FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 7 mai 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous pour cette deuxième ronde, à cette séance de l'après-midi.
Nous allons reprendre là où nous nous sommes arrêtés tout à l'heure, lorsque M. Loubier venait de terminer sa présentation de photos.
[Français]
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le président, je remplace M. Brison. Je m'excuse auprès de mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot. Comme vous le savez, M. Brison a indiqué cet après-midi que, malheureusement, il serait absent. Il a informé les membres du comité qu'il aimerait, à ce stade-ci, retirer les amendements qu'il avait présentés. La raison principale en est qu'il n'y aura malheureusement personne pour les défendre lors de leur présentation. Le comité a été saisi de cette question par M. Brison. Je m'excuse encore auprès de mon collègue de Saint-Hyacinthe. Si les membres du comité sont d'accord, les amendements seront retirés et M. Brison pourra les déposer à une date ultérieure.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bachand. Votre demande ne devrait pas poser de problème; on pourrait les retirer et... Considérez qu'ils ont été retirés.
(Les amendements sont retirés)
Le président: Est-ce clair?
[Français]
Monsieur Crête.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Est-ce que cela signifie que les amendements sont retirés de l'étude article par article ou si le député demande tout simplement de les reporter à plus tard, si l'étude article par article a lieu plus tard?
M. André Bachand: C'est exactement cela, monsieur le président. Les amendements seraient débattus lors de l'étude article par article, mais à une date ultérieure. Comme M. Brison l'expliquait, il y a des choses qui surviennent présentement. L'étude des articles reportés se fera lors du dépôt du rapport et ils seront débattus à ce moment-là.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bachand, nous allons procéder à l'étude article par article aujourd'hui; vous pourrez donc proposer cela à l'étape du rapport.
M. André Bachand: Oui.
Le président: À l'étape du rapport à la Chambre, et non pas ici.
M. André Bachand: À l'étape du rapport, oui.
Le président: L'avenir, c'est tout de suite.
M. André Bachand: Est-ce qu'on procède à une élection dès maintenant, ou quoi?
Une voix: Oh, oh!
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le président, je ne sais pas comment vous pouvez prétendre que nous allons procéder à l'étude article par article. Nous avons présenté une motion. Nous devons débattre de cette motion jusqu'à épuisement du débat. L'article 116 nous permet de le faire et nous avons plusieurs collègues qui veulent intervenir sur cette question fondamentale des bourses du millénaire.
Comme je le disais lorsque vous nous avez proposé d'ajourner jusqu'à 16 h 30 cet après-midi, avec la possibilité de reprendre le débat, la question des bourses du millénaire au Québec est un dossier qui est fondamental. Si j'ai fait allusion à de nombreuses reprises à la conférence fédérale-provinciale de mars 1964 à laquelle participèrent entre autres des acteurs aussi impressionnants que Lester B. Pearson et M. Lesage, comme premier ministre du Québec, c'est que la situation que nous vivons à l'heure actuelle est à peu près la même qu'à ce moment-là, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral a des prétentions.
Le gouvernement fédéral a la prétention de vouloir investir dans le domaine de l'éducation qui est, selon l'article 93 de la la Constitution, un domaine exclusif aux provinces. Cela, nous ne cesserons de le répéter. À cette époque, le gouvernement fédéral voulait intervenir dans ce champ de compétence. Grâce à la sagesse de M. Pearson, on a pu, à la fin des discussions de cette conférence fédérale-provinciale qui fut l'une des plus importantes dans l'histoire des relations entre le Québec et le reste du Canada, comprendre quelle était l'importance du dossier de l'éducation au Québec. Le gouvernement fédéral a retiré ses prétentions quant à une intrusion dans ce champ de juridiction exclusif aux provinces.
C'est assez intéressant, lorsqu'on regarde l'histoire, qu'on s'y intéresse et qu'on écoute les gens nous en parler, de constater qu'on ne devrait pas aujourd'hui, à partir de ce qu'on a vécu depuis 30 ans, même depuis 40 ans, reproduire les erreurs de l'histoire. Pourquoi reproduire une erreur alors que c'était tellement clair lors de cette conférence de 1964? D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que j'ai apporté cette photo historique. En ce qui me concerne, c'est une photo qui en dit long sur les bonnes relations fédérales-provinciales qui existaient à ce moment-là.
• 1645
Cette conférence était fort importante. On est
arrivé à la conclusion, après
maintes discussions et après avoir regardé la
Constitution, qu'il valait mieux respecter cette
Constitution et non pas enclencher des chicanes
stériles entre Québec et Ottawa.
Pourquoi, à l'heure actuelle, ne reconnaît-on pas cela? Pourquoi, à l'heure actuelle, ne reconnaît-on pas ce qui a été reconnu depuis plus de 30 ans, à savoir que le gouvernement fédéral doit se mêler de ses affaires? Se mêler de ses affaires, cela veut dire respecter la Constitution, et qui dit vouloir défendre la Constitution canadienne doit respecter le champ de juridiction exclusif du Québec.
En ce sens, monsieur le président, tous ceux qui ont comparu ici vous ont demandé la même chose. Moi, je vous le demande au nom de l'histoire et également au nom de tous les combats et victoires historiques. Dans le secteur de l'éducation, nous vous demandons de considérer l'opportunité de présenter une proposition à votre gouvernement qui demanderait, étant donné l'unanimité qu'on a pu constater ici, que le Québec puisse se retirer du programme des bourses du millénaire avec pleine compensation.
Monsieur le président, j'aimerais tellement qu'on puisse reproduise les événements de 1964, c'est-à-dire que M. Chrétien prenne la place de M. Pearson et que M. Bouchard prenne la place de M. Lesage dans le cas des bourses du millénaire et qu'on puisse sortir d'une rencontre ultime d'ici le 1er juin. En fait, nous parlons tous de la date du 1er juin avec un sourire aux lèvres. On m'a dit que les deux premiers ministres, à cette époque-là, étaient sortis avec le sourire aux lèvres parce qu'ils avaient réussi à s'entendre. S'il y avait un malentendu dans l'esprit de M. Pearson quant à la portée de la Constitution en matière d'éducation et la juridiction du Québec, ce malentendu a été atténué durant la conférence et, peu après, a été complètement annihilé, parce que M. Pearson avait reculé.
J'aimerais aussi que vous vous fassiez les porte-parole de ce que vous avez entendu depuis trois semaines de la bouche de tous les intervenants québécois auprès du bureau du premier ministre pour lui dire que cela n'a aucun sens de vouloir imposer ce Fonds des bourses du millénaire au Québec. Là, on aurait enfin l'impression que les députés ministériels ne sont pas là uniquement pour faire valoir des idées déjà arrêtées par des cabinets, du premier ministre ou des ministres responsables, mais aussi pour refléter ce qu'ils entendent, et qu'ils sont capables de réfléchir et de proposer au gouvernement des solutions qui vont réduire les possibilités de chicanes stériles qui risquent de devenir assez agressives. Si vous regardez l'histoire, vous verrez que l'on s'est battu férocement pour l'éducation. Au Québec, l'éducation, c'est sacré.
Il me semble donc que le comité a un rôle fondamental à jouer ici. Le comité doit se faire le reflet du consensus et le consensus, au Québec, est clair, rappelons-le. Je pense qu'il est utile de rappeler que, dans le reste du Canada, on ne s'est jamais opposé à ce qu'il y ait un Fonds des bourses d'étude du millénaire. On ne s'est jamais opposé à ce que le gouvernement fédéral, avec l'appui des autres provinces canadiennes, prétende aider les étudiants. Mais au Québec, c'est différent. Il y a d'ailleurs des représentants du Canada anglais qui sont venus nous dire que c'était différent pour le Québec et qu'ils nous appuyaient. Je prends l'exemple de M. Trent. Il me semble que c'est facile à comprendre.
Il me semble que vous devriez comprendre que ces bourses du millénaire sont tout à fait inacceptables pour le Québec. Il me semble que ce serait de bon augure que votre rapport, monsieur le président, que vous prétendez vouloir présenter bientôt à la Chambre des communes, puisse parler du consensus québécois et faire des recommandations au gouvernement fédéral, à savoir que l'on doit apporter des modifications pour le Québec. Vous ne laissez d'ailleurs même pas la chance de se poursuivre à la négociation entre l'émissaire du gouvernement du Québec, du bureau du premier ministre Lucien Bouchard, et celui du bureau du premier ministre fédéral.
Je vais maintenant céder la parole à mes collègues, qui ont sûrement beaucoup de choses à dire en complément de ce que nous avons dit tout au cours de la journée. J'espère que nous saurons vous convaincre qu'il est important que vous reculiez dans vos prétentions.
[Traduction]
Le président: Vous pouvez parler aussi longtemps que vous le voulez.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Comme vous avez pu le constater ici et pendant la période des questions, il est bizarre que vous fassiez tous la sourde oreille à cet appel unanime du Québec et que vous refusiez, à tout le moins, d'accorder un moratoire pendant le déroulement des négociations qui ont été enclenchées entre Québec et Ottawa, comme Yvan le rappelait plus tôt, ce qui serait tout à fait normal dans un processus de négociation.
On essaie de procéder rapidement à l'étude article par article, de bulldozer et de mettre de l'avant les dispositions d'un projet de loi, tandis que parallèlement, on tente de négocier une entente. Que veut dire un processus de négociation dans ce contexte-là? Si j'étais un négociateur, je ne serais pas très heureux de savoir qu'avant même que j'aie terminé ma négociation, le gouvernement a mis de l'avant les dispositions d'un projet de loi et et venu biaiser ou effacer tout ce que j'ai négocié.
Monsieur le président, tous les gens du Québec qui sont venus témoigner sur les bourses du millénaire ainsi que tous les autres témoins qui en ont parlé, y compris M. Trent, ont été unanimes: ils ne s'opposent pas à la création des bourses du millénaire pour le reste du Canada, mais reconnaissent que la situation est différente au Québec. Depuis 1964, dans le cadre du programme de prêts et bourses, on octroie une compensation à la province de Québec, le taux d'endettement moyen des étudiants y est moindre qu'ailleurs au Canada et le Québec a bien fait ses devoirs à ce chapitre.
Un des 14 groupes du Québec qui sont venus témoigner l'a fait de façon assez éloquente. Leur témoignage m'a peut-être davantage touché parce que j'étais auparavant enseignant et que c'était un des mes ex-syndicats, soit la CEQ. Je vous citerai des extraits de leur communiqué de presse et de leur témoignage ici, au comité.
-
La mise sur pied de la Fondation des bourses du
millénaire n'est pas le bon moyen d'améliorer l'égalité
des chances aux études universitaires pour la jeunesse
québécoise.
-
Le ministre des Finances découvre aujourd'hui que «les
membres des familles à faible revenu sont sous-représentés
dans nos établissements d'enseignement
supérieur». Le Québec sait cela depuis fort longtemps;
c'est d'ailleurs pour cette raison que son régime de
prêts et bourses est le plus développé au Canada.
Avant de poursuivre la lecture du communiqué de presse, monsieur le président, j'aimerais vous rappeler une petite anecdote survenue en Chambre lors de la journée de l'opposition où nous discutions des bourses du millénaire. Un député libéral lisait un discours qui avait probablement été rédigé par le bureau de M. Pettigrew ou celui du premier ministre, sans connaître réellement le fond des choses. Parmi les énormités de son discours, il affirmait que si on rejetait les bourses du millénaire, c'était parce qu'on ne voulait pas que nos jeunes s'instruisent, voyagent ou puissent faire face au défi de l'an 2000. Il y avait des bourdes assez énormes.
À la suite de son discours, je suis allé m'asseoir à côté de lui. On a jasé un peu et je lui ai expliqué le système de prêts et bourses du Québec. À ma grande surprise, avant la fin de la séance, il admettait qu'il comprenait notre point de vue et que s'il avait su qu'il en était ainsi, il nous aurait appuyés. Il est possible que certains députés des autres partis, qu'ils soient libéraux ou réformistes, ne comprennent pas la position du Québec, tout simplement parce qu'ils prennent le temps de lire des livres d'Agatha Christie, mais peut-être pas de comparer notre système de prêts et bourses au leur.
Lorsqu'on parle du droit de notre jeunesse à l'éducation collégiale ou universitaire et qu'on nous dit que les bourses du millénaire vont favoriser l'accessibilité et l'égalité des chances, il est utile de rappeler qu'au Québec, on n'octroie pas les prêts et bourses en fonction des résultats scolaires, ce qui ne ferait qu'encourager une certaine élite qui n'a peut-être pas besoin de ces prêts et bourses. Les bourses d'études du millénaire qu'on nous propose seraient probablement accordées en fonction des résultats scolaires. On choisirait un nombre déterminé d'étudiants à qui l'on remettrait une bourse de 3 000 $ parce qu'ils ont obtenu une bonne moyenne dans leur bulletin, ce qui viendrait directement contrecarrer le système de prêts et bourses au Québec, où l'aide financière est accordée en fonction du revenu familial afin d'encourager justement l'égalité des chances à l'éducation.
On pourrait bonifier le système québécois en augmentant le budget du régime des prêts et bourses au Québec, ce qui nous permettrait de toucher un plus grand nombre d'étudiants. Si on craint que la feuille d'érable n'apparaisse pas sur le chèque, peut-être pourrions-nous mettre les deux emblèmes à un moment donné.
• 1655
Si tel est l'objectif qu'on veut atteindre, il y a
effectivement un problème. Mais si on vise à
faciliter l'accès des jeunes aux études supérieures
et à leur offrir de meilleures chances de relever les défis de
demain, on atteindrait sûrement davantage notre
objectif en mariant
le programme des bourses du millénaire à celui des
prêts et bourses du Québec, comme on le demande et comme
les 14 groupes qui sont venus témoigner l'ont demandé.
Monsieur le président, je lirai des extraits du communiqué de presse que diffusait en mai la CEQ et qui s'intitulait: «Huit bonnes raisons de rejeter le projet de loi C-36 sur les bourses du millénaire».
-
La Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)
propose un amendement au projet de loi
C-36 afin de prévoir un droit de retrait avec pleine
compensation financière à toute province qui gère
un programme d'aide financière dans le but d'assurer
l'égalité des chances en éducation.
On a déjà accepté de faire ainsi dans le passé, on nous avait fait confiance et on a bien fait notre devoir. Lors de sa comparution devant le Comité permanent des finances dans le cadre de l'étude du projet de loi, la CEQ a démontré qu'il y avait huit bonnes raisons pour lesquelles le Québec devrait exiger ce droit de retrait avec pleine compensation et on en donne un résumé dans le communiqué de presse. Peut-être qu'à force de le répéter, vous réussirez tous à comprendre. C'est un peu comme dans l'enseignement au secondaire: on répète plusieurs fois ou l'on fait copier des textes et, à un moment donné, nos étudiants finissent par comprendre.
La première bonne raison pour rejeter ce le projet de loi, c'est qu'il «constitue un empiétement du fédéral en éducation». Mes collègues ont probablement déjà fait allusion à l'article 93. Il est assez facile de démontrer que c'est une juridiction strictement provinciale. La CEQ affirme que:
-
La Fondation des bourses d'études du millénaire ne
s'avère pas le bon moyen d'améliorer l'égalité d'accès
aux études postsecondaires.
Ce n'est pas en choisissant 1 000 étudiants québécois qui ont une moyenne de A+ et en leur donnant 3 000 $ qu'on va améliorer l'égalité d'accès. Si jamais c'était le cas, j'apprécierais que dans leur éloquente présentation, les députés libéraux nous en fassent la preuve parce que nous aussi aimerions sûrement profiter de leur grande connaissance.
Comme troisième point, on indiquait: «L'égalité des chances n'est pas un mandat privé et temporaire». Ce n'est pas la fondation qui nous permettra d'atteindre ce but. On affirme aussi: «La fondation dédoublerait le système québécois qui a fait ses preuves». On parlait de frais d'administration de l'ordre de 16 millions de dollars pour dédoubler toute l'administration, pour faire fonctionner ce double système de prêts et bourses.
«En matière d'endettement étudiant, le Québec a relativement bien réussi, alors que le fédéral a lamentablement échoué». Ce n'est pas une question politique; ce ne sont pas les séparatistes versus les fédéralistes. Les chiffrent le prouvent. On n'a qu'à regarder l'endettement moyen des étudiants au Québec. Les députés libéraux qui ont peut-être profité de ce système-là sont bien heureux aujourd'hui que leur endettement soit sûrement moindre que celui de leurs confrères qui viennent des autres provinces.
«Le régime québécois d'aide financière est plus généreux que le futur régime issu des activités de la fondation.» Une fondation est un truc caché auquel on a recours pour se prêter à un empiétement direct. Le régime québécois de prêts et bourses aide un plus grand nombre d'étudiants que ne pourra le faire la Fondation.
«L'intrusion du fédéral va créer des distorsions dans le régime québécois». S'il y a deux guichets d'information ou deux endroits où les étudiants peuvent se renseigner au sujet des prêts et bourses, ils se demanderont s'ils ont droit aux prêts et bourses selon le système du Québec ou selon le système fédéral et à qui ils doivent parler. En plus d'être coûteux, le dédoublement créera de la confusion chez ceux et celles qui voudront bénéficier de ces services.
Quant à la notion de visibilité, ce n'est pas nous qui l'avons inventée, mais plutôt le premier ministre qui en a parlé lors d'une déclaration en Chambre. J'espère qu'on ne se servira pas de la jeunesse québécoise comme une clientèle ou comme une façade de vitrine de Eaton's pour vendre la feuille d'érable. En principe, on devrait leur venir en aide, et non pas les acheter en vue de faire la promotion du fédéralisme.
La CEQ a réaffirmé lors de sa présentation que le fédéral devait respecter la compétence exclusive du Québec en éducation. Mme Pagé disait que: «La création de la Fondation constitue un dédoublement de structure et un gaspillage éhonté de fonds publics.» Les 5 p. 100 du montant total de 2,5 milliards de dollars qui seront attribués à l'administration nous démontrent sans équivoque qu'elle avait raison.
-
Selon la CEQ,
ce n'est pas fondamentalement par des
bourses au mérite qu'on améliore l'égalité des
chances,...
C'était un des éléments importants de leur présentation et j'aimerais bien qu'on m'en fasse la preuve du contraire.
-
...mais plutôt par un régime d'aide essentiellement fondé
sur le besoin, comme celui qui existe au Québec.
De plus, l'égalité des chances est
clairement une responsabilité publique. Or, en créant
une fondation privée, le gouvernement Chrétien
fait de ce mandat fondamental une
responsabilité privée. La population québécoise ne
peut accepter que des dirigeants de grandes compagnies,
dont le but principal est d'accroître leurs profits,
viennent, en lieu et en place de leur propre
gouvernement, administrer des fonds publics destinés à
l'amélioration de l'égalité des chances.
La CEQ ne voudrait
pas d'un tel projet, même s'il était proposé par le gouvernement
du Québec.
Ou s'il était proposé par les méchants séparatistes—comme vous vous plaisez souvent à les appeler—parce qu'il va à l'encontre de la philosophie et de l'esprit du fonctionnement du régime de prêts et bourses au Québec.
-
Le Québec distribue 525,4
millions de dollars par an, sous forme de prêts, à
plus de 100 000 bénéficiaires alors qu'il
reçoit généralement moins de 90
millions de dollars par année de paiement de
compensation par le fédéral.
Entre les 90 millions et les 500 millions de dollars, il y a une petite différence.
-
Le Québec investit largement dans l'accès aux études,
bien au-delà de la participation fédérale. De plus,
le Québec offre déjà annuellement 256,3
millions de dollars à plus de
75 000 boursiers. Le régime québécois d'aide
financière est à la fois différent et plus complet que
celui des autres provinces.
Quant à la question de l'endettement, on va vous montrer des chiffres.
-
Par ailleurs, l'endettement moyen au Québec
se situe à 11 000 $ environ et il
est plus du double partout ailleurs dans
les autres provinces canadiennes où le fédéral assume
la responsabilité de l'aide financière.
En matière d'endettement étudiant et
d'égalité des chances, Ottawa affiche donc une bien
mauvaise feuille de route, selon la Centrale.
Et les chiffres nous le prouvent.
Dans le communiqué, on lit aussi:
-
De plus, le régime québécois est déjà plus généreux que
ce que prévoit le projet fédéral tant par les sommes
d'argent allouées et le nombre de bénéficiaires que par
la durée de la période d'admissibilité à la bourse.
Pour éliminer les distorsions créées par l'intrusion du
fédéral, Québec devrait couper dans les bourses qu'il
offre actuellement.
-
Enfin le premier ministre Chrétien veut que les gens
sachent d'où vient l'argent.
Lors de son témoignage devant le comité, la présidente de cette centrale syndicale vous rappelait que:
-
M. Chrétien veut donner des chèques à des jeunes
en âge de voter pour tenter d'influencer le
prochain vote référendaire. Ce genre de pratique
politique date d'une époque que l'on croyait
révolue.
C'était l'époque de Duplessis, où on offrait des frigidaires et de la bière pour acheter des votes.
Donc, monsieur le président, devant des données aussi évidentes et aussi éloquentes, nous espérons qu'à un moment donné, plus tôt que tard, nos collègues libéraux comprendront l'importance de nous accorder à tout le moins un moratoire pendant les négociations sur l'harmonisation de ces bourses fédérales-provinciales afin de laisser aux négociateurs le temps de mettre de l'avant des possibilités avantageuses pour l'avenir et de leur donner vraiment une chance d'établir une harmonie entre le fédéral et le provincial au niveau des bourses du millénaire. Nous espérons qu'on écoutera et respectera les demandes incessantes de tous les groupes du Québec, qu'ils soient du milieu syndical, étudiant, enseignant ou politique. Tout le monde au Québec le dit de façon unanime: «Écoutez, ce que l'on veut, c'est se retirer et obtenir une pleine compensation, comme on l'a fait en 1964 dans le cadre de ce programme. Depuis 34 ans, le Québec a démontré sa grande responsabilité face aux sommes qui sont attribuées dans le régime de prêts et bourses.»
Je joins ma voix à celle de mes autres collègues du Bloc québécois pour vous demander de faire preuve d'un peu de compréhension. Je ne demanderai pas votre compassion, ayant constaté en Chambre que ce mot n'existe pas dans votre dictionnaire. Accordez-nous un moratoire pendant le temps des négociations, après quoi on verra et on passera à l'étude article par article de ce projet de loi.
Je vous remercie, monsieur le président. Je vais maintenant céder la parole à mon collègue.
M. Paul Crête: C'est le président qui donne la parole.
[Traduction]
Le président: Merci.
[Français]
M. Paul Crête: Mon plaisir. M. Brien va remplacer M. Loubier.
[Traduction]
Le président: Vos commentaires sont-ils terminés?
M. Benoît Sauvageau: Oui.
Le président: Vos commentaires sont terminés.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Excusez-moi, monsieur le président. Je vous rappelle qu'à la fin de la journée, il y aura un examen sur ce que j'ai dit. J'espère que vous m'avez bien écouté.
[Traduction]
Des voix: Oh, oh!
Le président: Oui. Un véritable professeur, n'est-ce pas?
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): C'est à mon tour?
[Traduction]
Le président: Oui.
[Français]
M. Pierre Brien: Merci, monsieur le président. Je suis très heureux d'avoir la chance de venir m'exprimer sur le dossier des bourses du millénaire, surtout que notre grand Québécois, le député de Bourassa, est ici pour nous écouter.
Une voix: Enveloppé dans le drapeau du Québec
M. Pierre Brien: J'espère qu'il fera des pressions sur son premier ministre. On sait qu'il a beaucoup d'influence sur lui; on a vu le changement d'attitude du gouvernement dans le dossier des clubs sportifs entre autres. Je suis convaincu que mon collègue de Bourassa va rapporter nos propos avec beaucoup d'attention aux hautes instances du Parti libéral.
C'est un peu étrange qu'on soit en train de discuter du projet de loi qui crée les bourses du millénaire au moment même où d'importantes négociations doivent avoir lieu entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. On peut s'interroger sur la bonne foi réelle du gouvernement fédéral dans ces négociations quand, d'un côté, il dit négocier et que, de l'autre côté, on se propose d'adopter la loi comme si on ne prévoyait aucun changement et qu'on n'avait pas l'intention de faire des concessions. C'est mon premier point.
Regardons le dossier d'ensemble de l'investissement fédéral dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement postsecondaire. Au moment de l'arrivée du Bloc, en 1993-1994, et de l'élection au pouvoir du Parti libéral, le fédéral était déjà présent dans l'enseignement postsecondaire au niveau financier, comme il l'était dans les programmes à frais partagés en santé et aide sociale.
En arrivant ici, le gouvernement décidait de faire sa première victime de sa cible budgétaire en sabrant tous les paiements de transfert qui servaient à financer les programmes d'enseignement postsecondaire, de santé et d'aide sociale dans les provinces. Au lieu de verser 17,5 milliards de dollars par année en paiements de transfert en argent comptant, il verse maintenant 11,5 milliards de dollars, somme qui sera éventuellement augmentée à 12,5 milliards de dollars.
Bref, on a sabré plus de 5 milliards de dollars par année dans les transferts aux provinces dans les domaines de la santé, l'éducation et l'aide sociale. Mais en même temps, cette année, on va terminer l'année avec un surplus d'à peu près le même montant. On peut facilement voir que le gouvernement fédéral aurait pu éviter de faire ces coupures et arriver à un équilibre budgétaire.
Pourquoi a-t-on fait cela? Est-ce par hasard que cela arrive comme ça? Certainement pas. Le gouvernement fédéral trouvait qu'il n'avait pas beaucoup de visibilité avec les paiements de transfert; il envoyait un chèque au gouvernement provincial, qui décidait d'en faire ce qu'il voulait dans les secteurs d'activité pour lesquels il recevait cet argent. Le gouvernement fédéral percevait des impôts, redonnait de l'argent aux provinces et n'avait pas de visibilité.
Comme on le sait, il existe maintenant une obsession de rendre publiques toutes les sommes d'argent dépensées par ce palier de gouvernement. Il est donc clair que le but premier des interventions gouvernementales est de modifier cela complètement. Si on se propose d'investir des montants de l'ordre de 15 milliards, 16 milliards ou 17 milliards de dollars, il vaut mieux le faire nous-mêmes. Ils ne faut pas laisser les provinces faire ce travail. Nous les laisserons plutôt gérer des coupures et nous entreprendrons des initiatives parallèles.
Il est évident, monsieur le président, que cela a été planifié depuis le début des réductions des paiements de transfert. Dès qu'il aurait une marge de manoeuvre, le fédéral s'en servirait pour entreprendre des initiatives non récurrentes, c'est-à-dire des dépenses qui ne se répètent pas nécessairement à chaque année, comme c'est le cas des bourses du millénaire, et pour intervenir dans les champs de juridiction des provinces que sont la santé et l'éducation. Je ne pense pas qu'il soit très intéressant pour vous d'intervenir à ce moment-ci au niveau de l'aide sociale. Mais en santé et en éducation, il est certainement intéressant de se rendre visible, d'autant plus que les provinces ont dû faire d'importantes coupures dans ces deux secteurs, qui disposent collectivement de 5 milliards de dollars de moins par année.
Comment cela se traduit-il dans le dossier de l'éducation? Dans la vraie vie, il y a des compressions budgétaires un peu partout. Et là, le fédéral décide qu'il faut faire de l'éducation et de l'enseignement postsecondaire une grande priorité. Il se demande donc comment intervenir. Apparemment, c'est une idée du premier ministre lui-même—ce qui en soi est un peu surprenant, mais supposons que ce soit vrai—que d'intervenir en offrant des bourses aux étudiants.
Comment rendre le plus visible possible une somme de 2,5 milliards de dollars? On la divise en unités de 3 000 $—cela en fait beaucoup—et on va donner des bourses. Mais là, évidemment, à peine quelques personnes soulèvent la question: «Oui, monsieur Chrétien, mais n'est-ce pas une prérogative du gouvernement du Québec? Le Québec a son propre système.» Pourquoi s'enfarger là-dedans? On créera une fondation. Ce ne sera donc pas le gouvernement comme tel qui sera le gestionnaire du Fonds des bourses d'études du millénaire et on fera croire que la Fondation a le mandat de coordonner ses activités avec les provinces.
• 1710
Mais pensons à la façon dont les choses se passent dans
la vraie vie. Évidemment, ce seront tous des amis du
régime qui seront nommés; il n'y a aucun doute
là-dessus. Ce seront des proches du Parti libéral,
très certainement. Peut-être y aura-t-il une
exception. On leur adjoindra un proche du Parti
conservateur pour équilibrer les choses. Il va être
mal pris, monsieur le député de Bourassa, quand il va
vouloir travailler à gérer les bourses du millénaires,
bien mal pris. De toute façon, d'ici là, le contexte
politique aura changé. Vous serez peut-être rendu, vous
aussi, à Québec, puisqu'il n'y aura plus de
représentants fédéraux à Ottawa.
Donc, comment dans le concret cette fondation pourra-t-elle gérer un système de bourses sans une infrastructure de bureaucrates ou de technocrates, appelez-les comme vous voudrez? Comment vont-ils faire pour analyser les critères d'attribution des bourses? Comment vont-ils y arriver? Vont-ils créer un groupe qui va recevoir les demandes et les analyser? Pensez-y! C'est un grand nombre de bourses qui sera attribué et de nombreuses demandes seront faites. Ce sera quasiment un nombre équivalent à celui que reçoit le système régulier d'aide financière du gouvernement du Québec, pour lequel il existe déjà toute une infrastructure.
C'est sûr que le gouvernement fédéral s'imagine peut-être pouvoir gérer cela en partenariat avec le Québec, à la condition que la feuille d'érable et la fleur de lys apparaissent sur les deux chèques, cherchant ainsi à gagner en visibilité même sur ce que le Québec injecte déjà lui-même dans son régime de prêts et bourses.
Québec consacre grosso modo—je peux me tromper de quelques dizaines de milliers de dollars ou d'un million—près de 500 millions de dollars dans son système de prêts et bourses. Le fédéral, au moyen d'une initiative temporaire, va lancer un certain nombre de bourses, mais voudra probablement avoir la feuille d'érable sur tous les chèques. Si le gouvernement du Québec acceptait, à la limite, de se plier à cette volonté, à ce caprice du gouvernement fédéral, il ne pourrait pas y avoir deux impressions de chèques: une avec deux logos et une autre avec un seul logo.
C'est probablement ce à quoi ils veulent en arriver, afin que les gens sachent combien le Canada est bon pour eux. Le premier ministre l'a d'ailleurs exprimé très clairement en Chambre en réponse à une des questions de mon collègue du Lac-Saint-Jean. Le premier ministre reconnaissait franchement qu'il voulait que les étudiants sachent d'où venait l'argent.
Cela m'amène à une question de plus d'envergure. Est-ce qu'il existe de l'argent fédéral et de l'argent provincial? Si oui, j'aimerais que vous me montriez les deux types de monnaie afin qu'on puisse voir la différence. À ma connaissance, il n'existe que des dollars provenant des poches des contribuables. Que ceux-ci le fassent transiter par Ottawa ou qu'ils l'envoient directement à Québec ou à leur municipalité, il s'agit des contributions des contribuables.
De plus, il y a quelque chose d'un peu insensé dans le principe même des paiements de transfert, quand vous y regardez de plus près. Vous envoyez de l'argent au gouvernement fédéral, qui passe ensuite par le Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le ministère du Développement des ressources humaines. Chacun s'en prend une part en passant pour administrer cela, avant de le renvoyer dans une province, où il suivra le même processus; les Finances, le Conseil du Trésor et le ministère concerné par le programme de transfert. C'est beaucoup de manipulations qui s'effectuent sur un dollar, alors qu'il serait beaucoup plus simple que la province collecte elle-même cet argent. En ce sens, le principe du transfert de points d'impôt est beaucoup plus sensé que celui des paiements de transfert.
C'est le grand manitou, le grand sage du Parti libéral lui-même, le grand influent, le père spirituel du premier ministre actuel, Pierre Elliott Trudeau, qui disait qu'il y avait quelque chose d'immoral dans le principe des paiements de transfert, voire même d'illégal. Parce que si on transfère de l'argent aux provinces pour qu'elles s'occupent d'un domaine qui tombe sous sa juridiction, le gouvernement fédéral n'aurait jamais dû, en premier lieu, se mêler de collecter cet argent. À moins de récrire les manuels d'histoire, les cours de politique et la Constitution et de refaire le partage des pouvoirs, l'éducation est, à juste titre, une compétence des provinces.
J'ouvre une autre parenthèse, monsieur le président, mais je sais qu'on a tout le temps qu'il faut pour traiter du sujet. Quand on pense que ces gens-là essaient de nous faire croire, au moyen d'une telle chose que la déclaration de Calgary, ainsi que par tous les bons voeux pieux qu'ils veulent nous adresser, que le Québec peut promouvoir sa langue, sa culture et sa spécificité, qu'on l'appelle unique, distinct ou du nom que vous voudrez, si vous avez peur des mots! L'éducation est quelque chose d'important dans la promotion de la langue, de la culture, de l'identité.
• 1715
Comment se fait-il alors que le gouvernement fédéral
veuille y jouer un rôle, quand c'est un des éléments
clés? Il ne peut pas laisser les provinces s'occuper
des vétilles administratives et conserver pour lui le rôle de
grand financier. On sait bien que le nerf de la
guerre,
c'est l'argent. Le fédéral prétend laisser les
provinces s'occuper de la santé et de l'éducation tout en
se réservant le volet du financement dans ces domaines.
C'est le volet le plus important, le premier volet.
Essayez donc de réaliser des choses sans argent. Or, le fédéral conserve toujours le contrôle absolu sur les cordons de la bourse. Il s'amuse, comme bon lui semble, à mettre les bâtons dans les roues aux provinces. Quand il n'est pas de bonne humeur, il coupe les paiements de transfert. Il va encore plus loin dans le domaine de la santé; si les normes nationales ne sont pas respectées, les paiements de transfert sont coupés, ce qui empêche certaines provinces... Qu'on soit pour ou contre, c'est leur choix. Si l'Alberta veut avoir un régime de santé différent, c'est son affaire. Si les gens ne sont pas contents ils n'auront qu'à battre le gouvernement provincial la prochaine fois.
Mais dans le cas qui nous occupe, jouant le rôle d'un grand sage, le gouvernement fédéral décide de se mettre le nez partout, de se déclarer le gouvernement le mieux placé pour déterminer les grandes priorités, les normes nationales, etc. Derrière cela se profile la volonté, à peine cachée et de plus en plus visible depuis 1995—tout le monde sait pourquoi—de bâtir une identité, une espèce de corps de pensée unique, de bâtir le Canada autour d'une seule nation, s'écartant ainsi de plus en plus du concept des peuples fondateurs, le peuple québécois et le peuple canadien, qui étaient à l'époque les communautés francophone et anglophone.
Donc, monsieur le président, ce qui se passe dans le dossier des bourses du millénaire illustre très bien ce problème, cette espèce de cancer constitutionnel canadien dont nous souffrons, ce problème des juridictions mal définies, mal partagées, ce qui fait que le gouvernement fédéral se mêle de tout ce qu'il veut, quand bon lui semble, tout cela à cause de ce fameux pouvoir de dépenser ou de l'intérêt national que la Constitution lui confie. Donc, il peut intervenir quand bon lui semble et où il veut.
C'est une bataille de compétence, mais c'est beaucoup plus. Arrêtons-nous à l'efficacité dans tout ce processus. Quand deux gouvernements, se donnant deux priorités différentes, deux objectifs, deux stratégies, deux approches, interviennent dans le même domaine, cela sème énormément de confusion. On a vu le cafouillis qui s'est produit dans les programmes de formation de la main-d'oeuvre. On se dirige maintenant vers un guichet unique, mais je suis convaincu qu'on en aura pour quelques années à faire le ménage dans tout le fouillis qu'on a créé pendant des années. On s'est aperçu que ce n'était pas efficace.
Prenons le cas de l'éducation. Monsieur le président, je reviens d'une tournée du Québec avec quatre de mes collègues. Cinq jeunes députés de moins de 30 ans, membres du Bloc québécois, soit les députés de Longueuil, de Charlesbourg, de Rosemont, du Lac-Saint-Jean et moi-même, sont allés faire le tour des milieux de jeunes au Québec. Évidemment, nous avons passé beaucoup de temps dans le milieu scolaire, collégial et universitaire. On a vu ce qui se passait dans le domaine de l'éducation. Est-ce que la priorité, dans le milieu de l'éducation...
Quand nous avons rencontré ces jeunes, nous avons écouté ce qu'ils avaient à nous dire. Nous leur avons donné la chance de nous parler. Nous ne sommes pas allés là pour faire de la propagande, comme toute la publicité fédérale qu'on a pu voir dans ces institutions.
Ces gens-là, en nous parlant des problèmes d'éducation, ont mentionné les bourses du millénaire. Ils nous ont dit que ce n'était pas une priorité, qu'elles allaient profiter seulement à un certain nombre d'étudiants. Ils préféraient, disaient-ils, que l'argent bénéficie à l'ensemble des étudiants. Que des bourses soient données par surcroît, au mérite dans certains cas, et même dans plusieurs cas d'après les critères définis, est-ce que c'est là la priorité, le problème le plus fondamental du système d'éducation à ce moment-ci?
Je ne vous parle, en ce moment, que du secteur postsecondaire. On pourrait envisager le problème dans une perspective beaucoup plus large. Au niveau postsecondaire, les étudiants disent que, si on investissait davantage dans l'enseignement, si on consacrait plus de ressources au soutien aux étudiants, aux services d'orientation, cela bénéficierait à l'ensemble des étudiants, pas seulement à 25 000 d'entre eux qu'on aura ciblés comme étant l'élite, la relève de demain ou peu importe. Souvent, de toute façon, ceux-là réussissent déjà très bien et sont souvent sur les rangs pour obtenir les bourses octroyées par des fondations privées. Ils ne sont pas les premiers à avoir besoin de financement. On ne s'attaque donc pas au problème essentiel, qui est d'instaurer des mesures pouvant bénéficier à l'ensemble.
• 1720
Peut-on dire, monsieur le président, que c'était
ça, la priorité dans le domaine de l'éducation? Le
fédéral, lui, s'en mêle de temps à autre. À Ottawa, au
palier politique le plus déconnecté du réel, le plus
éloigné des citoyens, on décrète que la priorité, dans
le domaine de l'éducation, c'est celle-là, dont on va
s'occuper en instituant les bourses du millénaire; 2,5
milliards de dollars seront mis dans une fondation,
payés à même les surplus de l'année financière
1997-1998. On pourrait d'ailleurs tenir un long
débat sur les pratiques comptables qui entourent
l'opération.
Quand un gouvernement ne s'occupe pas quotidiennement d'un domaine, il est clair qu'il met de l'argent dans ce qui n'est pas prioritaire. Arrêtons-nous seulement 30 secondes pour y penser. Est-ce que, dans le domaine de l'éducation, le principal problème n'est pas le décrochage scolaire aux niveaux scolaires inférieurs plutôt qu'au niveau postsecondaire? Ne devrait-on pas fournir aux provinces plus de ressources afin qu'elles puissent consacrer de l'énergie et de l'argent à régler ce problème grave?
On sait qu'il existe encore des problèmes dans l'enseignement professionnel, qu'on a des taux de décrochage importants au niveau secondaire. Je lisais dernièrement un article dans La Presse qui me faisait dresser les cheveux sur la tête. On y disait: «On se réjouit. Le décrochage scolaire n'est pas de 40 p. 100, mais seulement de 20 à 25 p. 100. Bravo! Grande victoire! Grande nouvelle!» Mais cela représente quand même beaucoup de monde. Qu'est-ce qui arrivera de ces gens-là dans la société de demain?
Je viens du Témiscamingue où la population est de 17 000 habitants. Je vois des gens qui, pour toutes sortes de raisons, ont décroché dès le secondaire. Ce sont des copains, des gens près de mon milieu, que je connais bien. Je vois toutes les difficultés qu'ils ont aujourd'hui à demeurer sur le marché du travail. Je ne pense pas que la situation soit propre au Québec.
Je vous ferai remarquer que, de l'autre côté du lac Témiscamingue, c'est l'Ontario. On y vit à peu près les mêmes problèmes. Chaque matin, quand je me lève, de l'autre côté du lac, je vois l'autre pays, qui est le Canada, et j'y vois des problèmes relativement semblables.
D'ailleurs, une très grande partie de ma famille vit à l'extérieur du Québec. S'il y en a qui veulent simplifier en ramenant l'explication du problème à la présence de Lucien Bouchard, cela laisse voir votre étroitesse de vue ou votre incapacité à comprendre les problèmes. C'est facile de simplifier en ramenant tout à une seule personne, à une dimension et tout le reste. Je vous recommanderais d'ailleurs de regarder dans votre propre cour, où vous traînez celui qui est peut-être le plus représentatif de toutes les difficultés dans les relations Québec-Canada depuis 30 ans.
Revenons à ce qui est censé être une priorité en éducation. Était-ce bien là la priorité? D'après ce que j'ai entendu des milieux où je suis passé au Québec, ce n'était pas du tout l'avis des jeunes que nous avons rencontrés. Et cela leur semblait très clair. D'ailleurs, nous avions vu les résultats de sondages publiés dans les différents journaux du Québec selon lesquels les bourses du millénaire apparaissaient aux gens comme une combine politique du gouvernement fédéral pour avoir plus de visibilité.
Je m'interroge, moi aussi. Ne trouvez-vous pas cela bizarre? Mais vous avez peut-être oublié cela totalement. Se peut-il que vous souffriez quelque peu d'amnésie? Si je me rappelle bien, le gouvernement fédéral n'a pas réclamé qu'on lui fasse de promotion, qu'on lui reconnaisse la paternité des coupures qu'il a effectuées dans les paiements de transfert. Je ne l'ai jamais vu le faire. Faites donc une campagne de publicité pour annoncer ce que vous avez coupé dans les paiements de transfert. C'est étrange, on n'en parle jamais. Vous n'avez pas réclamé que les coupures de fonds fédéraux soient visibles.
Par contre, au moment où on réinjecte de l'argent, ah! là, par exemple! Si vous pouviez donner les bourses du millénaire en chèques de 10 $ pour en donner 2,5 millions au lieu d'en donner le nombre prévu, je pense que le feriez. L'objectif, c'est que les gens voient que le gouvernement fédéral se soucie de l'éducation.
Il y a quelque chose qui frôle l'hypocrisie dans tout cela quand, par ailleurs, on a coupé dans les paiements de transfert. Il faut comprendre cela parce que c'est quelque chose d'important. Les paiements de transfert, c'était de l'argent qui était versé année après année. C'est cinq milliards de dollars que vous avez coupés et qui étaient versés année après année.
• 1725
Aujourd'hui, il s'agit d'une somme de 2,5 milliards de
dollars versée une seule fois et vous voulez que cela
soit considéré comme une grande priorité. Seulement
sur une période de cinq ans, les coupures représentent
25 milliards de dollars, et vous réinvestissez 2,5
milliards de dollars.
On l'a bien vu! Depuis que des surplus sont prévisibles ici, à Ottawa, on a vu quelles sont les priorités. Les gens de l'armée frappaient à la porte depuis longtemps pour obtenir des gadgets. On leur en donne. On affecte de l'argent à l'achat d'hélicoptères, de sous-marins et de toutes sortes d'autres bidules. Quelles sont les autres grandes priorités? Des petits programmes de visibilité à gauche et à droite: fêter des anniversaires quelconques; 1,5 million de dollars pour la GRC pour fêter je ne sais quel anniversaire; de l'argent pour de la visibilité.
Je regrette, mais j'aurais dû, quand je suis sorti de l'université, fonder un commerce et fabriquer des drapeaux du Canada. Aujourd'hui, je serais riche. J'aurais contribué à la campagne de financement de Sheila Copps, en plus. À ce moment-là, j'aurais gagné le gros lot, et mon avenir aurait été assuré, ainsi que celui de mes enfants, de mes petits-enfants et de nombreuses générations futures.
Je suis convaincu que quelques personnes sont passées avant moi, qui doivent avoir un stock important de drapeaux accumulés. Maintenant que la vogue des drapeaux s'achève, une fois que tout le monde en aura un, ce sera difficile d'en donner davantage. Il faudra le mettre ailleurs, le drapeau.
Je vais vous donner un exemple de cela, monsieur le président. Le Bureau fédéral de développement régional, qui a encore changé de nom et s'appelle maintenant l'Agence de développement du Canada, n'avait pas assez de feuilles d'érable. Savez-vous ce qu'ils ont fait dans leurs nouveaux locaux? Ils ont mis l'érable au complet avec un paquet de feuilles. Ils n'en avaient pas assez d'une. Voilà qu'il y en a sept ou neuf dans le logo maintenant.
Je suis allé visiter une foire de cette agence de propagande du gouvernement fédéral. Vous auriez dû voir les feuilles d'érable partout. On aurait pu se croire en automne. C'était pourtant l'hiver. C'est devenu insensé. Est-ce qu'il n'y a pas une espèce d'éclair de lucidité qui pourrait frapper les libéraux et tous ces propagandistes pour leur faire comprendre qu'il faudrait bien retrouver un peu de bon sens et être efficace?
Être efficace, dans le cas qui nous concerne, celui des bourses du millénaire, ce serait d'abord réinvestir l'argent que vous avez coupé dans les paiements de transfert. C'est la première chose à faire. À la limite, si vous vous entêtez à vouloir instaurer les bourses du millénaire, laissez donc, à ce moment-là, le Québec gérer cet argent. Ce serait la moindre des choses.
En sortant d'ici, on va traverser le pont et aller à Hull. On va causer avec quatre ou cinq personnes choisies au hasard. On a de bonnes chances de tomber sur des fédéralistes. On va leur expliquer l'affaire et leur demander s'il ne serait pas logique et efficace d'utiliser la structure déjà en place pour gérer ces bourses. Je suis convaincu qu'ils seront d'accord.
Mais non, ici, on va conserver jusqu'au bout une attitude arrogante, d'autant plus qu'on part de loin. En effet, comme je l'ai dit un peu plus tôt, il semblerait que l'idée vienne du premier ministre. Comme il n'en a pas nécessairement en quantité industrielle, il va avoir une forte tendance à la mener jusqu'au bout.
M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Je fais appel au Règlement, monsieur le président. Je suis bien prêt à entendre les inepties, les stupidités de mon collègue, mais il faudrait s'entendre sur une chose. Je peux perdre mon temps, parce que j'ai moi-même parlé à plein de gens du comté de Bourassa qui étaient très fiers de la Fondation des bourses du millénaire. J'ai aussi demandé à des étudiants si c'était une bonne chose. Ils m'ont répondu que oui.
Par contre, si on veut lancer des attaques personnelles, je trouve que c'est un peu irrespectueux. J'aimerais donc que le député s'en tienne à ses arguments et qu'il cesse de lancer des personnelles. S'il s'engage sur ce terrain, je dois lui dire que j'ai, moi aussi, une imagination très fertile.
M. Pierre Brien: Monsieur le président, on connaît toute l'imagination du député de Bourassa qui, cordonnier mal chaussé, a commencé son intervention en qualifiant mes propos de stupidités pour les trouver ensuite déplacés. Il n'en est pas à une contradiction près. On l'a vu aux nouvelles, cette semaine, adopter une position assez différente par rapport aux investissements dans les sports professionnels. Il n'en est pas à sa première contradiction. Mais, venant d'un grand cheerleader des investissements publics dans le sport professionnel, on n'en est pas à une contradiction près.
Je vais tenter de m'en tenir le plus possible au fond de la question.
[Traduction]
Le président: Jusqu'à maintenant, je pense avoir été très généreux en laissant les députés s'écarter ici et là du sujet. Cela fait malheureusement partie du travail des comités. Mais je ne tolérerai plus aucun écart par rapport au projet de loi C-36. Si vous ne vous en tenez pas à ce projet de loi, vous ne pourrez pas parler bien longtemps. Je tiens à ce que vous parliez du projet de loi.
[Français]
M. Pierre Brien: C'est très relié, monsieur le président. C'est le député de Bourassa qui a fait de la diversion...
[Traduction]
Le président:
[Note de la rédaction: Inaudible]... même si c'est très intéressant.
[Français]
M. Pierre Brien: Monsieur le président, M. Coderre est intervenu précédemment et j'aimerais que vous ayez la même rigueur et la même rigidité pour tout le monde, incluant vos propres collègues. On parlera, à ce moment-là, de justice et d'équité. Si vous avez écouté mon discours depuis tantôt, vous vous êtes aperçu que c'était très relié à tout ce qui concerne le projet de loi actuel.
Je sais que cela vous en fait beaucoup à écouter, mais l'ensemble de mes propos situait le contexte dans lequel s'est faite cette intervention du gouvernement d'investir et d'en arriver à cette initiative qui, je le répète, est une idée du premier ministre. Je ne la qualifierai pas parce que je l'ai fait à deux reprises. Vous savez ce que j'en pense. Il y a quelque chose d'un peu indécent à voir que le gros bon sens ne réussit pas à prendre le dessus ici.
Il me semble que si les membres du parti gouvernemental de ce comité se tenaient un peu debout et que si leur motivation n'était pas de plaire à l'establishment de son parti politique et de gérer leur ascension de carrière, comme quelques-uns le font, ce serait la moindre des choses qu'ils disent: Cela n'a pas de bon sens. Est-ce que vous allez oser dire cela? C'est là-dessus que je vais conclure mon intervention. Est-ce que vous allez oser dire à votre gouvernement ce que vous avez entendu?
Est-ce que pour redonner un peu de confiance dans le système politique dans lequel on vit—une confiance qui a été affectée encore davantage récemment lorsqu'on a observé comment les parlementaires étaient souvent astreints à ne pas pouvoir exprimer leurs opinions—, nous verrons les membres du parti gouvernemental oser dire au gouvernement que ça n'a pas de bon sens? Par le passé, la même formation politique a accepté des formules permettant le droit de retrait. Par le passé aussi, on a, au sein de ce parti politique, cru beaucoup aux investissements dans le domaine de la santé, de l'éducation et des programmes sociaux.
Est-ce qu'on ne va pas profiter de l'occasion pour rappeler au gouvernement qu'on s'est peut-être éloigné de ces principes, qu'on a fait un job de bras aux provinces, qu'on est allé trop loin? Ce désir de revenir maintenant dans le domaine de l'éducation est relié au fait qu'on a beaucoup coupé par le passé. Quelque part, on va voir l'audace, la perspicacité ou le désir qui anime les gens de la majorité libérale de rendre les choses meilleures et plus efficaces.
Je suis content de constater qu'il y a un député libéral du Québec qui est ici aujourd'hui. Nous allons voir ce qu'il va choisir: défendre les intérêts de ses citoyens ou ceux de son parti politique. Comme d'habitude, ce sera probablement la deuxième option qui va l'emporter.
Monsieur le président, comme il ne me reste qu'une minute, je vous remercie pour votre grande patience, mais j'espère que vous allez arriver, à la fin de vos travaux, avec une recommandation un peu audacieuse pour permettre à votre gouvernement de sauver la face et de revenir à la réalité et au gros bon sens. De manière concrète, cela implique de retirer de ce projet de loi la partie traitant des bourses du millénaire, de laisser les négociations se terminer, de profiter du rapport pour mettre un peu de pression sur votre gouvernement pour qu'il règle cela d'une façon responsable et efficace, qu'il respecte les champs de juridiction et qu'il soit, à la limite, un peu plus respectueux de sa propre constitution.
D'ailleurs, il est surprenant que le ministre des Affaires intergouvernementales ne soit pas en train d'intervenir ici pour demander au gouvernement fédéral de respecter l'esprit de cette constitution. J'imagine qu'il avait d'autres choses à faire. Au terme de cela, vous pourriez au moins avoir la conscience tranquille et dire: Nous avons dit ce que nous pensions vraiment et pas nécessairement ce qui fait plaisir aux autorités gouvernementales.
Je ne pense pas que j'aurai la chance d'intervenir à nouveau, mais j'espère que les conclusions auxquelles arrivera le comité seront animées par un esprit de lucidité, d'efficacité et d'amélioration des conditions réelles des étudiants et du monde de l'éducation, où il y a beaucoup de besoins et d'autres priorités. Je souhaite que vous donniez aux provinces la marge de manoeuvre dont elles ont besoin pour exécuter correctement leur mandat et jouer leur rôle dans le domaine de l'éducation.
Merci.
[Traduction]
Le président: C'est le tour de M. Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président. Au cours du débat et au cours des interventions, on a affirmé différentes choses. Je voudrais revenir sur quelques arguments.
Le premier, comme on l'a dit, c'est que la fondation est conçue de façon à assurer la plus grande souplesse dans l'atteinte des objectifs, à savoir qu'il faut éviter les doubles emplois, miser sur les évaluations actuelles des besoins des provinces, compléter les programmes provinciaux actuels et faciliter l'accès aux études postsecondaires dans tout le Canada.
La proposition fédérale n'est pas destinée à modifier les priorités du Québec en ce qui concerne les prêts et bourses aux étudiants. Il s'agit simplement de permettre aux étudiants du Québec comme à ceux des autres provinces d'accéder plus facilement aux études postsecondaires et de réduire leur endettement. Rien n'empêche la fondation de conclure une entente avec le ministre de l'Éducation du Québec ou de reprendre à son compte la méthode utilisée par la province pour évaluer les besoins des étudiants.
Le gouvernement du Québec peut même fournir à la fondation les noms des étudiants admissibles aux bourses du millénaire.
Monsieur le président, je veux simplement indiquer que le projet de loi C-36 propose un cadre grâce auquel les membres de la fondation pourront travailler avec les provinces et veiller à ce que ces objectifs soient atteints.
Je voudrais maintenant proposer un ajournement du débat.
Une voix: J'appuie la motion.
Une voix: Eh, eh!
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. On ne peut pas proposer une motion pendant qu'une autre motion est encore à l'étude.
[Traduction]
Le président: Un instant. Veuillez laisser M. Valeri terminer son intervention.
Allez-y.
M. Tony Valeri: Monsieur le président, je propose l'ajournement du débat.
Une voix: J'appuie la motion.
Le président: Très bien.
Une voix: Non, c'est...
[Français]
M. Yvan Loubier: Je fais appel au Règlement, monsieur le président. Ça ne marche pas. Écoutez, je veux bien qu'on fasse preuve d'ouverture et de compréhension, comme des gens pacifiques. Mais là, ce qu'on est en train de faire à l'heure actuelle, c'est proposer motion par-dessus une motion dont on doit débattre jusqu'à attrition. On n'a pas terminé le débat sur notre motion.
[Traduction]
Le président: Je dois accueillir cette motion, car elle peut être mise aux voix et elle ne doit pas être mise en délibérations.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, en vertu de notre Règlement, on ne peut pas proposer une autre motion lorsqu'une motion est toujours à l'étude.
[Traduction]
Le président: M. Valeri peut effectivement présenter cette motion. Elle peut être mise aux voix, mais pas en délibération.
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, une seconde. Monsieur le président, je vous reporte à l'article 116 du Règlement qui nous dit qu'on peut débattre d'une motion, qu'il n'y a aucune limite de temps et que le président ne doit pas nous bâillonner dans ce débat. On peut débattre jusqu'à attrition. Là, vous êtes en train de nous bâillonner et de disposer d'une motion alors qu'on n'a pas encore terminé le débat sur notre motion. Vous êtes en train de nous enlever nos droits et nos privilèges de députés. C'est inadmissible. Avant de présenter quelque motion que ce soit, il faut qu'on ait de la motion qui est à l'étude à l'heure actuelle. La motion que vient de présenter M. Valeri est irrecevable.
[Traduction]
Le président: Je vais...
[Français]
M. Paul Crête: J'ai une question au sujet de la motion parce que j'aimerais la comprendre.
[Traduction]
Le président: Oui, allez-y, monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête: C'est une motion d'ajournement, ce qui veut dire que nous suspendrons nos travaux jusqu'à notre prochaine séance et que nous pourrons recommencer le débat sur la motion que nous avons proposée. Dans ma tête, une motion d'ajournement signifie tout simplement qu'on reporte le délai, mais qu'on ne tue pas le débat, parce qu'à ce moment-là, cette motion est irrecevable selon notre interprétation du Règlement. On a raison. Demandez l'avis du greffier.
[Traduction]
Le président: Je crois que la motion de M. Valeri est très claire. Il propose l'ajournement sur la motion dont nous sommes saisis.
Une voix: Et sur le débat.
Le président: Excusez-moi, c'est la motion sur le débat dont nous sommes saisis. C'est l'objet de sa motion.
Elle est recevable et ne doit pas être mise en délibération...
[Français]
M. Yvan Loubier: Que signifie l'ajournement du débat? Pouvez-vous nous l'expliquer, s'il vous plaît?
M. Paul Crête: On vous pose la question.
[Traduction]
Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Si vous permettez, c'est le même rappel au Règlement, monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est moi qui fais appel au Règlement à l'heure actuelle.
[Traduction]
Mme Shaughnessy Cohen: Quoi?
[Français]
M. Yvan Loubier: Pouvez-vous me dire ce qu'on entend par ajournement, monsieur le président? Est-ce que M. Valeri peut nous dire ce qu'il entend par ajournement? Est-ce qu'on propose de suspendre le débat et de le reprendre demain ou lundi? Veut-on nous empêcher de nous prévaloir de l'article 116? Est-ce qu'on nous enlève nos droits et nos privilèges comme députés, soit le droit de débattre d'une motion avec une durée illimitée jusqu'à attrition? Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous acceptez quelque chose qui ressemble à un bâillon, un acte antidémocratique qui nous enlève les privilèges qui nous sont consentis par l'article 116? Est-ce que c'est cela que vous êtes en train de dire, monsieur le président?
[Note de la rédaction: Difficultés techniques].
[Traduction]
Le président: Un instant.
Nous écoutons Mme Cohen.
Mme Shaughnessy Cohen: Il faut traiter la motion de M. Valeri. Vous êtes le président; vous pouvez rendre une décision. Si l'opposition n'accepte pas la décision, elle a diverses voies de recours. Si vous rendez une décision, elle sera soumise au vote, et si les députés d'en face n'en veulent pas, ils auront des voies de recours.
[Français]
M. Paul Crête: Il faut éviter, monsieur le président, d'aller dans un cul-de-sac. Réfléchissez bien à ceci. Si on ajourne le comité, il n'y a plus de rapport à la Chambre sur l'adoption du projet de loi article par article. Il n'y a eu aucun débat article par article et il faut que vous fassiez rapport à la Chambre demain parce que la motion dit que le rapport doit être déposé le vendredi 8 mai. Tout ce que vous allez pouvoir dire à la Chambre, c'est que le débat a été ajourné parce qu'on n'a pas, d'aucune façon, discuté du projet de loi article par article. Ce n'est pas prévu dans la résolution adoptée il y a deux semaines.
[Traduction]
Le président: Bien, il faut éviter toute confusion, car la situation est très simple. C'est même incroyablement simple. M. Valeri dit essentiellement que nous devons ajourner le débat sur la motion que vous avez présentée ce matin. Voilà ce qu'il dit. Voilà sur quoi doit porter le vote.
[Français]
M. Yvan Loubier: Attendez, monsieur le président, ce n'est pas si simple que ça. Qu'est-ce que vous entendez par ajournement? Qu'on interrompe les débats relatifs à notre motion et qu'on les reprenne plus tard? Ou êtes-vous en train de nous dire que, peu importe l'existence de l'article 116 du Règlement, qui nous permet de déposer une motion, sans attribution de temps, qui nous permet aussi d'en débattre jusqu'à attrition, vous faites fi de l'article 116 et votre décision est de «scrapper» le débat et de dire que, même s'il y a encore des députés du Bloc québécois qui veulent se prononcer sur le Fonds des bourses du millénaire, vous évacuez d'un coup de masse tout ce débat? Est-ce bien ce que vous êtes en train de dire?
[Traduction]
Le président: Un instant. Voyons les choses de façon rationnelle. M. Valeri est membre de ce comité, et il a le droit de présenter la motion qu'il vient de présenter. Cette motion signifie que le débat sur la motion que vous avez présenté ce matin est ajourné. Voilà ce qu'il dit, et c'est l'objet du vote.
[Français]
M. Paul Crête: Un appel au Règlement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Je dois d'abord donner la parole à M. Szabo, puis à M. Crête.
[Français]
M. Paul Crête: Mais est-ce qu'un appel au Règlement n'a pas priorité?
[Traduction]
Le président: Non, il est...
[Français]
M. Paul Crête: D'accord, dans la mesure où je pourrai prendre la parole par la suite.
[Traduction]
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le président, comme vous l'avez expliqué, la motion comporte l'ajournement du débat sur la motion dont le comité est actuellement saisi, et c'est une motion qui peut être mise aux voix. Vous avez dit qu'elle est recevable et qu'elle ne doit pas être mise en délibération, ce qui signifie que nous devons voter sur la motion de M. Valeri.
Les députés du Bloc semblent remettre en question la recevabilité de la motion de M. Valeri. Dans les circonstances, la meilleure solution est de consulter directement le greffier et de lui demander si la motion de M. Valeri est recevable.
Le président: Un instant. En tant que président, j'affirme dès maintenant que cette motion est recevable et qu'elle n'est pas— j'insiste bien—qu'elle n'est pas sujette à débat.
Une voix: Passons au vote.
[Français]
M. Yvan Loubier: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
La motion ne peut peut-être pas faire l'objet d'un débat, mais on est en régime démocratique. Vous allez nous expliquer pourquoi vous acceptez cette motion et permettez le vote sur celle-ci alors que vous nous empêchez de débattre de la motion que nous avons présentée ce matin. Donnez-moi les raisons. Vous devez au moins justifier votre décision. Dites-moi pourquoi vous acceptez de nous bâillonner de cette façon. Pourquoi acceptez-vous cela?
[Traduction]
Le président: Pourquoi est-ce que j'accepte...?
[Français]
M. Yvan Loubier: Pourquoi acceptez-vous une décision comme celle-là?
[Traduction]
Le président: Vous me demandez pourquoi je reconnais à M. Valeri, en tant que membre du comité, le droit...
[Français]
M. Yvan Loubier: Pourquoi acceptez-vous une décision comme celle-là? Pourquoi rendez-vous une décision comme celle-là?
[Traduction]
Le président: Vous me demandez pourquoi je reconnais à M. Valeri, en tant que membre du comité, le droit...
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, non, non, non. Ce n'est pas ça, la question. Pourquoi acceptez-vous d'embarquer dans un jeu qui nous impose un bâillon dans la discussion sur une motion que nous avons déposée ce matin, motion qui porte sur une chose qui est fondamentale et qui concerne l'éducation au Québec? Pourquoi acceptez-vous? Dites-moi pourquoi vous acceptez. Quel est votre calendrier? Quelles sont vos contraintes, monsieur le président? Quel est le problème? Est-ce le fait que vous devez présenter un rapport demain midi à la Chambre des communes?
[Traduction]
Le président: Un instant. Essayons...
[Français]
M. Yvan Loubier: Expliquez-vous, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Je tiens à vous dire, monsieur Loubier, que je me suis montré extrêmement généreux, car nous devrions procéder au vote. Mais dans un souci d'équité, puisque c'est notre façon de procéder...
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, un instant! Vous êtes généreux, dites-vous? Une seconde. On a des règles qui nous guident ici.
[Traduction]
Une voix: À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!
[Français]
M. Yvan Loubier: On a des règles de procédure et on est en démocratie. Vous ne pouvez pas nous dire que vous nous donnez un privilège. Vous, vous nous accordez un privilège?
[Traduction]
Le président: Non, non, non.
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous êtes généreux parce que vous nous donnez du temps de parole?
[Traduction]
Le président: Non, non.
[Français]
M. Yvan Loubier: Mon oeil! On a des droits et des privilèges ici.
[Traduction]
Le président: Non, je dis qu'il faut passer directement au vote et que M. Valeri, en tant que membre du comité, a effectivement le droit... Vous pouvez présenter cette motion, M. Crête peut présenter cette motion, Mme Torsney peut aussi la présenter. Tout député ici présent peut présenter la même motion que M. Valeri. Il n'y a aucun problème.
[Français]
M. Paul Crête: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Et je ne comprends...
[Français]
M. Paul Crête: L'article 65 du Règlement dit que toute motion doit est présentée par écrit. La motion n'a pas été présentée par écrit. La motion n'est donc pas conforme au Règlement.
M. Yvan Loubier: Elle n'est pas recevable.
M. Paul Crête: Donc, on peut revenir à la motion principale, et je veux intervenir sur cette motion principale. L'autre motion n'a pas été déposée par écrit et elle n'est donc pas conforme au Règlement. Moi, j'interviens sur la motion principale. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Une voix: Non, non, non.
Le président: Cela ne s'applique qu'à la Chambre.
[Français]
M. Paul Crête: J'interviens sur la motion qui a été déposée.
[Traduction]
Le président: En tout cas, il faut passer au vote.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Yvan Loubier: Non! Non!
M. Paul Crête: Il n'y a pas eu de dépôt!
M. Yvan Loubier: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
M. Paul Crête: De toute façon, vous allez voir monter dangereusement la situation.
M. Yvan Loubier: Vous allez arrêter de vous comporter comme une bande d'arrogants et vous allez nous écouter parler. On reçoit des témoins québécois, et ces gens-là se foutent de la gueule des témoins québécois. Vous allez nous écouter là-dessus. On a une motion qui est là et on va en débattre.
Pour ce qui est de votre entente du 2 avril dernier, on a vérifié les bleus et on les a analysés. On dit ceci: «Vous devez présenter un rapport», mais on ne dit d'aucune façon dans cette motion que le projet de loi doit être adopté article par article avant que vous présentiez votre rapport à la Chambre des communes. Alors, il y a un vice de forme dans votre motion.
M. Paul Crête: Est-ce que la motion a été écrite avant d'être déposée, monsieur le président? C'est important. L'article 65 du Règlement l'exige. Vous allez remettre en question notre privilège de députés si vous acceptez cette motion.
L'article 65 du Règlement le dit clairement:
-
65. Toute
motion est présentée par écrit..
C'est une obligation que fait le Règlement. Si vous ne respectez pas l'obligation imposée par le Règlement, vous faites une atteinte à mes privilèges.
Des voix: Oh, oh!
[Traduction]
Une voix: Taisez-vous!
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
[Traduction]
Le président: Non, non. Un instant.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ce comité est un comité de cyniques, un comité plein de sarcasme.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier...
[Français]
M. Yvan Loubier: On vous a dit la semaine dernière qu'on était prêts à collaborer. On a collaboré et on vous a présenté des amendements. Hier je vous ai demandé de faire...
Des voix: Ah, ah!
M. Yvan Loubier: Arrêtez cette bande de clowns, monsieur le président, parce que j'aimerais qu'on se fasse entendre.
Je vous ai demandé il y a deux jours de faire comparaître le négociateur du gouvernement. Vous m'avez dit hier que le négociateur du gouvernement ne se présenterait pas ici. Aujourd'hui, vous nous demandez de procéder, à la suite du dépôt d'une motion qui est irrecevable à notre avis, à l'étude et au vote article par article du projet de loi. C'est inadmissible, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier...
[Français]
M. Yvan Loubier: Je trouve que vous vous comportez de façon antidémocratique.
[Traduction]
Le président: Non, je ne pense pas.
[Français]
M. Yvan Loubier: On va s'en souvenir, monsieur le président. Vous pouvez être certain de ça.
M. Paul Crête: Je reviens à mon appel au Règlement, monsieur le président. Vous n'avez pas répondu sur l'article 65 du Règlement:
-
65. Toute motion est présentée
par écrit...
Il n'y a pas eu de présentation écrite; le Règlement n'a donc pas été respecté dans le cas présent.
Il faut que vous répondiez à cette question. Si la réponse est non, je ferai tout de suite après une intervention sur la question primordiale qui m'intéresse. J'ai demandé la parole et j'ai le droit d'être le premier à la prendre.
M. Denis Coderre: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Un instant, monsieur Coderre.
Comme vous le savez, puisque vous êtes membre du Comité des finances depuis quelques mois, il est d'usage dans ce comité d'accepter les motions sans qu'elles soient présentées par écrit. Vous le savez aussi bien que moi.
Je vous dirai autre chose: si quelqu'un dans cette salle se figure que je vais me laisser impressionner par le volume ou le ton des voix, il risque d'être déçu, car la seule chose qui m'intéresse, c'est la qualité des débats. Je ne refuserai pas...
[Français]
M. Paul Crête: Nous aussi.
M. Yvan Loubier: Nous aussi.
[Traduction]
Le président: Écoutez, je vous écoute depuis quelques heures, et il n'est pas question pour moi d'interdire à un membre de ce comité de présenter une motion, comme l'a fait M. Valeri. Il a le droit de le faire.
Vous dites essentiellement que je devrais m'écarter du Règlement, puisqu'en fait M. Valeri a agi de façon responsable en présentant la motion qu'il a choisi de présenter. En tant que président du comité, pourquoi devrais-je nier le droit de M. Valeri? Voilà la question.
Deuxièmement, je voudrais vous rappeler qu'en tant que président je dois veiller aux droits de tous les membres—et j'insiste bien—de tous les membres du comité. Je dois également respecter la structure selon laquelle nous fonctionnons, et qui prévoit qu'à 23 h 59 ce soir, le comité devra avoir terminé son travail et entendu le Bloc québécois, qui a environ 39... un instant, vous ne direz rien de plus. Vous devez m'écouter maintenant! Un instant.
[Français]
M. Yvan Loubier: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Non, non, non. Les choses ne se passeront pas ainsi. Le comité doit faire son travail. La motion de M. Valeri est recevable, et je vais la mettre aux voix.
[Français]
M. Paul Crête: Je veux donner de l'information complémentaire sur l'appel au Règlement.
L'article 65 dit:
-
65. Toute motion est présentée par écrit et appuyée...
L'article 116 dit:
-
116. Un comité permanent, spécial ou législatif observe le
Règlement de la Chambre dans la mesure où il y est
applicable, sauf les dispositions relatives à l'élection
de l'Orateur, à l'appui des motions, à la limite du
nombre d'interventions et à la durée des discours.
Il n'y a aucune exception. Monsieur le président, il n'y a aucune exception dans l'article 116 qui permette qu'on ne dépose pas la motion par écrit. Si le législateur avait voulu qu'il y ait une exception, il l'aurait mentionnée explicitement. S'il n'y a pas respect de cette règle-là, je vais considérer que mes privilèges de parlementaires ont été brimés. C'est très clair: lorsque, dans un article, on fait volontairement le choix de ne pas mentionner une exclusion, ça donne encore plus de force au fait qu'elle doit être retenue. Dans un débat important comme celui d'aujourd'hui, on n'est pas en train de parler de betteraves et de carottes. On est en train de parler de l'avenir du Québec, de questions d'éducation pour le Québec, et vous pouvez être sûr qu'on va utiliser toutes les armes légales possibles, y compris celle-là. Ce n'est pas vrai que vous allez nous marcher sur le corps encore autre fois. Jamais!
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Pour ajouter à ce que mon collègue a dit, vous avez raison. On élève peut-être quelquefois le ton et je regrette ce que j'ai dit tout à l'heure car cela a peut-être dépassé ma pensée. Cependant, chaque fois qu'on débat de ces questions-là, on se fait bulldozer ou on se fait ridiculiser. On entend toujours des choses de l'autre côté quand les micros sont fermés. Qu'ils aient donc le courage d'ouvrir leurs micros et de dire ce qu'ils pensent vraiment de nous et du Québec, ainsi que du débat concernant les bourses du millénaire. Qu'ils aient donc le courage de leurs convictions. Quand j'entends des remarques désobligeantes faites en dehors des micros, j'ai bien de la difficulté à accepter cela.
Monsieur le président, pour revenir à mon appel au Règlement, on veut bien continuer et on avait d'ailleurs bien commencé le débat sur un ton serein. C'est un débat qui est fondamental pour le Québec. Laissez-nous débattre de cette question jusqu'à épuisement. D'ailleurs, le Règlement nous donne raison, comme l'a invoqué mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques. Ce n'est pas la tradition qui doit mener les débats de ce comité. Ce sont les procédures qui sont prévues au Règlement. Aujourd'hui on applique ces procédures-là, monsieur le président, comme vous avez appliqué les procédures à la lettre lorsque mes collègues remplaçants sont entrés. Je suis membre permanent et je suis sorti. Autrement, mes collègues n'auraient pas pu prendre la parole. Je respecte le Règlement. Eh bien, respectez vous aussi le Règlement.
• 1755
Aujourd'hui, étant donné votre
attitude, nous appliquons le Règlement à la lettre.
L'article 65 est clair: il faut déposer une motion par
écrit. Elle n'a pas été déposée par écrit et elle est
irrecevable, d'autant plus qu'on nous
enlève le droit de débattre de la motion que nous avons
déposée ce matin alors qu'on a le droit d'en débattre
jusqu'à épuisement.
Monsieur le président, je me permets de poursuivre cet appel au Règlement. J'ai regardé les bleus, les comptes rendus de la séance du 2 avril où est intervenue la décision de déposer votre rapport le 8 mai. Premièrement, permettez-moi de vous citer quelques passages. Mon collègue Bellehumeur est resté jusqu'à la fin. Mme Torsney a présenté la motion, et mon collègue Bellehumeur vous avait demandé la parole. Vous avez demandé:
[Traduction]
«tous ceux qui sont pour la motion...»
[Français]
et tout le monde du côté libéral a dit
[Traduction]
«adoptée».
[Français]
Vous avez ignoré mon collègue qui vous avait demandé la parole. C'est une chose.
Deuxièmement, la motion déposée par Mme Torsney...
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier. Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui, oui, parce que vous avez invoqué cela dans vos raisons...
Monsieur le président, pourriez-vous me permettre de m'expliquer par rapport à ce que vous avez présenté? Vous avez dit: «Nous sommes liés par l'échéancier du 8 mai et nous devons présenter un rapport demain matin.»
Madame la greffière, je suis en train de m'adresser au président. Y aurait-il moyen qu'on puisse lui faire part un jour de notre message?
Selon la motion présentée par Mme Torsney, vous devez déposer un rapport à la Chambre des communes demain, le 8 mai, mais rien ne dit que l'étude article par article est réputée avoir été faite et que le vote doit être pris sur l'ensemble de ces articles. Vous avez la possibilité d'aller présenter un rapport à la Chambre des communes demain. Si vous voulez avoir des suggestions quant à son contenu, on peut vous en donner.
Vous pouvez dire que le débat est encore en train de se faire au Comité des finances, que nous sommes un comité responsable, qu'il est apparu une divergence fondamentale entre ce que le Québec pense en matière de bourses du millénaire et sa juridiction exclusive en matière d'éducation et ce que le reste du Canada en pense, et que nous poursuivons nos discussions. Vous avez la possibilité de le faire. Si vous ne le faites pas, monsieur le président, je vais considérer cela comme un affront.
Si vous ne procédez pas de cette façon, étant donné l'unanimité des représentations québécoises quant au rejet des bourses du millénaire, je vais conclure, monsieur le président, que vous êtes de mauvaise foi et que vous n'avez pas reflété ce qui s'est passé ici. Tout le monde sans exception au Québec vous dit qu'on est contre les bourses du millénaire. Ce n'est pas vrai que vous n'en tiendrez pas compte, que vous allez présenter votre rapport demain et qu'on va procéder à l'étude article par article. C'est inadmissible. On va faire la bataille jusqu'au bout.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier, écoutez-moi; M. Valeri a le droit de présenter cette motion. Elle est recevable, à mon avis. Si vous voulez contester la décision du président, vous pouvez le faire. Contestez ma décision, et nous étudierons la motion.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. On va contester la décision du président. On va déposer une motion et on va contester cette décision. La motion va se lire à peu près comme suit: «On rejette la proposition du président voulant qu'on cesse le débat sur la motion présentée par le Bloc québécois.» Si vous voulez qu'on procède à un vote, on va procéder à un vote par appel nominal.
[Traduction]
Le président: C'est cela.
[Français]
M. Yvan Loubier:
[Note de la rédaction: Inaudible] ...M. Valeri. Procédez au vote. On en aura une autre à vous proposer par la suite.
[Note de la rédaction: Inaudible] ...le bâillon imposé par le président, par Maurice Boileau.
[Traduction]
Le président: Vous me contestez. Vous devez...
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, non. Qu'on tienne un vote par appel nominal sur la motion de M. Valeri.
[Traduction]
Le président: Il le faut. Nous allons voter sur le maintien de ma décision, et vous pouvez être pour ou contre. Présentez donc...
[Français]
M. Yvan Loubier: D'accord, mais que M. Valeri dépose officiellement sa motion et on fera un vote par appel nominal.
[Traduction]
Le président: Non, non, non, non.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ah, oui, oui, oui, oui.
[Traduction]
Le président: Oh, non. Vous me contestez, n'est-ce pas? Vous contestez la présidence; nous devons donc...
[Français]
M. Yvan Loubier: D'accord, nous déposerons notre motion. Est-ce que vous pourriez la relire?
[Traduction]
Le président: Vous votez essentiellement pour indiquer si vous êtes en faveur ou non du maintien de ma décision. Autrement dit, si vous vous opposez à la décision du président, vous votez contre; si vous l'acceptez, vous votez pour.
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui, et on demande un vote par appel nominal, monsieur le président.
M. Paul Crête: On conteste la décision.
M. Yvan Loubier: Oui, on conteste la décision du président.
M. Paul Crête: On vote donc en faveur de la contestation.
[Traduction]
Le président: Arrêtez, un instant.
[Français]
M. Yvan Loubier: Nous rejetons la décision du président d'ajourner le débat sur une motion du Bloc québécois concernant la mise au rancart du projet de loi C-36.
M. Paul Crête: On va entreprendre le débat là-dessus.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, la motion se lit comme suit:
-
Nous rejetons la décision du président à l'effet
d'accepter une motion d'ajournement
non écrite de M. Tony Valeri
qui nous empêche de poursuivre le débat
sur la motion présentée par le Bloc québécois ce matin.
L'expression «non écrite» est très importante.
M. Paul Crête: C'est notre droit de rédiger la motion.
[Traduction]
Le président: Nous allons demander l'aide du légiste. La motion indiquera que le comité approuve la décision de la présidence.
[Français]
M. Paul Crête: On a le droit de motiver la décision.
M. Yvan Loubier: Non, mais écoutez! C'est notre motion à nous.
[Traduction]
Le président: C'est exact.
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est notre motion à nous.
M. Paul Crête: Il travaille pour vous autres.
M. Yvan Loubier: La motion qu'on vous présente est la suivante:
-
Nous rejetons la décision du président à l'effet
d'accepter une motion d'ajournement non
écrite de Tony Valeri
qui ajourne le débat sur une motion
déposée par le Bloc québécois concernant la mise au
rancart du projet de loi C-36.
C'est notre motion et vous n'allez pas nous dire comment la rédiger. Voyons donc!
M. Paul Crête: C'est nous qui faisons la motion de contestation. On ne va certainement pas...
M. Yvan Loubier: Sinon, on va aller rédiger celle de M. Valeri. Écoutez, là!
[Traduction]
Le président: Calmez-vous, respirez profondément. Vous faites quelque chose de fondamental, à savoir que vous contestez la décision de la présidence.
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui, absolument.
[Traduction]
Le président: D'accord.
[Français]
M. Yvan Loubier: Absolument.
[Traduction]
Le président: Vous contestez la décision de la présidence, parce qu'elle...
[Français]
M. Paul Crête: Non conforme au Règlement.
[Traduction]
Le président: ... a reconnu à un membre du comité le droit...
[Français]
M. Paul Crête: Non conforme au Règlement.
M. Yvan Loubier: Non, non, non. Écoutez, on vient de vous lire la motion que nous présentons:
-
Nous rejetons la décision du président à l'effet
d'accepter une motion d'ajournement non
écrite de Tony Valeri
qui ajourne le débat sur une motion
déposée par le Bloc québécois concernant la mise au
rancart du projet de loi C-36.
C'est notre motion. On a le droit de présenter les motions qu'on veut. Si vous n'êtes pas d'accord, c'est votre problème. C'est notre motion, et on a la liberté et la...
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier, lorsqu'un député conteste un président, la motion normale est la suivante: Que le comité approuve la décision de la présidence. Lorsque la présidence est contestée, c'est ainsi que l'on procède.
[Français]
M. Paul Crête: C'est le libellé habituel mais, compte tenu de la situation actuelle, on veut que la motivation y soit indiquée.
[Traduction]
Le président: C'est ce que vous faites, c'est ce que vous faites.
[Français]
M. Paul Crête: Vous êtes en contradiction avec le Règlement, ce qu'on devra prouver. Nous le ferons, monsieur le président.
M. Yvan Loubier: C'est ça. La motion que nous présentons, avec la liberté que nous avons de le faire, propose que le comité rejette la décision du président d'accepter une motion non écrite de Tony Valeri.
[Traduction]
Le président: D'accord, il faut éviter de tourner en rond. Ce que vous faites, c'est...
[Français]
M. Yvan Loubier: On ne tourne pas en rond, on vous présente une motion.
[Traduction]
Le président: Non, un instant. Nous avons ici une décision importante à prendre.
M. Valeri a proposé une motion, et j'ai déjà dit qu'à mon avis sa motion est recevable, et elle doit donc être mise aux voix. Vous dites maintenant que vous n'acceptez pas ma décision, et vous me contestez.
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Et je vous dis que vous allez voter sur la motion suivante: Que le comité approuve la décision de la présidence.
M. Yvan Loubier: Non.
[Français]
Non, non, non et non. Écoutez, si je veux vous contester, c'est moi qui déposerai la motion pour vous contester. Vous n'avez pas à rédiger ma motion. Voyons donc, c'est de l'absurdité totale.
La motion que nous déposons et sur laquelle nous demandons un vote par appel nominal propose que le comité rejette la décision du président d'accepter une motion non écrite de M. Tony Valeri qui met le bâillon sur le débat sur une motion présentée par le Bloc québécois qui consiste à mettre au rancart le projet de loi C-36.
M. Paul Crête: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Le conseiller législatif est-il à l'emploi du Parti libéral du Canada ou à l'emploi du comité?
M. Yvan Loubier: Bonne question!
M. Paul Crête: C'est une bonne question!
M. Yvan Loubier: Notre motion est très recevable.
M. Paul Crête: Le conseiller législatif est-il à l'emploi du Parti libéral du Canada ou à l'emploi du comité? C'est une bonne question.
[Traduction]
Le président: À l'ordre, monsieur Crête!
[Français]
M. Paul Crête: Est-ce que...
[Traduction]
Le président: Monsieur Crête, un instant. Je tiens à rester très calme. Il y a certaines limites qu'un député ne doit jamais franchir, et je vous le dis très officiellement. L'une de ces limites, c'est qu'il ne faut jamais remettre en question l'intégrité des greffiers, des légistes ou des personnes qui travaillent avec dévouement pour permettre au comité de fonctionner. Si vous avez déjà franchi une telle limite, je vous invite à ne pas recommencer.
On va maintenant passer au vote, et cette histoire est terminée.
[Français]
M. Yvan Loubier: Un appel au Règlement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Le vote porte sur une motion...
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, un appel au Règlement.
[Traduction]
Le président: ... indiquant que le comité approuve la décision du président. Qui est pour?
Une voix: Non, non! Vous ne pouvez procéder ainsi.
Le président: Très bien. On va procéder à un vote par appel nominal.
[Français]
M. Yvan Loubier: Non. Vous êtes un dictateur! Vous êtes un dictateur d'expérience! Je vais demander votre démission, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Nous votons.
[Français]
M. Yvan Loubier: J'invoque le Règlement. Non. Dictateur!
[Traduction]
Le président: Je vous en prie.
[Français]
M. Yvan Loubier: Dictateur! Je vais réclamer votre tête, mon cher président, parce que je trouve que vous venez de vous comporter comme un goujat.
[Traduction]
Le président: Est-ce que vous...? Est-ce que vous tenez à manquer de respect à la présidence, ou pensez-vous...
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, je l'ai toujours fait pour la démocratie, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Non.
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, absolument pas, compte tenu de ce que vous venez de faire. C'était notre motion, on devait en débattre et il n'y a même pas eu de débat. Vous venez de nous imposer un bâillon sur un élément fondamental.
[Traduction]
Le président: Écoutez.
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous venez de nous bulldozer, comme vous avez bulldozé mon collègue Bellehumeur le 2 avril. Une telle situation est inacceptable. Et vous pensez que vous allez avoir notre collaboration pour l'étude article par article? Jamais! Ça n'a pas de sens de nous imposer des bâillons et de nous enfoncer dans la gorge une décision, alors qu'on aurait pu débattre sur la motion présentée par M. Valeri, qu'on aurait pu débattre sur votre décision et qu'on aurait pu concevoir la motion qu'on voulait avec la formulation qu'on voulait, parce que c'était nous qui en étions les initiateurs. Je trouve ça inacceptable.
[Traduction]
(La motion est adoptée par 8 voix contre 2)
[Français]
M. Paul Crête: Un vote par appel nominal sur la motion!
[Traduction]
Le président: Nous allons passer maintenant à la motion de M. Valeri. Qui est pour?
[Français]
M. Paul Crête: Un vote par appel nominal, monsieur le président!
M. Yvan Loubier: Un vote par appel nominal. On l'a demandé trois fois.
[Traduction]
Le président: Écoutez, calmez-vous. On le fera aussi pour vous. Vous voulez un vote par appel nominal, vous en aurez un.
[Français]
M. Yvan Loubier: Quelle arrogance! Vous allez le payer cher, monsieur le président. Vous allez le payer cher. Vous pouvez en être assuré.
M. Paul Crête: Ça fait trois fois qu'on vous le demande d'ailleurs.
M. Yvan Loubier: Vous allez le payer cher!
[Traduction]
Le président: Écoutez! Écoutez! Monsieur Crête et monsieur Loubier, je vous dis en toute franchise que tout député... Vous débattez depuis des heures de votre motion principale. Nous savons aussi que nous devons présenter un rapport à la Chambre. Vous le savez. Ne faites pas semblant de ne pas le savoir.
[Français]
M. Yvan Loubier: Non.
[Traduction]
Le président: Ce n'est pas vrai?
[Français]
M. Yvan Loubier: Non. Monsieur le président, vous vous êtes comporté dans cette histoire-là comme une personne indigne de la charge qu'on vous a confiée. Je trouve cela inadmissible. Nous avions eu une bonne entente jusqu'à présent, malgré quelques divergences. Mais cette fois-ci, c'est le bouquet. Vous nous avez empêchés de débattre jusqu'à attrition de la motion qu'on a déposée ce matin et de poursuivre nos délibérations sur un débat qui est fondamental au Québec, ce que vous avez été en mesure de constater lorsque les 14 organismes sont venus ici.
Je trouve ça inadmissible et le Québec va le savoir. Le Québec va savoir que vous êtes une bande de cyniques et que le reste du Canada se fout de la gueule des prétentions du Québec en matière d'éducation et se fout du combat qu'on mène depuis 35 ans en matière de juridiction éducationnelle.
Vous pouvez être certain, monsieur le président, que ça ne finira pas là, cette affaire-là. Si vous pensez qu'on va avoir une bonne atmosphère de travail après ce que vous venez de faire là, après le cynisme, l'arrogance et les quolibets très peu gentils qu'on a eus des gens qui sont en face de nous depuis le début, vous vous trompez. Vous pouvez être certain que vous n'aurez pas notre collaboration. Pas là-dedans. Jamais.
[Traduction]
Le président: D'accord. Nous passons au vote.
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous trouvez ça drôle aujourd'hui, mais vous allez trouver ça moins drôle à un moment donné, lorsqu'il n'y aura plus aucune négociation.
[Traduction]
Le président: Nous avons...
[Français]
M. Paul Crête: Vous autres, les moutons, taisez-vous.
M. Yvan Loubier: Oui, les moutons, les yes men! Yes men!
[Traduction]
Le président: Bien; nous passons au vote.
(La motion est adoptée par 8 voix contre 2)
[Français]
M. Paul Crête: Je propose que le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 1998 déposé au Parlement le 24 février 1998, ne soit étudié article par article qu'après que l'on nous ait fait rapport du résultat de la négociation entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.
La motion est déposée dans les deux langues officielles.
M. Yvan Loubier: Et appuyée par moi.
[Traduction]
Une voix: Passons au vote.
[Français]
M. Paul Crête: Non, non, non. On vient de déposer la motion et on a le droit d'en débattre. Vous ne nous empêcherez toujours bien pas de commencer à en parler. On vient de la déposer et il n'y a pas eu un seul intervenant.
M. Yvan Loubier: On dépose une motion, monsieur le président, et on demande d'en débattre. Notre motion a été rédigée dans les deux langues officielles. Nous, nous nous faisons toujours un devoir de présenter les choses écrites et dans les deux langues officielles.
M. Paul Crête: Du mieux qu'on peut.
M. Yvan Loubier: C'est ça.
M. Paul Crête: Est-ce qu'on a des copies?
M. Yvan Loubier: Est-ce qu'on peut la relire lentement pour le bénéfice de la traduction?
M. Paul Crête: Oui, je vais la relire.
M. Yvan Loubier: Pour le bénéfice de la traduction, monsieur le président. On nous l'a demandé. D'accord?
[Traduction]
Le président: D'accord.
[Français]
M. Paul Crête: Je propose que le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 1998 déposé au Parlement le 24 février 1998, ne soit étudié article par article qu'après que l'on nous ait fait rapport du résultat de la négociation entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.
M. Yvan Loubier: Très bonne motion.
M. Paul Crête: Proposée par le député de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques.
M. Yvan Loubier: Qui est Appuyé par le député de Saint-Hyacinthe—Bagot avec fierté.
M. Paul Crête: Et par l'ensemble du Québec.
M. Yvan Loubier: Avec fierté aussi. Alors voilà.
M. Paul Crête: Je demande la parole sur ma motion.
M. Yvan Loubier: Moi aussi, j'aimerais intervenir sur la motion de mon collègue, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Écoutez. La motion de M. Valeri a détourné le débat de votre motion principale. Il faut maintenant respecter l'obligation, pour le comité, de procéder à l'étude article par article.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, on n'est pas rendus à l'étude article par article.
[Traduction]
Le président: Un instant. Puis-je m'exprimer?
[Français]
M. Paul Crête: D'accord, je vous écoute.
[Traduction]
Le président: Si vous regardez l'ordre du jour d'aujourd'hui, c'est ce que nous faisons. Nous procédons à l'étude article par article. Le Bloc québécois a environ 39 motions, sauf erreur de ma part, et vous allez intervenir sur ces motions jusqu'à 23 h 59.
Je ne sais pas si vous prêtez attention à mes propos, mais vous devriez y prêter attention, parce que nous allons... Vous m'avez donné des directives à suivre, et c'est ce que nous faisons.
• 1815
Je cite le procès-verbal du mardi 5 mai:
-
Que l'étude article par article du projet de loi C-36 commence le
jeudi 7 mai 1998 à 9 heures
... et nous n'avons pas encore abordé le moindre article, n'est-ce pas? Pas un seul...
-
et se poursuive toute la journée jusqu'à ce qu'elle soit terminée,
et, pour le cas où le débat sur le projet de loi se poursuivrait
jusqu'à 23 h 59 sans que le projet de loi soit adopté, il en sera
fait rapport à la Chambre le vendredi 8 mai 1998 à midi,
conformément à la motion adoptée par le comité le 2 avril 1998.
M. Loubier était présent à cette réunion. Je dis simplement...
[Français]
M. Yvan Loubier: Non. Non. Concernant ce que j'ai dit...
[Traduction]
Le président: Non, non; écoutez: Je vous écoute depuis des heures alors, écoutez-moi pendant quelques minutes.
L'étude article par article ne vous intéresse absolument pas...
M. Paul Crête:
[Note de la rédaction: Inaudible]
Le président: Non, non, aujourd'hui. Le travail doit être terminé à 23 h 59, car je dois faire rapport de ce projet de loi à la Chambre. Si vous voulez continuer à parler jusqu'à 23 h 59, le comité fera rapport du projet de loi tel quel à la Chambre des communes.
[Français]
M. Paul Crête: Je fais un appel au Règlement.
M. Yvan Loubier: J'ai relu avec attention le compte de votre fameuse réunion à laquelle assistait, pour la dernière partie, mon collègue Michel Bellehumeur représentant le Bloc québécois.
S'il vous plaît, monsieur le greffier... Si vous ne voulez pas qu'on recommence dans le même sens que tout à l'heure...
La motion disait que vous deviez déposer un rapport à la Chambre des communes le 8 mai. Ça, c'est correct. C'est la motion qui a été déposée. Même si nous ne l'avons pas acceptée, et même si mon collègue, jusqu'à la toute dernière minute, n'a pas voté pour cette motion parce qu'il se demandait ce qui pressait, la motion disait effectivement que vous deviez déposer rapport le 8 mai. Admettons que cette motion a été adoptée et que vous devez déposer un rapport demain à la Chambre des communes.
Des voix: Oh, oh!
M. Yvan Loubier: Si mes collègues écoutaient, ils seraient peut-être moins arrogants par la suite.
[Traduction]
Le président: Voulez-vous vous calmer, s'il vous plaît?
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci.
Dans la motion de Mme Torsney, rien ne dit que nous devions avoir procédé à l'analyse du projet de loi article par article et adopté chacun des articles. Ce que vous pouvez faire demain, à partir de cette motion-là, c'est dire qu'il y a un vice de forme parce que cela ne nous oblige pas à procéder à l'analyse du projet de loi article par article pour le 8 mai. Vous êtes seulement obligé de présenter un rapport à la Chambre demain. Et dans votre rapport à la Chambre, vous pourriez dire que nous n'avons pas terminé l'analyse du projet de loi comme tel et tout particulièrement d'une partie fort importante qui porte sur le Fonds des bourses du millénaire et qui, décidément, pose problème au Québec.
Il y a 14 organismes qui nous appuient. Vous n'êtes pas là uniquement pour suivre les ordres qui viennent d'en haut. Autrement dit, vous n'êtes pas des moutons. Vous n'êtes pas des suiveux ni des yes men. Il me semble que demain, ce serait votre responsabilité, monsieur le président, conformément à la motion adoptée le 2 avril, de présenter un rapport dans lequel vous diriez que nous n'avons pas encore terminé l'analyse du projet de loi ni le débat. Cela me semble donc clair et je ne pense pas que vous puissiez dire que cela vous oblige à présenter le rapport demain en disant que le vote concernant l'analyse du projet de loi article par article est fait. Ce n'est pas vrai. C'est inexact. Ce n'est pas ce que disait la motion du 2 avril.
M. Paul Crête: En complément d'information sur le même appel au Règlement, je voudrais ajouter un extrait du procès-verbal qui dit: «Il est convenu que le projet de loi C-36, Loi portant... etc. déposé au Parlement le 24 février, fasse l'objet...».
Des voix: Oh, oh!
M. Paul Crête: Je pense que c'est très important. Oui?
Vous voulez que je relise? Je vais juste compléter la lecture.
Des voix: Oh, oh!
[Traduction]
Le président: Je vous écoute.
[Français]
M. Paul Crête: D'accord.
Nous pensons avoir compris que le comité s'est engagé à faire rapport à la Chambre sans avoir respecté les formes habituelles. On n'a d'ailleurs jamais utilisé les formes habituelles concernant l'étude d'un projet de loi article par article. J'ai le compte rendu entre les mains.
M. Yvan Loubier: C'est ça. Et on aurait dû lire, monsieur le président... La motion aurait dû contenir...
Des voix: Oh, oh!
M. Yvan Loubier: La motion aurait dû contenir la formulation suivante: «Que toutes les questions nécessaires à l'étude article par article du projet de loi soient réputées adoptées.»
• 1820
Ce n'est pas dans la motion présentée. Alors, ne nous
présentez pas des arguments qui ne sont pas de vrais
arguments en fonction du rapport que vous comptez
déposer demain.
[Traduction]
Le président: D'accord. J'aimerais me faire comprendre de tous. La motion du jeudi 2 avril 1998 de Paddy Torsney a été adoptée. Je vais la répéter très lentement, car je ne reviendrai plus là-dessus: Que le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 1998 déposé au Parlement le 24 février 1998, soit renvoyé à la Chambre des communes au plus tard le vendredi 8 mai 1998.
Pour moi, c'est tout à fait clair. Rien ne saurait être plus clair que cette motion. C'est un fait qu'à 23 h 59 ce projet de loi devra avoir été adopté, et il sera renvoyé à la Chambre le vendredi 8 mai 1998. C'est ce qui a été prévu le mardi 5 mai 1998.
Ces motions sont parfaitement claires. En définitive, monsieur Crête, M. Valeri a proposé sa motion en égard à la motion que vous avez présentée ce matin. Il a dit: «Ajournons le débat.» Il a ses raisons. Sa motion est recevable. En tant que député, il a le droit de présenter une telle motion. J'ai jugé qu'elle était recevable, et vous avez contesté la présidence.
Vous dites essentiellement que la motion de M. Valeri porte atteinte à vos droits de député. Ensuite, vous avez présenté une autre motion, que nous avons acceptée. Trouvez-moi une personne raisonnable sur cette terre qui puisse affirmer qu'on a empêché le débat ou que l'on vous impose le bâillon. En quoi est-ce qu'on vous imposerait le bâillon? Vous parlez depuis 9 heures pratiquement sans arrêt, et nous avons écouté toute votre argumentation...
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui et on avait d'autres choses à dire sur la question. L'article 116 nous permettait de le faire.
[Traduction]
Le président: Un instant. Nous avons regardé vos photos.
[Français]
M. Yvan Loubier: Et vous les avez trouvées très belles.
[Traduction]
Le président: Tout d'un coup, vous dites maintenant que le processus démocratique n'a pas été respecté. Nous allons maintenant écouter votre motion suivante, où vous allez encore, j'en suis sûr, revenir sur les mêmes arguments, comme vous en avez le droit. Mais je tiens à vous indiquer clairement que si nous n'avons pas fait l'étude article par article avant 23 h 59, le projet de loi C-36 sera renvoyé tel quel à la Chambre des communes.
[Français]
M. Yvan Loubier: Dictateur!
[Traduction]
Des voix: Oh, oh!
Le président: Non.
[Français]
M. Paul Crête: Laissez-moi expliquer mon point de vue.
M. Yvan Loubier: Je comprends ce que vous dites. La motion adoptée, on aurait dû parler de l'étude d'article par article réputée faite. Demain, rien ne vous lie au niveau de l'analyse article par article et du vote article par article.
Si vous aviez le moindrement de bonne volonté, si la négociation enclenchée entre les deux négociateurs n'était pas seulement de la frime, vous ne procéderiez pas de cette façon-là. Vous déposeriez un rapport demain en donnant l'état de la situation.
M. Paul Crête: Il faut que l'appel au Règlement soit clair. Ce que j'ai lu, c'est l'extrait du procès-verbal. La version française que j'ai entre les mains ne dit pas la même chose que le texte anglais. Et ce procès-verbal a été adopté.
En français, on a tout simplement «fasse rapport à la Chambre», et il n'y a aucune référence, dans le procès-verbal, relativement au fait qu'on doive faire rapport sur l'étude du projet de loi article par article. Ce bout de texte-là n'apparaît pas en français. Est-ce qu'il apparaît en anglais? S'il apparaît en anglais, je serai très surpris.
M. Yvan Loubier: J'ai fait sortir le compte rendu, et même dans le compte rendu, il est dit...
[Traduction]
Le président: Un instant. Je vais encore vous l'expliquer, et je vais parler très lentement.
[Français]
M. Paul Crête: Et ma question, monsieur le président?
[Traduction]
Le président: Je vous lis le procès-verbal que m'a remis le greffier. Dans le procès-verbal du mardi 5 mai 1998 et du jeudi 2 avril 1998, soit les séances 67 et 80 respectivement, il est indiqué essentiellement que le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 1998 déposé au Parlement le 24 février 1998, doit être renvoyé à la Chambre des communes avant le vendredi 8 mai...
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, il n'y a pas de traduction.
[Français]
Il n'y a pas de traduction.
[Traduction]
Le président: Il n'y a pas de traduction?
M. Yvan Loubier: Non.
[Français]
M. Paul Crête: On n'a pas les mêmes procès-verbaux.
[Traduction]
M. Yvan Loubier: Seulement de l'anglais à l'espagnol.
Le président: D'accord.
Une voix: Les micros sont ouverts.
Le président: En tout cas, il reste que nous nous sommes mis d'accord. Soyons honnêtes: nous avons accepté un échéancier et nous devons renvoyer le projet de loi à la Chambre le 8 mai. Tous les membres du comité le savent.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'ai fait sortir le compte rendu de cette réunion. Je ne veux pas vous lancer de gros mots ni vous insulter. Mais ce que vous avez lu sur le procès-verbal est totalement différent de ce qu'il y a dans le compte rendu.
Je vais vous lire le compte rendu. Écoutez ce que dit Mme Torsney. Je cite. Si je parle dans le vide, je peux m'arrêter.
Une voix: Non, non, c'est beau.
M. Yvan Loubier: Mme Torsney dit dans sa motion et je la cite:
[Traduction]
«que nous allons renvoyer ce projet de loi à la Chambre le 8 mai. Merci. Est-ce que nous votons?»
[Français]
Aujourd'hui, en nous bulldozant, vous avez procédé au vote. La motion qui a été inscrite dans le compte rendu n'est pas celle que vous nous avez présentée. C'est tout simplement ceci:
[Traduction]
«que nous allons renvoyer ce projet de loi à la Chambre le 8 mai».
[Français]
Il n'y a rien qui dit que...
[Traduction]
Le président: D'accord, d'accord.
[Français]
M. Yvan Loubier: ...avec la terminologie habituelle...
[Traduction]
Le président: D'accord, nous avons dit que nous allions renvoyer le projet de loi le 8 mai. Quand est-ce qu'on renvoie un projet de loi le vendredi?
[Français]
M. Paul Crête: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Quand on lit la version française, il est dit «fasse l'objet d'un rapport à la Chambre des communes». Quand on dit «fasse l'objet d'un rapport», on ne fait pas du tout allusion au fait que c'est l'étude du projet de loi article par article qui doit faire l'objet d'un rapport.
Vous pouvez très bien dire demain qu'on a étudié le rapport, qu'une motion a été débattue très longtemps et qu'on n'a pas eu le temps de faire l'étude article par article. Vous pouvez aussi dire que des amendements intéressants ont été déposés et que l'on va continuer l'étude du projet de loi article par article lundi, mardi ou mercredi prochain.
M. Yvan Loubier: La version française est encore plus claire.
M. Paul Crête: Qu'est-ce qui nous oblige à aller aussi vite? Je ne comprends pas. On n'est pas là à vous empêcher de travailler depuis trois semaines. On ne débat que depuis une journée alors que la négociation avec le Québec n'est pas encore terminée. Ce relèverait tout simplement du gros bon sens que de dire qu'on devrait avoir le temps de revenir là-dessus.
M. Yvan Loubier: En dehors du compte rendu de la séance de cette journée, il est bien clair, dans le procès-verbal français, que Mme Torsney propose que le projet de loi C-36, Loi portant à exécution [...] déposé au Parlement le 24 février 1998, fasse l'objet d'un rapport à la Chambre des communes. C'est le projet de loi qui doit faire l'objet d'un rapport à la Chambre des communes.
[Traduction]
Le président: Calmez-vous, s'il vous plaît. Je veux entendre M. Loubier. Allez-y, monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: En français, le compte rendu fait état de la motion de Mme Torsney qui demande que le projet de loi C-36 fasse l'objet d'un rapport à la Chambre des communes, et non pas que le projet de loi soit dûment adopté article par article pour être déposé à la Chambre. Ce n'est pas du tout ce que la motion dit.
M. Paul Crête: Je voudrais dire aussi que cela a été fait dans un certain esprit.
[Traduction]
Le président: Allez-y, monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête: La démonstration sur la question de 11 heures est importante parce que c'est la preuve que l'on peut prendre le temps de débattre sainement et de voter sur notre motion. Nous voulions juste mettre les choses au clair dès le départ. Je suis maintenant prêt à continuer à débattre de la motion.
Alors, on y va?
M. Yvan Loubier: Sur la nouvelle motion de M. Crête?
M. Paul Crête: Mais en s'entendant bien—parce que je voudrais que ce soit bien clair—sur le fait que si, en fin de journée, l'étude du projet de loi article par article n'est pas terminée, vous n'êtes pas tenu de dire demain que vous faites rapport du projet de loi. Nous aurions ainsi la possibilité de l'étudier lundi, mardi ou mercredi prochain sans difficulté, de continuer le débat et d'aborder ensuite un autre sujet. C'est facile.
Vous êtes d'accord, monsieur le président? Je peux maintenant parler de ma proposition?
[Traduction]
Le président: Un instant. J'accepte les arguments et j'accepte les motifs. Mais ce que je n'accepte pas, ce sont les insinuations. Je vais vous dire où j'ai pris cela.
À part le procès-verbal et ce que j'ai lu dans les Procès-verbaux et témoignages que m'ont fournis les greffiers, il y a aussi le plan de travail que nous avons approuvé en comité. Ce plan de travail est très clair; il indique que nous devons procéder à l'étude article par article et au renvoi à la Chambre dès demain. C'était très clair, et vous le savez aussi bien que moi.
Si vous me regardez droit dans les yeux pour me dire que ce n'est pas le cas...
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui, je vais vous regarder dans les yeux. Je vais vous regarder dans les yeux et vous dire ce qui nous motive depuis le début.
[Traduction]
Le président: Non, je ne pense pas.
[Français]
M. Yvan Loubier: Si, si. Lorsqu'on a dit...
[Traduction]
Le président: Vous ne pouvez pas faire cela de bonne foi.
[Français]
M. Yvan Loubier: Mettez votre appareil de traduction sur vos oreilles parce que ce que je vais vous dire est important.
Depuis le début, mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, ma collègue de Québec et moi-même, nous maintenons qu'il faut prendre tout le temps nécessaire pour analyser cet important projet de loi, et que la question des bourses du millénaire est fondamentale pour le Québec. Nous sommes revenus à la charge jour après jour en disant qu'il fallait prendre le temps de l'analyser et de peser les décisions.
[Traduction]
Le président: À l'ordre!
[Français]
M. Yvan Loubier: Il faut donner une chance à la négociation qui est en cours. À l'heure actuelle, vous nous donnez la preuve que vous vous foutez de la négociation et que c'est uniquement de la frime. Je peux vous dire que c'est comme cela que le Québec va comprendre les choses.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Dites-nous le contraire. Je vous regarde dans les yeux.
[Traduction]
Le président: Moi aussi, monsieur Loubier, je peux le faire.
[Français]
M. Yvan Loubier: Moi, je suis capable de vous regarder dans les yeux. Mais vous, vous commencez à avoir un peu plus de problèmes à me regarder dans les yeux, vu la façon dont vous vous comportez. Ça se voit.
[Traduction]
Le président: Un instant. Vous ne vous souvenez pas du plan de travail que le comité a approuvé.
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui, oui. Absolument.
[Traduction]
Le président: Vous me dites...
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est vous qui ne vous rappelez pas du tout ce que nous vous avons dit. On avait dit qu'on prendrait le temps qu'il faudrait pour vider toute la question et que la question des bourses du millénaire était fondamentale. Un programme, c'est fait pour être modifié en cours de route quand on s'aperçoit que le débat est tout à fait fondamental. Sinon, pourquoi ferait-on venir des témoins? Pour qu'ils acceptent vos décisions et qu'ils acceptent le calendrier que vous nous avez proposé? Ça ne fonctionne pas comme ça. Si la démocratie fonctionnait comme ça au Parlement, il n'y aurait plus de place pour aucun débat, aucune action parlementaire, aucune bifurcation par rapport au calendrier que le gouvernement nous présenterait. Voyons donc, ça ne marche pas comme ça. Ce n'est pas logique, votre affaire.
Suite aux témoignages qu'il y a eu ici depuis trois semaines, on a vu la nécessité de creuser davantage la question des bourses du millénaire et on a vu qu'il y avait un consensus au Québec contre ces bourses du millénaire. Alors, ne venez pas me dire que nous allons accepter de procéder le 8 mai tout simplement parce qu'il y a eu une décision administrative.
[Traduction]
Le président: Ces gens agissent de façon honteuse. C'est tout à fait incroyable.
[Français]
M. Paul Crête: Je fais un appel au Règlement.
M. Yvan Loubier: C'est vous qui êtes incroyable. Je trouve incroyable qu'après avoir entendu, pendant trois semaines, des témoins québécois qui vous ont tous dit la même chose, vous puissiez passer avec sarcasme et cynisme à l'étude de ce projet de loi.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier...
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est du cynisme que de passer outre aux exigences du Québec, de passer outre à la négociation qui est en cours à l'heure actuelle. Vous devriez avoir honte de faire ça.
[Traduction]
Le président: Écoutez, monsieur Loubier. En ce qui concerne...
[Français]
Des voix: Oh, oh!
M. Paul Crête: Est-ce qu'on peut avoir un peu d'ordre, monsieur le président?
[Traduction]
Le président: Oui.
Pourrait-on rétablir l'ordre? Les conversations privées se tiennent à l'extérieur.
• 1835
Monsieur Loubier, je suis convaincu, d'après mon
interprétation, que le comité a décidé de procéder aujourd'hui à
l'étude article par article et de faire rapport à la Chambre
demain. À mon avis, en tant que président, cela n'est pas douteux.
Il n'y a aucun doute dans mon esprit.
Je n'essaie pas de jouer au plus fin avec qui que ce soit. La seule chose qui me préoccupe, c'est que les citoyens de notre pays ont eu l'occasion de présenter leur point de vue sur le projet de loi devant le comité, et c'est aussi le cas des citoyens que vous avez proposés. J'estime que toutes les personnes que vous avez citées ont pu s'exprimer. C'est du moins ce dont j'étais persuadé. Nous les avons écoutées.
Cependant, j'accepte très mal de vous entendre dire que j'essaye d'expédier les motions, alors que j'ai été parmi les plus attentifs de ce comité, et que j'ai écouté tout le monde. N'essayez pas de jouer ce jeu avec moi.
Deuxièmement, ne croyez pas que vos droits de député soient supérieurs à ceux des autres députés. C'est bien de cela qu'il est question en ce qui concerne la motion de M. Valeri. À mon avis, et d'après le légiste, cette motion est tout à fait recevable. Nous avons agi en conséquence. Ensuite, vous avez contesté ma décision, et je vous rappelle que vous avez perdu.
[Français]
M. Paul Crête: C'est que vous ne voulez pas admettre que nous avons raison.
[Traduction]
Le président: Mais cela n'a aucun rapport. Cela ne signifie pas non plus que vous ayez raison.
En tant que président, il m'incombe de veiller à ce que ce comité fonctionne efficacement. Je sais également ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord, notamment sur la nécessité de procéder aujourd'hui à l'étude article par article, puis de faire rapport à la Chambre demain. Voilà l'ordre du jour de ce comité.
Cela étant dit, vous pouvez présenter une nouvelle motion, puisque vous en avez le droit, tout comme M. Valeri a eu le droit de présenter la sienne. Si vous avez une nouvelle motion, nous la mettrons en délibération.
Je sais maintenant ce que vous allez faire; nous allons sans doute écouter Mme Guay, puis nous passerons à la suite, mais je vous annonce tout de suite qu'à 23 h 59 cette séance se terminera. Si nous n'avons étudié aucun article du projet de loi, nous en ferons rapport tel quel.
Je tiens à ce que les choses soient claires en ce qui concerne le déroulement de la soirée.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête: J'ai un appel au Règlement pour répondre à cela. Si vous faites ce que vous venez de dire, vous serez, pour la deuxième fois de la soirée, en contradiction avec le Règlement. Je vais vous lire l'article 75 du Règlement:
-
Étude en comité
-
75.(1) Lors de l'étude de projets de loi par un comité de la
Chambre, on reporte d'abord à plus tard l'étude du
préambule et celle du premier article si celui-ci ne
vise que le titre abrégé; le comité étudie ensuite
chacun des autres articles dans l'ordre, puis en
dernier lieu le premier article (s'il ne vise que le
titre abrégé), le préambule et le titre.
-
(2) Tout comité
doit faire rapport à la Chambre des amendements
apportés à un projet de loi. La Chambre doit recevoir
tout projet de loi dont un comité aura
fait rapport, qu'il ait été modifié ou non.
Autrement dit, si on n'étudie pas les articles du projet de loi, on est en contradiction avec l'article 75 du Règlement. Et là ce n'est pas une question de feuille écrite ou pas écrite. C'est une question beaucoup plus importante.
Monsieur le président, je suis prêt à attendre que vous ayez fini votre petit conciliabule pour expliquer ce passage.
M. Yvan Loubier: Ça vaudrait la peine de répéter vos arguments, M. Crête.
M. Paul Crête: Oui. Je vais attendre que le conciliabule soit terminé.
M. Yvan Loubier: Ça vaudrait la peine parce que c'est très intéressant.
M. Paul Crête: Donc, l'article 75...
[Traduction]
Le président: Allons, présentez votre argument. Allez-y.
[Français]
M. Paul Crête: L'article 75 dit que, lorsqu'on fait l'étude d'un projet de loi en comité, le comité doit étudier chacun des articles dans l'ordre, et, en dernier lieu, le premier article. De plus, tout comité doit faire rapport à la Chambre des amendements apportés à un projet de loi. Logiquement, pour qu'on soit capable de faire rapport à la Chambre, il faut avoir d'abord étudié les articles. Et pour étudier les articles, il faut avoir examiné les amendements.
Donc, tant qu'on n'a pas commencé l'étude du projet de loi article par article, on n'a pas le droit de faire rapport à la Chambre du projet de loi. C'est ce que cet article du Règlement nous demande de faire.
-
(2) Tout comité doit faire rapport à la Chambre des
amendements apportés à un projet de loi. La Chambre
doit recevoir tout projet de loi dont un comité aura
fait rapport, qu'il ait été modifié ou non.
Pour le modifier, il faut l'avoir étudié. On va créer un précédent absolument extraordinaire si on renvoie à la Chambre, sans en avoir fait l'étude article par article, un projet de loi d'abord soumis au comité. Cela donnera sans doute lieu à une couple de thèses de sciences politiques, mais on n'aura rien réglé.
C'est bien écrit: un projet de loi est envoyé au comité pour qu'il en fasse l'étude article par article. C'est ce que nous voulons faire. Nous avons dit que nous étions prêts à le faire si, au bout de notre motion... Comme vous l'avez dit, nous avons déposé 39 amendements. Nous souhaitons qu'ils soient étudiés. Nous en avons envie, mais à la condition que cela soit fait dans un contexte intéressant.
[Traduction]
Le président: Monsieur Crête, si vous me permettez de faire un commentaire, je viens de vous raconter toute l'histoire, qui est assez simple. Vous avez une autre motion. Vous pouvez la présenter. Tout le monde ici la trouvera recevable, et vous pourrez la commenter.
Mais je vous signale simplement qu'à 23 h 59 ce sera fini.
[Français]
M. Paul Crête: C'est là, monsieur le président, que vous n'agissez pas correctement. Vous agissez non pas comme un président de comité, mais comme—le mot est très fort—un dictateur.
Vous dites qu'à 11 h 59, quel que soit le Règlement de la Chambre, vous avez décidé de faire votre rapport. Ce n'est pas conforme au Règlement. Demandez donc à vos experts ce qu'ils en pensent. Vérifiez auprès du greffier, du conseiller législatif ou de n'importe qui d'autre si ce que je viens de dire a du bon sens. On ne peut faire rapport à la Chambre sur un projet de loi sans avoir procédé à son étude article par article. Or, nous n'avons pas commencé à le faire.
Ce serait comme aller à une station-service, faire un virage devant et retourner tout simplement chez soi en s'imaginant avoir pris de l'essence. Il faut s'arrêter quelque part. Pour faire cette étude, il faut être capable de s'arrêter pour donner de l'information.
[Traduction]
Le président: Un instant. Sauf votre respect, vous avez déjà dit cela ce matin et cet après-midi, et tous les députés de votre parti ont déclaré eux aussi que vous intervenez sur ces questions parce que vous avez l'intime conviction...
[Français]
M. Yvan Loubier: Nous avons encore plusieurs députés qui veulent se prévaloir de leurs droits et privilèges en intervenant sur la motion.
[Traduction]
Le président: Je ne prétends pas qu'ils ne peuvent pas s'exprimer. Je dis simplement... et parfois, plus un message est simple et plus on a du mal à le capter, car les gens ne comprennent pas la simplicité. En tant que président de ce comité, j'affirme que je vais m'en tenir au plan de travail que nous avons approuvé, et qui prévoit qu'à 23 h 59, si nous n'avons pas entrepris l'étude article par article, le projet de loi sera renvoyé tel quel à la Chambre des communes dès demain après-midi. Je vous le dis très concrètement. Voilà ce qui va se passer.
Vous avez présenté une motion, que nous allons étudier. Vous avez des intervenants qui vont prendre la parole. C'est très simple. Rien n'a changé. Alors que signifie...? Je ne comprends pas pourquoi vous...
[Français]
M. Paul Crête: Il est important que vous sachiez que votre interprétation du Règlement n'est pas la même que la nôtre. Nous n'allons d'aucune façon porter la responsabilité d'avoir, à 11 h 59, pris la décision antidémocratique de faire rapport à la Chambre sans avoir étudié le projet de loi article par article.
Notre prétention est que l'article 75 exige, lorsqu'on fait l'étude d'un projet de loi en comité, d'en faire l'étude article par article. Et pour la faire, il faut d'abord avoir disposé des motions qui ont été présentées conformément au Règlement. Nous en avons présenté une qui est conforme au Règlement et nous vous disons d'être prêt à envisager toute hypothèse qui permettrait de faire l'étude du projet de loi article par article la semaine prochaine.
[Traduction]
Le président: Monsieur Crête, qu'est-ce que vous ne comprenez pas? Dites-moi ce que vous ne comprenez pas.
[Français]
M. Yvan Loubier: Écoutez-le et peut-être comprendrez-vous cet article du Règlement.
M. Paul Crête: Ce que je comprends, c'est que nous divergeons d'opinion quant à l'interprétation de cet article du Règlement. Je fais allusion à mon règlement de parlementaire.
[Traduction]
Une voix: J'invoque le Règlement.
[Français]
M. Paul Crête: Je suis à faire une intervention sur un appel au Règlement, monsieur. Vous pourriez attendre tranquillement que j'aie terminé. Si on tient compte de votre contribution aujourd'hui, vous pouvez bien attendre un peu.
Je vous disais, monsieur le président, que l'article 75...
M. Yvan Loubier: Avez-vous l'article 75? L'avez-vous?
M. Paul Crête: ...dont je vais vous faire connaître mon interprétation,...
M. Yvan Loubier: Lisez-le lentement, parce qu'il semble qu'il...
M. Paul Crête: Il a le texte. Il peut le lire sans problème.
M. Yvan Loubier: Lisez-le pour le bénéfice des autres, parce que c'est un texte très clair.
M. Paul Crête: Oui, je peux le reprendre, effectivement.
M. Yvan Loubier: Oui, reprenez-le.
M. Paul Crête: Le texte se lit comme suit:
-
75. (1) Lors de l'étude de projets de loi par un comité de la
Chambre, on reporte d'abord à plus tard l'étude du
préambule, puis celle du premier article, si celui-ci
ne vise que le titre abrégé; le comité étudie...
On ne dit pas «étudiera», «peut étudier» ou «n'étudiera peut-être pas».
-
...ensuite chacun des autres articles
dans l'ordre, puis en dernier lieu le premier article
(s'il ne vise que le titre abrégé), le préambule et le
titre.
-
(2) Tout comité doit faire rapport à la Chambre des
amendements apportés à un projet de loi. La Chambre
doit recevoir tout projet de loi dont un comité aura
fait rapport, qu'il ait été modifié ou non.
Donc, s'il n'y a pas eu d'étude article par article d'un projet de loi, on ne peut pas en faire rapport à la Chambre.
M. Yvan Loubier: C'est logique.
[Traduction]
Le président: Si vous décidez de continuer à défendre votre motion, comme vous en avez le droit, nous passerons à l'étude article par article à 23 h 59 et nous renverrons le projet de loi à la Chambre demain. Voilà ce qui va se passer.
[Français]
M. Paul Crête: Ah, tiens! Est-ce qu'à 11 h 59 vous nous imposerez de faire en 30 secondes l'étude d'un projet de loi qui aura un impact pendant les 20 prochaines années? Eh bien, vous en porterez l'odieux.
M. Yvan Loubier: C'est ainsi et vous porterez le nouveau titre que nous vous avons donné: le dictateur du Comité des finances.
[Traduction]
Le président: Pourquoi dites-vous cela maintenant? Nous étudions ce projet de loi depuis trois semaines.
[Français]
M. Paul Crête: Oui, mais on n'a pas consacré une seule minute...
[Traduction]
Le président: Nous avons écouté tous les témoins que vous avez proposés, c'est vrai, et vous dites maintenant que nous sommes en train de «bulldozer» ce projet de loi. Comment pouvez-vous dire une chose pareille?
[Français]
M. Paul Crête: Il faut faire la distinction entre l'accueil des témoins et l'étude d'un projet de loi article par article. Ce sont deux choses très différentes.
[Traduction]
Le président: Non, mais comment pouvez-vous dire une chose pareille?
[Français]
M. Yvan Loubier: Il ne faut pas mêler les choses.
[Traduction]
Le président: Entre vous, n'est-ce pas?
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, en plus... J'invoque le Règlement, monsieur le président.
En plus, en procédant ainsi—remettez votre écouteur pour entendre cet argument que je répète—, vous indiquez que vous ne croyez pas aux négociations qui se déroulent entre le bureau du premier ministre du Canada et le bureau du premier ministre du Québec. Vous vous dites que ces négociations sont du théâtre, de la frime et qu'elles ne mèneront à rien. Pourtant, dès les premiers jours de nos auditions, un haut fonctionnaire, venu répondre à nos questions, nous a dit que si une entente intervenait entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, il faudrait modifier le projet de loi. On nous a dit que oui, il faudrait le modifier.
En agissant comme vous le faites, vous ne donnez aucune chance à la négociation. Vous nous bulldozez et nous risquons d'avoir à reprendre le travail, en supposant que cette négociation aboutisse à une entente, même si vous ne semblez pas y croire. Vous semblez plutôt croire que c'est une opération factice et vous vous comportez en dictateur dans un tel contexte.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Paul Crête: Nous avons fait le point sur nos perceptions respectives. Pour ma part, je conserve mon point de vue sur l'article 75. Je suis prêt, cependant, à ce que le débat s'engage sur ma motion. Toutefois, à 11 h 59, chacun portera la responsabilité de ce qu'il décidera.
M. Yvan Loubier: Mais ça ne s'arrêtera pas là, monsieur le président. Ça ne s'arrêtera pas là. Nous pouvons vous l'affirmer. Nous nous sentirons brimés dans nos droits, le droit que nous avons de débattre d'une question fondamentale pour le Québec. Qu'il en soit question à l'intérieur ou à l'extérieur du Parlement, vous entendrez sûrement parler de nous.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier. Je ne sais pas si vous voulez parler de l'intérieur ou de l'extérieur ou si vous proférez des menaces voilées, mais en réalité vous ne vous adressez pas à la bonne personne. Je ne suis nullement impressionné par vos arguments.
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, non! Il ne faut pas qu'il y ait confusion. Monsieur le président, laissez-moi préciser. C'est que le débat sur la question des bourses du millénaire ne se terminera pas avec votre décision dictatoriale. Le débat se poursuivra à l'extérieur. Il y a des gens qui s'organisent. Au Québec, laissez-moi vous le rappeler, il y a consensus. Si vous pensez qu'en nous bulldozant de cette façon, vous allez nous enlever le droit de contester une mesure d'intrusion inacceptable, vous vous trompez.
[Traduction]
Le président: Tout d'abord, je pense...
[Français]
M. Yvan Loubier: Je ne vous ai pas invité à aller dehors.
[Traduction]
Le président: Qu'est-ce que c'est?
[Français]
M. Yvan Loubier: Quand j'ai dit «à l'intérieur et à l'extérieur», je ne faisais allusion à rien d'antiparlementaire.
[Traduction]
Le président: Non, c'était très sage de votre part, mais en réalité le comité considère à juste titre que nous ferons rapport du projet de loi demain et que nous procéderons ce soir à l'étude article par article.
Je sais que ce qui vous contrarie, monsieur Loubier et monsieur Crête, c'est que j'ai reconnu à ce député le même droit que celui que vous avez toujours revendiqué. J'ai reconnu à M. Valeri le droit de présenter sa motion, et d'un seul coup vous vous en offusquez.
• 1850
En ce qui concerne l'étude article par article et le rapport,
je crois que les choses sont très claires. Nous devons absolument
passer à l'étude article par article.
Vous avez une motion que vous voulez défendre.
[Français]
M. Paul Crête: Oui, je commence. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monique Guay veut peut-être prendre la parole.
[Français]
M. Paul Crête: Oui, mais je voudrais parler d'abord car c'est moi qui ai présenté la motion. J'en rappelle la teneur.
Je propose que le projet de loi C-36 portant exécution de certaines dispositions du budget, ne soit étudié article par article qu'après que l'on nous ait fait rapport du résultat de la négociation entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.
Je voudrais vous apporter...
Est-ce que M. Gallaway s'intéresse au débat qui se déroule ici?
M. Yvan Loubier: Non, pas du tout. Comme à l'ensemble des travaux, d'ailleurs.
M. Paul Crête: Donc, je veux vous faire connaître une position nouvelle. Un communiqué de presse a été émis par la Chambre de commerce du Québec. Il fait état de l'opinion des trois plus grandes associations patronales du Québec: la Chambre de commerce du Québec, le Conseil du patronat du Québec et l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. On y dit que ces trois associations:
-
...ont souhaité ardemment que les négociations en cours
entre Québec et Ottawa, lancées à l'initiative des
premiers ministres Bouchard et Chrétien, se poursuivent
et aboutissent à une entente qui respecterait les
compétences constitutionnelles du Québec tout en
permettant au gouvernement fédéral de recevoir une
visibilité satisfaisante.
-
Le projet de bourses, tel
qu'imaginé pour l'ensemble du Canada...
Ce sont les trois associations patronales du Québec qui disent cela. Ce ne sont pas tous des souverainistes. Ce n'est certainement pas parmi eux que nous recrutons notre clientèle. Ce ne sera pas grâce à eux que nous obtiendrons une majorité aux élections.
Je poursuis la lecture du communiqué.
-
Le projet de bourses, tel qu'imaginé pour l'ensemble
du Canada, ne convient pas au Québec qui a mis en
place,
depuis 1964, son propre programme. Le niveau
d'endettement des étudiants et les frais de scolarité
du Québec sont de beaucoup inférieurs à ceux qui
existent dans les autres provinces. On ne saurait donc
appliquer le programme fédéral de façon uniforme, ont
mentionné les représentants patronaux.
-
Déjà, le projet de loi C-36 prévoit que «la Fondation
aura le pouvoir de passer des contrats avec les
autorités provinciales compétentes pour la sélection
des bénéficiaires [...].» Il y a là une grande ouverture pour
la négociation. Ottawa doit démontrer qu'il accorde la
plus haute priorité à une entente...
Écoutez bien ceci. Je vois que vous êtes tous très attentifs.
-
...en reportant l'adoption de sa loi afin de compléter
les négociations en cours et, si nécessaire, d'ajuster
le projet de loi en conséquence.
Je répète ces trois phrases-là. Voyez le texte de ma motion qui demande de suspendre l'étude du projet de loi durant les négociations. Maintenant, je vous relis ce que les associations patronales du Québec ont dit:
-
Ottawa doit démontrer qu'il accorde la plus haute
priorité à une entente en reportant...
On dit bien «en reportant».
-
...l'adoption de sa loi afin de compléter les
négociations en cours et, si nécessaire, d'ajuster le
projet de loi en conséquence.
De son côté, le gouvernement du Québec doit négocier
de bonne foi afin d'éviter que les étudiants québécois
ne fassent les frais d'une nouvelle querelle
fédérale-provinciale.
Notre responsabilité ici, au Parlement fédéral, fait l'objet de la première partie de ce communiqué-là. À tous les groupes qui étaient venus nous voir—les centrales syndicales, les fédérations scolaires, etc., viennent s'ajouter les trois principales fédérations patronales du Québec, qui demandent exactement ce qui est contenu dans la motion que nous avons déposée.
C'est pourquoi l'attitude que nous adoptons, dans le débat sur ce projet de loi, nous place sur un terrain très solide. C'est là notre prétention. Notre position est celle de l'ensemble du Québec. C'est une position que les députés libéraux du Québec et les députés conservateurs du Québec devraient appuyer aussi vigoureusement que possible. S'ils ne le font pas ici en comité, pour être solidaires de leur parti, j'espère qu'ils le font à leur caucus. J'espère qu'ils le font en conversations privées. J'espère qu'ils le font partout où ils le peuvent afin que cette volonté générale soit respectée au bout du compte.
Est-ce que vous vous imaginez que les associations patronales du Québec déclarent une telle chose pour faire plaisir aux partis souverainistes du Québec? Pensez-vous que ce soit par opportunisme politique? Est-ce parce qu'ils ne croient plus aux vertus du fédéralisme? Je ne pense pas que leur évaluation de la question soit de cet ordre. Leur évaluation porte plutôt sur les aspects fondamentaux de la question, sur le fait que tous les gens qui sont nés au Québec ou qui ont adopté le Québec comme milieu de vie trouvent que l'éducation est un secteur primordial, névralgique pour l'avenir de la population. Ils veulent absolument, avant de mettre le doigt dans l'engrenage, être certains de ce qui doit en découler.
• 1855
Actuellement, nous n'avons aucune garantie de cette
sorte. Aucune intervention des députés libéraux ici
présents n'a reconnu, en quelque façon que ce soit, que
l'ensemble des recommandations faites par tous les
organismes du Québec pouvait comporter des aspects
positifs.
Mme Torsney a même demandé à tous les groupes du Québec qui se sont présentés les uns après les autres qui ils étaient et qui ils représentaient. Ses questions ne le mentionnaient pas toujours aussi clairement, mais elles sous-entendaient: «Êtes-vous des amis du Bloc québécois?»
Les gens qui sont venus parler en Chambre ont fait...
[Traduction]
Le président: Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Je m'inquiète de voir qu'on me prête des propos que je n'ai jamais tenus en comité. Je n'ai demandé à aucun groupe de témoins s'ils représentaient le Bloc québécois. En fait, je n'ai pas demandé à un seul groupe s'il représentait le Bloc québécois.
Faites attention aux propos que vous m'attribuez.
[Français]
M. Paul Crête: C'était sous-entendu dans beaucoup des déclarations que vous avez faites. Je pourrais les repasser toutes, les unes après les autres. Il y aurait de quoi en tapisser un mur. Donc, vos prétentions de ce côté...
Je reviens à ma proposition. Vous avez...
[Traduction]
Le président: Monsieur Crête...
Mme Paddy Torsney: Mais vous êtes-vous excusé?
[Français]
M. Paul Crête: Oui.
[Traduction]
Le président: ... un instant. Je ne voudrais pas que ce débat... Si vous vous intéressez véritablement à ce projet de loi, comme je le suppose...
[Français]
M. Paul Crête: Je pense que j'en ai fait la preuve, depuis ce matin particulièrement, et par ma présence à toutes les réunions du comité depuis plusieurs années.
[Traduction]
Le président: Comme je l'ai fait, et comme l'ont fait tous ceux qui ont écouté toutes les délibérations.
[Français]
M. Paul Crête: C'est à moi que vous avez posé la question.
[Traduction]
Le président: Je vais mettre immédiatement un terme à toute forme d'attaque personnelle. Il commence à se faire tard, et vous avez peut-être faim, ou peut-être avez-vous besoin de vous rafraîchir, mais je ne veux pas que les membres du comité commencent à se lancer des attaques personnelles. Argumentum ad hominem: on s'en prend aux personnes lorsque tous les autres arguments ont échoué. Vous ne devriez pas procéder ainsi, et je ne le tolérerai pas. Je veux qu'on s'en tienne au projet de loi C-36.
[Français]
M. Paul Crête: Je suis d'accord pour revenir au projet de loi. Je puis dire que tous les députés libéraux qui sont ici n'ont soumis aucun projet d'amendement après qu'on ait reçu des groupes de tout le Québec et de tout le Canada. Je fais une évaluation politique que, j'espère, vous allez me permettre d'exprimer. Je n'attaque personne. Je trouve assez étonnant qu'on considère avoir sous les yeux un projet de loi idéal et que les témoignages entendus pendant trois semaines, de groupes aussi divers que nombreux, n'entraînent la proposition d'aucun amendement.
Je rappellerai le texte des trois associations patronales qui, elles, viennent nous dire, à l'instar de tous les groupes que nous avons présentés, que l'étude du projet de loi devrait être suspendue. On devrait attendre les résultats de la négociation avant d'étudier le projet de loi. L'étude du projet de loi ne nous apparaît pas pertinente immédiatement.
Il y a aussi d'autres propositions actuellement. Même le Parti libéral du Québec demande au gouvernement fédéral d'amender le projet de loi C-36. Donc, le Parti libéral du Québec, à l'Assemblée nationale du Québec, demande dans une motion déposée dernièrement d'amender le projet de loi. Est-ce que leur demande va dans le sens que nous souhaitons? Je ne le sais pas exactement. Il me reste à l'évaluer. Je peux dire, toutefois, que même l'Opposition, à Québec, désire que le projet de loi soit amendé par le gouvernement fédéral.
Donc, le fait qu'aucun amendement n'ait été proposé par le Parti libéral est en contradiction avec un consensus encore plus large. Tous les groupes qui sont venus ici sont membres de la Coalition. Les associations patronales, l'opposition libérale à Québec, les partis souverainistes, l'ensemble de la population du Québec, tous appuient cette position.
On ne réussit même pas à faire comprendre qu'il faut faire la différence entre la motion débattue depuis ce matin, débat qui a été bloqué par la majorité libérale, et cette nouvelle motion qui ne demande pas que le projet de loi soit abandonné.
Nous sommes devenus très conciliants. Après avoir fait une analyse de la situation, nous vous proposons maintenant de faire l'étude article par article du projet de loi une fois connus les résultats de la négociation entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.
• 1900
Notre position a évolué depuis ce matin, alors qu'on
vous demandait que le projet de loi soit abandonné.
Nous vous demandons maintenant d'adopter une
position de négociation, ce que vous devriez être en
mesure d'accepter plus facilement. L'appui que nous
donnent entre autres les associations
patronales en ce sens-là vient donner une crédibilité
encore plus grande à la position qu'on propose.
Je voudrais maintenant revenir sur le fond de la question. Les députés libéraux ont dû s'interroger grandement à savoir ce qui fait qu'on se tient si solidement, que tout le monde a la même attitude et qu'on veuille absolument que M. Mel Cappe et le négociateur du Québec aient la chance de compléter leurs négociations avant de revenir pour discuter du projet de loi article par article.
Les Québécois ont une tradition de patience. Ils ont une tradition de vouloir arriver à des solutions, à des arrangements et à des compromis. Ils ont agi ainsi à maintes reprises dans le passé. Ils se retrouvent aujourd'hui devant un projet de loi insatisfaisant pour tous les groupes de la société québécoise et ils ont tendu la main.
M. Bouchard est venu à Ottawa accompagné par tous les membres de la Coalition, y compris M. Shapiro qui en est le porte-parole et le recteur de l'Université McGill. L'ensemble de ces personnes est venu dire à M. Chrétien: «Essayons de trouver un compromis, de négocier et de trouver une façon que cela puisse fonctionner.» Les membres de la Coalition vous ont envoyé un message; ils ont dit au législateur d'être proactif dans la façon dont il s'assurera que les négociations relatives à ce projet de loi aboutisse à une entente et que cette entente soit reflétée dans le projet de loi.
On a présenté une proposition en ce sens aujourd'hui. Je crois effectivement qu'au terme de nos travaux ce soir, la sagesse voudrait qu'on se soit entendus pour revenir en débat, pour recommencer la semaine prochaine, pour finaliser l'analyse de la situation et pour attendre que la négociation ait donné des résultats.
Le travail du comité serait peut-être plus efficace si nous pouvions convoquer M. Cappe à comparaître lorsqu'il sera disponible et à nous faire part de l'état de la négociation. Il aura peut-être certaines choses à nous dire, par exemple qu'il nous manque une ouverture. Il pourra peut-être nous indiquer que nous sommes sur la bonne voie et que nous pourrons correctement modifier une partie de la loi. Nous pourrons regarder la situation qu'il nous présentera et retenir ce que nous jugeons pertinent.
Mais au moment présent, on n'a reçu aucun message, aucun signal de la part de la majorité libérale. Elle n'a pas déposé un seul amendement en vue de donner une interprétation politique ou de réagir à nos demandes et à notre proposition.
Je reviens à ce que je disais plus tôt. Qu'est-ce qui fait qu'on a une position aussi forte? Cette position s'est développée au fil des ans au Québec. L'éducation est un domaine de compétence exclusive des provinces et le Québec assume pleinement sa compétence dans ce domaine. En 1953, l'année de ma naissance, le Québec bloquait le projet fédéral visant à subventionner directement les universités canadiennes lors de la conférence nationale des universités. Il s'oppose à la volonté du gouvernement fédéral de remplacer au moyen de subsides fédéraux les pouvoirs financiers essentiels aux provinces et de pénétrer dans le domaine de l'éducation, domaine réservé réservé aux provinces.
En outre, il possède depuis 1961 son programme d'aide financière aux étudiants et étudiantes, lequel comprend des prêts et bourses. Nous avons depuis longtemps travaillé à bâtir le consensus qui est devant nous et nous souhaitons qu'il puisse être écouté. Le plus beau message que la majorité libérale pourrait donner au Québec, ce serait un message d'ouverture sur cette position.
Demain matin, si vous voulez contribuer à décrisper les relations et démontrer une attitude d'ouverture, dites que vous acceptez d'attendre le résultat des négociations avant de procéder à l'étude article par article du projet de loi. Cela ne réglera pas tous les points en litige, mais cela en réglera un qui est significatif.
• 1905
J'invite maintenant les autres députés à faire
connaître leur point de vue sur la motion que j'ai
déposée.
[Traduction]
Le président: Allez-y.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le président, merci. Merci, monsieur Szabo.
Monsieur le président, je suis arrivé ici un peu en troupe fraîche, si vous me permettez l'expression, en me disant que j'allais participer à un débat absolument capital sur l'avenir du système de bourses au Québec. Je savais pertinemment en arrivant ici qu'il y avait une motion très pertinente, très intéressante et très à propos qui avait été proposée par mes collègues du Bloc québécois en vue de suspendre l'étude du projet de loi C-36 pendant que les négociations entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada se poursuivent.
Je jugeais que cette position était tout à fait à propos, dans la mesure où le projet de loi C-36 contient des dispositions qui déterminent d'une certaine façon la conclusion des négociations, avant même qu'elles soient effectivement terminées.
À ma grande surprise, monsieur le président, je suis arrivé ici et on a imposé un bâillon à cette motion afin de l'évacuer et de faire en sorte que nous ne l'adoptions pas. Il me semblait véritablement qu'il s'agissait d'une motion modérée qui aurait pu permettre l'établissement d'un dialogue serein et sérieux entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
Monsieur le président, je tiens ici à établir que je n'appuie pas cette façon de procéder de la part du gouvernement fédéral, qui décide d'aller de l'avant avec l'adoption du projet de loi C-36 à toute vapeur, parce qu'à toutes fins utiles, c'est exactement ce qui se fait ici. Il y a là un vice de forme dans la mesure où cette façon de procéder aura certainement pour effet d'imposer une orientation à la négociation. On cherche à forcer la main des négociateurs et à placer le gouvernement du Québec devant un fait accompli. Ce projet de loi contient des dispositions qui détermineront l'objet de la relation qui va exister entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada sur cette question très importante.
Malheureusement, cette motion, qui a été présentée par M. Valeri, a été adoptée dans les circonstances qu'on connaît, qui sont d'ailleurs peu reluisantes, monsieur le président, et qui ne sont pas à l'honneur de ce comité. À la suite de l'adoption de cette motion, mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques a présenté une autre motion qui me semble être tout à fait raisonnable, tout à fait modérée et tout à fait à propos. Je me permets de vous la relire pour que les collègues puissent en prendre bien conscience et je les invite à écouter. Je ne peux pas dire, et ils ne peuvent pas dire non plus, que je les ai embêtés longuement aujourd'hui par mes propos, puisque je viens tout juste d'arriver et que je prends la parole pour la première fois aujourd'hui.
Alors je répète cette motion, monsieur le président, qui se lit comme suit:
-
Que la décision du comité du 2 avril...
Je n'ai pas le bon texte. On ne l'a pas encore distribué, monsieur le président.
La motion se lit comme suit:
-
Que le projet de loi C-36 portant exécution de
certaines dispositions du budget,
ne soit étudié article
par article qu'après que l'on nous ait fait rapport du
résultat de la négociation entre le gouvernement du
Québec et le gouvernement fédéral.
Monsieur le président, c'est tout à fait pertinent et tout à fait logique. Comment pourrions-nous adopter ce projet de loi, qui va pour ainsi dire déterminer la relation entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada quant à ce projet de bourses du millénaire, avant même que les négociations entre les deux gouvernements soient conclues?
• 1910
Si on va de l'avant et qu'on adopte ce projet de
loi—c'est
à vous que je m'adresse, monsieur le président,—
avant même que les
négociations entre le gouvernement du Québec et le
gouvernement du Canada soient terminées,
je devrai conclure à la mauvaise foi du
gouvernement fédéral, qui n'est véritablement pas
intéressé à en arriver à un résultat concret dans ses
négociations avec le gouvernement du Québec.
Monsieur le président, vous me permettrez de vous lire une citation fort intéressante, que vous avez probablement déjà entendue ou lue vous-même, puisque c'est une citation d'un homme qui est un éminent penseur pour nos collègues d'en face. M. Trudeau, un ancien premier ministre du Canada, écrivait dans L'Action nationale—allez donc croire qu'il a effectivement écrit un jour dans L'Action nationale—en 1957, à la page 438, et je cite:
-
Dès lors, si un gouvernement dispose d'une telle
surabondance de revenus qu'il entreprend d'assurer la
partie du bien commun qui n'est pas de sa
juridiction,
la présomption se crée qu'un tel gouvernement a pris
plus que sa part de la capacité taxable.
Nous assistons actuellement à cette situation. Au cours des quatre dernières années, le gouvernement fédéral a réduit les paiements de transfert aux provinces destinés à l'éducation postsecondaire, à la santé et à l'aide sociale, réduisant du même coup la marge de manoeuvre des gouvernements provinciaux, dont le gouvernement du Québec, dans ces matières. Il a également décidé de modifier la Loi sur l'assurance-chômage, ce qui lui a permis d'accumuler des surplus faramineux dans la caisse, lesquels sont utilisés pour combler son propre déficit, restreignant de ce fait l'accessibilité de l'assurance-emploi pour les personnes sans emploi. Ainsi, le gouvernement fédéral s'est dégagé une marge de manoeuvre absolument phénoménale en matière financière.
D'ailleurs, n'eût été cette opération de camouflage, soit l'opération des bourses du millénaire, le gouvernement fédéral aurait probablement affiché dans son budget un surplus de 2,5 milliards de dollars. Selon les évaluations, le surplus budgétaire atteindrait donc 4,4 milliards de dollars, pendant que les gouvernements provinciaux tirent le diable par la queue pour assumer des responsabilités qui étaient auparavant assumées à parts égales par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. La part du gouvernement fédéral s'établit maintenant, si je me souviens bien, à 12 p. 100 des programmes à frais partagés, alors que tout le reste des frais est assumé par les gouvernements provinciaux.
Monsieur le président, ce qui est odieux dans le projet des bourses du millénaire que nous avons sous les yeux actuellement, c'est que le gouvernement fédéral va piger des sous dans les poches des provinces, dans les programmes destinés à l'aide sociale, à l'éducation postsecondaire et à la santé, et qu'il utilise ces sommes qu'il a économisées sur le dos des provinces pour créer des programmes dans des champs de juridiction des provinces, tel ce programme de bourses du millénaire. Ce faisant, on en vient exactement à ce que le grand penseur libéral avait prophétisé en 1957 dans L'Action nationale, lorsqu'il disait:
-
Dès lors si un gouvernement
dispose d'une telle surabondance de revenus qu'il
entreprend d'assurer la partie du bien commun qui n'est
pas de sa juridiction, la présomption se crée qu'un tel
gouvernement a pris plus que sa part de la capacité
taxable.
Pour ainsi dire, le gouvernement fédéral a accumulé des surplus en allant piger dans les poches des provinces et, par la suite, il les a utilisés pour envahir des champs de juridiction provinciale. Monsieur le président, c'est tout à fait odieux.
Revenons précisément au projet de loi sur les bourses du millénaire, le projet de loi C-36.
• 1915
Le même Parti libéral a une longue tradition. Je
suis remonté jusqu'en 1957, mais revenons à une époque
un peu plus récente. En 1964, alors
que les libéraux étaient au pouvoir à Québec et dirigés
par Jean Lesage, ancien député libéral fédéral, et à
Ottawa par Lester B. Pearson, premier ministre à
l'époque, le gouvernement fédéral avait tout à
fait reconnu qu'un programme de prêts et bourses devait
nécessairement être mis en place par le gouvernement
provincial, le gouvernement du Québec en l'occurrence,
si celui-ci décidait qu'il lui appartenait de mettre en
place un tel programme.
Je cite un extrait d'un télégramme adressé à Jean Lesage par Lester B. Pearson en date du 16 avril 1964, où il disait:
-
...le gouvernement fédéral a
l'intention de proposer des arrangements selon lesquels
des prêts bancaires garantis seraient consentis aux
étudiants des universités [...]. Si un province préfère s'en
tenir à son propre programme de prêts, elle pourra
recevoir une compensation équivalente.
On reconnaissait donc, à cette époque qui était probablement l'âge d'or du mouvement libéral, puisque René Lévesque qui était libéral est devenu plus tard souverainiste, ce principe fondamental selon lequel l'éducation est de juridiction provinciale. Ça s'est gâté par la suite jusqu'à ce que nous ayons devant nous le gouvernement actuel.
On reconnaissait donc ce principe fondamental selon lequel l'éducation était de juridiction provinciale et on reconnaissait qu'il appartenait au gouvernement provincial d'assumer la responsabilité des prêts et des bourses.
Et maintenant, à quoi assistons-nous? Le gouvernement fédéral, comme je le disais tout à l'heure, a épongé son déficit sur le dos des provinces, a accumulé des surplus budgétaires sur le dos des provinces, tente de les camoufler en créant une espèce de programme bidon de Fondation canadienne des bourses d'étude du millénaire et envahit par le fait même, ce champ de juridiction sacré qu'est l'éducation. Et tout le monde a l'air de penser que nous allons avaler tout cela sans dire un mot.
Le gouvernement du Québec, à juste titre, réclame le respect de cette juridiction sacrée qu'est l'éducation. Les différents intervenants réclament de la part du gouvernement fédéral le respect de ce champ de juridiction sacré qu'est l'éducation pour les provinces. Les différents intervenants qui ont comparu devant vous ont rappelé que le gouvernement du Québec avait tout à fait le droit de réclamer de la part du gouvernement fédéral le respect de cette juridiction sacrée qu'est l'éducation pour les provinces.
Comme le signalait à juste titre mon collègue Paul Crête il y a quelques minutes, même les gens du milieu d'affaires, qu'on ne peut pas soupçonner d'accointance souverainiste, se sont présentés devant vous en vous disant que ce projet de loi était une erreur, qu'il allait à l'encontre de l'esprit du pacte fédératif qui fait en sorte que l'éducation est un champ de juridiction exclusif des provinces, et qu'il était fondamentalement injuste, fondamentalement incorrect et même malhonnête d'aller piger ainsi dans les poches des provinces pour se créer une marge de manoeuvre qui permet ensuite d'intervenir dans les champs de juridiction des provinces.
J'exhorte les membres de ce comité à porter une attention particulière à la motion qui a été présentée par mon collègue Paul Crête et qui vise simplement à donner une chance aux négociations.
Il n'y a pas si longtemps, on a eu un conflit dans le milieu des postes, et tous les jours, on demandait aux ministres responsables des postes quand ils allaient régler la question une fois pour toutes, quand ils allaient sortir le rouleau compresseur pour faire revenir les postiers au travail. Les ministres, tout à fait à propos, se levaient en Chambre et répétaient qu'ils voulait donner une chance à la négociation.
Je voudrais donc vous demander pourquoi ce qui était pertinent lors du conflit des postes n'est plus pertinent maintenant dans le dossier des bourses du millénaire? Pourquoi ne voulons-nous pas donner une chance à la négociation? Pourquoi a-t-on décidé de s'engager dans un exercice bidon de négociation, sachant pertinemment qu'on ne voulait pas que cet exercice aboutisse à des résultats concrets?
• 1920
En fait, ce que le
gouvernement libéral voulait, c'était adopter une loi
à toute vapeur de façon à déterminer le
résultat de cette négociation avant même qu'elle
ait pu se conclure.
Je pense sincèrement que c'est malhonnête. C'est, d'une certaine façon, un détournement de démocratie dans la mesure où il y avait une entente, un consentement entre deux gouvernements démocratiquement élus pour entreprendre une négociation de bonne foi. Est-ce là la bonne foi du gouvernement fédéral, monsieur le président, que de forcer la main du gouvernement du Québec, que de placer le gouvernement du Québec devant un fait accompli en adoptant ce projet de loi C-36 qui contient des dispositions précises sur l'établissement des relations entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral et entre tous les gouvernements provinciaux quant à ce projet infâme de bourses du millénaire?
Je ne parle même pas, monsieur le président, du projet de loi lui-même. À mon avis, ce projet de loi comporte de multiples aberrations, de multiples problèmes et de multiples éléments qui nous apparaissent tout à fait problématiques. Nous espérons pouvoir y apporter des correctifs intéressants en étudiant article par article ce projet de loi et en y apportant tous les amendements que nous avons proposés.
J'exhorte avant tout les membres de ce comité, avant de passer à l'étude article par article, de ne pas mettre la charrue devant les boeufs, de ne pas procéder précipitamment à cette étude du projet de loi article par article parce qu'au moment où nous nous parlons, il y a un autre processus qui a cours, qui est celui de la négociation. Et comme le disaient le ministre du Travail et le ministre responsable de la Société canadienne des postes durant le dernier conflit de travail à la Société canadienne des postes, laissons une chance à la négociation.
Le projet de loi qui est à l'étude actuellement vise à faire tout sauf à laisser une chance aux négociations. Donc, monsieur le président, j'en appelle à vous pour que nous adoptions rapidement cette motion et que nous l'adoptions de façon unanime, de telle sorte que nous ne procédions pas à cette étude du projet de loi article par article.
Mais si, contre toute logique et contre toute attente, les députés libéraux, contrairement à l'esprit qui guidait ces éminents penseurs libéraux en 1957 et en 1964, la majorité de ce comité devait décider de rejeter la très pertinente motion de mon collègue, Paul Crête, nous devrions conclure, par respect pour ces groupes qui sont venus comparaître et qui, de bonne foi, sont venus nous dire leur point de vue, croyant que vous seriez assez professionnels, assez honnêtes pour en tenir compte, que vous avez décidé de ne rien faire.
Puisqu'il n'y a malheureusement aucune proposition d'amendement venant du parti ministériel, aucune proposition d'amendement venant des libéraux, nous devons malheureusement conclure que vous n'avez pas écouté ou que, si vous avez écouté, vous avez décidé de demeurer muets. Vous avez décidé de ne rien faire pour prendre en considération ces revendications, ces représentations, ces préoccupations tout à fait légitimes qui vous ont été exprimées très majoritairement et qui auraient dû vous amener à apporter des modifications substantielles au projet de loi C-36. Mais vous avez décidé de ne pas le faire.
Je voudrais dire encore une fois que, si la majorité soumise de ce comité devait décider de rejeter la motion de mon collègue, Paul Crête, j'inviterais ce comité à faire preuve de toute l'honnêteté intellectuelle qui devrait lui être propre, en dépit de l'analyse et de l'interprétation que fait le président de la motion qui a été adoptée le 2 avril et qui, à mon sens, ne va pas du tout dans le sens de son interprétation.
• 1925
En dépit de cette interprétation, j'invite les membres
de ce comité à étudier le projet de loi article par
article pendant le temps qu'il faudra par respect pour
les gens qui ont comparu devant ce comité et par respect
pour la négociation qui a cours actuellement entre le
gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Je
vous invite donc à étudier ce projet de loi article par
article pendant le temps qu'il faudra et en y
apportant toute l'attention qu'il faudra.
Dieu sait que les députés libéraux n'accordent absolument aucune attention aux travaux qui se déroulent actuellement. Ils ne sont là que pour assurer le quorum. Ils ne sont là que pour voter contre les motions de l'opposition. Ils ne sont là que pour voter contre les amendements qui seront apportés par l'opposition, amendements qui sont inspirés directement des témoignages que nous avons entendus à ce comité, des témoignages qui auraient normalement dû guider vos actions et qui ne guident pas vos actions.
[Traduction]
Mme Shaughnessy Cohen: Ne parlez pas si fort.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Sur ces mots, je vous invite encore une fois à adopter cette motion. Dans le cas où elle serait rejetée, ce qui irait contre toute logique, je vous invite, monsieur le président, à étudier le projet de loi C-36 article par article.
[Traduction]
Une voix: Qu'on passe au vote!
Mme Shaughnessy Cohen: J'appuie la motion.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Non, non, madame.
[Traduction]
Mme Shaughnessy Cohen: Mais je veux prendre la parole.
Une voix: Oui, nous voulons intervenir.
Le président: Avant que nous passions à...
[Français]
M. Stéphane Bergeron: On est ici pour travailler. Si cela ne vous intéresse pas, allez dehors!
[Traduction]
Le président: Gardez votre calme. Notre société est civilisée, et nous devons nous comporter en êtres civilisés. Je ne vois pas pourquoi les esprits devraient s'échauffer.
Je voudrais porter à l'attention de M. Crête—malheureusement, M. Loubier n'est pas là, car je l'aurais également porté à son attention—le calendrier des travaux du Comité permanent des finances pour mai 1998. M. Crête s'en souvient sans doute.
Vous ne vous en souvenez pas?
[Français]
M. Paul Crête: Non.
[Traduction]
Le président: Vous ne vous en souvenez pas.
[Français]
M. Paul Crête: C'est M. Loubier qui était ici, pas moi.
[Traduction]
Le président: Le document indique très clairement que le jeudi 7 mai nous devons procéder à l'étude article par article. C'est ce qui est indiqué ici. On lit ensuite que le projet de loi C-36 doit être renvoyé à la Chambre le vendredi 8 mai, et le délai est le même en ce qui concerne les propositions de témoins sur les projets de loi S-3 et S-9.
Nous nous sommes mis d'accord sur ce calendrier. C'est pourquoi je m'insurge contre les commentaires que vous avez faits tout à l'heure et qui se situent non pas au niveau partisan, mais au niveau personnel. Je trouve désolant que des représentants investis de la confiance de nombreux Canadiens qui ont voté pour eux ne puissent pas reconnaître que certaines décisions concernant le projet de loi C-36 ont été prises dans un esprit positif, alors que nous nous écartons actuellement de ces décisions.
Je vous le dis à titre personnel. En tant que président du comité, je considère que ce genre de comportement à notre niveau est très décourageant. C'est incompréhensible.
Je vous le dis du fond du coeur. Je ne m'adresse pas aux membres du comité à temps partiel, mais à ceux qui sont toujours ici, jour après jour, et qui travaillent avec ardeur dans l'intérêt des Canadiens que nous représentons.
Je vous le signale, car lorsqu'on conteste quelqu'un, il est bon de faire son introspection et de reconnaître ses torts. À mon avis, vous avez bien montré que vos propos concernant l'étude article par article et le rapport sont...
Je sais que vous en revenez toujours au même argument, mais si M. Loubier était ici, il devrait bien convenir de l'authenticité de ce document. J'espère qu'il va revenir et que je pourrai le lui mettre sous le nez, pour qu'il puisse le lire.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, étant donné que vous avez mentionné ce point, je fais appel au Règlement.
[Traduction]
Le président: Je tiens à vous dire qu'en tant que président je suis très déçu.
[Français]
M. Paul Crête: Je fais appel au Règlement, monsieur le président.
Je voudrais dire que la position que vous venez de prendre est une interprétation personnelle. J'ai devant moi le texte intégral du procès-verbal, et je relis ce qui est marqué sur le procès-verbal. Je fais confiance aux gens qui rédigent les procès-verbaux. Un procès-verbal rend compte d'une réunion et celui-ci dit ceci: «Que le projet de loi C-36 fasse l'objet d'un rapport à la Chambre des communes le vendredi 8 mai 1998.»
Nous sommes tous d'accord sur les mots «fasse l'objet d'un rapport à la Chambre». Qu'y aura-t-il dans ce rapport? Tout dépend de la qualité des débats qu'on a et de notre capacité à bonifier ce projet de loi. Nous pensons, au Bloc québécois, que la meilleure façon de faire rapport à la Chambre est de dire à la Chambre qu'étant donné qu'il y a des négociations entre le Québec et Ottawa, il faut suspendre l'étude du projet de loi article par article jusqu'à ce que la négociation soit terminée.
Vous avez le droit d'avoir vos idées, mais j'ai aussi le droit de faire valoir mes opinions. J'ai le droit de défendre mes intérêts et ceux de mes commettants, et je ne vous permettrai pas de remettre en question la façon dont je représente mes commettants et la façon dont je respecte leurs opinions.
[Traduction]
Le président: À l'ordre!
[Français]
M. Paul Crête: Non. Vous avez votre opinion et moi j'ai la mienne. On est quitte.
[Traduction]
Le président: Je vous ai donné mon point de vue. Chacun connaît les faits et devra s'en accommoder en son âme et conscience.
Madame Redman, puis madame Cohen.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Le président: Nous entendrons ensuite M. Szabo et M. Coderre.
Mme Karen Redman: En ce qui concerne la motion dont nous sommes saisis ainsi que certains commentaires de l'intervenant précédent, je m'inscris en faux contre l'emploi du mot camouflage, car j'estime que le gouvernement fédéral a fait preuve d'une transparence parfaite lorsqu'il a consacré 2,5 milliards de dollars à l'aide aux étudiants de toutes les régions du Canada et de toutes les provinces, pour améliorer l'accès aux études postsecondaires. La mesure a été prise après consultation, et les étudiants nous ont dit qu'ils en avaient besoin.
Je voudrais également répondre à un commentaire fait par l'intervenant précédent, qui, à n'en pas douter, est en train de boire mes paroles.
Je demande votre attention.
J'attends qu'il ait placé ses écouteurs, car je sais qu'il ne veut rien manquer de mes remarquables propos.
[Français]
Une voix: Si j'avais attendu que tout le monde m'écoute, j'aurais pu attendre longtemps.
[Traduction]
Mme Karen Redman: On nous a dit notamment que les provinces avaient du mal à joindre les deux bouts, et je rappelle que le gouvernement fédéral a fait le ménage dans ses finances, et que toutes les provinces, sauf trois, ont équilibré leurs budgets. Cette mesure a donc été prise aux dépends de personne. Tout le monde veut emboîter le pas des milieux d'affaires et des pouvoirs publics.
L'endettement des étudiants pose un véritable problème, et c'est ce que nous ont dit aussi bien les témoins du Québec que ceux de l'extérieur du Québec. Je fais partie d'un caucus universitaire, et j'y ai entendu le point de vue de professeurs qui enseignent au Québec. Ils disent que le Fonds des bourses du millénaire est le bienvenu. Je tiens donc à dire que malgré les 14 groupes qui se sont présentés ici, l'opinion n'est pas unanime, même dans la province de Québec.
Cette mesure facilite l'accès aux études postsecondaires, et je peux vous dire que parmi les 14 groupes que nous avons consultés, je n'ai pas constaté de consensus. L'un des groupes—je ne me rappelle plus lequel—a parlé de la nécessité d'harmoniser le Fonds des bourses du millénaire avec les mesures déjà en place au Québec. Comme l'a indiqué M. Valeri, rien ne fait obstacle à une telle harmonisation dans le projet de loi C-36.
D'autres intervenants ont dit que le fonds devrait servir à refinancer les services supprimés à cause des diminutions des versements de transfert imposées par ce gouvernement. On a dit également qu'il s'agissait là d'un domaine de responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. La preuve en est que ces bourses sont financées par les deux niveaux de gouvernement; il ne s'agit donc pas d'une intrusion du gouvernement fédéral dans un domaine de compétence provinciale.
Le projet de loi C-36 apporte bien d'autres bonnes nouvelles aux étudiants, notamment les régimes enregistrés d'épargne-études, le traitement des REER et l'octroi de bourses du millénaire à des étudiants à temps partiel. Ce projet de loi apporte de bonnes nouvelles à tous ceux qui veulent reprendre leurs études.
J'ai tenu à revenir sur certains commentaires et certaines affirmations de l'intervenant précédent. Merci.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Je suis bien déçu que nous ne procédions pas à l'étude article par article, car, en réalité, on a déposé un certain nombre d'amendements sur lesquels je voulais intervenir.
La journée a été intéressante: nous avons commencé à 9 heures par une motion qui mettait pratiquement le projet de loi à la poubelle. Ce n'était pas bien constructif, mais je comprends pourquoi le Bloc a fait cette proposition. J'ai trouvé que le président avait été très patient en donnant l'occasion à un grand nombre de députés du Bloc québécois d'intervenir sur cette motion. J'ai eu plus qu'amplement l'occasion de comprendre le raisonnement du Bloc.
Mais pendant qu'on étudiait cette question et par la suite, j'ai été déçu de voir que les décisions du président ont été contestées à plusieurs reprises et qu'elles ont dû faire l'objet d'une motion après que le débat eut cédé la place au désordre. Je pense, monsieur le président, que les orateurs du Bloc sont encore en train de parler de la motion portant sur l'étude du projet de loi et sur son renvoi à la Chambre, prévu pour demain.
Si d'autres intervenants veulent contester la décision de la présidence quant au renvoi de ce projet de loi, ils devraient présenter une motion portant que la décision de la présidence est contestée, ou ils devraient être réputés avoir présenté une telle motion.
On nous soumet maintenant une autre motion qui nous demande essentiellement de cesser nos activités jusqu'à nouvel ordre. Ma première réaction a été de trouver la motion irrecevable, puisque l'ensemble du comité a convenu, à l'unanimité me semble-t-il, d'un plan de travail et d'un échéancier concernant le projet de loi C-36 qui prévoyaient le renvoi du projet de loi à la Chambre dès demain.
La motion subséquente qui vise à retarder l'étude article par article jusqu'à nouvel ordre est contraire à une décision déjà prise par le comité. La demande de reconsidération d'une décision déjà prise par le comité aurait dû être présentée en tant que telle, c'est-à-dire une demande de reconsidération, et non sous la forme d'une autre motion ayant pour effet d'annuler une décision prise antérieurement.
J'accepte votre décision concernant la motion du Bloc, qui voulait remettre à plus tard l'étude article par article, mais il y a là un argument intéressant que je veux soumettre aux spécialistes de la procédure pour référence future.
Je sais par ailleurs que si une question a déjà été tranchée, elle ne peut être abordée de nouveau qu'avec le consentement unanime du comité. Ce sont là des points de procédure que nous essayons péniblement de résoudre, mais qui soulèvent des questions intéressantes.
Dans la situation actuelle, qu'on le veuille ou non, nous savons que la procédure suivra son cours et que nous allons renvoyer ce projet de loi à la Chambre, comme le comité en avait convenu. À mon avis, il est regrettable qu'on doive le renvoyer sans avoir discuté des amendements proposés, mais nous aurions encore le temps d'en discuter si l'on pouvait se débarrasser de la motion dont le comité est saisi actuellement. Il semble cependant qu'on en ait décidé autrement. L'emploi du temps de la soirée va donc être consacré à une discussion générale, qui va se poursuivre jusqu'à l'heure à laquelle le comité devra mettre un terme à ses activités pour la journée.
• 1940
Au cours des audiences, monsieur le président, le Fonds des
bourses du millénaire a suscité bien des arguments. Il est vrai que
le Bloc a réussi à faire comparaître devant le comité un certain
nombre d'établissements d'enseignement du Québec qui ont formulé
unanimement un certain nombre d'arguments.
Ils ont dit notamment que, tout bien considéré, l'enseignement relevait de la compétence des provinces, et qu'en l'occurrence le Québec estimait que ces bourses relevaient de sa responsabilité; le gouvernement fédéral, à leur avis, n'a donc pas à s'engager dans ce domaine.
Deuxièmement, ils ont dit que le Québec avait déjà mis en place un système permettant de répondre aux besoins de ses étudiants. Il est intéressant de remarquer qu'au Québec les frais de scolarité sont sensiblement inférieurs à ce qu'ils sont dans les autres provinces. D'après mes calculs—puisque je n'ai pas réussi à obtenir une réponse précise—j'ai indiqué que le taux de décrochage au niveau secondaire au Québec avoisine les 50 p. 100, alors que la moyenne au Canada se situe aux environs de 30 p. 100.
Cela signifie que la proportion des jeunes qui pourraient faire des études postsecondaires par rapport à l'ensemble de la population est beaucoup plus modeste au Québec. Si l'on pense aux mesures prises par la province de Québec pour remédier à la baisse du taux de natalité, par exemple, on sait que certaines mesures incitatives très généreuses ont été mises en oeuvre pour venir en aide aux familles nombreuses et pour inciter les Québécois à avoir davantage d'enfants. Il me semble que cet incitatif financier a été introduit en réaction à une réalité sociale, et j'estime que le même principe s'applique aussi vraisemblablement dans le domaine des études.
En réalité, par rapport à l'ensemble de la population, il y a moins d'étudiants au Québec pour alimenter les collèges et les universités. Par conséquent, il faut des incitatifs spéciaux pour convaincre le plus grand nombre de jeunes possible à rejoindre les effectifs des établissements québécois d'enseignement postsecondaire. C'est pourquoi le Québec a accordé ces incitatifs financiers indirects, non pas sous forme de bourses, mais sous forme de subventions plus élevées à l'enseignement postsecondaire.
De ce fait, on comprend que pour le Québec ce Fonds des bourses du millénaire s'applique dans un domaine où le gouvernement du Québec a déjà accordé une aide importante aux jeunes qui veulent faire des études postsecondaires.
Cependant, monsieur le président, même si l'endettement moyen des étudiants diplômés au Québec est sensiblement inférieur à ce qu'il est dans d'autres parties du Canada, il y a quand même au Québec des étudiants qui ne font pas d'études postsecondaires parce qu'ils ne sont pas prêts à s'endetter, ou simplement à cause de la situation économique de leur famille.
J'en déduis que même si certains étudiants de niveau postsecondaire sont prêts à s'endetter, le Fonds des bourses du millénaire leur est nécessaire. Il me semble, monsieur le président, que comme il s'agit d'une bourse, et non pas d'un prêt, le Fonds des bourses du millénaire peut être utilisé pour venir en aide à des jeunes qui, sinon, ne feraient pas d'études. Au-delà d'un certain plafond financier, certains étudiants décident de ne pas poursuivre leurs études. Parfois, la situation économique de leur famille est telle que malgré les prêts auxquels ils ont droit, ils ne peuvent se permettre de poursuivre leurs études.
• 1945
Je considère donc que la question de l'accessibilité des
études se pose aussi au Québec. Les étudiants du Québec devraient
avoir droit à 20 ou 25 p. 100 des ressources du Fonds des bourses
du millénaire. Ainsi, un grand nombre de jeunes qui, sinon, ne
pourraient pas faire d'études postsecondaires—et je suis persuadé
que nous sommes tous prêts à reconnaître qu'un bon niveau d'études
est indispensable pour participer pleinement au succès dont le
Canada bénéficie actuellement—ces jeunes, dis-je, vont pouvoir
faire des études.
Cela étant dit, monsieur le président, il semble que même si le Québec a réussi mieux que les autres provinces à limiter l'augmentation de ses frais de scolarité, il a quand même besoin du Fonds des bourses du millénaire pour les étudiants qui, sinon, ne pourraient pas faire d'études postsecondaires. À mon avis, ce besoin justifie à lui seul l'existence et l'application du fonds au Québec.
Comme l'a dit le secrétaire parlementaire, je suis heureux de voir que la structure du fonds est suffisamment souple pour permettre une coopération entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux dans l'application de cette initiative destinée aux étudiants. Il ne s'agit pas d'un instrument politique ou de quelque autre sujet soumis à la négociation fédérale-provinciale. Il s'agit bel et bien d'un programme légitime destiné à ceux qui en ont besoin au Canada, en l'occurrence les étudiants, pour qui l'accès aux études postsecondaires pose un véritable problème.
Le troisième sujet abordé par les témoins qui ont présenté le point de vue du Québec concernait les chevauchements. Effectivement, il y a déjà un système d'aide au Québec. Mais cette aide ne prend pas toujours la forme de bourses. Ce sont avant tout des prêts, et les fonds disponibles pour les bourses sont en diminution constante.
Nous savons également, monsieur le président, que certaines provinces ne sont pas dotées du même système qui leur permettrait de répondre aux besoins de leurs étudiants. C'est pourquoi le Fonds des bourses du millénaire a reçu l'appui de toutes les autres provinces du pays, d'après les témoignages très enthousiastes des autres témoins. Je reconnais qu'ils ont posé certaines questions et exprimé certaines craintes, que le comité a prises en considération, mais je pense que ces questions ont été résolues à la satisfaction de ceux qui les avaient posées.
Il reste que le Canada va se doter d'un fonds des bourses du millénaire. Ce fonds sera à la disposition des étudiants canadiens, indépendamment de l'endroit où ils veulent faire des études; leur mobilité sera respectée. Le fonds vise avant tout à répondre aux besoins des étudiants, notamment en matière d'accès aux études postsecondaires.
Je ne crois pas cependant que le problème du double emploi soit aussi grave que ce qu'ont laissé entendre certains représentants du milieu de l'enseignement au Québec dans leurs témoignages. Ils se sont dit préoccupés par la possibilité qu'il y ait double emploi administratif ou d'autres formes de double emploi. Je ne crois pas que nous soyons trop entrés dans les détails.
Ensuite il y avait la question—je me rappelle l'avoir soulignée à quelques reprises avec les témoins—pour ce qui est de la mesure dans laquelle quelqu'un dans le système... Il a été question de discussions et de coopération, c'est-à-dire que la province ou l'établissement d'enseignement préparerait ou soumettrait une liste de noms ou de noms suggérés pour les bourses d'études du millénaire afin de s'assurer que ceux qui sont dans le besoin seront bien identifiés, et on a déterminé que le mérite était essentiel. C'est cependant un processus que l'on suit de toute façon, et cela signifie que ce processus d'évaluation du besoin, du mérite, qui, quoi, où et pourquoi, est suivi et utilisé dans les deux systèmes, tant dans le système québécois que par la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire.
• 1950
Je ne crois pas qu'il y ait double emploi. De toute façon, cet
effort devrait être fait et coordonné, dans le cas des étudiants
québécois, par l'infrastructure existante du programme québécois.
La Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, en tant qu'entité à but non lucratif et indépendante, devrait quand même mettre sur pied son propre système, car il y a d'autres provinces qui n'ont pas l'infrastructure qui existe au Québec. Cela signifie qu'il y aura un élément administratif en plus d'un conseil d'administration qui sera responsable. Il y aura vérification. Les dollars seront présentés à condition que 100 000 bourses d'études soient accordées chaque année à des étudiants qui répondent aux critères.
On a peut-être exagéré un peu plus que nécessaire tout cet argument du double emploi. Par ailleurs, il semble se situer à un niveau de détail qui s'éloigne un peu trop de l'essentiel de ce dont nous parlons. Je me rappelle que l'on a parlé à l'un des témoins de l'importance des montants dont il était question. Lorsqu'on considère qu'environ 300 millions de dollars par an seraient versés chaque année en bourses d'études, le Québec en recevrait, disons, 20 p. 100, de sorte que l'on parle d'environ 60 millions de dollars ici.
À l'heure actuelle, le gouvernement du Québec administre des programmes qui versent plus de 800 millions de dollars en prêts et bourses dans le système d'enseignement du Québec. Donc, monsieur le président, il me semble que les montants par habitant ou au prorata dont nous parlons ne sont pas suffisants pour ébranler le système actuel. Je n'ai pas assisté à toutes les séances—je pense que j'ai manqué un groupe de témoins—mais je doute que quelqu'un ait entendu un étudiant ou un groupe d'étudiants du Québec dire qu'ils ne voulaient pas de cet argent. Ils veulent toujours cet argent.
Je pense que ce qui est le plus important pour nous, c'est de nous assurer que ce sont bien les étudiants que nous voulons aider qui obtiennent ces bourses. Je sais, monsieur le président, qu'au cours des dernières séances, alors que nous tentions de réfléchir à tout cela, il m'est venu à l'esprit que dans la mesure où les bourses du millénaire devraient être accordées à un étudiant particulier, la coordination entre le gouvernement fédéral et les provinces—la Fondation canadienne des bourses du millénaire, je dois dire, non pas le gouvernement fédéral, car cette fondation est indépendante—serait telle que la province serait en mesure de déterminer si un étudiant serait admissible à une aide supplémentaire, soit sous forme de prêt ou de bourse, et que par conséquent le système québécois serait en fait sauvé ou n'aurait pas à verser une bourse à cet étudiant dans la mesure où l'étudiant en question recevrait la bourse du millénaire.
Si c'est le cas, au bout du compte cela signifie qu'un plus grand nombre d'étudiants du Québec profiteront en fait du niveau actuel des ressources disponibles aux termes des programmes de prêts et bourses, car certains étudiants qui les obtiennent à l'heure actuelle ou d'autres qui en feraient la demande à l'avenir recevraient leur bourse de la Fondation canadienne des bourses du millénaire.
Il me semble qu'il y a un effet de levier et que cela ajoute réellement aux ressources disponibles, peu importe de quelle façon on regarde les choses. D'une façon ou d'une autre, les étudiants du Québec peuvent obtenir plus d'argent, directement ou indirectement, ce qui devrait aider à régler le problème de l'accessibilité. À long terme, si le Québec estimait nécessaire d'injecter davantage de fonds dans le système d'enseignement pour stabiliser, ou même réduire, les frais de scolarité, il pourrait alors utiliser les montants épargnés dans le cadre des programmes provinciaux de prêts et bourses pour financer ce genre de choses. Ils auraient certainement une certaine marge de manoeuvre avec 800 millions de dollars.
Monsieur le président, je vous ai fait part de quelques-unes de mes idées. Je sais que c'est une question que le Bloc a à coeur. Je pense que les députés du Bloc ont fait un excellent travail pour porter ces questions à l'attention du comité, et ils ont également invité suffisamment de témoins pour corroborer leurs points de vue et leur donner le genre d'information dont ils ont besoin pour appuyer leurs arguments.
• 1955
Je pense que ces arguments ont été très bien présentés. Je ne
suis pas d'accord avec eux, mais je respecte leurs points de vue.
J'ai écouté. Je pense que je les comprends. J'espère que je les ai
compris.
Je dirais qu'à la lumière de tous les témoignages que j'ai entendus et d'après l'information que j'ai reçue des témoins— particulièrement ceux qui ont fait valoir des arguments avec lesquels je n'étais pas d'accord—je ne suis pas convaincu que la Fondation canadienne des bourses du millénaire soit un affront ou mine quoi que ce soit. Bien au contraire, elle aidera considérablement les étudiants, particulièrement au niveau postsecondaire, ainsi que les collèges et d'autres établissements d'enseignement qui sont admissibles aux termes de ce programme.
Cela étant dit, monsieur le président, je m'arrête ici. Je voulais tout simplement résumer ce que je pensais après tout ce processus. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que je répète les choses que j'ai déjà dites. J'espère qu'ainsi les membres du comité ont pu comprendre pourquoi je suis de cet avis.
Merci, monsieur le président.
Le président: Madame Cohen.
Mme Shaughnessy Cohen: Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir d'être ici en cette si belle soirée, d'être à l'intérieur dans le confort de la climatisation. Je suis certaine que les 23 fonctionnaires du ministère des Finances et ceux de DRHC et du Conseil du Trésor qui sont ici ou dans les environs sont très heureux d'être ici. Nous savons tous jusqu'à quel point ils sont bien rémunérés, et je suis certaine qu'ils recevront tous une prime de temps supplémentaire.
Je suis certaine que les greffiers sont très heureux d'être ici—ils viennent tout récemment de régler leur contrat, et je suis certaine qu'une allocation généreuse a été prévue pour les heures supplémentaires—tout comme les attachés de recherche, que ceux qui veulent faire de l'obstruction ce soir gardent ici de façon très cavalière.
Vous serez peut-être intéressés de savoir que les attachés de recherche n'ont pas encore réglé leur contrat et qu'en fait ils reçoivent un salaire de misère comparativement d'autres personnes ici dans cette pièce qui sont extrêmement bien rémunérées. Cela ne nous empêche pas cependant de les garder ici, après les heures normales de travail, loin de leurs familles et de leurs intérêts.
Les députés d'en face peuvent bien gémir, râler et grimacer, mais c'est de notre personnel et de nos bons fonctionnaires qu'ils abusent ainsi.
Personnellement, j'ai du plaisir. Je m'amuse beaucoup. Je sais que c'est le cas de Mme Torsney également. Nous nous sommes habillées en jeans pour être plus à l'aise. J'ai un roman merveilleux intitulé Midnight in the Garden of Good and Evil. J'espère que nous serons ici jusqu'à minuit, car nous sommes certainement dans le jardin du bien et du mal ici ce soir.
J'aimerais vous parler un peu de la ville de Windsor, le centre de mon univers et un endroit que bon nombre de personnes ici dans cette pièce aimeraient bien être en train de visiter ce soir. Windsor est une bonne ville, une ville de taille moyenne de 200 000 habitants, qui se trouve tout près de la toute petite ville bien ordinaire de Sarnia, en Ontario, qui est représentée par le député qui est au téléphone là-bas.
Mme Paddy Torsney: Vous voudrez peut-être apporter une petite correction aux fins du compte rendu. Dites-vous que c'est le député ou la ville qui est ordinaire?
Mme Shaughnessy Cohen: La ville, pas le député. Je suis désolée s'il y a eu confusion.
Des voix: Oh, oh!
Mme Shaughnessy Cohen: Sarnia est une ville où il y a plein de personnes chauves et corpulentes. Mais c'est une belle ville. Ces personnes corpulentes sont accueillantes, sont très aimables. Windsor, d'un autre côté, est une ville charmante, comme je l'ai dit, qui se trouve en face de la ville de Detroit. Et puisque je parle de Detroit, j'aimerais maintenant parler du contrôle des armes à feu et du lien entre le contrôle des armes à feu et la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire.
Des voix: Oh, Oh!
Mme Shaughnessy Cohen: Après tout, c'est à cause du contrôle des armes à feu que nous pouvons faire de l'obstruction d'une façon calme et civilisée et que nous savons que nos fonctionnaires ne feront rien qui puisse nous faire du mal pendant que nous sommes ici.
À Windsor, il y a deux établissements d'enseignement postsecondaire. Il y a l'Université de Windsor, dont le président, Ross Paul, m'a écrit récemment pour me remercier des efforts qu'a faits notre gouvernement pour mettre en place cette merveilleuse Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Il y a également le St. Clair College of Applied Arts and Technology, où j'ai enseigné pendant plusieurs années...
Mme Paddy Torsney: Avez-vous jamais reçu un diplôme?
Mme Shaughnessy Cohen: Je vais vous parler de mes études dans une minute. Jack McGee est le président du St. Clair College, et il m'a écrit pour me remercier de notre travail par rapport à la fondation.
Puisque l'on parle de l'Université de Windsor, j'ai obtenu trois diplômes là-bas...
Mme Paddy Torsney: Et vous avez été expulsée combien de fois?
Mme Shaughnessy Cohen: Je n'ai jamais été expulsée, mais j'ai obtenu trois diplômes de l'Université de Windsor, dont un donnant droit à ce qu'on appelle le DH. Il s'agit de la taverne Dominion House. Nous avons fait beaucoup de recherches là-bas.
Mais, vous savez, c'est grâce à l'Université de Windsor et de la taverne Dominion House si je suis ici. Si je n'avais pas fait de telles études je ne pourrais pas être ici. Je les ai faites sans bourse d'études, car à cette époque les frais de scolarité n'étaient pas très élevés, et les parents avaient les moyens de payer des études à leurs enfants, même si nous étions huit dans ma famille. Ce n'est cependant plus le cas aujourd'hui. Cela signifie donc que grâce à cette Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, bon nombre de gens de ma circonscription, qui n'est pas une circonscription riche...
Mme Paddy Torsney: Combien y a-t-il de gens dans votre circonscription?
Mme Shaughnessy Cohen: Il y en a 104 000. Puis-je terminer? Bon nombre de gens de ma circonscription pourront aller dans des collèges communautaires et des universités pour obtenir leurs diplômes et ainsi avoir la chance de prospérer dans la vie. L'éducation et la prospérité vont main dans la main.
Le président: À l'ordre! Je veux entendre ce que dit Mme Cohen.
Mme Shaughnessy Cohen: Il y a un petit problème. Quelqu'un autour de la table est en train de parler au téléphone. Je pense que nous pouvons sans doute régler ce problème.
Le président: Madame Guay, nous n'utilisons pas de téléphone cellulaire ici, d'accord?
Mme Shaughnessy Cohen: Monsieur le président, vous savez ce qui est bien à Windsor? Les gens là-bas sont polis. Non seulement ils sont polis, mais à Windsor nous avons plusieurs porte-parole pour les finances, et aucun ne m'a jamais montré le poing, aucun ne m'a jamais traitée de clown, du moins pas en public. Mais, vous savez, cela ne me dérange pas trop, parce que je suis une femme qui préconise la paix. C'est ainsi que je me vois: une femme qui préconise le contrôle des armes à feu et la paix, une femme éduquée qui préconise le contrôle des armes à feu et la paix.
L'éducation, c'est un peu comme l'oeuf et la poule. C'est comme ce film qui a été écrit par un Canadien bien connu, M. Kinsella, film intitulé Field of Dreams, qui parle de base-ball. C'est un excellent film, qui nous rappelle que nos rêves peuvent se réaliser. Ce que l'on a constaté dans des endroits comme Windsor, c'est que si on éduque les gens, ils peuvent trouver des emplois.
Des voix: Oh, oh!
Mme Shaughnessy Cohen: Excusez-moi, je vais boire un peu d'eau; j'ai la gorge sèche.
Si on éduque les gens, ils trouveront des emplois. Les gens éduqués, les gens qui ont des diplômes, trouvent effectivement des emplois. Des sociétés comme Chrysler, General Motors, Ford, Mercedes et Hiram Walker aiment avoir une main-d'oeuvre éduquée. Elles vont donc s'installer dans des endroits où il y a des gens formés qui peuvent travailler. Donc, à Windsor, dans nos établissements d'enseignement postsecondaire, nous avons établi, avec l'aide du gouvernement fédéral, des programmes de formation spécialisée pour ceux qui travaillent dans le secteur de l'automobile.
Cela m'amène à parler d'un autre sujet que j'aime beaucoup, et il s'agit de l'Irlande. L'Irlande a une population très éduquée et très alphabétisée. En Irlande, pays qui a éliminé son déficit et qui a l'une des croissances économiques les plus rapides de l'Union européenne, des sociétés comme IBM sont venues y installer leurs laboratoires de R-D. Pourquoi? Parce que les gens sont alphabétisés, éduqués, et naturellement, puisqu'ils sont Irlandais, ils ont beaucoup de talents et sont capables de... oublions ce dont ils sont capables, mais ce sont d'excellentes personnes.
Si nous examinions tous ce programme de bourses d'études du millénaire pour voir comment il pourrait être utilisé pour éduquer nos gens, peu importe où ils se trouvent dans notre pays, nous constaterions que cela pourrait donner un élan à notre développement économique externe et interne. Des sociétés viendraient s'installer ici pour employer nos gens éduqués dans les diverses régions du pays, mais ces gens éduqués pourraient également développer des entreprises économiques pouvant mener à la prospérité.
L'éducation donne également une certaine satisfaction dans la vie, car cela vous ouvre des portes et vous permet d'avoir des activités de loisirs et d'autres activités qui améliorent votre qualité de vie. Cela me ramène donc à Windsor. Je ne vais pas encore parler de mes chiens, mais je le ferai si je le dois. Cela me ramène à Windsor encore une fois, où notre qualité de vie est meilleure, je dirais, que celle que l'on retrouve dans toute autre ville de taille comparable en Amérique du Nord. Vous pensez peut- être que c'est une hyperbole, mais, encore une fois, que peut-on faire d'autre ici ce soir?
• 2005
Comme je l'ai déjà dit, je vis juste en face de Detroit.
Detroit se trouve aux États-Unis, mais au début c'était une colonie
de peuplement française. Vous ne le saviez probablement pas,
monsieur le président. À l'origine, c'était une colonie canadienne-
française, et après la guerre de 1812 les Américains ont essayé de
nous la rendre, mais nous la leur avons redonnée.
Cela étant dit, à Detroit ils ont un problème de qualité de vie. L'une des raisons pour lesquelles ils ont un problème, c'est que la population de cette ville est très peu éduquée. L'éducation n'est pas quelque chose d'accessible aux États-Unis. Là-bas il n'y a pas de bourses d'études du millénaire. Ils n'ont pas un premier ministre ou un chef qui a la vision de Jean Chrétien. Ils n'ont pas un ministre des Ressources humaines qui a la vision de Pierre Pettigrew, et ils n'ont certainement pas un ministre des Finances comme Paul Martin. En fait, ils n'ont même pas un système parlementaire. Le saviez-vous? Ils ont un régime présidentiel. Cela est très différent. C'est différent de toutes sortes de façons.
Cela m'amène à un autre sujet dont je voulais vous parler ce soir. Comme mon mari a un doctorat en science du comportement, nous avons comme passe-temps l'élevage d'épagneuls d'eau irlandais. Je veux prendre quelques minutes pour vous en parler et vous expliquer quel est le lien avec les bourses d'études du millénaire.
N'oubliez pas quel est le thème qui revient sans cesse ici: Windsor. Windsor: bon, Sarnia: mauvais; vous savez cela. L'Irlande, l'éducation et l'alphabétisation.
Mme Paddy Torsney: Vos chiens sont de quelle race?
Mme Shaughnessy Cohen: Ce sont des épagneuls d'eau irlandais. Windsor est au bord de l'eau.
Je puis vous dire que ces chiens sont extrêmement intelligents, et d'ailleurs, comme le dit le professeur Coren dans son ouvrage, The Intelligence of Dogs, ils sont même plus intelligents que beaucoup d'autres races, à peu près à égalité avec le labrador.
Cela dit, le labrador, et en particulier le labrador doré, comme on l'appelle parfois à tort, est extrêmement intelligent. D'ailleurs, le président en a un qu'il a appelé Rex. Je ne l'ai jamais rencontré. J'ai aussi un ami du nom de David Smith dont le chien s'appelle également Rex. C'est un épagneul breton.
Mon mari et moi avons également un épagneul breton, un chien très intelligent, mais pas très bien dressé.
Mme Paddy Torsney: Comment s'appelle-t-il?
Mme Shaughnessy Cohen: Brandy.
Mme Paddy Torsney: Est-il irlandais?
Mme Shaughnessy Cohen: Nos deux chiens, nos deux épagneuls d'eau, sont extrêmement bien dressés, et j'ai constaté que le dressage leur donne une bien meilleure qualité de vie. Ils sont moins violents que d'autres chiens, et il est beaucoup plus facile de vivre en leur compagnie.
Mme Paddy Torsney: Est-ce celui-là qui a mordu quelqu'un?
Mme Shaughnessy Cohen: En effet, mais la dame qu'il a mordue était Américaine. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'il faille s'y attarder.
Une voix: Les journaux en ont-ils parlé?
Mme Shaughnessy Cohen: Oui, cela a fait la première page du Windsor Star, et j'ai pu le constater moi-même, parce que, ne vous déplaise, je sais lire. Si je sais lire, c'est parce que j'ai trois diplômes de l'Université de Windsor, un baccalauréat ès arts, une maîtrise en sociologie et un baccalauréat en droit. Oui, j'ai ces trois diplômes. Ensuite, j'ai également passé avec succès le cours d'admission au barreau.
Voilà le produit des hautes études. Grâce à cela, je gagne 64 500 $ par an et je travaille au moins jusqu'à minuit chaque jour.
Monsieur le président, j'ai parlé de l'obstructionnisme, qui est une façon de perturber le processus démocratique. Lorsque vous faites de l'obstruction, vous pouvez par exemple montrer le poing à la présidente du Comité de la justice. À propos, c'est moi cette présidente, et quelqu'un m'a montré le poing. Un député de l'opposition peut vous dire de vous la fermer. Vous pouvez être traitée de clown, et pourtant vous devez rester calme. Tout cela parce qu'un débat d'obstruction a pour but d'interrompre le processus démocratique. C'est ce que font des gens en se réclamant de la démocratie, des gens qui appellent les présidents—qui essayent simplement de faire leur travail—dictateurs, des gens qui...
Une voix: Hurlent au lieu de parler.
Mme Shaughnessy Cohen: ... hurlent au lieu de parler, des gens qui font monter le ton, non pas du débat, mais plutôt du bruit ambiant.
Cela étant dit, la langue anglaise a donné au débat d'obstruction le nom d'un sénateur américain, le sénateur Filibuster, qui était excellent orateur. Il pouvait discourir pendant des heures. Si je me souviens bien, il était d'origine catholique irlandaise, et il était bourré de talents.
Mais au bout du compte, savez-vous ce qui se produit? Cela ne donne rien dans notre système parlementaire, surtout si vous avez la prescience d'avoir fait adopter une motion portant que le comité doit faire rapport pour telle ou telle date.
• 2010
Peu importe le débat d'obstruction. Peu importe combien de
temps les députés font de l'obstruction, car ils ne pourront
empêcher le comité de faire rapport du projet de loi. Celui-ci va
être renvoyé à la Chambre et le sera sans que son contenu n'ait
même été discuté. Le comité va en faire rapport à la Chambre sans
avoir même discuté des amendements que l'opposition veut faire
valoir. Le comité va en faire rapport à la Chambre sans aucun
amendement. Pour le gouvernement, c'est tant mieux.
Mais ce qui me surprend, c'est que quelqu'un qui traite de clown la présidente du Comité de la justice pour la seule raison qu'elle lui a souri poliment, quelqu'un qui ordonne à la présidente du Comité de la justice de se la fermer parce qu'elle demandait au collègue à ses côtés de lui servir un verre d'eau, ou je ne sais trop, qu'un homme de cette intelligence ne comprenne pas qu'il a beau rester là aussi longtemps qu'il le veut, plus il parlera, plus nous arriverons à cette échéance inéluctable qui fait que demain le projet de loi sera renvoyé à la Chambre sans amendement.
Monsieur le président, je pourrais parfaitement parler ainsi toute la nuit. Laissez-moi donc quelques instants encore. Peut-être le comité pourra-t-il se rendre à Windsor, et la ville pourrait à son tour...
Une voix: Avez-vous un chat?
Mme Shaughnessy Cohen: Oui, j'ai une chatte du nom de Rosie. Elle est ravissante, mais elle n'a pas de très bonnes manières. Par exemple, elle semble avoir beaucoup de mal à tenir l'épagneul à distance, de sorte qu'elle préfère vivre en hauteur. Elle ne peut pas marcher sur le plancher, car si elle le fait, elle se fait attraper. À mon avis, si elle avait été mieux dressée, elle pourrait peut-être lui échapper plus facilement.
Le Comité des finances pourrait peut-être envisager de visiter Windsor cette année à l'occasion du débat prébudgétaire. Il pourrait ainsi voir une ville qui, contre toute attente, s'est bien sortie de la dernière récession. Elle s'en est sortie très rapidement, elle a diversifié son économie et elle compte une population active instruite qui gagne bien sa vie dans un environnement paisible et agréable.
À Windsor, à mesure que la prospérité augmente, la criminalité diminue. Il en va de même dans la majorité des villes qui ont connu une chute radicale du taux de chômage. Les gens de Windsor aiment beaucoup leur ville et s'efforcent de la mettre en valeur. Et si c'est le cas, je pense que c'est à cause de leur niveau d'instruction, mais aussi du fait qu'ils peuvent plus facilement se comprendre mutuellement que ce ne serait le cas dans d'autres localités. Nous sommes très fiers de nos établissements d'enseignement et fiers aussi de pouvoir ainsi donner un bon niveau d'instruction à nos concitoyens.
Je vous remercie.
Une voix: Je m'appelle...
Mme Shaughnessy Cohen: Je ne sais pas si j'en ai parlé lorsque je signalais le stress imposé aux gens qui sont ici, stress dû au fait que le Bloc a ses propres collaborateurs dans la salle. Il y en a des milliers, me semble-t-il; ils vont, ils viennent, ils jouent avec leurs coûteux petits téléphones cellulaires...
Une voix: Ils font des discours.
Mme Shaughnessy Cohen: ... et donnent un coup de main avec leurs discours.
Une voix: Et les motions, n'oubliez pas les motions.
Mme Shaughnessy Cohen: Je suis persuadée que ces gens préféreraient être chez eux. Il y a d'autres membres du personnel qui sont également ici parce que nous les y obligeons, en raison de la nature même de nos travaux. Mais, comme vous le savez, les débats d'obstruction se suivent et se ressemblent.
Une voix: Je pense que vous devriez remercier nos collaborateurs.
Mme Shaughnessy Cohen: Nos collaborateurs ont travaillé particulièrement fort, et nous sommes très heureux qu'ils soient ici avec nous ce soir. Je sais que l'une de ces personnes habite à Cornwall, en Ontario, et elle va devoir reprendre la route pour rentrer chez elle après cette séance, si tant est qu'elle réussit à sortir de cette salle. J'espère qu'elle sera prudente au volant, qu'il ne lui arrivera rien de fâcheux, parce que ce serait tout à fait tragique.
Les gens qui sont à l'origine de ce débat d'obstruction ne réfléchissent pas à ce genre de choses. Ils pensent uniquement à leur propre petit spectacle, un spectacle qui nous amènera inéluctablement au même résultat demain, ce résultat étant que nous ferons de toute manière rapport du projet de loi.
De quelle partie ferons-nous rapport au juste?
Une voix: De l'ensemble.
Mme Shaughnessy Cohen: Ne comprennent-ils donc pas? Quelle est la partie qu'ils ne comprennent pas? Ne préféreraient-ils pas tous être chez eux en famille? Je ne cesse de m'étonner de voir ce genre de choses dans une institution aussi moderne et aussi progressiste que le Parlement canadien, mais apparemment il en est ainsi.
Une voix: Vous pourriez peut-être demander pourquoi le Fonds des bourses du millénaire est une excellente initiative.
Mme Shaughnessy Cohen: Je commence à perdre mon souffle et j'aimerais faire une petite pause, mais laissez-moi quand même vous dire que si à un moment donné vous trouvez une intervention ennuyeuse, je serais tout à fait heureuse de reprendre la parole et de vous aider pendant quelques instants à irriter l'autre camp.
Des voix: Oh, oh!
Mme Shaughnessy Cohen: J'espère que les fonctionnaires qui sont ici ce soir comprennent à quel point j'apprécie leurs services. S'ils ont quoi que ce soit à dire pour l'octroi d'une subvention à tel ou tel endroit du Canada, le sud-ouest de l'Ontario est l'endroit rêvé. Chez nous, nous essayons de ne jamais oublier qu'à Windsor tout est bon et à Toronto rien n'est bon.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Coderre.
[Français]
M. Denis Coderre: Monsieur le président, je suis député du Québec, je suis fier d'être québécois et je suis fier d'être canadien. Depuis le début des débats, les interventions du Bloc et tous les propos qu'on a entendus, à part la photo, c'était de la «constitutionnalite». À chaque fois qu'ils prenaient la parole, ils faisaient tourner ça en débat constitutionnel.
Or, les gens ont besoin de cet argent. L'endettement moyen des étudiants est de 11 000 $. J'étais ici quand Gérald Larose, ce grand homme devant l'éternel, représentant la CSN, a dit qu'on devrait donner ces fonds au reste du Canada, où l'endettement moyen est de 25 000 $ alors qu'au Québec il n'est que de 11 000 $. Il disait que ce serait du gaspillage et qu'on n'en voulait pas.
On pourrait parler longtemps de l'histoire constitutionnelle. Ça me ferait un grand plaisir de faire de l'histoire constitutionnelle. J'ai bien apprécié la zoothérapie de ma collègue, mais je voudrais quand même revenir à la question des bourses du millénaire.
Chose certaine, monsieur le président, il est très clair que l'éducation est de juridiction provinciale. Je suis tout à fait d'accord sur ce point. L'éducation est et demeure, selon l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, de juridiction provinciale. Cependant, on tente encore une fois de changer le débat, quand on sait pertinemment que la bourse du millénaire, c'est l'accès à l'éducation. Contrairement à nos collègues qui essaient de provoquer une bataille constitutionnelle, nous avons décidé de nous occuper de l'étudiant et de l'étudiante. On a dit que pour l'an 2000, au lieu de jouer avec l'histoire comme le Bloc ou les séparatistes le font et au lieu d'édifier des monuments, on préférait investir dans le savoir et dans l'avenir, c'est-à-dire chez nos jeunes.
Je suis tout à fait d'accord sur la position du gouvernement sur le Fonds du millénaire. Je voterai en faveur du projet de loi C-36 lorsque viendra le temps. Ce ne sera pas une position anti-Québec, mais une position qui aura pour but d'aider notre jeunesse à accéder éventuellement à des emplois intéressants.
Vous savez, on faisait de l'histoire tout à l'heure. Aujourd'hui, on célébrait un événement extraordinaire, la conférence de Québec de 1943 et 1944. Or encore une fois, les séparatistes—il faut les nommer—tentent de refaire l'histoire, tout comme ils tentent d'expliquer l'histoire et la Constitution à leur façon. On a décidé de célébrer Roosevelt et Churchill, mais lorsqu'il a été temps de célébrer la personne qui a amené les entités ensemble et qui a fait en sorte qu'on a changé le cours de l'histoire, c'est-à-dire Mackenzie King, parce qu'il était un premier ministre du Canada, on a préféré édifier des statues de gens comme de Gaulle et évincer totalement Mackenzie King. C'est ça, le discours réducteur, messieurs et madame la présidente, auquel on a à faire face continuellement avec le Bloc. Ils parlent comme s'ils avaient la vérité absolue. Ils ont un discours extrêmement réducteur. Au moment même où le mur de Berlin est tombé, ils veulent monter des frontières, et ils disent chaque fois que c'est la faute du fédéral. Je trouve indécent d'entendre des gens continuellement blâmer le fédéral et recourir à l'obstruction systématique, bien qu'il s'agisse de moyens légitimes et légaux.
Mais on comprend que leur but. C'est de mettre des bâtons dans les roues et de faire en sorte que plein de hauts fonctionnaires, qui gagnent sûrement plus que moi, passent des heures et des heures à regarder ce site. Je comprends pourquoi la population, et nommément la population québécoise, est très cynique à notre endroit. Ce sont ces mêmes personnes qui ont proposé plus de 39 amendements. On aurait pu faire un débat de fond et procéder à l'étude article par article du projet de loi C-36 et le mettre aux voix. Mais non, ils ont décidé de gagner du temps parce que la maison mère à Québec leur a dit quoi faire.
• 2020
Il ne faut pas se tromper, madame la présidente, car c'est
très clair. En comité, c'est comme à la période de
question: Québec envoie un message par télécopieur à
la succursale et lui dit de poser
telle ou telle question et de faire telle ou
telle chose. Le message disait: On ne veut pas de ce
projet-là;
faites tout pour le bloquer. Les étudiants du
Québec, ce n'est pas important, et encore moins les
jeunes mères de famille célibataires qui, grâce à ce
projet de loi, auraient eu droit
à une bourse et ne peuvent pas actuellement
bénéficier du programme d'aide financière du Québec.
Ceci démontre qu'on ne propose pas de dédoublement,
mais plutôt une complémentarité. On n'a pas le droit
de faire cela.
La but, c'est de faire un cirque et de dire continuellement que le Canada ne fonctionne pas. Vous n'avez qu'une seule chose à dire. Vous pouvez juste changer l'étiquette: c'est de juridiction provinciale et vous vous mêlez de nos affaires.
J'ai décidé d'entrer en politique, madame la présidente, pour combattre ce discours réducteur. Je fait partie du Parti libéral du Canada depuis 15 ans, je me suis porté candidat il y a 10 ans et je suis maintenant un député heureux. Je connais de A à Z ce qu'est un séparatiste. Je connais surtout de A à Z toutes les ramifications du Bloc québécois, l'ayant notamment combattu lors des élections partielles de 1990 contre le chef actuel, Gilles Duceppe.
C'est facile d'être membre du Bloc; on n'a qu'à avoir une petite feuille de papier et on dit toujours la même chose: C'est la faute du fédéral. Quand il n'y a pas de poisson dans l'Atlantique, c'est la faute du fédéral. Si vous voulez que tout fonctionne, faites la séparation du Québec et ça va fonctionner, disent-ils.
J'espère qu'on va arrêter ce jeu. Ce sont gens décents et intelligents qui vont dire qu'ils vont laisser tomber cette obstruction systématique, étudier ce projet de loi article par article et l'adopter. On va arrêter d'être cynique avec la «procédurite» et de faire un débat de constitutionnalistes. On va se donner de bons outils de fonctionnement pour s'assurer qu'il y ait une stratégie d'égalité des chances.
C'est drôle, lorsque j'ai parlé avec Gérald Larose, il m'a dit la chose suivante: «L'égalité des chances, oui, vous y avez droit.» Or, l'accès à l'éducation, c'est de juridiction partagée. Mais quand on vous parle d'aider un étudiant, d'investir dans le savoir, de faire en sorte qu'à la fin de leurs études les étudiants n'aient pas des dettes de 11 000 $ ou 25 000 $, de les aider à voir la lumière au bout du tunnel et de commencer le nouveau millénaire en investissant dans le savoir, vous dites non. Qu'est-ce qu'ils disent plutôt? C'est clair.
Je pourrais faire des farces. Je pourrais vous parler de mon chien ou de mon poisson rouge. Je trouve cependant qu'il est important de se parler. Comment le Bloc et les séparatistes réfléchissent-ils présentement et que font-ils au détriment de la population? Ils ne présentent pas la vérité absolue. Ils ne représentent pas le consensus. Ils ne représentent que leur intérêt personnel, lequel consiste à faire en sorte que ce pays ne fonctionne pas et que le gouvernement ne puisse décemment aider sa population.
Je trouve cela dégueulasse. Depuis le début de la séance, depuis 9 heurs ce matin, je suis assis sur mon cul en train d'écouter les inepties du Bloc. À chaque fois, peu importe le débat, que ce soit sur l'agriculture, les finances ou tout autre dossier, on fait défiler la même cassette: «Nous, Québécois et Québécoises, pensons que c'est contre nos intérêts et c'est encore la faute du fédéral.»
Je suis content d'une certaine façon, parce que vous me donnez l'énergie de veiller toute la nuit, si vous voulez. Ce n'est pas grave. Mes intérêts ne sont pas importants. Ce qui est important, c'est que l'on puisse enfin adopter ce projet de loi C-36 pour faire en sorte que les jeunes de ma circonscription puissent avoir un accès égal à un système de bourses qui leur permettra de voir la lumière au bout du tunnel. Ce n'est pas compliqué.
On a décidé, comme gouvernement responsable, étant donné tous les sacrifices des Canadiens et des Canadiennes, de réinvestir dans la jeunesse et le savoir. C'est décevant de voir des gens qui se disent du Québec parler pour les intérêts supérieurs du Québec et venir démontrer ainsi leur cynisme et leur peu d'arguments. Ils se foutent éperdument de la population, et je trouve cela épouvantable. Je vais me battre, madame la présidente, pour m'assurer qu'à chaque fois qu'il y aura un bloquiste, il y aura un Denis Coderre sur leur chemin pour s'assurer qu'on tienne compte des deux côtés de la médaille.
• 2025
Peu importe
le débat, à chaque fois qu'on leur
donne les faits, ils comprennent et ils disent: «Oui,
c'est bon.» Personne au Québec n'est contre le fait de
recevoir des bourses. La meilleure preuve, c'est
quand on a regardé le bulletin de nouvelles de
Radio-Canada. À chaud, dès l'annonce des bourses
du millénaire, on a attrapé un
micro et on s'est rendu dans un restaurant où il y avait des
jeunes. On leur a demandé: «Êtes-vous pour ou contre
les bourses du millénaire?» Savez-vous ce qu'ils ont
dit? «Si ça peut nous aider à diminuer notre
endettement, on est d'accord.» Ils n'ont pas sorti
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Ils
ont dit que le rôle d'un gouvernement était de s'assurer
qu'il puisse bien nous représenter et
surtout nous permettre d'avoir une qualité de
vie meilleure. Avoir une qualité de vie meilleure,
c'est pouvoir bénéficier de ces programmes qui vont
leur permettre d'aller plus loin dans la vie.
Ce n'est pas compliqué, ça.
Si on fait un débat continuel de «structurite» et de «constitutionnalite», qui va payer au bout de la ligne? Nous, c'est notre métier; pour certains, c'est un sport. Mais qui, au bout de la ligne, va payer la note? Ce seront les jeunes femmes et les jeunes hommes qui ne pourront pas en bénéficier à cause des guéguerres que provoquent continuellement les séparatistes.
Madame la présidente, vous avez tous les droits. Pour moi, il est très clair, à la lumière de l'interprétation, qu'à 11 h 59, qu'il soit amendé ou pas, le projet de loi C-36 sera renvoyé en Chambre. À la troisième lecture, nous voterons en faveur de ce projet de loi.
Je suis député du Québec, je suis fier d'être Québécois, je suis fier d'être Canadien français et je suis surtout fier de saluer tous ceux et celles qui travaillent à l'égalité des chances et qui veulent assurer une meilleure qualité de vie à notre jeunesse, y compris ceux qui sont moins chanceux et les jeunes mères célibataire qui ne peuvent pas actuellement obtenir de bourses. Travaillons ensemble. On dit qu'on est prêt à négocier. Ce n'est pas parce qu'on dépose le rapport que ça entache les négociations.
Arrêtons de perdre notre temps et celui des gens qui sont derrière moi. Arrêtons de gaspiller l'argent de la population en les retenant ici et faisons en sorte qu'on puisse régler une fois pour toutes ce dossier. Merci, madame la présidente.
La présidente suppléante (Mme Paddy Torsney): Thank you. Nous entendrons maintenant madame Guay.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, madame la présidente. Permettez-moi d'abord de féliciter M. Szabo et Mme Redman de leurs discours sur le Fonds du millénaire et le projet de loi C-36. Par contre, si j'étais Mme Cohen, je serais un peu gênée demain quand je lirais les épreuves des délibérations.
Bien qu'on porte des attaques à tour de bras contre le souverainistes et les séparatistes, comme M. Coderre aime bien nous appeler, je ne pense pas qu'il y ait eu ici un débat sur les séparatistes. En tout cas, si ça s'est produit, c'est normal qu'on en parle, mais je pense que le débat ne porte pas là-dessus aujourd'hui, mais bien sur les bourses du millénaires.
Ce n'est pas avec joie que je viens prendre la parole aujourd'hui devant ce comité au sujet du projet de loi C-36, qui prévoit l'application de certaines dispositions prévues dans le dernier budget du ministre des Finances et qui propose entre autres la création de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaires, sujet sur lequel je reviendrai dans quelques instants.
D'entrée de jeu, permettez-moi de mettre en perspective les innombrables aberrations du dernier budget du ministre des Finances. Le gouvernement fédéral ne cesse d'encenser le ministre des Finances pour son travail dans l'atteinte de l'équilibre budgétaire. Soyons clairs dès maintenant: il n'est pas question de féliciter un gouvernement qui s'est déresponsabilisé vis-à-vis du travail qu'il avait à faire et l'a fait effectuer par d'autres, en l'occurrence les provinces, ce qui à mes yeux et aux yeux du Bloc québécois, rend la dernière opération budgétaire absolument et totalement inacceptable.
• 2030
Malgré une marge de manoeuvre sans précédent dans le
présent budget, le parti au pouvoir a fait le choix de
ne rien faire pour relancer l'emploi. Il n'y a
absolument aucune réforme de la fiscalité axée sur
l'emploi, aucune mesure budgétaire extraordinaire pour
améliorer le sort des milliers de Québécois et
Canadiens sans emploi.
Bref, pour ce qui est de l'emploi, madame la présidente, ce budget est bidon. Pourtant, si on considère le taux de chômage, il demeure obstinément autour de 9 p. 100, ce qui est très élevé. Au lieu de créer de l'emploi, le gouvernement aime mieux créer de nouveaux programmes qui viennent carrément dédoubler et empiéter—oui, monsieur Coderre, ils viennent dédoubler et, encore une fois, empiéter—sur les compétences des provinces, telle la Fondation canadienne des bourses du millénaire, en plus de faire ce que le gouvernement a toujours su si bien faire, soit dépenser l'argent des autres.
En effet, on n'a qu'à penser à l'achat, à la sauvette, des sous-marins, au prix de 750 millions de dollars, une aubaine incroyable. De vieux sous-marins dont on ne sait pas vraiment quoi faire, dont on ne connaît pas non plus la durée. Sept cent cinquante millions de dollars pour des sous-marins dont on ne sait même pas pendant combien d'années ils seront utilisables. C'est un beau gaspillage. Après savoir sabré des milliards de dollars dans le Transferts social pour la santé, l'éducation et l'aide sociale, le fédéral investit dans la jeunesse et dans l'emploi en achetant de l'armement de guerre. Voilà les vraies priorités de ce gouvernement.
Monsieur le président, c'est-à-dire madame la présidente—je ne sais pas si vous devez changer de place—, imaginez ce qu'on pourrait faire avec ces 750 millions de dollars jetés à l'eau. Je vous pose la question à vous, députés du Parti libéral. Pourquoi ne pas investir ces dollars pour donner à manger à 1,4 million d'enfants pauvres qui vivent actuellement au Canada? C'est un enfant sur cinq, pour votre information. Imaginez tout cet argent qui pourrait servir à soulager les cinq millions de Canadiens qui vivent sous le seuil de la pauvreté et représentent 17,4 p. 100 de la population du pays. Voilà les priorités du parti au pouvoir.
L'appauvrissement de la population québécoise et canadienne depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement peut sans aucun doute s'expliquer aussi par les 30 milliards de dollars supplémentaires que les contribuables doivent payer en taxes et en impôts au gouvernement fédéral. Pour contribuer à arrêter cette hémorragie, le Bloc québécois a demandé, entre autres au ministre des Finances, de ne plus créer de nouveaux programmes. Mais, cela va de soi, le ministre des Finances a fait la sourde oreille et a plutôt mis sur pied deux nouveaux programmes dont celui des bourses du millénaire, partie intégrante du projet de loi C-36.
Un fonds de 2,5 milliards de dollars qui va entrer en vigueur seulement en l'an 2000! Les bourses du millénaire constituent une intrusion inqualifiable et sans précédent dans un domaine de compétence provinciale depuis des années, soit celui de l'éducation.
Le premier ministre sait très bien qu'il existe au Québec un régime de prêts et bourses en éducation, le plus avancé au Canada, cela depuis déjà 30 ans. Ce n'est pas la première fois que le fédéral veut s'ingérer dans un champ de compétence provinciale. J'aimerais vous en faire un petit historique.
En 1953, le gouvernement libéral fédéral, qui était dirigé par Louis Saint-Laurent, tente de subventionner les universités canadiennes par le biais de la Conférence nationale des universités canadiennes. Le Québec, alors dirigé par Maurice Duplessis, bloque le projet fédéral. Il s'oppose à la volonté du gouvernement fédéral de remplacer au moyen de subsides fédéraux les pouvoirs financiers essentiels aux provinces et de pénétrer dans le domaine de l'éducation, domaine de compétence strictement provinciale.
En janvier 1957... Mon collègue l'a cité plus tôt, mais je pense qu'il est important de le citer à nouveau comme, d'ailleurs, chacun d'entre nous devrait le faire. M. Trudeau lui-même écrivait dans L'Action nationale, et je le cite:
-
Dès lors si un gouvernement dispose d'une telle
surabondance de revenus qu'il entreprend d'assurer la
partie du bien commun qui n'est pas de sa
juridiction,
la présomption se crée qu'un tel gouvernement a pris
plus que sa part de la capacité taxable.
• 2035
Aujourd'hui, on peut dire que le gouvernement libéral
a fait pire que prendre plus que sa part de sa capacité
taxable. Il s'est donné une marge de manoeuvre en
s'attaquant aux malades, aux écoles et aux pauvres, et
en obligeant les provinces à faire le sale boulot; les
provinces, qui doivent atteindre le déficit zéro, les
provinces qui ont vu leurs paiements de transfert
amputés de sommes énormes parce que le fédéral en avait
décidé ainsi.
Le gouvernement libéral s'ingère donc dans des champs de compétence provinciale, mais il refuse de prendre ses responsabilités, entre autres celle d'indemniser indemnisant toutes les personnes atteintes par l'hépatite B.
En 1961, le gouvernement du Québec met en place son programme d'aide aux étudiantes et étudiants, qu'on appelle le programme de prêts et bourses. En 1964, le gouvernement fédéral de Pearson propose d'offrir des prêts aux étudiants en se chargeant de rembourser les intérêts payés par l'étudiant. Jean Lesage s'y oppose, car ce remboursement d'intérêts devient dès lors une subvention directe du gouvernement fédéral à des fins d'éducation. Cela se produit déjà en 1964. Dans sa déclaration à l'issue de la conférence fédérale-provinciale tenue à Québec du 31 mars au 2 avril 1964, Jean Lesage a dit, et je le cite:
-
En effet, nous devrons nécessairement recourir aux
tribunaux pour faire respecter les droits
constitutionnels de la province si on ne donne pas
suite à nos observations.
Je poursuis. Le 16 avril 1964, dans un télégramme à Jean Lesage, L.B. Pearson lui dit, et je le cite:
-
...le gouvernement fédéral a l'intention de proposer des
arrangements selon lesquels des prêts bancaires
garantis seraient consentis aux étudiants des
universités [...]. Si une province préfère s'en tenir à son
propre programme de prêts, elle pourra recevoir une
compensation équivalente.
Ce que je veux faire ressortir ici, ce sont les tentatives antérieures et infructueuses du fédéral d'envahir le champ de l'éducation. Ni les péquistes ni les bloquistes n'existaient à ce moment-là.
Les fédéralistes, les souverainistes et même les gens du milieu de l'éducation au Québec ont fait une levée de boucliers afin de désapprouver haut et fort cette campagne de visibilité du gouvernement fédéral. Pour vous prouver la véracité de mes propos, j'ai ici les déclarations de témoins qui se sont intéressés au dossier. J'aimerais beaucoup vous les citer parce que je les juge d'une importance primordiale dans le dossier du projet de loi C-36. Ils vous montreront à quel point le consensus est fort au Québec. On parle de méconnaissance de la réalité québécoise. On dit que le projet tel que formulé dans C-36
-
...illustre le
manque de connaissance du gouvernement canadien à
l'égard du régime québécois de prêts et bourses et des
priorités québécoises en matière d'éducation
Ce sont des propos tenus par la FTQ.
-
Le projet de loi C-36 ne tient aucunement compte de
ce que le Québec accomplit depuis 30 ans en matière
d'aide financière aux étudiants.
Ce sont des propos tenus par Réginald Lavertu, président de la Fédération des cégeps. Cette fédération regroupe 48 collèges au Québec. On peut donc parler de consensus.
-
Avec ses bourses du Millénaire, le fédéral fait la
preuve de son ignorance et de son incompétence dans le
domaine de l'éducation.
C'est ce que dit la Coalition des anciens leaders étudiants québécois. Encore là, ce ne sont pas des politiciens, madame la présidente.
-
Pourquoi dédoubler les structures, on perd de
l'argent pour rien.
Cette citation est de la FECQ.
-
Il faut éviter les dédoublements et mettre à profit
les structures existantes dans les provinces.
Ces paroles sont de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Il ne s'agit pas d'un parti politique souverainiste. Ce ne sont pas des méchants séparatistes, madame la présidente.
-
Parce que l'éducation est un des gestes fondamentaux
de la citoyenneté des individus et des personnes.
Ce sont des propos de la CSN. Encore la CSN. J'en ai trois ou quatre autres du même genre.
-
Parce que l'éducation est un outil de développement
d'un peuple.
-
Le droit des collectivités est reconnu
constitutionnellement.
-
L'éducation n'est pas une banalité dans l'histoire d'un
peuple, c'est un vecteur fondamental.
C'est encore la CSN.
• 2040
Des gens de partout nous ont fait des commentaires. Il
y a même un fédéraliste, John Trent de l'Université
d'Ottawa, qui est venu nous dire que la Fondation va
inévitablement conduire à un dédoublement
fédéral-provincial et à un chevauchement de programmes
déjà existants. Elle vient faire directement
concurrence au programme de prêts et bourses du Québec,
que plusieurs considèrent supérieur. Encore une fois,
madame la présidente, ce n'est pas un méchant
séparatiste qui a fait cette déclaration. C'est John
Trent de l'Université d'Ottawa, qui est un fédéraliste
et qui a le droit de l'être.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Un rappel au Règlement, madame la présidente. Je voudrais ajouter qu'on a demandé au professeur Trent s'il était ici à titre individuel ou s'il représentait l'Université d'Ottawa. Il nous a répondu clairement qu'il comparaissait à titre personnel et qu'il risquait d'avoir quelques problèmes si ses collègues savaient ce qu'il nous a dit. Nous faisons donc pas plus de cas de ses propos que ceux de n'importe quel particulier.
[Français]
Mme Monique Guay: J'invoque le Règlement, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Je m'excuse, madame Guay, mais je n'écoutais pas. Qu'avez-vous dit?
Mme Monique Guay: Je peux continuer. Je vous en remercie.
La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Excusez-moi. Je n'ai pas écouté ce que vous avez dit. Qu'est-ce que vous avez répondu?
Mme Monique Guay: Je n'ai rien dit. Je n'ai écouté personne. J'ai simplement mentionné les faits, les propos tenus par M. Trent devant ce comité. C'est tout. Où est le problème?
La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Il n'y a pas de problème.
Une voix: Continuez si vous le désirez.
Mme Monique Guay: Je vais le faire avec plaisir, mais cessez de m'interrompre.
Non, non. Je m'excuse mais on a fait appel au Règlement, madame la vice-présidente. On a voulu préciser que M. Trent comparaissait ici à titre personnel et non pas au nom de l'université. Est-ce cela?
[Traduction]
M. Paul Szabo: Madame la présidente, le professeur Trent a dit très clairement qu'il comparaissait à titre personnel et qu'il ne représentait pas l'Université d'Ottawa. Ce qui est peut-être tout aussi important, si je me souviens bien—et si seulement nous pouvions avoir la transcription pour le confirmer—il nous a également dit qu'il aurait des problèmes si son censeur savait ce qu'il nous dit. D'ailleurs, il a dit craindre que cela ne finisse par se savoir.
Nous parlons donc d'un exposé à titre personnel, et le fait de dire que la personne en question est de l'Université d'Ottawa sans signaler également qu'il s'agit d'une comparution à titre personnel risque de donner une impression fausse à l'auditoire. C'est cela que je voulais faire valoir.
Mme Monique Guay: Parfait, vous avez dit ce que vous aviez à dire. Quoi qu'il en soit, il a dit ce qu'il a dit.
[Français]
Ce qui est dit reste dit. Je pense que si M. Trent a accepté de venir rencontrer les membres de ce comité pour y dire ce qu'il a dit, même à titre personnel, il devra vivre avec ses dires, tout simplement. Qu'il l'ait dit en son nom personnel ou au nom de l'université, il devra en porter la responsabilité. C'était son choix.
Je n'ai pas terminé. J'ai encore un peu de temps. C'est important, je pense, de le souligner. En effet, pour nous qui sommes ici présents ce soir, qui faisons le point sur les bourses du millénaire, il est important de prouver qu'il y a consensus au Québec à tous les niveaux. Ici, c'est la CEQ qui dit:
-
La mise sur pied de la fondation des Bourses du
Millénaire n'est pas le bon moyen d'améliorer l'égalité
des chances aux études universitaires pour la jeunesse
québécoise.
-
Le ministre des Finances découvre
aujourd'hui que «les membres de familles à faible revenu
sont sous-représentés dans nos établissements
d'enseignement supérieur». Le Québec sait cela depuis
fort longtemps. C'est d'ailleurs pour cette raison que
son régime de prêts et bourses est le plus développé au
Canada
Ce sont les propos de la CEQ.
-
Ce n'est pas la meilleure façon d'augmenter l'accès aux
études postsecondaires.
C'est David Stager, de l'Université de Toronto, qui fait cette déclaration. Je ne sais pas s'il le dit en son nom personnel ou au nom de son université. Peut-être M. Szabo pourra-il nous éclairer là-dessus plus tard.
• 2045
Madame la présidente, il est inquiétant de voir la
façon dont ce projet de loi est déposé. Il est
inquiétant aussi de voir que, d'après ce qu'on nous
en dit, on n'en discutera pas article par article. Je
ne sais pas ce que vous déciderez ici ce soir.
Je sais que ce comité aurait le pouvoir, s'il le
voulait, de repousser la date du 8 mai et d'étudier
le projet de loi article par article plus tard, la
semaine prochaine ou peu importe.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Nous en sommes à l'étude article par article.
[Français]
Mme Monique Guay: Excusez-moi, monsieur Szabo, puis-je parler? Je ne vous ai pas interrompu tout à l'heure. Donc, s'il vous plaît, laissez-moi parler. Merci.
La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Est-ce que vous proposez une motion?
Mme Monique Guay: Non, je ne propose pas de motion du tout, madame la présidente. Non, parce que nous, du Bloc québécois, n'avons pas terminé de débattre du sujet. J'ai d'autres collègues...
La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Je m'excuse, mais je pensais que vous vouliez changer l'horaire du comité.
Mme Monique Guay: Ce n'est pas cela du tout. Ce n'est pas une motion. C'est simplement qu'à la suite du débat du Bloc québécois, lequel n'est pas terminé... D'ailleurs, je ne sais pas pendant combien de temps nous allons pouvoir en débattre. J'espère qu'il sera permis à tous mes collègues qui ont quelque chose à dire sur ce projet de loi de le faire, qu'il leur sera permis de s'exprimer librement ici, en comité, qu'ils pourront parler des questions de fond et non pas de leur chien, de leur chat ou de leur poisson rouge, comme ce que j'ai entendu tout à l'heure, afin de gagner du temps ou pour se défouler. En tout cas, il y a des gens qui se sont permis de vraiment se défouler. Personnellement, je serais gênée, demain, de lire les bleus. En tout cas, ce n'est pas mon problème.
J'espère qu'on permettra aux députés... Le filibuster fait partie de la démocratie, comme tout le monde le sait. C'est une façon de débattre à fond d'un projet de loi. C'est une façon de s'exprimer, un à la fois, chacun son tour, de donner son point de vue, de ne pas être bâillonné, de permettre à tous ceux qui ont quelque chose à apporter pour améliorer un projet de loi de le faire.
Monsieur Szabo, vous nous en avez donné un bon exemple. Même si je ne suis pas d'accord sur votre idéologie, en fin de compte, vous nous avez parlé du fond du projet de loi. Vous nous avez donné votre opinion à vous. Bravo!
Madame Redman, vous avez fait la même chose. Je ne partage pas votre opinion non plus sur le projet de loi, mais vous nous l'avez fait connaître. Nous avons 39 amendements qui attendent, c'est vrai, mais nous n'avons pas tous participé au débat à tour de rôle. Nous en avons tous parlé dans nos circonscriptions. Nous avons tous rencontré nos intervenants, chacun notre tour. Nous avons tous recueilli des réactions semblables au Québec, les mêmes venant de partout. Il existe un consensus, même au niveau parlementaire.
Donc je pense qu'il est démocratique que nous puissions, chacun notre tour, nous exprimer et dire ce que nous pensons de ce projet de loi. Et j'espère que tous mes collègues qui devront être présents ici ce soir...
Imaginez-vous que moi aussi je préférerais être chez moi, auprès de mes enfants, à m'occuper d'eux. Mais je juge que ce projet de loi est très important. Je juge que nous devons intervenir. Il faut que les femmes interviennent aussi dans ce dossier-là parce qu'elles sont concernées.
Tout à l'heure, un de mes collègues libéraux parlait des mères de famille célibataires, des pauvres mères de famille célibataires. Je dois vous dire qu'au Québec, nous avons de merveilleux programmes pour ramener les mères célibataires aux études. Nous leur offrons des services de garderie gratuits. Nous avons tout plein de programmes déjà existants. Nous sommes très avant-gardistes au Québec sur ce plan, afin de permettre aux femmes...
M. Denis Coderre: J'invoque le Règlement. Je pense qu'il est temps d'éclaircir les choses. J'ai parlé de la Fondation des bourses du millénaire. Je me félicite de l'existence de programmes qui viennent en aide aux moins bien nantis de cette société, encore plus au Québec, puisque je suis du Québec.
Je pense toutefois qu'il faudrait faire attention. J'ai dit que la Fondation des bourses du millénaire était une excellente chose parce que dans le régime en vigueur actuellement au Québec, une jeune mère célibataire n'a pas droit à une bourse parce que cela n'y est pas prévu. C'est pourquoi je ne crois pas qu'il y ait dédoublement, mais plutôt complémentarité. Donc, c'est bon, un point, c'est tout.
Mme Monique Guay: Je continue. Nous avons toutes sortes de programmes pour les mères célibataires, pour les aider à terminer leurs études secondaires, pour les amener au niveau collégial et pour les aider à se trouver un emploi. Je pense donc qu'à ce niveau, le Québec est très avant-gardiste et très avancé.
Monsieur le président, j'espère que tout le monde pourra débattre du projet de loi. Je disais tout à l'heure que j'espérais que tous les membres de ce comité auront le pouvoir de voter sur une motion. Je ne vous parle pas de déposer une motion, mais de voter sur une motion pour permettre que ce projet de loi soit étudié article par article. Lorsque le débat sur cette motion que vient déposer mon collègue Paul Crête sera terminé, ce comité aura le pouvoir de repousser un peu plus loin l'étude du projet de loi article par article, au cours de la semaine prochaine, par exemple, quand tout le monde sera prêt. Je pense que tout le monde aura pu alors regarder attentivement chaque amendement et s'exprimer.
Si vous faites ça en catimini, si vous faites ça à toute vitesse ce soir et que vous n'étudiez pas ces amendements à fond, vous n'aurez pas fait votre travail de parlementaires. Je trouve cela épouvantable. C'est important, un projet de loi. Étudier un projet de loi n'est pas futile. C'est sérieux. Et quand on doit faire l'étude d'un projet de loi article par article, c'est très compliqué.
Une voix: Oh, oh!
Mme Monique Guay: S'il vous plaît, quand vous avez parlé tout à l'heure, je vous ai écouté. Alors, taisez-vous.
Il est important de débattre de chaque article et de regarder chaque amendement. Je suis convaincue que vous êtes d'accord sur certains des amendements à ce projet de loi et que certains sont tout à fait satisfaisants.
De plus, on sait très bien qu'il y aura une rencontre entre les deux paliers de gouvernement en mai. Pourquoi ne pas attendre que cette rencontre ait eu lieu? Pourquoi passer un projet de loi aussi rapidement, en catimini, avant même qu'il y ait eu une rencontre? Est-ce que vous connaissez déjà les résultats de cette rencontre? Est-ce qu'on veut utiliser un moyen de pression sur le gouvernement de la province? Qu'est-ce que c'est au juste?
Nous nous posons la question et je pense que c'est tout à fait légitime. On se demande pourquoi on doit le faire si rapidement. Le comité devrait pouvoir attendre en votant une motion à l'unanimité. Il serait acceptable et souhaitable que tous les articles soient étudié l'un après l'autre.
Je suis très heureuse d'avoir pu participer à cet exercice que je juge très démocratique et très important pour tout le monde. J'espère que les prochains intervenants auront des discussions de fond sur le sujet et ne parleront pas de leur chat, de leur soupe ou de leur poisson rouge. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci, madame Guay.
[Français]
M. Paul Crête: Est-ce que vous avez d'autres personnes sur votre liste?
[Traduction]
Le président: Oui, moi. Je veux intervenir. Ensuite, ce sera au tour de M. Gallaway.
Je voudrais rappeler à tous les membres présents que ce jour, le 7 mai, est la journée que nous avions réservée pour étudier le projet de loi article par article. Et au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, nous n'avons encore abordé aucun de ces articles. Tout cela pour vous rappeler qu'en fin de compte nous avons un travail à faire et que le comité a également convenu de faire rapport du projet de loi à la Chambre demain.
Que tous ceux d'entre vous qui veulent intervenir s'en souviennent bien, parce que nous voulons accomplir notre travail et le faire dans le souci des échéances qui en feront partie intégrante.
Mme Shaughnessy Cohen: Passons à l'étude article par article.
Le président: Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, il y a peut-être d'autres députés qui veulent intervenir.
• 2055
Je voudrais dire qu'effectivement—et cela va dans le
sens de vos propos—, on n'a pas encore commencé l'étude
du projet de loi article par article, mais...
Est-ce qu'il y a un problème de traduction? Tout le monde comprend le français? Il n'y a pas de problème?
Je vous disais donc que vos propos m'avaient beaucoup intéressé. Cela fait plusieurs heures que nous débattons, mais nous n'avons pas encore pu vider la première motion parce qu'on a demandé un ajournement. Il y a une deuxième motion, moins dure que la première, qui demande tout simplement que certaines dispositions du budget ne soient étudiées article par article qu'après que l'on nous ait fait rapport du résultat de la négociation. On pourrait, assez rapidement, aboutir à l'étude du projet de loi article par article si la majorité libérale acquiesçait à la motion qui est sur la table ou faisait une contre-proposition ou quelque chose qui nous permettrait d'arriver à un résultat intéressant.
Je propose que le projet de loi C-36 portant exécution de certaines dispositions du budget, ne soit étudié article par article qu'après que l'on nous ait fait rapport du résultat de la négociation entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.
Il est donc dit que le projet de loi ne doit être étudié article par article qu'après que l'on nous ait fait rapport du résultat de la négociation. C'est peut-être là une solution pour qu'on puisse arriver à l'étude du projet de loi article par article. Je pense que c'est ce que l'on recherche depuis ce matin, à savoir la solution qui permettrait de commencer cette étude.
On verra bien ce qui va arriver à 11 h 59 ce soir, en fonction du travail qui aura été fait, des engagements qui auront été pris formellement et qui seront des engagements formels, sous forme de motion. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous voulons être assurés que ce qui sera décidé sera contenu dans une résolution formelle.
Je voulais juste préciser cela par rapport aux éléments que vous avez apportés. Je vais maintenant céder la parole à un autre député qui est prêt à intervenir sur ma motion et qui peut avoir le goût de continuer le débat, pour voir ce qui peut être proposé. Ce n'est pas une nouvelle motion que je propose. J'ai juste relu la motion qu'on a proposé en disant qu'il y avait un appel pour que le gouvernement mette sur la table quelque chose qui soit acceptable. C'est sur la pièce maîtresse du projet de loi que nous voudrions que la négociation entre Québec et Ottawa soit menée à bon terme. Qu'il y ait un accord ou qu'il n'y en ait pas, l'important est qu'on aboutisse à un résultat pour cette partie du projet de loi. Le reste du projet de loi concerne des sujets sur lesquels on peut être d'accord ou non, proposer des amendements ou non, mais qui ne sont pas aussi fondamentaux pour nous.
Je lance cet appel à la majorité libérale et j'espère que vous pourrez trouver une solution à ce problème. Personnellement, je ne me sens pas du tout responsable du retard. Je sais qu'on a pris beaucoup de temps, qu'on a expliqué notre point de vue en long et en large, mais vous avez eu l'occasion de réfléchir à la façon dont on pourrait s'assurer d'étudier le projet de loi article par article en ce qui concerne les bourses du millénaire, une fois le résultat de la négociation connu. Pour moi, c'est l'argument le plus facile, le plus logique, et je constate que personne ne l'a réfuté. Quand le premier ministre du Canada a pris l'engagement de faire une négociation, le minimum qu'on puisse faire et est de respecter la période de négociation. C'est la raison de ma motion. Je voulais éclaircir ce point par rapport à votre intervention, monsieur le président, et permettre à un autre député de prendre la parole car il y en a quelques uns qui vous ont fait part de leur désir de parler là-dessus.
Je crois que mon collègue M. Dumas avait demandé la parole.
[Traduction]
Le président: Monsieur Crête, en ma qualité de président, c'est moi qui décide à ce sujet, et non pas vous.
[Français]
M. Paul Crête: Oui, oui, bien sûr.
Des voix: Oh, oh!
M. Paul Crête: C'était juste un rappel. Je n'ai rien décidé, monsieur le président. Je n'ai pas la prétention de décider de quoi que ce soit.
[Traduction]
Le président: À moins que les murs de la salle ne soient en train de bouger.
[Français]
M. Paul Crête: Il est certain que si je décidais, cela se passerait autrement.
M. Yvan Loubier: Ajoutez-en.
[Traduction]
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Monsieur le président, j'ai entendu plusieurs choses et j'ai également constaté plusieurs attitudes intéressantes de la part de certains députés. L'un de nos membres est parti du principe que plus il parle fort, plus il est logique. Il s'agit, dirais-je, d'une hypothèse très intéressante. Plus il hurlait, plus il se croyait logique.
J'ai également entendu relater certaines anecdotes plutôt pathétiques relatives au passé de certains des membres, sans vouloir nommer personne du sud de l'Ontario. Je les ai entendus parler de leur vie familiale assez banale, de leur attachement à certains animaux.
Je me dois de présenter mes excuses auprès de nos collaborateurs, qui sont obligés de subir tout cela ce soir, monsieur le président.
Je voudrais pourtant appeler votre attention, par quelques commentaires, sur les réflexions de la dernière intervenante, parce que, je dois l'avouer, elle lisait fort bien. Je tiens à féliciter les chargés de recherche de son parti qui ont aussi joliment composé un aperçu sélectif de leurs convictions. Cela étant, je ne pense pas que cette intervention ait fait progresser le débat.
Je suis convaincu que ce texte a été fort bien lu, mais il faut néanmoins signaler pour mémoire que la personne en question n'a pas contribué au débat, n'a pas réfléchi, mais s'est bornée à venir nous lire quelque chose.
Je voudrais également appeler votre attention sur un terme qu'elle a utilisé très souvent à la toute fin de son discours, le mot «pouvoir». Ce dont il s'agit ici ce soir, c'est une question de pouvoir. Ce soir comme pendant toute la journée, ce dont nous avons parlé, si vous me permettez une paraphrase un peu biblique—au risque de choquer certains de mes collègues—c'est que si un observateur objectif et impartial s'était joint à nous ici ce soir, il aurait conclu que ce que nous venons d'entendre était un discours un peu pharisien.
C'est un adjectif peu usité en français et qui vient de la Bible.
Une voix: Il vient des Pharisiens?
M. Roger Gallaway: C'est cela, les Pharisiens.
Je pourrais peut-être vous citer encore la Bible et vous rappeler le discours des Pharisiens. Les Pharisiens étaient ces gens, des rabbins, qui interprétaient à la lettre chaque mot. Ils avaient un code très strict, et eux seuls, dans leur infinie sagesse, pouvaient discerner où était la vérité. Eux seuls pourraient nous dire...
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je fais un appel au Règlement. Excusez, monsieur Gallaway. Excusez-moi.
Vous savez bien que les comités sont censés être l'extension de la Chambre des communes. On a donc besoin d'un minimum de décorum pour entourer les travaux du comité et les personnes qui participent aux travaux du comité.
Je m'aperçois cependant que Mme Shaughnessy Cohen a le dos tourné aux orateurs et qu'elle a les deux pieds sur le banc. Elle est en train de lire un roman. Tout à l'heure, j'ai vu que Mme Torsney était pieds nus et en train de manger je ne sais quoi. Elle lisait son journal. Elle regardait le mur aussi. Je trouve que ce sont des attitudes inadmissibles, monsieur le président. Il faut un minimum de décorum, et votre rôle est de rappeler vos députés à l'ordre. Cela n'a absolument pas d'allure. On n'est pas dans une dump. On n'est pas dans une soue à cochons. On est à un comité de la Chambre des communes.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier, j'accepterais ce genre de sermon de la part de quelqu'un qui respecte la présidence. Vous venez de reprendre votre place, et avant de quitter la salle vous m'avez traité de dictateur. Ce n'est pas vraiment le genre de décorum parlementaire dont vous vous réclamez.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je fais appel au Règlement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Et entre parenthèses, j'espère que vous...
[Français]
M. Yvan Loubier: Je fais un appel au Règlement, monsieur le président. Je maintiens que vous êtes un dictateur. Je le maintiens et je vais continuer à le penser. Je vais maintenant travailler d'une façon différente et vous allez vous en apercevoir, mais là n'est pas la question. La question, c'est qu'il y a des députés qui regardent le mur, qui lisent des romans. Il y en a d'autres qui n'ont pas de souliers à leurs pieds. Je trouve que ça n'a pas d'allure.
[Traduction]
Le président: S'agissant du décorum et de tout ce qui s'ensuit, vous n'avez pas de leçon à me donner. Je pense que, très franchement, vous avez eu ce soir un comportement méprisable.
Mme Shaughnessy Cohen: Bravo!
[Français]
M. Yvan Loubier: Et en ce qui concerne la présidence et la capacité d'assumer une telle fonction, je conteste votre capacité à le faire, étant donné le commentaire que vous venez d'ajouter. Je trouve que c'est inadmissible de faire cela et je maintiens que vous avez agi en dictateur tout à l'heure en nous enlevant notre droit de parole. De toute façon, on peut rester chacun sur nos positions tant qu'on voudra.
M. Denis Coderre: Je fais appel au Règlement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Un instant, monsieur Coderre, laissez-moi d'abord répondre à M. Loubier. Monsieur Loubier, je pense qu'en me traitant de dictateur, soit vous aviez des hallucinations, soit vous vous pensiez dans un autre pays. Il y a toujours un moment où il faut songer à la réalité dans laquelle on se trouve.
[Français]
M. Denis Coderre: Je fais appel au Règlement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Oui, monsieur Coderre.
[Français]
M. Denis Coderre: Il y a un article extraordinaire qui s'appelle l'article 117 et qui dit que le président est là pour maintenir l'ordre et assurer le décorum. Personnellement, en tant que représentant du comté de Bourassa et des 94 000 personnes qui y demeurent, j'accepte très mal qu'on attaque la présidence et qu'on attaque l'intégrité du président en le traitant de dictateur et en sortant continuellement des propos disgracieux. En étant disgracieux avec la présidence, on est disgracieux, justement, avec l'extension de la Chambre des communes. Donc, vous êtes disgracieux envers la Chambre des communes.
J'aimerais qu'il retire ses paroles et qu'on puisse laisser la parole à mon collègue Gallaway, parce qu'on les a entendu dire la même chose pendant assez longtemps. Je voudrais donc entendre mon collègue Gallaway.
M. Yvan Loubier: Je vais écouter votre collègue Gallaway, mais je ne retirerai pas mes paroles.
[Traduction]
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: Je vais poursuivre.
Ce que je veux, moi, c'est aller au fond des choses.
Le président: Je vous en prie.
M. Roger Gallaway: Mais ils sont ici aujourd'hui. Les Pharisiens sont parmi nous.
Mme Paddy Torsney: Les Pharisiens béats?
M. Roger Gallaway: En effet, parce que ce que j'ai entendu, c'est que seules certaines personnes peuvent discerner la vérité. Seules certaines personnes ici présentes savent quand le gouvernement a dépassé les bornes. Seules certaines personnes ici présentes savent quelles sont ces bornes... Nous avons entendu...
Mme Paddy Torsney: Ils ont mal digéré leur pizza.
M. Roger Gallaway: Encore une fois, je dois avouer que jusqu'à présent ils ont fait preuve d'une absence remarquable de sens de l'humour, mais également d'une absence remarquable de sens du décorum, étant donné certains des qualificatifs qu'ils vous ont donnés, monsieur le président. Et pourtant ce sont ces mêmes personnes qui, semble-t-il, peuvent discerner ce qu'est le décorum et peuvent parler de démocratie; ce sont les mêmes qui peuvent parler de pouvoir et qui peuvent se prétendre compatissants.
Et c'est précisément de cela dont parle ce budget, ce budget auquel ils font obstacle ce soir. Par ce budget, nous voulons aider la jeunesse. Par ce budget, nous voulons garantir notre avenir. Par ce budget, nous voulons assurer l'avenir de notre jeunesse, et pourtant, malgré tout cela, il y a parmi nous ces Pharisiens qui viennent nous dire quÂeux seuls peuvent déterminer où se situe la frontière entre les compétences—et d'ailleurs nous l'avons déjà déterminée, cette frontière—et que ce que nous faisons dépasse les bornes. Par conséquent, même si la jeunesse québécoise a besoin d'aide et réclame de l'aide dans le domaine des études supérieures...
Mme Paddy Torsney: Les gens du Bloc ne vous écoutent pas, et c'est eux qui voulaient nous faire la morale.
M. Roger Gallaway: En effet.
Le président: Excusez-moi; pouvons-nous avoir un peu de silence, je vous prie?
M. Roger Gallaway: Ils nous disent qu'à cause de cette frontière entre juridictions, ils ont conclu que nous ne pouvions pas aller plus loin. Cela ressemble à l'histoire des Pharisiens qui avaient refusé de s'arrêter pour venir en aide, ce que fit le bon samaritain—je savais que Mme Cohen apprécierait l'allusion—parce qu'ici nous offrons une aide, mais les Pharisiens nous disent: excusez-nous, mais c'est nous seuls qui avons la faculté de juger de ce qui est approprié, de ce qui appartient à telle ou telle sphère de compétence, de ce qui est conforme à la Constitution. Par conséquent, même si c'est nécessaire, même si c'est ce que les gens réclament, nous allons dire non.
• 2110
Quelle façon étrange de s'abstraire ainsi de son avenir
collectif. Quelle façon étrange de dire non à la jeunesse. Quelle
façon étrange de dire non à l'avenir collectif de toute une
province, de tout un pays.
En faisant cela ils nous disent qu'à cause de leurs opinions très convaincantes et très autocentrées sur ce qu'est cette question de compétence, sur ce qui est constitutionnel, ils vont refuser qu'on vienne en aide à ces gens et qu'on assure ainsi leur avenir. Et en restreignant ainsi leur avenir, ils restreignent aussi celui de la province et compromettent celui du pays.
C'est cela qui se produit lorsqu'on s'englue dans des convictions philosophiques—et ici quasiment théologiques—qui finissent par vous rendre aveugle à la réalité. Je pense que c'est un constat extrêmement affligeant sur la démocratie.
Permettez-moi de parler quelques instants de démocratie. Je ne veux pas vous parler de chiens ou de chats, mais de démocratie.
Il s'agit ici, comme le signalait Mme Cohen, d'un débat d'obstruction, et cet obstructionnisme est une tentative désespérée pour battre en brèche la volonté d'une démocratie, puisqu'un débat d'obstruction est en règle générale un dernier acte fait en désespoir de cause.
C'est cela que nous voyons ici aujourd'hui, un acte de désespoir. Un acte de désespoir qui fait fi de tout le processus démocratique. Fort heureusement, un débat d'obstruction ne dure qu'un temps, de sorte que nous savons que cette farce futile à laquelle nous sommes mêlés ce soir va se terminer d'ici quelques heures, mais nous savons aussi que les Pharisiens n'ont pas dit leur dernier mot, puisque demain ils vont dire que le processus démocratique a été encore une fois attaqué parce qu'ils sont incapables d'accepter l'opinion de la majorité, de sorte qu'ils doivent forcément recourir à ce genre de procédé.
En faisant cela, ils tournent en fait le dos à la jeunesse québécoise. Ils ont beau vociférer autant qu'ils veulent ici ce soir, ils ont beau en profiter pour faire toutes sortes de réflexions improvisées, cela ne me dérange pas du tout. Mais je pense que si les gens venaient assister ici à ce genre de sortie absolument pathétique que nous livrent les gens d'en face—les Pharisiens du Canada—ils comprendraient que ces gens-là ne font aucun cas de la jeunesse.
Mais je voudrais maintenant revenir au budget et aux véritables piliers, c'est-à-dire que par ce budget nous disons que nous voulons aider la jeunesse canadienne. Parlons de l'avenir. Le dernier intervenant de l'autre côté nous a pour sa part livré une dissertation fort bien lue et composée de façon très sélective sur le passé, le passé étant les années 60, les années 20, les années 1870, mais sans aucune vision de l'avenir. Je pense qu'il est affligeant de voir qu'en essayant de faire obstruction ici ce soir, ils aient jugé bon d'évoquer le passé au lieu de parler de l'avenir.
Merci, monsieur le président.
Le président: Tous ceux qui sont en faveur de la motion?
[Français]
M. Yvan Loubier: Il vous a demandé la parole.
M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau, BQ): Mme Torsney a pris mon nom tout à l'heure, quand j'ai demandé la parole à la présidence.
M. Yvan Loubier: Il vous a demandé la parole. M. Dumas vous a demandé la parole.
M. Maurice Dumas: Non, je l'ai demandée à Mme Torsney.
[Traduction]
Le président: Monsieur Dumas, vous pouvez prendre la parole, d'accord?
M. Maurice Dumas: D'accord, je vous remercie.
Le président: Vous pouvez avoir la parole; la voulez-vous?
M. Maurice Dumas: Évidemment.
Le président: Alors dites-le-moi.
M. Maurice Dumas: Vous avez mon nom.
[Français]
Vous avez mon nom.
Monsieur le président, j'ai écouté tout à l'heure Mme Cohen avec un certain sourire, a certain smile. Évidemment, je connais bien Mme Cohen et je regrette qu'elle me tourne le dos aujourd'hui. Elle ne faisait pas ça quand nous avons fait un agréable voyage ensemble au Caire.
Je pense que nous n'avons pas d'exemple, mais nous n'avons pas de reproche à nous faire quand on parle des filibusters. Mme Cohen nous a raconté toutes sortes de choses au sujet de sa ville de Windsor, au sujet de sa chatte ou de son chat. Je pourrais vous en parler également. Je pourrais parler des villes de ma circonscription. Je pourrais vous parler également de mes quatre chats, mais je ne le ferai pas. Je pense que ce qu'elle nous a raconté était sûrement plus intéressant que ce que les sénateurs conservateurs ont déjà eu à subir de la part des sénateurs libéraux quand ils ont fait leur fameux filibuster sur la TPS il y a quelques années.
Je vais revenir aux choses sérieuses monsieur le président, après ces quelques remarques. Depuis le début de la fédération canadienne, l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 reconnaît la compétence exclusive du Québec dans le domaine de l'éducation. Évidemment, vous avez déjà entendu cela, mais en tant qu'ancien professeur—ce que j'ai été pendant 46 ans—, je sais que quand on s'adresse à ses élèves, il faut souvent répéter les mêmes choses pour qu'elles soient comprises.
Le 18 décembre 1997, l'article 93 a été modifié par proclamation du gouverneur général du Canada. Plus précisément, l'adoption d'un nouvel article 93A a rendu inapplicables au Québec les paragraphe (1) à (4) de l'article 93 qui concernent les droits confessionnels.
Le nouvel article 93A se lit comme suit:
-
93A. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ne s'appliquent
pas au Québec.
Seul le paragraphe introductif de l'article 93 s'applique donc au Québec, soit celui qui lui reconnaît une compétence exclusive dans le domaine de l'éducation.
Pour le Québec, il se lit comme suit et je cite:
-
93. Dans chaque province, la législature pourra
exclusivement décréter des lois relatives à
l'éducation,...
Donc, la compétence exclusive du Québec en éducation est indiscutable et ne laisse aucune place à une intervention fédérale.
Je viens de vous dire que l'éducation est une domaine de compétence exclusive des provinces et ce, en vertu de la Constitution. Le Québec assume pleinement ses compétences dans ce domaine.
-
En 1953, Québec
bloque le projet fédéral de subventionner
directement les universités canadiennes par le biais de
la Conférence nationale des universités canadiennes.
M. Denis Coderre: Je voudrais avoir une précision. C'est la troisième fois qu'on lit le même texte et les mêmes dates. On ne peut pas refaire l'histoire continuellement. Sur le plan de la réglementation, est-ce que la redondance existe? Est-ce qu'on a le droit de faire ça? Si c'est le cas, j'aimerais savoir aussi si le député est d'accord sur tout ce que Duplessis a fait en matière d'éducation pour le Québec et si c'était vraiment extraordinaire.
M. Yvan Loubier: Un appel au Règlement, monsieur le président. On ne peut pas refaire l'histoire effectivement. Nous nous intéressons à l'histoire et, si nous voulons éduquer nos amis libéraux qui ne semblent pas connaître leur histoire, il est normal qu'il y ait certaines redondances. Vous devriez savoir, monsieur le député de Bourassa, que la redondance existe en communication. C'est à force de répéter un message qu'on le fait entrer dans la tête des gens et qu'on les fait changer d'idées. Pour l'instant, vous semblé pas mal bouché, mais ça pourrait se déboucher à un moment donné.
M. Maurice Dumas: J'ai dit tout à l'heure qu'un professeur devait répéter plusieurs fois la même chose pour la faire comprendre à ses élèves.
M. Denis Coderre: Parfois, c'est pour se convaincre personnellement.
M. Maurice Dumas: Ça m'étonnerait, monsieur Coderre.
Je continue.
-
Il s'objecte à la volonté du gouvernement
fédéral de remplacer, au moyen de subsides fédéraux, les
pouvoirs financiers essentiels aux provinces et de
pénétrer dans le domaine de l'éducation, domaine
exclusivement réservé aux provinces.
-
En outre, il
possède, depuis 1961, son programme d'aide aux
étudiants et étudiantes qui, en plus des prêts,
comprend des bourses.
-
En outre, certaines politiques récentes du
gouvernement central ont mis le Québec dans une
situation difficile, sinon impossible, où il n'avait
vraiment pas d'autre choix que d'offrir un ferme refus
et de proposer des solutions alternatives. Je pense
ici aux allocations scolaires pour étudiants de 16 et
17 ans et aux prêts aux étudiants.
Pour ces deux mesures qui touchent
indiscutablement le domaine de l'éducation, aucun
arrangement autre que ceux que nous avons proposés dans
le mémoire du Québec à la conférence n'était possible.
-
Dans le télégramme du 16 avril 1964 adressé à M. Jean
Lesage, M. Pearson écrivait:
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, serait-il possible d'avoir un peu de silence dans la salle? C'est très intéressant, ce que mon collègue a à dire, et les libéraux gagneraient à l'écouter.
M. Denis Coderre: Est-ce qu'on pourrait revoir la photo, parce que ça va avec le texte?
M. Yvan Loubier: Malheureusement, je suis allé la porter à mon bureau. Je ne voulais pas que vous me la preniez.
M. Maurice Dumas: Je continue, monsieur le président?
[Traduction]
Le président: Je tiens simplement à dire à M. Loubier que lorsqu'il s'agit de la tribune, du niveau de bruit et de la fonction du comité, c'est moi qui décide, comme je l'ai fait depuis le début de la soirée.
[Français]
M. Yvan Loubier: Mais il semble, monsieur le président, qu'il faut vous rappeler continuellement ce qu'est la bonne limite et ce qui ne l'est pas. Je me permettrai de vous conseiller de demander le silence parce que je n'entendais pas ce que mon collègue disait.
[Traduction]
Le président: Je ne pense pas qu'il faille me le rappeler. Je suis ici depuis le début de la soirée, alors que vous vous êtes absenté de nombreuses fois lorsque cela vous arrangeait...
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous n'êtes pas intervenu alors que tout le monde parlait.
[Traduction]
Le président: ... et vous n'étiez pas là pour écouter le débat jusqu'au bout. Abstenez-vous donc de me parler du maintien du décorum.
[Français]
M. Yvan Loubier: Mais à quoi jouez-vous, là? À quoi jouez-vous? Écoutez donc mon collègue.
[Traduction]
Le président: Je ne veux pas discuter avec vous. Ce n'est qu'un jeu.
Allez-y, monsieur Dumas; nous avons mieux à faire.
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est vous qui jouez avec les nerfs de tout le monde.
M. Maurice Dumas: Je continue, monsieur le président?
M. Yvan Loubier: Continuez, cher collègue.
M. Maurice Dumas:
@roti44 Si une province préfère s'en tenir à son propre programme de prêts, elle pourra recevoir une compensation équivalente.
C'est d'ailleurs ce que M. Bouchard a réclamé.
-
À titre d'information complémentaire, l'annexe I
comprend des extraits de la Conférence
fédérale-provinciale tenue à Québec du 31 mars au 2
avril 1964 ainsi que le télégramme de M. Lester B.
Pearson qui démontrent tant la position québécoise que
fédérale.
-
Dès 1964, le Québec a choisi d'exercer son droit de
retrait avec compensation comme le permet l'article 12
de la loi fédérale.
Je ferai remarquer qu'à cette époque, le premier ministre du Québec était l'honorable Jean Lesage. Je crois qu'on ne peut pas dire de Jean Lesage qu'il était souverainiste. D'ailleurs, il a été ministre fédéral il y a une quarantaine d'années. Certains députés ici n'ont sûrement pas connu M. Lesage, étant donné qu'ils n'étaient pas de ce monde à cette époque.
Je poursuis la citation.
-
À noter que toutes les provinces
et les territoires pouvaient s'en prévaloir et, outre
le Québec, les Territoires du Nord-Ouest ont aussi opté
pour le retrait du programme fédéral.
-
Au fil des ans,
le Québec a toujours maintenu sa décision de
retrait avec compensation du Programme canadien de prêts aux
étudiants.
C'est ce que le gouvernement libéral de M. Chrétien n'accepte pas.
Je me permets ici de reprendre la déclaration de Jean Lesage, premier ministre du Québec qui soulignait:
-
Le fait, pour le
gouvernement fédéral, d'offrir seulement des prêts aux
étudiants et non plus des bourses et des prêts comme ce
semblait devoir être le cas à un moment donné, peut à
première vue apparaître comme un effort pour éviter le
problème constitutionnel qu'aurait posé l'octroi de
bourses. En effet, par son contrôle sur le crédit, le
gouvernement fédéral peut donner l'impression de
demeurer à l'intérieur de sa juridiction en accordant
des prêts plutôt que des bourses.
-
Nous ne croyons pas qu'une telle façon de procéder
évite le problème constitutionnel. Les étudiants
eux-mêmes l'ont senti puisqu'ils se sont opposés
ouvertement à la nouvelle politique fédérale.
Je tiens à rappeler ici à M. Coderre que, peut-être, certains étudiants étaient d'accord sur ces bourses. Bien évidemment, lorsqu'on offre de l'argent à des étudiants, ils ne vont pas le refuser.
M. Lesage soulignait de plus:
-
La difficulté vient du
fait, non pas qu'il s'agisse de
prêts, mais de prêts sans intérêts destinés aux
étudiants. Les prêts seront consentis par les
institutions bancaires sur la garantie fédérale, mais
le gouvernement central se chargera de rembourser
l'intérêt. Ce remboursement devient dès lors une
subvention directe du gouvernement fédéral pour des
fins d'éducation. En outre, les citoyens à qui
celle-ci s'adresse
sont des étudiants, ce qui n'est
certainement pas le fruit du hasard, mais plutôt le
résultat d'une politique d'aide à l'éducation, domaine
exclusivement provincial.
• 2125
Pour ces deux raisons, le gouvernement du Québec...
On parle du gouvernement de l'époque, le gouvernement de Jean Lesage, le gouvernement d'un fédéraliste.
-
...ne peut accepter que le
programme fédéral envisagé s'applique tel qu'il est
maintenant prévu.
Par ailleurs, nous avons déjà mis sur pied un service d'aide aux étudiants. Les bourses que le gouvernement de Québec verse aux étudiants du Québec et les prêts qu'il consent chaque année représentent des sommes considérable. Nous exerçons déjà un effort particulièrement important en ce domaine, sans compter les sommes énormes que nous consacrons annuellement aux autres secteurs de l'éducation.
-
Dans les circonstances, et afin de résoudre le problème
posé par la politique fédérale de prêts aux étudiants,
le Québec demande que le gouvernement du Canada lui
remette, sous forme d'équivalence fiscale,...
C'est ce que demande M. Bouchard.
-
...les montants qu'il aurait
consacrés au remboursement de l'intérêt sur les prêts
consentis aux étudiants du Québec. Pour établir
cette équivalence, nous accepterions qu'on tienne
compte de la proportion relative de la population
québécoise.
Je cite toujours la déclaration de l'honorable Jean Lesage, premier ministre du Québec, premier ministre fédéraliste issu du cabinet de Lester B. Pearson:
-
Enfin, très brièvement,
j'ajouterai quelques mots sur deux autres sujets qui
étaient à l'ordre du jour. Ce sont les deux toutes
nouvelles initiatives du gouvernement fédéral, qui,
l'une et l'autre, à notre point de vue, constituent des
empiétements dans le secteur de juridiction provinciale
le plus important de tous, celui de l'éducation.
-
...Nous ne pouvons décidément pas accepter que
l'administration fédérale fasse l'erreur, quelle que
soit la bonne foi avec laquelle elle serait commise,
d'envahir ainsi un domaine qui est incontestablement de
notre juridiction et que, de plus, nous occupons depuis
trois ans passés. Il n'y a qu'une solution qui puisse nous
permettre d'éviter un conflit dont, très certainement,
nous ne voulons ni les uns ni les autres. Et cette
solution c'est la compensation fiscale, selon la
formule Diefenbaker-Sauvé qui permit naguère de
résoudre à l'avantage réel des deux gouvernements un
problème similaire. C'est une solution qui peut
s'appliquer immédiatement et nous épargner les
complications, et même les différends sérieux, qui
seraient le résultat inévitable d'un désaccord.
Je cite toujours M. Lesage.
-
En effet, nous devrons
nécessairement recourir aux
tribunaux pour faire respecter les droits
constitutionnels de la province si on ne donne pas
suite à nos observations.
Je continue de citant l'honorable Jean Lesage.
-
En outre, certaines politiques récentes du
gouvernement central ont mis le Québec dans une
situation difficile, sinon impossible, où il n'avait
vraiment pas d'autre choix que d'offrir un ferme refus
et de proposer des solutions alternatives. Je pense
ici aux allocations scolaires pour étudiants de 16 et
17 ans et aux prêts aux étudiants. Pour ces deux
mesures qui touchent indiscutablement le domaine de
l'éducation, aucun arrangement autre que ceux que nous
avons proposés dans le mémoire du Québec à la
conférence n'était possible.
-
...Un télégramme que tous les premiers ministres des
provinces ont reçu vendredi dernier, contient des
propositions découlant de ces négociations délicates et
difficiles. Il va sans dire que nous acceptons
entièrement
ces propositions. En voici la teneur:
-
b) Allocations scolaires: le gouvernement du Canada, conformément à
la position exprimée dans notre mémoire à la
conférence, remettra au Québec
sous forme
d'équivalence fiscale les montants
qu'il aurait versés
aux étudiants québécois de 16 et 17 ans si nous
n'avions pas déjà mis sur pied un programme similaire
d'allocations scolaires. Ce programme existe au Québec
depuis 1961.
Maintenant, vous me permettrez de lire une traduction du télégramme du 16 avril 1964, de M. Pearson à M. Lesage. Je parle toujours de ce même M. Lesage, qui était un ex-ministre du gouvernement Pearson et un fédéraliste. Vous voyez comment il défendait à ce moment-là le gouvernement provincial.
-
Le gouvernement
fédéral espère présenter sous peu une mesure
législative qui prévoirait la prolongation des
allocations familiales aux enfants de 16 et 17 ans qui
demeurent à charge ou bien parce qu'ils ne peuvent
travailler à cause de leur état physique ou parce
qu'ils continuent de fréquenter l'école.
-
...le gouvernement fédéral a l'intention de proposer des
arrangements selon lesquels des prêts bancaires
garantis seraient consentis aux étudiants des
universités dans chaque province, jusqu'à concurrence
d'un montant déterminé en faveur d'étudiants désignés
par l'organisme autorisé de la province. Si une
province préfère s'en tenir à son propre programme de
prêts, elle pourra recevoir une compensation
équivalente.
• 2130
Je termine ici, monsieur
le président.
Le président: Allez-y, monsieur Dubé.
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Merci, monsieur le président. Je vous retrouve avec plaisir. Vous vous souviendrez que lors de mon premier mandat, j'étais membre du Comité permanent du développement des ressources humaines. Avec Mme Cohen et certains autres collègues que je retrouve ici, nous avions fait une tournée à travers tout le Canada. Je le dis parce qu'il faut se rappeler ce contexte. On l'appelait à l'époque la réforme Axworthy. Vous étiez secrétaire parlementaire. C'est à partir de 1994 ou 1995, et à l'automne 1994, que nous avions fait cette tournée.
Je me rappellerai toujours ce que les gens, les jeunes disaient. Tantôt, certains collègues d'en face se demandaient: «Oui, mais les jeunes, que pensent-ils de tout ça?» Ils s'inquiétaient déjà parce que la réforme était un projet, un Livre vert, et nous avions fait notre tournée là-dessus. Il était question de coupures. Je m'en souviendrai toujours parce qu'il s'agissait de coupures dans le domaine de l'éducation. Les gens nous avaient également dit qu'ils étaient étouffés par l'endettement. Dans certaines universités, les étudiants disaient que les frais de scolarité étaient trop élevés et qu'avec les coupures, la situation budgétaire dans laquelle ils devaient déjà vivre serait encore plus difficile. Les universités annonçaient déjà qu'elles voulaient augmenter les frais de scolarité, et les étudiants disaient: «C'est intenable. On ne peut pas nous en demander davantage parce qu'on a déjà des problèmes actuellement.»
Nous avions rencontré un certain nombre d'anciens étudiants qui faisaient état de leur situation. Je me souviens des chiffres de l'époque. Il y avait tout près de 2 milliards de dollars de prêts non remboursés par d'anciens étudiants qui ne s'étaient pas trouvé d'emploi et qui disaient: «Nous, on est bien prêts à rembourser nos prêts, mais c'est difficile.» C'était des difficultés très prenantes pour les étudiants.
Or, le gouvernement, à la suite de cela, a fini par faire ce qu'il voulait, c'est-à-dire couper dans les transferts aux provinces en matière d'éducation. On a regroupé le tout avec la santé et l'aide sociale, et c'est devenu le Transfert social canadien. Mais le résultat est qu'il y a eu passablement de coupures.
Il est assez étrange que, quelques années plus tard, à la suite d'une autre élection, d'une autre campagne électorale, tout d'un coup, le gouvernement fédéral veuille offrir des bourses du millénaire.
J'ai récemment, comme la dernière fois à la suite de l'annonce du budget fédéral, consulté des étudiants. J'ai fait le tour d'institutions d'enseignement, surtout le cégep de Lévis-Lauzon parce que, dans mon comté, il y a un collège privé et il y a aussi un cégep public de 3 500 étudiants. À ma grande surprise, ils ont organisé—et ce n'est pas le Bloc québécois qui avait organisé ça, mais les étudiants eux-mêmes—une semaine thématique où ils ont parlé des problèmes dans le domaine de l'éducation, dont les bourses du millénaire. Les étudiants disaient: «Oui, mais les bourses du millénaire vont cesser un jour et il y a aussi et surtout la question du mérite.» Ils trouvaient qu'on ne tenait pas suffisamment compte de la notion de besoin dans le projet présenté par le gouvernement fédéral, censé entrer en vigueur en l'an 2000. Les étudiants mentionnaient: «Nous, nous allons à l'université l'année prochaine et c'est tout de suite qu'on en aurait besoin; ce serait idéal.» Le Québec a déjà un système de prêts étudiants et de bourses.
• 2135
D'ailleurs, à ma connaissance,
le gouvernement du Québec est le seul à offrir un
programme de prêts et bourses aux étudiants universitaires
ainsi qu'aux étudiants au niveau collégial. Il est
peut-être utile de rappeler cette différence à ceux qui
ne sont pas du Québec, ainsi que le fait qu'après leurs
études secondaires, les étudiants qui se proposent
d'aller à l'université suivent un programme
d'enseignement général de deux ans au niveau collégial.
On n'exige que des frais d'administration et ils n'ont
à débourser aucuns frais de
scolarité. Ces études collégiales permettent aux
étudiants de mieux préciser leurs
intérêts et leur orientation.
Bref, c'est un système d'éducation différent, et c'est très bien comme ça, parce que la Constitution canadienne prévoit, comme on le sait, que l'éducation est de juridiction provinciale. Le Québec, de par son caractère unique—comme d'aucuns diront—ou comme société distincte, a établi un système particulier, celui des fameux cégeps.
On a dit qu'idéalement, après avoir atteint le déficit zéro, le fédéral devait réinvestir les sommes en surplus dans les paiements de transfert aux provinces au niveau où ils étaient avant 1995, soit avant le fameux régime du Transfert social canadien. Ainsi, le Québec pourrait améliorer non seulement son système québécois de prêts et bourses, mais surtout son système d'éducation dans son ensemble. Les compressions budgétaires qu'a effectuées le gouvernement fédéral auprès des provinces en ont obligé certaines—et mon collègue de Saint-Hyacinthe le sait—à réduire leurs dépenses en matière d'éducation.
Parfois, les jeunes Québécois, comme bien d'autres jeunes Canadiens qui rencontrent des difficultés financières, essaient de travailler à temps partiel, de faire toutes sortes d'efforts en vue de faire le nécessaire et de poursuivre leurs études. Bien qu'ils se comparent à leurs collègues étudiants au Québec, ils ne sont pas toujours conscients de ce qui se passe ailleurs. J'ai eu l'occasion de leur souligner cette semaine qu'ailleurs au Canada, les étudiants ne peuvent pas bénéficier d'un système de prêts et bourses. C'est peut-être bon pour les autres provinces, mais nous, nous avons la chance d'avoir un système de bourses.
L'endettement des étudiants québécois est deux fois moins élevé que dans le reste du Canada. Bien que ce système ne soit pas parfait, les jeunes comprennent qu'il est plus avantageux, ou à tout le moins moins pire. Lorsqu'ils terminent leurs études universitaires, au lieu d'avoir des dettes de l'ordre de 22 000 $ à 24 000 $, comme c'est souvent le cas ailleurs au Canada, les étudiants québécois qui obtiennent un baccalauréat ont une dette d'environ 11 000 $, soit deux fois moins, quoique c'est encore trop. Beaucoup de parents estiment aussi que c'est trop et ils ont raison.
Imaginez-vous la situation à laquelle doivent faire face les étudiants qui viennent de terminer leur bac universitaire et qui ont déjà des dettes de 11 000 $, au Québec, ou de 22 000 $ à 24 000 $, dans les autres provinces, et qui doivent se trouver un emploi. Puisque nombre d'entre eux ne peuvent trouver d'emploi, on leur suggère de lancer leur propre entreprise. Mais cela exige l'achat d'équipement et un bureau où ils pourront exploiter leur entreprise. Il faut donc qu'ils aillent emprunter. S'ils ont une blonde ou un chum et qu'ils décident de se marier, il faut qu'ils achètent des appareils ménagers, un réfrigérateur et des meubles. Pour cela, il faut de l'argent. Ils doivent donc emprunter. Les jeunes entrepreneurs se présentent à la banque en vue d'emprunter pour se procurer une automobile.
Il y a une limite à l'endettement. L'étudiant qui sort de l'université doit déjà rembourser des sommes considérables. Lors des séances d'un autre comité parlementaire, les représentants des banques nous décrivaient récemment la situation des gens qui veulent démarrer des entreprises ou démarrer dans la vie, point.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, est-ce qu'il y a suffisamment de silence à votre goût? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de rappeler les gens à l'ordre parce qu'ils parlent trop et qu'on les entend plus que mon collègue? Est-ce que ça vous va comme ça? Pas de problème? C'était juste une petite remarque que je voulais vous faire comme ça.
[Traduction]
Le président: Peut-être, monsieur Loubier, est-ce parce que je me concentre beaucoup sur ce que dit M. Dubé. Vous avez toute mon attention.
[Français]
M. Yvan Loubier: On n'a pas de traduction.
[Traduction]
Le président: J'ai dit que j'ai écouté très attentivement votre discours, de sorte que mon attention a peut-être...
Quel est le numéro du canal à utiliser pour écouter le français?
M. Yvan Loubier: Il n'y a pas d'interprétation en français.
[Français]
Évidemment, personne ne s'en aperçoit parce que personne n'écoute. Montez un petit peu la trompette et baissez les percussions.
M. Antoine Dubé: Cela m'inquiète, monsieur le président, qu'il n'y ait pas de traduction et que les gens ne puissent pas m'entendre.
[Traduction]
Le président: J'écoutais l'interprétation en anglais de votre intervention, et je n'ai pas eu de difficulté. J'écoutais donc votre intervention, et je suis désolé de ne pas avoir remarqué le bruit de fond. Peut-être étais-je trop concentré.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je trouve cela inquiétant. Vous devriez aller voir un spécialiste pour les oreilles. Je m'aperçois qu'il y a peut-être un problème. Il y avait des bruits de fond tout à l'heure venant de ce côté-là. Il y a un comité parallèle qui siège de l'autre côté et je l'entendais clairement de mon oreille gauche. Alors, vous avez peut-être un problème.
[Traduction]
Le président: J'ai vu qu'il y avait des consultations de part et d'autre, et je vous remercie de vous soucier ainsi de ma santé, même si vous n'avez aucune qualité particulière qui vous permette d'en juger mieux que moi.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est tout simplement une remarque que je vous faisais, sans arrière-pensée. Il faut se préoccuper de sa santé quelquefois.
[Traduction]
Le président: J'écoute leurs commentaires, et, comme toujours, je leur accorde l'importance qu'ils méritent.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je vous remercie, monsieur le président.
M. Antoine Dubé: Alors, je continue. Cette interruption m'a permis de prendre quelques gorgées de café et cela m'a fait du bien.
Mon collègue, le député d'Argenteuil—Papineau, un ancien enseignant, disait s'intéresser à la pédagogie. Il disait qu'il fallait parfois répéter pour s'assurer que les gens ont bien compris. Je suis un peu inquiet, monsieur le président, parce que je sais que parmi les collègues d'en face, il y a des gens très sensibles. Je pense à M. Assad qui se préoccupait de l'hépatite C et qui a exprimé à plusieurs occasions sa compassion. Mais il faut également avoir de la compassion à l'égard des étudiants.
À ce stade-ci de l'année, il ne reste que quelques semaines avant la fin de l'année scolaire dans les cégeps. Beaucoup d'étudiants nous disent que ces fins d'année scolaire sont pénibles. Quand on était plus jeunes—mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot s'en souviendra—, on vivait sur le beurre de peanut pendant les deux derniers mois. C'était très difficile et c'est encore parfois la situation aujourd'hui. C'est d'autant plus pénible que les jeunes se préoccupent des possibilités d'emploi. Ils se demandent à quoi il sert d'étudier longtemps s'ils ne sont pas vraiment assurés d'obtenir un emploi en fin de course. Il faut être à l'écoute de ces préoccupations.
C'est pour cela que je reviens à ma consultation sur les bourses du millénaire. Les gens n'en revenaient qu'on propose ces bourses. Ils disaient qu'elles seraient un système de bourses parallèle à celui du Québec. On se demandait comment les demandes de bourses seraient traitées. On n'a pas répondu à toutes les questions. On se demande s'il faudra présenter parallèlement deux demandes, tout comme l'on remplit deux rapports d'impôt, et en faire parvenir une à la Fondation. Les bourses n'arrivent pas comme ça.
• 2145
On a beau avoir un bon système au Québec,
les étudiants doivent quand même présenter des
demandes et parfois y inclure certains documents et
pièces justificatives. Face à ce deuxième système de
bourses, ils devront se préoccuper de présenter
une deuxième demande et peut-être de remplir des
formulaires qui ne concordent pas nécessairement avec
les autres. L'approche sera différente et ils s'en
inquiètent. Ils se demandent ce qu'est ce double
système, pourquoi on ne pourrait pas continuer à utiliser le système
actuel et surtout s'il n'y aurait pas moyen de
l'améliorer et de le bonifier, étant donné que le
fédéral, semble-t-il, trouve de l'argent maintenant.
Le vérificateur général s'est aussi inquiété. Je lisais dans les journaux qu'il y avait eu un débat et je je sais que mes collègues en ont été témoins.
M. Yvan Loubier: Oui, nous en parlerons tout à l'heure.
M. Antoine Dubé: C'était assez spécial comme situation puisque le vérificateur général dit que c'est inhabituel. Il se demande même si c'est conforme aux règles normales. S'il a fait cette affirmation, c'est sans doute parce qu'il pense que ce n'est pas conforme aux règles normales de comptabilité que d'inscrire dans les prévisions budgétaires de cette année des sommes qu'on ne dépensera qu'à partir de l'an 2000.
Un groupe d'étudiants universitaires que je rencontrais me disait que c'est bien beau, mais qu'ils étaient un peu scandalisés. Ils me demandaient: «C'est quoi cette affaire-là, monsieur le député Dubé? Nous sommes en 1998, et l'année prochaine nous obtiendrons notre baccalauréat et ce sera notre dernière année. Êtes-vous en train de nous dire qu'on nous annonce maintenant un programme qui ne sera mis en vigueur qu'en l'an 2000 et que nous n'y aurons pas droit?» On a déjà fait toute une publicité et ce programme est bien connu. Ça s'est répandu comme une traînée de poudre au Québec, cette affaire-là. Tout le monde en a entendu parler aux nouvelles. Et certains qui avaient mal compris pensaient que ce programme serait mis en vigueur dès l'année prochaine. C'est le principe que reprend le vérificateur général. Normalement, dans un budget, on annonce des initiatives qui seront mises en vigueur au cours de l'année financière qui s'en vient, peut-être à partir du 1er janvier de l'année suivante. Puisque ce programme touchait le domaine de l'éducation, les gens étaient portés à croire que ces fameuses bourses seraient versées dès septembre. Mais non, ce sont des prévisions pour l'an 2000. Les gens se demandent pourquoi on les annonce maintenant. C'est doublement frustrant pour les étudiants dont le budget est déjà très serré.
Mon collègue, le député libéral de Bourassa au Québec, a sans doute entendu de tels propos dans son comté. J'ai essayé de regarder cela du point de vue politique, mais il reste que la création de ces bourses vous permettra de faire plaisir à du monde, mais il y aura aussi des gens malheureux, dont les étudiants à qui l'on annonce des bourses, mais qui ne pourront en bénéficier parce qu'il en sont à leur dernière année d'étude. Imaginez leur frustration, monsieur le député de Bourassa, quand ils constatent qu'il n'y auront pas droit, tandis qu'une année plus tard, ils auraient peut-être pu en bénéficier.
Certains ont poussé l'analyse plus loin et se sont dit: «Oui, c'est bien beau, mais est-ce que tout le monde y aura droit?» Ils se sont mis à calculer et j'ai fait les calculs avec eux. Il est possible que je me sois trompé, monsieur le président, car je ne pense pas détenir la vérité absolue. Environ 250 000 étudiants du niveau collégial ou universitaire seraient normalement admissibles à ces bourses au Québec. Ils se sont mis à calculer et ont dit que finalement, tout dépendant du nombre et de l'inclusion des étudiants à temps partiel, entre 6 p. 100 et 7 p. 100 des étudiants en bénéficieraient. Certains sont arrivés à 10 p. 100, mais c'est un pourcentage de cet ordre-là. Or, le député de Bourassa devrait s'inquiéter dans ces circonstances-là. Cela veut dire que, même en extrapolant et en portant le nombre de bénéficiaires à 10 p. 100, 90 p. 100 des étudiants qui théoriquement pourraient y avoir droit n'en bénéficieront pas. C'est 90 p. 100 des jeunes qui seraient frustrés.
Je ne comprends pas, dans ce contexte-là, quel est le raisonnement du premier ministre Chrétien. Un membre du Parti libéral m'a dit, et personne ne l'a démenti, que c'est une idée à laquelle M. Chrétien tient personnellement. Apparemment, ce n'est pas M. Pettigrew, mais M. Chrétien, qui y tient. C'est son projet et il veut passer en quelque sorte à l'histoire pour avoir annoncé ces bourses du millénaire pour l'an 2000.
• 2150
C'est un nouveau millénaire. Donc, il a pensé
qu'il vaudrait peut-être mieux offrir cela aux jeunes
plutôt plutôt qu'aux personnes âgées dans
d'autres domaines. Mais ces jeunes pensent que si,
seulement 10 p. 100 des étudiants y ont droit, les 90 p.
100 qui restent se sentiront frustrés.
Je trouve que l'analyse qu'on faite les députés du Parti libéral là-dessus est dangereuse politiquement parce que 10 p. 100 seront peut-être contents de l'avoir, mais les autres 90 p. 100 seront certainement fâchés de ne pas y avoir droit.
Parmi ceux qui pourraient l'obtenir théoriquement parce qu'ils en ont besoin ou parce qu'ils le méritent, certains étudiants québécois m'ont dit: «Pensez-vous, monsieur le député de Lévis, qu'on va se laisser avoir? On n'est pas des nigauds. On ne se laissera pas avoir par un mirage, une bourse qui viendrait sous forme d'un chèque du fédéral, avec une feuille d'érable dessus, fût-elle donnée par la Fondation des bourses du millénaire qui va être créée spécialement pour cela. Pensez-vous honnêtement que nous soyons dupes et que nous allons nécessairement approuver le gouvernement fédéral en le disant beau et gentil?»
C'est la raison pour laquelle j'ai été très étonné par une réponse du premier ministre à un jeune député lors d'une période de questions. Un jour, pendant une période de questions, mon collège de Lac-Saint-Jean, le plus jeune député du Parlement, Stéphan Tremblay, demandait au premier ministre d'avouer que les bourses du millénaire étaient créées pour des raisons de visibilité, ce à quoi le premier ministre, dans une grande candeur, a répondu qu'effectivement, il était temps que le gouvernement fédéral rende visible son action dans le domaine de l'éducation pour que les jeunes se rendent compte du bien-fondé de cette action.
C'est donc strictement la visibilité qui importe au gouvernement. Mais cette visibilité, comme je le soulignais tantôt, risque de subir un contrecoup. Le Bloc québécois vous donne l'occasion de retirer tout ça avant que vous n'ayez des ennuis. Vous allez sûrement avoir des ennuis. Vous pensez que vous allez faire plaisir à des gens, mais en fait vous allez déplaire à 9 personnes sur 10. D'autre part, ceux qui recevront le chèque ne changeront pas forcément d'avis sur ceci ou cela. Les étudiants trouveront sûrement que le système est injuste puisqu'il n'est pas basé sur les besoins mais sur le mérite. Je pense qu'il faudrait parler un peu de cette notion de mérite.
Mérite veut dire performance. Les étudiants ont des professeurs de sociologie qui leur disent que l'avenir, c'est le travail en équipe. L'avenir, ce n'est pas l'individualisme. Il ne s'agit pas de penser que l'on est meilleur que l'autre. Il ne s'agit pas de penser que les meilleures notes font les meilleures personnes. Ce serait inquiétant si c'était ainsi. On nous dit que pour être performant dans le monde professionnel, il faut avoir l'esprit d'équipe et travailler dans un bon environnement social. Je pense que les jeunes partagent cet avis. Ils croient au mérite collectif.
D'autre part, les gens nous demandent sur quoi on se base pour juger de la performance. Strictement sur les notes? Comment comparer, madame la présidente, deux disciplines universitaires différentes, par exemple la formation dentaire par rapport à la médecine? Est-ce qu'on peut les comparer? J'entrevois toute une série de chicanes sur la notion de mérite. On peut nommer toutes les formations universitaires et collégiales. On va mettre un certain de quota en médecine, en littérature, en histoire ou en anthropologie. Chaque domaine est aussi important, mais les uns vont dire que la médecine est bien plus difficile que l'anthropologie. Les autres vont dire que ce sont les sciences pures et qu'il faut avoir tel niveau de notes. Je vois là beaucoup de chicanes en perspective.
• 2155
L'esprit qui habite actuellement les étudiants, c'est
l'acquisition des connaissances, les notions de
développement personnel et le désir de mieux maîtriser
le champ de connaissances qui les intéresse.
Mais la Fondation des bourses du millénaire ne va s'occuper que des notes. Il faudra avoir la meilleure note, toujours la meilleure note. Alors, on va développer des stratégies pour obtenir la meilleure note. On ne va plus se fixer l'objectif du développement personnel. Le jour où j'ai entendu parler pour la première fois des bourses du millénaire, il m'a semblé que l'on parlait d'une fête. Je suis pourtant un gars sérieux, mais c'était comme si, le 1er janvier de l'an 2000, on allait tout d'un coup recevoir des bourses et d'autres prix. Je voyais cela comme le party du Jour de l'an avec les ballons, les sifflets et tout le reste. C'est à qui crierait le plus fort pour avoir le plus gros ballon. Pour les étudiants, c'est à qui criera le plus fort pour attirer l'attention du professeur.
Je ne vais pas vous décrire mes études, mais j'ai étudié longtemps en animation sociale. Il y a de nombreuses façons d'attirer l'attention du professeur. On peut faire toutes sortes de choses. On peut essayer de poser le plus grand nombre de questions, et des questions qui plaisent le plus au professeur. On peut s'étendre longtemps là-dessus, mais je sais que vous avez très bien compris ce que je voulais dire.
Je reviens encore à mon député de Bourassa que j'aime bien. Il est certainement dans une circonscription relativement confortable, mais je pense qu'il a travaillé très fort. Alors, il aurait peut-être droit à une bourse du millénaire de M. Chrétien.
Je pense qu'il a un certain mérite politique et qu'il aurait peut-être mérité une petite bourse, le bonus pour la candidat libéral parfait qui a enfin réussi à être député. Je blague, bien sûr, mais je sais qu'il a travaillé très fort pour arriver ici, dans ce Parlement. Je suppose qu'il va continuer à travailler très fort pour s'y maintenir. C'est son droit le plus légitime, n'est-ce pas, tout comme nous qui sommes arrivés ici. Nous n'y sommes pas arrivés sous le coup du hasard. Ce n'est pas parce que les gens nous trouvaient plus beaux ou plus fins, mais parce que le discours et les arguments invoqués par les candidats du Bloc québécois collaient à ce que les Québécois et Québécoises voulaient entendre. C'est la raison pour laquelle ils ont voté pour nous.
Je sais que l'on nous écoute sur la radio interne de la Colline parlementaire, mais je n'ai aucune honte à m'exprimer de cette façon ce soir parce que ce que je dis est basé sur des choses que j'ai entendu dire par plus d'une ou deux personnes.
Je me souviens de M. Parizeau qui attire pas mal de monde. Il était attendu cette semaine-là au cégep de Lévis-Lauzon. Mais c'était jeudi saint et il n'y avait pas de chambre. De plus, tout était fermé à 15 h 30 au cégep de Lévis-Lauzon. On posait des questions à M. Parizeau sur les acquis de la Révolution tranquille et également des questions sur l'éducation.
Combien de jeunes pensez-vous qu'il y avait dans la salle un jeudi saint pour écouter M. Parizeau au cégep de Lévis-Lauzon? Il y avait 700 étudiants et 50 autres à l'extérieur qui ne pouvaient pas entrer. Le sujet était la Révolution tranquille et le principal élément était la démocratisation de l'éducation.
• 2200
Le député de
Gatineau, M. Assad, se souvient de l'époque des
collèges classiques. Je m'en souviens aussi parce que,
dans ma région, le collège classique, c'était le Petit
séminaire de Rimouski. J'avais le malheur d'être le
quatrième des garçons et mes parents n'avaient pas la
possibilité de m'y envoyer.
J'ai donc dû attendre et laisser passer mon tour une année ou deux. Heureusement, en 1968, dans ma région, un cégep, le cégep de Rivière-du-Loup, a vu le jour. C'était dans le cadre de cette révolution que j'appelle culturelle. On a pu avoir accès à l'enseignement de niveau collégial. C'était gratuit et ce l'est toujours, sauf pour ce qui est des frais afférents, des frais administratifs. Et le coût abordable de l'université m'a permis de m'y inscrire. Mais avant que cela ne se produise, j'étais fort inquiet car, étant le quatrième garçon d'une famille de huit enfants—il y avait aussi quatre filles—, il était absolument impossible pour mon père, agriculteur de métier, de me payer de telles études.
Or, il s'est produit cette révolution dans l'enseignement. M. Parizeau le rappelait aux étudiants, à des jeunes qui n'ont pas connu cette situation. Il leur racontait ces faits. Nous sommes en 1998; on parle donc, ces temps-ci, du 30e anniversaire des événements de mai 1968, en France. C'était relié à une révolution mondiale. Mais au Québec, c'était l'époque de la démocratisation de l'enseignement: l'accessibilité de l'éducation, l'accès à l'éducation. Ce fut une chance extraordinaire.
Tout un système a alors été érigé pour permettre à plus de jeunes d'aller au cégep et à l'université. C'est extraordinaire. Je sais que cela s'est passé aussi dans les autres provinces, mais pour nous... On en parlait justement avec M. Dumas, qui est d'un âge encore plus respectable que moi et qui se rappelait l'époque de Duplessis.
Moi, je suis né en 1947. Je suis de la première année des baby-boomers. J'étais plus jeune mais le changement apporté dans le système d'enseignement a été pour nous, et on ne le rappellera jamais assez... L'éducation pour un Québécois, la langue française, nos combats pour le respect de la langue française, pour la promotion de la langue française... Mais la culture, c'est encore plus que la langue. C'est plus complet que cela.
Je suis toujours resté fidèle à la définition que donnait Guy Rocher de la culture; c'est une manière différente de penser, de sentir et d'agir. Nous, les Québécois, nous disons «distincts», mais pas parce que nous sommes meilleurs ou plus fins. Nous ne voulons pas dire par là que les gens des autres provinces sont moins intelligents.
C'est pour cela que la notion de mérite... C'est une façon d'être différents à laquelle nous tenons comme à la prunelle de nos yeux. J'entendais tout à l'heure des gens demander pourquoi nous faisons tout cela. J'entendais M. Gallaway dire qu'il ne trouvait pas très démocrate ce que nous faisons. Il nous faut expliquer des choses que nous pensions avoir déjà expliquées.
C'est pourquoi nous vous les expliquons à nouveau. Je pense qu'il y a une forme d'incompréhension, et c'est dommage. Je dirais qu'il y aurait sûrement quelque chose à faire si on s'écoutait vraiment mutuellement et si on prenait le temps de comprendre nos différences, dans le plus grand respect. Ce serait la solution. Mais encore faut-il comprendre pourquoi nous tenons autant à notre système d'éducation.
Pourquoi sommes-nous tellement allergiques aux normes nationales, comme M. Parizeau l'a toujours rappelé? M. Charest est maintenant chef du Parti libéral après avoir été chef du Parti conservateur. M. Parizeau nous invitait à relire le programme du Parti conservateur. Aux pages 30, 31, 33 et 34, si ma mémoire est bonne, M. Charest parlait de tests, même au niveau élémentaire, de tests nationaux dès la troisième année, je crois. Il proposait des tests à au moins trois reprises, pour s'assurer que les petits Québécois soient au même niveau que les gens de la Colombie-Britannique et du Yukon. C'est ridicule.
Nous ne voulons pas être pareils. Ce n'est pas que nous soyons contre, mais nous voulons demeurer nous-mêmes. Nous voulons nous développer en harmonie avec notre culture, en accord avec nos valeurs propres, etc.
J'espère qu'il ne le fait pas exprès, madame la présidente, mais cela me déconcentre un peu.
M. Yvan Loubier: Je veux invoquer le Règlement, madame la présidente.
• 2205
Vos collègues se trouvent drôles. En passant, je vous
dirai que je vous trouve beaucoup plus sympathique que
monsieur le président, mais c'est une autre question.
Je ne sais pas s'ils se trouvent drôles, le monsieur qui est assis à l'autre bout et qui fait craquer sa chaise depuis tout à l'heure et Mme Cohen qui joue avec des cannettes de boissons non alcoolisées. J'aimerais bien qu'ils manifestent un peu plus de respect pour mon collègue. Je trouve cela enfantin. Je trouve cela ridicule et je trouve qu'ils agissent comme des clowns. Serait-il possible d'avoir un peu d'ordre dans cette salle, madame la présidente? Je fais appel à votre gentillesse et à votre intelligence surtout.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci, monsieur Loubier. Je pense que nous avons maintenant le décorum voulu, et il me semble que mes collègues au bout de la table écoutent avec beaucoup d'attention. Peut-être voudriez-vous donc poursuivre.
[Français]
M. Antoine Dubé: Alors, je suppose que les chaises pourraient être huilées, parce que si on ne faisait que les bouger, on ne les entendrait pas. Mais dans la situation actuelle—je ne voudrais pas en faire un plat—, vu que cela me dérange vraiment, peut-être pourrait-on l'inviter à changer de chaise parce que celle-ci a l'air défectueuse.
M. Yvan Loubier: Oui, on pourrait prendre une chaise de cuir.
M. Antoine Dubé: Cela étant dit, madame la présidente, je vais continuer à parler des 700 étudiants présents, lorsque M. Parizeau s'exprimait sur la Révolution tranquille. Un élément de son discours était l'éducation et, surtout, les fameuses normes nationales. Je sais que Mme Cohen a participé à la tournée sur la réforme Axworthy. Je me souviens que lorsqu'elle était venue au Québec, à Montréal ou à Québec, j'avais cru déceler chez elle une sympathie envers cette différence, cette...
Là, il y a un problème.
M. Yvan Loubier: Madame la présidente, pourrait-on demander au grand et gros monsieur qui est au bout de la table de cesser de bouger dans sa chaise? Serait-il capable de rester immobile pendant cinq ou dix minutes? Qu'il tente de le réussir pendant seulement cinq minutes pour voir s'il est capable de rester immobile, de cesser de faire du bruit et de cesser de déranger mon collègue.
Cela me fatigue royalement, madame la présidente. J'espère que vous êtes plus efficace et que vous avez l'ouïe plus développée que le président qui vous a précédée. Cela commence à me taper sur les nerfs. Je demanderais que vous interveniez pour dire au monsieur en bleu...
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Votre souci pour notre santé me fait chaud au coeur. Je voudrais demander à mon collègue si ce fauteuil est assez confortable et s'il se sent bien à l'aise.
M. Roger Gallaway: Je suis tout à fait à l'aise. J'ai pris ma place au comité, je me suis assis, et je suis assez étonné d'entendre un collègue affirmer qu'il faut rester totalement immobile. C'est, dirais-je, un genre de censure assez odieux de la part des membres d'en face.
Mme Shaughnessy Cohen: J'espère qu'il ne s'agit pas d'une question d'attributs physiques.
M. Roger Gallaway: Je suis très impressionné par le fait que l'intervenant ne lit pas de texte, contrairement à ceux qui l'ont précédé. Me voilà assis ici. Mon collègue et moi avons longuement discuté de certains éléments de détail qui ont été abordés, et il faut de temps en temps que je bouge un peu.
La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Je compte sur vous pour ne pas faire trop souvent de trop amples mouvements.
Voulez-vous poursuivre?
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous savez qu'il existe des médicaments pour cela?
M. Antoine Dubé: Il aurait peut-être été intéressant que le débat soit télévisé ce soir. Je me souviens de l'époque où les débats ont commencé à être télévisés, à Québec ou même ici, à Ottawa, que ce soit ceux des commissions parlementaires ou ceux des comités. Automatiquement le niveau du décorum avait augmenté.
Autrement, et sincèrement madame la présidente, je tente... Si je suis venu ici ce soir, c'est pour livrer ce que je pense et pour livrer ce que m'ont dit les étudiants de ma circonscription à propos des bourses du millénaire. C'est sincèrement avec l'intention très profonde de tenter de vous convaincre. C'est une expression de la démocratie. Nous sommes dans un système parlementaire.
Nous voulons tenter de vous convaincre, avant qu'il ne soit trop tard, de modifier ou de retirer ce projet, comme nous vous le demandons, au moins le temps que durent les négociations. Si une entente était possible, ce serait avantageux pour tout le monde. Nous aimerions vraiment vous en convaincre. Quand nous disons que nous tenons au Québec, ce n'est pas pour rien, ce n'est pas par caprice, ce n'est pas pour faire l'enfant, ce n'est pas pour des raisons superficielles. C'est pour des raisons très profondes. Ce sont des choses qui tiennent à l'essence même, à la qualité de notre peuple, de notre culture, de notre être, de notre âme comme peuple.
• 2210
Peut-être d'autres réussiront-ils
mieux que moi. Jusqu'à maintenant, j'avoue que je ne
suis pas découragé parce que je suis tenace. Mais je
sens par ailleurs votre regard bienveillant et votre
attention. Je trouve cela intéressant et cela
m'encourage. Je vais donc continuer.
Quand on veut convaincre quelqu'un, il faut au minimum... Or, je remarque que le député de Pontiac?, de Gatineau—Labelle?...
M. Yvan Loubier: De l'Outaouais.
Une voix: Monsieur est de la circonscription de Gatineau.
M. Yvan Loubier: Gatineau. Notre collègue est de Gatineau.
M. Antoine Dubé: Je dois vous dire que j'habite la ville de Hull après avoir passé un an à Gatineau. J'habite du côté québécois pour me sentir en sympathie parmi mes concitoyens du Québec, ceux de ce coin-ci. Cela me fait du bien d'ailleurs parce que je peux, dans le quotidien...
Je fais cette parenthèse pour dire qu'au sortir du Parlement ou avant de s'y rendre, au petit déjeuner ou autrement, on peut rencontrer des gens qui, comme ceux de la région de Québec, de la circonscription de Lévis, dont je suis, réagissent de la même façon aux bourses du millénaire. J'ai constaté que, même dans l'Outaouais, quand on demande à un étudiant ce qu'il pense de cette fondation, sa réaction est relativement semblable. On me dit que les députés libéraux n'ont rien compris. On me demande comment ils peuvent laisser faire cela.
On me dit que les députés libéraux du Québec doivent savoir jusqu'à quel point les gens, qu'ils soient fédéralistes ou souverainistes, ceux qui ne sont pas prisonniers de la ligne du parti, ne lâcheront pas le morceau quant à ce qui leur tient à coeur. C'est un débat sur lequel il y a déjà eu des sondages et sur lequel il y en aura sûrement d'autres. Les gens sont d'accord sur la position du Bloc québécois. L'appui à notre position est de l'ordre de 65 à 70 p. 100 dans les sondages que j'ai vus. Cela correspond à une réalité très profonde. Moi, je voudrais vous en convaincre.
Je vous souhaite à nouveau la bienvenue, monsieur le président. J'ai le plaisir de voir que vous êtes revenu. Je sais que c'est long et que cela semble fastidieux. Mais, de votre part, cela me surprend, de vous qui avez été du Comité du développement des ressources humaines et qui avez fait la tournée. Je m'en souviendrai toujours; alors que vous étiez secrétaire parlementaire du ministre Axworthy, dans chaque grande ville où on allait, partout au Canada et aussi au Québec, il y avait des manifestations d'étudiants ou de gens qui disaient craindre les coupures, etc.
Au Québec, vous vous en souviendrez sûrement, monsieur le président, à Montréal—je ne dis pas que c'était la meilleure des choses—, il y a eu des tables renversées, des gens qui disaient que l'éducation au Québec, c'était différent. Vous vous en souvenez. Vous ne pouvez pas l'avoir oublié. C'était en novembre 1994. Vous étiez à Montréal et vous étiez le malheureux député désigné par votre parti pour affronter les médias et les manifestants tout en gardant votre calme. À ce moment-là, je dois le dire, vous m'avez impressionné parce que vous avez gardé votre calme. Vous n'avez jamais perdu patience devant les manifestants et vous n'avez pas cherché à fuir. Vous avez manifesté une belle capacité d'écoute et d'attention.
M. Yvan Loubier: C'était le bon temps.
M. Antoine Dubé: Cependant, je ne suis pas sûr que... Je ne m'adresse pas à vous, là. Je respecte beaucoup la fonction de la présidence, mais je vous avoue ne pas comprendre.
Je pourrais reprendre tous les arguments, mais je fais plutôt appel à la sensibilité des élus. Nous sommes en comité, entre nous ou presque. Honnêtement, y a-t-il quelqu'un ici du Québec qui peut affirmer que ce que je suis en train de dire, que l'attachement qu'on porte à notre système d'éducation, à notre système de prêts et bourses, est irréel, que ce n'est pas ce que le monde pense en profondeur au Québec? Y a-t-il quelqu'un qui est venu interroger des Québécois et des Québécoises, des jeunes et des gens d'autres âges? Il n'est pas besoin de sondages pour le constater. C'est présent dans les discussions, dans le quotidien, dans tous les rapports, dans les journaux, partout.
• 2215
Regardons les éditoriaux. Pourtant, ces gens ne
sont pas nécessairement de notre bord. Nous sommes
dans un pays libre et on sait que la presse a
la liberté d'expression. Je n'ai vu aucun
éditorialiste ou commentateur affirmer que le gouvernement libéral
avait raison de créer les bourses du millénaire ou
qu'il était dans la bonne voie. Et même mon ami
derrière moi, qui lit tous les
journaux de façon beaucoup plus assidue que moi, me fait signe
de la tête qu'il n'en a pas vu, lui non plus.
M. Yvan Loubier: Non, aucun.
M. Antoine Dubé: Vous devez en être conscients. On dit vouloir plaire aux Québécois et on propose de créer les bourses du millénaire, mais leur réaction est contraire à ce que l'on avait espéré.
Je ne sais pas si le député de Bourassa veut faire une longue vie au Parlement, lui qui a été obligé de se reprendre à quatre reprises, un peu comme l'ancien premier ministre du Canada qui a été obligé de reprendre son examen du Barreau à deux ou trois reprises.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, un rappel au Règlement, s'il vous plaît. Je sais que vous trouvez cela drôle, vous aussi, et c'est d'ailleurs pour cela que je doute de votre capacité d'assumer à nouveau la présidence du Comité des finances. Mais il y a un clown à l'autre bout de la table qui porte une chemise bleue et qui ne cesse de faire du bruit avec sa chaise. Cela fait trois fois qu'on le rappelle à l'ordre.
Un député: Excusez-moi.
M. Yvan Loubier: Et ça fait trois fois qu'il fait le clown comme cela. Arrêtez de faire l'innocent, monsieur le président. Ce serait peut-être une bonne idée que vous preniez votre rôle au sérieux. Tout ce qu'on dit est enregistré, il ne faut pas l'oublier. Je pense que vous avez des problèmes, dont de sérieux problèmes de crédibilité. On va porter plainte auprès du Président de la Chambre des communes. Je trouve tout à fait indécente la façon dont vous vous comportez et le fait que vous laissiez faire le grand et gros monsieur à l'autre bout qui agit en clown depuis à peu près une demi-heure en faisant grincer sa chaise. Il n'est pas normal qu'un président trouve cela drôle, rie et laisse passer une affaire comme cela.
On peut bien jouer ce jeu-là, mais je peux vous assurer qu'on va s'en souvenir et qu'on va jouer ce jeu-là à notre tour. La prochaine fois que vous nous demanderez notre collaboration au Comité des finances, vous allez frapper un fichtre noeud. Vous pouvez en être certain, vous avez ma parole, et cela va durer longtemps.
Alors, je vous demanderais au moins de prendre votre rôle au sérieux pendant les prochaines minutes et de dire au gros clown à l'autre bout d'arrêter de faire grincer sa chaise.
[Traduction]
Le président: Je ne comprends pas pourquoi vous vous sentez toujours obligé d'être agressif et de sermonner les autres. Ce soir, vous m'avez traité de dictateur. Votre collègue, M. Crête, a dit en substance que les fonctionnaires travaillaient pour un parti, et non pas... Lorsque vous dites ce genre de choses, puisque vous voulez parler de crédibilité, vous nuisez à votre propre crédibilité, parce que, bien franchement, il ne viendrait à l'idée de personne tant soit peu doué de décence d'utiliser ce genre de termes pour décrire quelqu'un.
Si c'est cela votre style, fort bien, vous pouvez vous en satisfaire, mais moi pas. De toute ma vie, j'ai eu le plus souvent affaire à meilleur que vous.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, ce n'est qu'un petit rappel au Règlement par rapport à ce que vous venez de dire. Ce n'est pas la première fois que je soumets à la présidence le fait qu'il y a du désordre ici. Tout tout à l'heure, lors de votre départ, quand Mme Redman a pris votre place, le gros monsieur à l'autre bout avec la chemise bleue qui fait grincer sa chaise a aussi fait grincer sa chaise en tentant de déstabiliser mon collègue.
Et vous, tout à l'heure, je vous ai surpris à regarder le gros monsieur avec la chemise bleue à l'autre bout de la table rire et trouver cela drôle. Alors, vous savez, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas quelque part. Comment voulez-vous qu'on respecte la présidence alors que la présidence agit de cette façon-là? C'est inconcevable. Pensez-y deux secondes. Ayez un petit brin d'intelligence pour cinq minutes.
On va avoir à travailler pendant trois autres années ensemble. Vous avez le choix, monsieur le président: soit que vous continuiez à faire ce que vous faites, soit que vous reveniez à de meilleures dispositions.
[Traduction]
Le président: Écoutez, monsieur Loubier...
[Français]
M. Yvan Loubier: Si vous arrêtiez de faire le pitre aussi. Je commence à en avoir marre.
[Traduction]
Le président: Vous voulez que je vous dise quelque chose? Lorsque vous parlez de crédibilité, vous n'êtes pas tombé sur la personne qu'il fallait. Cela fait plusieurs années que M. Dubé et moi-même travaillons ensemble. Lorsqu'il me parle des jeunes... nous avons consacré bien des soirées à comparer nos points de vue sur la jeunesse, et d'ailleurs, si vous voulez savoir qui était à l'origine du programme de stage pour les jeunes, et du Service jeunesse Canada, eh bien, c'était moi. Qui a présidé un groupe de travail national sur la jeunesse? C'était moi. Qui a participé à la mise au point d'une stratégie d'emploi pour les jeunes? C'était moi. Alors arrêtez-moi cela.
Et si vous voulez parler de contribution au processus d'élaboration des politiques, il vous reste beaucoup de chemin à faire. Alors ne m'attaquez pas sur ce plan, parce que vous...
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, vous mélangez continuellement les choses. Écoutez, je n'ai jamais remis en cause votre contribution politique, ni votre travail politique. Il ne faudrait pas non plus que vous vous preniez pour quelqu'un d'autre.
[Traduction]
Le président: Ne vous lancez pas sur cette piste.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ce que je vous demandais tout à l'heure, monsieur le président, c'est tout simplement de dire au monsieur à l'autre bout d'arrêter de faire grincer sa chaise et d'arrêter de rire. C'est tout ce que je vous demande et c'est votre rôle de maintenir l'ordre ici. Alors, permettez à mon collègue de terminer son discours dans de meilleures conditions. Il me semble que ce serait une bonne idée, et on discutera de ça un autre jour.
[Traduction]
Le président: Oui, mais n'en faites pas une affaire personnelle. Je vous ai déjà vu rire pendant des séances de comité. J'étais le président, et je l'ai vu. Il vous est arrivé d'éclater de rire. Je l'ai vu de mes yeux. Cette attitude hypocrite ne vous va donc pas du tout. Vous savez que c'est vrai.
Vous pouvez adresser ce geste de la main à quelqu'un d'autre, mais pas à moi. Non, je vous l'assure; je relève votre défi. Ne me faites pas cela, parce que cela ne fonctionne pas. Si vous voulez essayer de me forcer la main en utilisant la procédure parlementaire, cela ne fonctionnera pas non plus.
Vous faites ce geste. Que signifie-t-il?
[Français]
M. Yvan Loubier: Qu'est-ce que j'ai fait en vous posant cette question? Qu'est-ce que vous insinuez que j'ai fait dans votre direction? C'est important. Quel est le problème?
[Traduction]
Le président: Vous faisiez ce geste. Vous ne devez pas faire un tel geste dans ma direction. Apprenez les bonnes manières. Nous vivons dans une société civilisée.
Je peux vous sermonner à ce sujet, parce que je fais montre de beaucoup plus de savoir-vivre et de dignité ce soir.
Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: Monsieur le président, je pense qu'il ne sied pas à un membre du comité d'en traiter un autre de clown. Ce n'est pas de ce côté-ci qu'on a fait un cirque, c'est de l'autre côté.
Je remarque que le spécialiste en fauteuil de ce parti vient d'arriver. Il fait très chaud dans cette salle ce soir. Il est très difficile de se concentrer ce soir. Le député d'en face voudrait peut-être traiter de tous les noms le responsable de l'entretien de cet édifice, ou ceux qui s'occupent de son fonctionnement.
Si le grincement d'une chaise le dérange tellement, alors je pense qu'il est ici depuis trop longtemps ce soir et que sa capacité d'attention est réduite presque à néant. Cela ne le justifie cependant pas de s'attaquer à un député en utilisant à son endroit un terme non parlementaire.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, j'aimerais continuer. Ces altercations m'ont quelque peu dérangé, mais je suis capable de continuer. Dans quelques minutes, le député de Lac-Saint-Jean prendra la relève, et il le fera dans tous les sens du terme, parce que moi j'ai 50 ans, tandis qu'il en a à peine 24. Récemment, il a fait une tournée en compagnie d'autres jeunes députés du Bloc, les moins de 30 ans, et il va sûrement vous en parler.
J'aimerais continuer à vous parler des échanges que j'ai eus lors de la semaine que j'ai passée avec les étudiants du cégep de Lévis-Lauzon. Nous avons touché de nombreux sujets, mais je m'en tiendrai à l'éducation. Les gens ont de la peine d'avoir à un moment donné fait une manifestation devant l'Assemblée nationale parce que plusieurs d'entre eux n'avaient pas compris que les compressions budgétaires en matière d'éducation étaient en grande partie dues aux réductions des paiements de transfert. Il ne s'agit pas juste de se lancer la balle, puisqu'il y a des faits. Ceci est étroitement relié à l'exemple auquel je faisais allusion relativement à notre tournée au sujet des ressources humaines, dont vous vous souvenez sûrement. On a effectué des réductions très importantes en matière de transferts aux provinces dans le champ de l'éducation. Les étudiants ont de la difficulté à joindre les deux bouts et ils s'inquiètent beaucoup de voir qu'il y a de plus en plus de réductions dans le système d'éducation et qu'on risque encore de réduire encore de quelques millions de dollars le budget des cégeps prochainement. Bien qu'il y ait des négociations au niveau des professeurs, ces derniers sont protégés par des conventions que l'on respecte. Mais les réductions budgétaires se font davantage sentir au niveau des conseillers en orientation, par exemple. Les jeunes de 18 ou 19 ans ont encore besoin de conseillers en orientation et peut-être même de professionnels en psychologie ou dans un autre domaine pour être capables de garder un bon moral et de réussir à faire tout ce cheminement.
• 2225
Ils ont aussi besoin
de s'impliquer dans la vie étudiante. Il faut, dans
un milieu scolaire, des conditions intéressantes pour
que les études se fassent de la meilleure
façon possible et pour que les gens pensent à l'aspect
académique, mais il faut aussi former un bon citoyen, une
bonne citoyenne. Il faut avoir l'occasion de
s'impliquer dans son association étudiante, dans d'autres
comités ou d'autres domaines. Cela fait partie d'un tout.
Je ne prendrai pas plus de temps, parce que je sais que notre fougueux député de Lac-Saint-Jean a beaucoup de choses à dire. J'en profite pour lui rendre hommage. Dernièrement, à la Chambre des communes, j'ai voulu lui rendre hommage à l'occasion du débat sur les bourses du millénaire qui s'est tenu avant l'événement dont plusieurs ont parlé par la suite. Je voulais dire à quelqu'un qui est un baby-boomer jusqu'à quel point il n'y a pas un modèle unique en politique. Il n'y a pas qu'une seule façon de s'exprimer. Il y a toujours le langage politically correct, qui est à respecter et que tiennent des gens articulés.
Mais il y a des gens comme lui, et j'en profite pour lui rendre hommage, qui ont de la sensibilité, qui parlent avec leur coeur et qui ont, au préalable, écouté leurs concitoyens, qui ont une attitude d'écoute.
Cela se traduit dans tous les autres secteurs de la vie, incluant le Parlement, les comités et même dans des situations où il y a des débats assez intenses qui peuvent durer assez longtemps.
C'est une qualité que l'on peut reconnaître chez un député, soit la capacité de se mettre à la place de l'autre, de l'écouter, même si son point de vue est très différent. Il n'y a aucun changement possible, à mon avis, dans la vie de tous les jours, si on n'accepte pas de mettre de côté le blocage ou les idées toutes faites ou stéréotypées qu'on peut avoir et d'écouter les autres.
Je dis tout cela pour les gens ici qui ont une longue expérience, notamment pour M. Bevilacqua, notre président, qui est responsable du dossier jeunesse depuis trois mandats. Je sais qu'il est très préoccupé par la question, mais je voudrais que vous l'écoutiez. Moi, je suis un vieux de 50 ans qui a pas mal de millage, mais lui, ce qu'il a à vous dire est vraiment important. Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Tremblay.
M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président. Bonjour, monsieur Bevilacqua. Je suis content d'être aujourd'hui avec vous. Madame la greffière, monsieur le greffier, monsieur Valeri, madame Redman, madame Shaughnessy, monsieur Coderre...
Une voix: C'est madame Cohen.
M. Stéphan Tremblay: Ah! pardonnez-moi. Je suis content de venir discuter avec vous du projet des bourses du millénaire.
Je pense que c'est une chance incroyable qu'on a d'être réunis ici aujourd'hui pour parler, à mon avis, du projet le plus important de l'année, ou à tout le moins un des plus importants. Il y a beaucoup de choses qu'on remet en question dans notre société. Je ne veux pas vous effrayer tout de suite et je vais tenter d'être clair.
Le président: S'il vous plaît.
M. Stéphan Tremblay: C'est important, d'autant plus que quand on dit «bourses du millénaire», cela me fait penser au troisième millénaire. Je constatais tout à l'heure qu'il restait 306 jours avant le millénaire. Quand on parle du millénaire, ça veut dire le futur, les orientations pour l'avenir.
Moi, ça me fait réfléchir énormément. On parle d'une bourse d'études et, quand on parle d'études, on parle d'éducation. Et l'éducation, encore là, c'est l'avenir. C'est ce qu'on décide de faire d'une société. Ce sont les sacrifices qu'on est prêt à faire maintenant pour le futur.
Et cela, j'ai l'impression qu'en politique, ce n'est pas fort. Un sérieux problème qui existe en politique actuellement est l'absence de vision à long terme. Je ne veux pas faire le procès de la société, mais je pense que vous avez tous été témoins dernièrement d'un geste que j'ai posé avec mes tripes. Quand j'ai sorti mon fauteuil du Parlement, c'était un cri du coeur.
• 2230
Le projet des bourses du
millénaire part, somme toute, de très bonnes
intentions. Je tiens à commencer par le positif
parce
que, si on veut bâtir une société,
il faut aborder le côté positif des choses. Dire qu'il
y a des jeunes qui s'endettent et qu'il faut
remédier à cette situation, je trouve cela
génial et je félicite les personnes qui y ont pensé.
À partir de là, notre rôle en politique est, à partir d'une prémisse, d'un but ou d'un objectif, de réfléchir sur les moyens de maximiser tous les efforts que la collectivité peut faire.
Je m'explique. Je dis souvent que notre rôle, comme parlementaires, c'est bien sûr de représenter la population et de l'orienter par rapport à certaines décisions.
Je suis tellement fatigué que j'en oublie ce que je voulais dire.
[Traduction]
Le président: Prenez votre temps.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Stéphan Tremblay: Oui, oui, certainement.
Un député: Ne te laisse pas distraire.
M. Stéphan Tremblay: Je ne me laisse pas distraire, loin de là. J'ai l'intention d'essayer d'expliquer ce que j'ai à dire aujourd'hui.
Notre but, comme parlementaires, lorsque des individus dans une collectivité font un effort, c'est de maximiser les retombées et d'essayer d'organiser la société. Si on s'est organisés pour qu'on paie de l'impôt, j'ai le devoir, en tant que politicien, de maximiser au plus haut degré le dollar qu'un citoyen me donne. Et si on me dit qu'il y a une partie de ce dollar qui doit aller dans un investissement pour le futur, dans l'éducation par exemple, il faut alors que je voie à ce que cette portion du dollar soit maximisée pour que les jeunes ou les moins jeunes qui vont à l'école apprennent que, collectivement, on a décidé de dire que l'on va apprendre des choses communes. Au niveau de la collectivité, il faut que ce soit maximisé. C'est fondamental dans une société.
Quand je dis aujourd'hui que c'est probablement le projet le plus important de l'année, et même pour la durée de toute cette législature, c'est parce qu'on parle d'éducation.
[Traduction]
Mme Paddy Torsney: Monsieur le président, je ne suis pas certaine que le député d'en face sache pourquoi nous sommes ici. Nous étudions le projet de loi C-36.
Il y a un certain nombre de personnes qui s'opposent au projet de loi. Une partie de cette mesure concerne les bourses du millénaire, dont certains députés d'en face ont parlé. Jusqu'à maintenant, ce député n'a parlé d'aucune question liée au projet de loi C-36.
Vous pourriez peut-être ouvrir votre cahier d'information, par exemple. Revenons-en à nos moutons.
[Français]
M. Stéphan Tremblay: Je m'excuse, mais si on fait des projets de loi, c'est parce qu'on a observé qu'il y a des choses qui ne vont pas bien dans la société. Il faut donc analyser ce qui ne fonctionne pas. Si on n'est pas en mesure de comprendre fondamentalement ce qui ne fonctionne pas, comme par exemple des problèmes d'endettement étudiant, c'est dommage. Si on veut faire de la politique superficielle ici...
[Traduction]
Mme Paddy Torsney: Je pourrais peut-être faire quelques suggestions au député afin qu'il sache de quoi parler.
Les étudiants du Québec ont des dettes moyennes de 11 000 $ à la fin de leurs études. Les bourses du millénaire sont des subventions de 3 000 $. Les étudiants de toutes les régions du pays y seraient admissibles. Ils pourraient étudier où ils voudraient.
Le projet de loi contient également des informations sur des mesures d'allégement pour les étudiants dont le niveau d'endettement est élevé. Il y a également des dispositions concernant les régimes enregistrés d'épargne-études (REEE).
Vous pourriez peut-être parler des dispositions essentielles du projet de loi.
Le président: Monsieur Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé: Un rappel au Règlement, monsieur le président. Je ne doute pas des bonnes intentions de la députée, mais mon collègue a le droit de s'exprimer. Laissons-le faire. Je ne vois pas en quoi il manque au Règlement ou à la pertinence lorsqu'il parle des bourses du millénaire, qui sont un élément du projet de loi C-36.
[Traduction]
Le président: Je pense que Mme Torsney a fait des suggestions utiles, mais je comprends tout de même que vous examiniez la question dans un contexte global. Poursuivez.
Mme Paddy Torsney: Pourrait-on au moins bientôt parler de questions qui nous concernent davantage?
[Français]
M. Stéphan Tremblay: Monsieur le président, je m'excuse si la nature de la discussion au niveau des explications sur ce projet de loi peut être différente, mais je pense qu'elle est fort pertinente. J'insiste fortement sur l'importance de dire qu'une étude sérieuse de ce projet de loi nous indique que cela remet beaucoup de choses en question. On ne peut pas bâtir une maison si on n'a pas de structure, madame. C'est fondamental. Si on décide de mettre de la peinture sur du bois pourri, cela ne donne rien. Ce ne sera beau que pour les quatre prochaines années ou à peine un peu plus.
Il faut prendre conscience que le bois qu'on est en train de peinturer est pourri ou usé. Il me semble que c'est primordial. Je ne suis pas ici pour faire du théâtre quand même.
Quand je dis que l'éducation, c'est l'avenir de nos sociétés, je pense que tout le monde est d'accord sur ça. J'arrive au vif du sujet. Il y a des choses qui m'agacent dans ce projet de loi. Si cela vous dérange que j'essaie d'en discuter d'une manière globale, je m'excuse, mais beaucoup de choses fondamentales sont traitées dans ce projet des bourses du millénaire.
On constate que l'accès à l'éducation est quelque chose de primordial. L'accès à l'éducation, c'est une base. Présentement, dans ce projet de bourses, quelle sera la proportion des bourses distribuées sur la base du mérite par rapport à la proportion de celles qui le seront sur la base des besoins?
Quand je disais, tout à l'heure, que c'était un projet important et que ça remettait plein de choses en question, ce sont là des questions fondamentales. Comme parlementaires et représentants d'une population qui valorise l'idée que l'éducation doit être accessible, nous devons créer des mécanismes pour faciliter l'accès à l'éducation. Puisque l'endettement étudiant est un obstacle à l'éducation, nous nous devons de trouver des mécanismes qui faciliteront l'accès à l'éducation.
À la base, voilà ce que signifie ce projet de loi. Mais on se met à dire qu'il y aura des bourses distribuées au mérite. Je n'ai pas de problème à encourager une part d'élitisme. Je pense que dans la société, il y a des gens qui sont plus doués et qu'il ne faut pas leur mettre de bâtons dans les roues. Je suis d'accord sur cela et je ne vise pas une société égalitaire. Je vise une société équitable. Quand on part de la prémisse que les étudiants sont endettés, voire fortement endettés, et qu'on veut les aider, c'est très bien jusque-là.
On n'arrive même pas, lorsqu'on étudie sérieusement ce projet de loi, à savoir ce qui est à la base de la volonté initiale. Est-ce que c'est de favoriser l'accès à l'éducation ou bien si c'est de changer l'orientation de nos sociétés et de donner des bourses à ceux qui ont de la facilité, qui viennent de familles aisées, qui n'ont pas besoin d'aller travailler entre leurs cours, qui ont le temps d'étudier, qui ont un encadrement normal, qui ont eu des chances dans la vie et qui, en bout de la ligne, ont été bons?
Je vais vous raconter quelque chose d'incroyable qui m'a touché et qui est arrivé dans mon comté. La semaine dernière, un garçon a gagné une médaille du gouverneur général ainsi qu'une bourse de 500 $. Il a dû négocier une heure avec le dirigeant de l'école parce qu'il a refusé d'accepter la bourse de 500 $. C'est incroyable. J'oublie son nom, mais c'était un gars d'Alma. Sa mère et son père travaillent, il n'a jamais eu à travailler et, en plus, il avait de la facilité à apprendre. Il était conscient que ses amis avaient beaucoup plus de difficulté. Et on lui offrait une bourse de 500 $. Il n'adhère pas à ce genre de société et il est allé voir ceux qui voulaient lui donner la bourse pour leur dire qu'il la refusait et qu'on devait la donner à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas un film. J'ai vu cela la semaine passée. Ce cas illustre qu'il faut remettre des choses en question.
• 2240
Quand on parle de ce projet de bourses du millénaire, on ne sait même
pas quelle est la proportion de ces étudiants doués.
Comme je vous le disais plus tôt,
bien que je puisse être en faveur de ce que notre société
encourage certains Einstein, une certaine élite, elle
devrait peut-être le faire dans une proportion de 5
à 10 p. 100. Malheureusement, on ne le sait pas quelle
pourcentage ils représentent.
On propose la création d'un conseil d'administration dont six membres seront nommés à la recommandation des ministres. En fin de compte, vous, les élus, acceptez de vous faire élire et d'assumer en tant que parlementaires la responsabilité de nous assurer une éducation. Et si on n'est pas contents de la manière dont ça fonctionne, dans quatre ans, on pourra élire un autre gouvernement. Or, dans ce projet de loi, on propose de confier le contrôle de l'attribution de ces bourses à des gens qui ne nous seront pas redevables. En fin de compte, ce ne seront pas les élus qui vont décider. C'est là une question importante.
Mme Paddy Torsney: Il est parfois difficile d'écouter les interprètes parce que
[Traduction]
le ton est un peu...
[Français]
Est-ce que le député a dit que nous, les élus, sommes responsables de l'éducation?
M. Stéphan Tremblay: On peut avoir la responsabilité de bien des choses, mais on peut aussi avoir la responsabilité de dire «non» à certaines choses.
Mme Paddy Torsney: Mais vous avez dit que nous avions la responsabilité de l'éducation.
M. Stéphan Tremblay: Les élus en général...
M. Antoine Dubé: Je fais appel au Règlement, monsieur le président.
Ayant vécu la même situation, si dans un comité les interventions prennent l'allure d'une interpellation, il y a un risque que la personne qui livre un discours perde le fil de ses idées parce qu'elle est dérangée. Il me semble que c'est ce qui se produit ici. Je ne sens pas de mauvaise volonté, mais je me permets de faire appel au retour à l'esprit d'un comité. Il a demandé la parole et je pense que ça vaut la peine qu'on l'écoute.
M. Stéphan Tremblay: Il est dommage qu'il en soit ainsi, parce que j'aurais aimé qu'on puisse vraiment discuter des fondements. Je ne suis pas technocrate et je ne vais pas déplacer des virgules dans ce projet de loi. Mais je crois que c'est mon rôle d'analyser de façon plus approfondie les impacts sociaux. Je parlais tout à l'heure de nos responsabilités. En fin de compte, il y a tellement de choses à dire à ce chapitre.
Tout d'abord, je suis contre le principe que le fédéral s'occupe de l'éducation. Mes collègues ont dû vous en parler pendant une bonne partie de la journée. Si vous n'avez pas compris à cette heure-ci, il y a un sérieux problème.
• 2245
Je vous dis que vous en avez décidé ainsi. Cependant,
vous l'avez fait parce que votre premier ministre vous
l'a imposé. Je regrette d'avoir à vous le dire, mais
je sais pertinemment que, même si ce n'était pas
vraiment ancré chez vous, votre premier ministre, lui,
faisait le rêve d'établir les bourses du millénaire.
Nous savons aussi pertinemment que, dans votre caucus,
il y a des gens qui n'adhèrent pas à ce projet. En tout
cas, vous avez à être ici et à vous mettre au service
d'idées qui vous ont été imposées.
Aujourd'hui, ce sont des choses au sujet desquelles je m'interroge. En fin de compte, vous avez accepté l'idée que le fédéral s'occupe d'éducation. Je partais de là. Tout à l'heure, j'en étais là. Je disais que c'était une prémisse que je condamne. Admettons qu'en faisant cela, vous vous servez de votre pouvoir. Ce que je vous dis maintenant, c'est que, lorsqu'on veut s'occuper d'éducation, on doit en porter la responsabilité. C'est ce que je disais dans mon préambule; je parlais de l'importance de l'éducation, de ses retombées. Vous semblez vous engager dans ce domaine comme dans la construction d'un chemin de fer. C'est bien plus que cela.
La conscience du monde, c'est l'avenir. On en est rendu à afficher de la publicité de McDonald et de Burger King dans les écoles pour financer les cours. Est-ce que c'est de l'éducation objective, ça? C'est incroyable. C'est là le type de société vers lequel on se dirige.
Je pense, monsieur le président, qu'il y tellement de choses qui ne fonctionnent pas à la base. Je trouve scandaleux qu'on soit là à me regarder, sans discuter du projet de loi, alors que mon discours, monsieur le président, touche au coeur du projet de loi, au squelette même du projet de loi.
À un moment donné, il faut se donner une charpente. Dans le cas qui nous occupe, la charpente, c'est l'accessibilité de l'éducation pour tous. C'est aussi qu'il revient à la population de décider du type de société qu'elle désire. Si elle n'est pas contente de la charpente qu'on cherche à lui imposer par nos décisions politiques et si les politiciens ne sont plus imputables par rapport à leurs décisions—ce qui est un autre aspect fondamental de ce projet de loi—, je me pose de sérieuses questions.
Il faudrait se mettre à déplacer des virgules, alors qu'on n'a pas de structure de base. Je reviens à mon exemple; on veut appliquer de la peinture sur des planches pourries. Cela va bien paraître, semblera bien beau, mais finira par tomber.
Quant au débat de société que vous semblez tellement avoir à coeur actuellement... En tout cas, je me compte chanceux, à mon âge, de pouvoir m'exprimer devant quelques parlementaires qui, je l'espère, m'écoutent de temps à autre. J'espère aussi que mon discours est cohérent, parce qu'il n'est pas préparé. Pour certains, la cohérence est complètement liée au degré de compréhension. Or, il ne faut pas confondre les deux, mais je respecte ce point de vue.
Une voix:
[Note de la rédaction: Inaudible].
M. Stéphan Tremblay: Non, pas du tout! Je sais très bien où je m'en vais. Quand je vous parle de l'ossature de notre société, je suis en train de bâtir.
Monsieur le président, il y là un point. D'accord? Mais, en plus, et je n'en reviens pas, il y a un autre point à débattre dans tout cela. Mes collègues ont dû déjà le soulever. C'est qu'on s'est dit, à un moment donné, que toutes ces bourses ne devaient servir qu'à donner de la visibilité au gouvernement fédéral. C'était une insulte inacceptable. Cela voulait dire, mon cher gouvernement, qu'en fin de compte, vous ne travaillez pas pour nous mais pour vous, pour vous assurer de la visibilité. Vous dites que ce n'est pas croyable, que cela ne se peut pas. Je pose la question au premier ministre, à votre chef, et il le reconnaît, en pleine Chambre des communes. Oui, c'est pour de la visibilité. Bingo!
Malgré l'absurdité de la chose, on la reconnaît, on l'avoue et on le dit. Ce n'est pas croyable! Ce n'est pas sérieux, monsieur le président. Ce n'est pas croyable! Ce n'est pas croyable!
Une voix: Ils ne se cachent même pas.
[Traduction]
Mme Paddy Torsney: J'invoque le Règlement. On attribue certaines paroles au premier ministre, des paroles qu'il aurait prononcées à la Chambre des communes. Je me demande si le député d'en face pourrait préciser où se trouvent ces références dans le hansard, car je ne suis pas certaine que les faits soient tels que le député les a présentés.
[Français]
Une voix: C'est lui qui a posé la question.
Mme Paddy Torsney: Alors, donnez-moi...
M. Stéphan Tremblay: Oui, mais, madame la présidente...
Des voix: Ah, ah!
M. Stéphan Tremblay: Ah, non. Un peu de sérieux quand même.
M. Yvan Loubier: Là, vous pensiez que je vous avais insultée.
M. Stéphan Tremblay: Je suis déçu qu'on rigole sur de petites choses comme une interpellation de «madame la présidente», que tout le monde se mette à rire, alors que je parle d'aspects fondamentaux pour notre société. Je me trompe en désignant la présidence et tout le monde part à rire.
Une voix: Ne pars pas avec le fauteuil.
M. Stéphan Tremblay: Oui, c'est ça, monsieur le président.
M. Yvan Loubier: Tu as eu raison de partir avec ton fauteuil. Moi, je t'approuve maintenant.
M. Stéphan Tremblay: J'aurais quasiment envie de sortir avec le bureau au complet.
Je répondais à mon collègue qui me demandait si j'allais partir avec mon fauteuil. Mais c'est une autre affaire. Ce que je peux dire, c'est que l'aigreur que j'ai accumulée au cours des deux années passées dans ce Parlement... Quand je suis sorti avec mon fauteuil... Je suis surpris d'en parler ce soir, car je m'étais dit que je ne le ferais pas, mais c'est directement...
M. Denis Coderre: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
M. Stéphan Tremblay: Monsieur le président, c'est relié directement à mon dossier, aux bourses du millénaire. Je sais de quoi je parle. C'est le dossier que j'ai piloté.
M. Yvan Loubier: Attendez. Il y a un appel au Règlement.
M. Denis Coderre: J'invoque le Règlement.
M. Stéphan Tremblay: Vous faites mieux de soulever un bon point.
M. Denis Coderre: Moi, j'ai envie d'entendre le député parler des bourses du millénaire. Je ne suis pas venu ici pour entendre une thérapie ou des choses personnelles. Alors, parlez-moi de la Fondation des bourses du millénaire, s'il vous plaît.
M. Stéphan Tremblay: D'accord. Je suis content, monsieur Coderre, que vous me rameniez à l'ordre. Je respecte cela et je vous remercie beaucoup.
M. Antoine Dubé: Je me rappelle que c'est vous qui avez posé la question au premier ministre.
M. Stéphan Tremblay: Oui, voilà. Nous en étions à l'intervention de ma collègue du Parti libéral, qui me demandait si j'avais les bleus. Je n'ai pas les bleus mais j'ai bien failli les avoir quand j'ai entendu la réponse du premier ministre. Je lui ai demandé si, en fin de compte, tout cela n'avait pas pour but, plutôt que d'aider les étudiants, de donner de la visibilité au gouvernement fédéral. Sa réponse a été oui. Il a dit oui. Cela a fait les manchettes le lendemain. J'étais renversé.
Une voix: C'est direct.
M. Stéphan Tremblay: C'est direct. Les chroniqueurs politiques en étaient surpris. Ils disaient ne pas comprendre qu'il ait avoué cela, qu'il ait craché le morceau.
Je n'en ai pas contre M. Chrétien. Il fait ce qu'il peut, le gars, et ce n'est pas facile.
Des voix: Ah, ah!
M. Stéphan Tremblay: Ce n'est une vie facile, celle de premier ministre. Il était peut-être fatigué ce jour-là, ce qui l'a conduit à abandonner la ruse et à dire le fond de sa pensée. Et le fond de sa pensée, eh bien, oui, c'était ça! Il voulait de la visibilité.
On s'en fout des étudiants. J'extrapole un peu, mais il faut quand même faire l'analyse de sa réponse. C'était quasiment cela. Au moins, c'était tout à fait correct.
M. Denis Coderre: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
M. Stéphan Tremblay: Je parle de la Fondation des bourses du millénaire, cette fois.
M. Denis Coderre: Je n'accepte pas l'extrapolation voulant que le premier ministre se fout des étudiants.
M. Stéphan Tremblay: D'accord, ce n'était pas une extrapolation. C'était une analyse, une interprétation. Voilà, ce pouvait être une interprétation.
Je suis content qu'il y ait quand même un certain dialogue. Je vous encourage, monsieur Coderre, à poursuivre votre écoute.
M. Antoine Dubé: Il s'améliore. Il est mieux qu'en Chambre.
M. Stéphan Tremblay: Donc, quand on avoue publiquement qu'en fin de compte, le but de ces bourses n'était pas l'intention première...
Des voix: Oh, oh!
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'invoque le Règlement, s'il vous plaît.
Le président: Oui.
M. Yvan Loubier: Franchement, mon collègue essaie de donner le fond de sa pensée concernant les bourses du millénaires. C'est insensé, les cris qu'on entend. Comment voulez-vous qu'on puisse dialoguer de façon constructive? Je commence à comprendre pourquoi, après deux années dans le système parlementaire, il a éprouvé le besoin de faire le geste qu'il a fait, de partir avec son fauteuil et de dire qu'il en avait assez de s'adresser à des murs et que rien ne bouge. Nous avons la preuve, ce soir, qu'il avait raison. En effet, il essaie de dialoguer et de faire avancer le débat, et on ne l'écoute pas. Je pense que cela justifie l'action qu'il a faite.
[Traduction]
Mme Paddy Torsney: Je veux seulement avoir des précisions. Je sais que c'est vous qui avez la situation en main, mais il semble que ce soit toujours les trois mêmes députés qui parlent. Je pense que seulement deux membres du comité peuvent avoir la parole à un moment donné, et il serait utile qu'on nous précise qui nous devons écouter en ce qui concerne les rappels au Règlement et autres questions de procédure.
Le président: M. Loubier et M. Tremblay sont les deux députés qui ont la parole.
Mme Paddy Torsney: M. Dubé parlait il y a quelques instants, et ses paroles figureront au compte rendu.
[Français]
M. Stéphan Tremblay: Nous allons respecter les règles avec plaisir. Nous allons respecter les règles, mais j'espère que vous allez respecter celle de croire que, lorsqu'un comité se penche sur un dossier, il doit en étudier tous les aspects et conséquences. Si, pour certains, il semble difficile de prendre en considération les conséquences à long terme, veuillez m'excuser de le faire, mais je n'ai pas le choix. Je me sens extrêmement concerné par tout cela.
La question n'est pas que je sois personnellement endetté, loin de là. Toutefois, certains de mes meilleurs amis, que je côtoie le soir et en fin de semaine, sont touchés par cela. Je vous l'avoue, certains ont reconnu ce que vous avez dit, monsieur Coderre: c'est une question d'argent. Les étudiants ne crachent pas sur l'argent. C'est vrai.
Il faut dire la vérité. Je suis d'accord. Une certaine proportion des étudiants a quelque peu sombré dans la facilité. On dit parfois de quelqu'un qui n'est pas trop politisé qu'il est «dans le jus». Je puis vous expliquer ce que cela veut dire et vous donner les raisons pour lesquelles il est dépolitisé. Croyez-moi, de nombreux étudiants doivent travailler tout en allant à l'université pour faire vivre l'enfant qu'ils ont déjà. Comment voulez-vous qu'ils s'occupent de problèmes collectifs quand, sur le plan individuel, ils n'arrivent même pas à joindre les deux bouts?
Dans certaines situations, la politique fédérale-provinciale peut sembler bien loin. Certains étudiants entendent le député de Bourassa déclarer que ces bourses vont donner de l'argent aux jeunes et que c'est une bonne chose. Les jeunes sont endettés et on propose de les aider. C'est sûr que certains d'entre eux vont se dire que c'est vrai. Ils vont lire les grands titres dans les journaux et voir que M. Coderre l'a dit. Cela leur paraît merveilleux.
Cependant, il faut aller au fond des choses et c'est ce que nous tentons de faire aujourd'hui. Eux nous font confiance. Nous sommes payés pour nous pencher sur ces questions, pas seulement pour lire les grands titres des journaux, mais pour aller en profondeur. Nous avons à mener une réflexion de fond sur ce que devrait être la politique.
Je me demande combien de personnes, ici autour de cette table, se sont vraiment réjouies quand elles ont appris l'existence de ce projet. Si on avait un détecteur de mensonges ici, je puis vous affirmer que l'aiguille oscillerait beaucoup, parce que cela va à l'encontre de votre mentalité. J'ai entendu votre ministre Stéphane Dion dire qu'il fallait respecter les champs de juridiction.
[Traduction]
Mme Paddy Torsney: J'invoque le Règlement. J'ai besoin de précisions. Je ne suis pas certaine d'avoir bien entendu, mais a-t-il été question d'un détecteur de mensonge et...
Une voix: Vous ne pouvez pas traiter leurs députés de menteurs.
Mme Paddy Torsney: ... du fait que l'aiguille oscillerait beaucoup, ce qui sous-entend que nous sommes tous des menteurs? Permettez-moi de vous dire que vous êtes aussi dans cette salle et qu'il serait tout à fait mal à propos que vous trahissiez ainsi vos collègues, de votre côté de la Chambre comme de ce côté-ci. Vous faites partie du personnel...
[Français]
M. Stéphan Tremblay: Monsieur le président, je m'excuse formellement. Je voyais mes propos davantage comme une métaphore et non pas comme représentatifs de la réalité. Je me suis laissé emporter et je voudrais m'excuser devant mes collègues, s'ils se sont sentis offensés. Je suis entièrement d'accord sur ce qu'a dit la députée. Si jamais je fais encore des erreurs de ce genre, je vous invite à m'en avertir. Il arrive qu'on soit fatigué et qu'on dépasse sa pensée. C'est arrivé à votre premier ministre, le jour où il a avoué que le but de la Fondation, c'était la visibilité. Je pense que lui aussi était fatigué. Cependant, on ne pouvait pas le rappeler à l'ordre.
À la Chambre des communes, cela aurait été plutôt amusant. J'aurais pu me lever et dire: «Écoutez, monsieur le Président, je pense que le premier ministre est un peu fatigué ce soir. Ce qu'il vient de dire là n'a pas vraiment de sens. S'il veut se reprendre demain, je suis bien d'accord.» Mais non, c'est ainsi la politique. Que voulez-vous?
Il faudrait quand même parler des bourses du millénaire. La question couvre beaucoup de choses. Il y a encore un autre élément à examiner. Sommes-nous là pour améliorer nos systèmes d'éducation?
• 2300
Si j'institue des lois dans une société et que des
gens ne veulent pas y adhérer, des gens qui sont tous
du même territoire, cela ne me dérangera pas. Pourquoi
ne pas les laisser faire et leur laisser cette liberté? C'est
exactement ce qui se passe actuellement.
Nous avons un gouvernement à Ottawa qui veut adopter une loi qui comporte, je pense, un bon projet pour certains, notamment pour les étudiants du Manitoba. Nous avons examiné leur situation et ils ont parfaitement raison de croire—à condition d'oublier que les champs de juridiction ne sont pas respectés—que c'est une bonne chose pour eux. Et s'ils veulent l'accepter, c'est parfait et c'est normal.
Toutefois, il se trouve, excusez-nous-en—non, ne nous excusez pas, mais respectez-nous plutôt—, que nous avons une manière différente de voir les choses. Nous ne voulons pas déranger ceux qui ne voient pas les choses comme nous, mais nous aimerions continuer à gérer ce que nous avons mis sur pied. Ce que nous avons bâti, en fin de compte, c'est un système de prêts et bourses qui fonctionne en accord avec nos valeurs, soit une plus grande accessibilité de l'éducation. C'est ce que nous souhaitions. Nous ne voulons pas déranger les autres. Personnellement, je ne le veux pas. Si d'autres ne veulent pas adopter les mêmes principes de société que nous, cela ne me pose aucun problème. Tout ce que je veux, c'est qu'on respecte ce que, collectivement, nous avons décidé.
Nous avions mis sur pied un beau et bon système de prêts et bourses, probablement perfectible, je le reconnais. Que voulez-vous, rien n'est parfait dans la nature. Ce système a fait en sorte, et on peut le constater de visu, que les étudiants du Québec soient moins endettés, ce qui est fort heureux. Je trouve dommage que les étudiants de l'extérieur du Québec le soient un peu plus. S'ils veulent voir comment nous avons établi notre système de prêts et bourses... Quand je dis «nous», je le dis en tant que Québécois, car je n'étais pas là. Je n'étais même pas né.
Monsieur le président, je trouve dommage que ce que nous avions bâti et que nous voulions, en somme, poursuivre dans la même optique ne soit pas reconnu. Nous nous faisons dire que ce que nous avons bâti n'est pas bon, ou bien, si c'est bon, qu'on s'en fout parce qu'on a décidé d'imposer une manière de faire. On a décidé de mettre sur pied un système de bourses qui ne respecte pas les champs de juridiction, qui créera des dédoublements, une perte d'efficacité et des coûts plus élevés.
Si au moins on pouvait sérieusement prendre connaissance de ce projet de loi. Je dis sérieusement car il lui manque des éléments essentiels. Par exemple, comme je vous le disais tout à l'heure, on ne connaît même pas la constitution du prochain conseil d'administration.
Moi, je ne peux pas donner un chèque en blanc comme cela. J'aimerais bien qu'on reconnaisse le fait que, comme élus, nous ne pouvons confier nos responsabilités à des gens qui ne relèveront plus de nous. C'est une chose que je ne saurais accepter mais, que voulez-vous, si vous l'acceptez, voyons-y. Ensuite, à ceux à qui je confierais ces responsabilités-là et qui ne relèveraient plus de nous, je refuse de... Je ne les connais même pas. Je ne sais même pas à qui ce sera confié, qui fera partie de ce conseil. C'est donc doublement un chèque en blanc. C'est insensé.
De plus, au point de départ, on ne dit même pas si ces bourses seront attribuées selon le mérite ou selon les besoins. Comme je le disais tout à l'heure, si on savait au moins cela, on pourrait avancer davantage. Si vous pensez que 80 p. 100 des bourses devraient être attribuées au mérite, on pourrait au moins en discuter. Quel pourcentage d'élitisme doit-on encourager dans notre communauté? On pourrait avoir un débat là-dessus.
Et quel pourcentage de gens allons-nous aider, collectivement, à acquérir une meilleure éducation qui en fera de meilleurs citoyens? C'est avec de meilleurs citoyens qu'on construit une société meilleure. C'est le but que je poursuis. Peut-être est-ce aussi le vôtre. Cependant, ici on ne parle même pas de ces éléments qui devraient être à la base du projet, je pense.
Vous le voyez, il y a tout plein de choses qui ne fonctionnent pas. Alors, quand bien même on essaierait de déplacer des virgules dans le texte...
• 2305
J'en reviens aux travaux de peinture dont je parlais
tout à l'heure. Je trouve dommage qu'on n'ait même pas
de débat sur l'élitisme. On ne sait même pas quels
sont les choix qu'on veut faire. Si, au moins, on se
l'avouait, mais on ne peut même pas en discuter.
Pourquoi les députés sont-ils payés? Pourquoi les
paie-t-on pour étudier des projets de loi s'ils n'ont
même pas toute l'information?
Où se cache l'attrape dans cela? À quoi sert-on? Je vous le demande parce que cela vous concerne. Êtes-vous des marionnettes? Moi, au moins, je m'accorde le plaisir de me vider le coeur et je peux en toute liberté m'exprimer et vous signifier l'intérêt profond que je porte à la tenue d'un grand débat sur des questions telles que celle-là.
Mais non, on vous force la main et vous acceptez qu'un comité soit mis sur pied pour, en fin de compte... Non, pas seulement déplacer des virgules, c'est sûr. En effet, il se discute beaucoup de choses en comité. Cependant, comme je le disais en commençant, quand on n'a pas les données de base, les données importantes, à savoir qui va gérer cela, de quelle manière, à qui ils devront rendre compte de leurs décisions, des décisions aussi importantes que celles qui concernent l'éducation et la définition de notre société...
Et à propos d'éducation, je vous disais tout à l'heure que, dans certaines écoles, notamment en Ontario—j'en ai même vu aux HEC à Montréal—, tout est commandité à l'extrême. Je n'ai rien contre la commandite, mais dans le domaine de l'éducation, il faut vraiment y réfléchir et se demander si on la voit comme un héritage culturel à transmettre aux générations futures.
Mais si ce n'est même plus la population qui décide des valeurs à transmettre aux générations futures et qu'on laisse à Burger King le soin d'en décider parce qu'elle finance une chaire d'études... Je ne sais pas laquelle il peut bien financer, mais c'est très important...
Non, je ne veux pas faire de commandite pour Burger King, loin de là. Mais c'est «platte»! Maudit que c'est «platte», sacrebleu! Moi, j'aurais le goût de pleurer! Je suis un peu déçu.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, est-ce que vous trouvez normale, malgré les arguments avancés en début de soirée, l'attitude de vos collègues? Si vous la trouvez normale, je puis vous dire que j'en suis profondément déçu. C'est la première fois que je vois un tel cirque au sein d'un comité. Je n'ai jamais vu une affaire pareille. Les gens rient, les gens font craquer leurs chaises, parlent de n'importe quoi, sont pieds nus, regardent le mur. Ce sont tous des libéraux, monsieur le président.
Y aurait-il moyen en terminant, puisque vous nous avez parlé de 23 h 59, de respecter le plus jeune collègue de la Chambre des communes? Il a des choses à dire, et quand vous lui faites un tel affront, c'est à tous les jeunes de son âge également que vous faites cet affront. Vous pouvez être assurés que le message va se rendre sur le terrain. Je vous demanderais donc d'intervenir, de faire preuve de bonne foi d'ici la fin du débat. Demandez à vos collègues de se tenir tranquilles. Ce serait une bonne idée de le faire.
Pouvez-vous intervenir, monsieur le président? Je vous le demande bien calmement, en faisant confiance à votre bonne foi.
[Traduction]
Le président: Eh bien, quel revirement. Dans la même soirée, on me traite de «dictateur», et l'on parle ensuite de ma «bonne foi». Il y a des députés qui viennent d'entrer...
Mme Paddy Torsney: Des deux côtés.
Le président: À mon avis, ce n'est pas une question d'être Libéral, Conservateur ou Réformiste. Des députés viennent d'entrer. C'est peut-être mon imagination, mais j'ai pensé qu'à un moment donné, il y a à peine cinq minutes, tout le monde commençait à rire, pour quelque raison que ce soit... M. Tremblay a peut-être dit quelque chose d'amusant. L'humour fait partie de la vie, et les gens l'expriment parfois par un sourire ou par le rire. Je ne suis pas un maniaque de l'autorité, et je ne déciderai pas quand les gens peuvent rire ou quand ils peuvent sourire. C'est à vous d'en décider personnellement.
Pour ce qui est de M. Tremblay, personnellement j'ai écouté très attentivement votre discours, et si vous voulez que j'énumère certains de vos arguments je peux le faire de mémoire. Vous le savez, parce que nous avons parlé à plusieurs reprises de questions concernant les jeunes, et je l'ai fait aussi avec M. Dubé.
• 2310
Si vous voulez poursuivre votre discours... Trouvez-vous
que...
[Français]
M. Stéphan Tremblay: Non, je veux continuer et je veux que nos délibérations se poursuivent dans le respect.
[Traduction]
Le président: Ça va?
[Français]
M. Stéphan Tremblay: Oui, on peut...
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier...
[Français]
M. Stéphan Tremblay: On peut comprendre que l'atmosphère puisse être tendue ce soir et qu'il soit plus difficile de dialoguer parce que les gens sont fatigués. C'est une réaction bien humaine.
Il y a peut-être un élément de frustration de votre part parce qu'on prend peut-être beaucoup de temps à exprimer notre point de vue. Au-delà de la démarche que nous faisons ce soir, j'étais extrêmement heureux de venir à ce comité parce que les choses dont on discute sont fondamentales. De plus, il est rare qu'on ait la chance de poursuivre nos délibérations jusqu'à 23 h 30. L'atmosphère est peut-être plus familiale à cette heure-ci et il n'est peut-être pas nécessaire de suivre aussi rigoureusement toutes ces petites règles strictes. Nous pouvons peut-être mieux débattre de questions fondamentales à une telle heure. En tout cas, peut-être du fait que je suis un nocturne, moi, j'aime bien discuter en soirée de politique, mais sous un autre angle, un angle extrêmement important.
Les bourses du millénaire mettent beaucoup de choses en jeu. Si jamais elles entraient en vigueur l'an prochain, dans deux ans, personne ne viendrait dire: «Mon dieu, c'est terrible. Il y a des gens qui ont déchiré leur chemise pour dénoncer ce projet qui n'a aucun sens.» La moyenne des gens diront: «Ce n'était pas si pire que ça, les bourses du millénaire.» C'est sûr qu'on pourra avoir une telle réaction et décider de voir les choses le nez collé sur le mur. Mais il faut se décoller du mur et les voir dans leur ensemble. La peinture... Je ne parlerai pas avec des images.
Tellement de choses viennent remettre en question notre société. On a beau parler du projet de bourses du millénaire, mais il faut regarder ce qui s'est passé auparavant. On a coupé d'un côté et cela a fait mal. On vient maintenant en quelque sorte mettre un pansement sur la blessure pour arrêter la saignée pendant trois ou quatre ans. Moi, je ne suis pas capable de concevoir une telle situation pendant trois ou quatre ans parce qu'à un moment donné, on va devoir enlever le pansement. Et si ce n'est pas moi qui le fais, ce seront mes enfants.
J'arrive d'une tournée aux quatre coins du Québec. Grâce à l'Internet, on peut voir tout ce qui se passe dans le monde actuellement. Je me suis promené chez moi et ai visité les écoles. Je crois que vous avez pu constater la même situation dans toutes les provinces. Ce n'est pas une situation agréable à vivre. À cette époque, comme l'a démontré l'histoire, il est très difficile de faire de la politique dans un contexte de compressions budgétaires, dans un contexte social où l'on remet en question tous les gains collectifs que nous avions faits, et notamment un des meilleurs, le système d'éducation. J'étais heureux que mes parents me lèguent un système d'éducation qui, à mon avis, était bon, quoique perfectible bien sûr, et où on investissait les sommes nécessaires parce qu'on jugeait qu'il était important.
Aujourd'hui, en l'espace de peu de temps, on a tout bousillé. Et là on essaie de remédier, un peu à la légère, aux failles de ce contexte historique. On donne un super gros coup de couteau, ça saigne, c'est incroyable et on applique un liquide pour que la blessure arrête de couler, mais elle ne guérit toujours pas.
Je viens de vous parler d'un autre élément majeur dont ne tient pas compte le projet de bourses du millénaire. Mais il ne faut pas oublier l'historique de la bourse du millénaire qu'on propose de créer en vue de combler un besoin. Ce besoin provient du fait que les étudiants sont endettés. Pourquoi sont-ils endettés? C'est parce que ça coûte cher, aller à l'école. Pourquoi cela coûte-t-il cher, aller à l'école? C'est parce qu'on y investit de moins en moins d'argent. Ce sont là toutes les questions fondamentales qu'il faut se poser.
• 2315
Je ne voudrais pas faire de débat
à ce niveau-là, mais on a décidé de sabrer dans le
domaine de l'éducation et j'ignore dans quelle mesure
cela était nécessaire. Comme je vous le disais
précédemment, presque tous les pays du monde ont dû le
faire, sauf dans ceux où on voulait encourager
l'élitisme. Dans bien des cas, seuls ceux qui ont
de l'argent peuvent poursuivre des études
universitaires. On n'a
qu'à aller voir aux États-Unis, lesquels sont parfois
un modèle intéressant à étudier. Leur système comporte
de bons éléments, mais aussi certains vices.
On voit d'une manière
exagérée ce qui pourrait se produire dans nos sociétés.
Une éducation qui n'est accessible qu'à ceux qui
ont de l'argent remet en cause le principe de
l'égalité des chances.
Pourquoi avons-nous adopté une charte des droits et
parlé de droit à l'éducation? Pourquoi adhère-t-on
à une charte mondiale qui favorise l'accès pour tous et
l'égalité
des chances? L'éducation est un moyen d'assurer
l'égalité des chances. Je me pose des questions à
savoir ce qui arrivera si on adopte une orientation
de plus semblable à celle qu'ont choisie les États-Unis,
l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la France ou si on
crée ces bourses du millénaire.
Si ce soir personne ne souhaite déplacer des virgules dans le projet de loi, nous pourrions au moins en profiter pour discuter de ces questions fondamentales. Moi, en tout cas, ça me donnerait de l'espoir.
Monsieur le président, puisque certains de mes collègues désirent s'exprimer et que mon temps est écoulé, je leur céderai la parole. J'aurais pourtant encore bien des choses à dire. Alors, je reviendrai plus tard.
M. Yvan Loubier: Tu pourras revenir à l'étape du rapport et lors de la troisième lecture.
M. Stéphan Tremblay: Oui, certainement. Je suis déçu, monsieur le président. J'aurais aimé qu'on me dise au moins: «Écoute, Stéphan, demain matin, on ne changera rien dans ce projet-là, mais au moins on prendra le temps d'avoir une bonne discussion.» J'aurais aimé connaître le fond de votre pensée et savoir si les collègues avec qui je travaille croient vraiment à ce projet-là et à l'égalité des chances, laquelle passe par l'éducation. C'est tout ça qu'on remet aujourd'hui en question.
À quoi bon se donner des chartes qui deviennent la base de toutes nos sociétés et dire que l'égalité des chances est une bonne chose et que l'éducation est une chose normale, si aujourd'hui la société s'oriente dans cette direction? C'est inquiétant. Quel exemple pourrais-je vous donner? J'ai l'impression de conduire en voiture sans phares allumés en pleine nuit. Ça va peut-être aller, mais ce n'est pas sûr. J'aimerais souhaité au moins allumer une lumière. J'aimerais vous entendre là-dessus à un moment donné.
Je serai dans le corridor à côté tout à l'heure lorsque mon collègue prendra la parole. Avant d'aller me coucher, je vous invite à venir discuter avec moi pendant une bonne demi-heure si vous le voulez et si vous n'avez pas le courage de faire enregistrer vos propos ici, en comité. J'aimerais que vous ayez le courage de venir jaser un peu et de me dire ce que vous pensez de tout cela, y compris de l'égalité des chances au niveau de l'éducation. Je ne veux pas tenir une discussion de surface et qu'on dise: «Voilà de l'argent pour les étudiants. Ça va les aider.» C'est bien sûr que cela va les aider, mais j'aimerais en discuter de façon un peu plus approfondie.
Je sais qu'il n'est pas toujours facile d'être membre du gouvernement. Je vous comprends et je vous regarder aller. Je vous ai vu voter l'autre jour. Mais parfois la ligne de parti fait partie des réalités politiques. Je sais que vous trouvez cela difficile à certains moments. Vous ne me ferez pas croire le contraire.
Vous n'êtes peut-être pas tentés du tout de défendre ce projet de bourses du millénaire, mais vous serez obligés de le faire parce qu'on vous a dit de le défendre. D'ailleurs, le député de Gatineau, qui est en face, m'a beaucoup fait réfléchir cette semaine. Je sais qu'il s'est battu vaillamment pour une cause qu'il défendait et qu'il a dû se plier à la ligne de parti. Je sympathise avec vous parce qu'on est tous dans le même bateau et que ce n'est pas facile, ni pour vous ni pour nous. Ça fait partie du jeu. Si on n'est pas capables de se dire publiquement les vraies choses, je vous invite à en discuter de façon très sympathique et en toute amitié dans le corridor pendant une demi-heure. On fait le même job, on fait face aux mêmes responsabilités et on vit dans la même société.
• 2320
Si vous acceptiez de venir discuter avec moi, cela me
donnerait un peu d'espoir. J'aimerais que certains
collègues viennent me dire, pas nécessairement
publiquement, que j'ai raison à certains égards et
qu'ils conviennent que l'éducation est un droit pour
tous, bien qu'ils ne soient peut-être pas disposés à
venir en parler publiquement aujourd'hui.
C'est une réalité à laquelle nous devons faire face,
mais j'aimerais que vous me donniez de l'espoir.
J'aimerais repartir ce soir et avoir au moins entendu
certains d'entre vous concéder que ce n'est pas fondamentalement
un super bon projet. Nous sommes en
politique et les impératifs de la vie politique font en
sorte que vous êtes ici autour de cette
table et que vous défendez ce projet. J'aimerais
savoir que des questions se posent dans votre tête.
Il serait inquiétant que certaines
questions ne se posent pas ici, dans ce
Parlement, alors qu'on est payés pour réfléchir sur le
type de société avec lequel on aura à vivre à
l'avenir. En tout cas, vous pourriez me donner espoir.
Monsieur le président, je vais laisser la parole à ma collègue et j'espère que je pourrai en discuter davantage plus tard cette nuit.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Tremblay.
Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Monsieur le président, j'ai écouté attentivement les commentaires faits par un certain nombre de députés du Bloc. J'ai pensé prendre un moment pour répondre à certains de ces commentaires.
Il y a quelques minutes, Mme Guay a fait allusion—et c'était vraiment très surprenant—au fait que le gouvernement fédéral déléguait en réalité trop de responsabilités aux gouvernements provinciaux et se dérobait ainsi à ses responsabilités. J'ai trouvé cela très surprenant, parce que je pensais que les députés du Bloc en particulier voulaient que le fédéralisme soit souple et offre plus de possibilités de faire ce qu'ils estiment nécessaire.
Je signale donc que des accords sont négociés avec les provinces pour leur déléguer la responsabilité en matière de main-d'oeuvre et de ressources naturelles, ainsi qu'en matière de logements sociaux. Certaines provinces signent des ententes. De fait, nous avons répondu aux demandes des provinces, qui voulaient plus de souplesse.
Elle a également mentionné le fait qu'on ne crée pas d'emplois et que le gouvernement se dérobait encore une fois à sa responsabilité parce que nous ne créons pas d'emplois. Je suis certain que vous ne serez pas surpris, monsieur le président, de m'entendre dire que j'ai toujours été d'avis que les gouvernements ne créent pas d'emplois; c'est le secteur privé qui crée des emplois. Le gouvernement établit le contexte qui permettra au secteur privé de pouvoir créer des emplois pour les Canadiens.
Je tiens seulement à signaler que depuis 1993 plus d'un million d'emplois ont été créés au Canada. Dans les trois premiers mois de 1998, quelque 100 000 emplois ont été créés. Au Canada, les mises en chantier ont augmenté de 3,1 p. 100 en mars. Notre valeur nationale nette a augmenté de 3,6 p. 100 en 1997, passant à 2,7 billions de dollars.
Je n'accepte donc pas certains des commentaires de Mme Guay.
M. Dubé a fait des commentaires au sujet du vérificateur général, qui a comparu devant le comité l'autre jour. M. Loubier était présent, et il a eu la possibilité de poser des questions au vérificateur général. On a certainement dit que la crédibilité des états financiers du gouvernement était mise en doute.
Je tiens à déclarer que le vérificateur général a dit également...
M. Yvan Loubier:
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Tony Valeri: Monsieur Loubier, si vous voulez bien m'accorder un instant, je voudrais prendre le temps de m'exprimer, plutôt que d'écouter le son de votre voix, ce que j'ai fait pendant la plus grande partie de la journée.
Je dis également que le vérificateur général a bel et bien déclaré que le Canada était évidemment un chef de file dans le monde en ce qui concerne la qualité de nos états financiers. En outre, monsieur le président, si ma mémoire est bonne, vous avez également dit que vous étiez très fier du fait que le Canada avait pris l'initiative dans ce domaine et que nous étions sur le point d'atteindre la transparence et d'assurer la fiabilité complète de nos états financiers.
• 2325
M. Dubé a aussi fait un commentaire sur la raison pour
laquelle nous annoncions cette mesure aujourd'hui même si la
première bourse ne doit pas être versée avant l'an 2000. Je réponds
qu'étant donné que la première bourse doit être accordée en
l'an 2000, la fondation a ainsi un an et demi pour s'assurer que
les provinces auront toutes possibilités de collaborer avec elle et
de s'assurer qu'il sera possible de réaliser l'objectif de la
fondation, soit d'éviter tout chevauchement et de faire en sorte
que le programme de bourses soit efficace et donne de bons
résultats.
M. Tremblay, que nous écoutions il y a quelques instants, a fait une déclaration très passionnée au sujet des jeunes et de l'importance de l'éducation. Nous respectons certainement ce qu'il avait à dire. Il a parlé des transferts fédéraux et des réductions qu'ils ont subies. Je suis persuadé que les membres du comité qui étaient présents ont entendu un certain nombre de députés du Bloc québécois parler des compressions imposées par le gouvernement fédéral et dire que s'il y a beaucoup d'agitation dans les provinces aujourd'hui, c'est à cause des réductions apportées aux transferts fédéraux.
Je tiens à faire consigner quelques détails au compte rendu. Au total, 17 milliards de dollars de transferts en espèces ont été supprimés du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux entre 1993-1994 et 1998-1999. Quelqu'un qui fait ce commentaire devrait aussi, je pense, faire remarquer que les points d'impôt ont augmenté de 9 milliards de dollars, que les paiements de péréquation ont augmenté de 3 milliards de dollars et que les taux d'intérêt ont baissé, ce qui a permis à toutes les provinces d'économiser annuellement en moyenne environ 1,1 milliard de dollars. De fait, cela signifie que les gouvernements provinciaux pourraient économiser au total 4,2 milliards de dollars entre 1995-1996 et 1998-1999. Par conséquent, si l'on groupe les paiements de transfert et les économies d'intérêts pour les provinces, on arrive à une diminution d'environ 400 millions de dollars entre 1993-1994 et 1998-1999.
Monsieur le président, j'essaie de dire qu'en effet, les paiements de transfert ont baissé, mais que les provinces ont la possibilité de faire des choix et je pense qu'elles doivent s'en tenir à ces choix. Pour respecter ces choix, chaque province doit assumer la responsabilité de ce qui se passe chez elle.
C'étaient là mes premiers commentaires, monsieur le président. Je voudrais maintenant parler de—je pourrais là encore faire allusion au vérificateur général—la mise sur pied du fonds des bourses du millénaire. La question a été soulevée également hier, parce que le vérificateur général a déclaré que cette nouvelle souplesse à la disposition du gouvernement fédéral actuel ou des gouvernements fédéraux futurs, donnera la possibilité de décider simplement, une année où il y aura des rajustements, de comptabiliser des éléments de passif après coup.
Je signale cependant encore une fois que la fondation des bourses d'études du millénaire, ou l'objectif derrière la création de cette fondation, faisait partie du discours du Trône. Le premier ministre, dans sa réponse au discours du Trône, a annoncé l'intention du gouvernement d'établir le fonds des bourses d'étude du millénaire.
Son objectif, monsieur le président, est d'aider les jeunes Canadiens à se préparer pour une société axée sur l'information dans le siècle qui s'en vient. Les recettes de ce fonds permettront de récompenser l'excellence académique en accordant des milliers de bourses chaque année, à compter de l'an 2000, à des Canadiens à revenu faible et modeste.
Pourquoi? M. Tremblay a parlé de la raison. La réponse est qu'on veut aider les Canadiens à fréquenter les universités et les collèges, améliorer l'accès aux universités, à l'enseignement postsecondaire, un domaine de compétence partagé avec les provinces depuis des années, et qui continuera de l'être.
Il est certain que les députés du Bloc disent continuellement qu'il s'agit d'un empiétement sur un domaine de compétence provinciale. Je ne suis pas d'accord et je déclare que le gouvernement fédéral a toujours eu un rôle à jouer en ce qui concerne l'accès à l'éducation.
Monsieur le président, c'est le genre d'initiative d'avant- garde qui demeurera un témoignage véritable et durable de notre engagement envers l'avenir du Canada. Nous espérons, monsieur le président, que le fonds fera pour les jeunes Canadiens actuels ce que notre investissement historique dans l'enseignement postsecondaire pour nos soldats revenant de la Seconde guerre mondiale a fait pour poser les fondations de la prospérité que nous connaissons en tant que pays.
À mon avis, le fonds contribuera à réaliser deux objectifs prioritaires contenus dans le Discours du Trône: investir dans le savoir et la créativité des Canadiens, et donner aux jeunes Canadiens la possibilité de réussir dans une nouvelle économie en créant cet accès à l'enseignement postsecondaire.
Monsieur le président, je ne crois pas qu'une personne impartiale puisse voir dans ce fonds une ingérence dans le domaine de l'éducation, de compétence provinciale. En réalité, comme nous l'avons répété à maintes et maintes reprises, il viendra seulement compléter les efforts des provinces visant à assurer aux citoyens canadiens une éducation accessible et abordable.
• 2330
Les fonctionnaires du gouvernement fédéral et du Québec
continuent de se réunir pour explorer des moyens de trouver une
solution qui tienne compte des objectifs des deux gouvernements.
Notre premier ministre a dit que la mesure législative présente une
envergure et une souplesse suffisantes pour résoudre toute
préoccupation légitime des provinces. Ces préoccupations, très
justifiées, concernent le double emploi et la complémentarité, y
compris la possibilité de conclure des ententes avec les provinces.
Le fait qu'on annonce la création du fonds maintenant laisse un an
et demi pour régler ces questions avant que la première bourse ne
soit accordée.
On ne réaliserait aucun objectif utile en reportant l'adoption de cette mesure. En fait, ce projet de loi comprend aussi des parties qui portent sur plusieurs autres avantages, comme l'allégement de l'intérêt sur les prêts étudiants, les dispositions de l'assurance-emploi pour les nouveaux employés, les subventions en vue d'appuyer les REEE, c'est-à-dire les subventions aux régimes enregistrés d'épargne-études, et les amendements à la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants, qui permettraient la réduction du principal des prêts pour les étudiants à temps plein et à temps partiel, ainsi que le remboursement du principal pendant les périodes spéciales d'exemption d'intérêts et de réduction des intérêts.
Il y aura une réduction du principal des prêts et un remboursement du principal pendant des périodes spéciales d'exemption d'intérêt et de réduction des intérêts. La prestation fiscale pour enfants entrera en vigueur. On modifiera la Loi sur l'assurance-emploi pour accorder une exonération des cotisations en 1999 et en l'an 2000, de manière à aider les jeunes à obtenir leur premier emploi, une question qui préoccupait tellement M. Tremblay, avec raison, je pense. Comme vous l'avez dit, le travail que vous avez fait dans ce dossier a été exemplaire.
Il y a plus dans cette mesure législative que le fonds du Millénaire. Je sais qu'on a parlé principalement de ce fonds ce soir, et c'est bien, parce que je crois qu'il faut en discuter et nous avons ici l'occasion d'exprimer ces préoccupations, mais il y a plus que cela. Si l'on retarde la mise en oeuvre de cette mesure législative, ce sera au détriment justement des gens que les députés du Bloc essaient d'aider.
Par conséquent, monsieur le président, je soutiens qu'avec le Fonds des bourses d'études du Millénaire, nous essayons d'aider environ 100 000 étudiants par an. Nous avons dit que la Fondation gérera un fonds initial de 2,5 milliards de dollars. Nous avons dit que les bourses seront accordées à des gens qui auront besoin d'aide pour financer leurs études et qui montreront qu'ils méritent une telle aide. Nous avons dit que les bourses pourront être obtenues pour une période allant jusqu'à quatre années de scolarité et qu'une personne pourra recevoir jusqu'à 15 000 $.
Nous avons également affirmé que la Fondation sera indépendante et que nous ne voulons pas la politiser. Nous voulons nous assurer que le conseil d'administration sera composé de spécialistes dans ce domaine, qui pourront agir sans influence politique et prendront des décisions en fonction des besoins des étudiants, c'est-à-dire l'élément le plus important.
Nous avons déclaré que le conseil d'administration sera composé de simples citoyens. Il y aura le conseil des ministres de l'éducation du Canada qui représentera les gouvernements provinciaux, ainsi que des membres du milieu de l'enseignement post-secondaire. Ils auront tous un rôle à jouer dans le choix des administrateurs.
L'objectif est d'essayer de bâtir le Canada du XXIe siècle, et il s'agit d'une stratégie canadienne pour l'égalité des chances. La Fondation des bourses du millénaire fait partie de cette stratégie pour l'égalité des chances, mais elle n'en est pas le seul élément. Ce n'est qu'une des initiatives.
Les bourses d'études du millénaire ne feront pas partie d'un programme fédéral. Elles seront constituées et distribuées par un organisme privé indépendant qui traitera directement avec les étudiants. Cela signifie que la fondation et les bourses ne relèveront pas du gouvernement fédéral, et que le gouvernement fédéral ne pourra pas dicter à la fondation les paramètres du fonds des bourses d'études ou de leur distribution. Je soutiens également que nous accroissons l'accès à l'enseignement post-secondaire et c'est là tout l'objectif de l'initiative.
Nous avons entendu un certain nombre d'interventions de la part des députés de l'opposition. Pour terminer, j'aimerais cependant ajouter quelque chose au sujet de la stratégie canadienne pour l'égalité des chances. C'est une stratégie globale qui vise à élargir l'accès à l'égalité des chances, au savoir et aux connaissances. Pour un étudiant qui espère acquérir une éducation post-secondaire, cela signifie que 100 000 bourses d'études du millénaire seront octroyées chaque année. Pour l'un parmi le million d'étudiants canadiens qui est en train de rembourser ses dettes d'études, cela signifie un allégement fiscal pour la première fois sur la partie intérêt des prêts aux étudiants. Pour un adulte qui espère reprendre ses études ou acquérir de nouvelles connaissances, cela signifie un accès à son REER sans impôts. Pour un parent ou un grand-parent, la stratégie canadienne pour l'égalité des chances signifie la subvention canadienne au régime d'épargne-études, afin de les aider à économiser en prévision des études de leurs enfants ou de leurs petits-enfants.
• 2335
Je termine ici et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion
d'expliquer cette question.
Le président: Merci, monsieur Valeri.
Monsieur Crête, êtes-vous prêt à passer au vote sur cette motion?
[Français]
M. Paul Crête: Nous n'avons plus d'orateurs, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Nous aurons un vote par appel nominal sur la motion de M. Crête. Je vais vous la lire.
-
Je propose que le projet de loi C-36, Loi portant exécution de
certaines dispositions du budget de 1998 déposé au Parlement le 24
février 1998, ne soit étudié article par article qu'après que l'on
nous ait fait rapport du résultat de la négociation entre le
gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, je propose que la décision du comité du 2 avril voulant que le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 1998 déposé au Parlement le 24 février 1998, fasse l'objet d'un rapport à la Chambre des communes le vendredi 8 mai 1998, soit annulée.
[Traduction]
Le président: M. Crête a demandé un vote par appel nominal.
(La motion est rejetée par 7 voix contre 2)
Le président: Il y a une autre motion.
M. Yvan Loubier: Je propose que la décision prise par le comité le 2 avril 1998, de faire rapport à la Chambre d'ici le vendredi 8 mai 1998 du projet de loi C-36, portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 24 février 1998, soit annulée.
(La motion est rejetée par 7 voix contre 2)
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, je demande le consentement unanime pour que nous puissions retirer les amendements que nous avions déposés antérieurement.
[Traduction]
Le président: Avons-nous le consentement unanime?
Des voix: D'accord.
Le président: Je mets donc immédiatement aux voix et dans l'ordre, sans autre débat, toutes les questions nécessaires pour que le comité termine ses délibérations sur le projet de loi C-36, conformément à la motion adoptée par le comité le 2 avril, dont la teneur a été répétée dans la motion adoptée le mardi 5 mai.
Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'étude du préambule contenu à l'article 1, est reporté.
(Les articles 2 à 47 inclusivement sont adoptés à la majorité)
[Français]
M. Paul Crête: Êtes-vous rendu à l'article 133, monsieur le président? Est-ce que les articles n'ont pas tous été adoptés avec dissidence jusqu'à l'article 133?
Le président: Non.
M. Paul Crête: D'accord.
[Traduction]
(Les articles 48 à 133 inclusivement sont adoptés à la majorité)
(L'annexe est adoptée)
(L'article 1 est adopté)
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, je demande, s'il vous plaît, un vote par appel nominal.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, nous demandons le vote par appel nominal sur le projet de loi au complet, s'il vous plaît.
M. Paul Crête: Pour déterminer si le projet de loi est adopté.
M. Yvan Loubier: Un vote par appel nominal sur le projet de loi au complet, s'il vous plaît.
[Traduction]
Le président: Voulez-vous mettre la question aux voix?
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui.
[Traduction]
(La motion est adoptée par 7 voix contre 2)
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
(La motion est adoptée par 8 voix contre 2)
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Des voix: À la majorité.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney: Au nom de tous les membres du Comité, je pense qu'il convient de remercier tous les fonctionnaires qui ont travaillé avec nous ces derniers jours—de tous les ministères et de nos propres services. Ils ont certainement passé de longues heures ici aujourd'hui et leur service nous a été précieux.
Le président: Je partage vos sentiments, madame Torsney, et au nom des membres du Comité, je remercie sincèrement tous ceux qui ont pris la peine d'assister à toutes nos délibérations. J'ai certes apprécié le débat sur ce projet de loi et je remercie les membres du Comité de leur travail.
La séance est levée.