur à connaître ce sort? À l'heure actuelle, les banques sont déjà les plus importants bailleurs de fonds de l'industrie du crédit-bail en général, et de celle du crédit-bail automobile en particulier.

Pour s'attaquer à ces problèmes d'une manière constructive, il est essentiel de s'assurer qu'il existe des moyens efficaces pour prévenir la concentration et les problèmes de marché qui pourraient en résulter. D'une part, il est nécessaire de démontrer qu'il est réaliste d'espérer qu'on parviendra à amener sur le marché financier de nouveaux joueurs en nombre suffisant pour concurrencer les grandes institutions financières déjà établies et contrebalancer les avantages dont elles jouissent—bref, que les clients des fournisseurs de services financiers auront vraiment un grand choix. D'autre part, il apparaît manifeste que, dans l'état actuel des choses, la structure et les règles qui sont censées permettre de prévenir la concentration et les problèmes qui en résultent sont inadéquates.

Beaucoup de travail reste à faire pour trouver et appliquer des façons de contrer la menace que présentent la concentration et les problèmes de marché qui peuvent en résulter. Pour pouvoir assurer dans l'avenir la protection de l'intérêt public dans ce secteur, il nous faudra dès le départ nous doter de mécanismes comportant des règles réalistes, des recours accessibles et efficaces, et des sauvegardes concrètes qui permettent de redresser vraiment la situation plutôt que de continuer à replâtrer le système.

Ne serait-il pas imprudent de la part des décideurs de procéder à une nouvelle répartition des pouvoirs dans un domaine comme celui du crédit-bail automobile avant même que nous ayons vraiment la garantie que nous n'aurons pas à y revivre les expériences que nous avons vécues dans le passé récent? Il ne serait pas dans l'intérêt public qu'on concentre davantage les services financiers entre les mains d'un petit groupe de fournisseurs. Réduire le nombre de fournisseurs de services serait contraire à la vision que se fait l'ACFL de l'avenir du secteur des services financiers au Canada.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant prendre 15 minutes pour un tour de table, en commençant par M. Epp.

M. Ken Epp: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai trouvé fort intéressants les exposés qu'on nous a présentés cet après-midi.

À moins que je l'aie mal compris, une chose qui m'a frappée chez le dernier intervenant, c'est qu'il y est allé vraiment discrètement dans ses réserves. Essentiellement, vous vous dites d'abord ravi de toutes ces recommandations, puis vous faites état d'un problème de concentration qui susciterait un certain mouvement d'inquiétude parmi vos membres et dont on ne traite pas adéquatement dans le rapport, de sorte que vous souhaitez qu'on y regarde de près. Pourquoi y allez—vous si délicatement? N'êtes-vous pas profondément inquiet à cet égard?

M. Tom Simmons: Nos membres sont très inquiets, notamment sur la question des conflits d'intérêt et de la concentration du pouvoir. Beaucoup de nos membres s'occupent de location directe de véhicules automobiles et d'équipement. En ce qui concerne notamment le crédit-bail automobile, étant donné que manifestement au moins la moitié, voire davantage, du financement qu'ils obtiennent vient des banques de l'annexe A, nos membres appréhendent vraiment que leurs bailleurs de fonds ne se placent en situation de conflit d'intérêt.

• 1555

M. Ken Epp: Autrement dit, vos membres sont forcés de traiter avec ceux-là mêmes qui s'apprêteraient à leur faire concurrence.

M. Tom Simmons: Tout à fait.

M. Ken Epp: Je vois. De quelle manière croyez-vous que la concurrence...

M. David Powell (président, Association canadienne de financement et de location): Je vous prie de m'excuser, mais j'aurais quelque chose à ajouter sur ce sujet. Je crois que notre association est placée en face de défis assez particuliers. Si vous examinez la liste de nos membres, vous allez constater qu'on y trouve des banques, des sociétés indépendantes de crédit-bail et des sociétés de financement, dites «captives», qui appartiennent à des fabricants. Chacun d'eux a par conséquent une perception différente d'un certain nombre de questions qu'a soulevées le Groupe de travail MacKay. Si l'on observe quelles sont leurs sources de financement, on constate que certains de nos membres empruntent sur les marchés internationaux des capitaux pour financer leurs diverses activités. C'est le cas, par exemple, de GE Capital, qui finance de cette façon ses opérations de crédit-bail au Canada.

Nous voyons donc que de telles sociétés ne comptent pas sur les banques canadiennes. La plupart de nos membres canadiens font affaire avec les banques, car ils ont besoin d'elles pour financer leurs activités. D'autres encore se financent autrement, en s'adressant par exemple aux sociétés d'assurance-vie. Je sais que l'un de nos membres a insisté, lorsqu'il a comparu devant vous, sur l'importance des sociétés d'assurance-vie pour notre industrie, car elles nous procurent des capitaux qui ne nous seraient pas autrement accessibles. Il a exprimé son inquiétude à propos des recommandations du Groupe de travail MacKay qui proposent d'autoriser les banques à se porter acquéreurs de sociétés d'assurance-vie. Ses craintes, a-t-il expliqué, tiennent au fait que rien ne garantit que nous ne serons pas privés, du moins en partie, de ces sources de financement si on autorise les banques à faire l'acquisition de sociétés d'assurance-vie.

Ainsi, il me semble qu'alors que le rapport MacKay s'est penché de très près sur des questions qui touchent le consommateur ou la petite entreprise, la question des sociétés d'assurance-vie est à vrai dire de celles qui inquiètent tous nos membres, les petits, les moyens et les gros, c'est-à-dire même ceux du secteur de la grande entreprise, et ces derniers tout autant que les autres.

C'est pourquoi la question de la concentration nous a semblé l'une de celles qui suscitent le plus d'inquiétude chez la plupart de nos membres, car, les gros comme les petits, tous évoluent sur le marché canadien. Les banques jouissent d'un certain nombre d'avantages intrinsèques qui tiennent leur source dans l'historique de la réglementation, et certains de ces avantages sont enracinés dans le système et sont directement en cause lorsqu'il s'agit de protéger l'intérêt public.

Ce que nos membres craignent, par conséquent, à voir la façon dont les choses ont évolué au cours des 15 dernières années, c'est que même avec la meilleure volonté du monde dans notre tentative d'offrir une plus grande diversité de choix et de rendre le système plus ouvert, nous finissions par nous retrouver dans cette même salle dans 10 ans pour nous demander comment nous sortir d'une situation où le nombre d'intervenants dans l'industrie a été décimé, plutôt que...

M. Ken Epp: Estimez-vous que l'éventualité que les banques envahissent littéralement le secteur du crédit-bail constitue une grave menace pour vos membres?

M. David Powell: Certains de nos membres envisagent cette possibilité avec certes énormément d'inquiétude, notamment ceux dont les activités s'exercent principalement dans le domaine du crédit-bail de véhicules automobiles, car c'est de celui-là qu'il est question. Ils verraient les banques... Étant donné que les sociétés de crédit-bail indépendantes qui font partie de notre association comptent largement sur les banques canadiennes pour le financement de leurs activités, elles craignent de voir ceux-là mêmes qui les financent devenir leurs concurrents, avec le risque que cela comporte pour l'avenir de leurs entreprises. Lorsque certains de nos membres les plus importants—je songe aux sociétés de financement qui appartiennent à des fabricants—, constatent les avantages dont disposent les banques sur le plan du coût des fonds, ils se demandent comment ils vont pouvoir affronter leur concurrence.

Après tout, les recherches sur lesquelles se fonde le rapport du Groupe de travail MacKay indiquent qu'à l'heure actuelle, les banques contrôlent environ 84 p. 100, sauf erreur, du marché du prêt automobile au Canada. Nos propres recherches nous révèlent—et nous en faisons état dans notre mémoire au Groupe de travail—que les banques constituent la principale source de financement de l'industrie du crédit-bail de véhicules, ou plutôt de l'industrie du véhicule automobile en général, y compris de l'industrie du crédit-bail. On appréhende de connaître dans le domaine du crédit-bail de véhicules la même situation qui existe actuellement dans celui du prêt automobile.

M. Ken Epp: Les fabricants d'automobiles sont-ils membres de votre association?

M. Tom Simmons: Oui, ils le sont.

M. Ken Epp: La société Ford Motor, qui possède une division de crédit-bail, en est donc membre?

M. Tom Simmons: Oui. Ford Motor Credit est membre de notre association, tout comme GMAC d'ailleurs.

• 1600

M. Ken Epp: Il m'apparaît maintenant évident que le secteur du crédit-bail connaît depuis un certain nombre d'années une véritable explosion en ce qui concerne la location de voitures de promenade aussi bien que de véhicules commerciaux. Je crains fort que les pressions de plus en plus fortes qui s'exercent pour promouvoir la location d'automobiles et de camions—qu'il s'agisse de camions de taille moyenne ou de très gros camions comme on en voit circuler sur nos routes—s'expliquent du fait que ce marché est plus lucratif que celui de la vente. Je suis porté à croire que les sociétés qui financent la location de véhicules automobiles y trouvent leur compte, tout comme d'ailleurs les fabricants. Le cas échéant, l'ensemble des consommateurs doivent y perdre. Vrai ou faux?

M. Tom Simmons: Je ne suis pas sûr que ce soit plus payant pour eux. Je crois que les fabricants ont certes utilisé la location comme moyen de tenter de reprendre leur part du marché dans le cas de certains modèles qui s'écoulaient moins facilement. Ils veulent peut-être ainsi favoriser l'écoulement de tel modèle par rapport à tel autre en offrant des taux d'intérêt avantageux ou en diminuant la valeur résiduelle du véhicule.

Tous les fabricants, y compris Toyota, Ford Motor Credit et Honda, offrent de temps à autre des conditions de location très attrayantes, et également, ces temps-ci, des taux fort avantageux aux acheteurs de véhicules, pour promouvoir l'écoulement de certains modèles. On a pu voir dans les journaux des réclames où il était question de taux d'intérêt de 0,8 p. 100, ou encore de faibles versements mensuels pour la location.

Les fabricants doivent évidemment se préoccuper de leurs profits, de sorte que, plutôt que d'accorder une remise en espèces, ils se montrent plus généreux dans l'établissement de la valeur résiduelle du véhicule, ce qui est une autre forme de subvention. En réalité, je ne suis pas vraiment en mesure de me prononcer sur la profitabilité de la location pour ces sociétés, mais, au Canada comme aux États-Unis, les fabricants se servent assurément de la location pour essayer de préserver leur part du marché dans le cas de certains modèles.

Auriez-vous quelque chose à ajouter là-dessus?

M. Nick Logan: Oui. Je me suis dit d'avis, tout à l'heure, que le marché avait été très concurrentiel dans le passé et qu'il l'est encore énormément aujourd'hui. À l'heure actuelle, il est fort avantageux pour le consommateur de louer le véhicule. On peut voir, je crois, certains fabricants accepter de perdre sur la valeur résiduelle qu'ils établissent. La situation va s'inverser, mais, à l'heure actuelle, un consommateur peut s'adresser à n'importe quel concessionnaire et obtenir un contrat de location en sachant qu'il fait là une très bonne affaire.

M. Tom Simmons: Permettez-moi d'ajouter une autre observation à cet égard.

C'est presque la même chose que de conclure un contrat de location à long terme, que de louer, par exemple, une automobile chez Hertz pour six mois ou trois semaines. Le consommateur loue réellement de GMAC pour une période de 24 mois un véhicule qu'il doit remettre ensuite. Les fabricants certes reconnaissent que c'est ce dont il s'agit. Ce qu'ils veulent, c'est que les gens leur retournent leur véhicule usagé de manière à ce qu'ils puissent le revendre, le louer de nouveau ou le confier à un encanteur. Ils espèrent alors que le client va se procurer un nouveau véhicule.

Il s'agit à mon sens du contraire de ce que... Il en coûte probablement quelque chose aux fabricants de procéder ainsi par location pour une aussi grande part du marché, car l'option location est actuellement retenue dams 46 ou 47 p. 100 des nouveaux cas d'acquisition d'un véhicule.

M. Ken Epp: C'est donc dire que si les banques envahissent ce secteur, il se pourrait fort bien qu'éventuellement nous voyions apparaître par-ci par-là des parcs de voitures d'occasion sous la bannière de la Banque de Montréal, par exemple.

M. Tom Simmons: Il se pourrait très bien, en effet, qu'on en vienne là si on autorise les banques à s'occuper directement de crédit-bail depuis leurs succursales.

M. Ken Epp: Nous verrions alors les gens du secteur de la vente de véhicules d'occasion venir se plaindre à notre comité que les banques marchent sur leurs plates-bandes.

M. David Powell: Je voulais simplement souligner que la croissance phénoménale dont vous avez parlé et qu'on peut observer non seulement dans le secteur du crédit-bail de véhicules, mais aussi dans celui du crédit-bail en général, reflète un changement d'attitude chez les consommateurs qui s'intéressent aux produits offerts en location. Le document que nous avons présenté à votre comité en septembre tentait d'énumérer le genre de choses que les gens trouvent avantageuses sur le marché.

La location ne convient pas à tous. Ne vous méprenez pas sur ce que j'ai dit, elle ne s'adresse pas à tous, mais il y a une foule de gens qui y voient la bonne décision à prendre dans leur cas. Je crois que si nous avons assisté à cette croissance phénoménale de la location depuis une décennie, c'est en partie en réaction au fait que les gens cherchent de nouveaux moyens d'acquérir des véhicules et de l'équipement.

M. Ken Epp: Est-ce à dire que vous souhaiteriez que le rapport soit revu de manière à ce qu'on en retranche l'autorisation qu'on propose d'accorder aux banques de s'occuper directement de crédit-bail? Seriez-vous en faveur d'une telle révision du rapport?

M. David Powell: Ce qui nous inquiète, c'est qu'il y a un certain nombre de questions auxquelles il faudrait s'attaquer et qu'il faudrait résoudre avant d'en arriver là. Nous avons soulevé ces questions en faisant état d'un certain nombre de problèmes de concentration ou liés à la concentration. Jusqu'à nouvel ordre, nous ne croyons pas qu'il serait sage d'aller de l'avant tant qu'on ne se sera pas attaqué à ces problèmes, car certains de nos membres craignent fortement de ne pas être en mesure d'affronter convenablement la concurrence des grandes institutions, qui profitent d'une foule d'avantages intrinsèques.

• 1605

Du moment qu'on a créé un système qui accorde à de grandes institutions financières, comme les banques, certains avantages, privilèges et responsabilités, et qu'on décide de leur ouvrir ce nouveau secteur, comment pourra-t-on contrebalancer certains de ces avantages intrinsèques qu'elles conserveront forcément, comme l'accès aux fonds en dépôt, qui coûtent moins cher que n'importe quels autres fonds qu'on peut se procurer sur le marché?

M. Ken Epp: Est-ce à dire que vous souhaiteriez un règlement qui leur interdise de le faire? Je ne saisis pas très bien ce que vous préconisez.

M. Tom Simmons: Permettez-moi simplement d'ajouter ceci. Je crois que tant que nos membres n'auront pas accès à un éventail suffisamment large de fournisseurs de services financiers, et cela vaut pour les sociétés indépendantes de crédit-bail, pour les sociétés de location directe de véhicules automobiles, ainsi que pour les concessionnaires automobiles, dont beaucoup font partie de notre association, l'adoption de cette mesure devrait être reportée. S'ils doivent affronter la concurrence des banques dans leur propre domaine, ils n'auront que deux ou trois autres sources auxquelles s'adresser pour le financement de leurs stocks, de leur fonds de roulement, etc. Nous croyons donc qu'on devrait reporter cette décision tant qu'il n'y aura pas en nombre suffisant d'autres sources de financement qui leur soient accessibles.

M. Ken Epp: Simplement reporter.

M. Tom Simmons: Oui.

M. Ken Epp: Je vois. Merci.

J'aurais quelques questions à poser à M. Weese. J'ai noté dans votre exposé que vous parlez du recours à la réglementation. Pourtant, vous êtes vraiment en faveur de la libre entreprise, à ce qu'il me semble. Vous dites également, comme les autres, qu'il ne devrait y avoir de réglementation que lorsqu'elle est absolument nécessaire pour protéger le consommateur et le gouvernement, et par ricochet, les contribuables, etc. Donc, vous aimeriez que le marché soit beaucoup plus libre, et du même coup, vous voulez restreindre l'accessibilité des banques au marché. Est-ce bien le cas, ou vous ai-je mal interprété?

M. Robert Weese: Monsieur Epp, nous ne voyons vraiment aucun intérêt à ce qu'on restreigne l'accès des banques à quelque secteur que ce soit des affaires. Nous sommes d'avis que là où il s'impose de protéger les déposants, il y a carrément lieu de prévoir une réglementation prudentielle. Pour le reste, afin d'assurer aux consommateurs et aux petits entrepreneurs l'accès au financement, nous croyons que la meilleure approche serait d'encourager la concurrence sur le marché, de lever tout obstacle au démarrage ou à la venue de nouveaux fournisseurs de services financiers. Nous avons certes été à même de constater, étant donné le genre d'activités qu'exercent GE Capital et un bon nombre d'entreprises qui font partie de notre association, comment un marché concurrentiel comportant le moins possible d'entraves peut offrir aux entreprises et aux consommateurs un plus grand choix de sources de financement. Nous estimons essentiellement que c'est ce genre d'approche que le gouvernement devrait adopter en réponse au rapport MacKay, à savoir n'imposer de réglementation que là où c'est nécessaire pour garantir la fiabilité et la solidité du système financier et pour protéger les déposants non avertis.

M. Ken Epp: Vous êtes venus dire au comité aujourd'hui que vous applaudissez à un bon nombre de recommandations du rapport. Mais voilà que vous aussi, très discrètement, vous nous invitez à être vigilants à propos de la concurrence déloyale et à nous assurer qu'il n'y aura pas de discrimination, etc. Je m'étonne que vous soyez si discret à cet égard, car je me serais attendu à ce que vous preniez plus fermement position ici aujourd'hui. Je crois que vous nourrissez des inquiétudes, mais je n'en suis pas certain.

M. Robert Weese: Non, je ne crois pas que nous soyons si discret à cet égard.

Dans son ensemble, la vision exprimée dans le rapport MacKay nous apparaît juste. Cela dit, nous comprenons certaines des inquiétudes que d'autres font valoir à votre comité. Nous comprenons certaines des appréhensions qu'exprime l'association, dont, nous vous le rappelons en passant, nous sommes également membres. Comme GE Capital est dans une position légèrement différente de celle d'autres membres, il est normal que nous ne nous inquiétions pas au même titre qu'eux des mêmes éventualités.

Ce n'est toutefois pas que nous soyons insensibles aux problèmes qui pourraient résulter d'une concentration du marché et de l'exercice d'un pouvoir abusif sur le marché. Ce sont là des problèmes avec lesquels le gouvernement aura forcément à se débattre. Nous jugeons important pour nous, comme société, de faire savoir au comité et au gouvernement que, pour l'essentiel, la position qu'a adoptée le Groupe de travail MacKay nous apparaît juste. C'est le genre d'orientation que le gouvernement devrait prendre. Nous estimons que la vision du rapport MacKay reflète bien la réalité du marché mondial à l'heure actuelle et celle de ce secteur particulier, celui des services financiers, qui doit s'adapter aux changements qui surviennent dans le monde, comme l'ont d'ailleurs fait d'autres secteurs de l'économie canadienne. Je ne vois pas que nous soyons trop discrets à cet égard.

• 1610

M. Ken Epp: Vous constituez en quelque sorte un important canal d'amenée de capitaux internationaux au Canada, n'est-ce pas?

M. Robert Weese: C'est juste.

M. Ken Epp: Il faut probablement parler de milliards de dollars dans l'ensemble.

M. Robert Weese: Au Canada, nous demeurons relativement petits comparés aux banques.

M. Ken Epp: Mais mondialement, vous êtes...

M. Robert Weese: Mondialement, nous sommes un acteur très important, vous avez raison.

M. Ken Epp: En ce qui concerne votre contribution au développement de notre pays, en ce qui touche la fourniture d'équipement qui ne serait pas autrement accessible, vous êtes donc un acteur passablement important dont nous aurions tort de ne pas tenir compte.

M. Robert Weese: C'est juste, je crois. GE Capital a vraiment commencé à s'établir sérieusement au Canada il y a de cela environ huit ans, n'est-ce pas, Roman? Et depuis lors, GE Capital a implanté au Canada un nombre de plus en plus grand de divisions spécialisées au fur et à mesure qu'elle y a décelé des possibilités d'offrir aux Canadiens certains produits et services et de se développer sur ce marché. Toutes nos divisions spécialisées ne sont pas encore établies ici, mais c'est déjà le cas de 16 des 28 divisions que nous avons au total. Nous pensons d'ailleurs que nous constituons une importante source supplémentaire de financement pour les entreprises avec lesquelles nous traitons ici.

M. David Powell: Peut-être devrais-je ajouter, étant donné que les gens de GE Capital sont trop modestes pour le faire eux-mêmes, qu'il y a un certain nombre d'autres choses que les divisions de GE Capital et beaucoup d'autres membres de l'ACFL qui offrent des sources de financement non canadiennes apportent au marché canadien, à savoir de l'innovation, de l'expertise et une compétitivité qui, disons-le bien honnêtement, a contribué au démarrage d'une foule d'autres fournisseurs de services financiers canadiens, notamment parmi ceux qui étaient déjà bien établis ici et dont la réaction initiale avait été de se demander qui étaient ces gens menaçants et comment on devrait s'y prendre pour les garder loin de notre marché. Ils en sont maintenant venus à reconnaître que ce sont les entreprises du type de GE Capital et d'autres parmi nos membres qui leur ont fait subir les pressions du marché mondial et qui les ont forcés à évoluer. Et, comme nous l'avons mentionné dans notre exposé d'ouverture, l'un des résultats positifs de cet avènement a été que, pour la première fois dans l'histoire moderne, on a vu l'avantage passer des fournisseurs de services financiers à leurs clients.

M. Ken Epp: Il y une chose que j'ai vraiment du mal à imaginer. Des gens comme vous s'amènent ici en disant qu'ils sont internationaux et qu'ils apportent des capitaux étrangers dans notre pays. Or, comment pourrions-nous vouloir en même temps favoriser et encourager leur venue et empêcher nos banques canadiennes de leur faire concurrence? Selon moi, nos banques canadiennes devraient pouvoir affronter cette concurrence des institutions étrangères, puisqu'une part importante, sinon la plus importante, des capitaux fournis par les banques canadiennes viennent en fait de Canadiens.

M. David Powell: Nous serions, je crois, entièrement d'accord avec vous, si ce n'était que dans notre cas, nous prenons comme point de départ d'offrir plus de choix au client. Je vous le rappelle, dans notre mémoire au Groupe de travail, nous avons titré en grosses lettres—comme vous pouvez le voir dans l'annexe B du mémoire que nous vous avons soumis—avec le mot «choix». Vous devez non seulement vous intéresser à ce qui bonifie ce choix, mais également à ce qui le restreint. C'est dans cet esprit que nous avons souligné l'importance que les décideurs soient bien au fait du problème de concentration sur le marché et de son incidence sur le choix offert au consommateur. Nous croyons fermement en la valeur de la concurrence, car nous avons la conviction qu'en dernière analyse, c'est la concurrence qui permettra aux consommateurs d'avoir le meilleur choix possible. Mais le défi que vous avez à relever jusqu'à nouvel ordre, c'est d'établir comment offrir ce choix aux consommateurs, comment y arriver.

M. Ken Epp: Une des questions pratiques qui me viennent à l'esprit à cet égard—et je devrai ensuite me retirer—est celle-ci. Supposons qu'un type de ma circonscription veuille se procurer un nouveau camion pour transporter du gravier, car il est entrepreneur dans ce domaine. Il doit alors choisir entre acheter ou louer ce véhicule. Voulez-vous dire que s'il entend se procurer un camion GM, on devrait lui offrir d'autre choix que celui de financer le véhicule sur place directement de GMAC, autrement dit que le concessionnaire General Motors devrait, en fait, être forcé de lui offrir ce choix sur place? Concrètement, en pratique, que devrait-il en être selon vous? Le concessionnaire General Motors aurait son...

• 1615

M. Tom Simmons: À cet égard, le concessionnaire General Motors pourrait faire affaire avec sa propre société de financement. Il pourrait peut-être également faire affaire avec General Electric ou AT&T Capital. Ce concessionnaire aurait donc un certain nombre de fournisseurs de services avec qui traiter.

Nous ne proposons pas que la loi condamne le concessionnaire à ne pouvoir compter que sur une source de financement. Nous voulons qu'il ait accès au plus grand nombre possible de catégories de bailleurs de fonds.

M. Ken Epp: Vous souhaiteriez, j'imagine, que la loi interdise au concessionnaire de dire à son client qu'il ne peut acheter son camion que s'il consent à le faire financer par son intermédiaire.

M. Tom Simmons: Ce serait, en effet, restreindre indûment le commerce.

M. David Powell: Même là, il n'en tiendrait qu'au client de dire au concessionnaire: «Ce que vous m'offrez ne me convient pas. Je vais donc m'adresser à votre concurrent».

Nick a signalé tout à l'heure qu'on se livrait dans ce secteur une concurrence féroce. Je présume que le client de votre circonscription dont vous avez parlé disposerait d'un certain nombre de possibilités pour obtenir du financement et qu'il aurait avantage à prendre soin d'essayer de négocier le meilleur marché possible.

M. Ken Epp: Vous avez parlé d'une loi visant à protéger le consommateur non averti. Il faut dire que mon type n'est pas très averti, et que si le concessionnaire lui dit que c'est là tout ce qu'il a à lui offrir, il se dira peut-être qu'il ne s'y connaît pas assez pour trouver avantage à aller comparer les offres.

M. Tom Simmons: Il se peut fort bien, en effet, qu'un petit entrepreneur n'ait pas les connaissances voulues pour comparer les offres avant d'acheter.

M. Ken Epp: C'est juste. C'est son problème, n'est-ce pas?

M. Tom Simmons: Encore là, il a le choix entre s'adresser à un concessionnaire GM ou à un concessionnaire Ford pour se procurer un camion. S'il s'agit d'un gros camion, il peut traiter avec un concessionnaire Mack ou avec un autre, par exemple.

La plupart des clients d'affaires prendraient certes le soin de comparer les conditions offertes par plusieurs concessionnaires avant de faire le choix d'un véhicule commercial. Il y aurait des sociétés de location directe et des sociétés prêteuses qui passeraient voir ce consommateur. Beaucoup de nos membres solliciteraient ce client potentiel directement, et celui-ci pourrait en dernier ressort décider s'il préfère faire affaire directement avec telle société de crédit-bail ou telle bailleur de fonds, ou encore, passer par le concessionnaire. La plupart des membres de notre industrie ont des relations avec les détaillants, que ce soit pour la vente de camions, de matériel informatique ou de machinerie lourde.

Aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Roman Oryschuk (président et directeur général, Financement d'équipement, GE Capital Canada): Monsieur Epp, je vous prie de m'en excuser, mais je ne sais pas où est votre circonscription.

M. Ken Epp: En Alberta.

M. Roman Oryschuk: J'aurais espéré que votre électeur ait entendu parler de nous, car il correspond tout à fait au client potentiel que nous ciblons. Il fait normalement partie de notre stratégie commerciale d'entrer en communication avec les sociétés qui sont appelées à faire l'acquisition de passablement d'équipement au fil du temps. Ce genre d'équipement cadre parfaitement avec notre domaine. Essentiellement, votre électeur pourrait financer son acquisition par l'intermédiaire du concessionnaire où il se procure son camion de gravier, mais normalement, il serait sollicité par une organisation comme la nôtre.

Je vous répondrais également en vous mentionnant que nous ne faisons pas uniquement du crédit-bail. Nous nous occupons aussi de financement adossé. Autrement dit, nous pourrions offrir à ce client potentiel soit un contrat de vente conditionnelle, soit un prêt à terme, soit un contrat de crédit-bail, selon la situation du client, selon ce qui répondrait le mieux à ses besoins. Un véritable professionnel de notre secteur sera en mesure d'aider votre type à prendre la bonne décision. Ce qui nous distingue des autres types d'institutions financières, c'est que nous connaissons bien l'équipement qui fait l'objet de la négociation. Cela nous permet d'être beaucoup plus souples dans l'établissement des modalités de la transaction.

Cet élément fait partie de la valeur ajoutée que nous offrons à ce marché. Je ne veux pas uniquement parler de General Electric, mais de notre industrie dans son ensemble. Les représentants de notre industrie connaissent normalement bien le genre d'équipement qu'ils financent et ils sont donc en mesure de prendre en matière de crédit des décisions quelque peu différentes de celles que prendrait quelqu'un qui ne s'intéresse qu'au bilan de l'emprunteur.

Si nous avons affaire à un client potentiel dont le bilan n'est peut-être pas très reluisant, mais qui semble devoir disposer des liquidités voulues, qui a une bonne source de revenu et qui jouit d'une bonne réputation, nous pourrions, grâce à notre connaissance de l'équipement concerné, décider d'approuver le crédit en tenant compte de la valeur de l'équipement. Nous essaierions, en nous fondant sur la marge brute d'autofinancement que le client pourra normalement dégager d'un éventuel contrat, établir le calendrier de versements qu'il lui faudra respecter pour pouvoir se servir de l'équipement en question.

Par conséquent, je ne voudrais pas vous laisser sous l'impression que nous voulons parler ici uniquement de crédit-bail. Le vrai professionnel de notre industrie aidera ce type de client à prendre la bonne décision concernant la forme de transaction qui lui convient, à choisir judicieusement plutôt qu'inconsidérément entre un prêt et une entente de location à bail. Ce professionnel établira ensuite les modalités du contrat en fonction de l'usage que le client entend faire du véhicule en question et des liquidités dont il lui faudra disposer pour respecter les conditions du marché.

• 1620

M. Ken Epp: Ce que je suis en train de me dire, c'est que certaines banques ne se montrent pas très intéressées au type dont je vous parle, qui n'a qu'une microentreprise. Il est tellement petit. Il est propriétaire du véhicule, il s'en occupe lui-même, il le conduit, et il fait lui-même ses vidanges d'huile. Il n'a aucun employé. Un tel cas vous intéresse-t-il vraiment?

M. Roman Oryschuk: Monsieur Epp, nous avons un grand nombre de clients qui correspondent exactement à cette description, dont beaucoup exercent leurs activités dans le domaine du transport. D'ailleurs, nous traitons parfois avec ce genre de client en collaboration avec le fabricant, qui nous aide à bien jauger des particularités du cas. Essentiellement, ce qui nous caractérise, c'est que nous connaissons le matériel dont il s'agit, ce qui ne veut pas dire que nous approuvons toutes les demandes qui nous sont soumises. Je ne voudrais pas vous laisser sur cette impression. Ce genre de client représente dans mon portefeuille littéralement des centaines de millions de dollars d'affaires.

M. Ken Epp: Ça va, c'est tout pour moi. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Epp.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: En réalité, la seule mise en garde que nous a servie ce groupe de discussion porte sur le domaine du crédit-bail automobile. À propos de la concentration du marché, pourriez-vous me rappeler quel est le pourcentage de crédit-bail automobile qu'effectuent à l'heure actuelle les trois grands fabricants d'automobiles?

M. Tom Simmons: Dans l'ensemble du marché du crédit-bail automobile au Canada, qui comprend les bailleurs directs, dont PHH et General Electric, ainsi que les captives, dont le seul rôle est de servir la clientèle des concessionnaires, la part des captives serait de 70 à 80 p. 100.

Mme Carolyn Bennett: C'est donc dire qu'il y a déjà passablement de concentration sur ce marché.

M. Tom Simmons: Par comparaison, comme l'a fait remarquer David il y a un instant, les banques contrôlent 80 p. 100 du prêt sur les véhicules neufs. Par conséquent, les captives, au fond, ne financent pas vraiment d'autos. Non seulement les banques de l'annexe A contrôlent-elles 80 p. 100 du marché des prêts sur les autos neuves, mais elles contrôlent vraisemblablement pratiquement 100 p. 100 de celui du financement des voitures d'occasion.

À notre avis, il y a tout lieu de craindre que s'il n'y a pas un nombre suffisant de bailleurs de fonds sur ce marché, les banques contrôleront, si la loi est modifiée, non seulement 80 p. 100 du marché des prêts, mais également aux alentours de 80 p. 100 de celui du crédit-bail. Nous avons le sentiment que, compte tenu de la concentration du marché et de la position dominante qu'occupent déjà les banques dans le secteur des prêts, les banques finiraient certes par occuper également une place dominante sur le marché du crédit-bail au Canada, en particulier si la loi leur permettait de conclure des contrats de crédit-bail directement depuis leurs succursales.

Mme Carolyn Bennett: Vous voulez donc dire que le consommateur hésiterait encore entre soit emprunter pour acheter, soit conclure une entente de location à bail et que les banques joueraient un rôle dominant dans les deux cas.

M. Tom Simmons: Oui. À l'heure actuelle, leur position est dominante du côté prêts, tant en ce qui concerne les prêts directs depuis leurs succursales qu'en ce qui concerne les prêts indirects.

Mme Carolyn Bennett: Peut-être aurions-nous tort de traiter à part le domaine du crédit-bail en nous disant que la concurrence y est déjà trop féroce et que nous ne devrions par permettre à de nouveaux joueurs de l'envahir.

M. Tom Simmons: La présence dominante des banques dans le secteur des prêts se transposerait alors automatiquement dans celui du crédit-bail. C'est ce que craignent certains de nos membres. Et surtout, leur domination s'accentuerait encore davantage si elles étaient autorisées à conclure des contrats de crédit—bail directement depuis leurs succursales, car elles deviendraient alors de véritables acheteurs de parcs de véhicules. C'est ce qui inquiète bon nombre de nos membres. Les banques s'occuperaient alors de commerce de marchandises, puisqu'elles négocieraient l'achat et la revente de véhicules d'occasion.

Mme Carolyn Bennett: Les concessionnaires font-ils partie de votre organisation ou non?

M. Tom Simmons: Certaines des plus importantes divisions de crédit-bail affiliées à des concessionnaires automobiles sont membres de notre association.

Mme Carolyn Bennett: Quand ils ont comparu devant nous, les concessionnaires nous ont expliqué que les fabricants étaient en mesure de leur offrir de bien meilleures conditions pour leur permettre de promouvoir la vente de modèles qui s'écoulent moins bien que d'autres. Lorsque leur parc automobile est rempli de modèles qu'ils parviennent difficilement à écouler, leur société mère peut leur venir en aide en leur offrant dans ces cas de meilleurs taux, et leur crainte est de ne pas pouvoir profiter ailleurs de ce genre de souplesse.

• 1625

M. Tom Simmons: De toute façon, les fabricants pourraient maintenir cette pratique. Si GMAC ou Ford Motor Credit voulaient promouvoir la vente de certains modèles de véhicules, qu'il s'agisse, par exemple dans le cas de Ford, du modèle Taurus qui, comme vous le dites, traîne dans l'arrière-cour des garages de concessionnaires, ils pourraient alors subventionner l'écoulement de ces véhicules en offrant du financement à faible taux d'intérêt ou par d'autres moyens.

Ce que les concessionnaires appréhendent, c'est que, si le marché du crédit-bail échappe aux fabricants, certains des fabricants ne soient peut-être plus en mesure d'offrir d'aussi bons services aux concessionnaires, étant donné que le marché du crédit-bail est sans doute lucratif pour les fabricants. Il va sans dire que personne ne s'intéresserait à ce marché s'il n'y avait pas d'espoir d'y réaliser des profits.

Les fabricants ne contrôlent pas le marché du prêt. S'ils perdent celui du crédit-bail, ils en seront réduits à ne pouvoir financer que les achats de véhicules par le concessionnaire. Ce que laissent entendre certains de nos membres, c'est que si les fabricants devaient se contenter de ne financer que les stocks des concessionnaires, ils n'y trouveraient plus financièrement leur compte et préféreraient peut-être se retirer de ce marché. On a déjà vu des institutions envahir un marché et s'en retirer par la suite. Voilà donc ce qui inquiète les concessionnaires.

Un autre sujet d'inquiétude dont les concessionnaires nous ont fait part et qui, je crois, a d'ailleurs déjà fait l'objet d'un commentaire dans l'un des documents de travail que DesRosiers a soumis au Groupe de travail MacKay, a trait au nombre de concessionnaires qui s'occupent eux-mêmes de crédit-bail. Il y a probablement quelque 1 600 concessionnaires qui font du crédit-bail. Ils ont fait remarquer que le concessionnaire moyen, ce qui exclut les plus importants, ne conclut que 25 contrats de crédit-bail par an. Mais cette activité n'en demeure pas moins pour lui intéressante. Elle porte sur un chiffre de ventes annuel d'environ 700 000 $ pour ces 25 véhicules, ce qui lui procure environ 25 000 $ de profit brut. C'est donc une activité qui revêt de l'importance pour l'association des concessionnaires, qui espère que ces chiffres iront croissant.

La plupart des concessionnaires, je dirais près de la moitié d'entre eux, s'occupent donc de crédit-bail qu'ils financent eux-mêmes, ce qui leur permet, comme l'a signalé Roman, d'offrir à leur client des services complets de gestion d'équipement. Dans le cas d'un petit camion, ils aideraient leur client à le choisir, à le manier, à l'entretenir, pour enfin l'aider à le revendre sur leur propre marché.

Mme Carolyn Bennett: Vos membres craignent-ils que les banques soient autorisées à envahir le domaine de l'assurance à titre gratuit? Je crois que ces deux choses...

M. Tom Simmons: Voulez-vous dire à vendre de l'assurance automobile depuis leurs succursales?

Mme Carolyn Bennett: Oui, exactement. L'une des recommandations du rapport MacKay est de leur permettre, toujours depuis leurs succursales, de vendre également des assurances multirisques. D'aucuns ont fait part au comité de leur crainte qu'elles puissent en quelque sorte s'en servir comme produit d'attraction pour accroître leur clientèle.

M. Tom Simmons: Certains de nos membres nous ont dit appréhender cette éventualité à propos de crédit-bail de véhicules, à savoir que les banques pourraient l'utiliser comme produit d'attraction.

Mme Carolyn Bennett: Je vois.

M. Tom Simmons: Mais, David, je ne suis pas sûr de ce que je viens d'avancer... Notre association n'a nullement pris position sur la question de l'assurance.

Mme Carolyn Bennett: Mais avez-vous une opinion concernant la possibilité que les banques soient autorisées à vendre de l'assurance, ou cette possibilité vous laisse-t-elle indifférent pourvu que les banques ne s'occupent pas de crédit-bail automobile?

M. David Powell: Pour bien représenter ici notre association, je dois dire que nous estimons n'avoir pas la compétence voulue pour nous prononcer sur cette question. Nous croyons donc que notre opinion à cet égard ne vous serait pas très utile.

Mme Carolyn Bennett: C'est donc dire que cet aspect ne vous préoccupe pas.

M. David Powell: C'est juste. Nous ne l'avons d'ailleurs pas vraiment examinée.

Mme Carolyn Bennett: Chez GE Capital, ce n'est que lorsque les gens veulent se procurer un camion de transport de gravier que vous vous montrez intéressés. Étant donné que vous ne vous occupez pas de crédit-bail automobile...

M. Robert Weese: Nous nous occupons de crédit-bail automobile, mais notre position est quelque peu différente de celle de certains des autres membres de l'association, car nous n'obtenons pas nos fonds des banques. Nous allons chercher notre financement sur les marchés monétaires internationaux, en nous servant de la cote de crédit triple A de notre société mère, de sorte que nous obtenons ces fonds à des taux très compétitifs.

Ce que craignent les concessionnaires automobiles qui s'occupent de crédit-bail, étant donné qu'en règle générale ils obtiennent leurs fonds des banques canadiennes, c'est de se retrouver dans une position concurrentielle vulnérable si leurs bailleurs de fonds devenaient du même coup leurs concurrents. Chez GE Capital, nous comprenons leur inquiétude, mais nous ne la partageons pas, puisque ce n'est pas là notre source de financement.

Nous sommes passablement importants dans le secteur du crédit-bail automobile, de même que dans celui du crédit-bail de flottes commerciales, ou encore comme gestionnaires de flottes de véhicules. Mais étant donné que notre source de financement est le marché monétaire mondial, nous nous trouvons à cet égard dans une position légèrement différente de celle de certains membres de notre association.

• 1630

M. Michael Davies (vice-président et avocat général, GE Capital Canada): Oui. Je crois également que les concessionnaires automobiles et, comme vous l'avez mentionné, GMAC et d'autres, ont certaines inquiétudes que nous ne partageons pas, du fait que nous ne nous occupons pas de fabrication d'automobiles ou de financement lié. Compte tenu de notre façon d'aller chercher des fonds sur le marché et de faire des affaires, l'application ou non des recommandations du Groupe de travail MacKay ne nous touche pas vraiment.

Mme Carolyn Bennett: C'est donc dire que votre réaction plutôt positive au rapport MacKay ne s'accompagnait pas vraiment d'inquiétudes concernant l'éventualité que les banques soient autorisées à s'occuper de crédit-bail.

M. Robert Weese: Nous comprenons ceux que cette question préoccupe.

M. Michael Davies: Nous comprenons les appréhensions des autres.

M. Robert Weese: Mais nous ne les partageons pas, étant donné que leur situation est différente de la nôtre.

M. Michael Davies: Et étant donné que ces éventualités ne nous toucheraient pas, qu'elles ne pourraient pas avoir de conséquences négatives pour nous.

M. Roman Oryschuk: Cela dit, rien ne nous serait plus facile aujourd'hui que de vous dire qu'il faudrait restreindre la concurrence. Mais telle n'est pas notre croyance. Notre leitmotiv en affaires, c'est de ne pas chercher à empêcher d'autres d'exercer leurs activités dans notre propre domaine. Nous croyons profondément aux vertus de la concurrence. Nous sommes d'avis qu'en dernière analyse, la seule attitude valable, positive, est de favoriser la concurrence sur le marché et de laisser les meilleurs gagner. Laissons aux consommateurs le soin de décider quels sont les meilleurs. Laissons également aux marchés financiers le soin d'en décider, car ce sont ces marchés qui, en définitive, sont à même de juger de notre compétence en affaires.

Cela dit, j'aimerais aborder votre question concernant les camions de transport de gravier. Notre entreprise est très présente dans le secteur du transport, de l'exploitation forestière et de la construction au Canada. Mais je tiens à vous rappeler que notre créneau n'est qu'un des 16 créneaux d'activité de notre société au Canada. Nous fonctionnons essentiellement par créneaux. Nous n'essayons pas d'offrir tout à tout le monde. Nous abordons le marché par créneaux, et nous y tenons. Quand nous disons que nous avons 28 créneaux, cela veut vraiment dire que nous avons ciblé dans le monde 28 domaines de spécialité à propos de chacun desquels nous avons élaboré une stratégie commerciale originale en collaboration avec ceux-là mêmes qui ont accepté de se consacrer exclusivement à la prestation des services que nous offrons dans leur créneau.

Autrement dit, ceux qui travaillent dans mon groupe ne s'occupent que d'un seul des 16 créneaux dans lesquels nous nous spécialisons au Canada. Ceux qui travaillent dans les autres créneaux ne s'occupent de rien d'autre que de leur créneau particulier. Ils ne cherchent pas à vendre tous les produits de GE Capital à la fois. Ils se spécialisent.

Dans ma division, nous nous occupons de bien d'autres choses que du genre de matériel dont nous avons déjà discuté. Nous finançons également des avions à réaction commerciaux, dont certains appartiennent à d'importantes sociétés. Nous finançons du matériel d'imprimerie. Nous finançons sur une haute échelle de l'équipement de fabrication—des machines-outils et des presses à injection—dans les régions du Canada où ce genre d'équipement est suffisamment en demande.

C'est donc dire que nous finançons une grande variété de matériel. Mais ce que vous verrez généralement, même au sein de mon groupe, c'est que nous avons des gestionnaires de comptes qui se concentrent sur telle ou telle industrie en particulier. Par exemple, si nous étions aujourd'hui à nos bureaux de Toronto, vous y verriez deux personnes qui s'occupent à plein temps de machines-outils. Elles ne font que ça.

Mme Carolyn Bennett: Sauf erreur, le rapport MacKay est très explicite sur la question du crédit-bail automobile au niveau du consommateur. Ce n'est pas un de vos domaines, n'est-ce pas?

M. Roman Oryschuk: Une de nos divisions, Auto Financial Services, offre aux consommateurs des services de crédit-bail exactement dans le créneau dont vous parlez.

Mme Carolyn Bennett: Même à un seul consommateur à la fois, ou uniquement lorsqu'il s'agit de flottes?

M. Roman Oryschuk: À un seul consommateur.

Mme Carolyn Bennett: Un consommateur à la fois.

M. Roman Oryschuk: Et, en règle générale, nous offrons ce service en collaboration avec le fabricant. Nous procédons alors dans le cadre d'un programme où le service est offert au client par l'entremise du concessionnaire. Le concessionnaire vend le service, et nous finançons l'opération. Dans une certaine mesure, nous faisons directement concurrence aux captives.

Mme Carolyn Bennett: Je comprends. Les clients doivent-ils s'adresser ailleurs pour leurs assurances?

M. Roman Oryschuk: Oui, ils doivent aller ailleurs.

Mme Carolyn Bennett: Avez-vous...?

M. Roman Oryschuk: Je dois vous avouer, là encore en raison de la façon dont nous nous organisons, que je ne m'y connais pas du tout dans ce domaine.

Mme Carolyn Bennett: C'est donc dire que vous ne vous inquiéteriez pas de ce que les banques soient autorisées à s'occuper de crédit-bail automobile et à se lancer dans l'assurance?

M. Roman Oryschuk: Non. Chez GE Capital, on ne s'en inquiète pas. Cela dit, nous comprenons toutefois que cette éventualité puisse préoccuper davantage que nous certains membres de l'Association canadienne de financement et de location.

Je vous le répète, ce que nous préconisons, c'est de laisser libre cours au jeu de la concurrence.

Mme Carolyn Bennett: Très bien.

• 1635

M. Nick Logan: C'est là une possibilité. Nous louerions à bail de l'équipement et nous l'assurerions ensuite. Nous offririons en quelque sorte un forfait. D'ailleurs ne serait-il pas normal de vendre l'assurance en même temps qu'on vend l'automobile?

M. Ken Epp: Mais votre société n'est pas une société d'assurance. Tout au plus, elle offrirait de l'assurance.

Le président: Monsieur Logan, au nom du comité, je tiens à vous remercier. Nous avons eu droit à une discussion très intéressante. Je tiens également à vous remercier tous d'avoir été pour nous une importante ressource avant notre tournée du pays. Vos réflexions se sont révélées pour nous très utiles et nous ont permis de cerner beaucoup mieux la question.

Encore une fois, je vous remercie, et je suis certain que vous allez voir nombre de vos opinions reflétées dans notre rapport au ministre. Merci beaucoup.

Nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant quelques minutes, et à notre retour, nous reprendrons nos consultations prébudgétaires. Nous entendrons M. Robert Johannson, de la Canadian Association of the Non-Employed.

• 1636




• 1640

Le président: Je déclare la séance ouverte. Nous reprenons maintenant nos consultations prébudgétaires. Nous allons entendre M. Robert Johannson qui, comme je l'ai déjà mentionné, représente la Canadian Association of the Non-Employed.

Monsieur Johannson, soyez le bienvenu. Je vous rappelle que vous avez de cinq à sept minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi nous passerons à la période des questions.

M. Robert Johannson (Canadian Association of the Non-Employed): Merci beaucoup de bien vouloir m'entendre. J'ai été un peu contrarié hier de constater que vous étiez déjà partis au moment où je me suis présenté. Les observateurs ont dit que, oui, vous faisiez penser à un troupeau de gazelles.

Mme Carolyn Bennett: De gazelles!

M. Ken Epp: On m'a déjà accusé d'un tas de choses, mais pas d'être une gazelle.

M. Robert Johannson: En tout cas, vous aviez le pas très léger.

Le président: Nous n'allons pas nous contenter de vous entendre; nous allons même vous écouter.

M. Robert Johannson: Merci beaucoup de me donner la possibilité de m'adresser à vous.

J'aimerais faire deux choses. Premièrement, assumer mon rôle de porte-parole de notre association, la Canadian Association of the Non-Employed.

Cette association, comme son nom l'indique, se préoccupe d'emploi et de soutien du revenu. Elle milite en faveur de la mise en oeuvre de programmes gouvernementaux visant à assurer aux Canadiens un soutien adéquat de leur revenu ainsi que des emplois convenables.

L'association que je représente vous a fait parvenir une lettre pour vous faire part de ses prises de position sur certaines des questions dont nous sommes saisis. Une partie de nos recommandations portent essentiellement sur la nécessité de revoir la Loi de l'impôt sur le revenu, d'augmenter le nombre de tranches d'imposition, de hausser le niveau d'exemption de base, peut-être d'exiger le paiement d'au moins une partie des arriérés d'impôt des grandes entreprises, et, si possible, d'éliminer certains des échappatoires fiscaux qui existent actuellement. L'adoption de ces mesures s'impose si nous tenons à examiner sérieusement les moyens à prendre pour nous orienter vers l'élaboration de programmes nationaux adéquats en matière de sécurité du revenu.

Un des problèmes qui nous préoccupent profondément est l'impact dévastateur du TCSPS. Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a eu des conséquences néfastes pour notre pays, et ce, de diverses manières.

D'abord, les compressions budgétaires ont eu un effet dévastateur pour les provinces. Le comble, c'est qu'on a regroupé sous un seul programme l'assurance-santé, l'éducation et l'aide sociale, ce qui a complètement torpillé le programme d'aide sociale. Le nouveau programme a non seulement littéralement saboté le système d'enseignement universitaire, mais il a vraiment saccagé le régime de prestations d'aide sociale, car en abolissant le Régime d'assistance publique du Canada, on a essentiellement aboli les droits des gens. Les garanties dont jouissaient les Canadiens aux termes du Régime d'assistance publique du Canada leur ont été retirées, de sorte qu'ils n'ont pratiquement plus droit aux prestations d'aide sociale. La situation est maintenant devenue telle dans notre pays que des gens peuvent mourir de faim sur la place publique sans que personne ne s'en soucie. Il s'impose vraiment qu'on établisse des normes nationales en matière d'aide sociale.

L'autre chose qui fait vraiment scandale—un scandale international—et qui m'a amené à comparaître devant votre comité ces cinq dernières années, c'est le problème de la pauvreté chez les enfants. Ce qui arrive, entre autres choses, c'est que maintenant qu'on a pratiquement déréglementé le régime d'aide sociale, les efforts qu'a déployés le gouvernement fédéral au moyen du crédit d'impôt pour enfants dans le but d'atténuer le problème de la pauvreté chez les enfants sont sans effet, étant donné que ce crédit est réduit dans la mesure où le contribuable reçoit des prestations d'aide sociale. Cette récupération prive les plus pauvres d'entre les pauvres de cette aide dont ils devraient bénéficier. Il faudrait remédier à cette situation.

Ce sont là des sujets de vive préoccupation pour l'association que je représente.

• 1645

Deuxièmement, j'aimerais vous faire part de certaines de mes préoccupations personnelles à propos du problème qu'affrontent actuellement notre pays et particulièrement notre économie. Nous avons assisté ces dernières années à ce que de plus en plus de gens se mettent à appeler l'échec du capitalisme. Ce qu'on peut observer maintenant dans notre pays, c'est que les 20 p. 100 les plus riches au sein de la population s'enrichissent encore alors que les 80 p. 100 sous eux s'appauvrissent. Ce que cela signifie essentiellement, c'est que nous sommes en train de saboter à sa base même le capitalisme de consommation. Le capitalisme de consommation ne peut survivre si 80 p. 100 de la population s'appauvrit. Ça ne peut tout simplement pas fonctionner.

En lisant le Winnipeg Free Press du dimanche, l'autre jour, j'ai été frappé par un article à la une signé par un économiste qui disait qu'il n'y aurait pas de crise économique mondiale. Il s'agissait d'un article important, car l'auteur y exprimait, en sa qualité d'économiste, les idées reçues. Il y décrivait les débuts de la crise en Asie ainsi que la façon dont elle s'est étendue à l'Amérique du Sud et dont elle menace actuellement l'Amérique du Nord et l'Europe.

L'auteur soutient que la crise ne frappera pas l'Amérique du Nord et l'Europe pour une raison précise. C'est un homme de foi, qui a profondément confiance dans l'intelligence et dans le courage de nos dirigeants politiques. Il explique que si la crise économique ne s'étendra pas à l'Amérique du Nord et à l'Europe, c'est que les banques centrales et les gouvernements de ces deux régions s'empresseront de compenser les pertes d'exportations par des baisses de taux d'intérêt et par un accroissement des dépenses publiques. En d'autres termes, il estime que pour empêcher que la crise économique mondiale ne touche le Canada et l'Amérique du Nord, le gouvernement devra augmenter considérablement ses dépenses. Cette position, je crois, est représentative de l'orthodoxie en économie.

Du train où vont les choses, sa profession de foi va devenir hors de propos. À voir agir MM. Martin et Chrétien, Newt Gingrich et Bill Clinton, ainsi que Tory Blair et Gerhard Schroeder, force m'est de constater qu'aucun d'eux ne semble s'apprêter à préconiser une augmentation importante des dépenses publiques. À mon sens, ce qui importe, c'est que l'effort que nous devons déployer en ce sens se doit d'être international. Si le gouvernement canadien décidait isolément d'accroître massivement ses dépenses, il ne pourrait à lui seul prévenir la mondialisation de cette crise économique, mais la participation canadienne à un tel mouvement n'en demeure pas moins, à mon avis, indispensable.

Si le gouvernement devait entreprendre d'accroître ses dépenses pour contribuer à endiguer la crise économique que le monde connaît actuellement, il lui faudrait alors venir en aide aux gens qui en souffrent déjà, les plus pauvres d'entre les pauvres. Il devrait en priorité améliorer la qualité de l'enseignement donné à nos enfants et le rendre plus accessible, et apporter un soutien accru à ceux qui risquent actuellement de mourir de faim.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Johannson, et merci également à votre organisation.

Nous allons maintenant faire un tour de table de cinq minutes, en commençant par M. Epp.

• 1650

M. Ken Epp: Devinez quoi? Ma pile d'ordinateur vient tout juste de lâcher. Je devrai donc me passer de mon cerveau auxiliaire pour m'en remettre au seul qu'il me reste.

M. Robert Johannson: C'est bon d'avoir une solution de repli.

M. Ken Epp: J'en conviens.

Merci tout d'abord d'être venu, et mes excuses de ne pas avoir retenu le comité ici... J'aurais dû considérer que cela faisait partie de mes tâches, comme représentant de l'opposition officielle, d'insister pour que nous restions sur place jusqu'à cinq heures, même s'il n'y avait personne ici. Je plaisante, bien sûr.

Votre position suscite ma curiosité. J'aimerais vous poser certaines questions qui ne vous renseigneront pas forcément sur ma position à moi, mais qui nous aideront tout simplement à engager la discussion. D'accord?

M. Robert Johannson: Ça va.

M. Ken Epp: Vous croyez qu'une augmentation des dépenses publiques résoudrait les problèmes. Voici, il ne fait aucun doute à mon esprit—je crois que vous avez probablement raison de le dire—qu'il faut bien qu'il y ait quelqu'un, des organisations caritatives ou des individus, des membres de la famille ou le gouvernement, pour venir à leur rescousse de ceux qui se trouvent dans le dénouement le plus complet, qui n'ont pas d'emploi, pas de revenu, pas d'argent et qui doivent quand même satisfaire leurs besoins de base. Avez-vous perdu toute foi en la générosité des Canadiens?

M. Robert Johannson: Vous me demandez si j'ai perdu foi en la générosité des Canadiens? En règle générale, j'en conviens, la charité a permis de résoudre une petite partie du problème, mais je ne crois toutefois pas qu'on puisse compter sur la charité pour résoudre les problèmes inhérents au système. La charité n'est pas une réponse aux problèmes systémiques.

M. Ken Epp: Voulez-vous parler du problème systémique que constitue le taux élevé de chômage?

M. Robert Johannson: Oui, c'en est un exemple.

M. Ken Epp: Dans cet ordre d'idée, songez-vous également à la question du fonds de l'assurance—emploi et de son incapacité de venir en aide à ceux qui sont aux prises avec un problème de chômage chronique et à long terme? Ces gens peuvent actuellement toucher des prestations d'aide sociale. Je ne comprends pas vraiment ce que vous voulez dire.

M. Robert Johannson: Je vois. Ce qui se produit, c'est que ces gens n'ont plus forcément accès aux prestations d'aide sociale, car, dans une large mesure, c'est maintenant à la discrétion—dans la loi, on dirait du ministre—du fonctionnaire préposé aux prestations d'aide sociale que leur admissibilité est établie. Vous dites que ces personnes ont une solution de repli; peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Ce n'est plus comme c'était.

Prenez le cas du régime d'AE. En 1990, 90 p. 100 des sans-emploi touchaient des prestations d'assurance-emploi. Maintenant, ils sont environ 30 p. 100. Et aujourd'hui, tout le monde verse des contributions à ce régime, mais il faut avoir travaillé à plein temps six mois d'affilée pour pouvoir toucher des prestations. Donc, tous ceux qui ne répondent pas à cette condition ne touchent pas de prestations d'assurance du tout, même s'ils ont payé des cotisations. C'est devenu une façon d'imposer le revenu des travailleurs les plus pauvres sans rien leur donner en retour.

M. Ken Epp: Je vois. Nous devrions donc aborder également ces questions dans le budget, bien que ce soit normalement dans les règlements qu'on en traite et qu'elles ne figurent habituellement pas dans l'exposé budgétaire du ministre. Les seuils et ce genre de considérations découlent ordinairement de politiques générales énoncées dans un discours du budget.

Voudriez-vous qu'on traite très explicitement dans le discours du budget des besoins des sans-emploi chroniques? Est-ce là ce que vous voulez dire?

M. Robert Johannson: Oui. Permettez-moi d'abord de m'attarder un peu à l'expression «sans-emploi chronique».

M. Ken Epp: C'est le groupe que vous représentez, n'est-ce pas? Vous voulez parler des chômeurs, des personnes qui n'ont pas d'emploi.

M. Robert Johannson: Oui. Le terme sans-emploi désigne les personnes qui n'ont pas d'emploi ou qui sont employées à temps partiel ou à contrat—en d'autres termes, celles qui n'ont pas ce qu'on appelait dans le bon vieux temps un «emploi assuré». Notre association compte beaucoup de membres qui travaillent à temps partiel ou qui obtiennent un contrat par-ci par-là. Or, une des choses qui s'est produite dans notre économie, c'est qu'avec toutes les restructurations et les réorganisations, de plus en plus de gens sont forcés de se contenter de ce genre d'emploi.

M. Ken Epp: Mais vous ne représentez pas, par exemple, les professeurs d'université que je connais qui enseignent à contrat d'année en année parce que leurs employeurs ne sont plus disposés à leur donner des postes permanents ou des emplois assurés à long terme. D'après la définition que vous venez de nous donner, ils entreraient dans votre groupe. Je vois mal qu'un professeur d'université qui gagne 50 000 $ par année ou plus, même s'il est contractuel d'année en année, puisse cadrer avec votre groupe.

M. Robert Johannson: Nous n'avons aucun travailleur de ce genre dans notre groupe.

M. Ken Epp: Non, je ne le croirais pas. En ce cas, poursuivez.

• 1655

M. Robert Johannson: L'impression qu'on a que nous ne représentons pas uniquement les sans-emploi chroniques... Je crois qu'un des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises, c'est qu'il y a de plus en plus de chômage chronique, que le phénomène s'accentue, ce qui nous apparaît pour le moins préoccupant.

M. Ken Epp: J'ai bien apprécié votre exposé d'aujourd'hui et j'ai beaucoup d'empathie pour ce que vous dites. Je rencontre fréquemment de ces personnes. Il y en a très peu dans ma circonscription, heureusement, mais à Ottawa et ici à Winnipeg... Ces dernières 24 heures, par exemple, j'en ai rencontré par hasard quatre ou cinq ici-même en ville qui m'ont arrêté pour me dire qu'ils n'avaient pas reçu leur chèque d'assurance-emploi. J'ai tombé sur l'un d'eux ce midi tout près d'ici, juste de l'autre côté de la rue. Comme j'avais faim moi-même, je lui ai demandé quand il avait mangé la dernière fois et je me suis entretenu un peu avec lui. Je ne lui ai pas donné d'argent parce que j'ai opté pour ne pas l'aider dans les circonstances. J'ai jugé qu'il disposait d'autres moyens pour se tirer d'affaire.

Mais j'estime qu'il faudrait que nous nous penchions sur ces questions, et c'est pourquoi je suis heureux de votre présence ici.

Je crois que mon temps est écoulé, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Epp. Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Un grand merci pour nous être revenu aujourd'hui. En parcourant votre mémoire hier, je me suis dit qu'il contenait certaines observations vraiment intéressantes.

Il propose indéniablement des choses qui pourraient être faites. Il se peut que nous ne puissions pas toutes les faire d'un même coup. Élever le plafond de l'exemption fiscale des particuliers est quelque chose qui m'apparaîtrait souhaitable. Quand on songe aux gens qui travaillent au salaire minimum et à ceux qui touchent des prestations d'invalidité, il ne me semble vraiment pas normal qu'eux aussi aient à payer des impôts. Est-ce que, selon vous, le fait de les exempter d'impôt contribuerait à résoudre des problèmes comme la pauvreté chez les enfants et la pauvreté des familles?

M. Robert Johannson: Oui, sans aucun doute. Le problème avec lequel nous sommes aux prises tient en partie à une attitude qui a cours depuis l'époque de Brian Mulroney, où l'on considère essentiellement que le fardeau fiscal, si je puis me permettre d'employer cette expression pas très heureuse, devrait être porté par les pauvres, que l'exemption fiscale devrait être créée au profit des riches, mais que les mesures fiscales les plus dures devraient retomber sur les épaules des pauvres. C'est ainsi que l'exemption de base n'a pas été haussée de manière significative depuis lors, de sorte que les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté ou qui sont au bord du dénuement le plus complet paient de l'impôt sur le revenu, ce qui est ridicule.

Mme Carolyn Bennett: Vous dites dans votre mémoire que l'ampleur de la récupération... Je crois que le crédit d'impôt pour enfants faisait partie du tableau, mais que la plupart des provinces ont fini par faire quelque chose. Des programmes de petit déjeuner et de dîner à l'école ont été mis en oeuvre. Est-ce seulement au Manitoba qu'on a récupéré cet argent pour le faire servir au financement de programmes de petit déjeuner et de dîner à l'école? Est-ce sérieux, ou l'a-t-on fait simplement pour jeter de la poudre aux yeux, sans qu'on soit sûr qu'on le fasse sérieusement?

M. Robert Johannson: On le fait pour sauver la face, et je ne suis pas certain qu'on le fait vraiment. Ce qui s'est produit, c'est qu'avec l'abolition des droits aux prestations du Régime d'assistance publique du Canada, il ne reste, pour l'essentiel, aucune règle. Tout est devenu discrétionnaire. Sauf erreur, cette décision de la part des autorités provinciales tenait au fait que, étant donné que les autorités fédérales avaient coupé dans les paiements de transferts à ce poste, autant récupérer une partie de cet argent qui était destiné aux pauvres.

Le président: Merci, monsieur Bennett.

Je tiens à vous remercier sincèrement pour votre exposé. Soyez assuré que j'ai pris bonne note du fait que vous voulez qu'on augmente le nombre de tranches d'imposition et qu'on élève le plafond de l'exemption fiscale de base pour les particuliers; vous vous dites inquiet des changements découlant du remplacement du RAPC par le TCSPS. Vous êtes également d'avis que l'adoption de normes nationales en matière d'aide sociale s'impose en tant qu'élément essentiel du filet de sécurité sociale qui permettrait d'aider les gens que vous représentez à relever les défis qu'ils doivent affronter quotidiennement. J'ai également pris bonne note du fait que vous êtes préoccupé par la pauvreté chez les enfants et par l'élargissement du fossé entre les pauvres et les riches, comme vous l'avez si bien expliqué, en ce sens que les riches s'enrichissent de plus en plus et les pauvres ne cessent de s'appauvrir.

• 1700

Soyez certain que l'objectif de notre comité est d'améliorer la qualité de vie des Canadiens, en n'excluant personne. Nous visons notamment ceux qui parfois, sans qu'ils n'y soient pour rien, n'ont pas voix au chapitre dans le débat national. Je tiens donc à vous assurer que le message que vous nous avez communiqué cet après-midi a résonné on ne peut plus clairement à nos oreilles.

Merci beaucoup.

M. Robert Johannson: Merci.

Le président: La séance est levée.