:
Je déclare la séance ouverte. Merci de votre diligence. J’aimerais que nous disposions de beaucoup de temps pour la période de questions et je voudrais également réserver une dizaine de minutes à la fin de la réunion pour discuter des affaires du Comité et de la composition des futurs groupes de témoins.
Permettez-moi de vous présenter nos invités et surtout de les remercier de s’être présentés à une heure si matinale. Si nous tenons cette réunion à 8 h 30, c’est à cause des contraintes que nous impose l’horaire du vendredi.
Nous accueillons les porte-parole de l’Association canadienne de l’électricité, Francis Bradley, chef des opérations, et Terry Toner, directeur des Services de l’environnement, Nova Scotia Power, puis ceux de l’Association nucléaire canadienne, John Barrett, président et chef de la direction, et Liam Mooney, vice-président, Cameco Corporation, enfin ceux de l’Association minière du Canada, Pierre Gratton, président et chef de la direction, et Justyna Laurie-Lean, vice-présidente, Environnement et affaires réglementaires.
Merci beaucoup de vous être déplacés aujourd’hui. Je ne sais pas lequel d’entre vous veut ouvrir le bal.
Avant de commencer, je veux dire un mot sur ma façon de présider. Je tâche de ne pas interrompre les témoins, mais je leur fais signe lorsque la fin de leur temps de parole de 10 minutes approche. Je vous montrerai le carton jaune lorsqu’il vous restera une minute. Le carton rouge indique que votre temps de parole est écoulé et que vous devez donc conclure rapidement.
La parole est à vous.
:
Je vous remercie, madame la présidente et membres du Comité, d'avoir invité l'Association canadienne de l'électricité à comparaître devant vous pour cet important examen du projet de loi .
Je suis heureux de représenter l'Association, ce matin, car notre président-directeur général, Sergio Marchi, avait déjà un engagement prévu à l'extérieur d'Ottawa. M. Terry Toner, qui est directeur des services de l'environnement de la Nova Scotia Power, m'accompagne.
Ensemble, nous allons vous présenter le point de vue du secteur de l'électricité sur le projet de loi, en particulier en ce qui a trait à la Loi sur l'évaluation d'impact.
Auparavant, toutefois, j'aimerais dire quelques mots au sujet de l'Association. L'ACE est la voix et la tribune du secteur canadien de l'électricité à l'échelle nationale. Nous comptons parmi nos membres les principales entreprises de production, de transport et de distribution d'électricité de tout le Canada, ainsi que des fabricants, des entreprises spécialisées dans la technologie et des sociétés d'experts-conseils représentant la chaîne d'approvisionnement complète en électricité.
L'électricité est indispensable, aussi bien pour la qualité de vie des Canadiens que pour la compétitivité de notre économie.
[Traduction]
Le secteur de l'électricité est assurément en mesure de contribuer à une ère énergétique plus écologique et plus propre. Pour que nous puissions saisir cette occasion, deux conditions sont essentielles: notre environnement d’affaires doit être concurrentiel et le cadre réglementaire doit assurer la réalisation de projets judicieux.
L'accumulation de changements législatifs et réglementaires de grande portée à l'échelle fédérale, provinciale et territoriale inquiète beaucoup le secteur. Cet effet d'accumulation remet en cause l'économie des investissements nécessaires dans les projets énergétiques.
[Français]
Les ministres qui ont comparu devant ce comité, la semaine dernière, ont déclaré leur intention, au moyen du projet de loi , d'assurer que de bons projets seront réalisés. Nous saluons cette intention. Cependant, nous pensons que, sans amendements constructifs, le projet de loi C-69 peut freiner les investissements utiles.
En tant que comité, vous avez la possibilité et l'obligation de rétablir la confiance du public et de créer une loi plus prévisible, équilibrée et réalisable.
Permettez-moi de céder maintenant la parole à Terry Toner, qui vous fera part de nos recommandations particulières.
Je tiens d'abord à souligner que ce projet de loi contient des dispositions progressistes. Cependant les ajustements suivants amélioreraient le sens de la . Pour être bref, mes commentaires porteront principalement sur la partie relative à l’évaluation d'impact.
Au sujet de la clarté et de la prévisibilité, les ministres et ont évoqué la nécessité pour les promoteurs de projets de savoir ce qui est attendu d'eux dès le début de la procédure réglementaire. Nous pensons que quelques modifications simples, mais importantes, sont nécessaires pour atteindre cet objectif. La ministre McKenna a expliqué avec clarté que cette loi est axée sur les grands projets. Nous sommes en faveur de cette mesure et espérons que cela transparaîtra dans la liste de projets.
La liste de projets à élaborer par règlement doit établir fermement la portée de l’application de la . Le pouvoir du ministre de designer d'autres projets pour examen doit être restreint et utilisé uniquement dans des circonstances exceptionnelles, sur la base des critères utilisés pour élaborer la liste au départ. L'examen de solutions de rechange à un projet doit se limiter à ceux qui sont techniquement et économiquement faisables. Les dispositions transitoires doivent aussi énoncer clairement que les projets existants déjà engagés dans une démarche réglementaire ne sont pas assujettis à la Loi sur l’évaluation d'impact.
Dans la recherche de clarté et de mise au point, nous saluons les évaluations stratégiques et régionales. Nous espérons qu'elles pourront garantir que les examens de chaque projet ne seront pas écrasés sous le poids de l’analyse de l'impact bien au-delà de leur portée. Trop souvent l'examen des projets est l'endroit où la politique nationale est le sujet des débats et des litiges dans des domaines tels que le climat ou la réconciliation avec les Autochtones. Un examen de projet ne devrait être qu'un examen de projet.
En ce qui concerne les délais, bien que ceux contenus dans le projet de loi orientent les promoteurs de projets, l'objectif du gouvernement en matière de prévisibilité du processus est largement dilué par les dispositions des lois qui permettent des extensions et des suspensions sans limites. Le temps est une valeur essentielle qui peut faire la différence entre un projet réalisé et un projet abandonné. Nous reconnaissons qu'il faut faire preuve d'une certaine souplesse, mais également de discipline et de transparence afin de renforcer la confiance des investisseurs dans les projets d'infrastructure canadiens.
Les prolongations décidées par le gouverneur en conseil devraient être publiées, avec leurs motifs. Le temps pris par le ministre pour établir le mandat et la composition d'un comité devrait être limité. Dès qu'une décision est prise à la fin du processus, il devrait y avoir un délai ferme pour l'émettre, sans possibilité pour le gouverneur en conseil de la retarder.
Nous souhaitons également porter à votre attention une disposition, plutôt importante, qui pourrait donner aux promoteurs et à tous les participants l’assurance que la conclusion peut être atteinte à la fin d'un processus officiel, une clause privative qui limiterait strictement la portée des contestations judiciaires. II doit y avoir un certain respect, de la part de toutes les parties, y compris des tribunaux, à l’égard du jugement exercé par les organismes chargés de l'application de cette loi. La décision relative à un projet ne doit pas être le début d'un nouveau processus devant les tribunaux. II existe des précédents de ces clauses dans d'autres lois fédérales et provinciales.
En ce qui concerne l’équilibre. II est extrêmement important que la garantisse une prise en compte équitable des facteurs environnementaux et économiques. L'ébauche actuelle présente des lacunes à ce sujet, mais elle peut être facilement rééquilibrée selon les recommandations qui suivent.
L'exigence de tenir compte du fait que le projet empêche ou favorise les obligations environnementales et les engagements du gouvernement en matière de lutte contre les changements climatiques est accueillie favorablement par notre secteur. Nous espérons contribuer de manière positive au Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Mais, il doit y avoir une exigence tout aussi explicite de tenir compte des avantages économiques, qui n’est actuellement implicite que par référence à un vaste concept de durabilité.
En ce qui concerne le recouvrement des coûts et les obligations des promoteurs, tout processus réglementaire doit être soumis à la discipline en matière de coûts. Les coûts imputés aux promoteurs ne doivent pas dépasser les montants raisonnablement engagés par la Couronne. Aux fins de prévisibilité et de bonne gestion, une estimation des coûts prévus doit être également fournie au promoteur au début du processus, un budget en somme.
Notre présentation complète au Comité la semaine prochaine résumera l’intention et la teneur des modifications proposées. Nous les recommandons à votre attention.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je m’appelle John Barrett et je suis président et chef de la direction de l’Association nucléaire canadienne. Je suis accompagné aujourd’hui de Liam Mooney, vice-président de Cameco Corporation, responsable des questions de sécurité, de santé, de qualité de l’environnement et de réglementation.
L’Association nucléaire canadienne comprend une centaine de membres, qui comptent plus de 60 000 Canadiens travaillant directement ou indirectement dans l’extraction et l’exploration de l’uranium, le traitement du combustible, la production d’électricité et la pratique et l’avancement de la médecine nucléaire.
À l’heure actuelle, l’énergie nucléaire produit environ 20 % de l’électricité propre non émettrice au Canada, dont 63 % de l’électricité en Ontario. Il importe de faire remarquer que l’engagement pris par le gouvernement de l’Ontario d’éliminer progressivement la production d’électricité au charbon dans toute la province reposait, en grande partie, sur la remise à neuf de six réacteurs. L’énergie nucléaire est appelée à jouer à l’avenir un rôle de plus en plus important dans l’éventail énergétique global à faible teneur en carbone, ainsi que dans la médecine nucléaire, la fabrication de pointe et l’électronique.
L’industrie nucléaire canadienne travaille également en étroite collaboration avec les peuples et les collectivités autochtones, non seulement pour promouvoir un engagement proactif, mais aussi pour susciter des occasions mutuellement avantageuses. À titre d’exemple, depuis des décennies, Cameco coopère étroitement avec les collectivités autochtones du Nord de la Saskatchewan au chapitre de la gérance de l’environnement, de l’investissement dans les collectivités communautaires, de l’emploi, de l’éducation et de la formation, de même que dans les contrats qu’elle propose. Cameco a ainsi fait la preuve de l’utilité de ces partenariats pour améliorer le bien-être économique et social des collectivités et des avantages de la collaboration pour amener de véritables changements.
En guise de préambule aux observations que nous formulons aujourd’hui, j’aimerais d’abord mettre en lumière le concept de l’impact cumulatif, qui est un enjeu clé non seulement sur le plan de l’environnement, mais aussi pour ce qui est de l’investissement au Canada. Les grands projets énergétiques nécessitent d’importants capitaux, mais comme les capitaux sont mobiles et les investisseurs réfractaires à l’incertitude, toute nouvelle loi, aussi bien intentionnée soit-elle, ne peut manquer de susciter une incertitude initiale.
Dans ce contexte, l’ANC souhaite vous communiquer ses observations concernant le projet de loi et ses propositions de modification.
Commençons par les commissions d’examen mixtes. Le projet de loi propose qu’un seul organisme gouvernemental soit responsable des examens des évaluations d’impact. Dans le cas de l’industrie nucléaire, le projet de loi ne prévoit que la possibilité d’un examen conjoint par une commission. Bien que les commissions mixtes ne soient pas une nouveauté — il y en a déjà eu dans le passé —, l’ANC ne pense pas qu’il s’agisse d’une amélioration par rapport au processus actuel.
La plupart des impacts éventuels des projets nucléaires sont liés à la radioprotection et aux engagements internationaux en matière de garanties et de non-prolifération. Il faut que ce travail soit supervisé par une agence ayant une expertise scientifique considérable et spécialisée. La Commission canadienne de sûreté nucléaire, la CCSN, est le seul organisme gouvernemental qui possède cette expertise. L’ANC est d’avis que la responsabilité de l’évaluation devrait demeurer entièrement entre les mains de la CCSN, car il s’agit de la façon la plus efficace de mener les examens.
En tant qu’organisme de réglementation du cycle de vie complet, le régime d’autorisation et le cadre de réglementation de la CCSN couvrent déjà tout le cycle de vie du projet et procèdent de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et de ses règlements d’application. Cela permet à la CCSN, la Commission, non seulement d’effectuer l’évaluation d’impact à l’étape de la planification du projet, mais aussi de s’assurer que les programmes de surveillance et les conditions de suivi exigés par l’évaluation d’impact sont directement intégrés au processus d’autorisation tout au long des diverses étapes du projet. À cet égard, notre industrie est unique, et seule la CCSN possède l’expertise pour gérer au mieux ses projets.
Je passe maintenant à la liste des projets désignés. Le projet de loi prévoit l’établissement d’une liste de projets désignés par voie réglementaire. Cette liste établit les projets qui seront soumis à l’examen des nouveaux organismes et, par défaut, les projets qui seront examinés par l’organisme de réglementation du cycle de vie, comme c’est le cas pour l’industrie nucléaire. Il est difficile d’examiner à fond l’activité et les répercussions de l’agence d’évaluation d’impact sans bien comprendre quels projets feront l’objet d’un examen en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact.
L’ANC est d’avis qu’un établissement ou un projet devrait faire l’objet d’une seule évaluation d’impact pour son cycle de vie. L’article 43 proposé, dans son libellé actuel, pourrait être interprété comme exigeant une évaluation d’impact de toute activité dans une installation réglementée en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Cependant, l’entretien et les mises à niveau de la technologie et de l’équipement sont entièrement réglementés par l’organisme de réglementation responsable du cycle de vie, par les organismes de réglementation provinciaux ou par d’autres autorités fédérales, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une nouvelle évaluation d’impact. Ce point devrait donc être clarifié.
De plus, bon nombre de nos sites sont vastes et disposent d’un espace considérable pour de nouvelles installations, y compris de nouveaux réacteurs et des installations de recherche qui pourraient nécessiter une évaluation d’impact par la nouvelle agence. La plupart des sites nucléaires ont fait l’objet d’évaluations environnementales complètes. Ils font l’objet d’une surveillance environnementale continue et leur impact sur l’environnement est bien compris. Si un nouveau projet devait être réalisé sur l’un de ces sites existants, il ne devrait pas nécessiter une évaluation d’impact complète, mais plutôt une évaluation delta entre ce qui a déjà été fait et ce qui est maintenant nécessaire. À notre avis, c’est l’organisme de réglementation responsable du cycle de vie qui serait le mieux placé pour faire cette évaluation delta.
En ce qui concerne les échéanciers, les membres de l’ANC ont d’importantes préoccupations au sujet de ce qui est proposé. Nous comprenons et nous apprécions l’intention du gouvernement concernant l’étape de la planification préliminaire, mais nous sommes quelque peu sceptiques quant à l’efficacité éventuelle des mesures proposées.
Comme la première étape de la planification se déroule après que le promoteur a fourni une description initiale du projet, le promoteur aura déjà entrepris un effort d’engagement auprès des intervenants afin de confirmer l’analyse de rentabilisation et d’être relativement confiant de pouvoir atténuer les effets néfastes. L’ANC est d’avis que le processus actuel permet déjà d’obtenir d’entrée de jeu l’apport et l’engagement des collectivités locales, des groupes autochtones et des intervenants du public.
Outre l’incertitude causée par la création d’un nouveau processus de mobilisation hâtif dirigé par l’Agence, le projet de loi augmente considérablement la portée de l’évaluation en ajoutant plusieurs nouveaux éléments d’examen. Bien que les critères, objectifs et buts de l’évaluation environnementale soient bien compris et mesurables, il y a beaucoup d’incertitude entourant certains des nouveaux éléments de l’évaluation. Nous aimerions travailler avec le gouvernement afin de mieux définir la façon dont les divers éléments sont pondérés dans le processus décisionnel. Tous les éléments sont-ils pondérés également? Y a-t-il un niveau minimal de pondération à atteindre?
Les réponses à ces questions aideront les promoteurs à faire entrer en ligne de compte ces éléments dans leur description de projet et dans leurs premiers efforts d’engagement auprès des intervenants. De plus, nos membres s’inquiètent de la façon dont on pourra clore le débat sur les questions soulevées dans le cadre du processus d’examen. À nos yeux, en l’absence d’une procédure de prise de décisions permettant de trancher les questions litigieuses, le nouveau processus d’évaluation d’impact ne fera qu’accroître l’incertitude et les délais, créer du travail supplémentaire n’entraînant que des avantages minimes pour le projet et donner lieu à de multiples contestations judiciaires.
Je cède maintenant la parole à Liam Mooney, qui vous présentera nos recommandations.
Une modification précise que l’ANC aimerait proposer porte sur les multiples étapes de cadrage du processus proposé. L’étape de planification visait en partie à améliorer la certitude et la prévisibilité en déterminant les exigences que le promoteur aurait à respecter au début du processus. À notre avis, le processus prévu dans le projet de loi n’atteint pas cet objectif.
Le projet de loi prévoit un cadrage initial par l’office de réglementation en fonction des renseignements fournis par les autorités fédérales, toutes les autres autorités gouvernementales, le public et les groupes autochtones. Toutefois, le projet de loi prévoit également deux autres étapes de cadrage, l’une à la seule discrétion de l’office et l’autre par la commission d’examen, qui est mis sur pied plus tard. Ces deux dernières étapes éventuelles de cadrage auraient lieu après que le processus est bien engagé. Elles pourraient modifier la portée du projet après que le promoteur aurait dépensé des années et des millions de dollars pour se conformer à la décision de cadrage initiale.
Dans le cas des commissions d’examen, le processus « un projet, un examen » ne peut exister que si l’étape de cadrage est coordonnée entre l’office, la commission d’examen et tous les organismes de réglementation fédéraux et harmonisée avec les exigences provinciales ou autres. Pour cela, il faudrait apporter deux modifications de portée générale: premièrement, modifier la chronologie prévue par les dispositions du projet de loi et, deuxièmement, remplacer les étapes successives de cadrage tout au long du processus d’évaluation par un processus consolidé, unique et harmonisé devant avoir lieu au tout début du processus sous la direction de la commission d’examen.
L’ANC propose également une modification relativement à l’extraction de l’uranium. Des modifications similaires ont été proposées par l’Association minière du Canada et l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs. Plus précisément, les projets désignés qui sont liés aux mines et aux usines de concentration d’uranium, comme tout autre projet minier désigné, devraient faire l’objet d’une évaluation par l’office et avoir pleinement accès aux dispositions en collaboration avec les provinces et les instances dirigeantes autochtones.
Les mines et les usines de concentration d’uranium, comme toutes les autres mines et usines de transformation du secteur, sont assujetties aux cadres provinciaux de réglementation et d’autorisation, mais elles sont également réglementées par la Commission canadienne de sûreté nucléaire. La législation environnementale fédérale a toujours permis à la CCSN de collaborer avec une province aux fins de la surveillance permanente des mines d’uranium et des usines de concentration d’uranium. Toutefois, le projet de loi empêcherait cette collaboration et empêcherait les évaluations dirigées par l’office de réglementation, les évaluations par une commission d’examen mixte conjoint et la substitution pour tous les projets désignés qui sont réglementés par la CCSN. Par conséquent, la possibilité de collaborer avec une province et d’adopter l’approche « un processus, une évaluation » serait perdue du fait que tous les projets de ce genre seraient considérés comme relevant exclusivement de la compétence fédérale.
Rien ne justifie un traitement à ce point différent, car la complexité et les impacts des mines et usines de concentration d’uranium ne sont pas différents de celles des autres mines et usines du secteur minier. Les processus d’évaluation procédant d’une collaboration entre diverses autorités gouvernementales accroissent l’efficacité et réduisent les délais et les coûts, et les mines et usines de concentration d’uranium devraient pouvoir en bénéficier. Selon le processus proposé, la CCSN, comme les autres organismes de réglementation fédéraux, pourrait participer à une évaluation dirigée par un office de réglementation afin d’encourager la coordination au sein du gouvernement fédéral.
L’ANC exhorte le Comité à recommander que des modifications soient apportées aux dispositions relatives aux projets réglementés par la CCSN, afin de permettre aux projets désignés associés aux mines et aux usines de concentration d’uranium d’avoir recours aux dispositions du projet de loi visant sur l’évaluation par des offices de réglementation, y compris la série de dispositions relatives à la collaboration avec les provinces et les instances dirigeantes autochtones. De plus, nous proposons que les mines et les usines de concentration d’uranium soient expressément exclues de l’examen automatique par une commission prévu à l’article 43 proposé, en ajoutant « à l’exception d’une mine ou d’une usine de concentration d’uranium » après chaque renvoi à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
:
Je vous remercie vivement, madame la présidente ainsi que les membres du Comité. C’est un plaisir pour l’Association minière du Canada de témoigner devant vous ici aujourd’hui.
[Français]
Chers membres du Comité, je suis contrarié.
[Traduction]
La semaine dernière, vous avez entendu le ministre Carr, qui a déclaré:
Tous les projets en instance seront examinés par l'Office national de l'énergie.
Même une fois la loi promulguée, les projets entamés dans le cadre du système actuel demeureront dans ce système, à moins que le promoteur décide de passer au nouveau. Ce sera à la discrétion du promoteur.
Ça se tient. Une telle logique est de mise dans un pays démocratique comme le nôtre, où la primauté du droit est respectée.
Ce qu’il ne vous a pas dit, c’est que, pour les projets miniers et tous les autres qui sont sujets à l’évaluation de l’Office, ce projet de loi fait fi de la primauté du droit. Dans le cas de l’exploitation minière, seuls les projets à la toute fin de leur examen, en attente de décisions définitives, demeureront assujettis à la LCEE de 2012. Tous les autres projets qui n’en sont pas rendus aussi loin dans le processus tomberont sous le coup de la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact, et leur aboutissement sera, pour l’essentiel, désormais décidé d’une façon ou d’une autre par des fonctionnaires au cas par cas, selon ce qu’ils pensent le mieux, à une date que nous ne connaissons pas encore.
Lorsque nous avons demandé pourquoi il en était ainsi, on nous a répondu que le gouvernement craignait qu’il y ait des projets, quelques années après l’entrée en vigueur de la Loi, qui seraient encore régis par la LCEE de 2012 et que ces évaluations ne bénéficieraient pas de la confiance du public. Ils ont dit qu’ils voulaient faire le ménage et soumettre toutes les évaluations à une seule loi, pour que leur travail soit un peu moins compliqué. Le fait que cela va rendre beaucoup plus compliqué le travail des sociétés minières qui ont l’intention d’investir des milliards de dollars au Canada ne semblait pas avoir d’importance.
[Français]
Je vous demande pourquoi le gouvernement prévoit-il un manque de confiance du public à l'égard des rapports du secteur minier, mais non pour ce qui est des pipelines. Pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures dans le projet de loi ?
Le gouvernement ne devrait-il pas se préoccuper davantage du manque de confiance des investisseurs internationaux à l'égard du respect du Canada pour l'application de la loi?
[Traduction]
Pour dire les choses clairement, ce n’est pas la peur ou l’opposition à la Loi sur l’évaluation d’impact qui me fait dire cela. Comme nous le verrons dans un instant, nous croyons que le projet de loi, bien mis en œuvre, pourrait améliorer le processus d’examen résultant de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Le problème, c’est l’incertitude. Les promoteurs qui investissent des milliards de dollars doivent savoir quelles sont les règles et comment elles seront appliquées. Vous ne pouvez pas avoir cette certitude si vous savez que les règles peuvent changer en cours de route.
C’est pourquoi l’AMC recommande fortement que le Comité entérine la modification proposée dans notre mémoire, qui se répercuterait sur les dispositions transitoires en modifiant l’article 181 proposé, de façon à ce que les projets faisant l’objet d’une évaluation par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale se poursuivent en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 et à permettre au promoteur de demander que l’évaluation passe sous le régime de la Loi sur l’évaluation d’impact, c’est-à-dire comme cela est le cas des projets relevant de l’ONE.
Permettez-moi maintenant de commenter le reste du projet de loi. Un certain nombre de mesures, bien mises en œuvre, comme je l’ai dit, promettent un meilleur processus d’examen des mines.
L’exploitation minière est une responsabilité constitutionnelle des provinces, et chacune d’elles a son propre régime d’évaluation environnementale. Outre les exigences relatives à la construction et à l’exploitation d’une mine, les provinces obligent les entreprises à élaborer des plans de remise en état et leur offrent des garanties financières pour leur mise en œuvre. La coopération avec d’autres autorités gouvernementales dans l’examen des projets est, donc, cruciale pour le secteur minier.
Bien que la LCEE de 2012 ait introduit la possibilité de substitution à d’autres secteurs de compétence, en pratique cette possibilité n’a été retenue que par une seule province, la Colombie-Britannique.
La LCEE de 2012 a également introduit des échéanciers légaux, qui sont essentiels pour l’industrie et la bonne marche des évaluations. Cependant, les échéanciers prévus par la LCEE de 2012 sont rigides et ont eu pour effet involontaire de rendre la coopération plus difficile et parfois inapplicable avec d’autres autorités gouvernementales qui n’ont pas cherché à obtenir la substitution.
La Loi sur l'évaluation d'impact qui est proposée maintient les échéanciers, mais offre la souplesse nécessaire pour mieux s’aligner sur les autres autorités gouvernementales et contient, en outre, un certain nombre d’autres mesures qui devraient améliorer la collaboration avec les gouvernements provinciaux. Nous sommes également encouragés par le fait que le projet de loi prévoit une coopération accrue avec les gouvernements autochtones.
Il y a une exception notable en ce qui concerne les mines et les usines de concentration d’uranium, et c’est celle que mon collègue et ami Liam Mooney vient de mentionner. Je ne répéterai pas ce qu’il vient de dire — je pense qu’il a soulevé exactement le même point que moi —, sauf pour souligner que, même si, comme je viens de le dire, il y a des mesures dans ce projet de loi susceptibles d’améliorer la coordination des projets miniers avec les autres paliers de gouvernement, il constitue un pas en arrière quant aux mines et aux usines de concentration d’uranium. Il faut résoudre ce problème de la façon que Liam Mooney vient de décrire. Nous exhortons le Comité à prendre cette recommandation très au sérieux. De plus, il nous a été donné de comprendre qu’il s’agit d’une mesure prise par inadvertance, et j’espère donc que le Comité en tiendra compte et corrigera la situation.
Au-delà des évaluations provinciales, des permis et des évaluations fédérales, beaucoup de mines ont besoin d’autres approbations fédérales. Une coordination interministérielle inadéquate a entraîné des chevauchements et des retards dans le secteur minier pendant des années. L’AMC est donc encouragée par le paragraphe 13(2) proposé et les dispositions connexes, qui promettent une meilleure coordination et des délais plus courts, bien que je me permette d’ajouter que la différence de traitement prévu pour les projets relevant de l’ONE et ceux du ressort de la LCEE laisse entendre qu’il y a encore du travail à faire pour améliorer la coordination entre les deux organes gouvernementaux.
Ce qui nous préoccupait peut-être le plus dans la LCEE de 2012, c’était la façon dont elle appliquait, de manière disproportionnée, la responsabilité des effets cumulatifs aux projets miniers et non aux sources de la plupart des effets environnementaux. L’approche, au cas par cas, pour traiter les effets cumulatifs dans la LCEE de 2012 est dysfonctionnelle, pénalisant les promoteurs responsables, tout en ne tenant pas compte des effets cumulatifs découlant d’activités qui ne sont pas des projets légalement désignés.
L’industrie minière n’est pas le seul utilisateur du territoire. Ses répercussions sont localisées et, selon la plupart des paramètres qui définissent l’impact environnemental, éclipsées par d’autres activités.
Nous sommes, donc, encouragés par l’approche proposée dans la Loi sur l'évaluation d'impact, qui inclut les effets cumulatifs comme facteur à prendre en considération dans la prise de décisions, mais pas comme unique facteur. La Loi sur l'évaluation d'impact propose également de renforcer les dispositions relatives aux évaluations régionales et stratégiques.
[Français]
Les gouvernements sont les mieux placés pour mener une évaluation des effets cumulatifs à l'échelle régionale. Nous défendons ces mesures depuis plus de 15 ans; nous sommes donc ravis qu'elles soient intégrées au projet de loi .
Par contre, il est impératif que la réalisation d'évaluations régionales ne soit pas une condition préalable aux évaluations des projets individuels. Il serait déraisonnable et inconcevable, à l'égard du climat d'investissement canadien, de reporter des projets dans l'attente de mesures gouvernementales pour combler toutes les lacunes pertinentes.
[Traduction]
Il faudra de nombreuses années pour réaliser des études régionales dans tout le pays, et nous ne pouvons pas attendre que toutes ces études soient terminées avant de permettre aux projets d’aller de l’avant.
Ces enjeux se répercutent sur la liste des projets, où l’exploitation minière compte pour la plus grande partie des projets relavant de l’Agence canadienne d'évaluation environnementale, malgré une empreinte environnementale relativement petite. Bien que la révision du Règlement désignant les activités concrètes fasse l’objet de consultations distinctes, nous craignons que la Loi sur l'évaluation d'impact ne soit appliquée, de façon arbitraire et disproportionnée, aux activités minières. Si tel était le cas, cela nuirait à notre secteur, mais ne permettrait pas pour autant d’atteindre les objectifs de durabilité, de confiance du public et de réconciliation avec les Autochtones que cette loi est censée promouvoir.
Permettez-moi de conclure par le message suivant. Notre secteur est entré dans une nouvelle période de hausse des prix des produits de base, et des décisions se prennent partout dans le monde quant aux endroits où investir. Malheureusement, la controverse politique entourant les pipelines et la politisation générale de l’exploitation des ressources naturelles, dans un pays reconnu comme un chef de file en matière de ressources naturelles, menacent sérieusement l’avenir de notre pays.
[Français]
La part relative de l'investissement mondial en exploration minière du Canada a chuté de moitié au cours des cinq dernières années, et le nombre de projets soumis à des fins d'examen a atteint un creux sans précédent depuis l'adoption de la loi originale en 1992.
Malheureusement, la plupart des membres de l'Association minière du Canada ne se tournent pas vers le Canada actuellement et, à moins que les circonstances que j'ai décrites ne s'améliorent rapidement, j'ai bien peur que le pays rate complètement le tournant actuel. Les répercussions toucheraient un secteur qui compte près de 400 ententes avec les communautés autochtones du pays. Le Canada est d'ailleurs devenu le premier employeur des peuples autochtones et l'un des clients les plus importants des entreprises autochtones.
[Traduction]
Le Canada a, désespérément, besoin d’une certaine stabilité et d’une certaine prévisibilité dans l’environnement réglementaire qui régit les ressources naturelles. C’est dans cet esprit que nous présentons nos observations sur ce projet de loi. Le projet de loi, même s’il n’est pas parfait, répond à certaines préoccupations de longue date qui découlent de l’évaluation environnementale fédérale et de certains problèmes plus récents que nous avons éprouvés avec la LCEE de 2012. Si elle est bien mise en œuvre — c’est un « si » incontournable —, et si vous retenez nos deux modifications cruciales, le projet de loi pourrait ramener un certain degré de certitude et de prévisibilité dans l’examen des projets miniers par le gouvernement fédéral.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci. Nous verrons comment les choses se dérouleront. Je n’aurai peut-être pas besoin de tout ce temps.
Je tiens à remercier M. Gratton de son intervention selon laquelle il faudrait aussi appuyer le public, les Autochtones, et ainsi de suite — un soutien financier pour participer au processus de réglementation. Nous en parlons dans le cadre du processus d’EIE, mais nous ne parlons jamais du parallèle. Je l’invite à écrire une lettre d’appui au Réseau canadien de l’environnement, qui cherche à rétablir le fonds que M. Baird a supprimé. Il a été lancé en 1979, et il a été très utile parce que nous avons ensuite apporté une contribution constructive à l’industrie. Je vous invite à vous adresser au Réseau canadien de l’environnement. Merci de votre intervention à ce sujet.
Je crois que c’est l’Association canadienne de l’électricité qui a soulevé cette question. Elle craignait que cet examen ne mette pas suffisamment l’accent sur les avantages économiques. Il est certainement tout aussi important que nous déterminions également les coûts économiques. Par exemple, certains projets de développement pourraient avoir des répercussions sur d’autres secteurs, comme la pêche, la récolte traditionnelle ou le tourisme, ou encore la pollution atmosphérique ou la contamination de l’eau.
Si je me souviens bien, dans les années 1980, nous avons fait beaucoup de travail devant des commissions d’examen, non seulement sur l’évaluation des répercussions environnementales et économiques, mais aussi sur les répercussions sociales. Pour une raison ou pour une autre, lorsque nous sommes arrivés au milieu des années 1990, cela a disparu. N’êtes-vous pas d’accord pour dire qu’il y a probablement beaucoup d’experts que nous pourrions simplement rappeler? Il n'y a rien de nouveau ou d'inhabituel à ce que, lorsqu’on examine la viabilité d’un projet, on envisage une approche plus large...
N’est-il pas également vrai que le gouvernement fédéral a l’obligation internationale de respecter les objectifs de développement durable de 2030, et que c’est le moyen d'y parvenir?