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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 8 juin 1998

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à l'audience de cet après-midi des audiences sur les consultations prébudgétaires.

Nous avons le plaisir d'avoir avec nous des représentants de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance: David Thibaudeau, son président, et Bill Strain, président, Fiscalité, Conference for Advanced Life Underwriting.

Nous avons également des représentants de l'Association canadienne de l'imprimerie: Michael Makin, président; et des représentants du Conseil national des chefs d'entreprise: son président Tom D'Aquino et David Stewart Paterson, associé principal, Politique et communication. Nous avons enfin des représentants de l'Association canadienne de l'immeuble: Pierre Beauchamp, directeur général, et Gregory Klump, économiste en chef.

Messieurs, soyez les bienvenus. Vous savez comment fonctionnent nos audiences. Vous disposez de 10 à 15 minutes pour faire un exposé; on passe ensuite à une période de questions et de réponses.

Nous allons commencer par l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance, M. David Thibaudeau, vous avez la parole.

M. David Thibaudeau (président, Association canadienne des conseillers en assurance et en finance): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle David Thibaudeau et je suis président de l'ACCAF—l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance, connue autrefois sous le nom d'Association des assureurs-vie du Canada. Je suis accompagné de Bill Strain, le président, Fiscalité, de la Conference for Advanced Life Underwriting, qui est une section de l'ACCAF.

Je tiens à remercier le comité de m'offrir la possibilité de lui présenter le point de vue des conseillers en assurance et en finance sur ce que devraient être les priorités du gouvernement pour le budget fédéral 1999.

Depuis 1906, l'ACCAF est l'association professionnelle nationale bénévole des agents et courtiers d'assurance du Canada. Le nom de l'association a été modifié pour tenir compte du fait que les membres de l'ACCAF considèrent qu'ils fournissent des conseils financiers complets—des produits et des services qui ne se limitent pas aux assurances-santé traditionnelles.

L'ACCAF a établi la Conference for Advanced Life Underwriting en 1991 afin de répondre aux besoins de ceux de ses membres qui se spécialisent dans des domaines tels que la succession d'une entreprise, les avantages sociaux et les régimes de prévoyance du personnel. Bon nombre de clients des membres de la CALU sont propriétaires de petite ou moyenne entreprise.

Les membres de l'ACCAF et de la CALU aident les Canadiens à assurer leur sécurité financière. Les membres de notre association sont en contact journalier avec des millions de Canadiens qu'ils aident à déterminer leurs besoins personnels, familiaux et professionnels et à qui ils offrent des produits leur permettant de répondre à ces besoins. Les commentaires et les recommandations que nous allons présenter aujourd'hui au comité sont déterminés dans une large mesure par la fréquence et la nature des contacts de nos membres avec les Canadiens.

Je voudrais maintenant présenter un bref aperçu de nos réponses aux quatre questions prébudgétaires du comité. Vous trouverez des réponses plus détaillées dans notre mémoire dont des copies vous ont été fournies aujourd'hui.

Premièrement, je voudrais vous dire ce que les membres de l'ACCAF considèrent comme les priorités générales en ce qui concerne l'excédent budgétaire. Bien qu'il soit difficile de calculer la taille exacte de l'excédent physique, les analystes du secteur privé prévoient un excédent budgétaire d'environ 10 milliards de dollars pour l'exercice en cours. Si l'on tient ce chiffre pour acquis, l'ACCAF et la CALU recommandent que le gouvernement consacre 50 p. 100 du montant exclusivement au remboursement de la dette, et environ 25 p. 100 à la réduction des impôts et à des dépenses nouvelles afin de répondre aux besoins économiques et sociaux.

Rentrons maintenant dans le détail.

En ce qui concerne la réduction de la dette, l'ACCAF et la CALU craignent qu'on accorde trop d'importance au ratio dette-PIB par rapport au montant absolu de la dette. Il serait possible de réduire ce ratio en augmentant le PIB, en réduisant la dette, ou en combinant les deux. Mais la charge fiscale des Canadiens ne sera pas réduite si l'on compte uniquement sur une augmentation du PIB.

Selon une estimation faite par l'Institut C.D. Howe dans une étude de février 1998, l'intérêt de la dette fédérale coûte à une famille canadienne moyenne 5 500 $ par an sous forme d'impôts. Si le montant de la dette demeurait le même et si le PIB était multiplié par deux, le ratio dette-PIB diminuerait de 34 p. 100, mais le remboursement de la dette continuerait à coûter 5 500 $ par an à la même famille. À moins que l'on ne réduise sensiblement le niveau absolu de la dette, les Canadiens continueront à être soumis à des frais d'intérêt et donc à un fardeau fiscal inutilement élevé.

• 1540

L'ACCAF et la CALU considèrent que le plan de remboursement de la dette du gouvernement fondé sur des hypothèses prudentes de planification économique et sur l'utilisation de la réserve de prévoyance annuelle de trois millions de dollars pour ce remboursement créera une tendance permanente à la baisse. L'ACCAF et la CALU sont également favorables au cycle de planification de deux ans, car il impose une certaine discipline et privilégie l'atteinte d'objectifs spécifiques dans des délais raisonnables.

Il est très important que le gouvernement fédéral continue à attirer l'attention du public sur l'importance de ses efforts pour réduire la dette fédérale. Il est important que les Canadiens comprennent que le rétablissement de la santé économique et de la compétitivité du Canada est tributaire d'un engagement à long terme en faveur d'une gestion fiscale prudente, et que l'élimination d'un déficit ne signifie pas nécessairement que cet objectif fondamental a été atteint.

L'ACCAF et la CALU recommandent donc que le gouvernement fasse de la réduction de la valeur absolue de la dette sa grande priorité budgétaire. L'ACCAF et la CALU recommandent également que pour faciliter la réduction de la dette, le gouvernement continue à utiliser des horizons de planification de deux ans dans le cadre de sa politique financière.

Passons maintenant à la question de la réduction des impôts, l'ACCAF et la CALU approuvent l'allégement fiscal de 1,5 milliards de dollars en faveur des Canadiens à revenu bas et moyen, qui a été annoncé dans le budget 1998, mais comme le comité le sait fort bien, dans l'ensemble, le fardeau fiscal des Canadiens demeure trop lourd, en particulier lorsqu'on le compare à celui des ressortissants de notre partenaire commercial le plus important, les États-Unis.

Entre autres choses, le lourd fardeau imposé par l'impôt sur le revenu des particuliers contribue à un exode de personnes hautement qualifiées: cadres, scientifiques, informaticiens et autres professionnels très bien payés. Étant donné la taille de l'excédent budgétaire, le moment est manifestement venu pour le gouvernement d'offrir un allégement modeste de l'impôt sur le revenu des particuliers, en commençant par le rétablissement de l'indexation des tranches de revenu des particuliers.

Comme le comité le notait dans son rapport prébudgétaire de 1997, un régime fiscal non indexé sur l'inflation augmente l'assiette fiscale, augmente le taux moyen d'imposition appliqué à l'assiette fiscale, et accroît le taux marginal d'imposition des particuliers frappant leur revenu d'emploi et leur revenu de placement.

D'autre part, l'ACCAF et la CALU expriment des réserves au sujet de l'écart relatif entre les trois tranches d'imposition fédérales: 17 p. 100, 26 p. 100 et 29 p. 100. Le fort écart de 9 p. 100 entre la première et la seconde tranche, comparé à celui de 3 p. 100 entre la seconde et la troisième, préoccupent les contribuables depuis longtemps. Une réduction du taux moyen, par étapes si c'est nécessaire, serait bien accueillie car elle constituerait une amélioration du régime fiscal.

L'ACCAF et la CALU recommandent donc que le gouvernement rétablisse l'indexation des tranches de l'impôt sur le revenu des particuliers. Nous recommandons également que le gouvernement réduise le taux d'imposition de 26 p. 100 sur le revenu des particuliers.

L'ACCAF et la CALU estiment que ces mesures d'allégement fiscal sont réalisables sans qu'il soit nécessaire de remettre en cause la victoire remportée de haute lutte par le gouvernement sur le déficit. De telles mesures n'endigueraient pas immédiatement l'exode des compétences vers le sud, mais elles montreraient clairement aux Canadiens qui envisagent de partir qu'un allégement fiscal important est imminent.

Le comité et le gouvernement ont exprimé à maintes reprises leur désir de récompenser les contribuables canadiens surchargés sur le plan du travail et de l'impôt, qui ont consenti à tant de sacrifices ces dernières années, mais les actes sont plus éloquents que les mots, en particulier dans le domaine de l'impôt.

L'ACCAF et la CALU estiment que les plafonds de cotisation au REER offrent une autre possibilité de changement constructif du régime fiscal. Bien qu'apparemment les plafonds de cotisation à un REER aient été gelés, ils ont en fait baissé si l'on tient compte du taux d'inflation. Le nombre de contribuables qui atteignent le plafond des gains admissibles est plus élevé du fait que leurs salaires augmentent; pourtant, la cotisation à un REER est plafonnée jusqu'à l'an 2004, au moins. Si ce gel n'avait pas été imposé, nous estimons que la limite de cotisation à un REER pour l'année d'imposition 1998 serait d'environ 20 000 $ et continuerait à augmenter, par rapport au plafonnement actuel de 13 500 $.

Les prestations de retraite déterminées, autre élément important du système privé d'épargne-retraite pour les Canadiens, ont également été gelées. S'il n'y avait pas eu ce gel, l'ACCAF et la CALU estiment que le plafond des prestations de retraite déterminées pour l'année d'imposition 1998 serait d'environ 2 200 $ et continuerait à augmenter, alors que le plafond actuel est de 1 722 $ pour chaque année de service.

• 1545

Nous recommandons que le gouvernement relève immédiatement le plafond de la cotisation annuelle à un REER de 13 500 $ à 14 500 $ pour l'année d'imposition 1999, et à 15 500 $ pour l'année d'imposition de l'an 2000, et que le plafond soit ensuite indexé sur l'inflation. Nous recommandons aussi que le gouvernement indexe le plafond de la pension annuelle pour les régimes à prestations déterminées, à partir de l'année d'imposition de l'an 2000.

Une question qui préoccupe beaucoup nos membres et leurs clients est celle de l'accès à des régimes complémentaires de soins médicaux et dentaires. L'ACCAF et la CALU saisissent cette occasion pour remercier le comité et le gouvernement d'avoir décidé de permettre aux entreprises non constituées de déduire du revenu le coût de ces assurances complémentaires, ce qui les place sur un pied d'égalité avec l'employé incorporé travaillant à son compte. Nous croyons que le moment est venu pour le gouvernement de passer à l'étape suivante et d'autoriser les employés dont les employeurs ne leur offrent pas de régime complémentaire de soins médicaux et dentaires, de déduire de leur revenu le coût de cotisation à une assurance adéquate.

L'ACCAF et la CALU tiennent également à saluer les efforts du comité et du gouvernement pour renforcer le partenariat avec les organisations sans but lucratif et bénévoles qui fournissent des services contribuant à améliorer la qualité de vie des Canadiens. Nous avons particulièrement apprécié les mesures contenues dans le budget 1997 visant à accroître l'aide fiscale pour les donations de certaines valeurs cotées en bourse, et l'augmentation jusqu'à 75 p. 100 du plafond du revenu annuel pour l'utilisation de crédits pour les dons à la plupart des oeuvres de bienfaisance.

Comme mon collègue Bill Strain le disait dans son exposé prébudgétaire d'octobre 1997 devant votre comité, et comme l'a répété le groupe d'examen des encouragements aux dons de bienfaisance lors de sa comparution, en février 1998, devant le Comité des finances chargé d'étudier le projet de loi C-28, la loi contient une mesure excessive de contre-évasion. Nous estimons que cette mesure, qui vise le problème des transactions d'auto-prêt, impose une exigence déraisonnable, qui aura pour effet d'empêcher de nombreux donateurs actuels et potentiels de faire un don à des oeuvres de bienfaisance, en particulier lorsqu'il s'agit de fondations privées.

Nous croyons qu'il est possible d'apaiser les craintes exprimées par le ministère des Finances au sujet du comportement des contribuables. Nous recommandons donc que le gouvernement examine à nouveau les mesures de contre-évasion contenues dans le projet de loi C-28 et élabore des mesures appropriées afin d'éviter les abus, sans pour cela décourager les dons de bienfaisance.

Je voudrais conclure sur les deux dernières questions du comité: Comment aider les Canadiens à se préparer à tirer parti des possibilités offertes par cette époque nouvelle, et comment offrir de larges perspectives d'emploi à tous les Canadiens dans la nouvelle économie.

L'ACCAF et la CALU se réjouissent des initiatives prises dans le budget 1998 en ce qui concerne les secteurs prioritaires des soins de santé et de l'éducation. L'augmentation des transferts aux provinces au titre de l'assurance-maladie et des programmes sociaux, ainsi que l'aide financière aux étudiants grâce à des mesures telles que le Fonds des bourses du millénaire et le Réseau scolaire canadien, sont typiques du genre d'investissements auxquels l'ACCAF et la CALU donnent leur aval.

À l'exception des initiatives de dépenses économiques et sociales dans le domaine des infrastructures mentionnées ci-dessus, l'ACCAF et la CALU estiment que le gouvernement fédéral devrait normalement avoir pour rôle de créer un environnement propice permettant aux entreprises et aux particuliers de créer et de tirer parti des débouchés. Cela inclut le maintien d'un excédent budgétaire, d'un faible taux d'inflation, et d'une réduction progressive du ratio dette-PIB.

Apparemment, les Canadiens sont en général d'accord avec cette approche. Un sondage effectué par Angus Reid en février 1998 a révélé que les Canadiens n'étaient pas partisans d'une omniprésence du gouvernement, et que 55 p. 100 des répondants avaient déclaré que le gouvernement ne devrait plus grossir ou devrait même diminuer de taille. Les membres de l'ACCAF et de la CALU ne sauraient être plus d'accord.

Merci, monsieur le président, de nous avoir offert cette possibilité de participer. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Thibaudeau.

Nous allons maintenant entendre le représentant de l'Association canadienne de l'imprimerie, M. Michael Makin.

M. Michael Makin (président, Association canadienne de l'imprimerie): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Bonjour.

L'Association canadienne de l'imprimerie profite de l'occasion qui lui est offerte de comparaître devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes pour aborder les questions qu'il se pose au sujet du budget fédéral de 1999.

À titre d'explication, je précise que l'ACI est le porte- parole national des industries de la prépresse, de la presse et des industries connexes de l'impression au Canada. Nous sommes fiers de représenter les entreprises membres d'un océan à l'autre. Depuis 1939, l'association agit à titre d'organisme collectif afin de représenter les intérêts de cette industrie pour l'élaboration de politiques, la réglementation et la législation.

• 1550

L'industrie de l'impression commerciale est l'un des secteurs d'activité les plus importants sur le plan économique et les plus avancés au point de vue technologique au Canada, comme vous le savez. Dans chaque collectivité, il y a un imprimeur; presque tous les Canadiens peuvent citer le nom de quelqu'un qui travaille pour une imprimerie. Souvent, on le tient pour acquis, mais nos entreprises font partie intégrante du tissu que forment les petites entreprises.

Nous appartenons à 93 p. 100 des intérêts canadiens. Plus de 75 000 Canadiens travaillent pour des imprimeurs d'un océan à l'autre. En 1998, les expéditions de notre industrie atteindront neuf milliards de dollars. Compte tenu d'un multiplicateur de rendement brut de 1,9, huit milliards de dollars supplémentaires seront générés dans d'autres secteurs de l'économie canadienne.

L'industrie de l'impression au Canada représente près de 10 p. 100 de tous les établissements de fabrication de notre pays. Nous sommes donc, de loin, l'industrie de fabrication la plus importante du pays, compte tenu du nombre d'établissements.

Nous exportons également. Les exportations canadiennes d'imprimés commerciaux et de matières connexes aux États-Unis ont dépassé 800 millions de dollars en 1997, et nous atteindrons bientôt un milliard de dollars.

Je tiens cependant à préciser que notre industrie est essentiellement composée de petites entreprises. Bien que des sociétés telles que Québécor et Transcontinental représentent un segment considérable de cette industrie, nous représentons également de petites entreprises, et c'est là-dessus que porteront aujourd'hui nos commentaires.

Dans notre mémoire, nous présentons des renseignements détaillés sur le type de difficultés auxquelles notre industrie est confrontée, ainsi que sur les volumes moyens des ventes de nos entreprises, depuis de celles qui ont de un à neuf employés, jusqu'aux grandes sociétés de 100 employés ou plus. Comme je viens de le dire, c'est dans ce contexte que nous présentons nos observations sur le budget.

Nous avons décidé de répondre à vos questions dans l'ordre et sous la forme dans laquelle elles étaient présentées.

Votre première question était la suivante: Quel message souhaitez-vous transmettre au gouvernement relativement aux priorités qu'il doit établir pour l'excédent budgétaire. Je crois que l'on peut dire que notre industrie, et les membres de notre association en particulier, sont assez unanimes à féliciter le gouvernement pour la diligence avec laquelle il s'efforce de ramener le déficit à zéro en se concentrant sur la réduction des dépenses. Le ministre des Finances, M. Paul Martin, mérite en particulier d'être félicité pour son leadership dans les efforts d'assainissement de la situation financière de notre pays. Bon an mal an, il a réussi à atteindre les objectifs dans ce domaine, ce que l'immense majorité de ses prédécesseurs avaient été incapables de faire.

Je crois qu'il est également juste de dire, avant de se montrer trop partial, que ce succès est aussi un peu déformé par le fait que le gouvernement n'a pas hésité à utiliser quelques artifices de comptabilité en incluant le fonds d'assurance-emploi dans les comptes consolidés fédéraux alors qu'ils n'y figuraient pas auparavant. Par conséquent, un excédent du compte permet de projeter une image beaucoup plus optimiste, ce qui est le cas depuis quelques années. Pour poursuivre dans cette veine, nous estimons que l'important excédent actuel du fonds d'assurance- emploi est nuisible—ne mâchons pas les mots—et qu'il conviendrait de le réduire.

Nous conseillons vivement au gouvernement de se concentrer, dans un contexte postdéficit, sur les politiques qui encourageraient la création d'emplois. Nous estimons également que le gouvernement devrait rembourser la dette qui continue de ralentir l'essor de notre nation.

Après ces commentaires très généraux, venons-en à quelques questions de détail.

Le gouvernement devrait continuer à faire une priorité des nouveaux investissements stratégiques appropriés. Au risque de nous répéter, nous pensons qu'il devrait réduire immédiatement et de façon sensible les cotisations d'assurance-emploi. Même une réduction de 20 p. 100 par rapport au montant actuel de 2,70 $ par tranche de 100 $ de paie permettrait d'injecter plus de quatre milliards de dollars dans l'économie canadienne et de créer quelque 80 000 emplois. Nous pensons que le moment est venu de le faire. Le gouvernement est sur la bonne voie et il est temps de revenir en arrière et, comme le ministre des Finances le disait lui-même il y a plusieurs années, de permettre aux petites entreprises de créer des emplois et de leur fournir les outils nécessaires pour cela.

Notre recommandation la plus spécifique, qui vise le régime fiscal et la compétitivité, a un caractère un peu technique et je vous prie de m'en excuser. Je vous renvoie à ce que nous disons dans notre mémoire au sujet des politiques d'amortissement des ordinateurs.

Avant 1988, la majeure partie des appareils et du matériel de fabrication et de transformation (et l'équipement informatique connexe) était soumise à un plan d'amortissement de catégorie 29 comportant une radiation linéaire sur trois ans de 25 p. 100, 50 p. 100, 25 p. 100, et je suis certain que tous mes collègues à cette table s'en souviendront. La loi adoptée par le gouvernement en 1988 a modifié ce plan en le remplaçant par un taux d'amortissement régressif de 25 p. 100 et en mettant en place la règle de la demi- année qui, dans la pratique, réduisait de moitié l'amortissement de la première année. Bien que le gouvernement fédéral ait augmenté en 1992 le taux admissible pour le matériel de fabrication et de transformation et pour le matériel informatique, le faisant passer de 25 à 30 p. 100 sur un taux d'amortissement dégressif, la règle de la demi-année est demeurée en vigueur.

• 1555

En termes simples, cela signifie qu'il faut parfois attendre sept ans avant qu'un matériel informatique puisse être radié ou à peu près amorti aux fins de l'impôt, alors que nous savons tous qu'à notre époque, il tombe en désuétude beaucoup plus rapidement. Nous estimons que les politiques fiscales des années 70 et 80 n'ont plus leur place à la veille du nouveau millénaire, et nous pensons que le gouvernement se devrait de prendre l'initiative dans ce domaine. C'est pourquoi nous vous soumettons cette proposition.

Nous croyons que pour être concurrentielles, les entreprises de fabrication canadiennes qui ont besoin de matériel informatique, comme c'est notamment le cas de notre industrie, doivent pouvoir investir à un taux de rentabilité économique. Nos taux d'amortissement devraient donc être établis en fonction des progrès technologiques réalisés et du facteur d'obsolescence. Rien que dans notre industrie, la majeure partie du matériel devient désuet en l'espace de 14 à 36 mois, bien longtemps avant que beaucoup de nos entreprises ne les radient. Nous ne faisons pas uniquement allusion aux ordinateurs portatifs et aux petits ordinateurs. J'ai joint un document d'information en annexe—et je vous prie d'excuser la manière dont il a été imprimé—sur le type de matériel utilisé dans notre industrie, ou dans l'usine d'Aurora de Québécor; nous avons des ordinateurs frontaux qui coûtent 625 000 $ et qui deviennent obsolètes au bout d'un certain nombre d'années.

Nous recommandons donc au gouvernement fédéral d'adopter ce que nous appelons «un plan d'amortissement du matériel de haute technologie», qui encouragerait l'investissement dans le domaine technologique et renforcerait notre compétitivité. L'ACCAF propose un plan d'amortissement linéaire de 50 p. 100 pour la première année et de 25 p. 100 pour la deuxième et la troisième années, respectivement. Cela nous ramène un peu à l'ancien système, mais nous le croyons toujours valable.

Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer cette occasion, car en ce moment même, le Ways and Means Committee des États-Unis a présenté une mesure législative qui ramènerait le plan d'amortissement de cinq ans à deux ans, c'est-à-dire mieux que ce que nous proposons nous-mêmes. Mais comme nous tenons à féliciter le gouvernement de l'orientation prise par lui nous ne voulons pas traiter nos dépenses à la légère. Nous pensons que ce que nous proposons est raisonnable.

Monsieur le président, je ne tiens pas à vous noyer dans les détails, car les membres de votre comité pourront nous poser des questions, mais vous trouverez dans notre mémoire un tableau qui illustre la manière dont un appareil informatique de 10 000 $, par exemple, serait amorti.

Les avantages d'une telle modification fiscale seraient manifestement les suivants: stimulus économique, compétitivité accrue et productivité améliorée, autrement dit, tous les objectifs mentionnés dans le discours du Trône, qui nous paraissent très importants. Il ne s'agit pas là d'un stratagème pour tromper le fisc mais au contraire, d'une façon d'encourager l'investissement et la création d'emplois. Ne pas adopter une telle mesure reviendrait en fait pour le gouvernement à éluder ses propres responsabilités.

La troisième question est la suivante: Comment pouvons-nous aider les Canadiens à se préparer à saisir les occasions qui leur seront offertes dans ce domaine. Comme nous l'avons déjà expliqué, les industries doivent constamment investir dans la technologie pour survivre, et il est donc évident que la modification de nos politiques fiscales constituerait un pas dans la bonne direction. N'oublions cependant pas que si l'investissement dans la technologie est une chose, il faut également investir dans les ressources humaines.

Nous suggérons, et sans rien avoir de concret à proposer à ce sujet, que le gouvernement étudie les moyens d'aider les petites entreprises à assurer la formation de leurs employés grâce à des mesures d'incitation fiscale. Il n'existe pas de panacée pour régler le problème de la formation au Canada; il n'y a pas de solution passe-partout; mais le meilleur moyen serait peut-être que le gouvernement aide les petites entreprises à investir dans leurs employés. Que cela prenne la forme d'un dégrèvement d'impôt pour la formation ou de la mise en place d'un mécanisme qui leur permettrait de passer les frais en charges, nous pensons que ce serait faire un pas dans la bonne direction et que les fonctionnaires des finances devraient étudier cette possibilité. Nous avons d'ailleurs commencé à en discuter avec certains d'entre eux.

Pour terminer, la quatrième question est la suivante: Quelle est la meilleure façon pour le gouvernement de s'assurer que toute une gamme de débouchés soient offerts à l'ensemble des Canadiens dans la nouvelle économie. La réponse est très facile. Car je crois l'avoir déjà donnée en répondant aux trois questions précédentes.

La meilleure façon pour le gouvernement d'assurer la création d'emplois est d'aider les employeurs par le biais de politiques fiscales et d'un climat d'investissement qui serait propice à la création d'emplois au lieu de l'entraver. Un grand pas en avant pourrait également être fait en allégeant le coût salarial indirect des petites entreprises, en examinant les politiques fiscales désuètes et en étudiant des façons d'investir dans les employés.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie vivement de votre exposé. Nous allons maintenant donner la parole aux représentants du Conseil national des chefs d'entreprise. Nous allons commencer par son président, M. Tom D'Aquino.

• 1600

M. Tom D'Aquino (président, Conseil national des chefs d'entreprise): Monsieur le président, il m'est toujours très agréable de comparaître devant ce comité, et je suis très heureux d'être accompagné de mon collègue David Stewart Patterson, qui est un associé principal du Conseil national des chefs d'entreprise.

Je suis très heureux de comparaître devant le comité, et cela d'autant plus que nous vivons une période aussi riche de promesses. Il est arrivé trop souvent dans le passé que le Conseil canadien des chefs d'entreprise doive sonner l'alarme. Nous avons lancé des avertissements à propos des conséquences qu'auraient l'accumulation de déficits, l'inflation ainsi que la volonté éventuelle de tenir les Canadiens à l'écart du processus dynamique de mondialisation. La transition effectuée par les gouvernements et par le secteur privé, comme nous le savons tous, n'a pas été facile, mais il est clair que les Canadiens commencent à récolter les fruits de leur labeur.

Presque tous les indicateurs économiques sont nettement favorables. Ainsi, la croissance de l'économie demeure vigoureuse. Le Canada est venu en tête des pays du G-7 à ce chapitre l'an dernier et semble en passe de renouveler cet exploit en 1998. La stabilité des prix à la consommation est tout à fait remarquable tandis que les taux d'intérêt, source de dépenses importantes pour les consommateurs et les gouvernements, sont tombés à des nouveaux niveaux historiques. Plus d'un demi-million d'emplois ont été créés depuis le début de l'an dernier—ce qui vaut la première place au Canada parmi les pays du G-7 à cet égard. Presque tous ces emplois ont été créés au sein du secteur privé et sont à plein temps. Et, ce qui est peut-être plus important, le revenu moyen des Canadiens est lui aussi en hausse.

Vous vous souviendrez peut-être que lors de comparutions antérieures devant votre comité, j'avais exprimé de sérieuses inquiétudes au sujet de la stagnation des revenus des particuliers. Il s'agit aussi de bonnes nouvelles pour le gouvernement. Les recettes fiscales—qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu des particuliers, sur les bénéfices des sociétés ou sur les dépenses—continuent d'être supérieures à toutes les attentes. Je suis certain que M. Martin s'en réjouit profondément.

Au cours des quatre dernières années, les revenus générés par la TPS ont augmenté de 4,1 milliards de dollars, soit une hausse de 26 p. 100, tandis que les recettes générées par l'impôt sur le revenu des particuliers et celui des sociétés ont augmenté respectivement de 17 milliards de dollars et de 10,5 milliards de dollars, soit, en pourcentage, 33 p. 100, et 113 p. 100. Pour la première fois depuis près de 30 ans, les recettes du gouvernement fédéral dépassent les montants dont il a besoin pour s'acquitter de ses obligations importantes.

Il y a cinq ans—et certains d'entre vous s'en souviendront—le plaidoyer du CCCE en faveur de l'équilibre budgétaire d'ici 1998 avait été perçu comme étant de la plus haute fantaisie. Or, grâce à une combinaison d'une bonne stratégie, d'une exécution efficace et d'un bon sens de l'opportunité, nous y sommes parvenus. N'oublions cependant pas que la réduction du déficit n'est pas un objectif en soi, mais plutôt le moyen de retrouver une réelle souplesse budgétaire.

Lorsque ce comité examinera les choix qui s'offrent aujourd'hui au gouvernement, j'espère qu'il n'oubliera pas une chose importante. Contrairement à ce que certains économistes ont pu vous dire, le cycle économique n'est pas achevé. La politique budgétaire ne doit pas être fondée sur l'hypothèse que les conditions économiques favorables actuelles seront éternelles. Il ne faut donc pas prendre des initiatives de dépenses dont le financement serait tributaire d'une croissance rapide. Il ne faut pas non plus réduire les impôts aussi rapidement qu'un ralentissement marqué de l'économie ou une hausse importante des taux d'intérêt risquerait de conduire à nouveau à un déséquilibre des finances publiques.

Le Conseil canadien des chefs d'entreprises souhaite que les niveaux d'imposition soient réduits de façon sensible, et ce, aussi rapidement que possible. Nous voulons que les impôts continuent de décroître au fil du temps, mais plus que tout, nous voulons des réductions d'impôt durables. Lorsque le gouvernement décidera de diminuer les impôts, il devra être certain que ces réductions pourront être maintenues, même lorsque les conditions économiques seront moins favorables.

C'est pourquoi le CCCE a insisté pour que l'on mette au départ l'accent sur la réduction de la dette. Le simple jeu de la croissance conduira à une réduction graduelle de la dette publique en proportion de l'économie; nous savons tous cela. Cependant, la taille de la dette pose en elle-même un risque grave. Les intérêts versés pour l'exercice sont plus élevés que le total des prestations aux aînés et de tous les paiements de transfert aux provinces. Une hausse soutenue des taux d'intérêt, quelle qu'en soit la raison, pourrait avoir un effet désastreux sur la stratégie fiscale.

Les progrès réalisés sur le plan budgétaire et la compétitivité croissante se sont traduits par un regain de confiance internationale à l'égard du Canada, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Des niveaux d'endettement public élevés, le lourd fardeau associé aux taux d'imposition, la forte dépendance à l'égard du commerce des ressources naturelles, ainsi que la menace de la séparation du Québec nous rendent toujours vulnérables. Cette vulnérabilité doit être prise au sérieux en raison du climat actuel d'incertitude engendré par la globalisation de l'économie. La crise financière asiatique n'est toujours pas résorbée. Le Japon, deuxième économie mondiale, s'enfonce dans la récession. Les États-Unis sont aux prises avec un ralentissement de leur économie; et l'Europe tente de mener à terme d'importantes réformes structurelles qui ne sont pas dépourvues de risque.

• 1605

C'est pour toutes ces raisons, monsieur le président, que le CCCE a recommandé au gouvernement de concentrer ses efforts sur la réduction de la dette au cours des deux prochaines années et de poursuivre par la suite une réduction continue de la dette en termes absolus.

Étant donné la situation économique actuelle, nous sommes d'avis qu'un objectif de 60 p. 100 du ratio de la dette au PIB d'ici deux ans et de 50 p. 100 d'ici 2002, représente un véritable défi, mais un défi réalisable. Le ministre des Finances, Paul Martin, a lui-même suggéré devant ce comité qu'«au minimum, le Canada devrait être en aussi bonne posture que les États-Unis», dont le ratio de la dette au PIB s'approche, notait-il, des 40 p. 100.

Tout propriétaire d'une résidence sait que c'est au cours des premières années qu'il est le plus profitable de faire des paiements supplémentaires pour rembourser l'hypothèque. Chaque milliard de dollars supplémentaires remboursés par le gouvernement cette année entraînera des économies additionnelles au cours de chaque année subséquente. Les paiements de remboursement de la dette ne sont pas une alternative aux réductions d'impôt—il s'agit en fait d'un placement qui garantit des réductions d'impôt encore plus importantes, et qui conférera au gouvernement une grande marge de manoeuvre en bout de ligne.

C'est également une question de principe. C'est un engagement que nous devons prendre envers nos enfants. Nous avons accumulé cette dette afin d'offrir des services à une génération. Nous devrions sûrement léguer à la prochaine génération autre chose que nos factures.

En plus du principe de maintien de l'équité entre les générations, il faut savoir que nos décisions auront des conséquences réelles pour l'avenir. L'Institut C.D. Howe vient de rendre public une étude sur les conséquences à long terme des politiques démographiques fiscales du Canada. Cette étude montre que la politique fiscale actuelle ne peut être efficace que si le gouvernement utilise ses surplus anticipés pour rembourser sa dette au cours des cinq prochaines années.

Si, en revanche, ces surplus ne sont utilisés que pour augmenter les dépenses et réduire les impôts, il en résultera une augmentation dramatique du fardeau fiscal net pour les prochaines générations. Seule une réduction modérée de la dette dès maintenant nous permettra d'éviter le retour d'énormes déficits et des hausses d'impôts.

Il ne faut pas s'y tromper: si le CCCE met aujourd'hui l'accent sur la réduction de la dette, c'est pour garantir la viabilité d'une réduction importante des impôts dans l'avenir. Les Canadiens paient trop d'impôt. Je crois que c'est là le message adressé à tous les gouvernements de notre pays.

L'impôt payable par une famille moyenne ne devrait pas être supérieur à ce qu'elle doit payer pour se nourrir, pour se vêtir et se loger, alors que c'est le cas actuellement. Sous l'effet furtif de la désindexation des tranches d'imposition, un nombre croissant de Canadiens doivent payer plus d'impôts, même lorsque leurs revenus réels demeurent relativement stationnaires. La multiplication des avantages et des mesures de récupération fondées sur des critères de revenu a obligé les familles appartenant à toutes les catégories de revenus d'assumer des taux marginaux d'imposition trop lourds.

Cette situation a un effet dissuasif sur l'initiative et crée une attitude de dépendance. Plus précisément, les niveaux d'imposition au Canada entravent la capacité de nos entreprises d'affronter la concurrence mondiale et de continuer de créer des emplois plus nombreux et mieux rémunérés pour les Canadiens.

Les principaux employeurs au Canada font face à un problème croissant qui est directement lié aux taux élevés d'imposition du revenu des particuliers. En raison de ces niveaux particulièrement élevés en comparaison de ceux qui existent aux États-Unis, il leur est de plus en plus difficile de recruter et de retenir des employés hautement qualifiés. Le nombre des employés que nous perdons ainsi est peut-être faible en proportion de l'ensemble de la population, mais il s'agit des personnes dont nous avons le plus besoin.

La société canadienne, monsieur le président, offre des avantages qui compensent dans une certaine mesure ce niveau d'imposition plus élevé, nous sommes prêts à le reconnaître. Par contre, les personnes hautement spécialisées constituent une main- d'oeuvre mobile, et beaucoup d'entre elles sont prêtes à aller là où elles estiment que leur qualité générale de vie sera la plus élevée et que les débouchés professionnels seront les meilleurs. Ce que les travailleurs conservent en poches après l'impôt a un impact direct sur leur qualité de vie. Or, à mesure que l'économie devient davantage axée sur le travail intellectuel, une forme de travail qui n'est pas liée à l'emplacement des ressources ou à des contingences matérielles telles que les liaisons ferroviaires, de plus en plus de gens pourront décider de l'endroit où ils veulent vivre et travailler.

Cette situation a des répercussions importantes sur la politique de l'État. À partir du moment où les décisions d'investissement sont fondées sur les ressources humaines plutôt que sur les ressources naturelles, les emplois les mieux rémunérés seront créés là où les personnes les plus compétentes sont établies, ou encore là où elles sont prêtes à aller vivre. Il faudra donc que les gouvernements favorisent au maximum la santé des collectivités tout en limitant le plus possible les coûts pour les contribuables.

La baisse des niveaux d'imposition, contrairement à ce que certains disent, ne doit pas nécessairement se faire aux dépens de la qualité de notre union sociale. Par contre, à titre d'employés, de cadres ou d'entrepreneurs, les Canadiens veulent que l'argent qu'ils versent au gouvernement soit utilisé plus efficacement. Cela semble indiquer que la réduction des taux de l'impôt sur le revenu des particuliers devrait constituer notre grande priorité en matière de réductions fiscales.

Il y a eu un débat très vif à propos des cotisations d'assurance-emploi, du fait que l'excédent du compte d'assurance- emploi atteint un degré qui dépasse de loin le seuil requis pour garantir l'autosuffisance du régime. En fin de compte, les cotisations d'assurance-emploi font partie des recettes de l'État et constituent en pratique une autre forme d'imposition.

• 1610

Nous estimons que ces cotisations devraient être progressivement réduites, d'autant plus que les cotisations au Régime de pensions du Canada augmenteront sensiblement au cours des prochaines années. Cependant, pour l'instant, ce qui semble crucial, selon moi, c'est le niveau trop élevé d'imposition du revenu des particuliers.

Je n'ai pas l'intention de proposer aujourd'hui un calendrier de réductions d'impôt précis. Les membres du CCCE mènent actuellement des discussions et nous espérons formuler nos recommandations cet automne.

J'insiste cependant sur le fait que nous ne prônerons pas de réductions d'impôt importantes tant et aussi longtemps que le ratio de la dette au PIB n'aura pas été abaissé de façon sensible. Ce ratio est un indicateur important de la viabilité à long terme des réductions d'impôt.

La nécessité de réduire les niveaux d'imposition n'empêche en rien les gouvernements d'effectuer des investissements ciblés. Notamment, l'évolution de l'économie fondée sur le savoir va dans le même sens que l'État qui met actuellement l'accent sur les compétences et l'apprentissage.

Nous savons que le rôle du gouvernement fédéral en la matière est limité par la définition de son champ de compétence, mais il existe de nombreuses façons de fournir un appui efficace. Je vais vous en donner deux exemples.

Le programme de stage Avantage carrière, conçu, financé et administré par le secteur privé, s'est avéré un modèle que le gouvernement fédéral peut mettre à profit. À titre de grand employeur, le gouvernement a notamment accueilli des milliers de stagiaires. Mais de plus, il a su tirer encore plus de profit de cette initiative en mettant à contribution ses ressources afin d'améliorer les perspectives d'avenir des jeunes à haut risque.

Par ailleurs, je tiens à exprimer mon appui à l'endroit de la décision prise récemment par Revenu Canada de revoir ses lignes directrices en matière d'éducation et de formation financées par l'employeur. Grâce à ces révisions, il est permis de penser que les employés ne seront plus pénalisés lorsque leur employeur décidera d'investir dans leurs compétences et leurs connaissances.

Voilà un exemple de politique fiscale éclairée, qui servira la croissance aussi bien des personnes que des entreprises. En outre, comme des compétences plus grandes permettent d'avoir un meilleur revenu, les recettes publiques continueront d'augmenter au lieu de diminuer.

En guise de conclusion, monsieur le président, je veux rappeler au comité toute l'évolution qui s'est déroulée au Canada au cours des dix dernières années. Il y a quelques années à peine, nous nous sentions prisonniers de la hausse constante des déficits et de la dette, de l'inflation et des impôts.

Chaque année, le fardeau de la dette publique s'alourdissait. Chaque année, les prix grimpaient. Chaque année, nous savions que les impôts allaient augmenter à l'avenant. L'avenir semblait sombre, et plus encore l'avenir de nos enfants.

Aujourd'hui, nous sommes en passe de rompre ce cercle vicieux. L'inflation est modérée, les prix sont stables, et, pour bien des produits et des services, il semble que, d'année en année, le pouvoir d'achat de chaque dollar augmente plutôt qu'il ne diminue.

La plupart des gouvernements ne vivent pas au-dessus de leurs moyens. Le Forum économique mondial considère que le Canada est la cinquième économie la plus compétitive de la planète. Nous étions au quatrième rang, l'an dernier. Je crois qu'on a commis une erreur: nous aurions aussi dû être quatrième cette année, mais c'est une autre histoire.

Selon l'Indicateur du développement humain des Nations Unies, le Canada est pour une quatrième année d'affilée le pays où la qualité de vie est la meilleure et, dans l'ensemble, les Canadiens se sentent plus prospères et plus confiants.

Notre tâche consiste maintenant à construire un avenir apte à nourrir notre optimisme. Pour y parvenir, il faut que les Canadiens sachent au fond d'eux-mêmes que, chaque année, leur fardeau fiscal s'allégera. Ils doivent être persuadés qu'avec chaque nouvelle année qui passe, ils pourront investir davantage dans le bien-être de leur famille et de leur collectivité. Ils doivent aussi avoir le sentiment que les perspectives d'avenir de leurs enfants s'améliorent sans cesse.

Monsieur le président, nous avons la possibilité de construire cet avenir, mais il faut l'asseoir sur une base solide.

Si nous gaspillons nos gains en faisant des investissements inconsidérés, si nous ne remboursons pas nos dettes avec diligence, si nous réduisons trop rapidement les impôts à seule fin d'en tirer une satisfaction immédiate, ce bel avenir pourrait n'être qu'un mirage.

Au contraire, si nous gérons sagement nos dépenses, si nous faisons preuve de discipline à l'égard de la dette et que nous adoptons une stratégie fiscale à long terme, nous pourrons créer le genre d'avenir que tous les Canadiens voudront partager.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur D'Aquino.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association canadienne de l'immeuble. Monsieur Pierre Beauchamp, vous avez la parole.

M. Pierre Beauchamp (directeur général, Association canadienne de l'immeuble): Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous nous réjouissons de pouvoir présenter les vues de l'Association canadienne de l'immeuble au comité et aux représentants des autres industries assis à cette table.

L'Association canadienne de l'immeuble représente environ 70 000 membres au Canada, qui travaillent dans divers secteurs de notre industrie. La majorité d'entre eux sont essentiellement des courtiers et des agents de vente d'immeubles à usage d'habitation, mais nous avons aussi une importante division de spécialistes des biens à usage industriel, commercial, et des immeubles de rapport. Nos membres représentent l'immobilier à petite échelle sous toutes ses formes. La contribution de notre industrie à notre économie est très importante.

L'an dernier, grâce au service interagences, marque de commerce dont nous sommes titulaires au Canada, nos membres ont assuré près de 371 000 transactions immobilières individuelles, d'une valeur totale de 58 milliards de dollars. Ce que nous avons à dire aujourd'hui est en bonne partie fondé sur ces données.

• 1615

Il y a plusieurs années que nous considérons qu'en partageant l'information de base avant la tenue de ces tables rondes, on améliore le niveau du débat compte tenu du peu de temps dont on dispose. Nous vous avons donc fourni un sommaire des questions qui nous préoccupent et de nos réponses à bon nombre des questions posées par le comité. Nous en avons communiqué d'avance des copies au comité ainsi qu'à d'autres membres aujourd'hui assis à cette table.

Je dois vous avouer que le moment est mal choisi pour nous. Nous avons entrepris des recherches supplémentaires sur notre proposition en faveur de l'utilisation des REER pour investir dans l'immobilier à petite échelle. Nous avions l'intention d'en faire la pièce maîtresse de notre exposé prébudgétaire. Ce que je peux cependant faire aujourd'hui, c'est vous donner une idée de notre démarche actuelle, à charge pour nous de vous fournir les résultats de nos dernières recherches lorsqu'elles seront terminées dans le courant de l'été.

Je vais cependant aborder cinq questions qui sont importantes pour nos membres au Canada. La première a trait à la perspective économique telle qu'elle nous apparaît, la seconde porte sur la défense de l'investissement des REER dans l'immobilier à petite échelle, comme je viens de le dire; la troisième a trait aux inquiétudes que continue à nous inspirer la forme que l'on voudrait donner à la prestation aux aînés; la quatrième, qui est une question connexe, concerne la protection des REER qui sont un des piliers de notre régime d'épargne-retraite; et la dernière concerne la divulgation aux consommateurs des conditions de paiement anticipé d'une hypothèque et des coûts que cela entraîne.

Nous vous avons remis à tous des copies de notre dernière analyse du marché. Pour l'instant, nous nous attendons à ce que les taux hypothécaires demeurent relativement bas, que la croissance des emplois se poursuive et que la confiance des consommateurs se maintienne pendant le reste de l'année. Nous nous attendons donc à ce que le marché du logement demeure dynamique dans la plupart des cas. Il y a longtemps que nous sommes convaincus que le rôle fondamental du gouvernement fédéral dans ce domaine et dans celui de l'immobilier en général, est de maintenir des conditions économiques propices à de faibles taux d'intérêt.

Nous croyons que dans l'intérêt de la croissance et du maintien de faibles taux d'intérêt à long terme, le ministre doit s'engager à mettre en oeuvre un plan de réduction de la dette qui ne soit pas trop ambitieux.

Fort heureusement, monsieur le président, vous-même et d'autres membres du comité connaissez bien notre proposition voulant que les détenteurs de REER puissent emprunter sur ceux-ci afin d'investir dans l'immobilier commercial et locatif à petite échelle. Autrement dit, nous souhaiterions que vos mandants puissent investir dans leurs propres collectivités. À plus long terme, ils pourraient envisager d'investir dans un immeuble résidentiel de 12 unités ou un centre commercial local à Sarnia, à Burlington ou ailleurs.

Les représentants de nos chambres immobilières ont évoqué cette question devant nos représentants au Parlement au cours de notre colloque annuel d'action politique en mars. Ils nous ont fait savoir que ces réunions avaient été extrêmement fructueuses. De nombreux députés ont déclaré que cela les intéresserait de collaborer avec nous pour mettre cette idée en pratique. Beaucoup d'entre eux ont fait des commentaires très constructifs. Nous avons été encouragés par cette réaction et avons décidé qu'il était justifié de poursuivre les recherches sur cette proposition.

La politique fiscale du gouvernement a facilité les mouvements de capitaux importants dans l'immobilier institutionnel par le biais de gros fonds de pension exonérés d'impôt et de la version canadienne des REIT, c'est-à-dire des fiducies de placement immobilier. Cet investissement profite au marché immobilier à grande échelle—je précise tout de suite que nous ne critiquons pas cela; en fait, nous sommes d'accord—mais je crois que le moment est venu de penser au petit investisseur. À notre avis, la politique actuelle n'est pas favorable au maintien d'un apport suffisant de capitaux dans l'immobilier à petite échelle, bien que celui-ci joue un rôle très important dans la fourniture du produit, qu'il s'agisse d'appartements locatifs, de bureaux, de locaux pour commerce de détail ou de locaux industriels.

C'est un vaste marché qui joue un rôle critique au plan de la santé du parc de logements national. Il est indispensable de pouvoir investir directement si l'on veut maintenir les milliers de petites propriétés qui forment le pivot de nos collectivités. Elles devraient constituer des investissements tout aussi valables, même si elles n'attirent pas les fonds de pension ou les REIT.

L'investissement direct de fonds de REER par de petits investisseurs ne présente pas plus de risques que beaucoup d'autres formules actuellement utilisables. Cette forme d'investissement nous paraît présenter un risque moyen qui se situe entre les CPG les plus sûrs et les actions à haut risque que l'on offre aujourd'hui. D'après les données que nous avons réunies jusqu'à présent, le rendement historique serait de l'ordre de 8 p. 100.

• 1620

Monsieur le président, la plupart de nos membres font partie des Canadiens qui sont obligés de faire des économies pour assurer leur retraite. Ils ont profité de la politique du gouvernement qui les a encouragés à utiliser les REER.

Les agents immobiliers nous ont clairement fait savoir qu'ils sont opposés à la mise en place de la prestation pour aînés proposée dans le budget de 1996. Ils la jugent injuste. Ayant épargné avec assiduité, beaucoup d'entre eux espèrent jouir d'un revenu de retraite privé raisonnable. La récupération proposée et l'effet des impôts sur le revenu mis en ensemble imposent un taux d'imposition réel punitif sur le revenu de retraite privé.

Comme la prestation est fondée sur le revenu familial plutôt que le revenu des particuliers, certains conjoints à faible revenu perdront totalement le bénéfice de cette prestation du fait que leur conjoint a un revenu plus élevé. Monsieur le président, cela décourage l'indépendance et le désir de faire des économies en vue de la retraite. C'est une des faiblesses fondamentales de la proposition actuelle.

Nous avons fourni des détails dans le document de recherche que nous avons communiqué au comité lors des consultations de l'an dernier. Notre affiliation à la Retirement Income Coalition, l'an dernier, nous a permis de consulter certains des meilleurs spécialistes des pensions au Canada. Avec leur aide, nous avons pu engager un dialogue fructueux avec le ministère des Finances, monsieur le président. Notre entretien le plus récent remonte au 29 mai.

Nous sommes confortés par le fait que le gouvernement a nettement retardé la mise en oeuvre de ses plans et repense totalement cette proposition, mais nous doutons qu'elle puisse être aisément remaniée compte tenu de sa forme actuelle. Comme beaucoup d'autres membres de la coalition, nous croyons qu'il faudrait l'abandonner et présenter une autre proposition fondée sur la réforme du régime actuel de sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti.

L'adoption de la prestation aux aînés ne permettrait au gouvernement d'économiser que 0,4 p. 100 du PIB d'ici l'an 2030. Cette économie nous paraît bien trop insignifiante pour justifier les répercussions que nous avons évoquées.

Bien que le gouvernement ait pris l'initiative de réformer la sécurité de la vieillesse et le Régime de pensions du Canada, les REER ont été soumis à toutes sortes de manipulations dans pratiquement chaque nouveau budget annuel. Cela crée un sentiment de malaise et d'insécurité chez les agents immobiliers et, en fait, chez tous les Canadiens qui comptent sur ces REER. Je songe en particulier aux changements des niveaux des cotisations annuelles.

Nous demandons instamment au gouvernement de prendre le temps nécessaire pour étudier l'effet de chacun des trois piliers du revenu de retraite sur les autres. Dans le cas des REER, cela signifie qu'il faut s'assurer que la fiabilité et l'équité du processus ne sont pas compromis par les changements subis par les autres piliers.

Monsieur le président, je conclurai en demandant au comité de recommander un net renforcement des exigences concernant la divulgation du paiement anticipé des prêts hypothécaires. Actuellement, il n'existe rien en droit qui autorise le consommateur à payer d'avance un prêt hypothécaire conventionnel de cinq ans ou moins. La décision appartient totalement à l'établissement de prêts. Nous avons accepté, avec une certaine répugnance, d'appuyer un règlement qui exige du prêteur qu'il énonce clairement dans le document hypothécaire si le prêt peut être remboursé avant l'échéance, ainsi que les conditions de l'acquittement.

En mars dernier, le comité des finances s'est déclaré nettement favorable à l'adoption d'un nouveau règlement. Nous croyons comprendre que le projet a été retardé à cause d'autres dossiers financiers. Nous demandons cependant instamment au comité d'intervenir pour que cette mesure de protection du consommateur soit mise en oeuvre dans un délai raisonnable.

Monsieur le président, je m'en tiendrai là. Je serai heureux de répondre plus tard aux questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Beauchamp.

Nous allons maintenant passer à la séance des questions et réponses. Commençons par monsieur Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président.

Messieurs, je vous remercie de vos excellents exposés et des mémoires que vous avez présentés. Nous vous en sommes reconnaissants.

Je suis d'accord sur l'essentiel de vos commentaires mais je voudrais cependant vous demander quelques précisions.

Premièrement, monsieur Thibaudeau, vous avez abordé un sujet dont on n'avait pas beaucoup parlé jusqu'à présent, le souci constant du gouvernement de traiter la dette en tant que ratio du PIB. Son intention était d'augmenter simplement le PIB de manière à ce que la dette paraisse plus petite et plus facile à gérer, alors qu'en fait, comme vous l'avez fait fort justement remarquer, la taille de la dette ne diminue pas. En réalité, s'il y avait une interruption de notre croissance économique, le ratio pourrait être très rapidement inversé.

• 1625

Je suis donc tout à fait d'accord avec vous lorsque vous recommandez de consacrer 50 p. 100 de l'excédent budgétaire à la réduction de la dette. Peut-être pourriez-vous nous expliquer en quelques mots combien il est important de le faire grâce à une réduction réelle au lieu de se contenter de laisser la croissance de l'économie donner l'impression que la dette a diminué.

M. David Thibaudeau: Je crois que ce qui est important c'est ce que l'enquête de l'Institut C.D. Howe a montré, à savoir que cela coûte environ 5 500 $ par an à chaque contribuable. Sauf à réduire le montant réel de la dette, cette situation ne va pas changer.

Il devient donc plus facile de financer une foule de choses si vous liez la dette au PIB; mais il n'en reste pas moins que la dette est toujours là. Nous avons donc pensé que si l'on ne s'attaquait pas à la dette proprement dite, on ne s'en sortirait jamais. Si vous payez 45 millions de dollars d'intérêt, c'est autant d'argent que vous ne pourrez pas utiliser pour autre chose.

M. Dick Harris: Je crois que la famille canadienne moyenne pourrait établir un lien entre cette dette et leur hypothèque. Tant que leur revenu est stable ou augmente, il n'y a pas de problème, mais s'il y a une interruption de leurs rentrées d'argent, l'hypothèque devient un énorme problème presque du jour au lendemain.

Merci, monsieur Thibaudeau.

Monsieur d'Aquino, j'ai beaucoup apprécié vos commentaires. Je voulais surtout vous poser une question au sujet de cet exode des cerveaux. Si je vous ai bien compris, vous recommandez que l'on ne prenne pas de mesure immédiate pour réduire les impôts.

J'ai parfaitement saisi ce que vous disiez, mais à propos de l'exode des cerveaux qui fait qu'en ce moment même, les Canadiens les meilleurs et les plus compétents quittent notre pays à un rythme alarmant à cause de notre régime d'imposition, ne pensez- vous pas qu'il conviendrait peut-être d'alléger leurs impôts dès maintenant et de leur assurer que la situation s'améliorera à l'avenir, de façon à ce qu'ils puissent voir un peu de lumière au bout du tunnel? Cela contribuera peut-être à endiguer l'exode actuel des cerveaux.

M. Tom d'Aquino: Je crois que c'est un point extrêmement important. Permettez-moi d'expliquer un peu plus en détail de quelle manière je pense que le gouvernement pourrait atteindre ces deux objectifs à la fois.

Premièrement, ce que nous avons surtout voulu dire c'est que les réductions d'impôt doivent être durables. À quoi cela servirait-il que le gouvernement Harris, le gouvernement Klein ou le gouvernement Chrétien introduisent des réductions d'impôt importantes si, 12 ou 18 mois plus tard, nous nous trouvions en plein milieu d'une crise financière mondiale quelconque. Nous serions alors obligés de dire, «Nous sommes absolument désolés, mais nous avons changé d'avis.» C'est essentiellement ce que sept ou huit, pour ne pas dire neuf ministres des finances m'ont dit au cours des 15 dernières années: «Voici notre objectif, mais malheureusement, nous ne l'avons pas atteint parce que les temps ont changé.»

C'est donc le terme «durable» qui est le mot clé. Les Canadiens ne sont pas des gens crédules. Ils savent ce que signifie la durabilité. Si vous leur offrez des réductions d'impôt, ils veulent que celles-ci soient durables. La seule façon de le faire est de s'assurer que l'énorme obstacle budgétaire que nous avons encore à franchir, à savoir, la taille de la dette, commence à diminuer sérieusement.

Or, pour la première fois depuis que je comparais devant des comités parlementaires, la dette a commencé à baisser. Voilà une bonne nouvelle, mais comme l'a dit M. Martin lui-même devant ce comité... Et je sais que certains ont dit qu'il avait commis un lapsus, mais il n'en a pas moins déclaré que les États-Unis avaient un ratio de la dette au PIB de 40 p. 100, et il a fait allusion au fait que nous vivons une époque troublée sur le plan financier et que nous serions beaucoup moins vulnérables aujourd'hui si notre ratio de la dette au PIB était de 40 p. 100 au lieu de 68 p. 100, ce qui est l'évidence même.

Voici donc ce que nous proposons: Faisons un effort supplémentaire au cours des deux prochaines années pour réduire plus rapidement cette dette; ce n'est qu'alors que l'on pourra promettre des réductions d'impôt.

• 1630

Permettez-moi de faire une dernière remarque, monsieur le président. J'ai proposé—et nous l'avons suggéré au premier ministre et au gouvernement—d'offrir d'importantes réductions d'impôt l'an prochain. Faites-en la promesse dans le prochain budget. Vous ne pourrez pas toutes les mettre en oeuvre, mais si vous présentez une stratégie de réduction de l'impôt dans le budget de 1999, que signalera cette mesure?

C'est exactement ce que vous dites vous-même. Il n'est pas possible de réaliser toutes ces grosses coupures d'impôt à la fois, mais ce que vous pourrez dire aux jeunes et à tous les Canadiens c'est que vous allez redoubler d'efforts pour réduire la dette. Cela signifie qu'il faudra revoir la formule des 50-50—je sais que c'est une promesse qui a été faite dans le feu de l'action, pendant la campagne électorale et, permettez-moi de le dire, monsieur le président, c'était une erreur. Revoyez la formule, si vous mettez plus l'accent sur la dette dès maintenant, des allégements fiscaux seront possibles dans trois ou quatre ans.

Je dis ceci très spontanément, mais si vous faites cela l'an prochain, j'ose dire que cela augmentera même les chances de réélection du gouvernement libéral. Voilà une bonne raison pour vous de le faire.

M. Dick Harris: Je tremble, rien que d'y penser. Peut-être feriez-vous bien de revoir votre question.

J'en ai une dernière, si j'ai le temps de la poser. Merci, monsieur D'Aquino.

J'ai perdu le papier que j'avais devant moi mais je crois que ma question était destinée à M. Klump, à propos de ce qu'il a dit au sujet de la prestation aux aînés. Pardonnez-moi, il s'agissait de M. Beauchamp. Vous avez parlé de la prestation aux aînés.

Ce que je crains, comme beaucoup de Canadiens, c'est qu'avec le régime fiscal actuel, si rien ne change, les Canadiens qui travaillent et qui font actuellement des sacrifices dans l'espoir de pouvoir couler une retraite tranquille risquent fort d'être gravement pénalisés par le régime fiscal d'ici 20 ou 25 ans. Je crois que cela dissuade vraiment les Canadiens d'économiser le plus possible en vue de leur retraite, de savoir qu'ils pourraient être lourdement imposés à l'avenir.

Votre organisation a-t-elle étudié cette question, et quels résultats avez-vous obtenus?

M. Pierre Beauchamp: Nous avons mené à bien une étude que nous avons remise au comité, l'an dernier. Si vous ne l'avez pas, nous nous ferons un plaisir de vous en faire parvenir un exemplaire.

Nous avons démontré, comme l'ont fait de nombreuses autres études effectuées par des actuaires reconnus au Canada, que la prestation aux aînés présentait des problèmes graves, des défauts graves. Nous considérons actuellement que cette prestation devrait être réexaminée dans le contexte du régime tout entier de revenu de retraite au Canada, au lieu de changer simplement le système en abandonnant un système fondé sur l'individu au profit d'un système fondé sur la famille. Je crois qu'il a été très clairement montré dans ce cas particulier que ceux dont le revenu de retraite se situerait entre 40 000 et 58 000 $ à 65 ans, seront très fortement imposés.

Nous ne sommes pas les seuls à être parvenus à cette conclusion. Beaucoup d'autres en ont fait autant. Nous tenons encore une fois à exprimer notre gratitude au gouvernement pour la patience avec laquelle il nous a écoutés présenter notre point de vue, mais je tiens à souligner encore une fois que ce que nous voulons, c'est que la prestation aux aînés soit examinée dans le contexte des autres piliers du revenu de retraite au Canada.

M. Dick Harris: Une dernière remarque.

Monsieur Makin, j'ai beaucoup apprécié votre exposé. J'ai également trouvé très intéressants les documents que vous avez déposés à mon bureau il y a une quinzaine de jours. Je tiens aussi à vous remercier d'avoir dit que l'excédent de l'assurance-emploi était quelque peu nuisible et d'avoir suggéré qu'il fallait que le gouvernement s'efforce d'adopter des principes d'équilibre postbudgétaire dans la préparation de son plan à court et à long terme, afin de donner aux entreprises, aux travailleurs et aux consommateurs canadiens l'espoir qu'il y a un peu de lumière au bout du tunnel.

• 1635

M. D'Aquino a fait remarquer que les Canadiens récoltent aujourd'hui les fruits de leur labeur, et je suis certain que c'est vrai, à bien des égards. Il n'en reste pas moins que beaucoup de contribuables canadiens n'ont récolté aucun de ces fruits, soit concrètement, soit sous forme de promesse. Je crois qu'il est temps que le gouvernement donne aux Canadiens des raisons d'avoir confiance dans la prochaine décennie.

M. Michael Makin: Monsieur le président, pour reprendre les paroles de M. D'Aquino, si le ministre des Finances... et ce ministre des Finances est extrêmement crédible. Je sais que l'utilisation parallèle de ces deux termes est souvent considérée comme un oxymore, mais ce ministre des Finances jouit de la confiance du secteur privé, et je crois pouvoir également le dire, des Canadiens. Je crois que s'il nous donnait vraiment l'impression qu'il allait agir avec autant de diligence à l'égard des charges sociales et du fardeau social des entreprises de notre pays, qu'il l'a fait à l'égard du déficit, notre pays aurait un bel avenir.

Le président: Merci.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci, monsieur le président.

M. Harris s'intéresse à l'«alternative de l'unité», et même si vous n'étiez pas ici ce matin, M. Harris en perd aussi le sommeil—et la remarque que vous avez faite il y a un instant, Thomas, ne fera rien pour arranger les choses, je le crains. Je tiens cependant à dire que j'ai apprécié tous les exposés faits cet après-midi.

Alors que nous nous efforçons de trouver des moyens de réduire les taux d'imposition, et que nous n'en sommes qu'au début de nos consultations prébudgétaires, nous entendons souvent réclamer d'autres exonérations fiscales. C'est ce qu'ont demandé la moitié des témoins entendus aujourd'hui, et on peut espérer qu'il ne s'agit pas nécessairement de cela. Nous allons donc avoir un problème d'équilibrage à résoudre.

J'ai deux brèves questions à poser à Michael. Vous allez peut- être pouvoir rendre un grand service à notre comité, Mike, car dans votre exposé, vous avez dit qu'une réduction de 20 p. 100 des cotisations d'assurance-emploi permettrait de créer 80 000 emplois. Si vous pouviez nous l'expliquer, cela nous aiderait certainement à décider de ce que nous devrions faire à propos de l'assurance- emploi. Peut-être devrions-nous même envisager une réduction de 40 p. 100 afin de créer 160 000 emplois, s'il y a vraiment corrélation entre les deux. Mais je voudrais que vous m'expliquiez votre méthode pour obtenir ce résultat.

Deuxièmement, Thomas, vous avez dit que la récente décision du ministre du Revenu au sujet de l'éducation et de la formation aidera beaucoup de gens. Michael, vous avez déclaré que le gouvernement devrait mettre en place des incitatifs fiscaux pour encourager les entreprises à investir plus dans la formation et l'éducation de leurs employés. Ne vous méprenez pas sur le sens de ma question, mais pourquoi devrions-nous demander aux contribuables d'aider les entreprises à investir dans leurs propres employés? Pourquoi ne voudraient-elles pas le faire tout naturellement, sans aucun incitatif fiscal?

M. Michael Makin: Je crois que la première question au sujet de la création de 80 000 emplois grâce à une réduction de 20 p. 100 des cotisations—c'est un chiffre qu'utilisent depuis de nombreuses années la Fédération canadienne des entreprises indépendantes et d'autres groupes de réflexion économique qui ont établi le modèle macroéconomique des conséquences...

En termes pratiques, comment cela se passe-t-il? C'est très simple. Vous avez un employeur à Kamloops, à Kitchener ou ailleurs qui paie d'énormes charges sociales—il n'y a pas que le fonds d'assurance-emploi, il y a aussi le Régime de pension du Canada qui augmente exponentiellement—et la charge fiscale que cet employeur doit assumer est beaucoup trop lourde. Si on la réduisait, et si le gouvernement l'encourageait en disant, «Nous allons traiter équitablement les employeurs dans notre pays, et nous allons leur donner la possibilité de participer à la création d'emplois», je crois qu'ils commenceraient à recruter des employés.

Nous avons parlé à des gens des petites entreprises d'un océan à l'autre, et nous avons aussi soulevé la question auprès de bon nombre d'entre vous lorsque nous vous avons rencontrés dans vos bureaux, et je sais que les petites entreprises sont prêtes à le faire, mais qu'elles ont besoin d'un climat d'investissement propice pour cela.

Je sais que le gouvernement va dire qu'il y avait le programme de recrutement, qui constituait un pas dans la bonne direction et qui a permis de créer de nombreux emplois, mais cela n'allait pas plus loin. Il faut qu'on montre clairement qu'il existe un climat d'investissement propice à la création d'emplois.

M. Nelson Riis: Pour revenir à ces 80 000 emplois, est-ce une statistique utilisée par d'autres organisations?

M. Michael Makin: Oui. C'est un chiffre qui est très fréquemment cité. Il a été utilisé dans tous les modèles macroéconomiques et...

M. Nelson Riis: Vous savez, de nombreux témoins ne sont pas d'accord avec cette logique et disent qu'il n'existe aucune preuve empirique que si le paiement au titre de l'assurance-emploi était réduit de 20 ou 30 p. 100, cela amènerait nécessairement une entreprise à recruter d'autres employés.

M. Michael Makin: Je crois qu'il suffit de considérer le programme de recrutement du gouvernement qui a effectivement permis de créer des emplois. S'il a permis de le faire à titre temporaire, sur une période d'un an, que ferait-on si c'était à titre permanent?

• 1640

M. Nelson Riis: Je pensais que vous aviez peut-être quelque chose à ajouter à ce que l'on nous a déjà dit, mais en ce qui concerne l'encouragement à l'investissement au profit de la formation et de l'éducation...

M. Michael Makin: Je crois que vous avez vous-même répondu à la question, car il ne s'agit pas simplement d'une aide des contribuables aux entreprises. Les entreprises sont créatrices d'emplois, si bien qu'elles s'aident elles-mêmes. Si vous créez un climat qui encourage les entreprises à former du personnel et si celles-ci recrutent plus d'employés et sont compétitives, ce qui leur permettra de continuer à en recruter, ce sont tous les Canadiens qui en profiteront. Nous bénéficions du régime fiscal et nous bénéficions aussi de la création locale d'emplois.

Il n'y a pas que les entreprises qui sont gagnantes. Nous essayons de le faire aussi pour nos employés. Il faut que nous soyons capables de faire face à la concurrence internationale, comme M. D'Aquino et d'autres l'ont dit, ce qui est impossible à moins que nous n'ayons les compétences requises pour le faire. Il est fréquent que les petites entreprises, en particulier, n'aient pas les moyens nécessaires de le faire.

Ce ne sont pas les programmes gouvernementaux qui ont manqué dans le passé et qui ont échoué. Tout ce que nous voulons dire c'est que le moment est venu de... Si nous pouvons nous offrir le luxe de disposer d'un peu d'argent à dépenser—et nous voulons faire preuve de frugalité, comme d'autres l'ont dit, mais si nous nous trouvons dans cette position—voyons donc s'il n'est pas possible de mettre en place un mécanisme qui nous permettrait d'encourager les gens à investir dans leurs employés.

M. Nelson Riis: Est-ce que vous croyez que de tels encouragements pourraient s'appliquer uniformément, qu'il s'agisse de la Banque Royale ou d'une imprimerie comptant cinq employés? Est-ce qu'il faudrait les appliquer à tous?

M. Michael Makin: Je ne crois pas que nous ferions de distinctions, honnêtement. Lorsque vous commencez à faire des distinctions, vous créez des problèmes inutiles.

Le président: Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur D'Aquino, vous avez parlé d'allégement fiscal, etc. Est-ce que le Canada crée des emplois bien rémunérés ou est-ce que tous les emplois bien rémunérés sont créés aux États-Unis? Si tel est le cas, si nous réduisons l'impôt sur le revenu des particuliers, est-ce que les sociétés canadiennes seraient en mesure de créer de tels emplois et de retenir au pays nos meilleurs éléments, de les empêcher d'aller s'installer aux États-Unis?

M. Tom D'Aquino: Tout à fait. Je ne saurais trop insister sur la gravité du problème. N'oubliez pas que mon organisation rassemble les dirigeants de nos plus grandes sociétés. John Roth, de Northern Telecom, les PDG des institutions financières, une personne avec qui j'ai déjeuné aujourd'hui, le PDG de McCain, qui investit et recrute beaucoup—tous s'inquiètent énormément de la capacité d'attirer les jeunes.

Si Bill Gates s'amène et qu'il repart avec la majorité des diplômés de Waterloo, c'est un problème sérieux. Nous contribuons tous à payer les coûts d'éducation de ces jeunes, nous produisons certains des meilleurs cerveaux au monde et nous les voyons s'exiler.

Est-ce que nous créons des emplois ici? Oui. Voyez les chiffres sur l'emploi que je vous ai distribués, et je vous assure que ces chiffres continueront de croître. Ne vous arrêtez pas à 8,4 p. 100. Ce pourcentage va certainement diminuer. La grande majorité de ces emplois sont des emplois à temps plein, ce sont de bons emplois. Les meilleurs emplois sont créés dans les industries de pointe, certainement dans les industries de la connaissance.

Alors sans vouloir exagérer, je dirais qu'il s'agit d'un problème qui atteint presque des proportions de crise et qui ira en empirant. Voilà un argument qui devrait nous inciter à passer à l'action.

Je sais qu'on s'est demandé s'il ne faudrait pas intervenir dès maintenant. L'annonce d'un véritable programme détaillé ou d'une stratégie de réduction des impôts serait en elle-même un encouragement. Elle constituera un signal très clair. Mais, entre- temps, nous devons demeurer réalistes: nous allons continuer à perdre des gens.

Permettez-moi de préciser les grands enjeux stratégiques. Nous avons maintenant quelques multinationales solides, basées au Canada, qui créent des emplois ici, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. À mes yeux, la vraie question est la suivante: ces 25 entreprises, que j'appelle des entreprises phares, mèneront-elles toujours des activités au Canada dans dix ans, ou est-ce que nous allons perdre progressivement leurs sièges sociaux au profit d'autres pays?

Quand des sociétés, qui peuvent demeurer canadiennes de nom, comptent beaucoup plus d'employés, jeunes ou vieux, aux États-Unis parce qu'il est plus facile là-bas d'attirer les compétences ou de les maintenir à l'effectif, cela, mesdames et messieurs, constitue un grave problème. Alors nous voulons que nos entreprises phares demeurent ici.

• 1645

Il y a bien d'autres raisons pour lesquelles nous devrions réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, mais si nous voulons que les entreprises phares restent ici—et c'est certainement notre but—, il faut en faire une priorité absolue. Tous les présidents-directeurs généraux de grandes sociétés où des Canadiens travaillent des deux côtés de la frontière vous le diront. Vous l'entendrez de plus en plus souvent cette année et l'an prochain. Le magazine Maclean's a consacré l'article principal d'un de ses numéros à la question de l'exode des cerveaux. Nous avons un grave problème à régler.

M. Jim Jones: Est-ce qu'il y a une raison pour que des sociétés comme Microsoft n'implantent pas de centre de recherche ou de laboratoire de programmation ici plutôt qu'à Redmond, dans le Washington? Elles ont entre 17 000 et 20 000 employés dans leurs installations de Redmond, et nous devrions occuper au moins 8 p. 100 des emplois de ce type ici, dans notre pays. Est-ce qu'il s'agit d'une décision consciente que prennent des sociétés comme celle de Bill Gates et, peut-être, Intel? Est-ce que l'on tient compte de nos taux d'imposition pour décider d'exporter de la main- d'oeuvre au-delà de la frontière, où l'on peut offrir beaucoup plus d'avantages, plutôt que d'investir dans notre pays?

M. Tom D'Aquino: En premier lieu, il faut faire montre d'une grande prudence. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une décision délibérée de priver le Canada de ses talents. Dans bien des cas, les sièges sociaux sont déjà installés ailleurs, et les responsables préfèrent y faire venir les employés.

Une question identique peut être posée au sujet de Northern Telecom. Pourquoi est-ce que cette société exécute 48 p. 100 de son programme de R-D au Canada et pourquoi est-ce qu'elle fait travailler un très grand nombre de jeunes Canadiens chaque année à Ottawa, à Calgary, à Toronto et à Montréal? Il y a une raison à cela. Je dis simplement que la situation devient de plus en plus difficile.

Si vous voulez un exemple marquant, ce que j'appelle un exemple transfrontalier—et je sais que M. Riis n'appréciera pas beaucoup ce que je vais dire—, pourquoi est-ce que Seattle est devenue une plaque tournante du développement et de l'emploi dans le secteur de la haute technologie alors que Vancouver—j'ai grandi à Vancouver—a tant de difficulté à s'imposer? Il y a une raison à cela.

La Colombie-Britannique applique les plus hauts taux marginaux d'imposition au pays. Si vous comparez Vancouver et Seattle, qui sont de bien des façons de villes jumelles, pourquoi est-ce que tant de gens vont s'installer à Seattle? Pourquoi est-ce que Seattle connaît une croissance beaucoup plus rapide, sur les plans de l'industrie comme de la technologie de pointe? Il y a une raison à cela.

Le monde, les jeunes, les pays comparent Vancouver et Seattle et se disent «Hé, ces deux villes ont le même climat et les mêmes attraits, mais l'impôt se fait lourd quand le revenu atteint à peu près à 66 000 $ à Vancouver et 266 000 $ aux États-Unis. Deuxièmement, on me paie en dollars américains. Troisièmement je suis moins imposé.» Alors s'ils aiment la côte Ouest et son style de vie, on peut comprendre pourquoi bien des jeunes vont préférer Seattle à Vancouver. Il s'agit d'un exemple.

M. Jim Jones: Est-ce que le Canada peut se considérer comme une île et maintenir ses taux d'imposition élevés, alors que les États-Unis appliquent des taux plus faibles, et espérer véritablement un bel avenir économique, soutenable à long terme?

M. Tom D'Aquino: Non. Ce que je vois, à l'heure actuelle, c'est la lente attrition de la capacité de matière grise de ce que j'appelle les sociétés phares, et cette attrition ne cesse de progresser. Ce qui se passe sous nos yeux, c'est qu'un nombre croissant de personnes travaillent aux États-Unis, pour les gestionnaires américains des sociétés canadiennes. Ce n'est qu'une question de temps avant que l'on transfère aux États-Unis l'essentiel des activités.

Je le constate déjà. Cela se passe sous nos yeux. La question est donc la suivante—nous n'avons pas à le faire demain—pouvons- nous au cours des deux à cinq prochaines années renverser la tendance? Si oui, un meilleur équilibre, allié aux autres avantages considérables qu'offre la vie au Canada et aux raisons qui poussent les jeunes à choisir de vivre ici, nous permettra de corriger la situation.

Le président: Merci, monsieur Jones. Merci, monsieur D'Aquino.

Monsieur de Savoye.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): J'ai quelques petites questions, dont une première pour vous, monsieur Makin, mais j'aimerais auparavant émettre un petit commentaire.

Vous utilisez l'expression «dividende fiscal». Vous n'êtes pas le seul à le faire. Si je vous en fais la remarque, c'est parce que vous êtes responsable de sa diffusion. Mais cela laisse mauvaise impression. Appelons les choses par leur nom: c'est dans le fond un surplus de taxation. Je suis un peu surpris de voir que vous, des gens d'affaires, utilisez cette expression qui, finalement, donne une mauvaise image.

• 1650

Voici ma première question. Vous mentionnez dans votre texte—je fais une traduction libre puisque je n'ai pas de texte français—que l'assurance-emploi est un surplus inconsidéré et que, conséquemment, les primes devraient être réduites. Ne croyez-vous pas aussi que les prestations devraient être ramenées à leur niveau antérieur puisque le surplus vient non seulement d'un abus de taxation—appelons les choses par leur nom—, mais également d'une réduction considérable des prestations aux prestataires? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Michael Makin: La question du surplus est une question du comité qu'on a tout simplement répétée. Nous convenons évidemment que les employés et les employeurs bénéficient tous deux de l'assurance-emploi. Je crois qu'il faut que le gouvernement se rende compte qu'il doit faire quelque chose pour alléger le fardeau qui accable les entreprises canadiennes, cela immédiatement.

M. Pierre de Savoye: Vous comprenez le sens de ma question. Puisqu'on a réduit les prestations d'assurance-emploi, il y a des gens qui se retrouvent sur l'assistance sociale, qui relève du niveau provincial, qui taxe lui aussi. Par conséquent, si on veut avoir, sur le plan économique, une réduction du fardeau fiscal, il ne suffit pas de déplacer cela du niveau fédéral au niveau provincial. Il faut vraiment gérer cela de façon intégrée. Votre approche semble faire abstraction de cette intégration réelle en ne mettant l'accent que sur le niveau fédéral. Ne croyez-vous pas qu'on ne doit pas se contenter de réduire les cotisations, mais qu'on doit aussi s'assurer que les gens qui ont besoin de l'assurance-emploi ne reportent pas le fardeau fiscal sur le plan provincial?

M. Michael Makin: Effectivement, les gouvernements devront adopter des politiques pour aider ceux qui sont mal situés. J'ai bien compris votre question. Il y a justement eu une réduction des prestations de 70 à 55 p. 100. Le comité nous avait toutefois demandé ce que les Canadiens et Canadiennes pouvaient faire, et c'est pourquoi j'ai répondu qu'il faudrait qu'on fasse quelque chose immédiatement. Quant au fardeau public, c'est une autre histoire, si je puis dire.

M. Pierre de Savoye: Je vais maintenant poser une question à M. Thibaudeau.

Monsieur Thibaudeau, vous dites que vos deux organismes croient que le plan de remboursement de la dette du gouvernement, en utilisant des prévisions économiques prudentes et en appliquant la portion inutilisée de la réserve de 3 milliards de dollars, va permettre une réduction progressive de la dette. Mais cela va prendre 200 ans, monsieur Thibaudeau. Il manque certainement quelque chose dans ce raisonnement. Aidez-moi à comprendre.

M. David Thibaudeau: Il faut commencer quelque part. Je demanderai à mon collègue M. Strain de vous répondre à ce sujet.

[Traduction]

M. Bill Strain (président, Taxation, Conference for Advanced Life Underwriting, Association canadienne des conseillers en assurance et en finance): Nos recommandations vont largement dans le même sens que celles de M. D'Aquino. Nous pensons que le gouvernement doit mettre nettement l'accent sur la réduction absolue de la dette. Pour y parvenir et pour fixer un objectif mesurable et précis, il faudrait consacrer exclusivement et sans exception, au remboursement de la dette, au moins 50 p. 100 de l'excédent défini dans les documents budgétaires du gouvernement. Le maintien de cet engagement accélérera la réduction en valeur absolue de la dette, au fil des ans. Grâce à la croissance de l'économie, la diminution du rapport entre la dette et le PIB s'accélérera, et nous reviendrons à des niveaux compétitifs sur la scène internationale.

Nous devons aussi reconnaître que nous témoignons devant le comité et parlons de la dette fédérale, mais qu'une énorme dette provinciale et municipale forme une partie de notre dette nationale. Selon certaines estimations, la dette du pays, par opposition à la dette fédérale, s'élève à près de un billon de dollars à l'heure actuelle.

• 1655

Les Canadiens ne peuvent donc pas perdre de vue ces fardeaux, non seulement la dette fédérale mais aussi la dette provinciale, qui à mon avis rendent d'autant plus urgent de s'attaquer en priorité à la réduction de la dette, afin de veiller à ne pas transmettre aux générations futures notre trop lourd fardeau fiscal.

Je recommande au comité—et M. D'Aquino en a aussi parlé—de lire le rapport que l'Institut C.D. Howe a publié jeudi dernier au sujet du transfert fiscal et des répercussions transgénérationnelles. Les auteurs de ce document brossent un tableau assez terrifiant de la situation qui prévaudra si, de fait, nous n'accordons pas suffisamment d'attention à la réduction de la dette.

M. Pierre de Savoye: Monsieur Strain, vous avez mis le doigt sur le problème. Si nous avons un excédent budgétaire, c'est en raison des sommes qui ont été retirées aux provinces. Les provinces ne sont donc plus vraiment en mesure de bien gérer leur propre dette, même si on leur fait porter le chapeau.

Ne pensez-vous pas, plutôt que d'utiliser 50 p. 100 de l'excédent budgétaire, et il ne s'agit pas d'un montant fixe, il vaudrait mieux parler tout simplement de surimposition? Si nous n'imposons pas à l'excès pendant un an, l'excédent disparaît et, évidemment, nous ne pouvons pas rembourser la dette, parce que 50 p. 100 de rien du tout, cela ne fait pas beaucoup.

Ne faudrait-il pas fixer un objectif pour dire que dans 20, 30, 40 ou 50 ans la dette aura été entièrement remboursée? Ne devrions-nous pas imposer certaines règles, par exemple, ne pas se délester la dette sur le dos des provinces parce que nous ne faisons que déplacer le problème? Que pensez-vous de cela?

M. Bill Strain: Pour répondre à ce que vous avez dit au sujet d'un objectif de réduction de la dette à long terme, dans 20 ou 30 ans par exemple, les personnes qui prennent les décisions aujourd'hui n'ont aucun contrôle sur ce qui se passera dans l'avenir. Je pense que, tout comme le ministre des Finances se fixe des horizons de deux ans aux fins de la planification, il est important que nous posions maintenant des objectifs mesurables et réalisables dès aujourd'hui.

Comme je l'ai mentionné, je conviens que le niveau de la dette nationale est le plus grave problème des Canadiens. Ce problème ne touche pas nécessairement de façon directe le gouvernement fédéral et les efforts qu'il déploie en tant que gouvernement, mais il se répercute certainement sur la population du Canada et sur la part du fardeau que supporte chaque citoyen. Je crois cependant que si le gouvernement fédéral n'agit pas et ne manifeste pas concrètement sa détermination de réduire la dette, le message est plutôt vague.

[Français]

M. Pierre de Savoye: Monsieur D'Aquino, vous disiez qu'il était important de bien former le personnel. Il a été question à plusieurs reprises de faciliter la tâche de l'entreprise à cet égard par une indemnisation pour les frais de formation que l'entreprise encourait. On sait qu'au Québec—et vous êtes sans doute plus au courant que moi—, il y a la politique du 1 p. 100 qui permet aux entreprises d'investir dans la formation plutôt que de payer cette somme en impôt. Verriez-vous quelque chose de semblable au niveau fédéral ou si on pourrait proposer des améliorations ou d'autres façon de faire qui seraient plus productives?

[Traduction]

M. David Stewart Patterson (associé principal, Politiques et communications, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Si vous me le permettez, monsieur le président, je crois qu'il convient de signaler que l'une des constatations qui ressort de l'examen que nous avons fait des investissements des sociétés dans le domaine de la formation est qu'il existe une relation entre la taille de la société et les montants affectés, tant en chiffres absolus que sous forme de proportion de la masse salariale.

Premièrement, je pense que les investissements ont augmenté en dollars constants, indépendamment du régime fiscal. En 1996, je crois que le Conference Board a calculé que la moyenne nationale de l'investissement s'établissait à environ 1,6 p. 100 de la masse salariale, quel que soit le régime fiscal.

Une enquête effectuée auprès de nos membres et des 150 entreprises du Conseil canadien des chefs d'entreprise a indiqué, la même année, une moyenne de 2,5 p. 100 pour les budgets officiels de formation. Lorsque nous avons demandé d'inclure toutes les dépenses encourues aux fins du perfectionnement des employés, cette proportion est passée à environ 4,2 p. 100 de la masse salariale, une moyenne de plus de 1 800 $ par employé par année, et cela en l'absence de tout encouragement fiscal.

• 1700

Il me semble donc clair que les grandes sociétés, du moins, reconnaissent l'importance de l'investissement dans leur personnel. Elles y investissent de plus en plus en dollars constants. Si nous avons protesté quand Revenu Canada a fait connaître sa récente décision, c'est parce que l'on pénalisait les employés qui travaillent pour des sociétés qui ont la sagesse de reconnaître l'importance de ces investissements. Cela n'avait rien à voir avec le régime fiscal de l'employeur; cela se rapportait strictement à l'imposition des employés.

Il y a cependant une question légitime à se poser quant à la situation des petites entreprises et des travailleurs autonomes. Il faut se demander pourquoi les petites entreprises, en particulier, ne semblent pas investir autant. Est-ce que c'est parce qu'il n'y a tout simplement pas d'investissement ou parce que la formation se fait de façon moins structurée et, par conséquent, n'est pas mesurée?

S'il s'agit plutôt d'un problème de mesure, alors il faut se poser une autre question stratégique et déterminer de quelle façon on pourrait veiller à ce que les employés des petites entreprises et les travailleurs autonomes aient également accès à des occasions de perfectionnement. Mais si nous examinons l'économie dans son ensemble, si nous tenons compte en particulier des grandes sociétés, l'investissement consenti par les entreprises est fort important.

Le président: Merci, monsieur Stewart Patterson. Nous devons poursuivre. Merci.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci. J'ai deux ou trois questions à poser.

Premièrement, monsieur Makin, vous prônez une réduction considérable des cotisations à l'assurance-emploi et vous laissez entendre que cela créerait 80 000 emplois au Canada. Combien de membres de votre organisation ont explicitement indiqué qu'ils recruteraient, et combien d'employés croyaient-ils embaucher avec les 54c de réduction des cotisations que vous proposez?

Pour ce qui est des programmes de recrutement, quelle publicité votre association a-t-elle faite auprès de ses membres et combien d'emplois ont été créés spécifiquement au sein de votre industrie?

M. Michael Makin: Je vais d'abord répondre à votre deuxième question, madame la vice-présidente.

Notre association n'a pas beaucoup fait connaître son programme de recrutement. Il s'agissait plutôt d'un problème de communication avec le gouvernement que d'autre chose. Le programme existait, il était offert, et nous aurions pu le faire beaucoup mieux connaître. Je pense que notre publicité aurait plus de succès si nous disposions des outils nécessaires.

Je ne peux donc pas vous donner de chiffres précis. Je n'ai aucune information empirique qui me permette de déterminer combien de personnes ont été embauchées.

Dans la mesure où notre association est concernée, les études réalisées par notre service des affaires gouvernementales demandaient à nos membres s'ils seraient disposés à embaucher de nouveaux employés si le climat d'investissement s'y prêtait. Évidemment, le climat d'investissement est un concept fort large qui englobe la réduction des cotisations de l'assurance-emploi. La réponse a été extrêmement positive.

Je ne peux donc pas vous dire combien de nos 600 sociétés, d'un océan à l'autre, seraient prêtes, si nous leur remettions 54c au dollar, à embaucher du personnel, mais cela constituerait certainement un pas dans la bonne direction. Nous parlons d'un fardeau global sur la masse salariale.

Le RPC est un autre dinosaure qui nous coûte beaucoup d'argent et, de fait, qui crée de grandes inégalités. En effet, même si cette année nous jouissons d'un agréable répit qui provient de la réduction des cotisations de l'assurance-emploi grâce aux primes du RPC, si cela n'est pas maintenu dans les années à venir nous allons connaître un terrible déséquilibre. Les employés du secteur privé vont devoir payer un certain montant au titre du RPC et les fonctionnaires en seront exemptés, parce que, comme vous le savez, en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique, les fonctionnaires peuvent cotiser jusqu'à hauteur de 7,5 p. 100. Lorsque le RPC atteint un certain niveau, ils n'ont pas à verser plus d'argent. Alors les employés du secteur privé seront touchés tandis que 250 000 fonctionnaires ne le seront pas.

Mme Paddy Torsney: Merci. Je peux peut-être vous demander de poser, dans votre prochaine enquête auprès des membres, une question au sujet du nombre d'employés embauchés en vertu du programme de recrutement, parce qu'une partie de la question des cotisations de l'assurance-emploi ou des charges sociales constitue un mythe en quelque sorte. C'est une excuse. Alors j'aimerais vraiment savoir combien de personnes ont bénéficié d'une énorme dépense gouvernementale, pour déterminer les retombées de ce programme. Vous effectuez évidemment des études sur un certain nombre d'aspects. Il ne serait sans doute pas très difficile de déterminer combien de personnes exactement ont été embauchées ou de vérifier si cela correspond à nos propres chiffres.

J'aimerais aussi savoir ce que M. D'Aquino pense de votre proposition de réduire de 54c les cotisations de l'assurance-emploi à l'heure actuelle, puis je poserai une question à tous nos témoins.

• 1705

M. Tom D'Aquino: Monsieur le président, madame la vice- présidente pose une question très intéressante. Il est évident, dans notre exposé, que nous considérons la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers comme beaucoup plus urgente que celle des cotisations de l'assurance-emploi.

Ceci dit, permettez-moi de vous expliquer les raisons qui nous ont incités à adopter cette position. Nous avons adopté cette position parce que nous sommes réalistes. Nous savons que le ministre des Finances ne peut pas faire les deux. J'ai lu le témoignage qu'il a présenté au comité et je pense qu'il a abordé la question. Pour ceux qui ne suivent pas de très près ce que dit le ministre des Finances, la simple vérité dans ce dossier c'est qu'il ne peut pas se permettre les deux mesures. Il ne peut pas sensiblement réduire les cotisations de l'assurance-emploi et sensiblement réduire l'impôt des particuliers. Nous le savons.

Est-ce que nous sommes heureux de cette situation? Non, nous ne le sommes pas. Est-ce que nous pensons que les charges sociales sont dommageables? Oui, elles le sont. C'est incontestable. Il ne suffit pas de demander à tous les membres s'ils en souffriront ou pas. De demander si une charge sociale est pénible ou pas, c'est comme de chercher à nier les principes de Newton et la loi de la gravité. Évidemment, si quelqu'un est tenu de payer, cela fait une différence quand vient le temps d'embaucher. C'est là un principe standard et accepté de l'économie dans tous les pays industrialisés du monde.

Ceci dit, nous vous demandons de procéder lentement à la réduction de l'assurance-emploi, M. Martin, parce que malheureusement, très malheureusement, vous allez devoir le faire. Plutôt que de parler de réductions de 70c, de 80c ou de 1 $, je propose au comité ce qui me semble être une très bonne solution. J'aimerais que le ministre des Finances fixe dès maintenant un objectif quinquennal et déclare qu'il va ramener les cotisations à deux dollars. Il peut faire cette annonce à l'occasion du prochain budget et dire qu'il se donne cinq ans. Cela détendrait un peu l'atmosphère.

Par ailleurs, il aura alors la latitude voulue pour accorder—et à notre avis, cela est plus important—des réductions d'impôt. Ces réductions d'impôt doivent profiter à tous les Canadiens, pas seulement à quelques-uns, nous parlons donc de réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Mme Paddy Torsney: Merci.

L'un des avantages des tables rondes comme la nôtre est que nous pouvons entendre les arguments de tous les intervenants. C'est pourquoi je vous ai demandé ce commentaire.

J'ai une autre question à poser. Les entreprises prennent constamment des décisions au sujet d'achats de machinerie, d'expansion sur un nouveau marché, d'embauche, d'activités en Asie, par exemple, pour développer un tout nouveau secteur commercial. Elles font des investissements et elles doivent souvent emprunter pour pouvoir poursuivre leur projet. Bien des groupes se présenteront devant le comité pour parler d'investissements dans l'infrastructure sociale et d'investissements qui profiteront à la société à long terme.

Vous avez tous à peu près unanimement prôné une réduction de la dette, une réduction des impôts, un gel des dépenses du gouvernement. Mais il est logique de croire que certaines personnes avanceront des arguments contraires et affirmeront qu'il est maintenant temps d'investir dans la prévention du crime et la garde d'enfants pour assurer l'avenir de nos jeunes.

Aujourd'hui, nous avons entendu un plaidoyer très important en faveur de l'investissement dans la participation des femmes à la société civile, afin d'élargir les perspectives de 51 p. 100 des contribuables. Nous avons entendu des demandes visant un accroissement des initiatives de recherche et un soutien accru aux oeuvres de charité. Les provinces sont venues demander beaucoup plus d'argent. Nous savons que les chiffres au sujet de la pauvreté sur les enfants sont une véritable honte au Canada.

Que répondez-vous à tous ces gens? Si vous deviez choisir entre certains de ces secteurs, dans lesquels feriez-vous des investissements?

M. Tom D'Aquino: Si vous me le permettez, en premier lieu, j'aimerais dire qu'il me serait difficile de trouver un entrepreneur au pays qui s'oppose à l'idée de mettre un terme aux compressions dans les secteurs de l'éducation et de la santé.

Je pense que si vous consultez les résultats de vos sondages internes, vous constaterez que c'est exactement ce que les Canadiens vous disent à tous. Ils ne veulent pas de longues listes des dépenses en attente, et Mme Torsney vient d'en mentionner quelques-unes, dont certaines seraient tout à fait souhaitables si le Canada n'avait pas un taux d'imposition si élevé et une dette si lourde.

Si les conseils de certaines personnes avaient été suivis il y a 15 ans, le ratio dette-PIB du Canada aujourd'hui serait de 40 p. 100, et nous aurions beaucoup d'argent à consacrer à ces dépenses. À l'heure actuelle, nous n'avons pas le choix.

Nous disons donc vous devriez choisir les grands dossiers: la santé et l'éducation. C'est ce que la population souhaite. C'est ce que la population attend de vous. À mon avis, le système de soins de santé est en crise dans notre pays. Ce sont là les secteurs sur lesquels il faut mettre l'accent.

Pour ce qui est des autres objectifs, faites ce que nos grands-mères et nos grands-pères nous ont enseigné: il est toujours agréable d'acheter de nouveaux vêtements, des sucreries et des jouets, mais pas tant que nous ne pouvons pas les payer comptant. Voyons d'abord à l'essentiel.

• 1710

Si vous entendez divers groupes, et je suis certain que vous le ferez, au sujet de cette liste d'épicerie, songez à ce que MM. MacEachen, Lalonde, Wilson et Mazankowski ont dit et additionnez toutes les demandes qu'on leur a adressées et qu'ils ont acceptées. Voyez la terrible situation dans laquelle ils nous ont placés. Puis demandez-vous si vous allez vraiment faire quelque chose d'utile à la société civile: est-ce que je fais véritablement quelque chose ou est-ce que je prends des décisions à court terme qui seront terriblement dommageables à long terme?

Le dernier point que j'aimerais mentionner est que j'espère, puisque nous avons maintenant des excédents, que quelqu'un va vraiment tout bien calculer et établir l'immense tort que les dépenses faites à mauvais escient ont causé aux femmes, aux pauvres et à toutes les personnes défavorisées de la société au cours des 20 dernières années. Le total auquel nous arriverons fera l'effet d'une douche très froide à quiconque vient demander sa part d'un excédent budgétaire qui n'existe pas vraiment—c'est un mythe—pour la dépenser à gauche et à droite.

Mme Paddy Torsney: Certains pourraient soutenir que les enfants pauvres demandent un investissement dès maintenant, et que nous ne pouvons pas nous permettre de le reporter. De même, pour qu'une entreprise puisse croître, nous ne serons pas nécessairement en mesure de reporter l'achat de matériel informatique de pointe pour maintenir nos effectifs et réaliser des profits plus tard. Certaines personnes présentent d'excellents arguments pour que l'on investisse dès maintenant, car nous avons la responsabilité de ne pas sacrifier, tout comme vous refuseriez de sacrifier encore plus d'employés, de profits pour vos actionnaires, quoi que ce soit.

Je ne m'adresse pas seulement à M. D'Aquino, mais à tous les participants à la table ronde: Où voulez-vous que les investissements soient réalisés? Est-ce que vous préférez ne pas faire d'investissement? J'aimerais le savoir.

M. Tom D'Aquino: J'admets que vos arguments sont très convaincants, mais malgré le respect que je vous dois, permettez- moi de vous dire qu'il y a un défaut dans votre logique. C'est vrai, il faut investir pour les enfants. C'est vrai, il faut investir pour la garde d'enfants. C'est vrai, il faut investir dans les soins à domicile et l'assurance-médicaments. Tous ces programmes sont souhaitables. Vous n'avez à en convaincre personne à cette table.

Mais la véritable question est la suivante. Si l'on pense à l'époque où nous laissions les déficits enfler démesurément et les taux d'intérêt monter en flèche, quelle est la plus grande vertu du gouvernement libéral au pouvoir aujourd'hui? C'est le fait qu'il a éliminé le déficit et réduit les taux d'intérêt.

Il commence donc maintenant à espérer pouvoir toucher le bénéfice de l'élimination du déficit, et nous pouvons aujourd'hui discuter de ce que nous allons faire de l'excédent. Vous savez que nous n'aurions pas pu tenir cette discussion au sujet de ce qu'il convient de faire des surplus budgétaires il y a trois ans, quand nous arrivions à peine à nous maintenir à flot.

Ce que je dis, au fond, et je me répète, c'est qu'il faut appliquer les principes de la physique newtonienne. Laissez les petites billes et les grosses billes se placer dans l'ordre naturel, et récoltez les bénéfices. Si les billes ne sont pas dans le bon ordre, alors nous ne faisons que des promesses creuses, et c'est ce que l'on nous offre depuis 20 ans. Toutes ces promesses dont j'ai eu connaissance n'ont jamais été remplies.

Le président: Monsieur Strain.

M. Bill Strain: J'aimerais simplement dire que je suis tout à fait d'accord avec M. D'Aquino. Nous représentons des intérêts fort divers au sein du Conseil canadien des chefs d'entreprise. La question, au fond, se ramène aux choix difficiles qu'il faudra faire pour allouer des ressources rares.

Nous parlons de la dette. La dette n'est rien de plus que le fardeau fiscal qui sera imposé aux générations futures. Dans ce contexte, je pense que l'accent doit porter sur la réduction de la dette. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'au moins 50 p. 100 de l'excédent budgétaire devrait y être affecté. Il reste alors un choix à faire quant à l'autre 50 p. 100. À notre avis, il faut allouer ce 50 p. 100 de l'excédent à la réduction des impôts pour les raisons que M. D'Aquino vient d'exposer si clairement.

Nous pensons que l'accroissement des dépenses au titre des programmes sociaux, en tant que priorité, doit se faire dans les secteurs de l'éducation et de la santé. Je pense que c'est ce que vous entendrez de la part de bien des intervenants, et nous appuyons certainement sans réserve cette position.

M. Michael Makin: J'aimerais ajouter que lorsque j'ai comparu pour la première fois devant le Comité des finances de la Chambre, il y a dix ans, un autre gouvernement était au pouvoir, mais les mêmes intérêts concurrents s'affrontaient. On réclamait un programme national de garde d'enfants. On réclamait des investissements dans certains programmes.

Je pense que si nous avions réglé le problème de la dette il y a dix ans nous aurions été en mesure de libérer tout l'argent nécessaire pour répondre à tous les besoins qui figurent sur votre liste d'épicerie.

Pour ce qui est de la pauvreté des enfants, je pense que c'est criminel et dégoûtant. Il faudrait régler ce problème, mais il faut trouver les outils que le gouvernement peut utiliser dès maintenant au sein des systèmes de santé et d'éducation pour réaffecter les ressources existantes afin de régler ce problème particulier.

• 1715

Quant aux propositions qui ont été présentées au comité aujourd'hui, il s'agit d'investissements à long terme qui, à mon avis, profiteront à tous, aux femmes, aux enfants, à tous les membres de la société—parce que quand vous avez une économie productive les citoyens peuvent trouver des emplois bien rémunérés et contribuer à leur propre progrès. Cela est bon.

M. Pierre Beauchamp: L'éducation et la santé, et je ne pense pas que quiconque a un brin de cervelle propose aujourd'hui d'abandonner la réduction de la dette comme grande priorité du gouvernement.

À mon avis, la façon de distribuer autrement les fonds constitue une question très difficile, mais je pense que nous ne pouvons pas, si nous voulons être équitables à l'égard des générations futures, abandonner le principal objectif que la plupart d'entre nous me semblent reconnaître aujourd'hui, c'est-à- dire la réduction de la dette. Nous devons le faire, nous ne pouvons pas abandonner cet objectif au profit de quoi que ce soit.

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'allais poser à M. Makin une question au sujet de la réduction des cotisations de l'assurance-emploi, mais je crois que l'on en a bien assez parlé. Permettez-moi toutefois d'ajouter que, si le signal n'est pas trop prononcé, une réduction qui ferait passer la cotisation de 3,30 $ à 2,70 $ par cent dollars irait bien plus loin que la simple création d'un climat propice pour que le monde des affaires considère que nous allons dans la bonne direction.

Ceci dit, je me demande parfois en tant que chef de petite entreprise si une réduction de 54c. des cotisations de l'assurance- emploi me permettrait de créer un autre poste. Je dois répondre que non. Autrement dit, si mon entreprise comptait 100 employés, je pourrais peut-être envisager de créer un autre poste, mais si je n'ai que cinq ou dix employés, cette mesure ne me donnera pas les moyens de le faire.

Le programme de recrutement est un excellent exemple. Nous avons vu une augmentation de l'emploi chez les jeunes grâce au programme de recrutement, ce qui est un avantage. Mais je ne vais pas poser la question.

Je fais partie du comité depuis cinq ans, et je me souviens que M. D'Aquino s'est présenté devant nous il y a cinq ans et a fait un exposé. Je dois vous féliciter, puisque la première fois que je vous ai vu comparaître devant le comité... Si le gouvernement en place n'a rien fait d'autre—mais je crois que nous avons fait beaucoup—, il a certainement réussi à vous convertir depuis le jour où vous avez présenté ce premier exposé devant nous. Je pense que vous affirmiez alors avoir perdu toute confiance dans les gouvernements pour ce qui est de tenir leurs promesses, en particulier la promesse d'éliminer le déficit.

La question que je vous pose, après avoir affirmé que nous vous avons converti, est la suivante: dans quelle mesure est-ce que l'objectif de réduction du ratio dette-PIB à 50 p. 100 d'ici deux ans, comme vous l'avez énoncé, est réaliste? Et quelles compressions s'imposent pour que nous y parvenions?

M. Tom D'Aquino: En premier lieu, si je suis converti, et je le suis, je suis converti au bon sens fondamental de la population du Canada. N'oubliez pas que le premier gouvernement de notre pays qui a équilibré son budget était un gouvernement socio-démocrate en Saskatchewan. Maintenant, tous les gouvernements au pays se sont engagés à équilibrer leur budget. En outre, ils se sont tous engagés à réduire les impôts.

Songez-y, monsieur Pillitteri, cela donne un climat bien différent de ce que nous connaissions il y a cinq ans, à l'époque où, malheureusement, le Parti libéral traversait ce que j'appelle sa période d'aberration. On nous disait alors que le déficit n'était pas vraiment important; mais aujourd'hui, tout le monde est d'accord, et c'est la raison pour laquelle nous sommes tous convertis.

Pour ce qui est de la question de la réduction de la dette, je pense que le rapport du comité—un rapport que, en passant, nous avons hautement loué—l'an dernier, dans lequel vous affirmiez que le rapport entre la dette et le PIB devait en fait être ramené aux environs de 50 p. 100 et que cet objectif était réaliste, est un document que nous avons appuyé. En effet, ce que nous soutenons véritablement est que si vous faites un tout petit peu plus, à condition bien sûr qu'il n'y ait pas de surprises sur le plan de l'économie mondiale, et si les caractéristiques fondamentales demeurent favorables, nous pouvons y parvenir.

Nous vous disons d'en faire un peu plus afin de nous donner encore un coup de pouce. Et comment pouvez-vous le faire? La première chose que vous devez faire—et vous me pardonnerez de le dire, mais je dois y revenir—c'est d'abandonner cet engagement des 50-50. L'engagement des 50-50, je m'en rends compte, a été pris pendant une campagne électorale et paraissait à l'époque très attrayant. Il vous a certainement valu l'appui de la population—un grand nombre de personnes—je suppose—, mais il n'était pas valable sur le plan économique. Et la raison pour laquelle il n'était pas valable est la même que celle pour laquelle la population du Canada manifeste à l'heure actuelle, tout comme les personnes présentes autour de cette table: la dette et les impôts entravent la croissance future.

• 1720

La population du Canada a déclaré qu'elle ne voulait pas que vous dépensiez beaucoup plus d'argent. Elle vous a demandé de protéger, et peut-être de bonifier un peu, les budgets dans les secteurs de l'éducation et de la santé, mais surtout de ne pas vous lancer dans de folles dépenses pour une multitude d'autres projets. Les gouvernements changent parfois d'idée, comme vous le savez. Si le gouvernement devait revenir et affirmer que la règle des 50-50 était une promesse agréable mais que nous comprenons maintenant que nous devons faire plus...

Vous devriez maintenant engager 50 p. 100; consacrez 25 p. 100, si vous le devez, à de nouvelles dépenses et divisez le reste entre la réduction des impôts et la dette. Si vous agissez ainsi, et vous fondez vos calculs sur vos propres chiffres, et si nous continuons à toucher ces merveilleuses retombées qui découlent de l'application de principes fondamentaux valables, vous serez en mesure de le faire. Vous serez capables de dépasser l'objectif, vous serez capable de faire ce que M. Martin a proposé devant les membres du comité: ramener le ratio à 40 p. 100, parce que le cycle n'est pas terminé. Nous connaîtrons encore des difficultés. Et lorsque ces difficultés se présenteront, si vous avez un ratio de 45 p. 100 plutôt que de 55 p. 100 ou de 65 p. 100, la vie sera beaucoup plus facile pour vous et pour la population du Canada.

Je pense donc que cela peut se faire, mais vous allez devoir modifier la formule des 50-50.

Le président: Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Comme M. Redman semble avoir une question aussi, je me contenterai d'une seule question. Elle s'adresse à M. Strain et elle concerne le niveau d'imposition.

M. Jack Mintz était ici; votre ex-collègue, M. Bob Brown, a fait partie de notre comité et je l'ai rencontré à ce sujet. Nous n'avons pas encore abordé la question dont le rapport Mintz ne parle pas beaucoup, c'est-à-dire l'impôt des particuliers et le partage du fardeau fiscal entre les entreprises et les particuliers. Je crois que tous comprennent que nous souhaitons une réduction générale du fardeau fiscal des particuliers et assurément de celui des corporations. Si nous voulons réduire les impôts, à quel moment devrons-nous envisager une réforme globale du régime fiscal des particuliers au lieu de jouer avec les taux d'imposition? Y a-t-il des risques à apporter des rajustements mineurs au taux ou à indexer une tranche d'imposition, ou bien en sommes-nous arrivés au stade où nous ne disposons plus d'un instrument nous permettant de nous concentrer sur les retombées?

M. Bill Strain: C'est là une excellente question qui semble refaire surface à peu près tous les dix ans. Il semble que le régime fiscal puisse survivre pendant une période de 10 à 15 ans avant de s'alourdir au point de crouler sous son propre poids. Par contre, je ne crois pas qu'il faille prendre du recul et envisager une réforme globale de l'impôt sur le revenu des particuliers. Non que je ne sois pas d'accord—cette réforme est probablement nécessaire—mais parce que j'estime que cet exercice nous empêchera d'aborder une baisse des taux d'imposition. Avec une réduction des taux, le fardeau fiscal global prend beaucoup moins de place dans les décisions que prennent les particuliers. Le fardeau devient plus facile à supporter sans qu'il faille se demander s'il est nécessaire de nous débarrasser du régime fiscal et de repartir à neuf. Nous l'avons vu dans le passé, une telle démarche prendrait des années et nous empêcherait d'apporter les ajustements dont nous avons besoin actuellement.

Je crois que les suggestions générales que nous avons présentées à notre comité afin d'atténuer la progressivité du barème en réduisant la tranche d'imposition du milieu et en réinstaurant l'indexation complète afin de mettre un terme au non- ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation et aux augmentations d'impôt automatiques, sont des mesures générales qui peuvent être prises aujourd'hui sans qu'il soit nécessaire de procéder à une refonte majeure du régime de base.

M. Paul Szabo: Je comprends bien ce que vous dites et c'est très utile. Je veux savoir si quelqu'un ose avancer un pourcentage minimum de réduction d'impôt pour que l'exercice soit utile. Quelle est la plus faible réduction qui serait utile?

• 1725

M. Bill Strain: Je ne crois pas être en mesure d'avancer au chiffre. Par contre, le signal est tout aussi important que la réduction absolue. M. d'Aquino l'a dit, il faut agir maintenant pour envoyer le signal qu'il y a des réductions d'impôt et que d'autres réductions seront apportées plus tard.

Le président: Monsieur Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai une question à poser, si vous me le permettez, au sujet de la notion de productivité et de compétitivité qui est apparue lors du débat qui a fait suite à la présentation du rapport Mintz. D'ailleurs, la Banque du Canada explore actuellement cette notion.

Dans le témoignage qu'il a livré à notre comité, le gouverneur Thiessen a parlé de ses préoccupations concernant l'écart entre les niveaux de productivité des Américains et des Canadiens.

Je crois que nous sommes passés de la quatrième à la cinquième place tout récemment, situation qui n'est pas absolument dramatique d'un point de vue global. Comme les Américains sont nos partenaires commerciaux les plus importants et que notre dollar canadien est très faible, nous risquons de perdre cet avantage si notre dollar remonte à 79 ou 80c. Peut-être faut-il craindre pour plusieurs de nos sociétés de commerce extérieur qui fondent leur productivité et leurs ventes essentiellement sur la faiblesse du dollar canadien.

Différentes compagnies sont venues nous dire qu'elles comptent de plus en plus sur la technologie pour améliorer leur aptitude à concurrencer. Par exemple, nous avons entendu récemment le témoignage de nos bons amis les banquiers qui s'intéressent tout autant à ce que font Intel et Microsoft qu'à leurs concurrents, parce que leurs points de vue—leurs désirs, leurs espoirs et leurs rêves—constituent une partie de l'équation. Ces entreprises estiment qu'en mariant les technologies et en augmentant la nature de ces technologies, elles contribueront à réduire les coûts et à assurer une prestation plus efficace de services. Du moins, c'est ce qu'elles soutiennent.

Cela soulève toute la question du coût pour les entreprises et pour le gouvernement du Canada, de même que pour les provinces, de la dépréciation du capital. Je suis sûr que vous connaissez des gens dans l'industrie de l'imprimerie qui le font. Par exemple, chaque fois que je vais chez Friesens, à Altona, dans ma circonscription, je constate que l'entreprise se prépare à installer une nouvelle pièce d'équipement. Elle doit le faire pour tenir tête à la concurrence. Tout évolue très vite.

Historiquement, et même il y a dix ans, vous auriez conservé cet équipement pendant quatre, cinq, six ou même sept ans. Aujourd'hui, on parle de 12 mois, peut-être. Tout cela représente des frais incroyables, et selon moi, ces coûts continueront d'augmenter.

J'aimerais que nous examinions la possibilité de modifier l'amortissement autorisé. Est-ce là une avenue que le gouvernement devrait explorer, c'est-à-dire une autre forme de réduction des impôts, mais certainement pas une réduction au niveau des particuliers? Je me demande si l'un d'entre vous pourrait commenter.

M. Michael Makin: Notre mémoire aborde très précisément cette question, monsieur Iftody.

J'abonde dans votre sens. Comme c'est le cas pour l'usine de M. Friesen, vous constaterez si vous allez à Kitchener ou à Kamloops ou ailleurs, que notre industrie est obligée d'investir constamment dans du matériel de production. Chose importante à retenir, l'équipement qui tombe en désuétude plus rapidement que les grosses machines que vous voyez lors d'une visite des installations sont les appareils de saisie électronique des images, la technologie informatique nécessaire pour faire fonctionner les grosses machines. C'est cette technologie qui devient obsolète beaucoup plus rapidement que ne le permet la politique fiscale actuelle.

Une autre suggestion—et je sais que vous et vos collègues avez fait preuve d'une très grande réceptivité quand nous vous avons rencontrés—serait l'adoption d'une politique d'amortissement du capital de haute technologie qui passerait d'un amortissement dégressif à un amortissement linéaire, c'est-à-dire 50 p. 100, 25 p. 100 et 25 p. 100. Nous croyons que cela donnerait un avantage concurrentiel considérable à l'industrie canadienne face aux États- Unis.

Je signale aussi, comme je l'ai fait plus tôt pour le président, que deux membres du Ways and Means Committee du Congrès, votre contrepartie aux États-Unis, défendent actuellement un projet de loi, parrainé par un Républicain et secondé par un Démocrate, pour que la période d'amortissement du matériel informatique passe de cinq à deux ans.

Chez nous, cette période est de sept ans. Ce que nous proposons serait très avantageux pour l'ensemble de l'industrie et non seulement pour l'industrie de l'imprimerie. Voilà une question majeure, madame la vice-présidente, à laquelle vous avez fait référence plus tôt, c'est-à-dire la façon dont les autres industries profiteraient de cette suggestion.

• 1730

M. Nelson Riis: De cinq à deux ans, est-ce exact?

M. Michael Makin: C'est exact. Aux États-Unis.

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Michael Makin: Non, non, il s'agit des ordinateurs... Il y a une classe pour ces appareils et j'ai le code pour quiconque souhaite le consulter. C'est la catégorie 29 du tableau pour les biens amortissables. Comme par hasard, la catégorie du tableau qui vise l'équipement de fabrication et de transformation s'applique aussi au matériel informatique auxiliaire. Si vous abordiez les deux aspects, vous feriez d'une pierre deux coups, même en prenant les catégories 29 et 12 et en passant d'un taux d'amortissement dégressif à un taux pour la haute technologie.

Un représentant de votre parti était même disposé à présenter un projet de loi d'initiative parlementaire à cet effet. Son initiative n'aurait pas le même poids que si la proposition venait de votre comité. Je crois que le comité pourrait transmettre un message beaucoup plus fort au ministère des Finances, parce que nous savons que les fonctionnaires de ce ministère sont attentifs à vos travaux.

Le président: Merci de cette précision.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Ma question s'adresse à M. Thibaudeau. L'ACCAF recommande une diminution du taux d'imposition pour la tranche de revenu du milieu. Le gouvernement précédent avait l'intention de ramener ce taux à 23 p. 100 après l'entrée en vigueur de la TPS. Je me demande simplement si vous avez revu ce taux de 23 p. 100 et si vous estimez qu'il est approprié. Croyez-vous que le seuil de revenu de la seconde tranche d'imposition, qui est d'environ 30 000 $, soit approprié?

Étant donné que vous avez abordé ces trois aspects, je vous signale le commentaire d'une autre personne au sujet de l'écart entre les seuils au Canada et aux États-Unis. Notre tranche d'imposition la plus élevée commence, je crois, aux alentours de 55 000 $. Croyez-vous qu'elle est appropriée ou qu'elle soit trop basse?

M. David Thibaudeau: Quand on parle d'écart, il faut retenir le fait que le passage de 17 à 26 p. 100 est beaucoup plus important que de 26 à 29 p. 100. C'est tout un saut. Si on le ramenait à un taux que nous sommes en mesure d'absorber, cela toucherait probablement un assez grand nombre de contribuables, qui profiteraient alors des retombées, et représenterait une réduction de l'impôt personnel qui correspondrait à cette plage. Il semblerait logique de procéder ainsi.

Vous aviez une question concernant la tranche d'imposition la plus élevée, qui est de 55 000 $, n'est-ce pas?

Mme Karen Redman: Oui. Croyez-vous que ce niveau soit trop faible par rapport aux États-Unis? On a fait remarquer qu'aux États-Unis ce seuil est beaucoup plus élevé. Est-ce 250 000 $, comme l'a dit quelqu'un? De toute façon, la marche est très haute avant d'accéder au niveau d'imposition le plus élevé, tandis que le niveau en vigueur au Canada est relativement facile à atteindre pour un segment de la population.

M. David Thibaudeau: C'est beaucoup trop bas. Je dois me contenter de répéter ce que je disais à certains collègues des États-Unis avec lesquels j'ai élaboré des idées de planification. Je leur montrais comment une personne pourrait atteindre son indépendance financière sur une période de temps donnée et j'utilisais à cette fin le taux d'imposition maximum à un niveau de revenu aussi faible pour certains exemples. La question était la suivante: «Pourquoi quelqu'un voudrait-il vivre là-bas?»

Le fait que nous soyons aussi lourdement imposés a des répercussions certaines. L'exode des cerveaux touche des particuliers dont le revenu se situe à ce niveau d'imposition dès leur sortie de l'université. Je crois donc que cela a des répercussions sur les jeunes gens qui choisissent de travailler au Canada par rapport à ceux qui choisissent de travailler aux États- Unis, où les conditions sont un peu plus favorables, mais tout de même assez similaires.

Mme Karen Redman: Je suppose que vous avez répondu à la question «Pourquoi quelqu'un voudrait-il vivre au Canada?» en mentionnant nos villes exemptes de criminalité et notre régime de soins de santé, et que vous leur avez dit pourquoi nous sommes très heureux d'habiter au nord du 49e parallèle?

M. David Thibaudeau: J'ai laissé entendre que nous avions une grande qualité de vie au Canada.

Mme Paddy Torsney: Et de bons parlementaires?

Une voix: N'exagérez pas.

M. Bill Strain: Et des parlementaires merveilleux!

M. David Thibaudeau: Un bon gouvernement.

Mme Karen Redman: Monsieur le président, pourrais-je poser une autre petite question?

Le président: Bien sûr. Allez-y.

Mme Karen Redman: Monsieur D'Aquino, vous avez parlé d'un objectif de cinq ans et vous avez ajouté que cet objectif pourrait être souhaitable pour l'assurance-emploi et que nous pourrions examiner cette question. Notre prémisse est un objectif mobile sur deux ans. Croyez-vous que la période sera trop brève pour que nous puissions enregistrer les progrès que le gouvernement estime nécessaires?

• 1735

M. Tom D'Aquino: Vous savez très bien comment les taux de cotisation à l'assurance-emploi sont établis et comment ils sont annoncés. Notre problème, je crois, est que tout le monde—le vérificateur général et presque tous les analystes—reconnaît qu'il faut un programme pour soutenir le principe de l'assurabilité et le principe d'un petit coussin pour les périodes difficiles.

De fait, comme M. Martin l'a signalé devant notre comité, le déficit de ce compte était d'environ 6,2 milliards de dollars au moment où les libéraux ont formé le gouvernement. Par conséquent, nous savons tous qu'il y a une fluctuation entre déficit et surplus.

La véritable question qui s'est posée au fil des ans, et je m'y suis arrêté de très près, est de savoir quel montant d'argent serait plus ou moins acceptable pour tout le monde? Le consensus général semble être de l'ordre de huit milliards de dollars pour le soi-disant surplus—et je parle de soi-disant surplus. On pourrait toujours soutenir qu'il devrait être de sept ou de dix milliards de dollars.

Vous ajoutez maintenant plus de cinq milliards de dollars par année, et tous savent que cela est insoutenable. J'ai écouté très attentivement les propos de M. Martin devant notre comité, et il a été très prudent. Manifestement, M. Martin se sert de cette approche pour aborder le problème du déficit, sinon nos chiffres ne seraient pas tout à fait aussi bons.

Le véritable problème est maintenant de savoir s'il peut faire taire les critiques de manière crédible tout en se donnant la marge de manoeuvre nécessaire pour apporter les changements et passer à des aspects de la réforme fiscale qui, selon nous, sont plus importants. D'où l'idée d'un objectif quinquennal et de déclarer en Chambre, «Eh bien, vous avez raison. Nous ne pouvons continuer d'accumuler des surplus. Cela est inacceptable. Premièrement, permettez-moi de supposer que nous avons besoin de huit ou de neuf milliards de dollars, que nous les obtiendrons, et que tel est le niveau des primes à payer. J'ajoute que je suis dans l'impossibilité de vous garantir une baisse d'un dollar dès demain. Je vous accorde une période de cinq ans pour parvenir à deux dollars.»

S'il faisait cela, pourrait-il s'en tirer au plan politique? Je ne sais pas. Vous êtes les politiciens, pas moi. À tout le moins, cette approche signalerait aux critiques et à tout le monde que le montant sera réduit éventuellement et qu'il y a un objectif. À ce moment le ministre pourrait espérer un relâchement des pressions qui s'exercent sur lui.

Ce n'est qu'une idée. Je ne l'ai pas encore communiquée au ministre. Nous devons le rencontrer le 16 juin et j'essayerai de lui en faire part. Dieu seul sait quelle sera sa réaction. Ce n'est qu'une idée quant à la façon de communiquer l'engagement que vous êtes à la veille d'intervenir pour corriger une situation insoutenable. C'est véritablement ce que vise la proposition.

Le président: Monsieur Pillitteri, puis monsieur Iftody.

M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président. J'aimerais commenter ces propos.

J'ai une toute petite question pour vous, monsieur D'Aquino. Vous avez dit il y a peu de temps que nous sommes des gens confiants. N'est-il pas vrai que nous soyons confiants en proposant un objectif de deux ans qui soit réalisable plutôt que de revenir à un plan de cinq ans, comme les gouvernements précédents l'ont fait sans jamais atteindre les objectifs visés?

M. Tom D'Aquino: Monsieur le président, j'espère que Mme Redman ne faisait pas allusion à... Nous parlons ici d'assurance- emploi, et non de déficit. La stratégie des objectifs mobiles pour le déficit est une idée brillante du ministre des Finances et elle a connu beaucoup de succès. Nous l'endossons entièrement. C'est une stratégie crédible, et je ne saurais en dire assez de bien.

M. Gary Pillitteri: Par la même occasion, si vous vouliez mettre en place des objectifs mobiles sur une période de cinq ans, vous ne pourriez plus tenir ce gouvernement responsable de les atteindre et un autre gouvernement ne pourrait jamais y parvenir avant.

M. Tom D'Aquino: Non, non, je ne parle pas d'objectifs sur cinq ans pour la réduction de la dette. Je ne fais que les proposer comme moyen d'aborder les surplus de l'assurance-emploi. Je disais simplement que le ministre des Finances pourrait dire «D'ici l'an 2002, nous en serons à deux dollars. Maintenant, laissez-moi tranquille et passons à autre chose». Cela fonctionnerait-il? Je ne sais pas. Ce n'est qu'une suggestion.

Le président: Monsieur Iftody.

M. David Iftody: Monsieur D'Aquino, vous parlez de huit milliards de dollars. J'aimerais vérifier avec nos fonctionnaires qui sont ici, mais je croyais que le vérificateur responsable du fonds de l'assurance-emploi avait dit très récemment que pour tenir le coup en cas de récession, comme celle de 1989-1990, il faudrait 12 milliards de dollars. À cette époque, vous le savez bien, M. Bernard Valcourt se rendait au Conseil du Trésor à toutes les six semaines pour demander un milliard de dollars de plus.

• 1740

De plus, vous avez dit que la prochaine récession pourrait survenir d'ici deux à trois ans, de sorte que les règles universelles ont changé. Ne croyez-vous pas qu'une somme de huit milliards de dollars soit un peu juste, et qu'à ce moment nous nous retrouverons dans l'obligation de faire appel au Trésor pour régler ces problèmes?

M. Tom D'Aquino: Si vous retournez au point de départ de ce débat, vous verrez que nous avons parlé d'un fonds de stabilisation de six à sept milliards de dollars, puis nous avons parlé de huit, de neuf et de dix milliards de dollars. C'est un facteur de prudence important qui a été incorporé au chiffre de 12 milliards de dollars. Personne ne peut en être sûr parce que personne ne sait quelle sera l'ampleur de la récession.

Si vous parlez de 12 milliards de dollars, vous tenez compte d'un facteur de prudence très élevé. Comme M. Martin a fort bien réussi à incorporer les facteurs de prudence dans tout ce qu'il a fait, ce qui a permis au gouvernement, à l'économie et à lui-même de bien paraître, il est fort possible qu'une somme de 12 milliards de dollars ne soit pas une si mauvaise idée. Mais n'essayez pas de proposer 15 milliards ou 18 milliards de dollars parce que je ne crois pas que vous réussirez à vous en sortir.

Le président: Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président. Il est bien de savoir qu'un comité ne fait pas l'unanimité sur un certain nombre de questions. Cela permet d'entendre des points de vue divergents, notamment sur la question de l'assurance-emploi.

J'ai une question pour monsieur D'Aquino et peut-être même pour quelques autres membres du comité. Vous avez parlé d'une baisse continue des niveaux d'imposition au fil du temps, puis vous avez parlé d'une plage d'imposition du revenu des particuliers qui équivaudrait au coût des vêtements, de l'alimentation et du logement. Pouvez-vous nous donner des précisions quant à l'échéancier qui sous-tend cette déclaration, et quant à l'échéancier que vous avez en tête pour la réalisation de cet objectif?

M. Tom D'Aquino: Je demanderai à M. David Stewart Patterson de dire un mot à ce sujet. Premièrement, permettez-moi de vous dire une chose en ce qui a trait à l'importance de la réduction. Certains se demandent quelle réduction d'impôt pourrait avoir des répercussions réelles pour les consommateurs, leur donnerait vraiment l'impression de mettre leur argent dans leurs poches et aurait des effets macroéconomiques suffisamment importants pour qu'il y ait des retombées positives pour l'économie.

Personnellement, je ne crois pas que vous puissiez parler d'une réduction d'impôt de moins de cinq milliards de dollars si vous espérez un changement réel. Si vous parlez de sept à huit milliards de dollars, je crois qu'il est possible d'envisager des retombées positives.

Deuxièmement, je crois qu'il y a un danger comme vous pourrez le constater si vous observez le comportement des six ou sept derniers gouvernements. Quand le ministre des Finances se contente de petits allégements fiscaux sans importance, cela n'a aucun effet réel. Je suis de l'école qui juge qu'il faut attendre d'avoir un surplus très important dans la caisse avant d'apporter des réductions d'impôt majeures. À ce moment, on apporte les modifications en bloc de sorte que l'économie puisse profiter des répercussions macroéconomiques. Pensez-y un peu. À l'heure actuelle, si vous annoncez une petite réduction d'impôt, les gens se demanderont ce que cela signifie. Elle sera de quelques dollars seulement, ce qui ne voudra pas dire grand-chose. Mais si les gens ont l'impression que la réduction d'impôt est majeure et qu'ils peuvent garder plus d'argent dans leurs poches, tout le monde en profite.

David, vouliez-vous ajouter quelque chose sur la question des équivalences utilisées dans notre mémoire?

M. David Stewart Patterson: Quand nous nous sommes intéressés à la réduction d'impôt qui pourrait être décrétée éventuellement et aux objectifs de la dette, nous ne nous sommes pas attachés à une projection en particulier du PIB ni à rien de semblable. Nous avons considéré une vaste gamme de prévisions qui existent déjà.

Si les objectifs concernant la dette sont la première priorité, il faut probablement avancer le chiffre de 75 p. 100 pour la phase initiale de réduction de la dette compte tenu de la formule de dividende fiscal et ainsi de suite. Si vous vous imposiez cette discipline dès le départ, nous nous attendrions à ce que le pourcentage du dividende s'amenuise au fil des ans et à ce que le pourcentage disponible pour les réductions d'impôt augmente en conséquence.

Je crois que l'idée maîtresse n'est pas tellement de connaître la date cible, parce que tout dépend de l'évolution de l'économie au fil des ans. D'ailleurs, je ne crois pas qu'il soit prudent de faire des prédictions trop globales.

• 1745

M. Tony Valeri: Je ne vous demande pas de me dire que ce sera le 1er janvier, ni de préciser l'année ou quoi que ce soit. Je veux savoir si au moment où vous faites la déclaration, vous avez l'impression que ce sera au cours du prochain cycle économique? Avez-vous une idée du temps qu'il faudra avant que vous admettiez que le gouvernement a raté la possibilité de ramener le taux d'imposition du revenu des particuliers à ce pourcentage-là?

M. Thomas D'Aquino: Oh. Permettez-moi d'apporter une précision, monsieur le président. Je crois que le ministre des Finances devrait proposer une stratégie de réduction des impôts dans le prochain budget, c'est-à-dire en février 1999, et que cette stratégie devrait être mise en oeuvre sur une période de cinq ans.

L'important—et j'en reviens à certaines des préoccupations déjà exprimées—est que les gens veulent qu'il se passe quelque chose maintenant. L'action souhaitée ne correspond pas nécessairement à une approche de type Harris, qui dit «Nous équilibrerons notre budget d'ici l'an 2000 ou 2001, mais nous vous accorderons une belle réduction d'impôt maintenant». C'est là une autre avenue. M. Klein a procédé autrement. Il faut dire au peuple canadien que la réduction des impôts est pour bientôt et présenter un programme de réduction des impôts.

Je sais que M. Martin serait probablement très réticent à le faire parce qu'il est dans un cycle de deux ans et qu'il hésiterait à se lancer dans un cycle quinquennal. Peut-être qu'il le ferait sur une base mobile de deux ans ou de trois ans. L'élément clé est de dire aux Canadiens que les réductions d'impôt sont pour bientôt et qu'elles seront annoncées dans le budget de février 1999. Quand il sera question de toutes les préoccupations dont nous discutons, les gens pourront dire, dans une large mesure, qu'il y a des réductions d'impôt à l'horizon.

M. Martin a dit publiquement à maintes reprises qu'il y aurait des réductions d'impôt. Nous lui demandons simplement d'être un peu plus précis et de faire preuve d'un peu plus de discipline en donnant aux gens la certitude que ces réductions viendront bel et bien. Nous en retirerons tous des bénéfices. Et peut-être que les plus jeunes qui se précipitent vers le sud se diront que la situation pourrait changer et qu'ils décideront de demeurer ici.

Le président: Merci, monsieur Valeri.

Un dernier commentaire, monsieur D'Aquino. En ce qui a trait à l'envoi d'un signal aux Canadiens relativement aux réductions d'impôt, vous savez que le dernier budget proposait l'équivalent de sept milliards de dollars en réductions d'impôts. Au total, plus de 400 000 personnes seront retirés du rôle de contribuables du pays. Cherchez-vous à dire que le ministre devrait en faire plus?

M. Thomas D'Aquino: Oh, absolument. Monsieur le président, vous savez que le non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation constitue un énorme problème. Vous savez que le gouvernement doit prendre des mesures pour que la situation des Canadiens ne se détériore pas davantage à cause de cela. À tout le moins, le gouvernement devra aborder cette question du non- ajustement. Incidemment, pour ceux et celles qui se préoccupent de progressivité et d'équité, je n'ai pas à vous rappeler les effets que le non-ajustement peut avoir sur les contribuables qui se situent dans une tranche de revenu inférieure. Ils ont bénéficié d'un certain répit, mais il faudra faire davantage.

Je dis qu'en plus de cela nous devrions discuter d'un engagement à réduire l'impôt personnel de tous les contribuables, initiative qui sera beaucoup plus coûteuse. À moins de nous intéresser à la question de l'indexation, au non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation et à l'engagement d'apporter une réduction générale des impôts sur une période de trois ou quatre ans, nous serons de moins en moins concurrentiels, non seulement pour ce qui est de nos industries, mais aussi pour ce qui est d'attirer des gens et de les garder chez nous. Il faut aborder ces questions.

Selon moi, il est tout aussi important de le faire que ce l'était il y a six, sept et huit ans quand j'ai plaidé en faveur d'une réduction du déficit. Nous profiterons des retombées. Les critiques ne croyaient pas à la réduction du déficit. Aujourd'hui, les taux d'intérêt sont plus faibles et les retombées sont considérables. Réduisez les impôts et vous verrez qu'il y aura des retombées.

Pour y parvenir, vous devez utiliser une plus grande part du soi-disant dividende croissant. À l'heure actuelle, je crois que les contribuables canadiens ont très hâte qu'on leur annonce une réduction des impôts. Nous le savons et vous le savez aussi. Les gens se demandent maintenant quels impôts seront visés. Faudrait-il que ce soient les cotisations à l'assurance-emploi?

Il y aurait beaucoup à dire en faveur de la réduction de ces cotisations. Si vous devez prendre une décision, réduisez les impôts qui se rapportent à l'assurance-emploi, et donnez-vous un objectif pour y parvenir. Par contre, axez le gros de vos efforts sur la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, parce que c'est là où se manifesteront les véritables retombées.

Le président: Une bonne partie du débat entourant l'assurance- emploi a porté sur le taux de cotisation. Le gouvernement devrait- il se contenter d'abandonner ce compte d'assurance-emploi et s'en tenir à des cotisations sociales générales, et affirmer que c'est ce qu'il en coûte pour faire des affaires dans ce pays, point à la ligne?

M. Thomas D'Aquino: Je sais que certaines personnes ont recommandé que vous le fassiez, mais n'oubliez pas que le principe qui sous-tend l'assurance-emploi—ou assurance-chômage comme on avait l'habitude de l'appeler—est un excellent principe selon moi. Que fera-t-on des gens qui perdront leur emploi au cours de la prochaine récession?

• 1750

Il est vrai que notre régime d'assurance-chômage—je gravitais autour de la Colline parlementaire dans une vie antérieure, à l'époque où M. Mackasey a proposé ces changements—s'est avéré beaucoup trop généreux. Nous avions atteint un point où les prestations d'assurance-chômage étaient beaucoup trop généreuses et constituaient une formidable contre-incitation au travail.

Tout le monde l'a reconnu. C'est la raison pour laquelle vous avez apporté certains changements, et il a été difficile de les mettre en oeuvre.

Je ne crois pas qu'il faille abandonner l'assurance-emploi. Je crois qu'il faut la maintenir. Par contre, pour lui donner plus de crédibilité, vous devez revenir au principe de base.

Il y a certaines choses que les gens n'aiment pas... M. Harris a dit que vous volez de l'argent. D'autres premiers ministres ont été presque aussi méchants. Ils agissent ainsi parce qu'on demande aux employeurs et aux employés de payer pour une chose alors que d'importants montants servent actuellement à d'autres fins. Les principes de transparence, d'équité, de justice—quel que soit le nom que vous vouliez leur donner—exigent d'utiliser le programme aux fins auxquelles il est destiné. S'il le faut, cela correspond à un fonds de stabilisation de huit à 12 milliards de dollars. Le cas échéant, assurez-vous que le reste reviendra aux employeurs et aux employés.

Le président: Mais pas sous forme d'avantages accrus. Ce n'est pas cela que vous défendez.

M. Tom D'Aquino: Non, pas sous forme d'avantages accrus. Sous forme de primes réduites.

Le président: D'accord.

Au nom du comité, j'aimerais remercier le groupe de discussion qui nous a fourni une prestation très intéressante.

Oui, monsieur de Savoye?

[Français]

M. Pierre de Savoye: Monsieur le président, j'avais demandé la parole au deuxième tour. D'autres l'ont eue. Pourquoi pas moi?

[Traduction]

Le président: Il y a répartition 50-50 des questions. C'est là la raison.

[Français]

M. Pierre de Savoye: J'aurai l'occasion d'en reparler. Merci.

[Traduction]

Le président: Un instant. Monsieur de Savoye, si vous voulez poser une question...

[Français]

M. Pierre de Savoye: Je ne voudrais pas m'imposer.

[Traduction]

Le président: Non, non. Vous pouvez poser votre question.

[Français]

M. Pierre de Savoye: Est-ce que vous me le permettez?

[Traduction]

Le président: Oui, bien sûr.

[Français]

M. Pierre de Savoye: J'ai deux questions pour M. Thibaudeau et une question pour M. D'Aquino. Je poserai d'abord une question à M. Thibaudeau parce qu'il représente des conseillers fiscaux, puis à M. D'Aquino parce qu'il a de bonnes questions et généralement de bonnes réponses. Mais on a posé une question à laquelle il n'a pas donné de réponse. J'y reviendrai un peu plus tard.

Monsieur Thibaudeau,

[Traduction]

M. D'Aquino a dit plus tôt qu'il faudrait proposer une réduction d'impôt, mais uniquement lorsqu'elle sera suffisamment importante pour avoir un effet microéconomique. Ma première question est la suivante: Ne croyez-vous pas que cela pourrait favoriser l'inflation?

Ma seconde question porte sur les taux d'intérêt qui sont liés à la valeur de notre devise. La valeur de notre devise est également liée à la productivité et aux taux d'intérêt. De plus, nous avons une dette qui appartient à 60 p. 100 aux Canadiens. Si nous augmentons le taux d'intérêt de 1 p. 100, nous aurons un déficit de 3,6 milliards de dollars ou nous devrons consacrer davantage de fonds au paiement de ce supplément de taux d'intérêt. Selon vous, quelle devrait être la politique fiscale appropriée du ministre des Finances pour aborder ce second volet?

Ce sont mes deux questions.

M. David Thibaudeau: Ce sont des questions auxquelles il est très difficile de répondre.

Je crois qu'il s'agit de déterminer ce qu'il faut faire au départ. Faut-il réduire les impôts jusqu'à ce que l'effet soit réel? Cela se rapporte à cet aspect de la question.

Je ne suis pas fiscaliste, ni rien de tout cela, mais je vous dirai ce que j'en pense. Il faut se demander dans quelle mesure nous pouvons décider de continuer d'utiliser et d'accroître notre dette en accordant des réductions d'impôt? Si nous le faisons, est- ce que nous rendons service à quelqu'un à long terme? D'un point de vue politique, vous pourrez avoir une influence considérable si vous parvenez à convaincre les contribuables qu'ils économisent beaucoup d'argent d'un seul coup.

Je crois cependant que le véritable problème est de s'occuper de la dette d'abord et avant tout. Si nous commençons par la dette, je crois que bon nombre des autres préoccupations que vous avez évoquées s'atténueront. Je pense ici aux taux d'intérêt, à la valeur du dollar et à tout le reste.

Je n'aimerais pas que votre gouvernement annonce une grosse réduction des impôts s'il n'a pas déjà accumulé un gros, un très gros surplus au préalable.

• 1755

M. Pierre de Savoye: Monsieur d'Aquino, vous avez mentionné certains problèmes à régler et vous avez fourni quelques bons conseils à notre comité, et je vous cite:

    Des niveaux d'endettement public élevés, le lourd fardeau associé aux taux d'imposition, la forte dépendance à l'égard du commerce des ressources naturelles, ainsi que la menace de la séparation du Québec nous rendent toujours vulnérables.

Vous percevez la menace de la séparation du Québec. Pouvez- vous suggérer une solution crédible et raisonnable? Vous l'avez fait pour tous les autres problèmes.

Des voix: Oh, oh!

M. Tom d'Aquino: Monsieur le président, permettez-moi de conclure comme suit. Jeudi soir, j'étais à Winnipeg pour assister à la remise d'une récompense d'entrepreneur international distingué à M. Laurent Beaudoin. M. Beaudoin s'est joint à une entreprise dont les ventes s'élevaient à dix millions de dollars. Aujourd'hui, les ventes sont de 8,5 milliards de dollars et l'entreprise est un chef de file mondial dans le domaine de l'aérospatiale.

J'ai rendu un témoignage professionnel d'appréciation à M. Beaudoin et par la suite il a pris la parole. Permettez-moi de vous rapporter quelques mots de son allocution. Selon M. Beaudoin, l'élément tragique est que le pays que certains de nos compatriotes voudraient créer existe déjà, et que c'est la raison pour laquelle lui-même connaît tant de succès.

Je ne crois pas avoir autre chose à ajouter sur cette question, monsieur le président. Je rapporte simplement les propos de M. Beaudoin.

Le président: Nous considérerons que cela est inscrit.

Des voix: Oh, oh!

M. Pierre de Savoye: Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir accordé ces quelques minutes supplémentaires.

Le président: Fort bien. Nous faisons preuve d'une grande souplesse.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier beaucoup.

La séance est levée.