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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 27 octobre 1998

• 1532

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Le comité reprend ses travaux et je souhaite la bienvenue à tous.

Comme tout le monde le sait déjà, cet après-midi nous étudierons le rapport du groupe de travail portant sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens.

Les organismes suivants participeront à cette table ronde: Option consommateurs; l'Association des consommateurs du Canada; Insurance Consumers Group; London Life Policyholders' Association; le Conseil national du bien-être social; et le Centre pour la défense de l'intérêt public.

Comme vous le savez tous, vous disposez d'environ cinq minutes pour faire vos observations préliminaires, avant que nous passions à la partie des questions.

Nous entendrons M. Bill Podmore du Insurance Consumers Group.

M. Bill Podmore (président, Insurance Consumer's Group): Pour commencer, je n'étais pas vraiment au courant que je disposais de seulement cinq minutes, donc je vais commencer mon mémoire et je m'arrêterai après cinq minutes.

Le président: Voyez si vous pouvez nous donner une vue d'ensemble, les principaux points, et nous aurons ensuite la possibilité de vous poser de nombreuses questions.

M. Bill Podmore: Tout est important.

Le président: Alors vous devriez commencer. Allez-y.

M. Bill Podmore: Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de la possibilité qui nous est donnée de livrer nos commentaires et de parler de nos préoccupations sur le rapport du groupe de travail MacKay, particulièrement des inquiétudes sérieuses que nous avons en ce qui concerne la protection du consommateur en rapport avec le secteur des services financiers, et nos convictions et nos inquiétudes en ce qui a trait à la protection du consommateur en matière d'assurance.

Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons assisté à de nombreuses réunions avec les membres du bureau de secrétaire d'État aux Institutions financières internationales, en présence de l'honorable Jim Peterson. Nous avons aussi rencontré des représentants du BSIF et du ministère des Finances.

En octobre 1997, nous avons présenté un mémoire au comité du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens, où nous avions alors exprimé notre vision du secteur de l'assurance du point de vue du consommateur. Le matériel supplémentaire que je vous présente décrit certaines des nombreuses initiatives de protection du consommateur dans le domaine de l'assurance auxquelles notre groupe s'est intéressé, dont certaines ont eu un succès remarquable.

• 1535

Avant que ne soit publié le document du groupe de travail, nous avons préparé un document de discussion destiné à l'honorable Paul Martin, ainsi que des exemplaires à l'intention de certains organismes gouvernementaux. Dans ce document, qui en bout de ligne n'a jamais été transmis à l'honorable Paul Martin, nous émettons des opinions que nous considérons avoir une certaine valeur.

Il se lit comme suit:

    Honorable Paul Martin:

    Le présent document fait suite aux conversations qui ont suivi les discussions tenues lors des réunions entre les représentants du Secrétaire d'état aux institutions financières internationales, du ministère des Finances et du BSIF.

    En attendant de pouvoir obtenir le document du groupe de travail et de pouvoir l'étudier, nous saisissons l'occasion de vous faire connaître les principales préoccupations de tous les consommateurs de services financiers.

      Dans notre étude du secteur des services financiers (et du cadre gouvernemental), nous avons gardé en mémoire les principes essentiels de responsabilité et d'obligation de rendre compte.

      Pour ce qui est des consommateurs de services financiers, nous avons mis l'accent sur l'éducation et la sensibilisation.

    Premièrement, comme vous l'avez suggéré, il existe un besoin réel d'une réglementation efficace du secteur financier international. Il n'y pas de raisons qu'il y ait des risques de chaos financier à l'échelle mondiale (p. ex. des prêts irrécouvrables au Japon et en Asie, etc. etc.). Le secteur des services financiers, en continuelle évolution, impose des mesures de sécurité qui ne conviennent pas nécessairement à toutes les personnes, dans tous les pays. La possibilité pour n'importe quel pays ou région d'influencer de manière défavorable, par des pratiques commerciales dangereuses ou risquées, le bien-être financier de milliards de personnes partout dans le monde est totalement injustifiable.

    Les structures actuelles obligeant les gestionnaires et les membres de conseils d'administration à «rendre compte» et à être «responsables» ont plus d'une fois fait la preuve de leur inefficacité. L'absence évidente de sanctions pour manquements à l'éthique commerciale et pour mauvaise gestion est très grave et, comme cela s'est produit en Asie, a un effet d'entraînement sur l'économie mondiale. L'obligation de rendre compte et la responsabilisation doivent être le fondement à partir duquel toutes les organisations financières, régionales, nationales ou internationales, doivent fonctionner.

    La mise en place de groupes de travail comme ceux qui existent en Australie et maintenant au Canada est digne de mention et leur existence est aussi une indication d'un dilemme global important. La réputation internationale des initiatives et des interventions réussies par le Canada (le Protocole de Montréal, etc.) tendrait à démontrer la capacité et la crédibilité de notre pays lorsqu'il s'agit de présenter et de soutenir la création du genre d'organisme de réglementation financière que vous proposez.

    Deuxièmement, en faisant référence aux points abordés plus haut, il semblerait que, en priorité, le Canada devrait d'abord faire le ménage dans sa propre cour. Le système financier canadien tel qu'il existe actuellement, qui évolue rapidement et constamment, n'est pas réellement au service de tous les Canadiens de manière juste et convenable. Récemment, de nombreuses questions ont été soulevées en ce qui a trait à l'absence de règles de prudence dans le secteur des services financiers, par exemple:

      Réglementation et supervision dans le domaine de l'assurance—Les litiges portant sur les «primes prélevées sur la valeur de rachat» qui sont considérés comme des litiges concernant les processus et les ventes de produits.

      Réglementation et supervision dans le domaine des banques—La bataille des ventes liées et les tentatives des banques pour influencer la législation et les nouvelles questions relatives à l'opération des cartes de crédits.

      Réglementation et supervision dans le domaine de la sécurité—Poursuite contre BreX et autres.

    Comme un de nos conseilleurs l'a fait remarquer, «rien de plus facile à trouver qu'un consommateur victime d'abus dans le secteur des assurances». Nos membres, tout comme un nombre toujours croissant de Canadiens en colère, sont de plus en plus conscients que le secteur des assurances n'est pas le seul visé.

    D'abord en tant que Canadiens concernés par cette situation, mais ensuite en tant que consommateurs de services financiers qui cherchent à obtenir un niveau d'équité et d'impartialité pour tous les consommateurs de ce type de services; en tant que personne engagée dans les poursuites contre la Sun Life au sujet des primes prélevées sur la valeur de rachat; en tant que responsable de la mise sur pied du Insurance Consumers' Group et en tant que groupe oeuvrant à la protection des droits et des intérêts des détenteurs de police participant au processus de retrait de la forme mutuelle, nous vous soumettons les points suivants:

    Les Canadiens seraient-ils moins bien protégés dans leurs transactions financières:

      1. Si les groupes de lobby du secteur financier avaient moins d'influence sur la définition, par le gouvernement, des questions politiques et juridiques? La recherche de possibilités d'augmentation des profits par le secteur est-elle plus importante que le bien-être financier à court et à long terme de tous les Canadiens?

      2. Si le secteur des services financiers était autoréglementé grâce à une disposition selon laquelle le gouvernement mettrait en place et soutiendrait un organisme de défense des droits des consommateurs? (Comme il en existe au Texas et en Floride.)

• 1540

      3. Si le secteur des services financiers continue à évoluer dans ce mode non réglementé et non supervisé, où il faut faire face, sur une base continuelle, à des questions litigieuses potentiellement toujours plus dangereuses du point de vue financier et public? (Il n'y a qu'à voir les litiges mettant actuellement en cause les assureurs canadiens au sujet des polices avec «primes prélevées sur la valeur de rachat» [un des produits parmi tant d'autres qui fera l'objet d'un litige dans un proche avenir].)

Remarque: Sun Life a accepté de régler hors cour la question des primes prélevées sur la valeur de rachat, relativement facilement, tout en affirmant clairement qu'elle aurait pu remporter gain de cause si elle avait été en cour. On y a fait allusion dans une des décisions citées dans ce cas. Mais jusqu'ici, la mauvaise publicité a eu un effet très net sur les protagonistes du secteur financier et a eu une influence marquée sur la rentabilité et, en bout de ligne sur le partage du marché.

    Il semble évident que tous les Canadiens tireraient profit d'un traitement juste et équitable de la part du secteur financier et que cette constatation ne devrait pas être invalidée en raison des coûts qui, en bout de ligne, rejailliraient sur le secteur, le gouvernement et les consommateurs. Il est urgent de mettre en place une structure et une démarche en vue d'assurer des mesures de protection. L'initiative et la responsabilité d'une telle démarche repose de toute évidence sur le gouvernement fédéral, qui devrait être soutenu par les groupes de consommateurs et agir de concert avec les gouvernements des provinces afin de définir les zones de conflits d'intérêts et de trouver des solutions.

    Le gouvernement doit prioritairement prendre la responsabilité qui lui incombe d'assurer la protection de la population canadienne de manière juste et raisonnable. L'ancien Secrétaire d'État aux institutions financières. M. Doug Peters, a déclaré, lors de la publication du Livre blanc, qu'il était «frustré de la portée limitée (du Livre blanc) et du fait que la démarche adoptée par le gouvernement dans la révision de sa propre politique était vulnérable face à l'important lobbying des groupes d'intérêts financiers, beaucoup plus motivés par leurs propres intérêts que par la santé de l'économie canadienne, les intérêts des affaires canadiennes et ceux des consommateurs dans leur ensemble.»

Et c'est la fin de ma lettre.

J'aimerais ajouter quelques commentaires.

Bien que dans le document récemment publié par le groupe de travail on précise que certains organismes de consommateurs de services financiers recevront une aide nominale et qu'on recommande de continuer à subventionner les initiatives émanant de groupes de consommateurs, surtout par l'intermédiaire d'Industrie Canada, on néglige d'examiner avec attention le rôle joué par les groupes de consommateurs ainsi que l'appui gouvernemental.

Nous avons de sérieuses réserves quant au succès et à l'efficacité d'un organisme de consommateurs de services financiers si la principale source de financement de cet organisme repose uniquement sur les contributions de ses membres.

Dans l'état actuel des choses, il existe de toute évidence des alliances avantageuses entre le gouvernement et les protagonistes du secteur financier, avec pour effet une incroyable fragmentation et désorganisation du mouvement de protection du consommateur. La prolifération de protagonistes du secteur prétendant vouloir assurer la protection du consommateur et celle de consommateurs animés des mêmes idées, dont les actions se chevauchent souvent, ce qui occasionne une grande perte d'efficacité, ne donne pas de résultats efficaces et ne permet pas de donner au consommateur ce qui lui est dû. Il est plus que temps que l'on mette en place des mesures législatives en vue d'assurer adéquatement la protection du consommateur.

Le concept d'égalité qui est souvent mentionné par les institutions financières doit comprendre trois protagonistes—le secteur financier, le gouvernement et les consommateurs. Certains modèles de législation sur la protection du consommateur, par exemple l'Office of the Consumer Advocate, en Floride, l'Office of the Insurance Council, au Texas, et la législation à venir au Massachusetts, sur les services d'assurance, sont dignes de mention et devraient être étudiées attentivement en vue de mettre sur pied, au Canada, un système de protection du consommateur concret et réalisable.

Pour ce qui est des fusions des banques, nous croyons «qu'une restructuration complète du secteur des services financiers est nécessaire», comme l'a affirmé récemment M. Peter Godsoe de la banque Scotia. Actuellement, les banques canadiennes se tirent très bien d'affaires. Elles ont déjà pris le pas sur les entreprises de fiducie, les entreprises en valeurs mobilières et voilà que, maintenant, le document du groupe de travail propose qu'elles puissent, dans un proche avenir, vendre de l'assurance dans leurs succursales et offrir des services de crédit-bail.

Avec les fusions annoncées, initiatives questionnables en plus d'être mises de l'avant avant que ne soient terminés les travaux du groupe de travail, le monopole que les banques ont sur les produits et services financiers pourrait encore augmenter au détriment de la concurrence et des consommateurs.

En tant que Canadien préoccupé par la situation, je me demande si le monopole de ces banques et, en fait, du secteur des services financiers, inclura le gouvernement canadien.

Comme l'a dit M. Godsoe, «Il est beaucoup plus important d'établir un cadre stratégique valable que de le faire rapidement». Faire l'étude des recommandations du groupe de travail en même temps que l'étude des fusions proposées, et ce avant d'établir clairement un cadre stratégique peut, au mieux, représenter un risque pour tous les Canadiens.

• 1545

Peut-on escompter que le gouvernement agira avec impartialité? De quelle manière quatre grandes banques peuvent-elles fusionner en deux mégabanques sans que la concurrence en soit amoindrie ou même, en partie, éliminée? Les banques font des affaires pour faire des profits, et les profits sont maintenant fonction de la taille de l'entreprise. La taille, toutefois, dépend des actionnaires et de l'importance qu'ils accordent au capital. Il existe un danger évident qu'un cycle de croissance d'auto-engendrement conduise à une vague incontrôlable de fusions de services financiers, qui comprendra nécessairement les compagnies d'assurances qui se retireront de la forme mutuelle; de plus, les cours du marché pourront refléter des attentes irréalistes, ce qui ne laissera pas d'autres possibilités que de laisser le processus de fusion évoluer vers un résultat final inquiétant et potentiellement dangereux pour tous.

Si les fusions sont approuvées, les consommateurs doivent avoir des assurances légalement valables que, entre autres, les normes de capital seront considérablement augmentées afin de les protéger si les pertes dépassent les prévisions et qu'il existe une politique de revenu garanti clairement établie pour tous les consommateurs. Les institutions d'épargne américaines, renflouées par les dépenses des contribuables, coûtent 150 milliards.

Plus la taille de nouvelle entreprise est importante, plus les conséquences seront graves si elle fait faillite. Qui portera la responsabilité et rendra compte? Quels mécanismes peut-on mettre en place pour protéger les consommateurs, les gouvernements et, à la limite, les entreprises elle-même?

Les mégabanques fusionnées doivent aussi donner la garantie qu'elles seront «méga» tant dans la prise de leurs responsabilités que lorsqu'il s'agira de rendre compte; jusqu'à maintenant, nous n'avons rien constaté de semblable. Par exemple, il a fallu des pressions politiques pour que puisse être créé le poste d'ombudsman du secteur financier aussi tard qu'en 1996. C'est en 1994 que le Comité de l'industrie de la Chambre des Communes a recommandé que soit créé le poste d'ombudsman du secteur financier, en se référant au modèle britannique. Le gouvernement de l'époque a préféré laisser les banques agir par elles-mêmes. Je me demande pourquoi.

Bien que notre groupe soit tout d'abord préoccupé des questions liées à l'assurance, nous appuyons fortement le modèle britannique qui, selon nous, permet d'établir un système impartial de protection du citoyen en rapport avec les services financiers, payé par l'industrie, qui agit en arbitre indépendant et a le pouvoir de rendre des décisions obligatoires avec compensations financières si nécessaire.

Récemment, le BSIF a demandé que soient apportés des changements complets dans la manière dont les fournisseurs de services financiers sont surveillés. À notre avis, cela ne fait que souligner l'importance et l'urgence d'une révision du secteur des services financiers et le besoin de légiférer sur la mise en place de dispositifs de protection convenables et permanents pour tous les consommateurs de services financiers.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Podmore.

Nous entendrons maintenant Mme Louise Rozon, directrice, Option consommateurs.

[Français]

Mme Louise Rozon (directrice générale, Option consommateurs): Bonjour. Je vous remercie de votre invitation.

Options consommateurs est une association de défense des droits des consommateurs basée à Montréal qui s'intéresse depuis près de 10 ans aux relations entre les consommateurs et les institutions financières.

Non seulement recevons-nous chaque jour des plaintes des consommateurs, mais nous avons également réalisé plusieurs études dans ce domaine. Nous nous sommes penchés entre autres sur des questions concernant la lisibilité des contrats, le traitement des plaintes et la protection des renseignements personnels, sujets qui ont d'ailleurs été abordés par le groupe de travail.

De manière générale, nous appuyons les recommandations formulées par le groupe de travail dans ces domaines.

Dans le court laps de temps dont nous disposons aujourd'hui, nous souhaitons cependant mettre l'accent sur les questions reliées à l'accès aux services bancaires en abordant entre autres trois volets: les obstacles à l'ouverture d'un compte bancaire, les fermetures de succursales et les frais bancaires.

Il est essentiel, d'après nous, que tous puissent obtenir des services bancaires de base dans notre société. Nous constatons malheureusement que cela devient de plus en plus difficile.

Concernant l'ouverture d'un compte de banque, les problèmes sont évidents dès que l'on veut ouvrir un compte dans une institution financière. D'ailleurs, nous avons fait part hier des derniers résultats d'une étude qu'on a réalisée sur les frais bancaires et sur l'ouverture de comptes, résultats qui ont paru dans notre magazine Consommation.

Nos enquêteurs se sont adressés à 36 succursales de banques, de caisses populaires et d'une société de fiducie dans la région de Montréal pour tenter d'ouvrir un compte de banque courant. Dans de nombreux cas, il leur a été difficile, sinon impossible d'ouvrir un compte. Parfois, on demandait trois pièces d'identité ou une carte avec photo, et dans la moitié des succursales visitées, on exigeait que le client accepte qu'on mène une enquête de crédit sur lui. Dans près de 40 p. 100 des cas, on fixait un rendez-vous au consommateur, parfois une ou deux semaines plus tard, avant de lui permettre finalement ouvrir un compte.

• 1550

Tout indique que la situation est semblable dans les autres provinces du Canada. D'ailleurs, nos résultats s'apparentent à ceux d'une enquête qui a été réalisée par l'Association des banquiers canadiens, résultats qui ont été rendus publics au mois d'août dernier. Dans la première phase de l'enquête de l'Association des banquiers canadiens, des enquêteurs se sont rendus dans 179 succursales bancaires à travers le pays. Dans 41 p. 100 des cas, ils ont été incapables d'ouvrir un compte de banque en raison d'exigences excessives quant à l'identification ou pour divers autres motifs.

Dans son rapport, le groupe de travail constate que 85 p. 100 des Canadiens estiment qu'il est très important ou essentiel que tous puissent ouvrir un compte de banque. Il se penche sur l'entente intervenue en février 1997 entre le ministère des Finances et l'Association des banquiers canadiens en matière d'exigences d'identification. Le rapport conclut que, si aucun progrès appréciable n'est réalisé dans un délai relativement court pour régler les problèmes d'accès, le Parlement devra légiférer. Plus de 18 mois après la conclusion de cette entente, les choses ne se sont pas améliorées de façon appréciable sur le terrain, notamment quant aux exigences d'identification. Pire, de nouveaux obstacles surgissent quant à l'accès aux services bancaires.

Nous sommes par conséquent d'avis qu'il est temps d'agir par voie législative pour que les consommateurs qui le requièrent légitimement puissent avoir la possibilité d'ouvrir un compte bancaire.

Concernant les fermetures de succursales, soulignons que l'accès aux services bancaires s'en trouve compliqué dans certains quartiers et dans certaines régions. Nous avons d'ailleurs réalisé une étude exhaustive sur le sujet, dont les résultats ont été publiés au mois de juin dernier.

Les consommateurs ont de moins en moins de choix; ils doivent aller de plus en plus loin pour trouver un point de service. Par exemple, sur l'île de Montréal, depuis 1997, c'est 200 succursales qui ont fermé leurs portes. Dans le quartier Hochelaga—Maisonneuve, un quartier de Montréal, 16 des 20 succursales ont fermé leurs portes pendant la même période.

Cela entraîne évidemment des problèmes sérieux pour les citoyens et les communautés, qui sont de plus en plus privés de services. Or, actuellement, rien n'encadre la décision d'une banque de fermer une succursale, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis. Nous croyons par conséquent qu'il faut établir un mécanisme d'examen des succursales et mettre en place des mesures incitant les banques à continuer à desservir adéquatement l'ensemble de la population.

Par ailleurs, nous ne sommes pas convaincus que l'hypothèse avancée par le groupe de travail, voulant que se développe un second niveau d'institutions financières au Canada, suffira lorsqu'il s'agira de desservir les clientèles habitant dans des régions désertées par les grandes institutions actuelles.

Concernant les frais bancaires maintenant, l'étude que nous avons publiée dans notre magazine Consommation le démontre: les frais bancaires sont parfois assez élevés et varient énormément d'une institution à l'autre. Il est surtout très difficile de s'y retrouver.

Lorsque nous avons demandé aux diverses institutions financières de nous formuler des recommandations quant aux comptes que devraient choisir certains types de consommateurs, on a, à l'occasion, effectué des erreurs de calcul au siège social ou au siège régional. Nous constatons par ailleurs des écarts considérables, qui atteignent jusqu'à 300 p. 100, entre les frais exigés par diverses institutions financières pour les mêmes services.

Bien sûr, on peut être tenté de recommander simplement aux consommateurs de magasiner. Cependant, avec les fermetures de succursales qui se multiplient et les difficultés de plus en plus grandes qu'ils éprouvent à ouvrir un compte, cette option n'est pas toujours très pratique.

Il y a d'autres questions que nous aimerions soulever rapidement. Le rapport du groupe de travail soulève effectivement d'autres questions que celles que nous avons énoncées. Il propose notamment de permettre aux banques de vendre de l'assurance en succursale et d'y effectuer du crédit-bail pour des véhicules légers. Nous entretenons de sérieuses réserves à l'égard de ces deux recommandations.

Le rapport pose aussi comme hypothèse que des institutions financières de second niveau se développeront. C'est possible. Il n'est toutefois pas du tout certain que ces nouvelles institutions s'intéresseront à la clientèle déjà délaissée par nos grandes banques. Cela pose par ailleurs une questions fondamentale: voulons-nous voir se développer au Canada un système bancaire à deux vitesses?

Le groupe de travail propose également la mise en place d'un processus d'encadrement des fusions bancaires plus rigoureux. Nous appuyons cette recommandation. Incidemment, nous sommes d'avis que les deux projets de fusion actuellement envisagés ne comportent aucun avantage pour les consommateurs et qu'il aggraveraient les problèmes que nous avons déjà constatés.

• 1555

Voici un dernier commentaire. Le groupe de travail recommande de confier au Bureau du surintendant des institutions financières le mandat de protéger les intérêts des consommateurs. Nous sommes d'avis que le surintendant ne constitue pas une instance appropriée dans ce domaine.

Évidemment, il nous fera plaisir de vous donner plus de détails en ce qui a trait à notre enquête et à notre position concernant les nombreux autres aspects du rapport du groupe de travail. Merci.

Le président: Merci, madame Rozon.

[Traduction]

Nous entendrons maintenant Mme Jennifer Hillard et Mme Gail Lacombe de l'Association canadienne des consommateurs. Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Gail Lacombe (présidente, Association des consommateurs du Canada): Bon après-midi et merci d'avoir invité l'ACC.

L'Association des consommateurs du Canada, fondée en 1947, est un organisme indépendant, sans but lucratif regroupant des bénévoles. Notre mandat est de renseigner et d'éduquer les consommateurs sur des questions relatives au marché; de les représenter auprès du gouvernement et de l'industrie; et de travailler de concert avec le gouvernement et l'industrie afin de résoudre les problèmes de manière avantageuse.

L'action de l'ACC se concentre surtout dans les domaines de l'alimentation, de la santé, du commerce, des normes, des services financiers, du secteur des communications et dans d'autres secteurs à mesure que le besoin s'en fait sentir.

Toutes les politiques de l'ACC qui portent sur des questions spécifiques sont mises en oeuvre à l'aide d'un ensemble de principes généraux, axés sur le consommateur. On retrouve huit principes dans toutes les associations de consommateurs qui appartiennent à la fédération mondiale des groupes de consommateurs, Consumers International. Parmi ces principes, citons le droit de choisir, le droit d'être entendu et le droit de recours.

Je demanderai maintenant à Jenny Hillard, notre vice-présidente, «Issues and Policy», de faire des commentaires au nom de l'ACC.

Merci.

Mme Jennifer Hillard (vice-présidente, Issues and Policy, Association des consommateurs du Canada): Bon après-midi, mesdames et messieurs.

L'ACC a étudié les recommandations du groupe de travail MacKay sur l'avenir du secteur canadien des services financiers. Le groupe de travail a effectué un travail remarquable et émis 124 recommandations exhaustives.

Dans l'ensemble, l'ACC est satisfaite du rapport et impressionnée par sa précision. Il est évident que le groupe de travail a porté une attention particulière à l'impact qu'auront sur les consommateurs les changements à venir dans le secteur des services financiers. Cependant, nous croyons qu'il y a quelques points sur lesquels il serait nécessaire d'obtenir davantage de détails et de précisions.

L'ACC souhaite la bienvenue aux nouveaux venus sur le marché et applaudit les propositions proconcurrence contenues dans le rapport, propositions qui intéresseront tant les banques étrangères que les coopératives de crédit. Elles fournissent des possibilités accrues d'alliances stratégiques. Nous croyons que de nouveaux venus potentiels sur le marché ont été exclus en raison des coûts d'accès élevés. Il existe encore plusieurs obstacles réglementaires à la création d'autres genres d'institutions financières.

Alors que ne nous souhaitons pas une diminution de la réglementation de la protection du consommateur, certains des obstacles réglementaires feront que les nouveaux arrivants se dirigeront vers les marchés en milieu urbain plutôt qu'en milieu rural ou vers les collectivités éloignées, qui ont pourtant des besoins plus grands.

Nous croyons que l'augmentation de la concurrence dans le secteur des services bancaires de détail a nui à la venue de nouveau arrivants sur le marché. Le marché doit être surveillé afin d'assurer que le consommateur puisse avoir le choix de nouveaux services financiers avant que toute forme de regroupement soit permise dans le marché actuel.

Alors que l'ACC est heureuse de voir apparaître de nouvelles méthodes innovatrices de prestation de services financiers aux consommateurs canadiens, elle est aussi préoccupée par les coûts et les risques que cela représente. Si les frais de service pour les nouveaux venus sont nettement plus élevés que ceux exigés par les institutions déjà existantes, le consommateur sera-t-il bien renseigné? Les dépôts détenus pas ces nouveaux venus sur le marché seront-ils assurés? Si le risque augmente, le consommateur disposera-t-il des données nécessaires pour lui permettre de faire un choix éclairé?

Il est indispensable qu'on obtienne des réponses à ces questions afin que le consommateur soit suffisamment renseigné pour être capable d'effectuer un choix raisonnable entre les différentes institutions.

En ce qui a trait à l'accroissement du pouvoir commercial, l'ACC est entièrement d'accord avec la recommandation du groupe de travail à l'effet que les questions de la protection des renseignements personnels et des ventes liées doivent être traitées en priorité afin de permettre aux institutions de dépôt de prendre des initiatives dans les domaines de la vente au détail d'assurance et de la location-bail de véhicules.

La vente liée est une question très importante, et il n'est pas rare qu'on rapporte des écarts à la politique de l'entreprise à ce sujet. La législation concernant cet aspect est en place, mais n'a pas encore été promulguée. Nous croyons que cela devrait être fait. Bien que nous pensions que la loi n'est pas assez claire en ce qui concerne la séparation entre vente liée et modalité service compris, elle est préférable à l'absence de législation.

• 1600

De plus en plus, les employés des banques sont récompensés ou évalués en fonction d'objectifs de vente à atteindre et non en fonction de la satisfaction du consommateur. Comme cela est souvent le cas dans le secteur des services financiers, les personnes qui travaillaient dans ce secteur devaient être autorisées et devaient se conformer à des règles de conduite. En raison de changements apportés récemment dans la législation qui gouverne les services financiers, ce sont désormais les entreprises qui sont autorisées, ce qui fait que les personnes n'ont plus l'obligation de se conformer à des règles de conduite.

Cela soulève certaines questions. Si chaque employé est un vendeur, qui fournira de l'information impartiale aux consommateurs puisque c'est le vendeur qui contrôle l'information? Qu'est-ce qui incitera ces personnes à agir dans le meilleur intérêt du consommateur? Des règles permettant de faire face à ces situations doivent être mises en place avant que soient augmentés les pouvoirs commerciaux des institutions de dépôt.

Les banques, comme toutes les autres organisations, doivent être assujetties à la législation relative à la protection de la vie privée, que nous espérons voir mettre en place bientôt. Cependant, nous nous inquiétons du fait que la législation ne prévoit pas assez de dispositions en cas de négligence. La protection des renseignements personnels est un domaine où une procédure de traitement des plaintes ne donnera rien puisqu'il y a un problème d'asymétrie dans l'information. En effet, en général, le consommateur sait que son droit à la protection des renseignements personnels a été violé beaucoup trop longtemps après que l'événement soit survenu pour pouvoir identifier les violateurs. Il est alors difficile de demander des mesures de réparation parce qu'il est presque impossible de quantifier des dommages qui, par ailleurs, peuvent être grandement qualitatifs.

Nous aimerions qu'une loi plus vigoureuse s'applique aux institutions financières sous réglementation fédérale et qu'elle soit assortie de mesures de supervision et de vérification externe pour que des décisions exécutoires puissent être rendues.

Il est indispensable de trouver une solution satisfaisante à ces problèmes avant de permettre aux institutions de prendre de l'expansion et de vendre de l'assurance ou de faire de la location-bail de véhicules. Les solutions ne doivent pas seulement être mises en place, mais doivent être réellement fonctionnelles avant que de nouveaux créneaux de marché soient accessibles aux banques.

Avant toute discussion visant à permettre aux banques de vendre de l'assurance ou de faire de la location-bail de véhicules, l'ACC aimerait que soit examiné le comportement du secteur bancaire dans le domaine de la protection des renseignements personnels et de l'annulation des ventes liées.

La recommandation du groupe de travail MacKay relative à une étude sur l'intérêt public devrait s'appliquer à l'examen des effets de l'accroissement du pouvoir commercial des banques. Cela permettrait aux représentants des autres secteurs de l'industrie qui subiront les effets de cet accroissement de faire une recherche adéquate et une intervention raisonnable. Le processus d'examen devrait aussi permettre aux consommateurs canadiens d'intervenir.

L'ACC est très favorable à la tenue d'une étude d'évaluation d'intérêt public avant que ne soient considérés les regroupements et les fusions. Dans le cas de fermeture de succursale, nous sommes aussi d'accord avec l'imposition d'une période de préavis de quatre mois, temps pendant lequel la collectivité pourra étudier et analyser la situation. Nous avons, toutefois, des questions sur la possibilité et la probabilité, pour le public, de participer à ce processus d'examen. Nous croyons que sans l'intervention du public, ces évaluations seront effectuées par le secteur, pour le secteur, et qu'elles tiendront compte de la perspective globale plutôt que du point de vue du consommateur.

Cela place le rapport dans une optique qui ne s'arrête pas au seul rôle du secteur financier au Canada. C'est là une lacune importante, et nous devons examiner la possibilité que le consommateur subisse des préjudices. Il est essentiel que le consommateur canadien ait son mot à dire au moment de la phase d'évaluation de l'étude d'intérêt public afin que le processus traite des bonnes questions. Il faut que les banques assument les coûts de ce processus de révision et que ces coûts ne se répercutent pas sur les utilisateurs de services bancaires.

Pour ce qui est de donner des pouvoirs aux consommateurs, nous croyons qu'il est indispensable que l'ombudsman demeure indépendant. Si la nomination de l'ombudsman par le conseil pouvait sembler avoir un caractère politique, nous douterions douter de son indépendance. Il faudra s'assurer hors de tout doute que le BSIF ne soit pas placé en situation de conflit d'intérêt.

Le BSIF a la responsabilité d'assurer la viabilité à long terme du secteur des services financiers, et il n'a pas la réputation de se préoccuper vraiment des intérêts du consommateur. Si la fonction de surveillance du secteur financier dans le but d'assurer la protection consommateur était confiée à ce bureau, l'ACC serait inquiète de la situation.

Pour cette raison, il serait bon d'envisager de mettre sur pied un bureau sans lien de dépendance avec le BSIF, bureau qui aurait la responsabilité d'appliquer les recommandations du rapport en ce qui concerne la protection du consommateur. Ce bureau devrait aussi disposer de suffisamment de ressources pour pouvoir jouer un rôle proactif, par exemple dans le développement d'un langage clair, de systèmes de recours, de modèles de règles, etc.

• 1605

L'ACC croit que les recommandations relatives à l'obligation de rendre compte à la collectivité vont dans la bonne direction. Nous croyons que tout effort en vue d'influencer la composition du portefeuille des institutions financières doit avoir une portée morale plutôt qu'arbitraire.

Nous aimerions que les solutions axées sur le marché proposées par le groupe de travail aient le temps d'être mises en place avant qu'il soit question des interférences dans le marché. À ce jour, l'ACC n'a pas constaté de cas probant d'échec dans le marché qui amènerait à suggérer le choix d'une autre solution.

En ce qui a trait à la divulgation et à la transparence, l'ACC espère que les représentants des consommateurs feront partie du groupe de travail collectif qui devrait assumer le rôle d'organisme de surveillance et qui sera responsable de l'élaboration d'une information facile à comprendre. Cela devrait en outre donner plus de poids aux suggestions visant à augmenter le partenariat avec les secteurs bénévoles afin d'aider les institutions financières à trouver des solutions innovatrices pour satisfaire les demandes des consommateurs.

Les membres du groupe de travail MacKay ont constaté que les documents bancaires étaient très difficiles à lire; l'ACC considère donc que l'organisme de surveillance devrait être mis en place le plus tôt possible. La question de la documentation difficile à lire, qui gêne la divulgation et la transparence, devrait être traitée en priorité. Les nouveaux venus sur le marché canadien devraient avoir à se soumettre à des normes raisonnables de lisibilité de la documentation, et les institutions déjà en place devraient avoir à s'y conformer avant même que soit examinée la question des fusions ou de l'accroissement des pouvoirs commerciaux.

La recommandation finale du rapport précise que le Canada devrait continuer de jouer un rôle actif dans les initiatives internationales visant à améliorer les normes et les processus de réglementation des institutions financières ainsi que dans la mise en oeuvre des meilleures pratiques internationales.

Le groupe de travail de l'ACC sur les normes a senti une résistance de la part des entreprises commerciales canadiennes en ce qui a trait à la mise en place de normes de service, et nous souhaitons que cette situation change. Il serait encourageant de voir le secteur bancaire devenir un chef de file dans le domaine.

En conclusion, nous pensons qu'il est dangereux de croire qu'un environnement plus concurrentiel, comme celui envisagé par le groupe de travail, protégera nécessairement les intérêts des petites et moyennes entreprises et des consommateurs. La documentation mentionne des économies d'échelle allant jusqu'à un million de dollars en actifs. Il faudra du temps, probablement beaucoup de temps, pour qu'apparaisse un nombre suffisant de concurrents ayant atteint une taille assez importante pour parvenir à ces économies d'échelle. Les principales banques réalisent d'ores et déjà des économies d'échelle maximales. C'est pourquoi le secteur occupe une position qui n'est pas disputable malgré les profits excessifs qui sont réalisés.

Cela vaut la peine de se demander si le public est mieux servi par un petit nombre d'oligopoleurs techniquement efficients qui font des profits excessifs ou par un plus grand nombre d'entreprises concurrentes qui réalisent des profits normaux, mais d'une taille moins importante et qui sont moins efficientes. Si la réponse favorise les oligopoleurs, combien doit-il y en avoir exactement?

L'ACC préconise d'abord la mise en place des recommandations émises par le groupe de travail et ensuite une évaluation de l'effet de ces recommandations. Si les changements dans le secteur des services financiers ont eu pour effet de diminuer la confiance des consommateurs envers les grandes banques, alors les fusions pourraient être envisagées. Le volume des affaires menées par les institutions concurrentes devrait être pris en compte, et non seulement le nombre de Canadiens qui vont vers d'autres institutions que les grandes banques.

L'ACC croit que les fusions proposées ne passent pas le test de la concurrence et elle n'est pas convaincue qu'il existe une justification économique permettant de conclure qu'il est temps de procéder à des fusions. Nous croyons que les fusions bancaires nuiront aux entreprises canadiennes et aux consommateurs, et que l'on devrait consacrer beaucoup de temps à la mise en place des recommandations du groupe de travail MacKay et en surveiller l'évolution avant même d'envisager d'effectuer les tests avant fusion proposés par le groupe de travail.

Nous joignons à la présente un document sur les fusions que nous avons présenté en juin dernier. Je ne le lirai pas. Il fournit plus de détails sur la position de l'ACC sur les effets des fusions proposées sur les consommateurs.

Les résultats obtenus par le groupe de travail MacKay sont supérieurs à ce que nous attendions, et il est extrêmement difficile de rendre justice à ses membres dans un court exposé.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Hillard et madame Lacombe.

Nous entendrons maintenant, au nom de la London Life Policyholders Association: Anne Holmes, présidente fondatrice pour LLPA et CLIPA; Leland Davies, directeur pour l'éducation pour LLPA et CLIPA; et June Davies, directrice pour l'éducation pour LLPA et CLIPA.

Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Anne Holmes (présidente fondatrice, London Life Policyholders Association): Merci. C'est un plaisir d'être ici afin de vous faire connaître nos opinions et notre point de vue.

L'Association canadienne des détenteurs de polices d'assurance-vie est un groupe de coordination qui a été mis sur pied après la création, l'an dernier, de la London Life Policyholders Association. Nous sommes une association nationale regroupant des personnes qui croient avoir des réclamations recevables contre des assureurs qui nous auraient trompés d'une manière ou d'une autre au moment de l'achat d'une police d'assurance-vie ou du remplacement d'une telle assurance par une autre police.

• 1610

Actuellement, nos membres sont des détenteurs de polices d'assurance de 37 compagnies d'assurances vendant au Canada.

L'association partage de l'information avec d'autres associations de détenteurs de polices d'assurance—dans la région de l'Atlantique, l'Atlantic Life Policy Holders Association, soit l'ALPHA, et à Calgary, à Winnipeg et à Montréal. Cette association a le mandat de conclure pour tous les membres des règlements justes et équitables avec leurs assureurs.

Aujourd'hui, en tant que consommateurs, notre mission est non seulement de formuler au comité permanent des finances nos plaintes relatives à l'industrie de l'assurance-vie au Canada, mais également de proposer des solutions à long terme qui sont tout aussi importantes.

Les membres de l'association et d'autres détenteurs canadiens de polices d'assurance-vie ont besoin d'un système de réglementation canadien qui garantirait aux consommateurs un traitement éthique et compétent de la part de l'industrie de l'assurance-vie.

Notre mémoire se divisera en trois parties. Je présenterai la partie I, «La Crise». M. Davies présentera la partie II et la partie III sera exposée par Mme June Davies.

Tout d'abord, il y a les plaintes des consommateurs à l'égard de l'industrie de l'assurance-vie au Canada.

Premièrement, on ne fournit pas au consommateur un exemple de police ou de contrat d'assurance au point de vente afin de comparer le libellé de la police avec l'exposé des avantages de l'agent.

Deuxièmement, la proposition d'assurance, fournissant peu de renseignements sur le contrat d'assurance, est remplie par l'agent d'assurance et signée par le consommateur. L'agent ne laisse pas de copie au consommateur afin qu'il l'examine ou compare l'assurance-vie qu'il a accepté d'acheter. L'agent, par conséquent, pourrait faire des ajouts ou apporter des changements à la proposition d'assurance. Nous avons la preuve que cette situation s'est en fait produite.

Troisièmement, la substitution et la multiplication des polices d'assurance existantes sont profitables pour les agents d'assurances et l'assureur mais entraînent des conséquences néfastes pour le consommateur.

Quatrièmement, le manque d'information fournie au point de vente et pendant toute la durée du contrat trahit la confiance du consommateur.

Cinquièmement, la complexité du libellé des polices d'assurance permet aux administrateurs de la compagnie d'avoir le contrôle total de la vente et favorise le changement unilatéral de règles pendant la durée du contrat, sans avertir le détenteur de la police.

Sixièmement, on extorque systématiquement des primes supplémentaires à des personnes âgées et à des titulaires de polices peu méfiants en leur disant qu'ils vont perdre leurs polices.

Septièmement, les compagnies enregistrent des prêts automatiques pour le montant total des primes plus intérêt sur la valeur de rachat du détenteur de la police.

Huitièmement, les compagnies exigent des tarifs différents par tranche de 1 000 $ pour la prestation de décès dans un même contrat d'assurance pour le même assuré dont les probabilités de décès sont les mêmes, et le détenteur de la police a de la difficulté à s'en rendre compte.

Neuvièmement, la London Life, de façon sélective, exige 50 $ par police pour des résultats financiers annuels qui ne sont pas énoncés dans leurs états financiers annuels.

Dixièmement, les renseignements personnels relatifs au détenteur de la police sont communiqués à d'autres personnes à l'extérieur de la compagnie.

Onzièmement, aucun organisme de réglementation canadien n'a manifesté le désir d'analyser l'industrie de l'assurance-vie pour déterminer s'il y a des transactions illégales et immorales qui se font avec les consommateurs.

Enfin, douzièmement, les assureurs ne sont pas prêts à traiter avec les associations de détenteurs de polices d'assurance en tant que groupe et continuent de nier qu'une crise importante sévit entre leur industrie et le consommateur.

Il y a un manque de représentation et de communication de renseignements de la part des directeurs de compagnies. Les compagnies d'assurance-vie ne sont pas obligées de révéler à la population de quelle façon elles déterminent le montant des dividendes versés aux détenteurs de polices d'assurance avec participation aux bénéfices. Il s'agit de la seule industrie qui peut agir ainsi. La question même des primes prélevées sur la valeur de rachat qui ne se sont pas produites dépend de ce renseignement crucial.

Un recours collectif a été intenté qui aurait dû obliger, mais qui ne l'a pas fait, l'assureur à révéler les motifs de son affirmation selon laquelle les taux d'intérêt ont chuté et obligé les administrateurs à réviser l'échelle des bénéfices à la baisse. La compagnie d'assurance-vie Sun Life du Canada a insisté pour que cette information demeure secrète et ne puisse pas être divulguée. Cependant, un examen des états financiers annuels de la Sun Life révèle que les fonds d'investissement avec participation aux bénéfices ont augmenté de façon phénoménale depuis la vente d'options de déduction de primes et d'actifs et de réserves avec participation aux bénéfices.

Cette information a amené les associations de détenteurs de polices d'assurance à croire que l'attestation par le tribunal du recours collectif et l'approbation de l'accord de la Sun Life continuent d'exercer une grande injustice envers les détenteurs de polices d'assurance de la Sun Life.

• 1615

Les administrateurs de compagnies d'assurances ne révèlent pas aux détenteurs de polices d'assurance avec participation aux bénéfices les changements qu'ils approuvent et qui ont une incidence néfaste sur le rendement des polices d'assurance-vie. Bien souvent, ils ne répondent même pas lorsque des détenteurs de polices d'assurance communiquent avec eux. Il arrive fréquemment que ce soit un employé de la compagnie qui leur réponde.

Des règlements sont établis sans qu'aucune information ne soit fournie aux détenteurs de polices d'assurance. Les compagnies d'assurances peuvent être vendues lorsque l'actif des détenteurs de polices d'assurance dépasse l'actif des actionnaires; cependant, les détenteurs de polices d'assurance n'ont pas voix au chapitre lorsqu'il est question de vente. Les membres du conseil d'administration représentant les actionnaires peuvent être facilement manipulés pour l'emporter sur les représentants des détenteurs de polices d'assurance. Les détenteurs de polices d'assurance avec participation aux bénéfices n'ont pas un mot à dire dans la nomination de ceux qui les représenteront. Ces questions de régie doivent être réglées au moyen d'une révision de la Loi sur les sociétés d'assurances.

Les mauvaises expériences qu'ont vécues les détenteurs de polices d'assurance avec participation aux bénéfices d'une compagnie à capital-actions—la London Life, par exemple—ont été reliées à nos organismes de réglementation fédéraux il y a très longtemps; pourtant, nous voyons le processus d'avancement et de promotion du retrait de la forme mutuelle auprès des détenteurs de polices d'assurance de sociétés mutuelles d'assurances comme s'il n'y avait aucun problème au sein des compagnies à capital-actions. Cette situation est tout à fait inacceptable.

On doit permettre aux détenteurs de polices d'assurance avec participation aux bénéfices de jouer un rôle. Ils doivent être en mesure de nommer et d'élire leurs représentants aux conseils d'administration. Ils doivent être représentés au conseil d'administration en proportion des actifs qu'ils détiennent dans la compagnie.

Nous devons nous passer du réseau des anciens. Les membres représentants au sein des conseils d'administration devraient refléter un plus vaste échantillon représentatif de détenteurs de polices d'assurance ordinaires: un, notre société multiculturelle canadienne; deux, un équilibre entre les sexes et l'âge; trois, un spectre social plus réaliste pour refléter les différents niveaux de salariés; et quatre, l'expérience de vie—veuves/veufs, jeunes chefs de famille ainsi que les besoins en prestations-décès versées du vivant de l'assuré pour ne donner que quelques exemples.

Notre troisième partie porte sur le manque de mesures de réglementation prises par le gouvernement pour protéger le consommateur. À l'aide de lettres de relance et de visites à domicile, des agents d'assurance soutiennent que les polices sont menacées d'annulation, que les compagnies d'assurances ont réussi à toucher des milliards de dollars en primes supplémentaires versées par des détenteurs de polices d'assurance en colère. Je fais partie de cette catégorie.

La question évidente se doit d'être: ces paiements de primes supplémentaires sont-ils garantis? Si les paiements supplémentaires sont garantis, il devrait être facile pour les organismes de réglementation et le personnel qualifié d'analyser la situation à l'aide d'échantillons de causes types pour chaque type de police vendue par chacune des compagnies en cause. Jusqu'à maintenant, ça ne s'est pas fait malgré les nombreuses demandes formulées par la CLIPA.

Si ces paiements ne sont pas garantis, les détenteurs de polices d'assurance bénéficiant d'une déduction de primes ont été victimes d'une grande injustice. Selon moi, la menace d'annuler les polices tout en exigeant des paiements supplémentaires inutiles équivaut à de l'extorsion. Si cela est confirmé, le fait que ces méthodes aient été utilisées par des cols blancs dirigeants au sein de l'industrie de l'assurance ne diminue pas la gravité du crime.

Des Canadiens ordinaires qui contestent les paiements de primes supplémentaires sont obligés, par conséquent, d'accepter d'être représentés par des cabinets d'avocats grâce à des recours collectifs qui ne sont pas nécessairement dans leur meilleur intérêt. La plupart des détenteurs de polices d'assurance n'ont pas les moyens d'intenter une poursuite individuelle contre les administrateurs de la compagnie d'assurance-vie dont le portefeuille est bien garni et qui détient les propres fonds des détenteurs de polices d'assurance. Par contre, le parlement britannique n'a pas exigé de ses citoyens d'avoir recours aux tribunaux. Des enquêtes menées par Scotland Yard ont révélé que des ventes frauduleuses avaient été faites, et des amendes et des compensations considérables ont dû être versées aux victimes.

Trois juges canadiens ont approuvé l'attestation du recours collectif et de l'accord de la Sun Life. Ces juges n'ont pas analysé la preuve présentée dans leur salle d'audience qui attestait que les paiements de primes supplémentaires versées à la compagnie Sun Life du Canada étaient garantis. Les déclarations faites en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique ne voulaient rien dire étant donné qu'elles n'ont même pas permis d'obliger la Sun Life à fournir une preuve—elle n'a même pas déposé une défense—selon laquelle ces paiements supplémentaires étaient vraiment garantis. L'accord de la Sun Life approuvé par le tribunal permet à la Sun Life de demander aux détenteurs de polices d'assurance de verser des paiements additionnels sans avoir à leur fournir de preuve qu'ils sont nécessaires.

Au nom de tous les détenteurs canadiens de polices d'assurance assorties d'une réduction de primes, je me dois de demander qui a vraiment tiré parti de ce recours juridique et où sont nos organismes de réglementation canadiens?

• 1620

En ce qui concerne le retrait de la forme mutuelle, les détenteurs de polices d'assurance doivent connaître toutes les raisons avant de faire un choix. Même s'il semble que ces voeux ne seront pas exaucés, la CLIPA a demandé au ministère des Finances de veiller à ce que les éléments énumérés ci-dessous soient fournis afin de bien renseigner les détenteurs de polices d'assurance des sociétés mutuelles d'assurances qui souhaitent abandonner la forme mutuelle.

1. Une analyse financière indépendante de 1980 à 1998 inclusivement. Le but? Veiller à ce que le retrait de la forme mutuelle se fasse dans le meilleur intérêt des détenteurs de polices d'assurance, prouver qu'il est nécessaire de procéder au retrait de la forme mutuelle et déterminer des méthodes pour réunir des capitaux autres que le changement de propriétaires.

2. Un plan quinquennal obligatoire des prévisions financières entièrement réalisées et preuve des bénéfices aux détenteurs de polices d'assurance avant d'approuver toute option d'achat d'actions pour l'administration. Comment le gouvernement fédéral pourrait-il même envisager des options d'achat d'actions pour les gestionnaires après le retrait de la forme mutuelle sans exiger une certaine forme de reddition de compte à l'égard des détenteurs de polices d'assurance actuels d'une société mutuelle d'assurance? Des feuilles d'illustration de projections calculées par les actuaires des compagnies sont encore utilisées quotidiennement comme outils pour vendre des polices aux consommateurs. Une obligation de rendre compte relativement à ces projections doit être obtenue pour le consommateur, et une certaine forme de responsabilité financière après le retrait de la forme mutuelle doit être obtenue pour le détenteur de polices d'assurance d'une compagnie à capital-actions. À titre de détenteur de polices d'assurance auprès d'une compagnie à capital-actions, je peux en toute vérité dire que ce genre de responsabilité financière n'existe pas actuellement.

3. Une clause de propriété à 10 p. 100 rédigée en termes simples, ne protège pas les futurs détenteurs de polices d'assurance avec participation aux bénéfices d'une compagnie dont les actions sont cotées en bourse. La London Life est une compagnie à capital-actions et les fonds et les actifs des détenteurs de polices d'assurance avec participation aux bénéfices ont été manipulés à l'avantage des nouveaux propriétaires. J'ai présenté des protestations contre ces mesures au ministre Paul Martin et je n'ai reçu aucune réponse. L'ancien actuaire de la London Life, M. William Rudd, m'a dit qu'il a écrit au BSIF pour formuler ses objections relativement aux fonds manquants et, aux dernières nouvelles, M. Rudd n'avait reçu aucune réponse.

4. Un vaste processus de consultation publique exhaustif, ouvert, mené à l'échelle internationale pour tous les actionnaires touchés par le retrait de la forme mutuelle dans l'industrie de l'assurance-vie. Les conclusions tirées de ce genre de processus de consultation aideraient ceux qui établissent les règlements et présenteraient clairement les choix populaires favoris pour lesquels voter. Tous les actionnaires auraient l'occasion d'entendre les préoccupations des autres et de travailler à l'élaboration d'une solution commune.

Notre cinquième partie porte sur les solutions des consommateurs.

Nous exigeons un changement législatif pour intégrer ce qui suit.

Premièrement, l'uniformisation d'un langage clair et compréhensible dans les polices d'assurance-vie—par exemple, un formulaire de contrat type pour les contrats d'assurance-vie de base accompagné d'explications complètes sur la terminologie du domaine des assurances.

Deuxièmement, un code d'éthique s'appliquant à la fois aux assureurs et à leurs représentants des ventes—par exemple, établir des critères en matière de pratiques justes lorsque le libellé de la police ou du contrat ne permet pas aux assureurs d'apporter un changement unilatéral aux règles pendant la durée du contrat et lorsque l'éducation du consommateur au point de vente est une condition préalable.

Troisièmement, l'enchâssement des droits des détenteurs de polices d'assurance dans chaque police ou contrat—par exemple le droit d'examiner la police avant de faire une proposition d'achat; le droit de divulguer librement tous les renseignements d'ordre financier, peut-être relatifs à la police, à tout moment pendant la durée du contrat; le droit de traiter avec un représentant de l'assureur qui n'est pas en conflit d'intérêt; le droit de consulter votre propre dossier de souscription; le droit à la confidentialité en ce qui concerne la base de données de l'assureur; le droit de bénéficier d'un service continu; le droit d'obtenir des mesures de réparation justes et équitables et le droit de choisir et de nommer des membres représentatifs justes au conseil d'administration chaque année.

Quatrièmement, obtenir l'appui et la reconnaissance des associations de détenteurs de polices d'assurance de la part des assureurs bénéficiant d'une représentation complète et de privilèges de vote au sein des conseils d'administration.

Cinquièmement, un comité d'examen indépendant de consommateurs bien informés, mais dont les représentants ne proviennent pas de l'industrie, afin d'approuver tous les nouveaux produits d'assurance-vie avant de les commercialiser. Ce genre de comité pourrait accréditer les compagnies d'assurance-vie relativement à leur efficacité à répondre aux besoins des consommateurs—à titre d'exemple, la mise en place, à l'intention des familles, de prestations-décès versées du vivant de l'assuré.

Sixièmement, des programmes de formation à l'intention des nouveaux agents d'assurance-vie dont l'attestation serait délivrée par des établissements d'enseignement indépendants des compagnies d'assurance-vie afin d'assurer un respect plus rigoureux du code d'éthique s'appliquant à la commercialisation des produits d'assurance-vie et d'investissement.

Septièmement, un vaste programme d'éducation à l'intention des consommateurs pour démystifier les différents types de polices afin que les consommateurs puissent déterminer eux-mêmes quelle est la police qui leur convient le mieux, que ce soit au niveau du prix ou des besoins. Ce programme est particulièrement important en raison de l'introduction rapide du commerce électronique au moyen d'Internet qui permet aux consommateurs d'entretenir des rapports directs avec l'assureur lorsqu'ils veulent acheter des produits.

• 1625

Huitièmement, lors de mesures de réparation, le consommateur devrait avoir une déclaration publique complète des règlements intervenus entre les parties. Quel bien retire-t-on lorsque l'accès équitable à l'égalité des droits est refusé aux détenteurs de polices d'assurance lorsqu'on refuse systématiquement de leur fournir de l'information sur les règlements.

Maintenant, j'aimerais laisser à M. Leland Davies et à Mme June Davies le soin de présenter le reste du mémoire.

M. Leland Davies (directeur pour l'éducation, London Life Policyholders Association et Association canadienne des détenteurs de polices d'assurance-vie): Merci, Anne.

Avant de commencer, je veux juste souligner qu'il est possible que quelques-uns d'entre vous aient reçu deux versions de notre document sur l'éducation dans le mémoire. Celui auquel je fais allusion est celui sur lequel des chiffres sont inscrits au bas. Je m'excuse.

Je crois que Anne a signalé quelques-uns des problèmes importants auxquels nos détenteurs de polices d'assurance sont confrontés en ce qui concerne l'industrie de l'assurance-vie et qu'elle a mentionné le fait qu'un grand nombre de nos détenteurs de polices d'assurance sont mis au défi de comprendre de quelle façon ils peuvent se renseigner davantage sur les questions les touchant et comment ils peuvent participer davantage au processus de prise de décisions auxquelles ils sont confrontés en ce moment.

Je pense que ce que nous voulons faire en tant qu'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes est de travailler en collaboration avec les compagnies d'assurance-vie et avec les organismes de réglementation créés par le ministre des Finances pour élaborer une sorte de stratégie pour renforcer ces rapports et être compris par la population.

Nous proposons trois approches différentes. La première est un processus d'éducation et de consultation. La deuxième est une stratégie de responsabilisation des consommateurs et, la troisième est la création d'un processus d'accréditation pour les compagnies d'assurance-vie et les agents courtiers.

Je crois que les principes sous-jacents à ces approches se reflètent dans le rapport du groupe de travail qui a fait ressortir que, «Le cadre de travail actuel s'appliquant à la protection du consommateur ne réussit pas à réduire aussi efficacement qu'il le devrait l'écart qui existe entre les institutions et les consommateurs en ce qui concerne l'information et le pouvoir». Cette citation est tirée de la page 10 du document faisant état des points saillants.

Ce que nous proposons en matière d'éducation et de consultation est un processus fondé sur certains travaux que nous avons effectués en collaboration avec des forums nationaux, qui sont un processus de délibération permettant aux gens de prendre des décisions et de faire des choix éclairés. Je crois que la question du retrait de la forme mutuelle pourrait servir de cas pilote pour ce type d'approche.

Ce que nous constatons dans les efforts déployés actuellement, par exemple, La Mutuelle a tenu une série de réunions à l'intention de ses détenteurs de polices d'assurance au sujet de ce retrait de la forme mutuelle, mais nous estimons qu'elle rate son coup. Il y a au moins un détenteur de police d'assurance qui a reçu l'avis de convocation aux réunions à l'intention des détenteurs de polices d'assurance le jour de la réunion seulement. Les réunions étaient organisées uniquement dans les grands centres et beaucoup de gens dans ce pays, y compris nous-mêmes, vivons à l'extérieur et loin de ces grands centres. Ces réunions n'étaient pas accessibles.

Le dépliant que La Mutuelle a publié, intitulé Quick Facts on Demutualization, comporte une section appelée «Why is Mutual Life making this change?». Ce dépliant met en évidence uniquement les avantages que procure le changement. Nous estimons que pour que les gens puissent prendre des décisions éclairées, ils doivent tenir compte à la fois des avantages et des coûts associés au retrait de la forme mutuelle.

Le rapport du groupe de travail sur la situation relative à la fusion de banques préconise une évaluation de l'impact sur l'intérêt public dans laquelle les avantages et les coûts sont présentés à la population. Nous prétendons que cette même exigence pourrait s'appliquer au retrait de la forme mutuelle et aux réunions qui sont tenues avec les détenteurs de polices d'assurance.

Ensuite, l'approche comporte quatre étapes.

Une des étapes consiste à présenter la question du retrait de la forme mutuelle sous forme de choix qui s'offrent au détenteur de police d'assurance, et à leur expliquer que ces choix comportent des avantages et des coûts associés à chacun d'entre eux. Ces renseignements sont nécessaires pour qu'une personne puisse prendre une décision éclairée et réduire cet écart dont il est question dans le rapport du groupe de travail.

Nous pensons donc que ces processus devraient être menés dans l'ensemble du pays, et qu'ils devraient avoir lieu dans les petites collectivités ainsi que dans les grandes villes. Ces forums devraient être modérés par des personnes impartiales afin que l'information puisse être clairement présentée en ce qui concerne les avantages et les inconvénients.

• 1630

À la fin de ces processus, on pourrait produire un rapport fournissant des renseignements additionnels aux détenteurs de polices d'assurance qui auront à voter sur la question du retrait de la forme mutuelle.

Mme June Davies (directrice pour l'éducation, London Life Policyholders Association et Association canadienne des détenteurs de polices d'assurance-vie): Il est intéressant de constater que nous sommes confrontés à plusieurs problèmes, non seulement dans le domaine financier mais dans chaque ministère. Comment consultons-nous de façon efficace la population?

Le processus que nous proposons nous permet de mettre sur pied un système dans le cadre duquel nous pouvons enseigner aux gens des grandes et des petites collectivités de l'ensemble du Canada de quelle façon cerner les questions. Nous pouvons le faire ensemble, de façon très spontanée, et nous pouvons être des modérateurs en matière de formation, des gens qui animent des forums dans des collectivités d'un bout à l'autre du Canada.

Je pense que ce que nous voulons faire est non seulement vous offrir l'occasion de traiter une question, mais un processus qui pourrait en fait être utilisé pour faire participer les Canadiens au traitement de toutes les questions. Nous vous recommandons vivement de commencer à vous pencher sur ces types de processus qui peuvent en fait permettre aux Canadiens de participer de façon très concrète.

Il est difficile pour nous d'être assis ici et de ne pouvoir jouer qu'un rôle de défenseur de certaines positions. Cela crée immédiatement un contexte d'opposition, et ce que nous tentons de faire, c'est de trouver un moyen de pouvoir travailler en collaboration.

Malheureusement, un grand nombre des moyens à notre disposition pour présenter les questions sont de nature très partisane, et on exerce vraiment une pression sur nous pour que nous présentions nos documents de façon à ce que nous soyons toujours partisans d'une position. Nous vous recommandons fortement de nous parler plus en détail en d'autres temps. Il existe des processus très intéressants pour nous impliquer.

Ce que nous essayons de vous dire, c'est que nous voulons participer, et que nous ne disposons d'aucun mécanisme nous permettant de le faire et d'avoir l'impression qu'on nous écoute.

Lorsque l'on forme un groupe de revendication, on suppose immédiatement que ce n'est plus d'intérêt public—on devient un groupe défendant un intérêt personnel—et pourtant ce dont nous vous parlons est d'intérêt public. Donc, nous sommes en quelque sorte condamnés si nous le faisons et condamnés si nous ne le faisons pas.

Nous vous recommandons de vraiment nous parler et de parler à d'autres organisations qui accomplissent un travail similaire. Nous aimerions adopter ce processus et l'appliquer à cette question très importante et peut-être l'utiliser à titre d'exemple, pas uniquement pour cette question financière, mais également pour quelque chose qui pourrait probablement aider les Canadiens de l'ensemble du pays pour n'importe quelle question.

M. Leland Davies: Je voulais très rapidement terminer avec nos deux autres points.

Le deuxième point porte sur la responsabilisation des consommateurs. Compte tenu de ces malentendus concernant un grand nombre des politiques et ce qui se passe, nous croyons avoir besoin d'un processus de médiation commun à l'usage des détenteurs de polices d'assurance et des compagnies d'assurances.

Deuxièmement, nous devons adopter des principes s'appliquant à la prise de décisions et à la résolution de problèmes des consommateurs liés à l'industrie de l'assurance. Il ne semble pas exister de bons moyens de le faire en ce moment.

Troisièmement, dans le cadre d'une responsabilisation des consommateurs, nous croyons qu'il devrait exister un système d'information sur les assurances, une sorte de tableau comparatif énumérant les diverses polices, ce qu'elles signifient, ce qu'elles offrent, un tableau qui permet aux consommateurs d'être renseignés sur les différences qui existent entre les polices et les répercussions qu'elles entraînent.

La dernière chose que nous préconisons est un système d'accréditation s'appliquant aux compagnies d'assurances et aux agents courtiers afin que les gens puissent dire si la compagnie d'assurances avec laquelle ils traitent ainsi que les courtiers et les agents avec lesquels ils font affaire répondent à certaines normes établies pour les compagnies d'assurances, pour leurs produits et pour les agents et les courtiers qui vendent de l'assurance. Je crois que c'est l'élément essentiel pour accroître la confiance du consommateur dans l'industrie, chose qui existe certainement dans beaucoup d'autres domaines, notamment dans l'industrie de la santé et ainsi de suite. Donc, je crois que ce genre de système d'accréditation doit être établi pour que les consommateurs aient davantage confiance.

Mme June Davies: Nous avons probablement besoin de normes internationales. Je crois que nous nous rendons tous compte que de nombreuses compagnies, lorsque nous circulons en voiture un peu partout, ont adopté les normes ISO 9000, 14000, 9002 et 9003. Dès que je vois cela, je sais que cette compagnie fait quelque chose de spécial, et j'en suis fière.

• 1635

Même si les normes sont en fait des normes minimales, et qu'un grand nombre de ces compagnies les dépassent, même si je vois une enseigne ISO 9000 affichée à l'extérieur d'une compagnie comme la London Life ou La Mutuelle, je serais naturellement portée à éprouver du respect pour cela. Donc, la question sur laquelle nous nous pencherions serait l'élaboration d'un système d'accréditation propre aux entreprises de services, dans le cas présent aux compagnies financières.

Comme nous l'avons proposé, il existe certaines industries... L'industrie de la santé est celle que nous connaissons. Elle dispose de son propre programme d'accréditation. Je sais que lorsque nous concluons un contrat avec des fournisseurs de services pour offrir des services dans la collectivité, nous leur demandons s'ils sont accrédités ou s'ils sont en voie de le devenir parce que cela nous donne une bonne idée de leurs capacités et de la qualité de leurs services.

Le président: Merci beaucoup.

Nous devrons maintenant passer au Conseil national du bien-être social.

Steve Kerstetter, directeur, nous vous souhaitons la bienvenue.

M. Steve Kerstetter (directeur, Conseil national du bien-être social): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le Conseil national du bien-être social est heureux de pouvoir comparaître aujourd'hui pour parler de questions concernant le milieu financier.

Comme vous le savez, le Conseil est un groupe consultatif de citoyens auprès du ministre du Développement des ressources humaines, et son mandat, qui relève de la loi fédérale, est de conseiller le ministre sur des questions relatives aux citoyens à faible revenu.

Récemment, le Conseil a publié un rapport intitulé Les services bancaires et les pauvres: Parler, ça ne coûte pas cher, qui a été préparé en partie pour aider le groupe de travail dans ses travaux. Le rapport se concentre principalement sur l'accès des citoyens à faible revenu aux services financiers. Nous sommes très satisfaits du travail du Groupe qui a rendu publique cette question importante et des recommandations qu'il a formulées.

Notre rapport a également soulevé un certain nombre de préoccupations relativement aux propositions de fusions de banques. Notre conseil, en tant qu'entité, semble être moins enthousiaste que le groupe de travail au sujet de la possibilité de fusions de banques, mais en général nous sommes d'accord avec le type de recommandations formulées dans le rapport du groupe de travail.

Aujourd'hui, nous aimerions nous concentrer sur un sujet pour lequel il existe une divergence entre notre conseil et le groupe de travail. Cette divergence porte sur le secteur général du réinvestissement dans la collectivité.

Nous croyons que ce secteur recouvre deux questions distinctes bien qu'apparentées: les pratiques d'octroi des prêts des institutions financières dans les quartiers défavorisés et les prêts personnels et les prêts hypothécaires qu'elles accordent aux personnes démunies.

En ce qui concerne les pratiques d'octroi des prêts dans les quartiers défavorisés, nous ne sommes pas convaincus que les institutions financières canadiennes, individuellement ou collectivement, satisfont convenablement les besoins des petites et des moyennes entreprises dans ces quartiers ou encore les besoins des groupes bénévoles à but non lucratif qui oeuvrent dans ces mêmes quartiers. Il n'existe pas de données fiables pour appuyer les affirmations de l'Association des banquiers canadiens soutenant que toutes les régions du Canada sont bien desservies par les institutions financières.

En ce qui concerne les prêts personnels aux personnes défavorisées, une fois de plus nous ne sommes pas convaincus que les gens qui se trouvent au bas de l'échelle économique ainsi que les personnes couvertes par la Loi fédérale sur l'égalité d'emploi sont bien desservis par les institutions financières.

Dans notre rapport, nous recommandons que l'on promulgue au Canada une législation similaire à celle en vigueur aux États-Unis—plus précisément la U.S. Home Mortgage Disclosure Act (Loi américaine sur la divulgation des renseignements sur les hypothèques) et la U.S. Community Reinvestment Act (Loi américaine sur le réinvestissement communautaire)—afin de forcer les institutions financières à révéler les prêts qu'elles approuvent ou refusent sur toute l'étendue du territoire national. Selon le Conseil, ce n'est qu'à ce moment—et à ce moment seulement—que les Canadiens sauront si leurs institutions financières agissent en concordance avec qu'elles soutiennent.

Nous avons pensé que les membres du Comité aimeraient examiner de plus près un tableau tiré de notre rapport. Ce tableau est reproduit dans notre mémoire présenté au Comité. Il s'agit du tableau 2 intitulé «Répartition des prêts hypothécaires consentis à Atlanta, Georgie, entre les quartiers peuplés par des minorités et les quartiers blancs en 1991». Les données ont été recueillies par des chercheurs en fonction du type d'information qui était divulguée à cette époque à Atlanta, en Georgie.

Si vous jetez un coup d'oeil au tableau, vous constaterez qu'il y a en fait deux types d'institutions financières, ou deux différents types d'évaluations. À la première ligne du tableau, on parle de la Sears Mortgage Corporation, qui détenait 0,4 p. 100 de la part de marché dans les quartiers habités par des minorités, où les Noirs représentent 75 p. 100 ou plus de la population dans le cas d'Atlanta. Sa part de marché dans les quartiers Blancs, dans des quartiers de la ville peuplés de Blancs, était de 3,2 p. 100, ce qui correspond à une part de marché huit fois plus élevée. Voilà pourquoi cette institution financière a obtenu une cote «pire cas» dans l'étude à laquelle nous faisons allusion.

• 1640

L'autre extrême apparaît au bas du tableau, à la dernière ligne, soit la Gulf States Mortgage Company. Elle détenait 16 p. 100 du marché dans les quartiers de la ville habités par des minorités en 1991 par opposition à environ 3 p. 100 du marché dans les quartiers Blancs de la ville. C'est donc pour cette raison que cette institution a obtenu une cote de «prêteur positif», expression utilisée aux États-Unis pour désigner les établissements dont le niveau de transactions avec les membres des minorités est raisonnable.

Nous croyons que le même genre d'analyse pourrait être effectuée au Canada en utilisant les données recueillies par les établissements financiers et qui sont communiquées au gouvernement. Ces données pourraient être comparées à des renseignements—par exemple, des renseignements sur le revenu—tirés de secteurs de recensement individuels. Selon nous, ce genre d'analyse permettrait de démontrer clairement à quel point les établissements financiers souhaitent servir tous leurs clients. Ces analyses seraient tout particulièrement appropriées pour le Canada, car elles tiendraient compte de toutes les succursales d'un établissement, peu importe où elles sont situées. Elles couvriraient aussi les activités bancaires virtuelles des établissements lorsqu'elles existent.

La principale question à laquelle on devrait répondre est la suivante: Le rang qu'occupe chaque établissement dans les quartiers les mieux nantis au chapitre des prêts consentis se compare-t-il à celui qu'il occupe dans les quartiers défavorisés? Armées de ces renseignements, les autorités gouvernementales pourraient avoir une idée précise de l'ampleur des problèmes et pourraient ainsi s'attaquer à ceux-ci de façon logique.

S'il s'avère, par exemple, que la discrimination à l'égard des quartiers défavorisés n'est pas un problème généralisé, les gouvernements pourraient examiner les pratiques d'octroi des prêts d'un établissement en particulier et des sanctions particulières pourraient être prises pour tenter d'obtenir des pratiques plus positives. Si, par contre, la discrimination envers les pauvres est généralisée, des mesures plus draconiennes devraient selon nous être adoptées pour contrer le problème.

Comme le savent les membres du Comité, les recommandations numéros 101 à 111 du rapport du groupe de travail traitent de questions relatives aux prêts commerciaux. Entre autres, elles demanderaient aux institutions financières de fournir davantage de renseignements au gouvernement et de nouvelles activités de collecte de données pour Statistique Canada et pour Industrie Canada.

À notre avis, ces recommandations constituent clairement une amélioration sur le statu quo, mais nous croyons qu'elles seront beaucoup moins utiles que les données qui sont déjà rendues publiques aux États-Unis. Les propositions du groupe de travail comprendraient la collecte de renseignements à partir de sondages, et elles donneraient un peu plus qu'un tableau d'ensemble d'un établissement particulier ou d'une région particulière. Nous doutons que cela puisse cerner les problèmes qui peuvent exister dans l'est de Montréal ou les quartiers est du centre-ville de Vancouver. Nous doutons également que cela puisse cerner les problèmes qui peuvent exister au sein de groupes particuliers d'individus comme les personnes handicapées ou les membres de minorités visibles.

J'aimerais m'arrêter ici. Au nom de tous les membres du Conseil national du bien-être social, je vous remercie pour l'occasion qui m'a été offerte d'être ici aujourd'hui. Nous espérons que notre mémoire vous aidera dans vos travaux. Étant donné que le temps passe, nous serions heureux de pouvoir répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kerstetter.

Nous entendrons maintenant le témoin du Centre pour la défense de l'intérêt public.

Madame Angie Barrados, nous vous souhaitons la bienvenue.

Mme Angie Barrados (chercheure, Centre pour la défense de l'intérêt public): Bonjour et merci beaucoup de nous offrir cette occasion de présenter notre point de vue aujourd'hui sur le rapport du groupe de travail.

Le Centre pour la défense de l'intérêt public est un organisme à but lucratif ayant un conseil d'administration national et dont les membres sont des particuliers et des organisations. Notre spécialité est de défendre l'intérêt des consommateurs dans la prestation d'importants services publics, tout particulièrement les industries réglementées comme les télécommunications et l'énergie, et nous nous intéressons particulièrement aux consommateurs vulnérables de ces industries. Nous avons essayé d'appliquer certaines de nos connaissances relatives à ces autres services publics au secteur bancaire.

Nous aimerions féliciter le groupe de travail pour avoir produit un rapport intelligent, juste et équilibré. Comme Harold MacKay l'a mentionné devant ce comité il y a quelques semaines, les recommandations du groupe de travail constituent un ensemble. Le groupe de travail a formulé un grand nombre de recommandations qui vont plus loin que jamais en ce qui concerne l'abolition de piliers du secteur des services financiers. Les recommandations visent à accroître la concurrence dans ce secteur, mais elles ne garantissent pas que les banques ne continueront pas de croître ou que la concentration n'augmentera pas dans les services bancaires de détail.

En tant que représentants des consommateurs, ces possibilités sont inquiétantes. Cependant, le rapport du groupe de travail est acceptable selon nous, car il reconnaît que des mesures de protection du consommateur plus rigoureuses doivent faire partie intégrante du cadre de travail s'appliquant au secteur des services financiers.

• 1645

Selon le groupe de travail, par l'entremise d'une combinaison de mesures de protection du consommateur prévues par la loi, de codes de pratique et d'un dialogue permanent entre l'industrie et les représentants des consommateurs, les consommateurs canadiens ordinaires peuvent être bien desservis par le secteur des services financiers. Bien que l'approche du groupe de travail adoptée à l'égard des préoccupations des consommateurs est le «bon sens», c'est, en fait, révolutionnaire pour ce secteur. Depuis de nombreuses décennies, le secteur financier exerce de fortes pressions—et la plupart du temps, fructueuses—pour empêcher la prise de mesures de protection du consommateur et empêcher la participation du consommateur dans la prise de décisions.

Le groupe de travail recommande une toute nouvelle façon de traiter les questions relatives aux consommateurs. De nouvelles façons de faire les choses peuvent être menaçantes. Il faut que le comité sache que de nombreuses parties voudront atténuer les recommandations du groupe de travail relativement aux questions en matière de protection du consommateur. Nous recommandons fortement que le gouvernement ne modifie pas l'équilibre que le groupe de travail a établi—que le gouvernement reconnaisse que les mesures de protection du consommateur doivent accompagner l'application des autres recommandations.

Des pressions seront exercées sur le gouvernement afin qu'il apporte rapidement les changements recommandés par le groupe de travail et pour qu'il limite la période de temps qu'il faut pour prendre une décision au sujet des fusions de banques. La nécessité de tenir des discussions rapides doit être équilibrée par la nécessité d'assurer une participation entière et juste de la population. Le type et l'ampleur de la participation de la population que le groupe de travail recommande sont nouveaux pour ce secteur. La nécessité de faire participer les consommateurs et les représentants des consommateurs dans les prochaines discussions doit être examinée attentivement.

Nous estimons que le groupe de travail est sur la bonne voie, et nous avons des commentaires à formuler venant appuyer les recommandations du groupe de travail. Nous avons choisi trois questions importantes que nous porterons à votre attention aujourd'hui.

Notre première recommandation est que le gouvernement élabore, en collaboration avec des organismes de consommateurs et d'autres parties intéressées, un plan d'application relatif aux recommandations du groupe de travail. Ce plan d'application constituerait un moyen de mettre en place un processus ordonné et ouvert en vue d'adopter les recommandations du groupe de travail, compte tenu qu'un grand nombre de ces recommandations entraînent des consultations et la participation de plusieurs parties à divers projets.

On mentionne dans le rapport du groupe de travail que les organismes de consommateurs—comme le nôtre—doivent être renforcés. Le plan d'application constituerait le fondement de discussions sur le rôle futur des organismes de consommateurs et sur les mesures qui peuvent s'imposer pour garantir des ressources adéquates.

Notre deuxième recommandation est que le gouvernement veille à ce que nous obtenions les bonnes mesures institutionnelles dans la mise en oeuvre des recommandations du groupe de travail. Dans le rapport du vérificateur général de 1995, on mentionnait que les responsabilités du BSIF, de la SADC et du ministère des Finances relatives à la mise en oeuvre des objectifs en matière de politique publique n'étaient pas énoncées clairement. Autant que nous sachions, ce problème relatif aux responsabilités qui ne sont pas claires est toujours présent. La mise en oeuvre des recommandations du groupe de travail sera assez ambiguë, à moins que les rôles que jouent les intervenants du gouvernement soient clarifiés.

En ce qui concerne ces rôles qui ne sont pas énoncés clairement, nous sommes très inquiets au sujet de la proposition de rendre le BSIF responsable des mesures de protection du consommateur qui sont proposées. Son principal mandat est de superviser les institutions financières en ce qui concerne la solvabilité, et la façon dont les mesures de protection des consommateurs cadreraient dans ce mandat n'est pas claire.

De plus, malgré de nombreuses préoccupations permanentes chez les consommateurs par rapport au secteur bancaire, aucune mesure visant à aborder les préoccupations des consommateurs n'est venue du BSIF. Nous proposons que les mesures de protection du consommateur soient mises en application par un organisme dont le mandat est approprié et qui possède de l'expérience dans les questions relatives aux consommateurs et qui est engagé envers ce type de questions.

Les changements que l'on propose d'apporter au système d'ombudsman bancaire constituent une autre question institutionnelle. Nous appuyons les recommandations du groupe de travail, et nous aimerions souligner la nécessité que le cadre de travail de l'ombudsman soit transparent et imputable. Dans ce cas en particulier, les représentants des consommateurs devraient participer à l'élaboration du nouveau cadre de travail.

Enfin, nous avons des recommandations à formuler au sujet de l'examen des fusions. Nous sommes très encouragés par l'engagement du gouvernement à l'égard de l'application du processus d'examen de l'intérêt public qui a été proposé par le groupe de travail. Nous avons quelques recommandations relatives à l'application de ce processus qui sont présentées dans une annexe jointe au présent mémoire. Je ne les lirai pas maintenant.

• 1650

J'aimerais porter à votre attention aujourd'hui la recommandation voulant que l'on fournisse de l'aide financière aux participants au processus de révision des fusions en vue de protéger l'intérêt public. Il est crucial que toutes les parties intéressées disposent des ressources nécessaires pour participer autant qu'elles le veulent au processus de révision.

Le groupe de travail a remarqué que les groupes de consommateurs manquent de ressources et qu'ils ont peine à respecter leurs engagements courants. Sans mesure d'aide financière aux participants, les parties non industrielles n'auront pas les ressources nécessaires pour examiner la documentation, recueillir les avis d'experts et se préparer en vue des audiences. Si on offrait une aide financière aux participants, on s'assurerait d'une représentation importante du public dans le processus de révision des fusions. La présence des groupes de protection de l'intérêt public est cruciale pour assurer la validité du processus au sein de la population canadienne.

Je n'ai pas le temps de discuter plus en détail des recommandations du groupe de travail. D'autres recommandations seront peut-être soumises au comité avant la fin de ces audiences sur le rapport du groupe de travail.

Aujourd'hui, j'ai déposé un rapport que avons produit récemment sur les ventes forcées. Je vous en ai laissé quelques exemplaires.

Le rapport porte sur les recommandations du groupe de travail visant l'amélioration de l'article sur les ventes forcées qui vient d'être intégré à la Loi sur les banques, un sujet sur lequel ce comité s'est penché plus tôt cette année. Je serai heureuse de discuter de notre rapport sur les ventes liées plus tard dans la rencontre d'aujourd'hui, ou à un autre moment.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Barrados.

Nous allons poursuivre avec une période de questions.

J'aimerais aviser toute l'assemblée que les membres du comité tiendront un vote à 17 h 30. La période de questions sera donc limitée à dix minutes seulement.

Nous commencerons avec M. Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.

Ma première question s'adresse aux représentants du groupe de défense des droits des assurés.

En lisant vos mémoires et en vous écoutant—si les allégations ont quelque fondement—je comprends que les sociétés d'assurances canadiennes sont une belle bande d'infâmes individus. Si c'est le cas, je me demande pourquoi—et je me considère comme étant un témoin assidu des médias—les médias n'ont jamais fait un boucan du tonnerre par rapport à la façon dons ces sociétés malmènent les titulaires de police et les consommateurs canadiens de ces produits.

Quelqu'un peut-il me donner une réponse brève à ce sujet?

Mme Anne Holmes: Je peux vous dire que récemment, un journaliste en vue du Globe and Mail m'a appelée pour me dire qu'une agence de cotation canadienne avait organisé une rencontre avec des journalistes et leur avait demandé d'arrêter de parler des primes dégressives et de se concentrer plutôt sur les avantages du retrait de la forme mutuelle.

La presse joue un grand rôle dans la diffusion de l'information à la population. De nombreux articles ont été publiés à ce sujet. J'ai moi-même été interviewée de nombreuses fois par des journalistes de la presse écrite.

Quand j'entends parler de l'ingérence d'une agence de cotation dans le droit à la liberté de presse, je m'inquiète beaucoup.

M. Dick Harris: D'accord.

Deuxièmement, les sociétés d'assurances sont sous la surveillance constante du BSIF, l'agence de réglementation de l'industrie. Je suppose que c'est l'agence principale. Avez-vous déjà demandé au surintendant de ce bureau d'organiser une rencontre entre vos groupes et les assureurs? Le surintendant pourrait servir d'arbitre et prendre connaissance de vos difficultés, puis écouter les réactions des sociétés d'assurances à vos allégations d'abus. Avez-vous fait une telle demande? Une telle rencontre a-t-elle eu lieu?

Mme Anne Holmes: J'ai en effet écrit à M. Palmer à plusieurs reprises. Récemment, après avoir découvert que j'avais donné de l'information à votre chef, il m'a enfin répondu.

J'ai demandé à M. Palmer pourquoi, premièrement, il n'avait fait aucune enquête à la suite des allégations que j'avais portées, et pour lesquelles je détiens des preuves. Et que m'a-t-il répondu? Il m'a répondu qu'il était responsable uniquement de la sécurité et de l'intégrité des institutions financières. Qu'il n'avait en fait aucune responsabilité envers les consommateurs.

• 1655

Je me suis insurgée contre cette affirmation dans une lettre subséquente. Je lui ai demandé pour qui croyait-il devoir assurer cette sécurité et cette intégrité. Parce qu'au coeur du problème se trouvent les consommateurs.

Il ne m'a pas répondu.

M. Dick Harris: J'aimerais suggérer au comité que, si cela est en effet une difficulté réelle—et votre groupe semble affirmer que c'est bel et bien une grave difficulté—il serait peut-être indiqué d'inviter M. Palmer, les assureurs et votre groupe à discuter devant ce comité.

M. Bill Podmore: Pourrais-je ajouter quelque chose?

Voilà quelque temps déjà, sur la question du processus de retrait de la forme mutuelle, nous avions proposé d'établir un groupe de travail constitué de titulaires de polices, dont le mandat serait d'examiner l'ensemble du dossier en collaboration avec le gouvernement et l'industrie. Dans les médias, on a pu lire que le gouvernement avait informé l'industrie que, si elle s'opposait à la formation d'un groupe de travail de titulaires de polices, elle devrait proposer une solution plus adéquate.

Aucun groupe de travail de titulaires de polices n'a été constitué. Au plus, nous avons pu faire part de nos commentaires sur le projet de règlement.

Nous avons rencontré le groupe de travail de l'industrie afin de discuter des difficultés que nous estimons les plus aiguës. Cependant, aucun groupe de travail des titulaires de polices n'a été constitué.

Je ne vois donc aucune possibilité de collaboration, ni maintenant ni dans un avenir proche, entre l'industrie et les consommateurs.

M. Leland Davies: Je crois qu'il est nécessaire de vous faire remarquer, à la défense des sociétés d'assurances, que nous avons eu une rencontre avec des représentants de trois des quatre sociétés qui ont amorcé une démarche de retrait de la forme mutuelle. Nous avons pu leur soumettre une proposition qui nous permettra peut-être de changer des choses et de commencer à travailler ensemble.

Mme Anne Holmes: Cette proposition touche seulement le retrait de la forme mutuelle. Devant les plaintes des consommateurs au sujet des primes dégressives et, plus récemment, des polices d'assurance-vie universelles, notre association a remis à tous les DG des plus importantes sociétés d'assurances une proposition de conférence où nous pourrions ensemble discuter des problèmes posés. Nous n'avons obtenu aucune réponse. Aucune société n'a daigné même accuser réception de notre missive.

C'est plutôt décourageant. Le message est le suivant: «Madame Holmes, nous traitons avec vous à titre individuel; nous ne voulons pas avoir affaire à votre association.» On nous tient à l'écart, c'est certain.

Je crois que la principale erreur commise par la London Life a été de me dire que j'étais la seule personne assez stupide pour ne pas comprendre ma police. C'était une erreur, une très grave erreur, parce que j'ai depuis appris que 500 000 titulaires de polices de la London Life n'ont pas joui de primes régressives; la même chose pour 400 000 titulaires de polices de la Sun Life; 187 000 je crois avec la Manuvie; etc. Environ une police sur trois qui ont été vendues au Canada depuis le début des années 80 étaient assorties de primes dégressives qui n'ont pas bougé.

C'est un problème systématique. Il ne touche pas seulement une ou deux personnes. Il touche l'ensemble de l'industrie.

Si nous voulons nous montrer raisonnables, nous devrions nous asseoir et discuter avec les assureurs-vie. Mais ils sont en plein déni de la réalité.

M. Dick Harris: Je crois que des personnes ici peuvent demander que l'on institue une sorte de table ronde avec les assureurs. L'organe de réglementation est présent, des représentants d'Industrie Canada sont présents. C'est le moment idéal pour faire vos demandes.

M. Bill Podmore: Il faut mettre le problème en contexte. Toutes ces difficultés sont malheureusement le fruit d'une supervision et d'une réglementation inadéquates, et c'est par là qu'il faut commencer pour régler les difficultés.

• 1700

M. Dick Harris: Bien.

J'aurais une brève question. Si je comprends bien, vous êtes tous des groupes de consommateurs. Mais je constate en écoutant vos propos qu'il faudra intensifier la réglementation pour régler une grande partie de vos difficultés. On peut en arriver au point où les règlements entraînent des coûts très élevés, et ce ne sont jamais les gens d'affaires au Canada qui paient ces coûts. Ils réussissent toujours à imputer les paiements à ceux que vous représentez, je crois. Il arrive un moment où le coût de la réglementation est beaucoup trop élevé pour le consommateur. Il voudra alors faire un pas en arrière et demandera que l'on abaisse les prix, même s'il faut diminuer la réglementation.

Comment équilibrer tout ça? Où se trouve le point d'équilibre selon vous?

M. Bill Podmore: Vous voyez, ce qui se passe réellement, c'est que les consommateurs paient le coût des règlements, mais ils paient aussi le coût de la non-réglementation. Ils paient des deux façons.

Mme Anne Holmes: On pourrait établir une comparaison avec les frais de justice. Récemment, un procès impliquant la Sun Life a duré plus de un an en Ontario. Les consommateurs et le public en général doivent débourser, même s'ils n'ont rien à voir avec l'industrie de l'assurance.

Bien que j'abonde dans le même sens que vous, je crois que le gouvernement doit se faire plus petit mais plus efficace. Pour y arriver, il faut que les groupes de consommateurs soient consultés. Il faut que le consommateur ait voix au chapitre, qu'il participe au contrôle des nouveaux produits mis en marché; il aura ainsi des outils pour accepter la responsabilité de ce qu'il achète. Mais nous devons aussi avoir notre mot à dire sur les nouveaux produits commercialisés.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

M. Bill Podmore: Les événements entourant le dossier des primes dégressives tiennent un peu de la farce parce que, essentiellement, je suis propriétaire de la société, et j'ai intenté une action contre moi-même.

Le président: Merci, monsieur Podmore.

Merci, monsieur Harris.

Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Je souhaite d'abord remercier tous ceux et celles qui se sont déplacés aujourd'hui pour nous faire part de leurs commentaires et de leurs remarques sur le sujet très important de l'avenir des services financiers canadiens.

J'aimerais poser quelques questions au groupe Option Consommateurs, que je félicite pour le travail accompli et pour son étude, dont les résultats ont été diffusés abondamment dans les médias hier.

Le tableau comparatif que vous avez dressé fait-il état de spéculations que vous auriez faites sur ce qui arriverait advenant la fusion des quatre banques qui l'envisagent actuellement? Y aurait-il des avantages pour les consommateurs ou si la situation resterait la même que celle décrite dans votre étude?

M. Jacques St-Amant (analyste, Option Consommateurs): C'est une question intéressante. Il y a vraiment des disparités entre les institutions financières.

Dans notre étude, nous avons dressé quatre profils théoriques de consommateurs pour voir un peu ce que les institutions financières pourraient nous recommander. En général, entre la Banque de Montréal et la Banque Royale, il y a relativement peu d'écarts. Ça va de 0 p. 100 jusqu'à environ 15 p. 100 d'écart dans les recommandations qui nous ont été faites par les deux banques et, la plupart du temps, c'est la Banque de Montréal qui offre les produits les plus intéressants.

Par contre, entre la Banque Toronto-Dominion et la CIBC, il y a des écarts vraiment considérables, qui vont dans certains cas jusqu'à 140 ou 150 p. 100. Par exemple, un consommateur qui utilise beaucoup le guichet automatique et a un compte à la Banque Toronto-Dominion doit payer environ 105 $ de frais par année alors que s'il avait un compte à la CIBC, il paierait 267 $ par année. C'est un écart très considérable.

Si ces deux banques fusionnent et décident de retenir par hasard la grille tarifaire de la CIBC, il y a des clients qui vont se retrouver assez marris. Dans plusieurs cas, la Banque Toronto-Dominion obtient de très bonnes notes dans les tableaux qu'on a dressés alors que la CIBC est vraiment tout à fait en bas.

Alors, c'est clair qu'il pourrait y avoir des effets pour les consommateurs.

M. Odina Desrochers: J'aurais une autre question. Vous dites qu'environ 41 p. 100 des gens qui ont fait l'enquête n'auraient pas été en mesure d'obtenir un compte bancaire. On approche de la période des Fêtes. Pourriez-vous me dire s'il est plus facile d'obtenir une carte de crédit que d'ouvrir un compte bancaire?

M. Jacques St-Amant: C'est ce que semblent penser à tout le moins certains banquiers. Nous avons visité 36 succursales dans le cadre de notre étude. Dans 20 cas, quelqu'un a demandé si on avait une carte de crédit et déclaré qu'il ne pouvait ouvrir un compte de banque à une personne qui n'en avait pas. Par contre, il présentait le formulaire qui permettait d'obtenir une carte de crédit de la même banque. Il disait de faire la demande d'abord et qu'il ouvrirait un compte une fois la carte de crédit obtenue.

Selon nous, c'est absolument le monde à l'envers. Une carte de crédit est un produit qui n'est pas nécessaire dans la vie courante. Le compte de banque, par contre, est extrêmement utile. C'est le moins qu'on puisse dire.

M. Odina Desrochers: Est-ce que je pourrais connaître le nom de cette institution financière qui, lors de votre enquête, préférait présenter un formulaire de demande de carte de crédit plutôt que d'ouvrir un compte?

M. Jacques St-Amant: J'ai complètement oublié de le mentionner. Honte à moi! C'est la Banque Nationale, la succursale située à l'angle des rues du Parc et Laurier. La Banque Nationale a tendance à avoir des politiques qui ne sont pas toujours très intéressantes sur le terrain.

• 1705

M. Odina Desrochers: Je remarque aussi que c'est elle qui a la palme des frais bancaires les plus élevés actuellement.

M. Jacques St-Amant: C'est à peu près le cas effectivement. Dans la plupart des cas, ils sont en fin de liste.

M. Odina Desrochers: Étant donné que cette institution est présente un peu partout au Québec, quels sont les écarts entre la Banque Nationale et le Mouvement des caisses Desjardins?

M. Jacques St-Amant: Au plan tarifaire, dans les quatre profils qu'on a établis, le Mouvement Desjardins arrivait à peu près en milieu de liste, c'est-à-dire ni très bon ni très mauvais. Au plan de l'accès, il y a des différences quand même importantes. De façon générale, les caisses populaires sont plus disposées à accepter d'ouvrir des comptes de banque que les banques.

Cela dit, il y a aussi à l'occasion des bêtises et des aberrations chez Desjardins. Encore ce matin, nous recevions une plainte d'une personne qui avait fait faillite en 1995 et qui a tenté d'ouvrir un compte dans une caisse populaire. On a fait une enquête de crédit sur elle et on lui a répondu qu'on refusait de lui ouvrir un compte parce qu'elle avait fait faillite.

M. Odina Desrochers: Depuis quand avez-vous remarqué qu'on demande une enquête de crédit avant de décider d'ouvrir ou de ne pas ouvrir un compte au nom d'une personne?

Mme Louise Rozon: C'est il y a environ un an et demi que nous avons commencé à recevoir des plaintes de consommateurs nous signalant qu'on exigeait d'eux qu'ils se soumettent à une enquête de crédit.

On a réalisé une étude à l'automne 1997, par laquelle on tentait encore une fois d'ouvrir des comptes. À ce moment-là, le ministère de la Sécurité du revenu du Québec avait accepté d'émettre des chèques d'aide sociale à nos trois enquêteurs. C'est donc munis de ces chèques que ceux-ci se sont présentés dans les institutions bancaires pour ouvrir des comptes. Déjà, à ce moment-là et dans ces conditions, de 20 à 30 p. 100 des succursales ont exigé de nos enquêteurs qu'ils acceptent une enquête de crédit.

Quand nous avons repris l'exercice, parfois au téléphone, parfois sur place, mais sans être munis de chèques d'aide sociale, en nous faisant passer pour des travailleurs, nous avons constaté que dans 50 p. 100 des cas, avant d'accepter de nous ouvrir un compte de banque, on nous obligeait à nous soumettre à une enquête de crédit. Nous jugeons cela tout à fait inacceptable. C'est comme si les personnes qui demandent d'ouvrir un compte faisaient un emprunt de 10 000 ou 15 000 $. Ce n'est pas du tout le cas. Cette politique devrait, à notre avis, être modifiée dans toutes les institutions financières.

M. Jacques St-Amant: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un détail. Nous nous intéressons de près à cette question depuis 1993 et nous constatons que le principal problème, le principal obstacle à l'ouverture des comptes, c'est la question des pièces d'identité.

Après tout le travail qui a été fait, c'est un problème qui commence très lentement à se corriger. Par contre, on voit surgir de nouvelles difficultés; les gens se voient mettre des bâtons dans les roues à cause de nouvelles politiques. On en arrive donc à la conclusion qu'une fois un problème réglé, trois autres apparaissent. Il va peut-être falloir que quelqu'un prenne des mesures.

M. Odina Desrochers: Une dernière question, monsieur le président. Parmi les institutions financières qui demandent une enquête de crédit, est-ce que certaines sont plus strictes que d'autres ou si elles ont toutes un comportement égal?

M. Jacques St-Amant: Ça varie beaucoup. Non seulement ça varie d'une institution financière à une autre, mais ça varie de succursale en succursale. Assez curieusement, quand on apprend au siège social de l'institution que leurs succursales agissent ainsi, il arrive qu'on nous dise qu'il n'y a pas de raison pour qu'il en soit ainsi, que ce n'est pas logique, que ce n'est pas la politique de l'institution. Mais c'est malheureusement ce qui se produit en pratique sur le terrain.

M. Odina Desrochers: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Desrochers. Madame Bennett.

[Traduction]

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président.

Vous avez tous parlé je crois du fait qu'on a constaté avec joie que le groupe de travail s'était penché sur les difficultés auxquelles font face les consommateurs et sur tout ce qui les concerne. Je commencerai par les nouveaux créneaux pour les banques.

Quantité d'autres groupes nous ont dit, et pas seulement les groupes de consommateurs, qu'il serait très malheureux que l'on permette aux banques de vendre des assurances ou de louer des voitures. J'aimerais entendre l'opinion de notre important panel d'aujourd'hui à ce sujet.

Dans son mémoire, l'Association canadienne des consommateurs demande un examen de la performance du secteur bancaire à l'endroit de la protection de la vie privée et du respect de l'interdiction de faire des ventes liées tant qu'elles ne sont pas autorisées. Serait-ce bien ou non pour les consommateurs?

Pour vous informer brièvement, les gens à travers le pays nous ont dit qu'ils s'inquiétaient à l'idée que l'assurance-vie devienne un article de réclame, que l'on pourrait même nous en faire bénéficier gratuitement et que, si les vendeurs ne font pas de profits, ils décident simplement de ne plus en offrir. Cela signerait l'arrêt de mort de tous les agents d'assurance indépendants.

• 1710

Mme Jennifer Hillard: Je crois que les banques ont démontré dans le passé qu'elles avaient le pouvoir de régner partout où elles le désiraient. C'est un problème majeur. Vous savez qu'un marché concurrentiel offre toujours plus d'avantages aux consommateurs. On peut donc en déduire que, dans son état actuel, le système fonctionne relativement bien. Je crois que si les banques s'en mêlent, nous n'aurons plus le choix. Elles feront progressivement main basse sur le marché.

À mes yeux, les ventes liées sont une horreur. L'accès à l'information est si facile—je parle entre autres de données sur la santé qui accompagnent souvent les polices d'assurance—que l'incidence sur l'accès aux prêts, au crédit, aux prêts hypothécaires, etc., sera réelle. C'est vraiment une difficulté majeure.

Pour ce qui est de la location de voitures...

Mme Carolyn Bennett: Je suis désolée de vous interrompre mais, en ce qui concerne la vie privée, il est écrit noir sur blanc qu'une même personne ne peut faire deux choses. J'essaie de comprendre pourquoi, au Québec, où le phénomène est un peu plus courant, les consommateurs ont l'impression que l'information est diffusée à n'importe qui et que, dans les plus petites succursales, c'est souvent la même personne qui exécute les deux tâches?

Mme Jennifer Hillard: Je viens des Prairies, et je me sens plus ou moins compétente pour vous donner une réponse relative à la situation au Québec. Cependant, j'ai fréquenté quelques-unes des plus petites institutions financières dans les villages, et je ne vois vraiment pas comment on pourrait demander à deux personnes d'exécuter les deux tâches. Par exemple, Joe Jones, qui a ouvert votre compte en banque, se rendra à un autre comptoir pour vous vendre de l'assurance. C'est le gros bon sens: on sait tous qu'une institution financière peut engager un nombre limité d'employés dans un petit centre. Si elle est obligée de fermer ses portes à cause d'une telle règle, je ne crois pas que les gens en tireront un quelconque avantage.

Toutes sortes de mesures ont été édictées qui visent la protection de la vie privée. Cependant, dans les petits centres, je ne vois pas comment on pourrait les appliquer. Comment un employé pourrait-il oublier complètement ce qu'il vient de lire dans le dossier d'assurance du client qui vient négocier un prêt hypothécaire? Même si des personnes différentes effectuent cette tâche, on sait tous que les employés se transmettront des renseignements dans les petites succursales. On parle de petits villages. Ce n'est pas une situation facile.

La question de la location de voitures est d'un tout autre ordre. On a vu aux États-Unis toutes sortes de problèmes graves entourant la location de voitures par des banques. À la fin des contrats de location, les banques ne savent tout simplement pas quoi faire avec une quantité énorme de voitures d'occasion dans le marché.

Il me semble que si les banques se mettent à louer des voitures—bien qu'il s'agisse d'un autre instrument de crédit—je ne suis pas convaincue qu'on a évalué tous les problèmes possibles à long terme. Il se pourrait très bien que les consommateurs subissent des pressions énormes et doivent acheter les automobiles d'occasion que les banques auront sur les bras, au lieu de passer par les canaux actuels et de contracter une nouvelle forme de location, peut-être d'une voiture d'un autre type de véhicule.

M. Jacques St-Amant: Dans l'ensemble, je suis du même avis que Mme Hillard, mais j'ajouterai deux détails.

Premièrement, en ce qui a trait à la vie privée, il est évidemment essentiel de se doter d'une loi en ce domaine. Cependant, il faut s'assurer qu'elle est appliquée. C'est là que le bât blesse. Comme l'a mentionné l'ACC plus tôt, on nous fournit de l'information asymétrique et le consommateur a souvent beaucoup de difficulté à déterminer s'il y a eu violation de sa vie privée.

Mais au-delà de ces considérations, il n'y a aucune raison pour que les banques fassent ce qu'elles veulent, parce qu'elles utilisent actuellement des voies de traverse et elles peuvent très bien continuer de le faire. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille les empêcher de vendre de l'assurance et de faire de la location. Pourquoi tient-on autant à mélanger les activités bancaires de base et ces autres activités? Je ne sais pas.

Mme Carolyn Bennett: Avez-vous des rapports sur l'expérience des Caisses populaires au Québec?

M. Jacques St-Amant: Le mouvement Desjardins a commis des actes très étranges dans le domaine du respect de la vie privée. Les Caisses semblent oublier qu'une loi a été votée. Bien qu'on nous dise qu'elles s'en préoccupent, leurs actions courantes ne semblent pas toujours conformes à leurs dires.

Mme Anne Holmes: Je ne m'inquiète pas que l'on permette aux banques de vendre de l'assurance, parce que je ne suis même pas sûre de la protection actuelle des données concernant ma vie privée qui figurent dans mon dossier d'assurance. J'ai vécu une expérience qui m'a prouvé qu'elles n'étaient pas protégées.

• 1715

Je suis en faveur de la concurrence qu'offriront les banques dans le domaine de l'assurance-vie. Je m'inquiète cependant pour la protection de la vie privée, comme vous venez de le dire. Si le dirigeant d'une petite société est victime d'un infarctus et qu'il demande ensuite du financement, il pourrait très bien avoir de la difficulté à l'obtenir parce qu'on connaîtra son état de santé.

Cela étant dit, l'assurance-vie...

Mme Carolyn Bennett: Pouvez-vous faire la différence? Vous êtes évidemment une experte dans le domaine de l'assurance-vie. Nous avons établi que le rapport MacKay aurait dû faire la différence entre l'assurance-vie, l'assurance des biens et l'assurance contre les risques divers, alors qu'il en fait un amalgame quasi uniforme. Peut-être les banques pourraient-elles vendre de l'assurance-vie, mais les assureurs estiment pour la plupart que les consommateurs ne seraient pas avantagés si elles se mettaient à vendre des assurances des biens et contre les risques.

Mme Anne Holmes: C'est exact. Non, c'est vrai, j'ai parlé uniquement de l'assurance-vie, mais il vaut mieux traiter à part l'assurance des biens et contre les risques. Je m'inquiète du fait que, en cas de fusions, par exemple, si la Great West achète la London Life, alors le nombre d'assureurs diminuera aussi.

M. MacKay recommande aussi que les sociétés d'assurances agissent à l'instar des banques. Des assureurs pourraient vendre des fonds mutuels, tout comme les banques. Le Canada est le seul pays où les banques ne vendent pas d'assurance-vie. Nous devrions examiner la situation dans d'autres pays, et soupeser les avantages et les inconvénients.

Mais à mon sens, et selon mon expérience, plus la compétition est forte, mieux c'est.

M. Jacques St-Amant: J'ai un petit problème en ce qui concerne la formation. Malheureusement, nous constatons déjà que le personnel des banques connaît mal les politiques et les normes bancaires. Et nous allons leur demander de faire dans les assurances aussi? J'aime mieux ne pas imaginer ce qui pourrait en découler.

Mme Anne Holmes: C'est pourquoi j'ai suggéré que l'on retire la responsabilité de la formation en vue de l'accréditation aux assureurs, pour la confier aux collèges communautaires.

[Français]

Mme Gail Lacombe: Étant du Québec, ce qui m'intéresse, c'est l'accès à l'information. Les caisses populaires ont maintenant le droit de vendre de l'assurance. Cela leur donne accès à nos noms, nos adresses et nos numéros d'assurance sociale. Elles ne peuvent avoir de meilleur moyen pour nous envoyer toutes sortes de renseignements et faire de la promotion. Elle nous disent que l'assurance est disponible dans les succursales. Cela me fait peur.

[Traduction]

Le président: Allez-y, madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: J'ai une petite question pour M. Podmore.

Dans mon bureau de circonscription, j'entends les gens me dire qu'ils sont plus satisfaits de l'ombudsman des banques qu'ils ne l'étaient avec la décision initiale de l'ABC—il faut l'assentiment de la majorité des directeurs externes—et que la menace de publication du nom des banques qui ne se conforment pas aux prescriptions de l'ombudsman est plutôt efficace.

Vous vous inquiétez quand même. J'imagine que la prochaine question sera la suivante: Est-ce que ce système, qui exige la majorité des directeurs externes, pourrait être appliqué à l'ensemble du secteur financier?

M. Bill Podmore: Je crois que le problème principal en ce qui concerne l'ombudsman des banques est le suivant: (a) si je dépose une plainte devant l'ombudsman à titre de consommateur, et que j'utilise le processus qu'il met à ma disposition pour discuter de questions d'ordre juridique et autres relatives à ma plainte, je ne peux en aucun cas utiliser cette information devant un tribunal; (b) ce programme de défense des droits est financé en grande partie par l'industrie.

Mme Carolyn Bennett: Si j'ai bien compris, les banques le financent, mais elles n'ont pas de pouvoir décisionnel.

M. Bill Podmore: Et je crois que relativement peu de plaintes ont été déposées devant l'ombudsman des banques canadiennes.

Mme Carolyn Bennett: D'accord.

Le président: Merci, madame Bennett. Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président

J'aimerais poursuivre sur un thème abordé par M. Harris.

Le rapport MacKay apporte une bouffée d'air frais. En effet, depuis longtemps, nous comptons sur des bureaucrates pour protéger les consommateurs des industries fédérales réglementées. C'est la théorie. En pratique, il en va rarement ainsi. Le rapport constitue donc une tentative pour «égaliser les règles du jeu», pour utiliser un vieux cliché.

M. Harris a posé la question du destinataire de la facture. En fait, les consommateurs canadiens paient par le truchement de structures telles que le CRTC, l'ONE. Beaucoup d'instances réglementent les industries fédérales. Ces deux-là sont parmi les plus importantes.

• 1720

J'ai compris que vous vouliez qu'on vous consulte. Je suis aussi de cet avis. Des groupes comme le CDIP et l'ACC, et beaucoup d'entre vous, vivent de dons publics et parfois de subventions de divers paliers de gouvernement. C'est de la survivance.

Oh! Pas Mme Holmes.

De toute façon... Si j'en reviens à l'aspect des coûts dont a parlé M. Harris, profiteriez-vous de l'occasion pour demander aux banques de régler la facture? Nous vivons maintenant dans une société où l'on demande à l'usager de payer.

Je lance la question. Que pensez-vous de l'évaluation... Je ne parle pas seulement des banques, mais de l'ensemble du marché des services financiers, ou des institutions financières.

Mme Anne Holmes: L'adhésion à notre association de titulaires de polices coûte 50 $. La plupart des gens seraient prêts à payer 50 $ de plus pour leur police d'assurance afin qu'un groupe leur serve d'intermédiaire auprès de leur assureur. À mon sens, il vaut beaucoup mieux éviter des frais juridiques élevés, éviter cette dépense onéreuse pour l'ensemble des consommateurs, et faire payer les coûts aux acheteurs réels. Il me semble tellement évident qu'il faut ajouter ces coûts à la prime d'assurance.

Mme Angie Barrados: J'aimerais ajouter un commentaire.

Dans le cas des banques surtout, quand on voit les niveaux de profits, on constate qu'il s'agit d'une industrie très rentable, et qu'on pourrait très bien diminuer un peu les profits—de 0,1 p. 100 par exemple—pour faire en sorte que les Canadiens soient mieux desservis. En fait, l'industrie bancaire a très peu d'obligations par rapport aux autres industries sur le plan de la participation du public aux délibérations, etc.

En outre, j'aimerais souligner que les recommandations relatives à la protection du consommateur ne supposent pas toutes des dépenses élevées. Certaines exigent seulement d'augmenter un peu la formation. Les banques semblent faire beaucoup de formation, mais elles devraient voir à la rendre plus efficace.

M. Bill Podmore: J'ai réfléchi à un concept qui se rapprocherait du modèle britannique. En Grande-Bretagne, un ombudsman vraiment indépendant a la charge d'étudier tous les problèmes liés aux services financiers rencontrés par les consommateurs; ce service est financé à la fois par l'industrie et par le gouvernement. Je crois que le Canada gagnerait beaucoup à se doter d'une structure, une structure réelle, qui ferait participer les groupes de consommateurs au système de défense des droits.

M. Roger Gallaway: Vous avez parlé—ou peut-être parliez-vous... de toute façon—d'un bureau de protection du consommateur, semblable à celui qui a été mis en place dans l'Indiana, et qui ferait en sorte, par exemple, qu'une banque... Ainsi, les sociétés de service public ont l'obligation d'expédier une note avisant le consommateur qu'il peut les joindre et transiger avec elles.

Mais nous allons plus loin aujourd'hui. Nous voulons mettre en place un service de protection du consommateur statutaire, si je peux m'exprimer ainsi; cela n'est peut-être pas adéquat.

M. Bill Podmore: Parce que le BSIF, je crois, bien qu'il s'intéresse surtout à la solvabilité... Je ne vois pas vraiment à quel niveau un bureau de la concurrence pourrait agir, mais il me semble qu'un organe de ce type devrait superviser et réglementer les problèmes rencontrés par les consommateurs dans l'industrie des services financiers.

M. Roger Gallaway: Monsieur Davies et madame Davies, vous nous avez dit que vous vouliez participer. Je crois que vous avez un bon point, parce que les groupes de consommateurs du pays ont toujours été marginaux et n'ont jamais pu dire leur mot dans le processus d'élaboration des lois ni par rapport à l'administration des lois et à leur incidence sur les consommateurs. Le système réglementaire a lamentablement échoué dans le domaine de la protection du consommateur, surtout en ce qui a trait aux grandes institutions financières, qu'il s'agisse des banques ou des sociétés d'assurances. Il est difficile pour l'homme ordinaire de se colleter avec une institution financière puissante.

De quelle façon les groupes de consommateurs pourraient-ils être plus engagés par rapport au cadre réglementaire? Faudrait-il instaurer un organisme gouvernemental autonome constitué de consommateurs ou de groupes de consommateurs, ou pensez-vous que l'organisme devrait être complètement indépendant de l'État?

• 1725

Mme June Davies: Je crois que les groupes de consommateurs ne sont pas le seul outil pour régler les problèmes; le plus souvent, ils défendent un point de vue particulier. Ces groupes peuvent donner l'impression d'être en lutte les uns contre les autres, mais ils représentent simplement différentes opinions publiques.

Je crois qu'il faudrait mettre en place un organisme qui mobiliserait aussi la population en général. Il faut que les citoyens aient voix au chapitre dès le début des débats, pas à la fin. Nous avons si souvent l'impression que notre participation est symbolique, que la décision a déjà été prise, parce que les experts, qui ont fait du très bon travail au sein d'un groupe de travail... Nous devons les féliciter d'avoir si bien travaillé, mais nous nous trouvons devant le fait accompli.

Nous voulons nous engager dès le début. Nous avons ici une très belle occasion d'apprendre comment mobiliser le public.

Si cela vous intéresse, pour que l'on soit sur la même longueur d'onde, vous pourriez commencer par un ouvrage récent, si vous ne l'avez pas déjà lu, intitulé Coming to Public Judgement, de Daniel Yankelovich. J'ajouterai que nous avons exploré au cours des dernières années les mêmes avenues empruntées par les forums sur les enjeux nationaux. Nous avons accompli le même travail.

Nous aurons beaucoup d'occasions dans le futur d'explorer les façons de faire participer le public. C'est une façon d'apprendre, comme nous l'avons déjà dit, à cerner les problèmes, et le public peut être d'une grande aide dans cet exercice.

On nous demande si c'est bon ou mauvais. Je ne peux vous donner l'opinion du public tant qu'on ne m'a pas présenté des choix objectifs. Je pourrais choisir ceci, ou cela, ou ceci. Si je choisis cela, c'est ce qui est bien, c'est ce qui n'est pas bien. Ceci est bien, cela est mauvais.

Puis j'examine les avantages et les inconvénients. Je soupèse les conséquences. Souvent, je trouve un quatrième choix qui émerge d'un processus créatif. Ce sera une solution très intelligente, qui englobera beaucoup d'avantages. Quand nous arrêtons notre décision sur un choix, nous savons qu'il aura telle et telle conséquence. Nous nous penchons ensuite sur la question suivante: «Comment atténuer les effets de ces conséquences?»

Un processus est appliqué dans les petites villes du Yukon. On demande à un groupe de personnes de parler d'une difficulté, puis à une équipe de modérateurs dans les communautés d'animer le débat. Ils sont déjà en place. Toutes les communautés ont leurs professeurs, leurs consultants, leurs animateurs, qui peuvent apprendre, tout en restant objectifs, à animer un débat sur les difficultés en question.

Ce qui me frustre le plus, c'est que j'ai tenu tant de drapeaux et de bannières, surtout dans les mouvements environnementaux, qui ont été l'un de mes chevaux de bataille, mais que je suis toujours confrontée à la désagréable réalité de ne pas pouvoir participer aux délibérations lors du processus de discussion.

Je vous exhorte donc à vous mettre à l'ouvrage, en commençant par un petit projet pilote peut-être, et de voir par vous-mêmes comment le processus fonctionne.

M. Leland Davies: Pour répondre à votre question, je crois qu'un organisme autonome, où toutes les parties seraient invitées, serait tout indiqué, ne serait-ce que pour faire un peu avancer les choses. Il faudrait donner une tribune aux consommateurs, peut-être dans un organisme gouvernemental, où on ferait appel peut-être à des représentants de l'industrie aussi bien qu'à des consommateurs.

M. Roger Gallaway: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Gallaway.

Au nom du comité, j'aimerais vous remercier sincèrement pour ces excellents témoignages. Tous étaient très complets et détaillés.

Très rapidement, j'aimerais souligner que nous avons beaucoup parler du point de vue des consommateurs. Pour notre part, toutes les modifications que nous recommanderons visent avant tout le bénéfice du consommateur. Qu'il s'agisse de la concurrence ou d'un autre aspect de l'avenir du secteur des services financiers, nous savons que nous agissons pour le bien du consommateur.

J'aimerais que vous répondiez—par oui ou par non—aux questions suivantes.

Premièrement, êtes-vous en faveur de l'accès au système de paiement pour les assureurs-vie et les courtiers en placement dans les fonds mutuels?

Vous êtes en faveur.

Êtes-vous d'accord pour que l'on accorde de nouveaux pouvoirs aux coopératives de crédit, afin de les rendre plus efficaces, y compris le pouvoir de constituer des banques?

Autrement dit, vous êtes favorables aux mesures qui permettront d'intensifier la concurrence.

Maintenant, pour assurer une mise en oeuvre progressive, croyez-vous que l'on devrait régler en premier les difficultés liées à la vie privée et aux consommateurs en général, ou peut-on tout faire en même temps?

M. Bill Podmore: En premier.

Le président: Vous êtes le seul à dire «en premier», sur huit personnes.

Mme Jennifer Hillard: En premier, c'est sûr. Ce n'est pas difficile, parce que les travaux entourant la loi qui traite de la vente liée sont terminés. Il reste à l'adopter. Par contre, on commence les travaux sur la Loi sur la vie privée.

• 1730

C'est un début. Mais réglons tout d'abord la première question, ouvrons la concurrence, puis nous pourrons ensuite examiner les autres demandes des banques.

Le président: Fondamentalement, donc, vous souhaitez qu'on donne la parole aux consommateurs. C'est bien ce que vous voulez?

Bien.

Il est important de rappeler que ce comité a recommandé au gouvernement d'adopter cet article. L'article sur les ventes liées a été adopté le 30 septembre, si je me souviens bien.

Vous voyez, vous faites de grands pas, à une vitesse fulgurante.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Merci beaucoup.

• 1731




• 1933

Le président: Nous reprenons nos travaux. Bienvenue à tous les participants aux audiences de ce soir.

Comme vous le savez, le comité des finances étudie le rapport sur l'avenir du secteur des services financiers.

Ce soir, nous accueillerons avec plaisir, de la Banque du Canada, le gouverneur, Gordon Thiessen; Charles Freedman, sous-gouverneur et Clyde Goodlet, conseiller en politique de réglementation.

Monsieur Thiessen, soyez le bienvenu. Nous sommes impatients d'entendre vos commentaires.

M. Gordon Thiessen (gouverneur, Banque du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de me présenter aujourd'hui devant votre comité afin de traiter avec vous du contenu du Rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.

Il serait peut-être utile que je clarifie d'abord le rôle de la Banque du Canada dans ce domaine. La Banque n'est pas investie d'une responsabilité officielle en ce qui concerne l'élaboration de la législation financière. Elle a cependant tout intérêt à ce que le système financier soit efficient et sûr en raison des répercussions que le fonctionnement de ce dernier peut avoir sur la transmission de la politique monétaire, du rôle de prêteur de dernier ressort qu'elle assume et du mandat de surveillance des systèmes de compensation et de règlement des paiements de grande valeur que lui confère la loi. De plus, je suis membre du Comité de surveillance des institutions financières, qui est présidé par le surintendant des institutions financières, ainsi que membre d'office du Conseil d'administration de la Société d'assurance-dépôts du Canada.

• 1935

La Banque participe également aux discussions d'instances internationales sur les systèmes financiers. Voilà pourquoi la Banque a toujours joué un rôle de conseiller auprès du ministre des Finances ou de son ministère en matière de législation financière.

J'aimerais préciser que, parmi les mesures spécifiques qui sont proposées dans le Rapport du groupe de travail, très peu touchent directement la Banque du Canada. Aucune des recommandations contenues dans ce rapport n'a une incidence sensible sur la conduite de la politique monétaire, et il en va de même pour la plupart des autres opérations de la Banque.

[Français]

Pour ce qui est du système de paiement, domaine qui concerne la banque, le groupe de travail recommande que les établissements financiers autres que les institutions de dépôt soient autorisés à adhérer à l'Association canadienne des paiements. Cela illustre bien les difficultés qu'il y a à concilier les questions de compétitivité et de sécurité dans la formulation des politiques touchant le secteur financier. Les consommateurs pourraient tirer avantage de la concurrence accrue découlant d'une gamme plus vaste et plus pratique, et possiblement à meilleurs prix, de services de paiement. En même temps, l'ajout de nouveaux participants au système pourrait accentuer les craintes que suscitent les risques potentiels. Ceci pourrait entraîner une hausse des coûts ou une baisse de la qualité des services de paiement s'il fallait que des mesures additionnelles et plus complexes soient adoptées pour limiter les risques associés à l'arrivée de nouveaux participants.

En principe, j'ai tendance à appuyer une participation élargie au système de paiement, mais je crois aussi qu'il est important d'examiner attentivement toutes les questions complexes qui sont liées à une participation élargie et de ne pas sous-estimer la complexité de la tâche.

Le groupe de travail s'est aussi penché sur la question de la surveillance du système de paiement au Canada. Comme il est indiqué dans le document de travail publié par le gouvernement fédéral en juillet 1998, une surveillance plus approfondie des mécanismes de paiement par les pouvoirs publics pourrait être nécessaire pour faire en sorte que ces mécanismes soient compatibles avec les objectifs visés par les politiques publiques. À cet égard, deux grandes questions méritent l'attention. Tout d'abord, il faut s'interroger sur la portée que devrait avoir la surveillance exercée. Selon le groupe de travail, cette surveillance devrait s'appliquer aux activités de l'Association canadienne des paiements. Il convient cependant de se demander s'il n'y aurait pas lieu de l'étendre aussi aux réseaux privés de paiements tels qu'Interac ou aux futurs réseaux qui appuieront l'utilisation de la monnaie électronique.

La deuxième question qui se pose est celle de savoir qui assumera les tâches de surveillance. Le groupe de travail recommande qu'elles soient confiées au ministre des Finances, mais le document de travail produit par le ministère des Finances avance d'autres solutions. Quelle que soit la proposition retenue, celle-ci devra tenir compte du mandat actuel des agences ayant des responsabilités en cette matière. Le Bureau de la concurrence assume la responsabilité générale des questions se rapportant à la concurrence et il est déjà intervenu dans le domaine des paiements. La Banque du Canada est tenue par la loi d'exercer une surveillance relativement à la limitation du risque systémique associé au système de paiements de grande valeur. Je tiens pour acquis que la formule retenue veillera aussi à ce que le double objectif d'efficience et de sécurité soit adéquatement pris en compte et que les rôles et les responsabilités des diverses agences soient précisés.

• 1940

[Traduction]

En ce qui concerne la supervision du secteur financier, le groupe de travail recommande la création d'un conseil d'administration qui aurait un droit de regard sur les opérations du Bureau du surintendant des institutions financières. Le conseil proposé serait composé principalement d'administrateurs indépendants, mais il comprendrait aussi un certain nombre de membres d'office, dont le gouverneur de la Banque du Canada.

De manière générale, monsieur le président, je suis d'avis qu'un conseil d'administration peut être un élément important du régime de gestion d'une institution publique. Cela est certainement le cas du Conseil d'administration de la Banque du Canada. Mais pour cela, le rôle d'un tel conseil doit être clairement défini. Dans le cas du Bureau du surintendant des institutions financières, il faudra veiller à bien délimiter les rôles respectifs du ministre, du surintendant et du conseil proposé.

Je dois dire cependant que j'éprouve certaines réserves à l'endroit de la présence de membres d'office au sein de ce conseil d'administration. Je pense qu'il pourrait être difficile pour des cadres qui dirigent des institutions publiques d'assumer pleinement, pour un autre organisme public, le rôle de fiduciaire qu'ils sont tenus d'exercer en leur qualité d'administrateur.

Pour ce qui est des grandes questions que le groupe de travail a examinées, je crois que nous sommes tous d'accord pour affirmer qu'un secteur financier efficient et vigoureux est essentiel au développement d'une économie forte et compétitive à l'échelle internationale. Au cours des trois dernières décennies, les modifications apportées aux lois régissant les activités des institutions financières ont visé à accroître la concurrence dans le domaine de la fourniture de services financiers. Toutefois, ces changements ont toujours été effectués avec le souci constant de préserver la sécurité du secteur financier. C'est aussi dans cet esprit que le groupe de travail MacKay a étudié les modifications qui pourraient être apportées à l'avenir.

Tous les changements que le groupe de travail a suggérés dans le but d'accroître la concurrence au sein du secteur financier valent la peine d'être examinés. Il se peut toutefois que l'arrivée de nouveaux participants et la souplesse accrue au niveau de la structure des institutions proposées par celui-ci augmentent les possibilités qu'une institution financière réglementée fasse défaut. Même dans un marché vigoureux et concurrentiel, la défaillance occasionnelle d'une institution n'est pas exclue et, bien que personne ne souhaite que cela se produise souvent, il faut être conscient d'une telle éventualité. Il est donc très important à mon avis d'envisager d'apporter au cadre législatif les changements qui aideraient à cerner les problèmes potentiels et à réduire les coûts occasionnés par les institutions en mauvaise santé financière en faisant en sorte que de telles institutions soient vite exclues du secteur financier. Il faudrait aussi voir si la divulgation d'une plus grande quantité d'information ou l'application d'autres moyens pourraient renforcer les mécanismes du marché incitant les institutions financières à gérer avec prudence les risques auxquels elles font face, réduisant ainsi les possibilités de défaillance.

Monsieur le président, votre comité examine des questions qui sont d'une importance capitale pour tous les Canadiens. Nous souscrivons tout à fait au désir du groupe de travail de favoriser une plus grande concurrence au sein du secteur des services financiers. Les forces du changement sont puissantes et nous avons besoin d'un cadre législatif qui contribue à l'instauration d'un système financier plus efficient, tout en veillant à la sécurité du système. Le vrai défi sera de trouver l'équilibre entre ces deux objectifs d'intérêt public.

• 1945

Monsieur le président, mes collègues et moi-même répondrons avec plaisir aux questions des membres de votre comité.

Le président: Merci beaucoup, gouverneur.

Nous allons maintenant entreprendre une période de questions. Nous commencerons avec M. Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Bienvenue, monsieur Thiessen, monsieur Freedman et monsieur Goodlet. On va essayer de ne pas trop vous retarder, monsieur Freedman, pour que vous puissiez prendre votre avion pour l'Angleterre.

Je suis à peu près d'accord sur ce que vous nous avez présenté, monsieur Thiessen, mais je vais profiter de l'occasion pour vous poser des questions sur votre politique monétaire si vous n'y voyez pas d'inconvénients.

Depuis deux ou trois mois, je me demande pourquoi vous avez augmenté de 100 points de base les taux d'intérêt, tout d'un coup au mois d'août, et quelques semaines plus tard, provoqué un autre choc à l'économie monétaire et, par extension, à l'économie réelle en décrétant une réduction de 75 points de base en suivant le taux américain. C'est la première question que je me suis posée.

Deuxièmement, je me demande pourquoi on a la prétention, au Canada, d'avoir une politique monétaire indépendante de celle des États-Unis. Je vous regarde aller depuis deux ou trois semaines, et chaque fois que le président de la Fed américaine pose un geste de réduction des taux d'intérêt, il y a un geste similaire du côté de la Banque du Canada. Vous réduisez ainsi l'écart et vous augmentez peut-être les possibilités de spéculation sur le dollar canadien ou de fuite de capitaux vers les États-Unis.

Ce sont les deux questions que je me pose. Est-ce que la Banque du Canada a vraiment une politique indépendante de celle des États-Unis?

[Traduction]

Le président: Veuillez m'excuser, monsieur Loubier, mais il serait intéressant que vous établissiez un lien entre votre question et le groupe de travail MacKay.

[Français]

M. Yvan Loubier: Oui, je vais faire le lien avec le rapport MacKay. Pour avoir un secteur financier stable et prometteur pour l'avenir, il faut une politique monétaire qui soit cohérente, une politique monétaire qui puisse être jugée pour ce qu'elle est. Si vous dites qu'elle est indépendante de celle des États-Unis, comme vous l'avez déjà mentionné dans vos nombreux exposés, pourquoi vos gestes récents nous ont-ils prouvé qu'elle n'était pas indépendante de celle des États-Unis, puisque quelques heures après une décision de la Fed américaine, vous avez réagi exactement de la même façon, en réduisant les taux d'intérêts canadiens de façon tout à fait proportionnelle à la réduction américaine? Il y a un lien. Si la politique n'est pas cohérente et stable, les modifications du secteur financier...

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible].

M. Yvan Loubier: Depuis quand sommes-nous baîllonnés dans les questions que nous pouvons poser ici? M. Thiessen est très compétent en matière de politique monétaire. Je ne pense pas qu'une question comme celle-là puisse l'embêter.

[Traduction]

Le président: Non. Il n'y a aucune question sur le plan.

[Français]

M. Yvan Loubier: On peut lui demander si cela l'embête.

[Traduction]

Le président: Monsieur Loubier, j'apprécierais beaucoup que vous vous concentriez sur le rapport MacKay. Peut-être pourriez-vous reformuler votre question pour établir un lien avec le sujet de la discussion.

[Français]

M. Yvan Loubier: Dans son exposé, que j'ai écouté très attentivement, M. Thiessen disait que la banque participait également aux discussions d'instances internationales sur les systèmes financiers. Il est indéniable qu'il y a des liens internationaux entre les systèmes financiers. Comment inscrivez-vous votre politique monétaire dans cet ensemble international et comment pouvez-vous vous assurer que l'avenir du secteur financier repose sur une politique monétaire cohérente, stable et dont on va savoir à peu près à quoi s'attendre, une politique indépendante de celle des États-Unis? Est-ce assez clair? Est-ce assez lié?

[Traduction]

Le président: Je ne vois pas à quelles recommandations du rapport MacKay vous faites référence.

Mais, gouverneur, vous pourrez peut-être nous donner une réponse qui soit liée au rapport MacKay.

M. Gordon Thiessen: Je dois dire tout d'abord qu'un système financier stable s'appuie sur une politique monétaire stable. Notre politique monétaire vise à assurer la stabilité par rapport à l'inflation. C'est pourquoi nous avons établi des objectifs de contrôle de l'inflation. Notre conduite à l'endroit de la politique monétaire est axée dans cette direction.

Les actions que nous avons entreprises visent avant tout à accroître la confiance des marchés financiers, parce nous y avons été obligés par l'instabilité actuelle de la conjoncture internationale. Et nous avons en grande partie agi en ce sens.

Je dois ajouter, monsieur le président, que j'ai de la difficulté à établir un lien étroit avec le rapport MacKay. Je peux simplement affirmer que je suis certes d'avis qu'une politique monétaire stable, cohérente, recèle une grande importance. Et je crois que notre politique monétaire, axée sur le contrôle de l'inflation, contribue effectivement à cette stabilité.

• 1950

Le président: Merci, gouverneur.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Je vous avais dit, monsieur le président, qu'il y avait un lien entre la stabilité du secteur monétaire et le rapport MacKay. M. Thiessen vient de me prouver qu'il y a vraiment un lien.

Sérieusement, comme M. Thiessen l'a reconnu par sa réponse, on a beau planifier des réformes pour le secteur financier, s'il y a une politique monétaire incohérente dans ce secteur financier, on peut compromettre les effets positifs des réformes qu'on peut apporter comme législateurs. M. Thiessen l'a mentionné dans son intervention.

Monsieur Thiessen, j'aimerais revenir sur la stabilité et la cohérence de la politique. Comment pouvez-vous dire que la politique monétaire du Canada est cohérente, alors que vous avez dit dans votre exposé annuel, avant l'été, que vous aviez l'intention de continuer d'être très attentif à l'inflation et que vous ne prendriez pas de mesures, en haussant les taux d'intérêt par exemple, pour stabiliser le dollar canadien, que votre priorité n'était pas le dollar canadien mais bien l'inflation, et que la gestion monétaire se ferait comme cela?

Quelques semaines plus tard, vous êtes intervenu à plusieurs reprises, toutes les semaines. Au mois d'août, vous avez pris plus de 5 milliards de dollars en devises pour soutenir le dollar canadien. Comment expliquez-vous cette incohérence entre le message que vous avez fait, les mesures que vous avez prises et l'indépendance de la politique monétaire, et les gestes que vous avez posés pour suivre la Fed américaine? J'ai du mal à m'expliquer cela, et beaucoup d'analystes ont aussi des problèmes à cet égard. Vous avez lu les journaux comme moi au cours des dernières semaines. Vous êtes fort critiqué pour votre gestion monétaire. J'aimerais que vous répondiez à cela parce que c'est fort important.

M. Gordon Thiessen: Je dois dire qu'une politique économique indépendante est une politique qui vise un objectif indépendant. Au Canada, cet objectif est un taux d'inflation entre 1 et 3 p. 100. On continue de viser cet objectif.

M. Yvan Loubier: Mais vous êtes en dessous de 1 p. 100 à l'heure actuelle. Vous dépassez la limite inférieure de la fourchette. Cela commence à ressembler à une déflation, qui s'ajoute à la déflation mondiale.

M. Gordon Thiessen: Non, pas exactement. Nous sommes à l'intérieur de la fourchette pour ce qui est de la tendance de l'inflation, mais il arrive parfois que dans les marchés financiers, on perde la confiance dans les avoirs en dollars canadiens. Si cela arrive, cela peut coûter très cher. Cela peut créer des problèmes économiques et une véritable situation déflationniste. Nous avons augmenté notre taux d'escompte pour améliorer la confiance et pour encourager la baisse des taux d'intérêt à plus long terme. Quand il y a une perte de confiance, on voit une augmentation des taux d'intérêt à long terme. C'est ce qui est arrivé à la fin du mois d'août, et nos gestes visaient à ramener les taux d'intérêt à un niveau plus acceptable. Nous avons atteint cet objectif.

[Traduction]

Le président: Merci, gouverneur. Merci, monsieur Loubier.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.

Premièrement, j'aimerais souhaiter la cordiale bienvenue à mon concitoyen de la Saskatchewan, M. Thiessen, aux audiences de ce soir.

J'aimerais vous poser quelques questions liées aux recommandations du rapport MacKay, en ce qui concerne les propositions de fusion des banques. Je crois que vous avez déjà émis publiquement votre avis sur la théorie des banques qui seraient tellement importantes qu'elles ne pourraient faire faillite. C'est sur ce thème que porteront mes questions.

Supposons que, si les fusions des banques se concrétisent—je dis bien «si» elles se concrétisent—qu'elles ne font pas défaut et que tout se passe relativement bien. Mais dans le domaine de l'économie, on a souvent eu des surprises, partout sur la planète. Le Japon est seulement l'exemple le plus récent.

Quelles seraient les conséquences pour le secteur des services financiers canadiens d'une faillite de l'une de ces mégabanques, dont les actifs seront énormes?

• 1955

M. Gordon Thiessen: Il ne fait aucun doute que, plus une banque est importante, plus la gestion est difficile.

Si notre marché s'internationalise, si la concurrence augmente—nous l'avons dit dans notre énoncé préliminaire—nous devrons examiner de très près les règlements financiers et établir toute une gamme de procédures qui nous permettront de déceler les problèmes plus précocement, afin de les régler au plus tôt. Nous éviterons ainsi de nous retrouver avec des institutions insolvables. Il faudra peut-être faire de nouvelles fusions, vendre des actions, etc., mais il faudra le faire alors que les institutions sont encore solvables. C'est le point crucial à mon sens pour éviter d'être aux prises soudain avec une grosse institution insolvable, ce qui entraîne un tollé de problèmes très difficiles à régler.

Je suis convaincu que plus nous nous dirigeons vers la mondialisation et que nous encourageons l'accroissement de la concurrence, il importe avant tout de se doter de ce type de processus d'intervention précoce.

M. Lorne Nystrom: Pouvez-vous nous parler du processus d'intervention précoce, ajouter à ce que vous nous en avez dit ce soir? Pourriez-vous élaborer et nous dire ce que vous entendez au juste par là?

Beaucoup de gens s'inquiètent des conséquences sur l'ensemble du secteur financier de la faillite éventuelle d'une mégabanque—les citoyens ordinaires, j'entends.

M. Gordon Thiessen: J'hésite un peu à élaborer sur ce sujet parce qu'il relève surtout du surintendant des institutions financières, à qui vous parlerez sûrement.

Sur le plan général, je crois qu'il faudra établir des indicateurs de risque, au moyen desquels nous pourrons exiger d'une institution qui semble en mauvaise situation de régler rapidement la situation, sans quoi elle devra liquider ses actions ou les écouler.

Le point important est de se doter de règlements financiers qui nous permettent d'imposer des exigences sévères aux institutions qui sont encore solvables, qui possèdent encore du capital, mais qui semblent peu susceptibles de subsister à long terme. Ce n'est pas ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. En règle générale, on tente de sauver les institutions en mauvaise position, et on entame des procédures draconiennes seulement quand elles ne sont plus solvables. J'aimerais que l'on nous donne des moyens d'agir plus tôt.

M. Lorne Nystrom: Sans ces moyens, si une de ces institutions fait défaut, quelles seraient les conséquences sur notre dollar? J'imagine qu'elles seraient très graves.

Quels seraient les effets de ces faillites sur les taux d'intérêt?

Je vous pose des questions que beaucoup de citoyens ordinaires se posent quand ils imaginent l'énormité des institutions et les dégâts entraînés par une faillite. On assiste à des réactions en chaîne. Comme vous l'avez dit, il est beaucoup plus difficile de gérer les conséquences que s'il s'agissait de petites institutions.

M. Gordon Thiessen: Si l'institution est importante, je crois qu'on aurait vent de difficultés avant que tous soient pris par surprise. Les marchés et les secteurs financiers ont de la difficulté surtout avec les surprises—par exemple, quand on s'aperçoit tout à coup qu'une institution qui semblait saine n'est plus solvable. Ce genre de surprise perturbe vraiment les marchés.

M. Lorne Nystrom: Pensons à la Confederation Life, en 1994.

M. Gordon Thiessen: Peut-être, bien que la débâcle n'était pas aussi imprévisible qu'on l'a dit. Mais nous avons quand même eu une petite surprise, je suis d'accord.

C'est le genre de surprise qui me fait répéter à quel point il est important de prendre le problème d'assaut au tout début. Je n'aime pas spéculer sur une possibilité de débâcle d'une très grosse institution. On ne peut tout simplement pas se rendre jusque-là.

M. Lorne Nystrom: Vous faites partie du conseil d'administration de la Société d'assurance-dépôts du Canada, vous êtes membre d'office du Comité de surveillance des institutions financières, vous êtes à la tête de la Banque du Canada, etc. La taille énorme d'une mégabanque pourrait-elle avoir des conséquences quelconques sur la politique monétaire? Je pense que ces institutions seront si énormes que, comme l'a dit M. MacKay lui-même, si l'une d'entre elles se casse le nez, le gouvernement devra intervenir. Il faudra peut-être puiser d'énormes sommes dans les coffres de l'État, ou changer rapidement la réglementation, ou peut-être une partie ou la totalité de l'institution sera-t-elle vendue à une banque américaine. Les banques écraseront-elles la concurrence parce que les gens savent que le gouvernement n'aura pas le choix de les aider en raison de leur importance? Est-ce que cela a une incidence quelconque sur la politique monétaire du pays, à votre avis?

• 2000

M. Gordon Thiessen: Comme je l'ai déjà dit, nous ne voulons même pas penser qu'une institution est trop importante pour faire faillite. Si la situation se présente, peut-être le gouvernement décidera-t-il d'intervenir. Mais je ne vois vraiment pas que l'on puisse se trouver dans une situation où l'on peut dire d'avance qu'une institution est trop grosse pour faire faillite. Comme vous l'avez laissé entendre, les implications sur la discipline interne des banques seraient très néfastes. On ne veut pas aller jusque-là. C'est hors de questions.

Quant à la politique monétaire, nous agissons en vertu des forces des marchés financiers. Le degré de concentration des institutions financières n'est pas un enjeu clé sur le plan de la politique monétaire, tant que les marchés sont en santé. De nos jours, les marchés tendent à la mondialisation, et les joueurs sont plus nombreux. Même si, dans nos marchés internes, les institutions financières sont concentrées, les joueurs seront tout de même nombreux. Par conséquent, je ne vois pas d'incidence directe sur la politique monétaire.

M. Lorne Nystrom: Ma dernière question porte sur vos propos relatifs à la scène internationale, au village global dans lequel nous nous trouvons. Avez-vous des recommandations à faire au comité quant à des règlements pour contrôler le marché planétaire, qui a connu sa part de chaos dernièrement?

Je pense, par exemple, à une idée, une théorie, envers laquelle même le ministre des Finances avait manifesté de l'intérêt voilà quelques années. Il s'agit de la soi-disant «taxe de Tobin», que défendait le gagnant du Prix Nobel de la paix James Tobin. Quand on en a discuté voilà quelques années, ce concept a connu un succès mitigé parce que les gouvernements allemands et britanniques s'y opposaient fortement. Le pouvoir a changé de main dans ces deux pays: Tony Blair a remplacé M. Major en Grande-Bretagne, et M. Schroeder est maintenant à la barre en Allemagne. Peut-être serait-on plus réceptifs à ce concept, ou à un concept similaire maintenant?

Avez-vous des recommandations à faire au comité à l'endroit d'un contrôle plus serré de la scène internationale de la finance, qui prendrait la forme de la taxe de Tobin ou d'un autre concept similaire?

M. Gordon Thiessen: Il se passe actuellement des choses très intéressantes sur la scène internationale, mais on ne parle pas d'instaurer la «taxe de Tobin», un outil inefficace à mon avis.

De telles taxes et autres mesures de contrôle du même acabit ne tiennent pas compte des nombreux flux financiers à court terme, qui sont d'une grande utilité pour nous.

Au Canada, l'économie est de type saisonnier. Les citoyens de la Saskatchewan connaissent bien la période de la vente des récoltes de blé. Les revenus d'exportation sont très élevés alors, et des excédents de monnaies étrangères garnissent les coffres. À d'autres moments—au creux de l'hiver—nous importons beaucoup de nourriture, et la caisse accuse un déficit net.

Sans les flux de capitaux, il faudra faire varier le taux de change pour établir un rapport d'égalité entre l'offre et la demande dans ces marchés. La variation sera énorme. De même que l'incertitude. Les flux de capitaux permettent d'aplanir les mouvements extrêmes, parce qu'ils nous permettent de dire: «Nous vendons les récoltes actuellement, mais nous devrons importer beaucoup de nourriture dans quelques mois.» Les spéculateurs arrivent et aplanissent les vagues en achetant les monnaies étrangères, puis en les revendant par la suite.

Si on impose des contrôles ou une taxe sur les flux de capitaux à court terme—qui revêtent tant d'importance pour nous—nous serons perdants. Et je ne crois pas que nous voulons subir ce genre de pertes.

M. Lorne Nystrom: Cette taxe est infime, non?

M. Gordon Thiessen: Mais c'est exactement le problème. La spéculation à court terme agit sur un secteur très restreint, et ce sont ces flux que nous découragerons. Les spéculateurs féroces font beaucoup d'argent, et une petite taxe ne les découragera nullement. Elle contribuerait seulement à décourager les flux bénéfiques, et à décourager les plus délétères.

• 2005

On assiste actuellement sur la scène internationale à des opérations très importantes, qui visent entre autres à améliorer les normes auxquelles sont assujetties toutes les institutions financières de la planète, les normes réglementaires et les normes en matière de supervision financière par un surintendant qui aurait le même rôle que le nôtre. Ce sont des actions très prometteuses à mon avis.

Nous examinons aussi la possibilité d'améliorer le degré de divulgation et de transparence dans les marchés mondiaux. Les problèmes que nous avons rencontrés découlent en partie d'un manque d'information. C'est l'une des causes des surprises dont nous parlions voilà quelques minutes. Ces surprises sont vraiment causes de perturbations. Plus l'information circulera et plus les opérations seront transparentes dans les systèmes financiers, les régimes gouvernementaux, en ce qui a trait à la politique monétaire. Les surprises seront beaucoup moins nombreuses et on verra moins d'exodes massifs de capitaux, comme ce fut le cas en Asie du Sud-Est.

C'est le genre de mesures qui nous permettront d'assurer une plus grande stabilité du système financier international.

Le président: Merci, gouverneur.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, gouverneur, de vous présenter ici ce soir. Vous avez fait lever quelques spectres de plus, et c'est très sain.

Lors de nos audiences de Toronto, nous avons reçu un ancien surintendant des institutions financières. Il a parlé du problème du passage à l'an 2000, qui pourrait constituer une source importante de risque si une fusion de deux grandes banques avait lieu et que les choses se mettaient à mal aller.

Vous avez ajouté une autre couche. Vous nous dites que vous pouvez bien faire votre travail quant à la conduite de la politique monétaire si le système financier des banques est stable.

Je vais vous faire part d'une hypothèse. Si la situation actuelle ne change pas et que les deux fusions proposées se concrétisent, et que la concurrence n'augmente pas, pensez-vous que vous aurez la même marge de manoeuvre pour l'élaboration de stratégies de conduite de la politique monétaire? Dans quel sens va votre marge de risque? Êtes-vous au neutre?

M. Gordon Thiessen: Nous sommes au neutre. Je ne peux vraiment pas vous le dire. Beaucoup d'aspects doivent être évalués dans le dossier des fusions des banques, mais je ne peux pas dire réellement que la politique monétaire est menacée.

M. Paul Szabo: La concrétisation des fusions, malgré en l'absence de nouveaux compétiteurs, n'auraient aucun effet néfaste sur le système bancaire. C'est bien votre avis?

M. Gordon Thiessen: C'est une question qui mérite réflexion. Je ne peux pas vous répondre maintenant. C'est l'une des plus importantes recommandations du rapport MacKay: il faut faire une analyse exhaustive de tous ces aspects.

Il faut à mon avis évaluer toutes les questions liées à la concurrence et à la concentration. Il faudra faire beaucoup d'études. Je n'ai pas de réponses, je dois dire, actuellement.

M. Paul Szabo: Je ne m'attendais pas à ce que vous me donniez une solution simple à un problème si complexe.

Le rapport MacKay fait état d'une augmentation substantielle de la concurrence dans le secteur des services financiers, non seulement dans le secteur bancaire. Je veux reprendre votre affirmation selon laquelle il faut se doter de méthodes de conduite d'une politique monétaire saine pour assurer la santé du système bancaire. Si nous préconisons des changements qui ouvriront le marché à des compétiteurs comme les institutions quasi bancaires, les coopératives de crédit, les banques étrangères et toutes sortes de nouveaux joueurs qui seront néophytes dans les ligues majeures, croyez-vous que ces changements auront une incidence sur votre marge de manoeuvre?

M. Gordon Thiessen: Je le répète, je ne le crois pas. Dans mon témoignage préliminaire, j'ai indiqué que, si de tels changements avaient lieu, il faudra examiner les règlements en matière de finance et la supervision. Voilà pourquoi j'ai dot qu'il faudrait se doter de modalités de contrôle précoce. Ainsi, si nous ouvrons le marché à des institutions moins expérimentées qui nous inspirent moins confiance, nous devons mettre en place des mesures qui nous permettront de régler dans l'oeuf des difficultés naissantes, avant qu'elles ne prennent trop d'ampleur et qu'elles n'entraînent trop de perturbations.

• 2010

Je dois vous dire qu'il est à peu près impossible d'éviter les défaillances, et que si nous essayons de concevoir un système sans défaillances, nous n'aurons pas nécessairement un système efficace. Il ne faut pas non plus aller vers l'autre extrême, où le système bancaire devient un fouillis. Si vous allez vers l'autre extrême, si vous allez vers la situation que vit présentement le Japon, alors vous avez un réel problème. Il est clair que la politique monétaire constitue un problème pour eux. Elle n'arrive pas à stimuler cette économie où vous avez un système bancaire qui, pour l'essentiel, ne fonctionne pas. Si vous allez vers cet extrême et que vous vous retrouvez avec tout un système bancaire qui ne fonctionne pas, alors il y a un problème pour ce qui est de la politique monétaire.

M. Paul Szabo: Vous avez soulevé des inquiétudes concernant la complexité que suppose l'expansion du système de paiements. Je pense que vous avez soulevé des inquiétudes sur le plan de la réglementation. C'est un domaine complexe, le secteur des services financiers. C'est un domaine très complexe, avec les synergies et les intégrations et les secteurs de risque potentiel. Nous parlons ici d'un important projet de gestion du risque.

Si, effectivement, nous parlons des changements qui vont nous amener dans un secteur des services financiers plus moderne—qui porte nécessairement avec lui le risque de défaillances, et si nous sommes préparés à y faire face, ce n'est pas une mauvaise chose— voulez-vous dire alors que les choses devraient arriver dans un certain ordre, par opposition à faisons tout maintenant. Nous avons tellement de pain sur la planche. Peut-on fragmenter ce processus, celui de la modernisation du secteur des services financiers, qui pourrait vouloir dire que ce que nous devrions faire, c'est de laisser un peu de place à la concurrence et de faire avancer le système de réglementation et voir si nous pouvons vraiment améliorer l'environnement concurrentiel et un système bancaire solide, ou maintenir la solidité ou la stabilité que vous demandez, avant de commencer à parler d'autres changements? Ou est-ce quelque chose qui vous agrée, que toutes les décisions aillent dans une direction précise, une décision va être prise et aussi rapidement que possible nous allons appliquer les 124 recommandations? Qu'en est-il alors de votre degré de température ou de votre scénario de risque lorsque nous passons du fait de n'approuver aucune recommandation au fait d'approuver les 124 recommandations?

M. Gordon Thiessen: Je dois dire que c'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Évidemment, vous pouvez aller vers un extrême et en arriver à un programme tellement complexe, tellement difficile à organiser et à réglementer que vous semez la confusion partout. C'est un cas extrême. Mais il y a certaines choses qui doivent aller ensemble.

Si vous voulez accroître la concurrence, je pense qu'il vous faut considérer les volets de la supervision et de la réglementation en même temps. Je n'aimerais pas voir l'un se faire sans l'autre, parce que je pense que ces deux aspects vont ensemble. Selon moi, c'est un peu comme un tout.

J'ai de la difficulté à répondre à votre question. Je n'ai pas vraiment de point de vue sur ce qui doit constituer un ensemble et sur ce qui peut se faire de façon fragmentée.

M. Paul Szabo: Bien.

Le président: Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.

Essentiellement, le rapport MacKay dit que le statu quo n'est plus de mise, que l'avenir est au changement, que l'on pense au retrait de la forme mutuelle, à l'arrivée des lignes uniques, dont parlent les banques, et le rapport MacKay dit aussi, qu'il y aura probablement des fusions, ce qui est la raison pour laquelle ce rapport a une incidence sur le public. Il dit qu'on devrait permettre à deux banques de rivaliser davantage afin qu'il y ait des avantages pour le consommateur, davantage de concurrence. Vous faites ressortir dans votre préposition la nécessité de la solidité et de la stabilité dans la recherche d'un équilibre.

Je me reporte à votre rapport technique numéro 82, qui dit à peu près ceci:

    [...] jusqu'ici le travail empirique n'a pas prouvé qu'une banque doit être une méga-institution, plutôt qu'être suffisamment grosse pour tirer parti des économies d'échelle.

Vous faites référence au fait que:

    [...] les grosses institutions sont souvent moins habiles à réagir aux changements [...] Ce qui semble avoir été le cas pour certains conglomérats industriels, c'est que les économies d'échelle [...] ont conduit à la perte de vue de l'essentiel et à l'accroissement des coûts.

Puis vous dites qu'il y a probablement place pour seulement cinq à dix institutions mondiales à la grandeur de la planète et que les autres doivent trouver un créneau du marché dans lequel elles peuvent survivre.

• 2015

En tant que comité, nous avons essentiellement entendu des points de vue bien différents de ceux qui se trouvent dans votre rapport. Les banques nous disent qu'elles doivent s'unir pour tirer parti de la technologie et des économies d'échelle, mais ce que vous dites est très différent. Je me demande si vous avez un commentaire sur ce point.

M. Gordon Thiessen: J'ai bien peur que les faits sur ce point ne vous permettent pas d'en arriver à une conclusion définitive. En réalité, l'analyse dit que, oui, il y a des économies d'échelle jusqu'à un certain point, mais qu'après cela il n'y a rien de certain.

Il est vrai aussi qu'un bon nombre des changements technologiques, du moins les plus importants, sont assez récents, et qu'une bonne partie de l'analyse doit se faire à partir de renseignements moins récents. On ne peut donc être trop inflexible sur ce point, mais on ne peut pas prendre l'autre côté et dire qu'on peut trouver des économies d'échelle pour les mégabanques. On ne peut tout simplement pas faire cela. Mais je devrais peut-être laisser mon collègue, M. Freedman, répondre puisqu'il est l'un des auteurs de cette étude. L'autre auteur est M. Goodlet.

M. Charles (Chuck) Freedman (sous-gouverneur, Banque du Canada): Je pense que ce que nous essayons de faire dans ce document, qui a été rédigé avant l'annonce de fusions entre banques, c'est de lancer un avertissement dans ce débat. Il y a assurément des gens qui disent qu'une grosse institution entraîne nécessairement des économies d'échelle et que ces deux aspects sont intimement liés, mais si l'on examine ce qui a été écrit jusqu'ici, vous ne trouverez tout simplement pas cela, comme l'a dit le gouverneur. Rien ne dit que cela n'existe pas, mais il n'y a aucune preuve, aucune évidence empirique solide. Maintenant, depuis ce temps, certaines autres études vont un peu plus dans le sens de laisser entendre que les économies d'échelle finissent par disparaître. L'un des arguments qui a je pense un certain poids est celui de la technologie, qui coûte tellement cher actuellement, qu'il y a certains avantages à être gros. Mais ceci étant dit, si vous vous reportez à ce qui a été écrit jusqu'ici, ceci n'est pas prouvé. Cela ne veut pas dire que ça n'existe pas, mais on ne peut le prouver actuellement par de la documentation.

M. Tony Valeri: Mon autre question a trait à la stabilité et à la solidité, et je reviens au témoignage de M. Mackenzie. Il a fait une remarque qui m'a frappé. Il parle de nombreuses références aux interrelations entre les services bancaires commerciaux et le marché des valeurs mobilières. Dans son mémoire, il parle de l'expérience américaine; il parle du système bancaire américain et des responsables de la réglementation en matière de valeurs mobilières et de quelle façon ils en sont venus à prendre des mesures décisives, quelque peu controversées, à propos des banques commerciales et des sociétés de placement en regard des récents problèmes de la société Long Term Capital. Il a dit qu'il doutait que ce type de coordination ait été mis en place au Canada, et il critique le rapport MacKay en disant que d'une perspective réglementaire, nous n'obtenons probablement pas le genre de renseignements que nous devrions obtenir.

Tout le monde s'entend pour dire que la nature des banques change et que le risque change, et que sur le plan des valeurs mobilières, nous n'obtenons pas suffisamment de ce type de renseignements qui permet de vraiment évaluer le risque. Comment réagissez-vous à cela?

M. Gordon Thiessen: Je voudrais faire une affirmation plus sérieuse. Il y a des organisations internationales... la Banque des règlements internationaux est l'une de celles qui recueille présentement des renseignements sur ce que l'on appelle les produits dérivés. Je pense que c'est probablement à cela que M. Mackenzie fait allusion, parce que dans le marché traditionnel des valeurs mobilières, nous avons beaucoup de renseignements. Je soupçonne donc qu'il parle des produits dérivés.

Mais nous rassemblons des renseignements. Des initiatives sont entreprises pour recueillir davantage de données à ce sujet et les diffuser de façon générale parce que, comme je l'ai dit précédemment, les marchés fonctionnent mieux lorsqu'ils ont des données, lorsqu'ils sont en mesure de juger quelles sont les actions en circulation. Le secteur des produits dérivés est de l'un ceux où il faut davantage de données, mais nous sommes actuellement à l'étape de la collecte et de la diffusion à l'échelle internationale. Peut-être que cela pourrait être fait plus rapidement, mais je ne crois pas que vous puissiez dire qu'il y a un manque total.

• 2020

M. Tony Valeri: Son argument se fondait sur l'idée que l'industrie des valeurs mobilières est réglementée au niveau provincial et que le secteur bancaire est réglementé au niveau fédéral, et qu'il n'y avait pas de canal de communication clair qui permettrait, disons, à un organisme de réglementation fédéral d'être en mesure de reconnaître ce qui pourrait constituer des risques potentiels pour des banques exposées au commerce des valeurs mobilières et au marché des valeurs mobilières.

Il cite l'exemple de la société Long Term Capital, mais il fait aussi référence à l'Europe, et aux banques exposées au commerce des valeurs mobilières. C'était le fondement de son argument.

M. Gordon Thiessen: Il peut sûrement y avoir des surprises quant à l'ampleur du risque en ce qui a trait à la gestion des immobilisations à long terme, mais comme je le comprends, le Surintendant des institutions financières examine la situation des banques canadiennes sur une base entièrement consolidée, y compris les maisons de courtage. Je ne crois donc pas qu'il y ait un manque de renseignements sur cela.

Il est vrai que les valeurs mobilières sont réglementées au niveau provincial, mais le surintendant garde toujours une vue d'ensemble du secteur. En ce sens, je ne pense pas que quelqu'un puisse dire que si l'une des banques est davantage engagée dans la gestion des immobilisations à long terme par l'entremise d'une maison de courtage le surintendant n'en sera pas au courant.

M. Tony Valeri: Il comprend et il reconnaît qu'il existe des protocoles d'entente pour l'échange de renseignements, mais il se demande si c'est suffisant, considérant les conditions changeantes du marché.

M. Gordon Thiessen: Laissez-moi poser la question à mes collègues, mais, bien franchement, je ne crois pas qu'il y ait grand chose là.

Chuck dit de demander au surintendant lorsqu'il viendra.

M. Tony Valeri: D'accord.

Le président: Donc, vous ne pensez pas qu'il y a là un problème, c'est bien cela monsieur Freedman?

Merci beaucoup, monsieur Valeri. J'ai quelques questions.

Monsieur Freedman, pour faire suite à une question posée par M. Valeri, vous avez dit que vous aviez rédigé le rapport avant que les demandes de fusion ne soient annoncées. Auriez-vous écrit un rapport différent si vous aviez été au courant des fusions proposées?

M. Charles Freedman: Non, je n'aurais pas écrit un rapport différent. La question est de savoir si nous aurions traité cette question, je suppose.

Le président: Bien.

M. Charles Freedman: Mais le rapport était rédigé à la lumière des développements à l'échelle mondiale.

Je pense, monsieur Bevilacqua, qu'il y a une tendance dans beaucoup de pays à dire que vous devez tout représenter pour tous les gens dans tous les secteurs des affaires dans tous les pays. Même si nos banques fusionnent, elles ne seront pas parmi les plus grosses du monde, et je suis certain qu'elles trouveront aussi des créneaux dans le monde dans certaines des choses qu'elles font, parce que comme nous l'avons dit dans le rapport technique, il n'y aura probablement qu'une demi-douzaine—cinq à dix, personne ne le sait de façon assurée. Je ne m'attends pas à ce que nos banques, selon leur taille actuelle et même si elles en avaient le double, fassent cela. Ce qu'elles disent, évidemment, c'est que cela leur permettrait de faire des choses qu'elles ne peuvent pas faire en raison de leur taille actuelle, et c'est le genre d'argument qu'il faut évaluer.

Le président: Pensez-vous que la dynamique mondiale a changé depuis que vous avez écrit ce rapport?

M. Charles Freedman: Non, je ne pense pas.

Le président: Vous ne pensez pas.

Gouverneur, à la page 3 de votre mémoire, vous dites que les forces du changement sont très vigoureuses et qu'un cadre réglementaire est nécessaire pour permettre un fonctionnement plus efficace du système financier. Que manque-t-il actuellement au cadre réglementaire selon vous?

M. Gordon Thiessen: Je ne voudrais pas que cela soit perçu de façon aussi négative que cela, mais je pense que dans un monde changeant il est important de garder un oeil sur le cadre réglementaire.

L'une des forces réelles du système canadien est la réévaluation de la Loi sur les banques tous les dix ans. Puis, plus récemment, cet exercice a été fait plus fréquemment que cela. Je pense que lorsque le monde change, vous voulez prendre du recul et examiner le cadre réglementaire et vous demander s'il offre toujours un équilibre entre la concurrence et la stabilité. Je pense que c'est vraiment la question que nous examinons maintenant.

Le monde change rapidement, il faut donc nous demander si le cadre réglementaire qui est en place est le bon en fonction de ce monde changeant. Il y a peut-être des façons d'accroître la compétitivité, et je pense que nous devons y regarder sérieusement.

• 2025

Je pense qu'une des choses encourageantes dans le rapport MacKay c'est qu'on y examine sérieusement cette question. On a considéré tout un ensemble de choses qui peuvent contribuer à augmenter la concurrence au sein de notre système financier. Je pense que c'est exactement la bonne façon de considérer les choses.

Le président: Si vous croyez que les choses changent aussi rapidement que vous le dites, particulièrement en ce qui a trait au secteur des services financiers, êtes-vous d'accord avec M. MacKay lorsqu'il dit que de reporter le problème c'est de nier le changement dans le secteur des services financiers, si nous n'allons pas de l'avant avec le rapport?

M. Gordon Thiessen: Personne ne peut dire qu'il faut le faire dans les prochains mois ou quelque chose du genre. Les choses ne changent pas aussi rapidement, mais si le Parlement décidait de reporter le tout de cinq ans ou quelque chose comme ça, je ne pense pas que ce serait une bonne chose.

Il y a des changements et nous devons procéder à l'examen. Nous pouvons examiner une série de choses et décider, lorsque nous considérons le coût et les avantages, qu'il ne vaut pas la peine de changer, mais je pense que nous devons faire l'examen.

M. Charles Freedman: Monsieur le président, je peux peut-être ajouter un mot en réponse à la question que vous avez posée plus tôt. Lorsque nous utilisons le terme «cadre réglementaire», il ne s'agit pas seulement de l'aspect supervision. C'est un terme très large qui englobe la législation, la réglementation et la supervision. C'est le genre de chose que nous avons examiné tous les 10 ou 13 ans, comme l'a mentionné le gouverneur.

Pour ce qui est de favoriser la concurrence, cela se produit chaque fois que nous étudions la Loi sur les banques. La question demeure, que peut-on faire de plus pour accroître la concurrence et l'efficacité tout en maintenant un système solide et stable? Mais ce n'est pas qu'une question de réglementation et de supervision; c'est de l'ensemble du cadre financier qu'il s'agit, ce qui est la responsabilité du Parlement, évidemment.

Le président: Peut-être que je peux poser cette question en référence à l'amélioration du cadre réglementaire tel que vous l'avez défini, monsieur Freedman, en référence à la recommandation 112(b) qui dit—cela fait partie du rapport MacKay, évidemment:

    (b) Étant donné l'importance d'une concurrence efficace dans le secteur des services financiers au Canada et l'évolution rapide des réalités concurrentielles, le mandat du BSIF devrait être modifié afin de préciser que le BSIF doit parvenir à un équilibre entre, d'une part, la concurrence, l'innovation et la compétitivité et, d'autre part, la solidité et la stabilité financières, comme il y est déjà tenu.

Pensez-vous que le BSIF devrait faire toutes ces choses?

M. Gordon Thiessen: Non. Je dois dire que j'ai certaines réserves à ce sujet, monsieur le président. Certainement le cadre réglementaire, le cadre législatif, il doit examiner les deux, mais je pense que la supervision des institutions financières est une tâche très difficile, et vous la rendez encore plus difficile pour le surintendant si vous proposez trop d'objectifs. Donc, je ne suis pas très favorable à cet objectif.

Le président: Donc, au fond, la concurrence, l'innovation, la solidité et la stabilité financière doivent être traitées distinctement. C'est ce que vous dites.

M. Gordon Thiessen: Je pense. Pour ce qui est du cadre législatif, le Parlement doit examiner les deux, et vous devez décider de l'équilibre. Mais je ne pense pas que le surintendant veut faire cela lorsqu'il s'occupe de superviser des institutions individuelles.

Le président: Gouverneur Thiessen, monsieur Freedman, monsieur Goodlet, au nom du comité, j'aimerais vous remercier de votre participation. C'est d'un document très important dont il est question. Vous avez grandement contribué à sa compréhension et cela nous est très utile.

Merci beaucoup.

Nous allons interrompre les travaux pendant environ deux minutes, puis nous reprendrons.

• 2028




• 2036

Le président: Nous reprenons nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir un représentant de la Banque Honkong du Canada, M. Youssef A. Nasr. Bienvenue.

Vous connaissez évidemment le fonctionnement de ce comité. Vous disposez de 10 à 15 minutes pour faire votre exposé. Puis nous passerons à une période de questions.

M. Youssef A. Nasr (président et chef de la direction, Banque Honkong du Canada): Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.

La Banque Honkong exploite 117 succursales situées dans 71 villes dans neuf provinces du Canada, de même que deux succursales dans l'ouest des États-Unis. La Banque Honkong est la septième banque multiservices au Canada et elle est une filiale en propriété exclusive de la société HSBC Holdings PLC de Londres, l'un des établissements financiers les plus importants au monde.

[Français]

Depuis sa fondation en 1981, la Banque Hongkong du Canada a enregistré une croissance rapide grâce à des acquisitions et à une expansion vigoureuse stimulée par la progression constante de l'économie canadienne. Notre réputation au chapitre de la qualité du service que nous offrons, l'éventail de plus en plus vaste de nos services, qui comprennent, entre autres, des services de courtage, des services de gestion d'actifs, de fiducie et de gestion du patrimoine, des fonds communs de placement et l'assurance-automobile et habitation, et nos efforts soutenus nous ont permis d'afficher un rendement du capital satisfaisant. Nous sommes optimistes quant à l'avenir de notre entreprise au Canada et nous avons l'intention d'y demeurer pendant très longtemps.

[Traduction]

J'estime que le groupe de travail mérite nos félicitations pour l'excellent travail qu'il a accompli dans un délai aussi court. Nous avons été heureux de constater que les membres du group souscrivent à nos recommandations d'exploiter au maximum le réseau des guichets automatiques. Si cette recommandation est mise en application, cela signifiera que tous les clients pourront retirer et déposer des fonds à partir de la plupart des guichets automatiques et non seulement à partir de ceux de leur propre établissement financier.

Nous, de la Banque Honkong, croyons que cette initiative est l'une des plus importantes qui pourraient être mises de l'avant pour accroître la concurrence dans le secteur des services financiers en offrant un choix aux consommateurs et en facilitant l'accès à de nouvelles entreprises. En outre, cette initiative serait fidèle au thème du rapport du groupe de travail selon lequel le secteur des services financiers a pour mission de servir les consommateurs et de satisfaire leurs besoins.

La plus importante barrière à l'entrée, au chapitre des services de dépôt et, par conséquent, des services bancaires aux particuliers depuis le début du siècle, est certainement liée à l'établissement de succursales. Les coûts associés à la mise en place d'un réseau de succursales sont énormes et les bénéfices longs à venir. Grâce aux guichets automatiques, les établissements auraient plus de 10 000 nouveaux endroits à partir desquels ils pourraient offrir leurs services, et les autres intervenants, peu importe leur importance, continueraient à faire face à une vive concurrence dans toutes les régions du pays.

[Français]

Dans son rapport, le groupe de travail conclut qu'il y a des forces extérieures sur lesquelles nous n'avons que très peu d'influence. Reconnaissant l'existence de ces forces, le groupe de travail s'est demandé ce que le Canada pouvait faire pour s'assurer que les Canadiens puissent profiter de services financiers appropriés à leurs besoins. Le groupe préconise un système concurrentiel, innovateur, souple, ouvert et fiable.

• 2040

Le message au coeur du rapport touche la compréhension de ce que les divers paliers de gouvernement ont le pouvoir de modifier ou de ne pas modifier.

En raison de l'avènement de communications instantanées et fiables, les marchés financiers internationaux sont maintenant en étroite relation. Il n'est plus possible d'isoler un marché sans compromettre ses possibilités de croissance et sans nuire à la compétitivité des secteurs industriels et de services. Pour un pays dont plus de 40 p. 100 du produit intérieur brut repose sur le commerce, une telle mesure est à la fois inefficace et inacceptable.

[Traduction]

Nos établissements financiers, qu'il s'agisse de banques, de compagnies d'assurances ou de fonds communs de placement, doivent composer avec la concurrence internationale en matière de capitalisation, de clientèle et d'occasions de placement. Si l'on examine les secteurs des services financiers en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada, l'on peut toujours normaliser les variations des taux de change ainsi que les différences en matière d'inflation et de fiscalité, mais le fait demeure, les établissements bancaires canadiens enregistrent un plus faible rendement que la plupart de leurs concurrents situés dans ces deux pays.

Dans le passé, le problème n'était pas aussi important. En effet, les restrictions relatives à la participation étrangère quant aux capitaux propres ainsi que les restrictions en matière de contenu étranger s'appliquant aux régimes de retraite des particuliers, de même que le cloisonnement du secteur des services financiers reflétant la structure des quatre fameux piliers, ont fait en sorte que les capitaux propres demeurent au Canada. En outre, la place prédominante occupée par les banques dans l'ensemble des établissements financiers a permis à celles-ci d'obtenir les capitaux dont elles avaient besoin.

À mon avis, et à celui du groupe de travail je crois, cette option n'est plus viable. Avec la plus grande liberté de choix dont disposeront les particuliers en ce qui concerne les placements, les banques ne pourront plus compter sur les contraintes artificielles pour obtenir les capitaux nécessaires à leur exploitation.

Il n'est pas du ressort des chefs de direction et des conseils d'administration de s'attarder au quotidien. Ils doivent en effet voir à long terme, se posant des questions telles que: À quoi ressembleront les marchés dans cinq ou dix ans? À quel endroit la firme pourra-t-elle se procurer des capitaux? Où pourra-t-elle les utiliser et comment pourra-t-elle espérer demeurer concurrentielle?

C'est pourquoi d'ailleurs je crois que plusieurs des plus importants établissements ont déjà commencé à inscrire leurs titres aux principales bourses à l'échelle internationale. Le processus de mondialisation est déjà entamé. Cependant, s'ils veulent attirer des investisseurs étrangers, ils devront parvenir à harmoniser leur rentabilité à celle des établissements américains et britanniques sans quoi les capitaux se feront attendre, la croissance sera plus lente et l'un des secteurs les plus importants et les plus vitaux du Canada se retrouvera en perte de vitesse dans une économie nord-américaine par ailleurs en expansion.

[Français]

Les banques canadiennes ne peuvent augmenter leurs profits que de deux façons: soit en augmentant leurs revenus, soit en diminuant leurs dépenses. Il n'y a pas de formule magique. S'il en existait une, nous l'utiliserions tous déjà.

Selon moi, et j'ai eu l'occasion de travailler au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, les possibilités d'augmentation des revenus sont minces, mais les recommandations du rapport visant à permettre aux banques de vendre de l'assurance et de conclure des opérations de crédit-bail par l'entremise de leur réseau de succursales devraient se révéler utiles. Il ne faudrait pas négliger non plus le fait que cette décision aura pour effet de diminuer le coût de ces produits pour les consommateurs.

[Traduction]

Le seul espoir réside donc dans la réduction des coûts. Je crois d'ailleurs que c'est ce qui a motivé les grandes banques à envisager les fusions récemment annoncées. Je suis bien placé pour vous dire que le meilleur moyen de diminuer les dépenses consiste à continuer à mettre l'accent sur le développement des systèmes.

Pour visualiser l'importance du traitement informatique des données, il suffit de s'imaginer qu'il n'y a pas d'ordinateurs, de guichets automatiques, de cartes de crédit et de cartes de débit au Canada et de penser que des centaines de millions de chèques envoyés à la compensation chaque jour doivent être triés à la main. Une véritable montagne de papier. Sans l'aide des ordinateurs, chaque homme, chaque femme et chaque enfant devraient participer à la tâche et les possibilités d'erreurs, de délais et de confusion seraient immenses.

• 2045

Inutile de penser à vous rendre à une succursale de votre banque pour connaître le solde de votre compte ou pour effectuer un retrait sans devoir assumer des coûts considérables. Notre économie régresserait au niveau des années 50. Je serais étonné que qui que ce soit souhaite ce retour en arrière.

La banque que je dirige est en mesure d'imposer sa présence et de prospérer dans un marché canadien hautement concurrentiel. Grâce à son appartenance au groupe HSBC, elle peut offrir toute la gamme des services bancaires. Les systèmes que nous utilisons dans nos salles des échanges sont à la fine pointe de la technologie. Ils sont conçus à notre intention par notre société mère. De même, les systèmes d'exploitation que nous utilisons du côté des services aux particuliers nous sont fournis par cette dernière.

Malgré cette aide, nous investissons des sommes importantes afin d'adapter ces systèmes aux besoins particuliers de l'économie canadienne. Sans le soutien de notre société mère, nos coûts seraient tellement élevés que notre présence même au Canada serait compromise.

Comparativement à la Banque Honkong du Canada, dont le portefeuille de dépôt s'établit à 25 milliards de dollars, la société HSBC Holdings jouit d'une latitude beaucoup plus grande lorsqu'il est question de répartir les coûts. Je suis convaincu que nous pouvons améliorer le service à la clientèle et réaliser d'importantes économies d'échelle grâce à la conception de logiciels.

[Français]

Au début du siècle, déjà, une vague de fusions avait eu lieu dans le secteur bancaire, ce qui avait suscité des craintes et soulevé les mêmes arguments. Il y avait alors des économies d'échelle à réaliser en matière de supervision et de gestion des risques, et des moyens plus efficaces d'obtenir des capitaux et d'offrir du financement aux clients. Au chapitre de la capitalisation en particulier, les banques régionales de moindre envergure n'avaient pas la rentabilité nécessaire pour attirer les investisseurs. La simple croissance des dépôts ne suffisait pas. Les banques régionales comme la Bank of New Brunswick, la Eastern Townships Bank, la Bank of Ottawa et la Metropolitan Bank n'ont pas réussi à suivre le rythme et, éventuellement, elles ont été acquises par les banques aujourd'hui connues sous le nom des six grandes banques canadiennes.

La plupart d'entre vous conviendront que le Canada n'a pas souffert de cette situation. À l'époque, alors que le Canada passait d'une société agraire à une puissance industrielle, les banques ont pu offrir le financement nécessaire au secteur industriel en croissance. Le système bancaire a été remarquablement stable, même durant les périodes difficiles, particulièrement au cours des années 1930 et au début des années 1990, alors que d'autres systèmes, notamment celui des États-Unis, ont subi des pertes considérables.

[Traduction]

Alors, comme à l'heure actuelle, des lois visant à maintenir la concurrence et à maximiser la liberté de choix ont été adoptées. En faisant état de ces facteurs, le rapport du groupe de travail rend service à tous. Il existe des mesures visant à maintenir la confidentialité, à faciliter la concurrence, à rendre les établissements plus responsables et à maximiser les choix offerts aux consommateurs ainsi que les façons de s'assurer que le système est sécuritaire et stable. À mon avis, ces questions devraient être au premier rang des préoccupations de ce comité.

L'envergure des entreprises n'a pas de conséquence si le secteur des services financiers sert la population de façon efficace et en fonction des besoins en offrant des choix à des taux concurrentiels. Le fait d'essayer de limiter les efforts des établissements financiers qui veulent réduire leurs coûts afin d'assurer leur survie et leur croissance démontre un manque flagrant de vision. À long terme, de telles mesures se traduiraient par un secteur des services financiers anémique, incapable de satisfaire les besoins de la population au cours des décennies à venir.

Au Canada, l'industrie bancaire est un employeur important et pourra le demeurer pour autant qu'elle sera en mesure de s'adapter aux réalités du marché. Qui sait ce qui pourrait survenir si, à la veille du XXIe siècle, elle était contrainte de se conformer à des exigences fondées sur une vision démodée de l'économie mondiale.

Il est possible d'influer sur les facteurs qui touchent la concurrence, la liberté de choix, la souplesse et l'innovation. Cependant, concevoir les structures d'un système efficace n'est pas une mince tâche. Heureusement, le groupe de travail a établi les fondements d'un tel système. À vous maintenant, et vous conviendrez que la tâche est stimulante et importante, d'en préciser les différents éléments.

• 2050

Merci. Je répondrai avec plaisir aux questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Nasr. Votre exposé était très intéressant. Il fait bien ressortir les enjeux et les choix auxquels nous devons faire face pour concevoir un secteur des services financiers du XXIe siècle.

Nous débuterons la période de questions avec Mme Leung, suivie de Mme Bennett puis, peut-être, M. Valeri.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voulais souhaiter la bienvenue à mon ami de Vancouver; c'est pourquoi je voulais poser la première question. Merci.

C'est un exposé très intéressant. Vous mettez l'accent sur deux points essentiels: l'accroissement des revenus et la diminution des dépenses. Je crois que vous avez surtout insisté sur le deuxième. Donc selon votre théorie, en cas de fusion, un bon nombre de facteurs contribueront à la réduction des dépenses.

Comme vous le savez, le comité a siégé dans tout le pays au cours des deux dernières semaines. Nous avons entendu beaucoup de pour et de contre à propos de cette fusion, et beaucoup de crainte et d'incertitude sont liées à cette fusion. Donc j'aimerais vous demander, Youssef, concernant les inquiétudes relatives à la diminution de la qualité des services, à la perte d'emplois et à la diminution des services dans les régions rurales, pourriez-vous nous livrer vos commentaires sur ce point?

M. Youssef Nasr: Bien sûr. Ce que je dis, c'est que ce sont des aspects qui doivent être encouragés, et que ce que le groupe de travail a fait, c'est de proposer un cadre pour encourager ce genre de choses. Ce sont des choses contrôlables. Des ententes peuvent être conclues et des réformes législatives entreprises pour permettre un accroissement de la concurrence et une plus grande liberté de choix pour les consommateurs.

Mais je reviens à certaines des choses qu'il n'est pas facile de contrôler, peu importe le pays en question, et l'une d'entre elles est le fait que dans une économie mondiale, la concurrence pour les capitaux mondiaux signifie que vous devez produire un rendement qui est comparable au rendement offert par vos concurrents du monde entier. Nous avons eu des exemples considérables de la rapidité avec laquelle les capitaux peuvent cesser d'être disponibles, freinant du même coup la croissance économique.

Mme Sophia Leung: Merci.

Le président: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: À titre de banque de l'annexe II, il y a certaines choses que vous pouvez faire, d'autres que vous ne pouvez pas. Si toutes les recommandations du rapport MacKay avaient été en vigueur avant que la Banque Honkong n'arrive au Canada, vous seriez-vous structurés différemment? Que feriez-vous de façon différente si les recommandations du rapport MacKay étaient appliquées?

M. Youssef Nasr: Si vous vous rappelez, lorsque les banques de l'annexe II ont été introduites, d'après la Loi sur les banques de 1979, le gouvernement avait demandé que l'accès soit limité pendant une certaine période pour voir comment iraient les choses. Nous avons utilisé cette période pour démontrer que ce pays était très attrayant pour nous, que nous pourrions y prendre de l'expansion et, qu'avec le temps, nous l'espérions, des assouplissements seraient apportés au système de façon que nous puissions continuer de croître. Dans le cadre des révisions successives de la Lois sur les banques, de tels assouplissements ont eu lieu régulièrement, et je considère le rapport MacKay comme un moyen de plus pour continuer de mettre en place des assouplissements et permettre ainsi à ces banques qui ont prospéré et qui ont investi de façon importante au Canada de poursuivre cet investissement. C'est ainsi que je vois le rapport MacKay.

Mme Carolyn Bennett: Mais disons que si vous vous placez dans la position d'une banque qui arrive au Canada, alors que toutes les recommandations du rapport MacKay sont en place, serait-ce la même chose que pour la Banque Honkong ou mettriez-vous l'accent sur des aspects différents?

M. Youssef Nasr: Il n'est pas toujours possible de changer quelque chose qui a eu lieu il y a plusieurs années—des événements historiques. En fait, si nous avions pu venir en tant que succursale plutôt que comme une filiale constituée en société distincte, cela aurait été préférable à l'origine. Ce choix n'existait pas, alors rien ne sert de s'attarder à quelque chose qui n'existait pas. Nous avons fait ce qu'il y avait de mieux à faire dans le cadre de la réglementation qui existait.

Maintenant que nous avons acquis de la confiance et de l'aisance dans nos opérations au Canada, il est évident que nous allons rechercher d'autres façons de transformer la présence de notre groupe ici.

• 2055

Mme Carolyn Bennett: L'un des commentaires que l'on entend à propos du rapport MacKay, c'est qu'il s'agit d'un rapport très objectif. Ce que les gens remarquent aussi, c'est qu'il ne se limite pas aux décisions faciles pour remettre à plus tard les décisions difficiles.

Si vous deviez recommander à ce comité un échéancier de réalisation, diriez-vous que certaines choses doivent être faites presque immédiatement et que certaines autres pourraient attendre un peu plus longtemps, ou si tout devrait être fait d'un coup, ou laisseriez-vous certaines choses de côté sans que cela n'affecte trop l'objectivité du rapport? Quelle serait votre recommandation?

M. Youssef Nasr: Je suis plutôt de ceux qui considère ce rapport comme un tout. J'apprécie aussi le fait que le rapport ait été préparé par un groupe politiquement indépendant. Le danger que je vois à le fragmenter ou à le considérer en pièces, c'est peut-être d'accroître la possibilité qu'il ne soit démantelé par des intérêts particuliers.

Mais, nous sommes en démocratie, et en démocratie, ces recommandations passeront par le Parlement, vous représenterez alors les intérêts de tous les gens, et vous choisirez les choses qui vous conviennent le mieux, mais je préconise de considérer ce rapport comme un tout soigneusement articulé qui traite de tous les aspects que le groupe de travail jugeait nécessaire de traiter.

Mme Carolyn Bennett: Avez-vous une opinion sur la location d'automobiles ou sur l'assurance?

M. Youssef Nasr: Je ne crois pas que de restreindre le choix des consommateurs soit une bonne politique gouvernementale. En ce sens, si le fait d'avoir plusieurs fournisseurs augmente les choix pour le consommateur, je crois que le gouvernement devrait appuyer une telle mesure.

Mme Carolyn Bennett: Pour ce qui est des consommateurs et des courtiers en assurance individuels qui craignent de perdre leur clientèle si on permet aux banques de vendre des produits d'assurance, certaines personnes disent qu'au début les gens auront davantage de choix, mais que lorsque les banques s'approprieront le marché et obligeront les autres à se retirer des affaires, ou donneront des assurances pour attirer les gens, en bout de ligne les consommateurs n'auront plus de choix.

M. Youssef Nasr: Je parle pour ma banque. Nous exploitons chacune de nos divisions et chacune de nos gammes de produits de façon à ce qu'elles soient individuellement rentables. Nous ne croyons pas à l'interfinancement des services. Nous faisons déjà le commerce de l'assurance, sauf que nous devons l'offrir comme une opération autonome plutôt que dans nos succursales, ce qui rend l'accès à ce service plus difficile pour les consommateurs.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que les courtiers se retirent des affaires. L'industrie de l'assurance offre une gamme de produits qui vont des plus simples aux plus complexes. Pour des produits simples, l'expérience démontre—et vous pouvez regarder un certain nombre de pays dans le monde entier—qu'il est plus facile de vendre ces produits par téléphone, car il est assez facile d'établir le prix de ces services. Lorsque vous parlez de produits d'assurance plus sophistiqués, en particulier dans la catégorie de l'assurance-vie, vous avez besoin de l'avis d'un spécialiste ou d'un courtier. Je ne pense pas que les courtiers y perdent; cela les place dans le créneau des produits à haute valeur ajoutée où leur avis est nécessaire, mais il permet aux consommateurs d'accéder aux assurances courantes à de faibles prix.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci.

Merci, monsieur Nasr, pour l'excellent exposé que vous avez fait.

Je veux cibler un point très précis en ce qui a trait à la production de recettes découlant des recommandations du rapport MacKay en matière d'assurance et de location d'automobiles. De vos propos, je comprends qu'il s'agit de recettes bien modestes. Alors pouvez-vous expliquer pourquoi les banques tiennent-elles tant à offrir ce produit? Est-il possible qu'elles aient une raison autre que la production de recettes?

M. Youssef Nasr: Je ne peux pas parler pour les autres banques, mais pour nous il s'agit d'un autre produit qui nous permet de cimenter notre relation avec un client. Nous sommes une organisation orientée vers la satisfaction de nos clients, et nous croyons que plus nous sommes en mesure de répondre aux besoins de nos clients, le mieux c'est.

Si l'un de nos clients se procure une série de produits chez nous et que pour un certain produit nous sommes obligés de lui dire, désolé, nous ne pouvons faire cela, vous devez allez en face pour cela, je pense que cela diminue notre capacité à servir le client. Mon organisation s'intéresse à ce produit parce que nous voulons être en mesure d'offrir à nos clients toute la gamme des produits. Je connais bien peu d'autres industries qui ont la capacité d'offrir une gamme complète de produits à leurs clients, mais qui doivent référer leurs clients à quelqu'un d'autre. En raison de la réglementation, nous ne pouvons pas offrir un produit qui fait naturellement partie des services financiers.

• 2100

M. Paul Szabo: Si les clients viennent à la succursale pour toutes ces autres choses, nous pourrions tout aussi bien ouvrir un restaurant McDonald dans chaque succursale. Les clients pourraient ainsi passer tout le temps dont ils ont besoin pour faire toutes leurs affaires sur place.

M. Youssef Nasr: J'ai utilisé le terme «services financiers». Je n'ai pas l'intention de me lancer dans la restauration.

M. Paul Szabo: Si vous passez autant de temps dans votre succursale pour tous ces services, vous allez finir par avoir faim. C'était juste une idée.

Vous n'avez rien mentionné au sujet de la valeur de la propriété des automobiles si la location devait être consentie aux banques. Il y a aussi l'incidence sur les liquidités. En raison de la comptabilité au coût actuel, c'est en fait très attrayant pour les banques. N'est-ce pas vrai?

M. Youssef Nasr: Pour ce qui est de la propriété, cela dépend des volets où se situe notre participation. Notre groupe offre ce service dans différents pays. Dans certains cas, les liquidités sont peu importantes selon la façon dont les choses fonctionnent; dans d'autres, il y a des liquidités.

M. Paul Szabo: Bien. Ma dernière question a trait à quelque chose que j'ai demandé au gouverneur de la Banque du Canada avant votre exposé. Vous avez abordé très brièvement la question de considérer les recommandations comme un tout, quelque chose avec lequel nous devons travailler et avancer.

Je ne suis pas en désaccord avec cette idée. Certaines choses sont faites pour aller ensemble, et vous ne pouvez les séparer au risque de détruire les synergies, l'équilibre et toutes ces autres bonnes choses.

Mais si le rapport MacKay voit autant d'avantages à l'accroissement de la concurrence, croyez-vous qu'il faudrait, dans un premier temps, prendre des mesures pour promouvoir ou faciliter la création de cette nouvelle concurrence?

Tout au long du processus, vous examinez le cadre réglementaire et vous voyez à sa mise à jour. Mais voulez-vous ensuite établir que vous pouvez avoir la stabilité au sein du secteur bancaire qui, selon le gouverneur, complète sa tâche d'administration de la politique monétaire? Renforcer la concurrence n'est pas en soi une des recommandations; c'est le résultat auquel il faut arriver.

Y a-t-il des étapes dans l'évolution de ce que MacKay envisage comme le secteur des services financiers, ou pensez-vous que nous pouvons actionner un commutateur?

Aujourd'hui, il y a toutes ces coopératives de crédit qui fusionnent leurs activités et qui offrent des services bancaires à l'échelle nationale. Nous avons tous les trucs électroniques qui arrivent instantanément. Cet extrême ne fonctionne manifestement pas.

Où sommes-nous? Est-ce une étape à la fois? Est-ce tout d'un seul coup, ou est-ce quelque part entre les deux?

M. Youssef Nasr: Mon souvenir du rapport est qu'il y a certaines recommandations qui supposent une introduction progressive. Vous avez soulevé la question de la location d'automobiles et de la vente d'assurance dans les succursales. Je suis peut-être un peu rouillé quant aux détails, mais selon mon souvenir, les établissements dont la base de capitaux est inférieure à un certain montant, qui je crois est 5 milliards de dollars, seraient autorisés à procéder immédiatement. Cela leur donnerait la possibilité de se renforcer eux-mêmes. Les institutions dont la base de capitaux est supérieure à 5 milliards de dollars, ce qui inclurait les cinq grandes banques, ne pourraient offrir ces services avant 2002.

Je crois donc que le point que vous soulevez a été traité par le groupe de travail. Dans ce cas particulier, on parle de deux phases, une au début où les petites organisations obtiennent le droit d'offrir ces services rapidement, puis quatre ans plus tard, ce sont les banques plus importantes qui se voient accorder cette possibilité. C'est un des exemples d'un fonctionnement par étapes.

Pour ce qui est de dire que c'est un tout indissoluble, je ne dis pas nécessairement que c'est un tout indissoluble, qui doit être introduit au complet dès le premier jour. Je pense que c'est un tout avec certains éléments qui sont introduits d'une façon prédéterminée. En ce sens, je pense que c'est très bien.

M. Paul Szabo: Monsieur le président, j'aimerais poser une autre question.

Je fais appel à votre opinion personnelle. Que pensez-vous de deux banques qui font une demande de fusion—c'est arrivé deux fois—sans savoir quelles seront les règles du jeu et les conditions dans lesquelles elles évolueront dans le futur?

• 2105

M. Youssef Nasr: J'interprète cette demande de fusion comme la reconnaissance, comme je l'ai mentionné, par le conseil d'administration et les directeurs exécutifs de ces organisations d'une tendance mondiale qui se dessine pour laquelle les organisations doivent se préparer. C'est ce pourquoi ils sont payés.

Mon interprétation c'est qu'il s'agit de leur façon de dire qu'il est nécessaire qu'il y ait un débat sur le sujet pour déterminer si oui ou non la fusion devrait avoir lieu. En clair, le message qui ressort de cela—ce n'est pas pour aujourd'hui ni pour demain—on s'inquiète du fait que le système bancaire canadien démontre qu'il n'est pas un endroit recherché pour les investissements à l'échelle mondiale.

M. Paul Szabo: Vous pourriez donc conclure que les demandes qui ont été faites auprès du Bureau de la politique de concurrence pourraient ne pas être des demandes frivoles. En fait, on ne s'attendait pas vraiment à ce que ces demandes soient approuvées.

M. Youssef Nasr: Je ne peux pas vous répondre sur ce point. Je ne peux que répondre à votre première question.

M. Paul Szabo: Bien.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo. Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président. Je n'ai que quelques questions.

Je comprends qu'essentiellement vous êtes d'accord avec le rapport MacKay, les idées directrices du rapport MacKay. Le principe sous-jacent de ce rapport est essentiellement de construire un cadre concurrentiel, mais aussi de s'occuper des consommateurs, de tenir compte de leur importance.

L'Association des consommateurs du Canada était ici ce matin. Je voudrais seulement connaître votre réaction à ce qui suit. Dans leur conclusion, ils disent:

    Nous croyons qu'il est dangereux de croire qu'un environnement plus concurrentiel, comme celui envisagé par le groupe de travail, protégera nécessairement les intérêts des petites et moyennes entreprises et des consommateurs... Il faudra du temps, probablement beaucoup de temps, pour qu'apparaisse un nombre suffisant de concurrents ayant atteint une taille assez importante pour parvenir à ces économies d'échelle [en ce qui a trait à la compétitivité sur le marché].

Quelle est votre réaction à cette affirmation?

Ma deuxième question est, tenant compte des recommandations du rapport MacKay, combien de temps faudra-t-il avant de voir une banque similaire à la Banque Honkong venir au Canada livrer concurrence dans le champ des services bancaires de base?

M. Youssef Nasr: Laissez-moi répondre à la première question. Le point majeur que nous avons soulevé, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, c'est qu'il est absolument nécessaire de renforcer la concurrence dans ce que nous appelons les services bancaires de base, c'est-à-dire amener le réseau de guichets automatiques à sa pleine capacité. Lorsque ce sera fait, il y aura alors une multitude de fournisseurs qui deviendront immédiatement concurrentiels, parce qu'ils n'auront pas à franchir l'étape longue et coûteuse de constituer un réseau de succursales.

L'analogie que j'utilise est ce qui est arrivé dans l'industrie du téléphone. Il y a deux volets dans ce secteur. D'abord, il y a des gens qui installent une ligne dans votre maison; puis, il y a les fournisseurs d'appels interurbains. Tant et aussi longtemps que les fournisseurs d'appels interurbains ne pouvaient pas venir dans votre maison, il n'y avait rien à dire. Ils pouvaient être plus concurrentiels ou moins concurrentiels. Cela n'avait pas d'importance.

Ce qui a changé, c'est lorsqu'on a permis la concurrence entre les fournisseurs d'appels interurbains. Les fournisseurs locaux, ceux qui étaient en réalité propriétaires des lignes dans les maisons, sont ceux qui ont été forcés de s'ouvrir à la concurrence pour offrir des services d'appels interurbains. Pour la plupart des gens, la plus grande partie de la facture téléphonique est constituée d'appels interurbains, non pas d'appels locaux.

C'est une analogie semblable. Le réseau de guichets automatiques est ce que nous considérons comme la fonction utilitaire. C'est un peu comme les lignes téléphoniques dans les maisons. La vraie concurrence viendra de la possibilité d'offrir toute une gamme de services sur ces réseaux.

Avec ce réseau, si on donne suite aux recommandations du groupe de travail, je pense que vous verrez émerger la concurrence beaucoup plus rapidement que si la concurrence se formait à partir des moyens traditionnels d'établissement dans les opérations bancaires de détail.

M. Tony Valeri: Bien. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

J'aimerais revenir sur la question de la rentabilité. À la page 112 du rapport, on mentionne qu'au Royaume Uni, le revenu net par rapport aux recettes globales est de 22,2 p. 100, alors qu'aux États-Unis, il est de 20,2 p. 100 et au Canada, de 19, 5 p. 100.

Que pensez-vous de ces chiffres? Est-ce que la différence entre 19,5 p. 100 et 22,2 p. 100 est une différence importante dans le secteur des services financiers?

• 2110

M. Youssef Nasr: Monsieur le président, ce qui importe pour les investisseurs ce n'est pas la marge de profit, ce que vous venez de lire, le profit par rapport aux recettes; ce qui importe, c'est le rendement des capitaux propres, le rendement des banques canadiennes est de 5 p. 100 à 7 p. 100, ce qui est inférieur au rendement des meilleures banques au Royaume Uni et aux États-Unis. Et c'est sans tenir compte du déclin constant du dollar canadien. Si vous êtes un investisseur international, ce que vous recherchez c'est le rendement total à partir de la devise que vous investissez, et pour la plupart des gens, c'est le dollar américain. Donc, si vous ajoutez ce qui arrive au dollar canadien, nous estimons que les rendements au Canada sont à peu près la moitié de ce qu'ils sont pour les banques britanniques ou américaines. Il s'agit alors d'une différence vraiment significative.

Le président: Votre banque a assez bien réussi au Canada. Votre croissance est régulière. Comme vous le savez probablement, vous n'êtes pas un cas ordinaire. Quelles en sont les raisons? Que faites-vous qui est si différent, sans évidemment nous révéler vos secrets commerciaux?

M. Youssef Nasr: J'aimerais bien qu'il y ait un secret commercial, parce qu'alors nous pourrions le protéger.

Nous avons commencé par déterminer les segments qui étaient mal desservis ou insuffisamment desservis par les joueurs existants. Lorsque vous arrivez dans un pays où il y a déjà de très grandes institutions financières, qui réussissent généralement bien, vous devez choisir très minutieusement les secteurs où vous pouvez avoir du succès. Je pense que nous avons été capables de choisir ces segments que nous jugions mal desservis. C'est cela la concurrence. La concurrence consiste à trouver les segments qui sont mal desservis et à mettre l'accent sur ceux-ci. Nous avons eu de la veine dans quelques cas. L'acquisition de quelques institutions qui avaient été affaiblies en raison des crises économiques antérieures au Canada nous a permis d'établir la base de dépôts de détail qui est nécessaire pour être concurrentiel dans les services bancaires essentiels. Mais il n'y a en fait pas de secret. C'est une question de prévoyance commerciale et de quelques coups de chance.

Le président: La chance que nous ne pouvons contrôler, bien que je dise toujours que la chance est une question de conception.

Le rapport MacKay dit qu'il faut accroître l'esprit d'entreprise dans ce domaine en particulier. Est-il dans la nature des Canadiens d'être entrepreneurs dans le secteur des services financiers? Est-ce un domaine qui est en réalité étranger à bien des gens? Pourquoi n'avons-nous pas autant d'intervenants dans les différents créneaux que notre économie pourrait en fait en soutenir?

M. Youssef Nasr: Je pense que ceci découle en partie du fait qu'en raison de la population relativement faible de ce pays, le pays a plus rapidement évolué vers les services bancaires à l'échelle nationale, les services bancaires multiples et autres que, disons, les États-Unis juste au sud. Le modèle des services financiers doit refléter la démographie du pays, et je pense que pour un pays comme le Canada, le modèle n'est probablement pas mauvais, tenant compte des réalités démographiques.

Je ne crois pas du tout que l'esprit d'entreprise fasse défaut parmi nos employés. Un certain nombre des acquisitions que nous avons faites et que nous continuons de faire concernent des entreprises qui ont été lancées par des entrepreneurs exceptionnels, et je me réjouis qu'ils continuent de travailler avec nous et apportent cet esprit d'entreprise dans leur façon de servir les clients.

Le président: Mais vous ne parlez pas du secteur des services financiers lorsque vous dites cela. Vous parlez de vos clients qui participent...

M. Youssef Nasr: Non, je parle des entreprises du domaine des services financiers que nous avons acquises.

Le président: Bien.

C'était un excellent rapport, et j'ai beaucoup apprécié le fait que vous ayez mis l'accent sur le futur, Au nom du comité, merci beaucoup.

La séance est levée.