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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 5 novembre 1997

• 1802

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): J'aimerais passer à l'ordre du jour.

L'ordre de renvoi du Comité permanent des finances ce soir est l'étude du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.

Nous aurons le plaisir ce soir d'entendre le témoignage de quatre groupes: l'Institut Fraser, la Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers, le Conseil des Canadiens avec déficiences ainsi que la Fondation canadienne de la jeunesse.

La première présentation sera faite par M. Michael Walker, directeur général de l'Institut Fraser. Monsieur Walker, vous êtes le bienvenu.

M. Michael Walker (directeur général, Institut Fraser): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux de la possibilité qui m'est donnée de comparaître devant le comité alors que vous étudiez les modifications proposées au Régime de pensions du Canada.

L'Institut Fraser a publié de nombreux documents concernant le débat autour de la nécessité d'apporter des changements, aussi c'est avec plaisir que nous envisageons les modifications proposées aux mesures législatives. Comme vous vous y attendez sans doute, j'aurais plusieurs suggestions de modifications à proposer.

Tout d'abord, j'aimerais attirer votre attention sur le graphique qui figure dans la documentation qui vous a été distribuée. Si vous tournez la page, à la deuxième page du document, vous verrez un graphique qui compare le ratio des cotisations versées durant toute la vie par rapport aux prestations reçues dans le cadre du RPC, pour des générations différentes. Ce graphique est tiré des comptes transgénérationnels pour le Canada, lesquels ont été mis au point par l'Institut Fraser. Toutefois, afin d'éviter de nous citer nous-mêmes, nous avons utilisé ici les calculs établis par l'Institut de recherches en politiques publiques, qui est arrivé aux mêmes conclusions que l'Institut Fraser.

Le graphique illustre le ratio des cotisations versées durant toute la vie par rapport aux prestations reçues pour les cotisants au RPC selon deux scénarios qui se ressemblent beaucoup, mais qui ne sont pas identiques par rapport aux arrangements actuels et à ceux qui sont proposés au RPC.

Par exemple, si vous voulez jeter un coup d'oeil au graphique, vous verrez qu'une personne née en 1910—vous pouvez voir cela directement sur le graphique, mais plutôt le déduire de façon approximative—paie 0,17$ pour chaque dollar qu'elle reçoit du régime. En d'autres mots, les personnes nées en 1910 recevront 5,8 fois le montant qu'elles auront cotisé au régime, même après les rajustements liés aux intérêts. Une personne née en 1995 devrait payer 2,6 fois le montant qu'elle recevrait dans le cadre du régime actuel, et 2,1 fois le montant qu'elle recevrait si les changements proposés étaient adoptés.

• 1805

Si je peux me permettre d'attirer votre attention sur le graphique, la ligne étoilée indique le ratio des cotisations versées durant toute la vie par rapport aux prestations reçues pour les personnes nées entre 1910 et 1995. Ce graphique représente les arrangements actuels, c'est-à-dire les arrangements qui prévalent avant que soient apportés les changements proposés dans le présent projet de loi.

Sur la ligne suivante, celle qui comporte des boîtes, vous verrez l'effet des changements proposés. Si vous regardez la dernière partie du graphique, le résultat pour 1995, vous verrez que la partie encadrée du graphique, celle qui correspond aux changements proposés, entraînerait une diminution du ratio des cotisations versées par rapport aux prestations reçues pour les personnes nées en 1995 par rapport au ratio qui prévaudrait selon les arrangements actuels, ou au statu quo, qui s'exprime par la ligne étoilée. C'est donc de là que vient l'écart entre le 2,1 et le 2,6.

Les changements proposés, comme vous pouvez le constater sur le graphique, plafonneront les cotisations versées durant toute la vie pour les personnes nées après 1980 à 2,1 fois les prestations qu'elles peuvent s'attendre à recevoir en augmentant les cotisations des personnes nées après 1935. En d'autres mots, les changements qui sont proposés dans le cadre du projet de loi visent essentiellement à niveler le ratio des cotisations versées durant toute la vie par rapport aux prestations reçues pour les personnes nées depuis 1980 et après, et cela est financé par l'écart que vous voyez dans le graphique entre la ligne étoilée et celle qui comporte des boîtes.

Les changements proposés ne modifient en rien l'hypothèse de base selon laquelle le RPC est un moyen de redistribuer d'importantes sommes d'argent en provenance des cotisants au régime nés après 1947 à ceux qui sont nés avant 1947. À partir du graphique, il est possible de déterminer, parce que la ligne pointillée qui traverse le graphique jusqu'à 1,0 indique le point auquel les cotisations versées durant toute une vie et les prestations reçues sont identiques—c'est-à-dire, que le montant que la personne retire est égal à celui qu'elle a cotisé et, par conséquent, le ratio des cotisations par rapport aux prestations est de 1:1. Comme vous pouvez le constater, d'après l'ancien régime, cette ligne correspond à la période autour de 1950; d'après les calculs réels elle se situe en 1947.

Les personnes nées en 1947 atteignent le seuil de rentabilité. Toutes les personnes nées après 1947 sont perdantes, et le montant des pertes augmente régulièrement pour toutes les personnes qui sont nées au cours de cette période jusqu'en 1980 date à laquelle la perte se stabilise. Les changements proposés auraient pour effet que les personnes nées entre 1940 et 1947 obtiendraient des prestations inférieures tandis que celles nées entre 1947 et 1980 devraient assumer un coût supérieur afin d'obtenir la stabilisation du taux de perte à 2,1:1 pour les personnes nées après 1980.

Je me réfère ici au ratio des cotisations par rapport aux prestations reçues comme à un taux de perte, parce que, pour toutes ces personnes, cela entraîne réellement une perte. Quiconque est né après 1947 est perdant en vertu du régime actuel.

Il s'agit donc d'un pas dans la bonne direction. C'est-à-dire, que le changement que vous proposez est un pas dans la bonne direction. Par conséquent, j'appuie l'idée du redressement intergénérationnel qui sous-tend la présente politique et, dans l'intérêt de solidifier les petits gains qui pourraient en découler, je suis d'accord pour aller de l'avant avec les changements.

Cependant, plusieurs secteurs de la politique nécessitent des améliorations, certains dans l'immédiat et d'autres au moment opportun. L'objectif ultime de ces changements doit être d'effectuer le sauvetage des dispositions relatives aux pensions de retraite des Canadiens par rapport au risque le plus important qu'elles courent, c'est-à-dire le risque politique de voir des changements apportés au régime dans l'avenir qui modifieraient de façon fondamentale les conditions d'admissibilité, de la même façon que l'on a modifié récemment la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

Le seul moyen d'assurer la sécurité du régime de pensions est de le provisionner entièrement, de personnaliser toutes les prestations et de les mettre hors de portée du secteur public afin de l'empêcher d'effectuer des transferts intergénérationnels ou intragénérationnels. Ces transferts ne sont pas la raison d'être du régime de pensions et devraient être effectués dans le cadre du système fiscal général, dans la mesure où ils doivent vraiment être faits.

• 1810

Un des changements qu'il faut apporter consiste à reconnaître que les personnes qui sont déjà à la retraite et celles qui prendront leur retraite avant 2012 reçoivent une subvention. Cette subvention est aujourd'hui financée à même les cotisations du RPC. Nous devrions graduellement faire passer le fardeau du financement du Régime de pensions du Canada par les voies fiscales ordinaires, et réduire en conséquence l'augmentation du taux de cotisation au RPC. Le bon moment pour effectuer cette transition serait au cours des prochaines années, lorsque les dividendes fiscaux commenceront à faire leur apparition et que nous disposerons de la souplesse nécessaire. La principale raison pour laquelle il faut procéder de cette façon est pour éviter, dans la mesure du possible, l'effet négatif que les charges sociales telles que le RPC ont sur l'emploi d'après la Banque du Canada et d'autres organismes.

Ce changement permettrait de personnaliser graduellement le RPC, étant donné que chaque Canadien ne paierait qu'en fonction de sa propre rente de retraite. Il y aurait en outre un autre avantage à cette transition qui résulterait du fait que le coût des transferts ne serait plus intégré dans le nouveau taux de cotisation inférieur du RPC, et que les Canadiens pourraient commencer à juste titre à les considérer moins comme une charge et davantage comme une cotisation à un REER. La privatisation de la structure du RPC et l'élimination du risque politique pourraient être facilement réalisées à ce moment-ci.

Un deuxième changement—et celui-ci devrait être effectué dans l'immédiat—consisterait à créer dix fonds provinciaux du RPC plutôt que l'institution nationale unique qui est proposée actuellement. Les cotisants au RPC pourraient choisir le fonds qui les intéresse et une comparaison périodique entre les fonds permettrait d'obtenir un résultat concurrentiel dans le processus de sélection des actifs suivi par les fonds. Et ce qui est plus important encore c'est que cette approche permettrait de faciliter la privatisation du RPC dans un avenir plus ou moins rapproché.

Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de faire ces commentaires devant le comité. Je suis prêt à répondre à toutes questions que vous pourriez avoir à ce sujet. Je réalise qu'il s'agit d'un sujet assez aride, d'avoir à prendre connaissance de tous ces chiffres, mais je pense que si nous voulons avoir une discussion intelligente concernant le régime, nous devons nous appuyer sur des données numériques.

Merci monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup monsieur Walker. Nous trouvons en effet que ces chiffres sont intéressants pour le comité.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Merci monsieur Walker. C'est un plaisir de vous avoir ici. Nous avons entendu de très bons témoignages concernant les changements à apporter au RPC jusqu'à maintenant.

La principale préoccupation que j'ai concernant ce projet est le manque d'équité intergénérationnelle. Si vous avez bien étudié les changements proposés par le gouvernement, vous savez que nos enfants paieront pour ce régime et recevront moins que la valeur de leur propre contribution. En réalité, le taux réel de rendement sera de 1,8 p. 100.

Je constate que vous faites partie de ceux qui mentionnent la privatisation du RPC, comme cela a été fait dans plusieurs autres pays et comme vous le savez notre parti en a déjà discuté. Je me demande si vous pourriez faire des commentaires concernant le passage à la privatisation, et nous dire si à votre avis, cela pourrait régler notre préoccupation majeure concernant le manque d'équité intergénérationnelle.

M. Michael Walker: Le fardeau des commentaires que je viens tout juste d'essayer de faire—et de toute évidence sans beaucoup de succès, parce qu'il s'agit d'une chose très compliquée à expliquer... Et bien, laissez-moi d'abord répondre à votre question.

La réponse est que la privatisation exige tout d'abord que nous nous débarrassions de la subvention qui est intégrée dans le RPC. À l'heure actuelle, le RPC joue deux rôles. Il impose un impôt obligatoire sur la retraite aux Canadiens qui leur permettra d'obtenir une pension de retraite. Deuxièmement, le RPC a pour effet d'offrir une subvention à toutes les personnes qui sont nées avant 1947 et qui prendront leur retraite avant 2012. Toutes ces personnes, depuis le début du régime jusqu'en 2012, recevront davantage que ce qu'elles ont cotisé au régime y compris les intérêts. Cela signifie qu'une subvention directe est versée par tous les cotisants au régime qui sont nés après 1947.

Aussi, si vous envisagez la privatisation du régime, vous devrez d'abord régler la question de la subvention. Vous devez séparer la subvention de la prestation de retraite du RPC.

• 1815

Ce que j'ai proposé dans mon introduction c'est que nous devrions saisir l'occasion offerte par le dividende fiscal dont le gouvernement pourra bientôt profiter pour reconnaître cette subvention, d'un côté, et aussi pour dire que ce n'est pas une subvention qui devrait être assumée par les travailleurs par l'entremise de leurs cotisations au régime de pensions. Il s'agit d'une subvention qui devrait être financée à même le système fiscal dans son ensemble, et nous devrions la retirer du RPC et l'imposer comme une taxe ou un impôt général.

Comme je l'ai déjà fait remarquer, une autre raison justifiant cette façon de procéder serait qu'à part le fait qu'elle faciliterait la privatisation, elle contribuerait aussi à réduire l'effet nocif sur l'emploi qui a été souligné par presque tous ceux qui parlent des cotisations sociales. Cela s'explique par le fait que vous serez alors en mesure de réduire le taux de cotisation au RPC jusqu'au niveau nécessaire pour offrir la pension de retraite seulement et non à celui qui est nécessaire pour fournir une subvention aux personnes qui sont nées avant 1947 et qui prendront leur retraite d'ici 2012.

Mme Diane Ablonczy: Disposez-vous de calculs concernant la répartition entre les deux, c'est-à-dire entre la partie de la subvention et celle de l'optimisation des ressources?

M. Michael Walker: Vous pouvez en déduire cela de ce que je viens d'expliquer. Mais, honnêtement, la réponse est non. Nous n'avons pas effectué de calculs précis. C'est un calcul très compliqué à faire.

Vous pouvez vous faire une idée des répercussions de cette transition à partir du fait que les personnes qui prennent leur retraite... Si vous jetez un coup d'oeil sur le graphique qui vous a été distribué, et si vous regardez en dessous des nouvelles propositions, vous verrez que pour les personnes qui sont nées entre 1980 et 1995—il s'agit de la ligne avec les petites boîtes—cela signifie que le ratio des cotisations versées durant toute une vie par rapport aux prestations reçues serait d'environ 2,1. On peut en déduire que les personnes paieront 2,1 fois le montant de prestations qu'elles vont retirer.

Si vous pensez à abaisser ce niveau à 1,0, en d'autres mots un taux de rendement de 1:1, de sorte que vous puissiez retirer le même montant que celui que vous avez cotisé, y compris l'intérêt accumulé, cela pourrait suggérer que le taux d'imposition serait probablement de la moitié du taux actuel. Le taux d'imposition qui serait nécessaire tournerait autour de 5 p. 100 plutôt que de 9,9 p. 100 qui est celui que nous connaissons en vertu de la législation actuelle.

Mme Diane Ablonczy: Si comme je le pense vous suggérez que le passif non capitalisé devrait en réalité être de la responsabilité de tous les contribuables plutôt que seulement des travailleurs qui sont nés après 1947, comment comptez-vous répartir cette responsabilité? Le feriez-vous en élevant le taux de cotisation de tous les cotisants? Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire.

M. Michael Walker: C'est en effet le mode de fonctionnement des cotisations actuelles. C'est pourquoi les cotisations actuelles vont augmenter jusqu'à 9,9 p. 100—afin de couvrir la partie de la pension de retraite et celle de la subvention.

Ce que je vous propose, et ce que le Canada devrait faire, a déjà été mis en application au Chili et dans d'autres pays et cela consiste à émettre des «obligations de reconnaissance» ou encore à mettre sur pied un fonds à partir d'«obligations de reconnaissance» qui compenserait pour la subvention et de retirer complètement celle-ci du régime de pensions. Pourquoi devrions-nous essayer d'utiliser notre régime de pensions de retraite pour effectuer des subventions?

Si nous voulons nous engager dans la redistribution et la subvention, nous devrions procéder comme dans tous les autres domaines—c'est-à-dire financer ces dernières à même les voies fiscales ordinaires. C'est ce que nous faisons dans le cas du système de la sécurité de la vieillesse. Nous finançons ce programme à même les voies fiscales ordinaires et nous versons les prestations aux personnes qui en ont besoin. De plus en plus, ce système est en passe de devenir un supplément de revenu garanti, comme vous le savez. Si nous désirons octroyer des subventions, nous devrions le faire de façon distincte et discrète, à l'extérieur du régime de pensions, selon moi.

Il faudrait commencer par reconnaître l'existence de la subvention, la quantifier, la déplacer dans un fonds séparé et procéder soit par l'émission d'«obligations de reconnaissance» soit par un financement au moyen d'un dividende fiscal lorsque ce dernier sera disponible.

Mme Diane Ablonczy: Vous avez mentionné que cela avait été fait au Chili. Quelle a été l'incidence globale de cette décision? Si nous devions opter pour la même façon de faire au Canada—c'est-à-dire, séparer la partie subvention de la partie pensions—obtiendrions-nous les mêmes résultats que ceux qui ont été obtenus au Chili, quels qu'ils aient été? Je pense qu'il est important de mettre ces choses au point tout d'abord.

M. Michael Walker: Je ne pense pas que nous obtiendrions les mêmes résultats qu'au Chili. Le Chili possède une structure démographique très différente de la nôtre, des problèmes d'un type très différent de ceux que doit affronter le Canada. Les taux de rendement au Chili ont été très différents parce qu'il s'agit d'un pays en développement qui fait face à de nombreuses possibilités, bien franchement, en ce qui a trait au développement du revenu et ainsi de suite.

• 1820

Voilà pourquoi je ne pense pas que nous obtiendrions les mêmes résultats, mais il est tout à fait possible de dire qu'il ne s'agit pas de décider si nous devrions faire ceci ou cela—puisque c'est ce que nous faisons déjà maintenant. La question à se poser est comment devrions-nous procéder pour que cela ait le moins d'effets nocifs sur l'économie?

La meilleure façon de procéder pour qu'il y ait le moins d'effets nocifs possible sur l'économie consisterait à éliminer la partie subvention du RPC, à la mettre de côté et à la financer en imposant un impôt à grande échelle, plutôt qu'un impôt restreint qui est concentré sur la main-d'oeuvre, ainsi que sur les jeunes au sujet desquels nous sommes tellement préoccupés aujourd'hui; les jeunes qui ont déjà passablement de problèmes à régler et nous ne ferions qu'ajouter à leur fardeau en augmentant le taux de cotisation au RPC. Il me semble simplement que ce ne serait pas une façon intelligente de régler ce problème.

Mme Diane Ablonczy: J'aurais une dernière question. Vous avez suggéré l'idée de transformer le régime de pensions en un régime privé. Une partie des préoccupations que j'ai entendues à ce sujet portaient sur la question de savoir si l'on obtiendrait le même taux de rendement. Est-ce qu'il ne serait pas plus risqué de gérer notre régime de pensions de cette façon plutôt que de continuer à le laisser administrer à l'intérieur du régime gouvernemental? J'aimerais connaître vos commentaires à ce sujet.

M. Michael Walker: Sincèrement, je pense que le plus grand risque que devront affronter les retraités, particulièrement au cours des 25 à 30 prochaines années, est le risque politique que la structure dont nous parlons aujourd'hui sera une fois de plus révisée de manière à s'adapter au fait que nous devrons consacrer de plus en plus d'argent aux soins de santé parce que nous allons devoir faire face à tellement plus de problèmes liés à la vieillesse que nous n'en avons jamais anticipé, et que lorsque le gouvernement y sera contraint, il procédera comme il l'a fait pour la sécurité de la vieillesse.

Nous ne devrons jamais oublier que la sécurité de la vieillesse a été mise sur pied à titre de régime fondé sur les cotisations. À l'origine, il s'agissait d'un régime cotisable dans lequel les travailleurs versaient 3 p. cent de leurs revenus afin de contribuer à un programme de retraite. Lorsque c'est devenu dans l'intérêt du gouvernement de changer ce mode de fonctionnement, le gouvernement a éliminé la sécurité de la vieillesse à titre de régime cotisable, l'a absorbé dans les recettes générales du gouvernement et il se prépare actuellement à retirer à certaines personnes leur admissibilité à ce programme.

Maintenant, même si j'ai déjà donné mon appui à cette décision pour d'autres raisons, il reste que cela illustre bien l'énorme risque politique que courent les retraités en laissant leur argent exposé aux fluctuations dans l'état d'esprit du secteur public.

Aussi, le plus grand avantage qui découle de la décision de retirer l'argent du secteur public, de le mettre à l'abri des délibérations du secteur public, est que vous évitez ce risque politique. Et je pense que ce risque est bien supérieur à tout risque financier que l'on pourrait normalement encourir en confiant la gestion d'une somme à des personnes compétentes pendant la même période.

Ce que je vous propose ce soir, et ce que nous avions déjà proposé au groupe de travail fédéral-provincial sur le RPC est que plutôt que de mettre sur pied un seul fonds—nous acceptons l'idée de la transition dans l'établissement de ce fonds, et je pense que nous devons faire les choses progressivement—le gouvernement devrait mettre sur pied dix fonds provinciaux.

Les économies d'échelle qui résulteraient de l'exploitation d'un fonds d'investissement aujourd'hui sont très significatives ou à tout le moins pourraient être atteintes à un très bas niveau de fonds confié à une société de gestion, aussi il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions mettre sur pied dix fonds provinciaux. Toute autre considération mise à part, cela permettrait d'attirer certaines institutions financières dans quelques-unes des plus petites provinces qui à ce moment-ci en sont dépourvues, et cela permettrait aussi d'introduire une certaine concurrence.

Il s'agirait de fonds gouvernementaux gérés dans les mêmes conditions mais à la différence que plusieurs jugements pourraient être exercés concernant le choix éventuel des actifs. Cela permettrait d'endiguer quelque peu le soi-disant instinct grégaire qui gouverne parfois ce type d'institutions.

Le président: Merci monsieur Walker.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue au comité monsieur Walker. J'aimerais vous poser quelques questions. Vous parliez du régime de pensions au Chili. J'aimerais vous demander de nous parler un peu plus de ce sujet. Vous semblez recommander le modèle du Chili, malgré les différences démographiques, comme vous l'avez déjà dit, entre le Canada et le Chili. Ce pays a une population beaucoup plus jeune que la nôtre. Il s'agit d'un pays très différent et il est très difficile de comparer des pommes et des oranges.

• 1825

Mais même au Chili, d'après les lectures que j'ai faites sur le sujet, les frais d'administration du fonds sont de 15,4 p. cent. C'est très cher par comparaison aux frais d'administration de notre Régime de pensions du Canada. Je comprends aussi qu'au Chili environ 40 p. cent des femmes ne sont pas protégées par le fonds parce qu'elles occupent des emplois faiblement rémunérés. Par conséquent, un grand nombre de personnes en sont exclues.

L'armée et la police au Chili ont décidé de ne pas privatiser leur régime de pensions mais plutôt de maintenir un fonds de pension public. Peut-être qu'elles avaient leurs raisons, et peut-être qu'elles obtiennent de meilleurs résultats aujourd'hui qu'avec un fonds privé.

À la lumière de certaines des informations dont j'ai pu prendre connaissance, je me demande si vous pouvez nous dire pourquoi vous êtes tellement enthousiaste au sujet du régime chilien? Il semble faire la discrimination à l'égard des personnes à faible revenu, il semble aussi coûter très cher en frais d'administration, et dans un pays comme le Chili où l'armée et la police sont très présentes, ces deux entités ne font pas partie du fonds. Dans ce cas pourquoi voudriez-vous défendre un tel régime?

M. Michael Walker: Premièrement, dans le contexte particulier de la discussion que nous avons ce soir, tout ce que je voulais suggérer est que le mode de fonctionnement retenu au Chili pour régler la question des subventions... En d'autres mots, nous ne ferions pas figure de pionniers si nous décidions de séparer la partie financement du régime de pensions de la composante de la subvention, et c'est pour cette raison que je pense que nous pouvons faire une analogie directe avec la situation chilienne.

En ce qui concerne les commentaires que vous avez faits, je suppose que nous n'allons pas nous lancer dans un débat concernant la façon dont l'économie du Chili est administrée, mais en fait il existe au Chili un régime de pensions de retraite minimum. C'est pourquoi les travailleurs à faible revenu n'y contribuent pas: parce qu'ils tomberaient en effet en dessous du seuil de cotisation. Ces personnes sont couvertes par un régime de pensions minimum qui est offert, tout comme la sécurité de la vieillesse au Canada. Vous avez raison lorsque vous dites qu'il y a une différence au niveau de l'admissibilité, mais il existe au Chili un régime de pensions sans cotisations versées à l'intention des travailleurs à faible revenu. Aussi, dans un certain sens, ces personnes sont favorisées du fait qu'elles n'ont pas à payer de cotisation, puisqu'elles peuvent retirer des prestations sans avoir à payer de cotisation.

Deuxièmement, la différence la plus importante qui existe entre le régime chilien et le nôtre est la question du choix. Les personnes ont un élément de choix. Comme vous l'avez souligné, les militaires et la police au Chili ont choisi de se prévaloir de la disposition qui avait été faite lors de la mise en vigueur du régime qui consistait à leur donner la possibilité d'être inclus ou exclus. Comme vous le savez, cela a été fait pour des personnes de différents âges, tout aussi bien, lorsque le régime a été mis sur pied.

Je ne connais pas en détail le rendement du régime de pensions des militaires ou des policiers. Je peux simplement vous dire que le régime de pensions privé au Chili produit des résultats, qu'il génère des prestations pour les gens qui sont de deux à trois fois plus importantes que ceux qui sont offertes par le secteur public. Là où il devient difficile de faire la transition entre le Chili et le Canada, c'est en ce qui concerne les taux du rendement du Chili qui sont très élevés, comme il convient pour une économie dont le taux de croissance est aussi très élevé.

Nous pourrions avoir une discussion concernant certains aspects de la politique économique du Chili que nous pourrions adopter pour stimuler notre taux de croissance, mais cela donnerait lieu à un tout autre débat.

Nous avons invité les experts chiliens au Canada afin qu'ils nous donnent de l'information concernant ce qu'ils ont fait dans leur pays. Nous avions invité l'administrateur du régime à Toronto il y a environ 18 mois, et il a été en mesure de répondre à toutes les questions de ce genre. Il est bien entendu que je m'acquitte beaucoup moins bien de ma tâche qu'il ne l'aurait fait lui-même s'il avait été ici. Mais je ne voudrais pas suggérer que nous prenions simplement le régime chilien et que nous l'implantions directement au Canada.

M. Lorne Nystrom: Je n'avais pas l'impression non plus que vous suggériez une copie conforme du régime, mais il y a certains aspects de l'expérience chilienne qui me préoccupent.

Vous avez mentionné que les gens du Chili avaient le choix. Je suis moi-même d'une circonscription relativement pauvre de Regina, Qu'Appelle. Le revenu moyen par famille y est de 35 000 $ par comparaison aux autres circonscriptions de Regina où elles sont d'environ 45 000 $ ou plus. La circonscription de Mme Ablonczy est beaucoup plus riche que la mienne. Beaucoup de gens dans ma circonscription ont de faibles revenus et un aspect très intéressant du Régime de pensions du Canada aujourd'hui, tel qu'il est, ou même une fois modifié, est son indexation, le fait qu'il est garanti et que l'on est certain de pouvoir compter sur lui. Pour les personnes à faible revenu, c'est un argument qui compte.

Le RPC a fait des merveilles au cours des années en contribuant à réduire la pauvreté parmi les personnes âgées dans notre pays. Il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil sur toutes les statistiques. Le taux de pauvreté, au cours des 30 dernières années, a chuté parmi les personnes âgées grâce au RPC.

• 1830

Une fois de plus, en ce qui a trait au choix, quel choix est offert aux personnes à faible revenu en ce qui concerne les régimes privés dotés de super REER? Ils ne peuvent se permettre d'y placer beaucoup d'argent. Cela pourrait être un très bon régime pour vous ou pour moi, mais qu'en est-il d'une personne qui a un revenu, familial, de 10 000 $, 12 000 $, 15 000 $ ou 25 000 $ par année? Est-ce que ce n'est pas extrêmement injuste?

M. Michael Walker: Non, à la base, les changements que j'ai suggérés ici ce soir ne font aucune différence entre les prestations de retraite que les gens retireraient du régime. Si vous allez aussi loin que de dire que nous devrions séparer la partie subvention et la financer à partir de...

Ce qu'il y a de vraiment incroyable à ce sujet, c'est que vous devriez vous préoccuper de cette question. Les personnes à faible revenu de votre circonscription, selon leur âge, lisent deux fois plus que ce qu'elles devraient normalement faire pour obtenir une pension de retraite que si elles ne payaient qu'en fonction de leur propre pension de retraite.

En réalité, c'est parce qu'elles paient aussi pour un grand nombre d'autres pensions de retraite. Elles paient pour la subvention qui va à toutes ces personnes qui prendront leur retraite d'ici 2012. Chacune de ces personnes obtient une subvention aux dépens de vos résidants, vos électeurs, et particulièrement des plus jeunes.

Ces personnes s'en tireraient beaucoup mieux si nous pouvions retirer la subvention des taux d'imposition du Régime de pensions du Canada et si nous pouvions l'étaler sur le taux d'imposition sur du revenu général. Ces personnes à faible revenu dont vous parlez ne paieraient pas autant d'impôt que les résidants de la circonscription de Mme Ablonczy. Ces derniers assumeraient en effet une part beaucoup plus importante de ce fardeau, étant donné la progressivité du taux d'imposition sur le revenu des particuliers, que vos propres électeurs ne le feraient.

Je pense que vous devriez être très enthousiaste à l'idée de retirer la subvention du RPC, de l'intégrer à la base d'imposition du revenu général et de faire en sorte que les Canadiens qui disposent de revenus plus importants assument une part plus importante du fardeau plutôt que de le faire supporter par vos électeurs.

M. Lorne Nystrom: Mais le régime fiscal devient de moins en moins progressif, en partie en raison de pressions exercées par des organismes comme le vôtre qui croient que nous avons un régime fiscal maintenant trop progressif.

L'autre jour en Chambre, le porte-parole du Parti réformiste, M. Jason Kenney, a dit qu'il croyait que Conrad Black et les gens riches étaient surtaxés. Quelles recommandations faites-vous? Sont-ils surtaxés?

Ma principale préoccupation est...

M. Michael Walker: Votre principale préoccupation est à l'égard de vos électeurs, et je peux le comprendre.

M. Lorne Nystrom: ... d'avoir une redistribution qui nous permet d'avoir une plus grande égalité des chances au Canada. Une égalité de condition dans ce pays, c'est de cette façon que je veux le dire. Dans ma circonscription et partout au pays, il y a un grand nombre de personnes qui donnent vraiment leur appui au Régime de pensions du Canada et à des pensions publiques. C'est indexé. C'est sûr. Nous l'avons. Elles sont inquiètes d'aller sur le marché et de privatiser ces régimes alors que nous n'avons pas accès à beaucoup de fonds.

M. Michael Walker: Ce que vous dites au sujet de M. Kenney et de M. Black est très intéressant, mais ça n'a rien à voir avec le fait que vos électeurs sont imposés plus lourdement en vertu des dispositions du RPC à l'heure actuelle qu'en vertu d'un programme qui passerait de la subvention fiscale du RPC à l'assiette fiscale générale, qui ferait qu'un grand nombre de vos électeurs n'auraient à supporter aucun fardeau. C'est parce que leur revenu imposable ne serait pas suffisamment élevé qu'ils n'auraient pas à supporter ce fardeau. À l'heure actuelle, ils cotisent au RPC sur chaque dollar de revenu gagné.

Si votre préoccupation est véritablement à l'endroit de vos électeurs, vous devriez être d'accord d'éliminer cette subvention du RPC, de l'identifier comme une subvention, et de l'affecter au fardeau fiscal général. Faites-leur payer uniquement leurs propres pensions par le...

Ils ne s'en porteront que mieux. S'ils versaient ce 10 p. 100 directement dans leur propre pension comme ils le font actuellement dans le Régime de pensions du Canada, les montants de leur pension seraient deux fois plus élevés que ce qu'ils vont obtenir dans l'état actuel des choses. Ils ne subventionnent pas ma pension, mais il y a des gens ici dont ils subventionnent les pensions. Ils ne feraient pas cela si les modifications étaient apportées.

M. Lorne Nystrom: En vertu d'un régime d'épargne-retraite privé, les gens qui ont un revenu plus modeste ne peuvent se permettre de cotiser autant chaque année par rapport à ce que vous et moi pouvons faire.

M. Michael Walker: Un REER privé est probablement quelque chose que vous aimeriez faire. Ce dont je vous parle permettrait de passer à un REER privé, mais ce n'est pas le principal point.

Le principal point est qu'il y a cette importante subvention qui est prélevée au titre de charge sociale. On doit la faire passer dans un autre secteur. Alors, nous pourrions parler d'un REER privé, comme je l'ai dit à la dernière personne qui m'a posé une question.

Le président: Je vous remercie monsieur Walker et monsieur Nystrom. Je donne maintenant la parole à M. Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Il s'est dit beaucoup de choses au sujet du régime chilien. Je crois comprendre qu'au Chili on n'avait pas les mêmes problèmes que nous avons. Nous avons un passif non capitalisé de presque 600 milliards de dollars.

• 1835

Dans votre mémoire, vous parlez du régime de pensions en Grande-Bretagne. Pouvez-vous élaborer un peu sur ce qu'ils ont fait?

M. Michael Walker: Ils ont gardé une pension de base, privatisé une partie de leur pension. Malheureusement, ma collègue, Karen Lam, était la personne qui... C'est un article corédigé. Elle analysait de façon plus attentive l'expérience à l'étranger. Je vous induirais en erreur si je vous disais que je suis en mesure de vous communiquer une certaine expertise.

Je sais qu'ils ont privatisé une partie de leur régime de pensions. En fait, ils disent qu'ils «le personnalisent». Ils l'ont individualisé de la même façon que je suggère qu'on le fasse ici dans le cas du Régime de pensions du Canada.

Bien que nous obtenions des rapports individuels du gouvernement qui indiquent que ce que vous avez versé et ce qui constitue votre pension, ces rapports n'indiquent pas que vous subventionnez les pensions de toutes ces autres personnes. Nous n'avons pas personnalisé le Régime de pensions du Canada, qui est ce qu'ils ont fait en Grande-Bretagne. Ils l'ont personnalisé. Ils se sont assurés que votre cotisation payait votre pension et qu'elle ne constituait pas une subvention pour les autres personnes.

La question du passif non capitalisé dont vous parlez était effectivement le cas au Chili. Évidemment ce n'était pas du même ordre. C'est pour cette raison qu'ils ont émis les obligations de reconnaissance. C'était pour tenir compte du passif accumulé en vertu de leur régime de pensions.

En ce qui concerne les gens, s'ils étaient tout simplement passés à un régime individualisé, personnalisé et privé ne comportant aucune subvention, il ne leur aurait resté aucune prestation de retraite. Donc ce qu'il fallait dire, c'est qu'au-delà d'un certain âge vous relevez de l'ancien régime. Voici les obligations de reconnaissance. Nous allons vous donner ces obligations de reconnaissance pour supporter votre pension. Si vous avez atteint un certain âge, alors vous relevez du nouveau régime et ne cotisez qu'à vos propres pensions. Les obligations de reconnaissance sont alors financées à même le taux général d'imposition au lieu d'être financées par le taux de cotisation au régime de retraite.

Je crois que le monde entier va décider de faire une distinction entre la redistribution et le financement des dispositions relatives à la pension individuelle. C'est de fait la seule façon équitable de procéder. Tel que je l'ai indiqué à M. Nystrom, c'est ce que les personnes qui ont véritablement à coeur la position des cotisants à faible revenu devraient chercher à obtenir.

M. Jim Jones: J'ai également relevé dans votre mémoire que vous parliez du regroupement du RPC et des prestations de vieillesse. C'est un aspect intéressant. Je le simplifierais. Les coûts administratifs pourraient en être réduits. Mais comment est-ce que ça fonctionnerait?

M. Michael Walker: Je crois que le regroupement de ces deux prestations est une question beaucoup plus complexe. C'est un aspect auquel vous voudriez vous attaquer uniquement après avoir apporté les changements dont nous avons parlé.

La première tâche est de se débarrasser de ces subventions. Faites du RPC une prestation de retraite individualisée, personnalisée. Retranchez-en l'élément de subvention. Alors vous pourriez penser à réunir tout le régime de pensions sous une seule enveloppe, prendre l'élément subvention et mettre le tout sous une enveloppe. Mais la façon exacte d'accomplir cela est une question plus complexe que je ne peux vous expliquer ce soir.

M. Jim Jones: Cet après-midi, nous avons entendu parler de la croissance remarquable de l'industrie des fonds mutuels. Ce secteur d'activité est passé d'environ 47 milliards de dollars à près de 280 milliards de dollars. On observe la même croissance dans un grand nombre d'autres industries des fonds de pension et des fonds mutuels.

On s'inquiète du fait que le marché canadien représente environ 2,5 p. 100 de la structure du capital du reste du monde. Que diriez-vous de faire passer le contenu étranger de 20 à 30 p. 100 et quelles en seraient les répercussions sur les gains dans ces régimes de pensions?

M. Michael Walker: Je ne pense pas qu'il y ait un seul doute quant à tout simplement éliminer cette exigence. Je pense que s'il y avait à un moment donné quelque raison justifiant cette exigence, cette raison est disparue depuis longtemps. Je pense que les gens votent avec leurs sentiments. Ils diversifient leurs actifs dans l'industrie des fonds mutuels. On vous a sans doute dit que lorsque les gens ont le choix, ils sont beaucoup plus enclins à avoir un ratio supérieur à 20 p. 100 pour leurs placements, uniquement par prudence.

• 1840

Comme vous l'avez indiqué, l'économie canadienne représente 3 p. 100 de l'économie mondiale. Pourquoi mettre tous vos oeufs dans le même panier? Je pense que l'opinion répandue chez les spécialistes du milieu des finances est en fait qu'il est insensé d'imposer une limite à la mesure dans laquelle les gens peuvent diversifier leurs actifs. Laissez les gens faire leurs propres choix en ce qui concerne leurs actifs.

M. Jim Jones: J'ai un dernier commentaire.

Le président: Désolé; votre temps est écoulé.

M. Jim Jones: Je pense que c'était le cas pour tout le monde, n'est-ce pas?

Le président: C'est donc égal.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci monsieur le président.

Merci monsieur Walker d'être venu et de faire cette présentation. Dans vos remarques d'ouverture, pendant un certain temps j'ai craint que vous n'appuyiez ceci. Je me suis dit qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas et je me suis demandé si nous étions du bon côté ou du mauvais côté?

M. Michael Walker: Je l'appuie.

M. Gary Pillitteri: Mais après avoir vu les points de discussion, vous vous demandez parfois où est-ce que cela nous mène.

Monsieur Walker, étant donné qu'il s'agit d'un régime public, je sais que je pourrais être un de ceux qui tireraient profit d'une subvention puisque j'ai 61 ans et que je suis né en 1936. Dans mon cas, la disposition de récupération serait là de sorte que je ne représenterais aucun coût pour le gouvernement, mais je compte un grand nombre d'amis qui trouvent que c'est difficile à accepter... De fait, je discute très souvent avec eux et je leur dis de ne pas oublier qu'ils retirent plus que ce qu'ils ont cotisé au régime de pensions, le RPC. Ils me donnent toutes sortes d'excuses et me disent de ne pas les blâmer eux, mais les gouvernements antérieurs. C'est ce qu'on me dit. J'ai cotisé autant que ce qu'on m'a dit de faire, autant que le gouvernement voulait que je verse. C'était le bon montant.

Maintenant, nous, en tant que politiciens, comment disons-nous que nous allons vous donner un fonds qui est mis dans un fonds distinct parce qu'il s'agit d'une subvention, et d'autre part dire à la jeune génération de faire des placements parce qu'elle va en retirer plus d'argent si nous éliminons la subvention qui en fait partie?

Monsieur Walker, permettez-moi de reformuler autrement votre remarque. Ce que je comprends, ce que les gens comprennent lorsqu'ils viennent me rencontrer, c'est que les gouvernements ont commis des erreurs dans le passé, peu importe le gouvernement, que ce soit au fédéral ou au provincial. Vous devez régler le problème. Si vous n'y parvenez pas, vous admettez que vous ne l'avez pas réglé auparavant.

Une fois que vous l'avez réglé, ils vous demandent si vous leur garantissez que ce sera suffisant pour leur permettre de prendre leur retraite? Je réponds par l'affirmative et les gens se sentent bien alors. Ils ne sont pas à l'aise avec la question des placements. Ils ne considèrent pas le RPC comme un régime de placement; ils le considèrent plutôt comme une sécurité pour l'avenir et une sécurité pour la retraite. C'est ce que mes électeurs me disent. On ne me parle pas d'obtenir plus si l'argent est investi dans un régime de pensions privé.

M. Michael Walker: Sauf le respect que je vous dois, monsieur, ce n'est pas ce que je suggère.

M. Gary Pillitteri: Vous suggérez que nous remettions des obligations. Avez-vous évalué les obligations du régime chilien, le remboursement qu'ils ont obtenu? Que valent-elles? Avec la dévaluation possible de l'argent au cours des prochains mois, est-ce que ça valait quelque chose?

M. Michael Walker: Vous pourriez ne pas toucher du tout aux prestations du Régime de pensions du Canada. Je ne parle pas de modifier les prestations. La question est de savoir de quelle façon est-ce que nous allons financer ces prestations.

Pour l'instant, nous les finançons à partir des charges sociales qui ont une incidence disproportionnée sur les jeunes et les personnes à faible revenu. Si vous deviez changer cela de façon à séparer théoriquement le paiement pour la pension et le paiement pour la subvention et que vous deviez financer cette subvention à même le taux d'imposition général, vous pourriez offrir les mêmes prestations que vous versez maintenant, sans l'effet négatif que les impôts plus élevés et les taux de cotisation plus élevés ont sur les jeunes et les personnes à faible revenu.

M. Gary Pillitteri: Pour terminer, j'ai un dernier commentaire.

Soit dit en passant, vous avez fait également observer qu'avant le régime de pensions, la sécurité de la vieillesse était une cotisation. La dernière fois que nous avons versé des cotisations à la sécurité de la vieillesse, c'était en 1971. Elles étaient de l'ordre de 2 p. 100 et ne représentaient que 15 p. 100 de la prestation totale de la sécurité à la vieillesse.

M. Michael Walker: Non, non. Il s'agissait d'un taux de cotisation de 3 p. 100 établi au titre d'un régime de retraite contributif. Tout ce que je dis, c'est que le parlement statue, mais il peut également changer d'idée quant à la façon de le faire. Il l'a fait dans le passé et peut le faire encore à l'avenir. Si vous voulez vraiment offrir aux gens un régime de retraite sûr, indépendant de la politique, vous songeriez à des façons de le faire complètement à l'extérieur du processus décisionnel politique.

• 1845

La tentative qui est faite à l'égard du financement, celle qui est faite pour élever les taux et aplanir le profil de cotisation, toutes ces tentatives sont des pas dans la bonne direction. Maintenant, partons de ce qui est acquis et disons, une fois pour toutes, que puisque nous avons reconnu ce problème de la subvention intergénérationnelle, considérons d'autres effets que la subvention a sur notre société. Un de ces effets est d'élever le taux de chômage en raison du fardeau de la charge sociale que doit supporter la population active. Nous pouvons régler ce problème de la même façon que nous avons réglé les autres. Nous pouvons décider maintenant, le mettre au point encore plus et de séparer la subvention de la cotisation à la retraite.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Monsieur Walker, vous soulevez un point intéressant en ce qui concerne la partie de la subvention. En vertu de notre régime fiscal, nous avons accordé aux personnes nées à une certaine date ou avant des traitements différents. Par exemple, si vous avez 65 ans ou plus, ou peu importe l'âge exigé—la déduction en fonction de l'âge—je pense que vos déductions sont quelque peu plus élevées. Étant donné qu'il y a une partie de subvention pour que ce mécanisme fonctionne, qu'arriverait-il si pour subventionner l'avenir vous décrétiez un impôt à l'égard des personnes nées en 1947 ou avant afin de tenir compte du fait qu'ils ont été les principaux bénéficiaires du régime? D'une certaine façon, c'est assez étonnant. Si vous êtes né en 1910 et que vous relevez de ce régime, vous allez être... peu importe le chiffre que vous avez mentionné, à cinq et une fraction. Qu'en pensez-vous?

M. Michael Walker: C'est probablement davantage un problème politique que... Du point de vue économique, nous pouvons résoudre le problème économique tout simplement en transférant le fardeau de la subvention liée à la charge sociale à l'assiette fiscale générale. Entrer dans des comparaisons malicieuses entre les gens...

Nous devons le faire, c'est-à-dire que nous devons reconnaître que c'est ce que nous faisons et nous devons reconnaître que nous pouvons réaliser notre même objectif de retraite d'une façon plus efficace, qui ne comporte pas des aspects négatifs. Ceci étant dit, je crois que plus une taxe est générale, moins elle créera de distorsion. De façon générale, je crois que les économistes favoriseraient un impôt plus général qu'un impôt plus étroit en raison de la distorsion du comportement qui peut autrement en résulter.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur Walker, je suis toujours fasciné par vos commentaires.

Le 9,9 p. 100 qui est proposé est ventilé comme suit, 4,3 p. 100 pour la pension, 1,7 p. 100 pour la prestation d'invalidité, de survivant et la prestation de décès, 0,1 p. 100 d'administration, et 3,8 p. 100 que vous caractérisez je crois comme étant la subvention, et que d'autres qualifient de passif non capitalisé. Je crois que je comprends ce dont vous parlez, mais je pense que j'ai relevé un désaccord fondamental entre ce que vous avez proposé et ce que la consultation des Canadiens nous a appris entre avril et juin dernier dans le cadre des consultations de David Walker. Ces consultations ont permis de déterminer que si les personnes âgées vivant aujourd'hui, qui reçoivent une part importante de cette subvention, devaient perdre une partie de cette subvention, elles n'auraient pas de moyens de la remplacer par quoi que ce soit d'autre parce qu'elles sont déjà à leur retraite. Par conséquent, un des principes adoptés était que nous ne modifierons pas les prestations ou ne prendrons pas de mesures ayant une incidence sur les prestataires actuels du RPC.

Selon votre proposition, 3,8 p. 100 devraient être financés par des cotisations provenant du dividende fiscal, ce qui signifie que vous retardez ou limitez les montants disponibles pour la santé, l'éducation, la R et D, les diminutions d'impôt, la création d'emplois, le remboursement de la dette, etc., de sorte que vous pouvez affecter cet argent dans les dix mécanismes de placement et financer ce 3 p. 100.

• 1850

Une fois que tout aura été dit et fait, est-ce que vous proposez que nous fassions quelque chose qui aurait pour conséquence d'accroître le fardeau fiscal des personnes âgées d'aujourd'hui ou de réduire les possibilités de faire davantage pour les personnes âgées qu'en vertu du régime proposé?

M. Michael Walker: Non, je ne propose pas quoi que ce soit de la sorte. La plus simple façon d'exprimer ce que je propose, c'est uniquement de remplacer une partie du taux de cotisation au RPC par quelques points de l'impôt général sur le revenu afin que vous ayez un changement sans incidence sur les recettes entre le RPC et...

M. Paul Szabo: Les personnes âgées ne paient pas d'impôt.

M. Michael Walker: Et un grand nombre de ses électeurs n'ont plus.

M. Paul Szabo: Eh bien, évidemment ils paient de l'impôt. Ok.

M. Michael Walker: Donc, je ne sais pas pourquoi il n'appuie pas ceci.

Vous avez donc un transfert sans incidence sur les recettes pour modifier l'incidence de cette taxe. Ce que je suggérerais est—et n'oubliez pas que l'augmentation du RPC doit se produire de façon graduelle—vous pourriez l'étaler, de la même façon que nous sommes censés avoir des dividendes fiscaux, sans aucun doute, et vous pourriez utiliser une partie de cela pour atténuer une partie de cet impact afin que nous puissions, nous l'espérons, obtenir des diminutions réelles de l'impôt au cours de cette période. Ce dont nous parlons, c'est un peu moins qu'une diminution générale de l'impôt que l'on paierait autrement, mais en même temps vous diminueriez l'impôt associé au RPC.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Je vous remercie monsieur le président. J'ai quelques points à préciser.

Lorsque vous parlez de subventions, essentiellement vous parlez du passif non capitalisé. Je me demande si votre régime prend en compte l'aspect de l'invalidité.

M. Michael Walker: Permettez-moi de préciser. Le passif non capitalisé comporte deux parties. L'une est ce qui va résulter de l'augmentation du taux. C'est ce qui entraîne l'aplanissement du taux pour les personnes nées en 1980 et après. Nous finançons donc une partie de ce passif non capitalisé à l'aide de cette cotisation. Mais cette subvention a toujours fait partie du régime pour toutes les personnes qui sont nées avant 1947. «Ca fait partie intégrante de la structure du régime. Donc, cette subvention demeure, même après les changements dont nous parlons ici, et c'est cette subvention que je proposerais que nous éliminions.

En ce qui concerne l'invalidité, il s'agit d'une caractéristique du remboursement total du régime, d'une certaine façon, et cette caractéristique devrait être financée au même titre que toutes les autres du régime. Pour créer ces divisions et dire qu'une partie est destinée à l'invalidité et une autre est pour... nous pourrions avoir de très bonnes raisons de nous inquiéter de la fréquence différentielle de l'invalidité, comme vous en avez sans doute discuté, entre le Québec et le reste des provinces.

Au Québec, le taux d'invalidité est beaucoup, beaucoup plus faible que dans le reste des provinces. Le doute que certains d'entre nous qui sont quelque peu cyniques entretiennent est que les provinces transfèrent une partie de leur fardeau attribuable à l'invalidité de l'aide sociale au RPC alors que ce n'est pas possible au Québec étant donné que les deux programmes sont administrés par le gouvernement provincial. Par conséquent, j'examinerais très attentivement s'il est question d'un véritable problème d'invalidité ou d'une quelconque lacune du système.

Mais ceci étant dit, vous financeriez la partie liée à l'invalidité de la même façon. L'invalidité comporte une portion non capitalisée tout comme pour le reste du régime parce que quelqu'un qui reçoit une pension d'invalidité va la recevoir pour la durée de son invalidité.

Mme Karen Redman: Dans votre régime, est-ce que ce serait supporté par cette augmentation de l'impôt global ou par les cotisations au RPC, ou peut-être une combinaison des deux?

M. Michael Walker: Ce que je suggère, c'est que la pleine portion de la subvention soit déterminée et transférée du RPC afin que la seule partie restante dans le RPC soit les cotisations directes que les gens versent à leur propre retraite.

Mme Karen Redman: Sur ce point, je vais citer votre mémoire:

    En vertu du RPC, les femmes qui vivent plus longtemps reçoivent au total plus de prestations, mais ne paient pas de primes plus élevées. Bref, c'est injuste.

Donc, en vertu de votre régime, est-ce que les femmes recevraient moins si elles avaient fait partie de la population active moins longtemps?

• 1855

M. Michael Walker: Ce mémoire est un travail de réflexion générale couvrant tout ce que vous pourriez faire en plus des changements qui ont déjà été apportés. Ce dont je voulais vous parler aujourd'hui, c'était la façon dont vous pourriez vous y prendre pour régler ce problème de la subvention intergénérationnelle d'une façon moins destructrice sur le plan économique, ce dont nous parlons également dans le mémoire.

Il ne fait pas de doute, et personne ne le nie, que les mêmes taux de cotisation pour un remboursement final différent mettent en cause une subvention de la même façon que les autres subventions sont en cause. Si vous imposez également les hommes et les femmes, et vous savez que les femmes vont recevoir des prestations pendant cinq ou six années de plus en vertu du régime, c'est une subvention. Vous subventionnez les pensions des femmes à l'aide des cotisations des hommes.

Encore une fois, il me semble que c'est masqué une question de subvention à l'aide d'une question de paiement des pensions des gens. Je ne pense pas que c'est ce que nous devrions faire non plus.

Mme Karen Redman: Nous revenons donc à la question de savoir si le travail non rémunéré a une valeur.

M. Michael Walker: Non, c'est une question tout à fait distincte. Si vous voulez alors parler de la question de savoir si les femmes au foyer devraient recevoir une pension ou une certaine compensation pour cela, c'est une question tout à fait distincte au sujet de laquelle nous pourrions avoir un long et intéressant entretien.

Le président: Je vous remercie madame Redman. Monsieur Valeri, une dernière question.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Tout d'abord, je vous sais gré des commentaires formulés plus tôt selon lesquels en réalité vous appuyez les modifications qui sont apportées au régime de pensions.

M. Michael Walker: Je suis heureux que cela ne vous ait pas échappé. Cela semble avoir échappé à tout le monde.

M. Tony Valeri: En réalité, je suis en quelque sorte arrivé au moment où vous en parliez, de sorte que vos propos ont attiré mon attention. Je vous en suis très reconnaissant.

J'aimerais concentrer mon attention sur la subvention dont vous avez parlé, le 3,8 p. 100 qui fait partie du 9,9 p. 100. Vous parlez de le ventiler et de le traiter d'une quelque autre façon.

Tout d'abord, on reconnaît que vous chercheriez à tenir compte du passif non capitalisé d'une certaine façon.

M. Michael Walker: Exact.

M. Tony Valeri: À cette fin, vous avez parlé d'obligations de reconnaissance comme étant une option. Si l'on adoptait les obligations de reconnaissance, tout ce que nous ferions en réalité serait de reporter le passif à plus tard.

M. Michael Walker: Non, on le financerait tout simplement à même l'impôt général tout comme les autres obligations du gouvernement, plutôt que de le financer à l'aide de cet impôt très étroit sur le travail...

M. Tony Valeri: Ce serait tout de même encore là, mais ce serait reporté à plus tard. Au moment où la dette survient, vous devriez émettre l'obligation de sorte que nous aurions à tenir compte de cette dette en quelque temps dans l'avenir—financée à même les recettes générales.

M. Michael Walker: Vous avez absolument raison.

M. Tony Valeri: Si on veut s'occuper du passif non capitalisé, vous nous dites de le sortir des recettes générales d'une quelconque façon. On a dit que pour régler cette question du passif non capitalisé et pour s'en occuper à même les recettes générales, nous envisagerions d'augmenter de 25 p. 100 l'impôt sur le revenu des particuliers ou de doubler la TPS.

Vous dites dans votre mémoire que le fardeau fiscal total des Canadiens est déjà élevé, et je pense que lors des préconsultations on a beaucoup parlé du fardeau fiscal des Canadiens. Je ne suis pas ici pour dire qu'il n'est pas élevé; il y a effectivement un fardeau et je crois qu'on doit s'en occuper à un moment donné. J'ai tout simplement de la difficulté à comprendre, puisque nous cherchons la meilleure façon de financer ce passif non capitalisé, l'idée que vous voudriez le retirer de la cotisation, le 9,9 p. 100, et l'intégrer aux recettes générales. Pour cela, il nous faudrait subir une augmentation importante de l'impôt sur le revenu des particuliers ou doubler la TPS.

M. Michael Walker: Il n'y aurait aucun changement à l'impôt total que vous percevez. Vous percevez suffisamment à l'heure actuelle pour payer la subvention et vous percevez le tout sous la forme de l'impôt au RPC. Si vous transférez la subvention aux impôts généraux, vous allez percevoir exactement le même montant d'argent. Ce serait payé différemment, par un groupe différent de personnes. Les personnes à faible revenu ne paieraient pas autant.

M. Tony Valeri: Donc, vous parlez encore de financement partiel, ou de ne pas rembourser entièrement le passif. Vous parlez encore de transférer ce montant supplémentaire dans les recettes générales. Parce qu'en 1998, le passif non capitalisé serait à toutes fins pratiques de 20 milliards de dollars: si vous deviez mettre fin au RPC demain, en 1998 nous aurions un passif non capitalisé de 20 milliards de dollars. Vous dites de financer ce montant à partir des recettes générales?

• 1900

M. Michael Walker: Aucune de ces propositions ne vous permettra de le réduire. En ce qui concerne les dispositions actuelles, vous allez faire passer le taux de cotisation à 9,9 p. 100, et le taux de cotisation va augmenter pendant longtemps puis il va baisser. Cela ne sera pas un problème pour nous.

Donc personne ne parle de finaliser quoi que ce soit. Vous allez tout simplement laisser courir la chose exactement de la façon dont cela se passe actuellement, mais plutôt que d'aller chercher les recettes pour financer les pensions que vous allez verser, au moins cette partie des pensions que vous allez payer qui correspond à une subvention, vous allez percevoir ce montant à même l'assiette fiscale générale plutôt qu'à partir des retenues à la source que vous imposez actuellement dans le RPC. Il va donc y avoir un effet de compensation dans les deux formes d'imposition.

M. Tony Valeri: Donc vous appuyez les changements en cours dans le projet de loi C-2.

M. Michael Walker: C'est un pas dans la bonne direction.

M. Tony Valeri: C'est un pas dans la bonne direction.

M. Michael Walker: Nous prenons partiellement la subvention et nous limitons le taux de cotisation. Plutôt de continuer d'augmenter le taux de cotisation, nous le limitons. Donc nous faisons une partie du travail, mais une très petite partie seulement. Comme vous pouvez le constater sur ce tableau, nous avons réalisé une très petite partie du travail au chapitre du redressement des subventions intergénérationnelles qui sont en cause.

M. Tony Valeri: Donc sur la somme de l'argent perçu, ce qui équivaudrait à 3,8 p. 100 des cotisations, vous dites que vous iriez chercher cet argent dans les recettes générales. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Michael Walker: Précisément.

M. Tony Valeri: Aller chercher cet argent dans les recettes générales d'une façon ou d'une autre?

M. Michael Walker: Oui.

M. Tony Valeri: Donc augmenter les impôts sur le revenu des particuliers, les impôts des sociétés, la TPS ou autre chose. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Michael Walker: Mais réduire le taux de cotisation. Le taux de cotisation au RPC baisse...

M. Tony Valeri: Certainement, de 3,8 p. 100.

M. Michael Walker: C'est cela.

Les électeurs de M. Nystrom verront donc une réduction de leur facture globale au titre des impôts. Les jeunes qui essaient d'entrer sur le marché du travail verront une réduction dans le prix de la cravate qu'ils doivent porter à leur cou lorsqu'ils vont chez un employeur et disent «s'il vous plaît, prenez-moi comme employé». Ils ont déjà à composer avec un salaire minimum, et puis ils ont toutes ces retenues à la source. Bien, nous coupons presque de moitié les retenues à la source qu'ils devront payer.

M. Tony Valeri: Vous ne les couperiez pas de moitié. Vous passeriez à 9,9 p. 100 moins 3,8 p. 100. Ce n'est pas tout à fait la moitié. Mais cela les réduit—je vous l'accorde.

M. Michael Walker: Cela dépend de ce que le régime fiscal rapporte. Si vous réduisez les taux d'imposition, vous pouvez relever le rendement du régime fiscal de façon que le transfert soit moindre. Il se peut que vous soyez en mesure de faire une réduction supérieure à 3,8 p. 100.

M. Tony Valeri: Sur la réduction d'impôt?

M. Michael Walker: Oui.

En premier lieu, il n'est pas évident que ce soit seulement 3,8 p. 100. Ce 3,8 p. 100 mentionné par M. Szabo ne couvre pas toute la subvention, parce que ceux qui reçoivent des prestations d'invalidité, par exemple, sont également subventionnés parce qu'ils touchent une pension qui englobe la subvention. C'est pour cette raison que j'ai dit qu'il s'agit d'un calcul très complexe. D'ici à ce que le tout soit démêlé et que la poussière soit retombée, le taux sera probablement supérieur à 3,8 p. 100.

M. Tony Valeri: Je ne sais pas si vous seriez d'accord avec cela. La répartition touche la pension de retraite. Le pourcentage des gains cotisables du RPC pour la pension de retraite est de 4,3 p. 100, de 1,1 p. 100 pour les prestations d'invalidité, de 0,1 p. 100 pour l'administration. Exact? Donc le coût total actuariellement juste est de 6,1 p. 100. Vous ajoutez le 3,8 p. 100 pour tenir compte du passif non capitalisé, et cela vous amène à 9,9 p. 100. La rupture est là. On peut difficilement voir où vous obtiendrez une meilleure coupure.

M. Michael Walker: Si vous aviez fait ces calculs aussi longtemps que je les ai faits, vous pourriez apprécier... Dire qu'il s'agit de 3,8 p. 100 ou de 6,2 p. 100 correspond à simplifier tous les calculs. C'est tout ce que je dis.

Le président: Merci beaucoup monsieur Walker. Au nom du comité, j'aimerais vous présenter nos plus sincères remerciements pour votre exposé.

Je serais aussi intéressé par tout rapport fait par l'Institut Fraser ou remis à ce dernier relativement à l'étude du modèle chilien. Nous aimerions, en tant que comité, en prendre connaissance.

Nous allons faire une pause de deux minutes. Nous reviendrons pour entendre Mme Kathleen Connors et Mme Debra McPherson de la Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers.

• 1904




• 1906

Le président: À l'ordre s'il vous plaît.

Je profite de l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux déléguées de la Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers, Mme Kathleen Connors et Mme Debra McPherson. Bienvenue. Nous avons hâte de vous entendre.

Mme Debra McPherson (secrétaire-trésorière, Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers): Nous sommes heureuses d'être ici pour vous parler des problèmes des pensions au nom des infirmières et des infirmiers exerçants syndiqués au Canada. C'est bon de vous revoir encore. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais nous avons eu une longue conversation à bord d'un avion il y a plusieurs années lorsque vous étiez encore un néophyte en matière de soins de santé.

Le président: Je le suis toujours.

Mme Debra McPherson: La Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers est une organisation qui a été fondée en 1981. Nous représentons quelque 47 000 infirmières et infirmiers syndiqués à travers le Canada, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. Nous nous sommes récemment affiliés au Congrès du Travail du Canada, ou nous le serons le 1er janvier de cette année. Notre organisation comprend le Syndicat des infirmières et des infirmiers de la Colombie-Britannique, les associations des infirmières et des infirmiers titulaires de l'Alberta, le syndicat des infirmières et des infirmiers du Manitoba, le syndicat des infirmières et des infirmiers du Nouveau-Brunswick, le syndicat des infirmières et des infirmiers de Terre-Neuve et du Labrador, et le Groupe des sciences infirmières de l'IPFPC. Nous venons récemment de nous joindre aussi au syndicat des infirmières et des infirmiers de la Saskatchewan aux fins de notre affiliation.

Nos membres prodiguent des soins directs aux consommateurs des services de santé. Plus particulièrement, nous représentons des gens qui assurent des soins pratiques de longue durée, qui travaillent dans des unités pour les maladies chroniques, des unités de soins pour malades aigus au sein de la communauté dans tous les domaines des services infirmiers. Nous représentons un large éventail de personnes qui ont beaucoup de contacts avec les consommateurs de soins de santé—les malades, comme nous aimons les appeler.

Nos membres comprennent bien les facteurs sociaux de la santé et le rapport entre la pauvreté et la richesse. Je ne pense pas que quiconque parmi vous ait pris soin d'une petite vieille qui arrive à la salle d'urgence après avoir mangé de la nourriture pour chat pendant six mois. Ce n'est pas beau à voir. Il y a certaines corrélations vraiment fortes entre la pauvreté et la richesse, et elles ont fait l'objet de recherches et d'études depuis nombre d'années. Il serait facile de les retrouver en bibliothèque.

Notre constitution nous permet de nous présenter dans des lieux comme celui-ci pour promouvoir des mesures législatives à l'appui de la santé des Canadiens et pour régler des problèmes que nous connaissons sur ces mesures, problèmes qui peuvent avoir un effet négatif sur nos membres ou sur le public en général.

Kathleen, notre présidente, va vous faire part de certaines de nos préoccupations.

Mme Kathleen Connors (présidente, Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers): J'aimerais commencer en vous disant que les infirmières et les infirmiers ne se sont jamais considérés comme des experts en matière de pension. Nous sommes des experts dans la prestation des services de soins de santé, certes, mais lorsqu'il s'agit d'examiner tous les dédales des pensions, nous comptons sur ceux qui sont des experts en ce domaine. Par conséquent, nous aimerions recommander à ce comité que si vous n'avez pas déjà fait appel à des témoins experts, le comité pourrait bien faire preuve de sagesse en entendant Monica Townson témoigner sur la façon dont les questions liées à la pension auront une incidence particulière sur les femmes. De plus, Monica peut très facilement examiner tous les déterminants relatifs aux questions liées à la santé.

• 1910

Mme Townson vient de mettre la dernière main à un document—je ne sais pas s'il a déjà été publié, mais je l'ai certainement vu—pour le Centre canadien de recherche en politiques de rechange, intitulé Myths vs. Realities: Protecting Public Pensions. Bien qu'il ne soit pas encore joint à vos documents, après notre exposé je ferai une copie d'un exposé que Mme Townson a fait dans le cadre de notre convention nationale en juin 1997. Il s'agit d'un excellent document et je crois qu'il permettrait à ce comité de mieux apprécier et de comprendre les problèmes liés au Régime de pensions du Canada.

Debra a aussi fait référence au fait qu'en janvier 1998, la FNSII s'affiliera au Congrès du Travail du Canada. L'un des plus récents avantages pour nous d'être membres du CTC a été la volonté du Congrès du Travail de partager ses préoccupations au chapitre du RPC. Par le passé, nous avons travaillé ensemble sur des questions touchant le programme de pensions, la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti. Je crois que le Congrès se présente devant le comité demain. Nous voudrions que le comité porte une attention particulière aux questions soulevées par le Congrès dans son exposé, ce que nous endossons certainement mais nous n'en avons pas parlé dans le nôtre.

Le fait que le revenu soit, pour la santé, un facteur déterminant d'une telle importance est très éloquent. Tenter de se débrouiller avec un revenu inadéquat peut être une source grave de stress et d'anxiété. Le bien-être de nos futures personnes du troisième âge nous tient vraiment à coeur parce que nous en ferons tous partie plus vite que nous aimerions le croire. Cela nous importe tout particulièrement parce que 97 p. 100 de nos membres sont des femmes, et nous savons que la majorité de nos personnes du troisième âge sont des femmes, donc, cela nous touche beaucoup.

Le recensement de 1991 fait référence au fait que les femmes formaient 58 p. 100 de la population de 65 ans et plus. Il y avait 60 p. 100 de personnes âgées de 75 ans à 84 ans, et 70 p. 100 âgées de 85 ans et plus. Plus encore, les démographes prévoient que si les tendances actuelles concernant la mortalité se maintiennent, le ratio femmes-hommes dans la population augmentera encore. Par conséquent, lorsque les gens parlent du vieillissement de notre population, ils parlent vraiment d'une question de toute première importance pour les femmes.

La santé financière des femmes est capitale pour leur bien-être à mesure qu'elles vieillissent—à mesure que nous vieillissons. Bien sûr, lorsque le débat sur les pensions a commencé au début des années 80, le problème de la pauvreté des femmes âgées et l'importance d'assurer de meilleures pensions aux femmes furent bien reconnus. Il s'agissait de l'un des quatre points clés à l'ordre du jour d'une conférence qui portait sur cette question en 1981. Cela nous peine de voir qu'en février 1996, le document de travail du gouvernement sur les changements proposés ne contenait pas un seul mot au sujet de l'incidence des propositions sur les revenus des personnes du troisième âge en devenir.

Nous ne percevons pas le RPC comme un programme d'assistance sociale destiné uniquement aux personnes à faible revenu. Nous voyons le Régime de pensions du Canada comme un programme social, où, tous ensemble, nous avons convenu de mettre en commun les risques liés à la perte de revenus à laquelle nous aurons à faire face lorsque nous prendrons notre retraite ou que nous serons frappés d'invalidité.

Nous réalisons que des gens peuvent aussi s'occuper de leur propre retraite. Bien entendu, on a laissé le champ libre à ceux qui ont pris privément des dispositions en vue de leur retraite, et pour que des personnes puissent ajouter à ce qu'ils reçoivent du programme public en puisant dans leurs économies et leurs régimes de pensions. Je dois vous dire, en tant qu'infirmière et que femme, que de plus en plus de nos membres, à cause des coupures dans les soins de santé, sont forcés de reprendre le collier comme employés à temps partiel et, pis encore, comme infirmières/infirmiers occasionnels travaillant dans une, deux ou trois institutions pour avoir un revenu suffisant. Subséquemment à la question de l'emploi occasionnel, il y a le fait que nous ne nous qualifions pas, en tant qu'employés occasionnels, pour jouir des prestations de retraite. Comment pouvons-nous accumuler nos prestations de retraite lorsqu'on nous refuse de participer aux régimes de pensions là où nous travaillons? En 1997, c'est ridicule.

• 1915

Nous ne voulons pas que le Régime de pensions du Canada soit érodé. Nous voulons un processus qui permette de l'améliorer. Nous savons que les taux de cotisation doivent être déterminés longtemps d'avance et qu'il existe un processus d'examen, mais nous sommes heureuses de constater, tout comme le CTC, que l'examen se fera maintenant à tous les trois ans plutôt qu'à tous les cinq ans. Nous voyons l'examen et la présente législation comme venant mettre un point final au débat.

Ce que nous allons faire dans l'avenir, voilà ce dont nous sommes vraiment prêts à parler. C'est très important.

Nous devons porter une attention particulière au fait—et je dis cela parce que nous avons fait une certaine analyse des rôles masculins et féminins dans le cadre du problème—que les femmes ont des revenus moindres et des emplois différents. Nous avons tendance à avoir une plus grande mobilité d'emploi, nous prenons notre retraite plus tôt et nous vivons plus longtemps. Nous croyons que ce genre de problématique a été négligé dans l'examen de ce qui arrivera au RPC.

Pour les infirmières et les infirmiers canadiens syndiqués dont les régimes de pensions peuvent avoir été intégrés au RPC, on n'a pas tenu compte du besoin de renégocier et de financer les prestations de transition. Le régime de pensions actuel pour les infirmières et les infirmiers qui ont pris leur retraite a tenu pour acquis que le RPC demeurera ce qu'il est actuellement, mais il change.

Plusieurs modalités de retraite anticipée qui ont été négociées au cours des quelques dernières années tiennent compte des avantages actuels du RPC. Nous n'avons aucune chance de renégocier pour ceux qui ne font plus partie de la population active. Ainsi donc, plaçons-nous dans une impasse les infirmières et les infirmiers, ainsi que d'autres personnes qui ont choisi la même option de retraite anticipée lorsqu'il est question, en cours de route, de leurs revenus de retraite?

Cela ne changera pas à moins que ce gouvernement ne voie soudainement la lumière et modifie les sommes d'argent qui sont transférées aux provinces pour les soins de santé. Nous continuons de voir des coupures, nous voyons notre travail donné à contrat et nous voyons la réduction des effectifs. Aucune de ces réalités auxquelles les travailleurs des soins de santé ont à faire face ne nous rassure de quelque manière en ce qui concerne les problèmes liés à la retraite.

Nous devons reconnaître que le Canada a le taux de cotisation à la source le plus bas pour les pensions parmi les principaux pays industrialisés, y compris les États-Unis, donc dire que le RPC est injuste ou instable n'est pas vrai. Je crois qu'il nous faut reconnaître que ce que nous payons pour le RPC et ce que nous paierons dans l'avenir est bien peu par comparaison avec ce que d'autres pays paient.

Nous revenons encore à nos problèmes concernant l'analyse des rôles masculins et féminins qui n'a pas été faite. Nous croyons que c'était un engagement de ce gouvernement dans la foulée de Beijing qu'il y aurait une analyse des rôles masculins et féminins dans toutes les lois.

Ajouter aux 53 p. 100 de femmes âgées vivant déjà sous le seuil de la pauvreté est inacceptable, et encore une fois nous les voyons en tant qu'infirmières et infirmiers et nous nous soucions de ce qui arrive à ces personnes.

Nous ne voulons pas que cela soit un autre programme social qui s'érode au Canada. Nous ne voulons laisser personne pourvoir à ses propres besoins.

L'une des premières choses que Debra et moi avons apprises comme infirmières a été de trouver le moyen d'intervenir et de défendre ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes. Nous croyons que défendre un régime de pensions amélioré est un rôle qui nous importe. Nous avons soulevé la question des besoins d'un revenu spécial de retraite pour les femmes et nous prions instamment le comité de se pencher sur l'incidence de ces problèmes sur les hommes et les femmes.

Il nous faudra admettre que la majorité des femmes ne sont pas en mesure de financer leur propre retraite. En tenant compte à la fois des changements sur le marché du travail et de ce qui sera vraisemblablement un accroissement des obligations sociales pour les femmes d'entreprendre encore plus de travail en soins de santé non rémunéré dans nos maisons, le renforcement de nos régimes de pensions de l'État est essentiel si nous voulons que les pensions jouent un rôle dans le maintien de la santé des Canadiens.

Il nous fera plaisir de répondre aux questions du comité. Debra a encore deux ou trois commentaires à faire pour conclure.

Mme Debra McPherson: Je pensais tout juste que le comité devrait prendre conscience du fait qu'au Canada nous constituons une population active composée très majoritairement de femmes. À l'heure actuelle, l'âge moyen des infirmières au Canada est d'au moins 42 ans. Ce sont des femmes qui n'ont vraiment plus grand temps pour accroître leurs gains ouvrant droit à pension. La majorité de nos membres n'ont eu accès qu'à des régimes de pensions municipaux ou de fonctionnaires pendant moins de 15 ans.

• 1920

Par exemple, je travaille en Colombie-Britannique aux soins critiques et aux soins intensifs en chirurgie cardiaque, et après que j'aurai travaillé 35 ans à mon taux de rémunération actuel—qui ne changera vraisemblablement pas, compte tenu de tous les gels sur les salaires du secteur public, soit énoncés par écrit ou ceux auxquels tout le monde pense lorsque nous négocions—, je prendrai ma retraite avec une pension de 1 300 $ par mois. Cela comprend la réduction du RPC.

Ainsi donc, je vais travailler toute ma vie pour maintenir d'autres personnes en santé et je mourrai probablement dans l'indigence selon les standards actuels de la pauvreté au Canada.

Je pense qu'il est important que vous le sachiez, à cause de ce vaste groupe de femmes qui en sont rendues à ce point-ci de leur carrière, et du salaire qu'elles touchent. Les infirmières sont en réalité des femmes relativement bien payées parmi la population active actuelle, mais avec les années de lutte pour l'équité salariale, l'écart des salaires entre les infirmières et les travailleurs masculins comparables se situe encore autour de 17 p. 100.

Ainsi, même si vous avez augmenté l'impôt entourant nos régimes de pensions municipaux et de fonctionnaires, la dure réalité est que la majorité des infirmières n'ont pas suffisamment de revenus pour maximiser leur marge fiscale. De fait, comptons uniquement sur nos régimes de pensions.

De plus, compte tenu des tendances accrues pour la privatisation que l'on connaît actuellement en matière de soins de santé, les employeurs privés ne pèsent pas lourd dans les régimes de pensions. Nous avons des infirmières qui travaillent aux soins de longue durée. La plupart d'entre elles n'ont soit pas de régime de retraite, ou encore elles ont des taux de cotisation ouvrant droit à pension inférieurs à 3 p. 100 chez leur employeur. Ainsi, leur pension sera inférieure à la pension que je prévois recevoir.

Vous savez que, les services communautaires forment une partie importante des budgets des soins de santé qui vont de plus en plus à des sociétés et à des employeurs privés à travers le Canada.

Je crois que vous devriez reconnaître qu'à moins de nous tenir vraiment derrière notre système d'État, les salaires de ces femmes resteront probablement faibles et ne progresseront pas comme nous l'aurions voulu.

Tout cela faisait partie des choses que je voulais dire.

Il se pourrait aussi que vous soyez intéressé de savoir qu'à l'heure actuelle, en Colombie-Britannique, 47 p. 100 des infirmières de notre province, 47 p. 100 de 35 000 femmes, travaillent soit à temps partiel ou comme occasionnelles car elles ne peuvent trouver un travail à temps plein en raison de la réduction de la population active en nursing, réduction liée aux coupures dans les soins de santé. Ils ne peuvent pas les embaucher. De nouvelles diplômées, de jeunes femmes qui se joignent à la population active lorsqu'elles sont dans la vingtaine, ne peuvent pas avoir accès à des emplois à temps plein avant cinq ans en Colombie-Britannique, et nous comptons parmi les meilleures provinces pour cela.

Ce sont des personnes qui, actuellement, ne contribuent pas à quelque sorte de régime de pensions que ce soit et qui, en raison du fait que la nature de leur travail n'est pas continue, ne gagnent pas suffisamment d'argent pour commencer à en mettre de l'argent dans des régimes privés ou dans des REER.

Nous sommes une population active hautement organisée. La majorité des infirmières au Canada, c'est-à-dire plus de 80 p. 100, sont syndiquées. Donc nos salaires et nos régimes de pensions sont supérieurs à ceux de toutes les femmes qui travaillent au pays. J'attirerais également votre attention sur cela.

Donc, si c'est l'image que nous projetons, imaginez-vous ce que cette image serait pour nombre d'autres femmes.

Le président: Merci, madame McPherson, merci madame Connors.

Nous allons maintenant faire un tour de table de cinq minutes en commençant par Diane Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Merci monsieur le président, j'ai entendu les cinq minutes cette fois-ci. Je veux que vous le sachiez.

Nous vous sommes reconnaissants d'être ici en tant qu'intervenants, et je dois dire que vous êtes des défenseurs très efficaces, surtout lorsque vous nous parlez de vos vies privées, de vos préoccupations. Je crois que tous ceux qui prennent place autour de cette table se disent «Est-ce que je voudrais vivre avec 1 300 $ par mois lorsque je prendrai ma retraite?» C'est une perspective très effrayante.

Mon mari est décédé il y a plusieurs années, et j'ai pensé qu'il me faudrait non seulement subvenir à mes besoins et à ceux de ma fille, encore qu'il me faudrait prévoir ma retraite moi-même. C'est une perspective très terrifiante. Le fait de porter cela à l'attention du comité est très important. Il nous faut réaliser qu'il y a de vraies personnes qui sont touchées par ces changements.

L'une des choses qui m'a troublé est que même s'il y a une contribution qui est faite en vertu des changements apportés à ce régime, le retour sur la contribution que ceux qui sont particulièrement plus jeunes gagneront est de loin inférieur à ce qui est nécessaire. Il y aura un gain inférieur à 2 p. 100 en termes réels sur leur investissement durant leur vie, et c'est une honte et un gaspillage. C'est parce que le régime a été mal géré.

• 1925

Voilà donc où nous en sommes aujourd'hui. Je voulais surtout en savoir plus sur vos préoccupations concernant la pauvreté chez les femmes âgées. Une des choses que nous avons pensé régler est d'avoir un régime de pensions des travailleurs qui soit versé à leur propre compte individuel. De cette façon, lorsqu'un travailleur décède, plutôt que de laisser à sa conjointe une partie seulement de son droit à pension, elle hériterait de la totalité de son compte de pension. Je crois que cela contribuerait beaucoup à accroître la sécurité financière du survivant, habituellement une femme, comme vous le faites remarquer.

Je ne sais pas. Comme vous le dites, vous n'êtes pas des actuaires ni des comptables, mais avez-vous pensé à des moyens qui permettraient aux conjoints de partager les droits à pension de façon qu'il y ait une protection accrue pour le survivant?

Mme Debra McPherson: Vous avancez toute une hypothèse pour commencer: vous supposez qu'il y a un conjoint.

Mme Diane Ablonczy: Bon point.

Mme Debra McPherson: Je voudrais simplement souligner que je n'ai pas de conjoint et je ne crois pas que cela me démarque chez le monde des femmes. La majorité des infirmières ont été laissées là, dans la trentaine, par leur premier docteur de mari tombé sous les charmes d'une autre personne plus fringante. Il y a quantité de ce type d'infirmières dans le monde qui nous entoure. Vous posez une vaste hypothèse quant au nombre de personnes qui atteignent vraiment l'âge de la pension et qui ont toujours un conjoint.

Puis vous postulez que le conjoint a une pension et que son partenaire a travaillé. Les chiffres du chômage étant ce qu'ils sont, quantité d'infirmières que je connais pourvoient aux besoins de toute leur famille, y compris à ceux de leur mari mis en disponibilité.

Je pense que cela pourrait fonctionner pour certaines personnes. Je ne sais pas. Je ne suis pas celle qui va en établir le coût. Cela met simplement de côté quantité de gens. C'est la première perception que j'en ai.

Mme Kathleen Connors: Je pense qu'il importe de reconnaître qu'en tant que fédération, l'une des choses fondamentales auxquelles nous croyons est la mise en commun des ressources. Créer des fonds individuels me pose de vrais problèmes. Comme organisation, je pense que nous rejetons la création de super-REER individuels ou ce genre de concept. Comme organisation, nous croyons au règlement collectif des problèmes.

Nous venons ici dire que le Régime de retraite du Canada a ses faiblesses, mais on peut les corriger. En soulevant ces questions, nous voudrions que le comité et que le gouvernement se consacrent au règlement des problèmes collectifs, parce que nous nous soucions de tous les Canadiens, qu'ils travaillent et qu'ils aient un conjoint ou non. Nous devrions tous avoir des degrés relatifs d'équité en tant que citoyens de ce pays.

Le président: Merci, madame Ablonczy, monsieur Crête.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): J'ai été particulièrement intéressé par ce que vous dites dans votre mémoire en ce qui a trait à la révision qu'il y aura tous les trois ans et à l'appel que vous faites au comité de faire une étude des impacts, selon le sexe, des changements qu'il y aura dans le Régime. Je pense que la majorité libérale avait pris un engagement un peu semblable dans sa plate-forme électorale, ce qui n'a pas nécessairement été fait à ce jour. Est-ce que cela prendrait la forme d'un amendement au projet de loi? Par exemple, on pourrait dire que lors de la prochaine revue, il faudra qu'il y ait une étude formelle. Ou bien est-ce qu'il faudrait un engagement du gouvernement, sans que ce soit un amendement à la loi, qui pourrait être une lettre d'intention qui confirmerait cette chose-là? Je pense que vous avez une attitude assez constructive.

Vous auriez pu dire que cela fait longtemps que cela aurait dû être fait, mais vous nous dites que si c'était fait au cours des prochaines révisions, ce ne serait déjà pas si mal. Quelle voie privilégiez-vous à cet égard?

[Traduction]

Mme Kathleen Connors: En réponse à la question, je dois dire au comité qu'il y a environ deux ans, la Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers a dû faire appel à la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir un document de travail que Monica Townson avait élaboré dans le cadre d'une analyse des problèmes liés aux pensions des femmes. Nous avons dû recourir à la Loi sur l'accès à l'information pour l'obtenir. Monica a fait valoir que même après Beijing, cela ne s'était pas produit.

• 1930

Donc en réponse à votre question, un engagement ne suffit pas. Nous avons entendu l'engagement; nous voulons le voir concrétisé. Pourquoi cela n'a-t-il pas été dans le cadre du projet de loi C-2? Pourquoi les amendements n'ont-ils pas fait l'objet d'une analyse des rôles masculins et féminins? Par conséquent, si cela nécessite un amendement, ce serait pour moi la façon d'enchâsser l'engagement requis dans la Loi, pour que cela arrive aux femmes du Canada.

Le président: Madame Connors, juste un point d'information, cette fois-ci; le jour suivant leur convocation devant notre comité, les représentants officiels nous ont de fait présenté une analyse des rôles masculins et féminins.

Mme Kathleen Connors: Nous sommes heureux de l'entendre, mais cela aurait certainement été très utile pour nous d'avoir cette analyse des rôles masculins et féminins lorsque nous avons préparé nos documents.

Le président: Je comprends. Je faisais simplement remarquer qu'en fait une analyse des rôles masculins et féminins a été faite et qu'elle a été déposée devant le comité.

Monsieur Crête.

[Français]

M. Paul Crête: Si les analyses ont été déposées, peut-être que le projet de loi ne reflète pas les conclusions que que vous avez tirées. Il faudra aller vérifier si les analyses donnent les mêmes résultats. Peut-être que l'amendement souhaitable serait plutôt de dire que des mesures doivent être prises pour donner suite à l'analyse, si elle existe déjà. Êtes-vous d'accord sur cela?

[Traduction]

Mme Debra McPherson: Nous n'avons pas vu l'analyse des rôles masculins et féminins pour en donner notre évaluation. En tenant pour acquis qu'elle est exhaustive et précise, ce serait la façon de procéder.

Le président: Nous allons faire en sorte que vous puissiez la voir.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Je veux remercier la Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers de sa présence ici ce soir. Je désire également vous féliciter pour la décision que vous avez prise récemment de vous joindre au Congrès du Travail du Canada, à Bob White et au CTC. Je crois qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction vers l'unification des travailleurs, un pas très progressif, et je suis certain que mes amis libéraux en conviendront.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Selon vous.

M. Lorne Nystrom: Je veux également...

Mme Debra McPherson: Notre opinion est la seule qui compte sur ce point. Nous l'avons décidé et nous avons fait le pas. Ce n'est pas votre opinion.

M. Lorne Nystrom: Je l'admets. Je suis sûr qu'ils accepteraient comme moi de vous féliciter pour cela, mais j'ai voulu le faire avant eux.

Le président: Nous savons tous ce que vous voulez dire.

M. Lorne Nystrom: De toute façon, j'ai voulu dire que j'étais certainement d'accord avec vous sur votre façon d'aborder cette question en parlant de la démarche collective et de faire les choses ensemble comme Canadiens. Je crois que cela est très très important.

Personnellement, l'une de mes préoccupations concernant le projet de loi personnellement, et je connais d'autres groupes qui l'examinent, comme le gouvernement de la Saskatchewan et le gouvernement de la Colombie-Britannique n'appuient pas ce processus, c'est que le RPC devient moins constructif. Par exemple, les prestations de survivant sont réduites de 3 580 $ à 2 500 $. Les veuves ont tendance à être plus nombreuses que les veufs, et je crois que cela concerne les femmes. Même dans l'analyse des rôles masculins et féminins que j'ai vue—je ne l'ai pas avec moi ce soir—il y a une réduction plus grande des prestations pour les femmes que pour les hommes. Je peux vous montrer la page portant sur le sujet demain s'il vous arrivait d'être à proximité du comité lorsque le CTC sera ici.

Aussi, il va y avoir le gel de l'exemption annuelle de base à 3 500 $. Cela a toujours été indexé à l'inflation. Lorsque c'est indexé à l'inflation, cela favorise les gens à faible revenu. À présent, il n'y aura plus d'indexation. À mesure que l'inflation augmente, cela signifie que de plus en plus de gens seront pris dans le filet, et plus de personnes à faible revenu au Canada sont des femmes, comme vous le dites, comparativement aux hommes, de telle sorte qu'une fois de plus, l'impact sera plus marqué sur les femmes.

Je suis préoccupé par le manque de progressivité, et je me demande seulement si vous pouviez élaborer sur cela. Je sais que c'est une préoccupation du CTC et d'autres groupes progressifs. Comme je l'ai dit, le gouvernement de la Saskatchewan et le gouvernement de la Colombie-Britannique, les deux gouvernements néo-démocrates, ne feront pas partie de ce groupe parce qu'ils ne croient pas que ce soit aussi progressif que cela devrait l'être. En d'autres termes, nos amis libéraux sont devenus très conservateurs.

Mme Kathleen Connors: Je pense que les données que Monica Townson a partagées avec la Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers portaient en quelque sorte sur la façon dont les emplois non typiques augmentent: travail à temps partiel, travail temporaire, le soi-disant démarrage de votre propre entreprise, le cumul d'emplois. Il existe des statistiques très intéressantes quelque part sur le nombre d'infirmières et d'infirmiers qui travaillent au moins pour trois employeurs. Il y a des infirmières et des infirmiers dans ce pays qui travaillent pour six employeurs dans le but d'avoir un emploi à temps plein.

• 1935

En 1994, 40 p. 100 des emplois des femmes, par comparaison au 27 p. 100 des emplois des hommes, étaient non typiques. Je crois donc qu'il s'agit de statistiques utiles. Les travailleurs qui occupent des emplois non typiques n'ont pas de régime de pensions en milieu de travail parce qu'ils n'ont pas de liens à long terme. Un employé occasionnel est embauché au début de chaque quart et mis à pied à la fin, de sorte qu'il n'y a aucun accès aux prestations de retraite.

Debra a parlé du niveau absolument dégoûtant des pensions dans nos installations de soins de longue durée. Je dois dire que la pire des pires de ces entreprises sont les sociétés privées à but lucratif qui gèrent nos maisons de soins infirmiers. Donc nombreuses sont les infirmières qui n'ont pas accès... comme le peuvent d'autres femmes qui travaillent aux soins de longue durée. Parmi l'éventail des services de soins infirmiers basés dans les localités, les groupes privés en font partie également, et il n'y a aucun régime de retraite disponible pour les travailleurs.

Ces préoccupations sont donc légitimes. Et lorsque nous entendons des groupes d'employeurs dire avoir besoin de travailleurs occasionnels plus souples, cela réduit à néant la capacité de retraite des gens qui désirent avoir une certaine qualité de vie et une sécurité du revenu au moment où ils sont enfin capables de se retirer de la population active.

Je pense que l'autre réalité à laquelle Debra a fait référence est le fait que nous avons une population active qui vieillit dans le domaine des soins infirmiers. Relativement à cela, l'une des options que les gouvernements n'ont certainement pas mises à la disposition des infirmières et des infirmiers est la même option qui est offerte à d'autres groupes d'employés à prédominance masculine, et c'est la capacité de prendre une préretraite sans perte de pensions en raison des aspects sécuritaires publics de notre travail.

Et je peux vous affirmer que des infirmières et des infirmiers au Canada se blessent au travail et qu'ils sont aussi exposés à un milieu de travail violent que le sont les policiers de ce pays, et les policiers ont accès à la retraite anticipée avec toutes les prestations de retraire, comme c'est le cas des contrôleurs de la circulation aérienne, des militaires, des pompiers, etc. J'ai témoigné devant des comités du gouvernement pour plaider ce cas par le passé. C'est une autre réalité: les dos et les corps des infirmières et des infirmiers ne peuvent travailler jusqu'à 65 ans, dans plusieurs cas, ainsi notre revenu de retraite va même être réduit parce que nous voulons aller au maximum durant ces dernières grosses années de service uniquement en raison des réalités du milieu de travail.

Mme Debra McPherson: Je connais très bien les statistiques de la Colombie-Britannique, et de fait, les travailleurs des soins de santé de la Colombie-Britannique ont le plus haut niveau de blessures musculosquelettiques, même plus que les bûcherons, les mineurs, et les gens qui travaillent sur les quais, les débardeurs et qui ont connu également des épisodes plus violents qui entraînent plus d'absences du travail que chez les policiers. Ils ont subi plus de voies de fait que des policiers et malgré cela ils ne peuvent jouir d'une retraite anticipée.

Je veux dire aussi, en réponse à l'autre question, que les femmes subissent à l'heure actuelle un grand stress financier à cause de la restructuration par le gouvernement de tous les programmes qui ont une incidence sur les femmes. Elles sont sous un stress accru relativement au coût de la prestation des soins à domicile à cause de tous les récents congédiements et en raison du fait qu'il n'existe pas de couverture complète des services des soins à domicile par la Loi canadienne sur la santé. Il leur faut donc composer avec ça. Il y a également des changements à la pension de vieillesse, et il y a le fait des restrictions des salaires du secteur public lorsque de nombreuses femmes travaillent dans ce secteur ou dans les industries de service. La privatisation des services gouvernementaux exerce une forte pression vers le bas sur les salaires et sur notre capacité de traiter des questions de pension et autres problèmes.

Et puis, bien entendu, il y a l'échec au chapitre de la promesse des programmes de garderie, un autre énorme fardeau financier pour les femmes à l'heure actuelle étant donné que les fournisseurs de ces services ne peuvent obtenir un salaire convenable dans un tel milieu, mais également comme employés salariés qui voient la grande majorité de leur salaire net aller aux garderies. Donc, où est-ce que les femmes vont trouver l'argent à consacrer à leur retraite à la fin de la journée? Par rapport à la jeune personne qui est si injustement imposée, comme l'affirme votre collègue, la raison pour laquelle elles le font, c'est peut-être parce qu'elles ont dû dépenser tout son argent pour payer les soins à leurs enfants durant leur croissance.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Jones.

• 1940

M. Jim Jones: Merci monsieur le président.

En premier lieu, merci beaucoup d'être venu ici ce soir. Vos exposés étaient très intéressants.

Hier, nous avions ici les pompiers et les policiers. Ils demandaient les prestations du RPC à 55 ans et à 60 ans pour cause d'invalidité et de stress au travail. Je pense que si nous nous penchons sur leurs cas, et je ne suis pas certain que nous allons le faire, nous devrions définitivement prendre en compte les risques inhérents aux soins infirmiers, non seulement le stress, le levage et ainsi de suite, mais également les possibilités de contracter le VIH par une aiguille infectée et tous les risques qui l'accompagnent.

Je n'ai qu'une seule question. J'ai été vraiment intéressé par ce que Debra a dit au sujet de sa pension, que c'était 1 300 $. Lorsque je regarde l'ancien système et que je vois le Régime de retraite du Canada et la sécurité de la vieillesse, il s'agit de 14 000 $ par année. Je regarde le nouveau système, et ça va être à peu près 12 000 $ par année. Il semble donc que les infirmières n'ont pas une très bonne pension.

Mme Debra McPherson: En effet. Là où je vis, la loi nous oblige à contribuer au régime de pensions municipal. Nous avons un taux de cotisation—il a été augmenté tout récemment—de 6 p. 100.

Il y a actuellement un énorme passif non capitalisé en raison des années durant lesquelles personne n'y a jamais versé concrètement d'argent, uniquement sur papier. C'est difficile de se présenter devant les fiduciaires et les fonctionnaires du gouvernement pour leur dire qu'ils doivent modifier le régime et l'augmenter, alors qu'en réalité ils ne peuvent pas payer pour ce régime. Un énorme pourcentage de nos membres sont dans la quarantaine, et s'ils décidaient tous de prendre leur retraite à 60 ans, le problème serait énorme.

Aussi, beaucoup d'infirmières n'ont simplement pas cotisé suffisamment longtemps au régime. En premier lieu, on ne leur a pas permis d'y participer pendant longtemps. Deuxièmement, les femmes ont pendant longtemps cessé de travailler lorsqu'elles avaient des enfants. Les infirmières n'étaient pas incitées à travailler. Comme étudiante en soins infirmiers, vous étiez mise à la porte si vous tombiez enceinte. Les infirmières n'étaient pas incitées à travailler durant les années qu'elles consacraient à l'élevage des enfants. Ainsi donc, beaucoup d'infirmières faisant partie du groupe d'âge de la retraite actuellement n'ont pas contribué suffisamment longtemps au régime parce qu'elles ont souvent cessé de travailler, occasionnellement, lorsqu'elles ont eu des enfants.

Puis notre organisation professionnelle a pris l'initiative pour que toutes les infirmières obtiennent un baccalauréat. Bien, 80 p. 100 des infirmières au Canada n'ont pas de baccalauréat, et beaucoup d'infirmières ont retiré de l'argent de leur régime de pensions pour être en mesure de retourner sur les bancs de l'école pour aller chercher un diplôme afin de pouvoir obtenir la sécurité et la mobilité d'emploi. Elles n'ont pas gagné suffisamment d'argent pour être en mesure de retourner aux études, et il leur a été impossible d'obtenir des prêts étudiants parce qu'elles avaient un revenu, donc elles se trouvaient dans une situation sans issue.

Les infirmières n'ont pas versé beaucoup de cotisations à leurs régimes de pensions pour bon nombre de raisons.

Le président: Merci, monsieur Jones.

Y a-t-il des questions?

Mme Debra McPherson: Je veux ajouter autre chose, et c'est au sujet de la transférabilité des pensions.

Au Canada, les pensions des infirmières ne sont pas transférables d'une province à l'autre. De façon typique, pendant plusieurs années, les infirmières ont suivi leur époux à son travail, en laissant leurs pensions derrière. Lorsqu'elles passent d'une province à l'autre, elles laissent derrière leurs cotisations à un régime de retraite. Impossible d'additionner ces cotisations pour avoir une pension correspondant à la durée de leur vie professionnelle.

Le président: Au nom du comité, je voudrais vous remercier de nous avoir apporté certaines informations très valables. Nous nous en servirons au moment de rédiger le rapport. Merci.

Mme Kathleen Connors: Merci.

Le président: Je vais suspendre ces audiences pendant environ deux minutes, et nous reviendrons avec le Conseil des Canadiens avec déficiences avec M. Mel Graham.

• 1944




• 1947

Le président: Je rappelle l'assemblée à l'ordre.

Nous avons avec nous les représentants du Conseil des Canadiens avec déficiences, M. Mel Graham et M. Harry Beatty.

Bienvenue. Vous avez 10 ou 15 minutes pour faire votre exposé, par la suite, il y aura une séance de questions et de réponses.

M. Mel Graham (agent des communications, Conseil des Canadiens avec déficiences): Merci, sénateur Bevilacqua...

Le président: Je ne suis pas encore sénateur.

Des voix: Oh, oh.

Le président: Mais un jour, si c'est un sénat élu, je poserai ma candidature.

M. Mel Graham: OK. Merci beaucoup.

Je travaille pour le Conseil des Canadiens avec déficiences et je viens de Winnipeg. Je demanderai tantôt à Harry Beatty de présenter le sujet de l'exposé.

Il y a juste une ou deux choses que je voulais d'abord mentionner, surtout en ce qui concerne l'organisation du Conseil des Canadiens avec déficiences. Notre organisation s'occupe de nombreux types d'invalidités. Nous sommes totalement démocratiques. Nous avons surtout d'autres organisations comme membres votants et ce sont pour la plupart des organisations provinciales composées de personnes ayant des déficiences. Nous sommes en affaires depuis environ 20 ans.

Nous nous préoccupons beaucoup des questions qui se rapportent à la sécurité du revenu. De fait, c'est l'une de nos quatre grandes priorités. L'emploi, les droits de la personne et les transports sont les autres. Mais la sécurité du revenu est certainement une question tout à fait prédominante en ce qui concerne le genre de travail que nous faisons. Nous sommes préoccupés parce que le RPC, relativement à l'invalidité, est l'une des principales structures du filet social pour les personnes qui sont affichées.

L'un des points que j'aimerais souligner est que le gouvernement a prévu des moyens grâce auxquels les personnes handicapées peuvent participer de façon égale; c'est-à-dire grâce à la section 15 de la charte, celle portant sur l'égalité, en y incluant la déficience en termes de la Loi sur les droits de la personne, et nous espérons qu'il y aura sous peu certains amendements qui prévoiront l'obligation d'accommodement, les choses comme l'Association des transports du Canada et le Groupe de travail Andy Scott, et ainsi de suite.

• 1950

Néanmoins, ces choses-là sont fondées sur la capacité des personnes avec déficiences d'avoir vraiment les moyens de quitter leur maison pour sortir dans la communauté et être en mesure de participer aux activités.

J'aimerais mentionner l'une des choses qui nous préoccupent beaucoup. Nous avons un sigle que nous utilisons énormément entre nous, TBP. Nous avons beaucoup de termes affectueux qui sont monosyllabiques et se rapportent à nous de différentes façons. Par exemple, je suis un «blink». TBP se rapporte aux personnes temporairement bien portantes, ce que je suppose être le cas pour un grand nombre de ceux qui sont ici. L'une des choses que je trouve vraiment problématiques en ce qui concerne la Loi actuelle que vous examinez, même si cela n'était pas un problème pour les gens ayant actuellement des déficiences, ce serait certainement un grave problème pour toutes les personnes qui sont temporairement bien portantes, et, comme je le dis, c'est le cas de la plupart de ceux qui sont ici.

Sur ce, je vais m'en remettre à M. Beatty pour le corps de l'exposé.

M. Harry Beatty (conseiller juridique (ARCH), Conseil des Canadiens avec déficiences): La composante déficience du Régime de pensions du Canada a été ciblée pour des milliards de dollars en coupures dans le cadre des dernières réformes. Les coupures ont commencé à être appliquées par le biais de changements administratifs au processus de détermination des déficiences en 1995, surtout des changements apportés aux lignes directrices, et se poursuivent par les nouvelles règles du projet de loi C-2.

L'impact cumulatif de ces changements sur les Canadiens ayant des déficiences est beaucoup plus important qu'il semblerait l'être à partir d'un examen superficiel des nouvelles règles. Pour une vaste majorité de personnes défavorisées et vulnérables, les nouvelles règles seront dévastatrices.

Le seizième rapport actuariel du RPC établi par l'actuaire en chef prévoit une réduction cumulative totale des dépenses du RPC liées aux pensions d'invalidité en l'an 2005 de plus de 1 milliard—c'est cumulatif, non annuel—alors que la compression des pensions de retraite et autres avantages pour la même période est inférieure à 700 millions. Étant donné que le programme des pensions d'invalidité n'est que d'environ un cinquième du RPC total, cela signifie que sur une base proportionnelle, il est beaucoup plus coupé que tout autre élément.

La profondeur de cette réduction dans le programme des pensions d'invalidité du RPC a été soigneusement cachée au public par le gouvernement fédéral et les huit gouvernements provinciaux qui appuient les réductions.

Le CCD n'appuie aucune coupure dans le RPC pour qui que ce soit. Les pensions et les autres avantages sont suffisamment modestes à l'heure actuelle, mais nous nous objectons spécifiquement aux coupures ciblées au sein du groupe des personnes avec déficiences.

En 1994, le comité sur les problèmes de déficiences du conseil consultatif du RPC existant à l'époque a présenté son rapport au ministre du Développement des ressources humaines, dans lequel il recommandait sans équivoque de se prononcer contre la réduction de l'éligibilité ou des niveaux de pensions au chapitre de la pension d'invalidité. Le comité déclarait ce qui suit:

    Les Canadiens avec déficiences sont généralement pauvres. En 1986, une étude révélait que ceux qui recevaient des prestations d'invalidité du RPC (probablement pas les plus pauvres des personnes souffrant d'invalidité) avaient des revenus ne correspondant qu'à 79 p. 100 de la moyenne nationale, et 46 p. 100 avaient des revenus sous les seuils de faible revenu de Statistique Canada. Les chiffres de l'étude de 1991 révélaient que 60 p. 100 des Canadiens avec déficiences avaient des revenus annuels en dessous des seuils de faible revenu de Statistique Canada. Pour les bénéficiaires de pensions d'invalidité du RPC, ces pensions étaient leur seule source de revenu la plus importante, correspondant à 27,9 p. 100 de leur revenu total. L'étude de 1986 révélait que 36 p. 100 des prestations d'invalidité du RPC réduisaient simplement les prestations d'autres sources, une indication de l'interaction du RPC avec d'autres éléments du système.

Une étude plus récente menée par le Dr Gail Fawcett, et intitulée Living with Disability in Canada: An Economic Portrait, brosse le même tableau. Les recherches du Dr Fawcett, commanditées par le CPRH et l'Office des affaires des personnes handicapées concluaient que presque 28 p. 100 de ceux qui recevaient des pensions d'invalidité du RPC et du RRQ étaient pauvres. Le Dr Fawcett a également constaté que 10 p. 100 des adultes canadiens avec déficiences et ayant moins de 65 ans recevaient des pensions d'invalidité du RPC ou du RRQ. C'est une autre preuve que les pensions d'invalidité du RPC sont désespérément requises dans bien des cas.

• 1955

Vous ne devenez pas riche avec une pension d'invalidité du RPC. Je suis sûr que les députés le savent, le minimum en 1987 est de quelque 330 $, le maximum 883 $. Les paiements sont imposables, de telle sorte que leur valeur est réduite dans le cas de ceux ayant des revenus plus élevés, mais pour plusieurs qui ont un lien limité avec la population active en raison du chômage, de la prestation de soins, de l'aide familiale ou de l'apparition d'une invalidité, la prestation d'invalidité du RPC est terriblement nécessaire. Il peut s'agir de la seule prestation à laquelle une personne invalide peut avoir droit. Par exemple, si la personne ou son conjoint travaille ou s'il y a un modeste revenu tiré des épargnes, la personne ne sera typiquement pas éligible aux prestations d'assistance sociale de la province.

Quel effet aura le projet de loi C-2 sur la pension d'invalidité du RPC? Il y a d'abord la nouvelle règle concernant les cotisations, selon laquelle les personnes qui veulent obtenir une pension d'invalidité du RPC devront avoir des gains supérieurs à montant déterminé, au cours de quatre des six dernières années, avant d'être déclarées admissibles à une pension. Selon la règle actuelle, les cotisations doivent avoir été versées soit au cours de deux des trois dernières années ou au cours de cinq des dix dernières années.

Quelles catégories de gens seront généralement considérées comme inadmissibles? Les jeunes qui en sont à leurs trois premières années de travail ne se qualifieront pas. Pas plus que ceux qui ont repris le travail récemment pour des raisons indépendantes de leur volonté, comme le chômage et les responsabilités familiales.

Pour revenir à la problématique liée au sexe des personnes soulevée par les intervenants précédents, ces personnes qui sont sans emploi ou qui ne sont pas sur le marché du travail pour des raisons familiales cumuleront en général des années sans cotisation. La disposition d'exclusion pour élever des enfants permettra d'aider les personnes qui assument des responsabilités familiales auprès d'enfants de moins de sept ans, mais ne le fera pas pour celles qui ne sont pas sur le marché du travail et qui s'occupent d'enfants handicapés plus âgés ou d'adultes.

Nous sommes particulièrement préoccupés de ceux qui ont tenté de continuer de travailler malgré le début d'une invalidité comme la sclérose en plaques ou une déficience psychiatrique, le cancer ou bien d'autres. Je le répète, les personnes qui ont les premiers signes de ces maladies graves, particulièrement celles qui peuvent être épisodiques, comme la sclérose en plaques ou une déficience psychiatrique ou même le cancer, et qui peuvent connaître des démissions, connaîtront des années où elles ne pourront cotiser, alors que ces personnes devraient être récompensées pour leur détermination à continuer de travailler et non pas devenir complètement inadmissibles au régime de pensions.

En deuxième lieu, je pense à quelque chose de caché, une restriction dans la nouvelle formule. Elle a trait à l'alinéa 44(2)(a) tel qu'il sera modifié «calculé abstraction faite du paragraphe 20(2)». En raison de cette précision, le niveau minimal de revenu annuel pour l'année ouvrant droit à une pension d'invalidité commencera maintenant à dépasser le niveau minimal pour contribuer au RPC. Quelqu'un dont les revenus sont faibles peut avoir à verser des cotisations au gouvernement pour une année, seulement pour se faire dire ultérieurement que ces cotisations ne le rendent pas admissibles à une pension d'invalidité. Antérieurement, le niveau minimal de cotisation et le niveau qui servait à déterminer si une personne avait contribué pour cette année aux fins de la pension d'invalidité étaient les mêmes. Cette situation commence à changer avec la nouvelle disposition.

Troisièmement, la formule qui sert au calcul de la pension d'invalidité proportionnellement aux revenus est aussi modifiée par le projet de loi C-2, faisant passer la période minimale de contribution de 24 à 48 mois, ce qui aura pour effet de diminuer le montant de la pension d'invalidité pour ceux qui y sont admissibles.

Il y a d'autres restrictions relativement à l'invalidité. Ceux qui sont admissibles à des pensions d'invalidité du RPC verront leurs éventuelles pensions de retraite diminuées en vertu de ces nouvelles règles; et il y a une réduction des prestations combinées d'invalidité et de survivant pour les veufs et les veuves qui sont eux-mêmes invalides.

• 2000

Tout ceci s'ajoute aux changements administratifs apportés au régime d'invalidité du RPC, comme je l'ai déjà mentionné. Comme l'a décrit le CPRH, les améliorations sur le plan administratif comportent réellement une approche restrictive pour ce qui est de déterminer qui est invalide. Cette façon de procéder a injustement exclu des milliers de Canadiens, et en exclura encore. Les travailleurs plus âgés en particulier, ceux qui sont dans la cinquantaine et dans la soixantaine, sont reconnus aptes à travailler malgré des problèmes de santé importants entraînant des handicaps physiques et mentaux. Les travaux qu'ils sont censés être capables de faire existent dans le manuel des bureaucrates du RPC, mais n'existent pas dans les collectivités canadiennes.

Le RPC continue aussi de pénaliser ceux qui suivent des programmes de formation, d'éducation ou de réadaptation, ou qui réintègrent le marché du travail à temps partiel ou à temps restreint en les considérant aussi comme aptes au travail. Malgré une supposée politique qui dit que cela ne devrait pas arriver, on nous rapporte que cela se fait encore.

Mises ensemble, ces coupures totalisent une réduction d'un milliard de dollars pour le programme de pensions d'invalidité du RPC qui seront réalisées au cours des sept ou huit prochaines années. Il y aura aussi un effet d'entraînement sur les autres régimes d'assurance-invalidité qui contrebalancent le RPC, notamment les programmes provinciaux d'aide sociale, l'indemnisation des travailleurs dans certaines provinces et le PIP. Ces programmes complètent le RPC lorsqu'une personne est admissible aux deux; donc, si le RPC est réduit, les coûts se trouvent augmentés pour les autres programmes.

Mel a déjà parlé des droits acquis. C'est peut-être pour cette raison qu'il y a si peu de protestations sur cette question aujourd'hui. Les personnes qui sont présentement atteintes d'invalidité ne seront pas lésées par cette situation. Peut-être certains le seront-ils par les changements administratifs, mais les changements proposés par le projet de loi C-2 toucheront en fait ceux qui travaillent présentement et ceux qui ne sont pas encore invalides—les «temporairement bien portants», selon la formule utilisée par Mel—parfaitement inconscients qu'ils auront besoin de ce programme dans quelques années.

Le régime d'invalidité du RPC, même s'il a ses faiblesses, constitue néanmoins la pierre angulaire du filet de sécurité sociale au Canada pour ceux qui deviennent invalides. Alors que ces réductions économiseront quelques sous sur les chèques de paye des gens—bon nombre économiseront un petit peu—le coût de ces réductions sera supporté par la minorité qui est atteinte d'une invalidité.

Mel, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Mel Graham: Non, je ne crois pas, sauf pour dire que nous apprécions que vous nous ayez demandé de venir. J'apprécie vraiment le fait que vous considériez sérieusement les répercussions que l'adoption de ce projet de loi aura sur une population qui, comme vous le savez, ira en croissant au fur et à mesure que la génération du baby-boom vieillit et souffre de plus en plus d'invalidité. Ce qui peut sembler un problème théorique aujourd'hui, pourrait devenir un problème relativement important pour une bonne majorité dans les années à venir.

Je pense que c'est tout ce que j'ai à dire. Merci beaucoup.

Le président: Merci pour vos présentations, monsieur Beatty, monsieur Graham.

Nous passons maintenant à une période de cinq minutes de questions. Madame Diane Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Merci, monsieur le président.

Nous apprécions que vous soyez venus ici.

Lorsque je parle de meilleures solutions de rechange à ces changements en particulier, l'élément dont j'entends le gouvernement parler est l'invalidité. C'est donc très enrichissant pour moi d'entendre des gens comme vous expliquer dans quelle mesure ces changements ne font pas preuve de compassion dans le cas des personnes souffrant d'invalidité.

Toutefois, je ne comprends pas votre premier argument concernant la première réduction du régime d'invalidité, comme vous l'expliquez à la page 4. Vous pourriez clarifier cela pour moi assez rapidement. Vous dites que les gens qui essaient de travailler perdront leur admissibilité à une pension d'invalidité du RPC. Je veux seulement comprendre comment cela est possible. Je ne comprends tout simplement pas comment cela se passe.

• 2005

M. Harry Beatty: Si quelqu'un souffre d'une incapacité grave, il peut, pendant un certain nombre d'années où il se sent mieux, avoir des revenus suffisants pour verser des cotisations, mais pour certaines autres années, il est incapable de le faire. Une personne dans cette situation pourrait vraisemblablement se trouver dans la situation de ne pas avoir contribué pendant quatre des six dernières années.

Mme Diane Ablonczy: C'est parce qu'il n'a pas de gains admissibles.

M. Harry Beatty: Ce sont les gens qui sont sur le marché du travail et ceux qui ne le sont pas qui sont le plus à risque. En resserrant cette règle, il y a plus de risque qu'ils finissent par se retrouver avec rien.

Mme Diane Ablonczy: Et c'est parce que même s'ils travaillent, ils n'en ont pas assez pour atteindre des revenus admissibles, est-ce bien cela?

M. Harry Beatty: Ou ils peuvent travailler certaines années et pas du tout d'autres, ou moins que le montant minimal—le 10 p. 100 du maximum de revenus admissibles pour une année.

Mme Diane Ablonczy: Merci pour cet éclaircissement. Je n'étais pas tout à fait certaine.

Ce que les personnes souffrant d'incapacité demandent alors est une sorte de filet de sécurité qui leur donne une certaine sécurité, afin qu'ils aient des revenus adéquats pour répondre à leurs besoins. En raison des modifications au RPC, je comprends que vous dites que cela ne se passera pas ainsi. Est-ce bien cela?

M. Harry Beatty: Le régime est réduit de façon fondamentale, et je crois que notre principal argument est de dire qu'il est réduit plus qu'il ne peut sembler. Évidemment, nous n'avons pas les chiffres sur le nombre de personnes que ces changements rendraient inadmissibles au cours des prochaines années, bien que l'actuaire en chef a probablement fait un tel calcul pour proposer ces réductions.

Moins de gens seront admissibles, c'est certain; mais c'est pire que cela. Même parmi ceux qui deviennent invalides, ceux qui sont le plus désavantagés au début—ceux dont le lien avec le marché du travail est marginal, les sans-emploi, les jeunes personnes qui en sont à leurs cinq premières années d'emploi—sont les personnes qui risquent de perdre. Ce sont des personnes qui, de façon générale, n'ont pas accès à une assurance-invalidité à long terme ou à d'autres programmes.

Mme Diane Ablonczy: Je veux seulement dire ceci. Dans un monde parfait, si vous rédigiez vous-même le rapport de ce comité, que voudriez-vous y voir concernant la protection en cas d'invalidité et les prestations?

M Harry Beatty: Au nom du CCD, je crois que la position fondamentale est de ne pas effectuer de réductions et, à tout le moins, de maintenir le statu quo pour ce qui est des règles.

M. Mel Graham: Pourrais-je ajouter seulement un point concernant le filet de sécurité?

Il est vraiment important de ne pas discuter seulement de ce qui arrivera aux gens en regard de choses comme les modifications à la pension du RPC, parce que le processus de contrôle lui-même est miné. On a décidé qu'en l'an 2001, contrairement aux années de recensement antérieures, il n'y aurait pas de questionnement majeur sur la question de l'invalidité. Il s'agit d'une autre réduction des coûts qui sera très difficile du point de vue des personnes qui essaient présentement de savoir ce qui arrive aux gens qui subissent des restrictions dans le cadre des programmes.

[Français]

Le président: Monsieur Crête, avez-vous une autre question?

M. Paul Crête: Merci de la présentation. Je me demandais si vous souhaiteriez que, pour le Régime de pensions du Canada, il y ait une clause semblable à celle qui existe pour la Régie des rentes du Québec, où on inclut la question des maladies évolutives, c'est-à-dire les maladies qui progressent, qui font qu'une personne n'est pas nécessairement totalement incapable de travailler, ce qui permet plus de flexibilité et un meilleur soutien. Aimeriez-vous qu'on inclue cela dans le Régime?

• 2010

[Traduction]

M. Harry Beatty: Je crois qu'il serait bon d'avoir une disposition concernant les incapacités évolutives. Il faudrait que je revienne en arrière et que j'examine le projet de loi, mais je crois que si quelqu'un reçoit déjà une pension d'invalidité du RPC, une fois que cette personne retourne travailler et que, par la suite, elle essaie à nouveau d'obtenir une pension d'invalidité, elle doit, en vertu du projet de loi, avoir contribué pour chaque nouvelle année. Une approche plus flexible que celle-ci serait préférable pour les personnes qui font un réel effort pour rester sur le marché du travail en dépit d'une incapacité.

Le président: Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Merci beaucoup pour votre présentation et pour avoir fait part de vos préoccupations à ce comité.

J'aimerais avoir un éclaircissement au sujet du haut de la page six. Je ne comprends pas cette phrase:

    Le RPC continue aussi de pénaliser ceux qui suivent des programmes de formation, d'éducation ou de réadaptation, ou qui réintègrent le marché du travail à temps partiel ou à temps restreint en les considérant aussi aptes au travail, malgré une supposée politique qui dit que cela ne devrait pas arriver.

Que voulez-vous dire par là?

M. Harry Beatty: Il y a environ deux ans, le ministre du Développement des ressources humaines a élaboré une nouvelle politique qui disait principalement que ces efforts devaient être encouragés. Pourtant, des gens rapportent dans des cliniques d'aide juridique comme la mienne, ou à des associations de personnes handicapées, que s'ils occupent un emploi à temps partiel et s'ils vont à l'école, leur admissibilité au régime d'invalidité du RPC est remise en cause. En fait, ce sont des facteurs qui sont considérés pour déclarer des gens inadmissibles.

Nous n'avons que des exemples de cas anecdotiques ou individuels. Selon mon expérience, cela dépend quelque peu de la nature de l'incapacité que les fonctionnaires du CPRH... Il y a des exemples de situation où ils ont pris une attitude très libérale dans le cas de personnes paraplégiques ou aveugles. Dans d'autres cas avec d'autres incapacités—par exemple, la Société de la sclérose en plaques a exprimé des inquiétudes—lorsque quelqu'un s'arrange pour travailler à temps partiel ou d'une autre façon, cela est considéré comme une indication à l'effet que la personne n'est plus admissible selon la définition.

Fondamentalement, la politique a été modifiée, mais rien n'a été mis dans la législation. La législation dit encore essentiellement que vous devez être totalement inapte au travail. Dans certains cas, c'est interprété de façon assez stricte.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions.

Encore sur la même page de votre mémoire, la page six, vous parlez de réductions qui s'élèvent à un milliard de dollars de réductions au RPC. Certaines de ces mesures constituent un renforcement en réponse à une suggestion du vérificateur général, et ces économies ne découlent pas en réalité du projet de loi C-2.

Nous avons entendu d'autres présentations, et il y a deux questions que j'aimerais vous poser à vous messieurs ce soir. Un intervenant précédent a parlé du Régime de rentes du Québec et du fait qu'il y avait beaucoup moins de réclamations, ceci malgré le fait qu'ils ont une définition à peu près identique. Je me demande seulement si votre organisme a examiné cette anomalie et les raisons qui expliquent cette différence. Nous avons entendu d'autres théories.

M. Mel Graham: Je ne peux pas dire que nous l'avons vraiment fait. Nous avons effectivement un groupe affilié au Québec, mais nous n'avons en fait jamais effectué de comparaison sur cette base. Il me serait difficile de dire pourquoi il existe une différence appréciable entre les deux régimes. Je ne connais pas vraiment la réponse à cette question.

Mme Karen Redman: Et vous, monsieur Beatty?

M. Harry Beatty: Je ne peux vraiment pas être beaucoup plus utile. Dans le système québécois, la structure de tous les régimes d'invalidité est relativement différente. Je n'ai qu'une connaissance générale du fonctionnement de leur système. Je ne pourrais vraiment pas donner une réponse éclairée à votre question.

• 2015

Mme Karen Redman: J'apprécie vraiment le fait que vous nous fassiez part de vos préoccupations. L'une des raisons pour laquelle nous voulons réviser le Régime de pensions du Canada, c'est de faire en sorte qu'il réponde aux gens qui en ont besoin.

D'autres intervenants nous ont suggéré que ce pourrait être une bonne idée de diminuer le passif non capitalisé et de retirer la partie invalidité du Régime de pensions du Canada. Je me demandais si vous aviez un commentaire sur cette suggestion.

M. Harry Beatty: Si la proposition est à l'effet qu'il n'y ait pas de régime public d'invalidité lié à l'emploi sur le modèle du RPC, la première question serait de savoir quel programme, s'il n'y a pas autre chose, le remplacerait. Ne serait-ce qu'un système où ceux qui occupent les meilleurs emplois seraient admissibles au PIP et ceux qui occupent des emplois médiocres ou à temps partiel ou à contrat n'auraient rien?

L'avantage du RPC est que les personnes qui ont ce type de lien irrégulier ou restreint avec le marché du travail peuvent à tout le moins participer dans une certaine mesure. Elles peuvent au moins obtenir une petite pension. Comme c'est plus ou moins universel parmi ceux qui travaillent, il y a au moins quelque chose là. Si on l'enlevait sans rien mettre à la place, alors les gens n'auraient rien d'autre jusqu'à ce que vraisemblablement ils atteignent les niveaux de l'aide sociale provinciale, et ceux-ci sont érodés aussi.

Mel, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?

M. Mel Graham: Je me demandais seulement dans quelle mesure les personnes qui ont pu soulever cette possibilité ont eu accès aux discussions relativement aux raisons pour lesquelles la partie invalidité a été ajoutée en première place lorsque le régime de pensions a été formulé. Avons-nous vraiment laissé tomber notre responsabilité envers les personnes qui se trouvent dans des situations marginales de ce point de vue, lorsque nous avons décidé de donner des prestations aux personnes atteintes d'incapacité? Je me demande en fait dans quelle mesure ce coût n'est pas introduit dans une sorte de vache sacrée ou quelque chose du genre. Il n'y a vraiment pas eu de discussion approfondie à propos du fait que ce genre de possibilité puisse se produire.

M. Harry Beatty: En terme d'équité, si vous le changez pour enlever la composante invalidité, cela signifie que les personnes qui deviennent handicapées versent des cotisations, mais ne retireront rien.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Graham et monsieur Beatty. Je voudrais aussi, au nom du comité, remercier le Conseil des Canadiens avec déficiences de son apport pour nous aider dans l'étude du projet de loi C-2.

Je suspends les travaux pendant environ deux minutes. Nous recommencerons avec la représentante de la Fondation canadienne de la jeunesse.

• 2018




• 2021

Le président: Nous reprenons nos travaux.

Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons parmi nous une représentante de la Fondation canadienne de la jeunesse, Mme Lucie Bohac Konrad. Permettez-moi de lui souhaiter la bienvenue. Madame, vous disposez d'environ 10 à 15 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous aurons une période de questions.

Mme Lucie Bohac Konrad (directrice générale, Fondation canadienne de la jeunesse): Monsieur le président, je vous remercie infiniment. La Fondation canadienne de la jeunesse veut profiter de cette occasion pour entretenir les membres du Comité des finances sur le projet de loi C-2 et sur les changements qui seraient apportés au Régime de pensions du Canada.

En général, les débats sur la politique sociale au Canada s'articulent autour de l'équité entre les catégories de revenu et sur l'efficacité économique à court et moyen termes. Pourtant, on peut arguer que les politiques devraient s'attarder sur les questions à long terme en matière d'équité entre les générations et de croissance économique.

Maintenant que le déficit est pratiquement jugulé, on porte une attention plus marquée sur les préoccupations à long terme que représentent la dette publique et les obligations en matière d'assurance sociale. Le capital économique et social qui est laissé en héritage aux générations à venir, ainsi que la question de savoir s'il leur sera suffisant pour conserver le niveau de vie élevé auquel les Canadiennes et Canadiens sont habitués, fait partie intégrante de ces préoccupations.

Le débat actuel sur le Régime de pensions du Canada est par conséquent à la mesure des autres débats politiques qui se dérouleront à mesure que les Canadiennes et Canadiens s'ajusteront à la réalité du vieillissement démographique et des niveaux élevés de l'endettement. Le débat est également d'une importance cruciale, le RPC touchant directement l'équité entre les générations et la passation du capital social et économique.

Bien que la Fondation canadienne de la jeunesse ne puisse prétendre se faire la porte-parole de l'ensemble des jeunes Canadiennes et Canadiens, elle est bien placée, à titre d'organisme national de recherche centré sur la jeunesse et ayant développé une forte expérience en la matière, pour formuler des commentaires sur les incidences qu'aura la modification du RPC sur les générations.

L'année dernière, la FCJ a publié un rapport intitulé Structures pyramidales: Les jeunes Canadiens et la réforme du Régime de pensions du Canada. Vous en avez devant vous un résumé. Ce rapport portait sur les effets du RPC sur les jeunes et comprenait des commentaires sur les réformes éventuelles. Aujourd'hui, j'aimerais examiner avec vous les recommandations de la Fondation canadienne de la jeunesse formulées dans le rapport et indiquer dans quelle mesure les modifications proposées dans le projet de loi C-22 y correspondent.

La Fondation canadienne de la jeunesse porte son intérêt sur les jeunes Canadiennes et Canadiens d'aujourd'hui ainsi que sur les jeunes des générations à venir. Nous croyons que le régime de retraite actuel par répartition pure affaiblit la situation sociale des jeunes étant donné qu'il transfère sur leurs épaules, par le truchement d'un régime fiscal que les dissuadent de se trouver des emplois, des fardeaux que supportent les gens d'autres générations.

Lorsque nous avons formulé nos recommandations, nous avons incité le gouvernement à prendre des décisions d'ordre structurel, en ce qui a trait aux programmes d'assurance sociale, qui pourraient réduire de façon importante le passif non capitalisé et donner plus de marge de manoeuvre pour lutter avec équité contre la dette publique. Nous avons également demandé avec insistance aux décideurs d'évaluer les ramifications qu'auront leurs décisions au sein de l'économie et du marché du travail en particulier.

• 2025

Nos recommandations étaient les suivantes:

(1). Accepter le fait que la sécurité du revenu s'étend à tous et toutes. On ne peut dire que l'on a amélioré la sécurité du revenu de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens si un régime inefficace de sécurité du revenu visant les aînés mine la sécurité du revenu des générations à venir. On doit faire preuve d'une plus grande discipline dans l'analyse de cet échec et être très précis lorsque l'on cherchera à résoudre ce problème grâce à des programmes publics.

(2). Déclarer que le gouvernement a l'intention d'adopter un régime capitalisé. Les décideurs actuels doivent être aussi audacieux que les fondateurs du RPC. Ils doivent accepter le fait que les facteurs économiques sous-jacents forcent à un transfert vers un régime capitalisé. Un tel régime améliorerait l'aide sociale offerte à long terme à toutes les Canadiennes et à tous les Canadiens et résoudrait le problème d'équité entre les générations.

(3). Modifier le mécanisme de financement. Le financement du régime de retraite doit tenir compte du rôle de la politique fiscale en ce qui a trait à la création d'une économie canadienne concurrentielle génératrice d'emplois. Le régime capitalisé ne devrait pas être fondé sur le système actuel de charges sociales, qui devrait en fait être annulé par étape. On devrait plutôt adopter un nouveau régime obligatoire de cotisations graduelles établies en fonction de la composition de l'épargne.

(4). Gérer la transition avec équité et efficacité. Nous avons encore le temps de gérer la transition avec efficacité et équité. De nombreux travailleurs n'ont actuellement pas versé leur juste part et devraient donc supporter le fardeau de cet ajustement. Après la mise en place d'un régime où le droit aux prestations est restreint, il faut recourir à un mécanisme tenant compte des engagements impayés. On pourrait donc procéder à une taxation différente des charges sociales pour financer ces engagements.

(5). Changer la direction du nouveau régime. On devrait en effet affranchir la direction du nouveau régime de l'administration politique. L'option que nous privilégions viserait à élargir le régime enregistré d'épargne-retraite actuel. Cela reviendrait en fait à céder la direction du régime au marché. Advenant que l'on ait des inquiétudes quant à la capacité du marché et à l'efficacité du régime, il faudra éventuellement mettre en place des mécanismes correctifs.

Il s'agissait des recommandations que nous avions formulées l'année dernière. Nous souhaiterions maintenant parler des réponses apportées à celles-ci dans le projet de loi C-2.

Dans l'ensemble, les modifications du RPC proposées supposent que la sécurité du revenu pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens sera un principe de base du régime modifié. À cet égard, notre première recommandation a reçu un écho favorable. Les changements proposés tiennent compte de la charge indue que le régime par répartition pure impose à la jeunesse canadienne dans le contexte des difficultés et des données démographiques auxquelles elle est confrontée.

De plus, la proposition visant à contenir les coûts du régime et à resserrer les conditions de versement des prestations donne à penser que le gouvernement posera un regard plus attentif sur l'échec de la politique de sécurité du revenu. Il s'agit d'une préoccupation importante puisque, par le passé, de nombreuses modifications au RPC, bien qu'elles aient entraîné une augmentation des prestations, n'ont pas été suivies d'une hausse correspondante des taux de cotisation, ce qui a contribué à l'accroissement du passif non capitalisé.

La nouvelle politique d'investissement prévue dans le projet de loi C-2, transformant le régime actuel par répartition pure en un régime partiellement capitalisé, est un pas significatif dans la direction que nous proposions pour en arriver à un régime capitalisé, en l'occurrence notre deuxième recommandation. À lui seul, cet élément des modifications proposées revêt l'incidence la plus marquée sur l'effet négatif qu'a le régime en vigueur sur la jeunesse.

La décision de faire gérer ce régime partiellement capitalisé par un Office d'investissement indépendant est peut-être tout aussi significative. Elle répond d'ailleurs à notre cinquième recommandation. Cette mesure devrait, à notre avis, résoudre certains des problèmes que nous avons identifiés en matière d'efficience et qui revêtent également de multiples effets sur la jeunesse canadienne. Nous espérons que ce fonds sera géré dans le plus grand intérêt des jeunes Canadiennes et Canadiens.

Nous devons être bien clairs que ces changements et les résultats en découlant ne se feront sentir qu'à long terme. Le défi demeure dans la gestion de la période de transition.

Nous prenons bonne note de la nécessité de tenir compte des engagements impayés dans le cadre du RPC et du fait que les augmentations de cotisations proposées dans le projet de loi C-2 seraient affectées à leur paiement ainsi qu'à la contribution au transfert vers un régime entièrement capitalisé.

Une augmentation des cotisations en vigueur dans l'immédiat se traduirait par des difficultés à court terme en vue d'obtenir des gains à long terme. Cependant, la Fondation canadienne de la jeunesse est préoccupée par le fait que les difficultés à prévoir seront plus importantes pour les jeunes Canadiennes et Canadiens étant donné que l'augmentation des cotisations se traduira par un accroissement des charges sociales.

• 2030

La recherche de la FCJ a établi de façon tout à fait manifeste que le Canada enregistre une tendance très inquiétante d'augmentation du chômage structurel chez les jeunes. Alors que la croissance économique se poursuit, elle ne se traduit pas des emplois pour les jeunes.

Il faut tenir les charges sociales responsables de l'augmentation du fossé entre la productivité de la main-d'oeuvre et le coût de celle-ci entre 1989 et 1993. Les employeurs ont donc été poussés à recourir davantage aux immobilisations plutôt qu'à la main-d'oeuvre pour assurer leur production. Compte tenu que la jeunesse canadienne a absorbé le tiers de toutes les pertes d'emplois à temps plein au cours de la récession du début des années 90, il est difficile de ne pas conclure que les charges sociales ont joué un rôle majeur dans cette reprise actuelle où les jeunes sont sans emploi.

Au Canada, le taux de chômage des jeunes atteint presque 17 p. 100. Nous savons qu'à peu près la moitié des jeunes gens occupent un emploi à temps partiel plutôt qu'un emploi à temps plein. Nous savons également que le taux des jeunes qui n'ont jamais eu d'emploi a doublé. Je pourrais passer la soirée à vous parler de ce que nous savons tous être une préoccupation et une priorité nationales, y compris pour le gouvernement actuel. Ceci étant dit, est-il vraiment réaliste d'imposer une nouvelle charge fiscale aux jeunes Canadiennes et Canadiens d'aujourd'hui quand on a déjà démontré qu'il s'agit d'une mesure qui nuit à leurs perspectives d'emploi?

Dans nos quatrième et cinquième recommandations, nous avançons que le Canada devrait effectivement honorer ses engagements impayés mais que nous aurions préféré le recours à un mécanisme de taxation qui ne porte pas sur la masse salariale. De plus, nous proposons que le financement des régimes de retraite ne repose pas sur les charges sociales actuelles. Nous souhaiterions plutôt voir l'adoption d'un régime graduel d'épargne obligatoire dont les cotisations tiendraient compte de la composition de l'épargne.

Quand une jeune personne fait ses premiers pas dans le monde du travail, en supposant qu'elle trouve du travail, chaque cent qu'elle gagne est essentielle pour lui permettre de joindre les deux bouts. Nous sommes préoccupés par le fait qu'une augmentation des charges sociales ajoute un obstacle supplémentaire à la découverte d'un emploi. Du reste, une fois que ces jeunes gens se décrochent un emploi, une telle augmentation contribue à réduire le capital dont ils peuvent disposer. En d'autres termes, cela réduirait leur revenu à long terme et accroîtrait leur fardeau fiscal. J'invite instamment les membres du comité à penser à cette éventualité. Même en resserrant l'accès aux prestations, en adoptant de nouvelles politiques en matière d'investissement et en augmentant les cotisations en vue de réduire l'iniquité entre les générations dans le cadre du RPC, les modifications proposées n'élimineront pas totalement le fait que le régime a tendance à défavoriser les jeunes Canadiennes et Canadiens.

Tous ces éléments viennent mettre en exergue un facteur important dont les membres de ce comité ont très certainement connaissance. Il s'agit en l'occurrence du manque de confiance envers le RPC dont font preuve les jeunes Canadiennes et Canadiens. À la lumière des conditions actuelles auxquelles sont confrontés les jeunes sur le marché du travail, nous ne croyons pas que cette attitude changera, notamment s'ils encaissent ce fardeau supplémentaire sans avoir la certitude qu'ils recevront leur juste part des prestations de retraite, voire s'ils se demandent si leur épargne n'aurait pas été placée de façon plus rentable dans un régime privé du type REER.

En conclusion, nous souhaiterions reconnaître les mérites des changements absolument nécessaires et soigneusement pensés que le projet de loi C-2 apportera au Régime de pensions du Canada. Les auteurs de cette réforme ont fait preuve de courage et la Fondation canadienne de la jeunesse reconnaît les efforts manifestes qui ont été entrepris pour contrebalancer l'iniquité entre les générations du régime actuel. Il reste du travail à faire et nous sommes encore préoccupés par le fait que certains effets de la réforme imposeront un fardeau disproportionné aux jeunes gens qui entrent actuellement sur le marché du travail. De façon ironique, on a grandement besoin de ces derniers pour cotiser au RPC et pour bâtir les autres programmes sociaux financés par le gouvernement.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui et suis prête à répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie de votre exposé.

Nous passons maintenant à la période de question. Nous commencerons par Mme Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Nous sommes réellement heureux de vous compter aujourd'hui parmi nous. Bien entendu, nous savons que les changements au RPC auront de lourds effets non seulement sur les personnes visées par votre organisme, mais également sur les personnes encore plus jeunes, dont un bon nombre n'ont pas encore atteint l'âge adulte, voire ne sont même pas encore nées. Je répète souvent aux membres de ce comité—et ils sont probablement fatigués de me l'entendre dire—que nous faisons preuve d'iniquité envers nos enfants et petits-enfants en leur imposant un retour négatif sur l'investissement. Du reste, je pense que cela minera complètement la viabilité du régime à long terme.

Un des précédents témoins a présenté un document dans lequel il était inscrit ceci:

    Le fait d'exiger qu'un groupe d'âge paye une taxe discriminatoire suscitera une résistance croissante à mesure que les jeunes gens auront à subir un fardeau de plus en plus lourd et qu'ils commenceront à contrôler l'appareil politique.

• 2035

Vous venez confirmer en gros que l'on doit s'atteindre à une certaine résistance en ce qui a trait au financement du régime lorsque d'autres charges fiscales sont à prévoir, notamment pour financer les services de santé et les autres programmes ainsi que pour rembourser la dette nationale actuelle.

Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires sur ce dernier aspect? Que pensent les jeunes au sujet de ces modifications, en ce qui a trait à l'équité, et, d'après vous, que peut-on faire pour répondre à leurs préoccupations?

Votre résumé comporte quatre recommandations avec lesquelles je suis en accord. Je me suis employée à faire que les changements abordent chacune d'entre elles. Si vous pouviez nous indiquer de quelle façon ces changements pourraient rendre le régime plus équitable, il nous serait éventuellement possible de convaincre d'autres personnes qu'il existe des méthodes plus efficaces et plus justes de les structurer.

Mme Lucie Bohac Konrad: Permettez-moi de revenir sur deux points que vous avez mentionnés.

À long terme, les modifications proposées et l'augmentation des cotisations vont certainement dans le sens des intérêts des prochaines générations de Canadiennes et Canadiens. Ce sont en fait les jeunes d'aujourd'hui qui subiront les contrecoups de ces mesures.

Je n'ai pas devant moi le rapport ni les données pertinentes, mais Bill Robson, de l'Institut C.D. Howe, a réalisé une excellente analyse où il se limite à une recherche strictement mathématique. En fait, sa démarche est excessivement complexe et repose sur les principes d'évaluation économique. Toutefois, en résumé, il ressort de ses travaux que les jeunes profiteront grandement des modifications à long terme. Le problème réside dans la période transitoire, qui sera difficile.

Ceci étant dit, et pour revenir à votre question sur le manque de confiance des jeunes envers le RPC, nous sommes confrontés à un problème. Il s'agit d'un problème car, d'une part, les jeunes comprennent assurément la valeur de l'équité et y aspirent. Ceci est manifeste. Il est crucial que les Canadiennes et les Canadiens croient en certaines de ces valeurs que nous chérissons en tant que nation, et qu'ils les appliquent. Ce sont-là des valeurs qui, à mon avis, définissent une part de notre citoyenneté.

Nous devons comprendre que si les gens cotisent de façon équitable à un régime social universel duquel ils retirent leur juste part des prestations, leurs intérêts étant protégés par des mécanismes appropriés, ils conviendront qu'il s'agit d'un régime intéressant auquel il faut cotiser et qu'il convient de protéger. Il s'agit du noeud du problème.

À l'heure actuelle, les jeunes Canadiennes et Canadiens sont très conscients du fait que le Canada est confronté à toute une série de difficultés financières. Ils en subissent le poids car ils savent très bien ce qu'est l'endettement. Il existe un préjugé défavorable qui demeure difficile à surmonter à moins de démontrer que les changements leur seront profitables. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avançons qu'il convient de s'attacher un peu plus à rendre la transition acceptable aux jeunes d'aujourd'hui car ils représentent l'opinion publique de demain.

Bien qu'il soit évidemment très important que les jeunes Canadiennes et Canadiens aient confiance dans ces programmes sociaux, qu'ils y participent en ayant la conviction qu'ils profitent à toutes les Canadiennes et Canadiens, j'aimerais souligner un élément tout aussi important. Les jeunes d'aujourd'hui ne représenteront jamais, de leur vivant, une majorité démographique. Dans ce cas, occuperont-il une position leur permettant de créer un élan de réforme pour un programme auquel ils ne croient pas? La question peut se poser car les jeunes sont confrontés, du moins dans le domaine politique à proprement parler, à une absence de pouvoir.

Je crois cependant que les jeunes gens seraient également les premiers à dire qu'ils étaient parmi les précurseurs du nouveau régime, qu'ils souhaitent faire leur juste part et qu'ils aspirent à prendre soins de leurs parents. Ils sont conscients qu'ils doivent participer au régime afin d'être des citoyens responsables à l'échelle économique et sociale au sein du Canada.

• 2040

Je pense que nous nous devons de communiquer avec nos jeunes.

Mme Diane Ablonczy: Merci infiniment.

[Français]

Le président: Monsieur Crête.

M. Paul Crête: Je vous remercie. Vous nous avez sensibilisés particulièrement à l'importance de l'équilibre intergénérationnel, mais ne trouvez-vous pas qu'en même temps qu'on demanderait des cotisations plus élevées aux jeunes, dans les premières années, il serait intéressant de voir ce qu'on peut faire par rapport à l'emploi chez les jeunes en fonction d'autres programmes aussi? Par exemple, pour que l'impact de l'implantation des cotisations soit moins élevé, on pourrait réduire les cotisations à l'assurance-emploi, réduction qui pourrait s'effectuer au même moment, ou même diminuer le nombre d'heures exigées pour les jeunes en termes d'assurance-emploi lors d'un premier emploi. L'effet net de ceci serait d'amenuiser le coût de l'augmentation des cotisations durant les premières années.

Cela ne vous apparaît-il pas important, compte tenu de la façon dont les jeunes sont traités dans l'économie, pour qu'ils puissent s'en tirer le mieux possible? Avez-vous d'autres propositions à nous faire là-dessus?

Mme Lucie Bohac Konrad: Permettez-moi de répondre en anglais, parce que cela me sera un peu plus facile.

[Traduction]

Si nous voulons trouver des moyens de rendre la transition plus facile aux jeunes entre la fin des études et le marché du travail, je pense que la façon la plus efficace consisterait à développer un partenariat avec le secteur privé qui les inciterait à trouver un emploi.

J'entends par là qu'il serait plus important de mettre en exergue la valeur de ces nouveaux arrivants sur le marché du travail. Je crois qu'il est essentiel de démontrer qu'en fait le travail de ces jeunes ne revient pas plus cher à un employeur en raison des charges supplémentaires qu'il doit payer. C'est également le cas pour les jeunes qui se lance dans l'entreprise privée. Ils sont d'ailleurs de plus en plus nombreux à se lancer dans cette aventure et doivent supporter, à titre de citoyens et d'employeurs, un surcroît de taxes.

Je crois que la meilleure façon d'aborder le problème demeure de rendre la transition plus facile plutôt que de créer des obstacles dans le secteur des entreprises. En bout de ligne, le secteur privé est le moteur de la création d'emplois. Trouver des moyens de faciliter l'entrée sur le marché du travail est à mon avis préférable à une quelconque restructuration technique concoctée au niveau politique.

[Français]

Le président: Monsieur Crête, est-ce que vous avez une autre question?

M. Paul Crête: Non.

Le président: Monsieur Fontana.

[Traduction]

M. Joe Fontana: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie pour votre exposé. Je vois que vous convenez que nous avons répondu à presque 50 p. 100 de vos recommandations d'ici la cinquième année, voire presque trois recommandations sur cinq.

J'ai quelques questions à vous poser au sujet de vos recommandations.

Premièrement, j'aimerais vous dire qu'en tant que père de trois enfants sur le point d'entrer sur le marché du travail, je peux comprendre qu'ils ne souhaitent pas se voir imposer de nouvelles taxes. Ils me le répètent chaque soir autour de la table familiale.

Deuxièmement, en tant qu'employeur, je n'ai jamais décidé de ne pas embaucher une personne pour ne pas payer de primes d'assurance-emploi ni de cotisations au RPC supplémentaires. Une foule de critères, autres que ce que l'on appelle les charges sociales, entrent dans la décision de recruter une personne. Du reste, je pense que dans certains cas les employeurs considèrent que ces charges représentent un investissement dans le tissu social et dans l'amélioration des conditions de vie des travailleurs. Je ne pense pas qu'il soit juste de dire que la question des charges sociales—lesquelles sont parmi les plus faibles au monde, si nous nous comparons à d'autres pays, y compris les États-Unis—est un énorme problème en ce qui a trait à la création d'emplois.

Ma question est la suivante. Dans votre deuxième recommandation, votre organisme déclare favoriser l'adoption d'un régime plus capitalisé. En fait, si tel était le cas, les primes devraient augmenter encore plus. En fait, si nous n'avons pas opéré ce changement d'ici l'an 2015, alors que certains de ces jeunes gens connaîtront probablement les années où leur revenu sera le plus élevé, nous verserons des cotisations de l'ordre de 14 p. 100. Je ne suis pas certain de bien comprendre ce que vous entendiez par un transfert vers un régime plus capitalisé. Nous nous engageons dans cette voix, mais dans quelle mesure devons-nous le faire?

• 2045

Dans votre quatrième recommandation, vous dites souhaiter insuffler une part d'équité et d'efficacité dans le régime sans passer par l'augmentation des cotisations. Vous devez donc faire référence à une augmentation de l'impôt sur le revenu. Vous envisagez probablement que le contribuable devrait payer une part un peu plus importante. Pourriez-vous préciser pour le moment ces éléments de vos deuxième et quatrième recommandations.

Mme Lucie Bohac Konrad: Le transfert vers un régime plus capitalisé consiste essentiellement à se démarquer du régime par répartition pure qui, inévitablement, revient à passer la facture aux générations à venir. Comme je l'ai indiqué, le transfert vers un régime même partiellement capitalisé revenait à aborder ce problème de front. Cela signifie que vous réduisez de façon tangible une partie du passif. C'est un pas dans la bonne direction. En bout de ligne, lorsque vous avez un régime qui présente déjà un passif non capitalisé, entre autres choses, la période de transition va être difficile.

Ce que nous essayons de proposer, c'est qu'il faudrait accepter le fait que bien que la transition puisse être difficile, il faudrait également convenir que certains profiteront de prestations accrues et qu'ils doivent jouer un rôle dans le financement lié au changement. Bien évidemment, cela signifie que les personnes qui font actuellement partie de la génération de l'après-guerre doivent assumer une part plus grande de l'obligation découlant de cette transition.

Nous devons également garder à l'esprit que le groupe plus âgé de la population connaît actuellement une forte augmentation. Lorsque nous nous reportons à l'histoire du RPC, nous constatons que l'un des premiers objectifs demeurait de résoudre la pauvreté des personnes âgées et de s'occuper de la situation financière de ceux et celles qui avaient bien servi le pays dans les temps difficiles marqués par la grande récession et les guerres mondiales. Le régime devait leur offrir une retraite décente. De nos jours, la situation est telle au Canada qu'il convient de commencer à prêter attention à la pauvreté des jeunes et, très certainement, des enfants. Nous en avons entendu parlé sous bien d'autres formes.

Bien évidemment, nous voulons dire que si nous optons pour la justice et l'équité, nous devons entreprendre un changement. Il nous faut nous ajuster, et cela sera difficile. Nous assistons déjà à ce changement. En fait, la situation relative au RPC n'est pas vraiment différente de celle qui prévaut en matière de lutte au déficit. Les principes sont relativement identiques mais l'idée principale demeure d'être conscient que le transfert est inévitable. Je pense que nous avons souligné le fait qu'il s'agissait d'un acte positif. Effectivement, les gens devront cotiser plus.

Les jeunes gens qui font leur entrée sur le marché du travail se retrouvent dans une situation difficile. Elle s'améliorera cependant à mesure qu'ils vieilliront. La composition de l'épargne laisse à penser qu'ils seront mieux en mesure de soutenir dans une plus large part le régime. La solution idéale serait de mettre sur pied un régime de cotisations graduelles afin que la charge supplémentaire supportée par les jeunes, dans une période où ils sont le moins en mesure de la soutenir, ne soit pas indue.

M. Joe Fontana: Bien que vous disiez ne pas parler au nom de tous les jeunes gens, vous devez très certainement être à leur écoute. Je puis comprendre qu'ils commencent leur vie active et qu'ils seront exposés à une énorme pression dès le début. Ils doivent cependant très certainement apprécier la contribution des générations précédentes. Comment pensez-vous qu'ils ont pu obtenir l'éducation qu'ils ont actuellement? En fait, ce sont leurs parents, leurs grands-parents et les aînés qui ont financé jusqu'à 75 p. 100 de leurs études pendant dix ou quatorze ans. L'infrastructure dont nous profitons aujourd'hui a été bâtie grâce aux contribuables, ceux-là mêmes qui reçoivent des prestations de retraite.

Je ne sais pas combien de jeunes gens que vous connaissez sont en mesure de cotiser à un REER dès demain. Le RPC est un régime conjoint obligatoire d'épargne-retraite où l'employeur paie la moitié des cotisations. Si vous évaluez à 9,9 p. 100 le taux moyen de cotisation, une personne dans la moyenne salariale ne cotisera que 450 $ ou 500 $ par année. Je ne sais pas quel rendement vous pourrez obtenir avec un tel montant dans un REER.

Ma collègue du Parti réformiste continue de déclarer que les jeunes ne devrait pas investir dans le RPC car ils ne recevront que 50 cents pour chaque dollar cotisé. Je me demande si vous savez que pour chaque dollar cotisé par une jeune personne, le régime générera 1,80 $, ce qui est largement différent du montant avancé par Diane...

• 2050

Oui, c'est bien cela. Je vais vous donner des chiffres pour le prouver. Mais je me demande si vous savez qu'il s'agit d'une responsabilité partagée par l'employeur. Celui-ci verse en effet la moitié de la cotisation à la pension d'une jeune personne.

Mme Lucie Bohac Konrad: Je suis au courant de tout cela et les jeunes ne voient certainement pas d'inconvénient à participer à un programme social plus vaste touchant tous les Canadiens et Canadiennes.

M. Joe Fontana: Si une jeune personne accepte de placer 400 $ par an dans un REER individuel, comment ce placement parviendra-t-il à atteindre son objectif ultime? De toute évidence, l'employeur n'y participerait pas. Ou bien suggérez-vous qu'il participerait aussi à votre REER personnel?

Mme Lucie Bohac Konrad: En effet, il n'est pas rare que des employeurs possèdent un REER partagé, un genre de REER autogéré dans lequel l'employeur et l'employé versent leur part respective de la cotisation. Cette idée visait principalement à pallier certaines lacunes du mécanisme du RPC. Bien sûr, certaines de ces questions seront résolues par le passage à une nouvelle politique consistant à gérer le fonds de pension de façon indépendante.

M. Joe Fontana: Oui. Merci.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci, madame Konrad, pour votre intervention. Je pense que vous avez très bien défendu la cause des jeunes du Canada.

Les chiffres fournis à la page 2 de votre résumé montrent qu'une personne née en 1911 reçoit 48 $ pour chaque dollar de cotisation, qu'une personne née en 1948 retire 11 $ pour 1 $ versé et qu'une personne née en 1988—et donc âgée de 9 ans—recevra 5 $ en retour de chaque dollar versé dans le régime de pensions. Je ne désire pas discuter des chiffres que vous présentez, mais j'aimerais certainement savoir où vous les avez trouvés et connaître leurs références afin de pouvoir les comparer aux autres chiffres qui ont servi à nous informer. Cela m'aiderait grandement parce que cela modifierait totalement mon point de vue sur le RPC.

Je crois que les jeunes ont ici une excellente occasion d'influer sur la suite du présent dialogue qui n'est pas sans lien avec l'équité intergénérationnelle. Comme vous le savez, les personnes âgées actuelles reçoivent une allocation ou une prime plus élevée que les sommes qu'elles ont investies. Quels que soient les chiffres, on peut affirmer qu'elles sortent gagnantes. On doit toutefois reconnaître que ces personnes ont traversé deux guerres et les années de la dépression, que leur carrière professionnelle a été sensiblement limitée ou raccourcie et qu'en fait, elles ont eu peu de possibilités de pourvoir à leur retraite. C'est une des principales raisons de la création du RPC; sans ce régime, un très grand nombre de personnes âgées pauvres se seraient retrouvées à l'aide sociale. Vous suggérez de ne pas imposer une charge aussi lourde aux travailleurs actuels et futurs, mais de réorienter une partie de ce rattrapage, de la capitalisation du passif non capitalisé ou de la «subvention» comme l'a dit M. Walker en l'intégrant au régime d'impôt sur le revenu et en faisant appel à la participation de tous les Canadiens et Canadiennes.

Une question se pose. Les personnes âgées perçoivent aussi des revenus et paient des impôts. Selon votre suggestion, les bénéficiaires actuels, c'est-à-dire les personnes âgées à la retraite, devraient payer une partie de cette subvention ou de ce passif non capitalisé, alors que les Canadiens et Canadiennes consultés, les provinces et tous les spécialistes ont déclaré qu'il ne fallait pas toucher aux personnes âgées qui n'ont aucune possibilité de remplacer ce revenu parce qu'elles sont déjà à la retraite; cela ne peut pas se faire rétroactivement. Vous êtes, en quelque sorte, de l'autre côté du terrain de football et je veux m'assurer que, tout en étant au courant de l'effet que cela aurait, vous maintenez que les personnes âgées actuelles ne devraient pas avoir la partie aussi belle et devraient assumer une partie des coûts.

• 2055

Mme Lucie Bohac Konrad: Je devrais peut-être clarifier ma position. Je ne voudrais pas qu'on interprète mal notre position et qu'on pense que nous essayons de créer un genre de marchandage entre les personnes âgées et les jeunes gens d'aujourd'hui. Ce n'est pas du tout notre intention.

Nous disons qu'il faut respecter et honorer les engagements pris et répondre aux attentes suscitées. Nous ne suggérons pas de démarche qui imposerait un fardeau injuste aux générations précédentes, c'est-à-dire aux personnes actuellement à la retraite. Comme vous le dites, elles ne perçoivent pas de revenu nouveau ou régulier contrairement aux personnes qui exercent actuellement un emploi. Ce n'est pas cela que nous suggérons.

En fait, nous avons l'impression que la plus grande responsabilité tend à incomber à la population active actuelle, probablement davantage aux personnes qui sont restées plus d'années sur le marché du travail qu'aux personnes qui intègrent le marché du travail.

On doit aussi tenir compte du grand nombre de personnes qui, de bien des façons,—même si évidemment cela ne dépend pas d'elles, puisqu'elles ne sont pas responsables de l'année de leur naissance—vont prendre leur retraite et imposer un fardeau à l'ensemble du régime de pensions simplement en raison de leur nombre.

Si le fonds est bien géré et obtient un meilleur taux de rendement, etc., on pourra faire face à certaines de ces disparités. Mais je tiens à souligner que nous ne suggérons en aucune façon de pénaliser les personnes âgées d'aujourd'hui.

Nous reconnaissons une chose. Les personnes qui ont participé au régime, qui ont travaillé et cotisé au régime pendant dix ans obtiendront un rendement plus élevé. Il s'agit d'une réalité que nous acceptons puisqu'il est impossible de la changer. J'allais employer une expression familière, mais je m'en abstiendrai parce que nous sommes au Parlement.

Le président: Y-a-t-il d'autres questions? Monsieur Valeri, la dernière question vous revient.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président. Je voudrais seulement formuler quelques commentaires et poser une question. Je veux seulement être sûr de bien comprendre.

Votre recommandation n«1 reconnaît que la sécurité du revenu est pour tous. Vous dites essentiellement que le projet de loi C-2 atteint cet objectif. Je vous ai entendu le dire précédemment.

Mme Lucie Bohac Konrad: Il nous semble qu'il a l'intention de respecter la sécurité du revenu.

M. Tony Valeri: D'accord. La recommandation n«2 exprime l'intention de passer à un régime capitalisé. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais le projet de loi C-2 contient un engagement reposant sur l'entente entre les provinces et voulant que tous les changements apportés ultérieurement au régime de pensions soient entièrement capitalisés. Je ne sais pas si vous le saviez. Quant à l'augmentation des primes, nous nous orientons vers un système à capitalisation plus intégrale. Dans la recommandation n«2, vous vous montrez donc d'accord là aussi.

Mme Lucie Bohac Konrad: C'est exact.

M. Tony Valeri: Pour changer le régime de financement, vous évoquez la possibilité de créer un régime d'épargne obligatoire. Je me demande si, dans la recherche préalable à cette recommandation, vous avez tenu compte du fait que le concept traditionnel de régime de pensions n'inclut aucune considération d'assurance. La seule assurance consiste essentiellement à veiller à ce que la personne n'assiste pas de son vivant à l'épuisement de sa pension.

Un régime obligatoire d'épargne-retraite amène la possibilité qu'une personne vivant longtemps épuise l'épargne mise en réserve et se trouve sans argent et sans pension. Je me demande si vous avez examiné cet aspect quand vous avez recommandé la possibilité d'adopter un régime obligatoire d'épargne-retraite. À mon avis, cela constitue un point crucial: personne ne peut épuiser son fonds de pension si celui-ci est un régime de retraite traditionnel comme le Régime de pensions du Canada.

Voilà les derniers points que je désirais exposer. Vous parlez d'une augmentation temporaire de l'impôt autre que les cotisations sociales pour surmonter la transition. C'est effectivement ce qui se produirait. Je reviendrai au commentaire formulé précédemment par M. Walker à propos de la subvention qui s'élèverait à environ 8 milliards de dollars par an. Il faudrait trouver ce montant quelque part dans l'ensemble du système fiscal. Robson parle d'une augmentation de 4,5 p. 100 des cotisations sociales ou d'une augmentation de 2,5 p. 100 de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire d'une surtaxe pendant une période de 30 ans. Je ne suis pas sûr que les chiffres de Robson équivaudraient finalement au montant de 8 milliards de dollars par an.

• 2100

Vous semblez reconnaître l'existence d'un passif et de la nécessité de capitaliser ce passif. Je me demande un peu pourquoi vous avez tellement l'impression que la prime perçue aux fins du régime de pensions va avoir un effet si négatif sur les jeunes, alors que, selon des gens comme David Perry, les cotisations sociales ne constituent pas, en matière de création d'emplois, un facteur de dissuasion aussi fort qu'on ne cesse de le dire.

Le dernier point sur lequel je désirerais insister est le changement d'administration du nouveau système. Vous convenez que le nouvel organisme de placement rejoint votre recommandation n«1 et aide à répondre à certaines des questions intergénérationnelles que vous soulevez relativement aux jeunes?

Mme Lucie Bohac Konrad: Pour répondre à vos commentaires dans l'ordre inverse à celui que vous avez adopté, je dirai que oui, l'existence d'un organisme indépendant chargé de gérer le fonds répond à un certain nombre de nos préoccupations et ne constitue pas seulement un dispositif de protection, si vous voulez. La gestion du fonds n'est pas envisagée selon des cycles à court terme. Si on examine cette question à très court terme, il est très facile de refiler la responsabilité aux autres après une certaine période, comme cela s'est en partie produit pour la gestion du RPC par le passé. Nous croyons donc que le fait d'envisager la gestion du fonds par un organisme indépendant est un aspect très important.

Je vais maintenant revenir à certains des autres points que vous avez soulevés.

M. Tony Valeri: Dans la recommandation n«3, vous parlez de l'instauration d'un REER obligatoire qui remplacerait le régime de pensions proprement dit. Je ne sais pas si vous avez remarqué que dans un régime de pensions traditionnel, le prestataire ne risque pas d'épuiser sa pension alors que dans le cas d'un REER obligatoire, une personne pourrait se trouver à court de fonds.

Mme Lucie Bohac Konrad: Il est clair que cet aspect doit être pris en considération dans les calculs. Je ne détiens pas la recette magique d'un régime d'épargne-retraite capable de répondre à toutes les situations imaginables, mais cet aspect est une question qui doit sans aucun doute être prise en compte. Je reconnais que cet aspect parmi d'autres montre bien qu'il sera difficile de créer un REER simple. Pourtant, je ne crois pas qu'on veuille absolument créer un REER simple. Examinons la continuation des cotisations des employeurs par exemple.

La référence aux cotisations sociales vise à faire ressortir que, dans un passé récent, nous avons assisté à une énorme augmentation des cotisations sociales qui, comme on a pu le voir, a littéralement contribué à la perte d'emplois et a eu un effet sur le marché du travail offert aux jeunes. Cela est ressorti clairement pendant la session de 1993.

Si par exemple, vous employez 50 personnes, les cotisations augmentent d'un certain pourcentage. En grognant un peu, vous payez ces cotisations et vous poursuivez vos activités même si, en fait, la somme de ces coûts a un certain nombre d'effets. Premièrement, elle a pour effet de réduire la marge dont vous disposez pour embaucher plus de travailleurs ou bien elle vous incite encore plus à investir dans les immobilisations plutôt que dans la main-d'oeuvre pour augmenter votre productivité. Nous avons pu constater cette situation au début des années 90.

Nous devons de plus reconnaître un fait courant: on a tendance à considérer qu'une jeune personne qui entre sur le marché du travail ne vaut pas entièrement son salaire. Les employeurs ont souvent l'impression que quand ils commencent, les jeunes apportent peu de valeur à leur emploi et que l'augmentation des cotisations sociales associées au recrutement d'une personne jeune rend la main-d'oeuvre plus coûteuse qu'elle ne rapporte.

Cette façon de penser a eu un effet énorme, clairement visible au début des années 90. C'est pourquoi nous craignons que cette attitude ne devienne encore plus ancrée dans le contexte canadien actuel où les jeunes ne semblent pas pouvoir se faire une place sur le marché du travail et où le taux de chômage reste élevé. Les employeurs nous disent que cela constitue un problème pour eux. Si cette question représente un problème pour les employeurs, nous avons tout avantage à mieux comprendre ce problème et à y porter une plus grande attention.

M. Tony Valeri: Est-ce que je pourrais ajouter un dernier commentaire, monsieur le président?

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La prime d'assurance-emploi a été réduite de 4 milliards de dollars depuis 1993. Peut-être pourriez-vous informer certains des employeurs qui entrent en contact avec votre association de la mise en place d'un nouveau programme d'embauche qui élimine pour ainsi dire le versement de cotisations à l'assurance-emploi pour tout nouvel employé embauché. Cette précision n'est donnée qu'à titre d'information.

Le président: Merci, madame Bohac Konrad. Comme toujours, vous nous avez présenté un exposé très enrichissant. Au nom du comité, je tiens à vous remercier de votre excellent travail auprès de la Fondation canadienne de la jeunesse qui, en très peu de temps à conquis une place de premier plan. Au nom du comité, merci encore.

Mme Lucie Bohac Konrad: Merci.

Le président: Je voudrais seulement apporter certaines précisions d'ordre administratif. Le Comité des finances se réunira demain dans la présente salle de 9 heures à midi, puis de 12 h 30 à 14 heures. À demain.

La séance est levée.