Je veux commencer la séance sans plus tarder, car nous avons deux groupes de témoins et il s'agit de laisser le plus de temps possible pour les nombreuses questions intéressantes que vous voudrez poser.
Je vous présente donc nos premiers témoins. Nous accueillons Andrea Hoyt, gestionnaire d’évaluation environnementale au ministère des Terres et des Ressources naturelles, du gouvernement du Nunatsiavut; Mark O’Connor, coordinateur en gestion de ressources, département du développement des ressources de la Société Makivik; et deux témoins qui nous parleront par téléconférence de Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est-à-dire, Kate Darling, avocate générale, Société régionale Inuvialuit, et Jennifer Lam, coordinatrice de gestion des ressources, Conseil Inuvialuit de gestion du gibier.
Il n'est pas évident pour nous de nous souvenir qu’il y a quelqu'un au téléphone. Nous aurions volontiers opté pour une communication vidéo, mais la qualité de l'image aurait laissé à désirer. Nous nous sommes donc contentés d'une téléconférence pour éviter les interférences. Justement, pourquoi ne pas commencer par la téléconférence, si vous le voulez bien? Nous craignons toujours que la technologie nous fasse défaut et nous tenons à entendre leurs témoignages.
Qui veut commencer? Pourriez-vous vous présenter lorsque vous parlerez au téléphone la première fois, pour que nous sachions qui parle? Nous saurons reconnaître votre voix par la suite.
Merci. Vous avez la parole.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour — je crois que c'est encore le matin chez vous — aux membres du Comité et à nos collègues qui vous accompagnent aujourd’hui.
Je m’appelle Kate Darling et, comme vous l’avez mentionné, je suis avocate générale de la Société régionale Inuvialuit. Je suis accompagnée de ma collègue Jen Lam, du Conseil Inuvialuit de gestion du gibier.
Nos deux entités représentent les droits des Inuvialuit en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit. C'est pour parler de ces droits que nous sommes ici aujourd’hui.
Nous nous excusons de devoir vous parler au téléphone. Nous savons que c'est un moyen très difficile de communiquer des idées complexes. Nous nous sommes entendues avec votre équipe chargée de la logistique pour essayer de tenir une vidéoconférence, mais notre vitesse de téléchargement est encore trop lente ici à Inuvik. Comme d’autres témoins vous l’ont probablement déjà dit dans le cadre de vos travaux, les problèmes de connectivité sont une source constante de frustration pour nous, dans le Nord.
Nos voix désincarnées ne sont qu’un petit exemple du nombre de localités arctiques qui sont à la fois géographiquement et technologiquement éloignées de la capitale. Je vous remercie néanmoins de nous donner l’occasion de vous faire connaître le point de vue de notre Société régionale et du Conseil de gestion du gibier sur le projet de loi .
J’aimerais commencer par vous donner un peu de contexte. Nous vous présenterons ensuite les principales questions que les Inuvialuit souhaitent voir aborder dans ce projet de loi. Ensuite, vous m’entendrez brièvement de nouveau à la fin.
Nos deux organismes estiment que ce projet de loi est une occasion à saisir et que le processus d’examen a été exhaustif. Il a permis de rassembler de nombreuses idées qui, nous l’espérons, verront le jour dans la loi qui finira par être adoptée. Pour mettre les choses en contexte, la région désignée des Inuvialuit s'étend dans la partie arctique ouest de Inuit Nunangat, ou patrie inuite, qui comprend la terre, la glace et les eaux du delta du Mackenzie, de la mer de Beaufort et de l’océan Arctique.
Les Inuvialuit ont entamé des négociations sur les revendications territoriales avec le gouvernement du Canada au début des années 1970. La Convention définitive des Inuvialuit est entrée en vigueur le 25 juin 1984. Il s’agit d’un accord moderne sur les revendications territoriales aux termes du paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982.
Les efforts massifs déployés pour relier les localités éloignées et régler les revendications territoriales sont venus répondre aux activités de développement qui ne faisaient que se multiplier relativement sans entrave dans la région désignée des Inuvialuit, ainsi qu'aux politiques fédérales laxistes, qui favorisaient ce genre d’activité dans les terres domaniales à l’époque. L’entente qui en a résulté, comme nous le rappelle régulièrement le président et chef de la direction de notre Société régionale, Duane Ningaqsiq Smith, appartient non seulement aux Inuvialuit, mais aussi au Canada. Chaque partie a...
Ce que nous essayons de dire, c’est que les systèmes parallèles d’évaluation des répercussions, qui font intervenir des représentants fédéraux, sont une recette toute désignée pour créer de la confusion, des retards et des dépenses. Elles vont à l’encontre du principe « une évaluation par projet » accepté par le Canada.
Plus fondamentalement, cependant, l’imposition d’un deuxième système mine inévitablement le processus de sélection et d’examen que le Canada et les Inuvialuit ont promis de maintenir dès le départ. L'ennui avec les systèmes qui font double emploi, c'est qu'en cours de route, le processus risque d'aboutir à des résultats, à des recommandations ou à des échéanciers différents. Si une recommandation découle d’un processus fondé sur les revendications territoriales ou d’un processus émanant des organismes, le décideur ultime doit décider laquelle retenir, si les deux systèmes sont mis en place.
Aussi, nous sommes d’avis qu’une option de substitution proposée, en vertu de l’article 31 du projet de loi, qui laisse la substitution à la discrétion du ministre au cas par cas, crée de l’incertitude et des retards probables pour le promoteur, les intervenants et les organismes de réglementation, car la substitution du processus peut prendre du temps.
Dans une perspective globale, le fait d’avoir des processus concurrents ne favorise pas un examen efficace ou un développement responsable. Cependant, nous constatons que l’article 4 proposé pourrait nous offrir une solution, et je vais évidemment permettre à mon collègue représentant une organisation inuite de vous faire part de son point de vue et de la situation particulière des Inuits en ce qui concerne les dispositions du projet de loi. Mais pour les Inuvialuit, l’article 4 proposé pourrait détenir la clé. Cependant, dans son libellé actuel, cet article, pour faciliter la tâche au groupe, porte sur la non-application de la loi, ce que notre Société régionale et le Conseil Inuvialuit de gestion du gibier préconisent depuis un certain temps.
À l’heure actuelle, la disposition se lit comme suit: « La présente loi ne s’applique pas aux activités concrètes devant être exercées entièrement sur des terres décrites à l’annexe 2. »
Ce que nous recommandons, c’est un texte supplémentaire qui précise explicitement que la loi ne s’applique pas aux compétences définies dans le projet de loi proposé, lorsqu’un projet désigné est assujetti à un processus établi par une entente sur les revendications territoriales pour évaluer les répercussions de ce projet.
En somme, c’est ce que les Inuvialuit préconisent. C’est relativement simple.
Nous allons en rester là en attendant vos questions maintenant ou à la fin.
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Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup de nous avoir invités ici aujourd’hui pour discuter du projet de loi .
J’aimerais d’abord souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel des peuples algonquins Haudenosaunee et Anishinabek.
Je m’appelle Andrea Hoyt. Je suis gestionnaire d’évaluation environnementale au gouvernement du Nunatsiavut et je travaille à notre bureau de Makkovik.
Le gouvernement du Nunatsiavut est le gouvernement inuit régional établi en vertu de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador. Le gouvernement du Nunatsiavut est actuellement en pleine élection générale. C’est pourquoi notre ministre ne peut comparaître devant vous aujourd’hui et m’a envoyé à sa place. Le gouvernement du Nunatsiavut a compétence en ce qui a trait à l’évaluation environnementale des projets sur les terres appartenant aux Inuits dans le Nord du Labrador et à l’évaluation environnementale des projets dans la région désignée des Inuits du Labrador, à l’extérieur des terres inuites du Labrador, ainsi que des projets réalisés à l’extérieur de la région visée par l'Accord qui ont des répercussions sur nos droits et notre territoire.
Nous avons participé aux processus et aux procédures qui ont mené à la présentation du projet de loi , notamment en formulant des commentaires sur le document de travail du gouvernement du Canada en réponse au rapport final du groupe d’experts sur l’examen des processus d’évaluation environnementale.
Compte tenu du libellé du projet de loi le gouvernement du Nunatsiavut estime que nous n’avons pas été entendus ou que le gouvernement du Canada n’a pas répondu à nos préoccupations. Je suis ici aujourd’hui parce que les Inuits du Nunatsiavut espèrent que vous allez les entendre et amender ce projet de loi pour faire ce qui est juste.
Nos plus grandes préoccupations, tel que nous avons souligné dans notre mémoire, comprennent la nécessité de prévoir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause par les peuples autochtones pour les projets qui les touchent; des mécanismes d’harmonisation pour atteindre l’objectif d’une évaluation par projet; la durabilité et le lien avec l’intérêt public; et la façon dont la phase de planification prévue par la loi est définie ou non dans la loi.
Le gouvernement du Nunatsiavut veut être clair quant à l’importance du consentement des Autochtones à des points critiques du processus d’évaluation des répercussions prévu dans le projet de loi. La meilleure façon d’expliquer l’importance du consentement est peut-être de faire la déclaration suivante.
Aux termes de l’article 144 proposé, commet une infraction quiconque contrevient à l’article 7 de la Loi sur l’évaluation d’impact, qui interdit à un promoteur de faire quoi que ce soit qui pourrait avoir une incidence sur le patrimoine physique ou culturel des peuples autochtones du Canada ou qui pourrait modifier les conditions sanitaires, sociales ou économiques des peuples autochtones du Canada. En vertu du paragraphe 7(3) proposé, le promoteur peut faire des choses qui ont une incidence sur le patrimoine physique ou culturel des peuples autochtones du Canada ou qui modifient les conditions sanitaires, sociales ou économiques des peuples autochtones du Canada, avec l’autorisation de l’agence, en vertu du paragraphe 16(1) proposé ou d’une déclaration ministérielle en vertu de l’article 65 proposé. Or, comme les peuples autochtones ne participent pas à une décision visée au paragraphe 16(1) proposé ou qui mène à une déclaration ministérielle, un promoteur peut avoir une incidence sur son patrimoine physique ou culturel ou sur sa santé, la société ou l’économie sans son consentement et sans commettre une infraction.
Il est difficile de comprendre comment le gouvernement fédéral trouve cela acceptable. Pour parler sans ambages, ce projet de loi perpétue la pratique qui consiste à utiliser le pouvoir des lois pour autoriser lentement, mais sûrement, le génocide des peuples autochtones du Canada au nom de l’intérêt public. Nous vous demandons de mettre fin à cela d'ores et déjà, dans ce projet de loi.
Les dispositions du projet de loi visant à harmoniser les processus d’évaluation des répercussions sont déficientes. Il y a peu d’options dans la boîte à outils et la coopération semble se limiter à réagir aux projets proposés plutôt qu’à adopter une approche proactive. Le principe d’une évaluation par projet devrait être clairement énoncé comme principe directeur de la coopération intergouvernementale et doit être abordé à deux niveaux généraux.
Le premier est l’établissement, par le biais d’accords intergouvernementaux, de cadres coopératifs qui harmonisent l’évaluation, indépendamment de tout projet, dans le but de réduire autant que possible, sinon d’éviter, les chevauchements de processus, le double emploi et les évaluations multiples.
Le second exige, dans le contexte d’un projet particulier, des ententes intergouvernementales de coopération dans le cadre d’une évaluation de projet, qui sont habituellement encadrées actuellement comme une entente intergouvernementale établissant une commission d’examen conjoint.
La Loi sur l’évaluation d’impact ne s’attaque pas au premier niveau, et c’est un échec fondamental. Le deuxième problème n’est pas réglé de façon satisfaisante, en grande partie grâce aux offres de collaboration avec d’autres administrations, qui sont faites par l’agence au cours de la phase de planification. Une offre préconfigurée peut effectivement transférer la responsabilité à d’autres.
La substitution semble être considérée comme le sommet de la coopération dans la loi, mais la Loi sur l’évaluation d’impact ne prévoit pas de processus cohérent et transparent pour sa réalisation, et il n’y a pas non plus de dispositions pour obtenir le consentement des Autochtones sur la substitution d’un processus d’évaluation d’impact touchant leurs droits.
Le Canada a réitéré son engagement à l’égard de la durabilité, notamment dans le préambule du projet de loi sur l’évaluation d'impact. Le gouvernement du Nunatsiavut convient que la durabilité doit être un principe fondamental des bonnes décisions d’évaluation des répercussions, mais il est tout aussi important que les peuples autochtones soient reconnus comme faisant partie intégrante de la durabilité.
Le Parlement a l’obligation de veiller à la durabilité des peuples et des collectivités autochtones. Nos droits et nos cultures ne doivent pas être sacrifiés pour soutenir autrui. Ainsi, les décideurs doivent être tenus de déterminer comment un projet favorisera la durabilité environnementale, sanitaire, sociale, culturelle et économique des peuples autochtones touchés. La définition de la durabilité dans le projet de loi est insuffisante, et nous en avons proposé une autre dans notre mémoire.
La décision prise au terme d’un processus d’évaluation des répercussions doit vraiment reconnaître les compromis et justifier le raisonnement suivi. Le concept de durabilité s'applique aussi aux peuples autochtones, et les décideurs doivent rendre compte explicitement de l’effet déterminant des autorisations sur les peuples autochtones, leurs droits et leurs générations futures.
Les décideurs doivent être tenus de justifier tout compromis entre les facteurs jugés d’intérêt public et les répercussions sur les peuples autochtones ou leurs droits. Nous avons récemment pu constater, particulièrement dans le cadre du projet de Muskrat Falls, que les décisions politiques sont prises de manière cloisonnée, au détriment de nos droits et nos intérêts, et assorties d'un semblant d'assurance censé nous convaincre que ces droits et intérêts sont entrés en ligne de compte.
Ces assurances sont inacceptables. Les décisions prises en vertu de la loi devraient expliquer comment le ministre a tenu compte de tous les facteurs proposés à l’article 63, y compris les effets importants que la décision peut avoir sur un groupe autochtone touché. Le ministre doit être tenu d’expliquer tout compromis au niveau des répercussions que le projet désigné peut avoir sur un groupe autochtone ou sur ses droits. Il doit également être tenu de préciser les mesures de surveillance et les aspects des programmes de suivi qui doivent être conçus de façon à prévenir ou à atténuer ce genre de répercussions.
Quant à l'étape préparatoire, le rapport du groupe d’experts intitulé « Bâtir un terrain d’entente », comportait une phase de planification bien articulée, qui visait à dégager un consensus sur la façon dont l’évaluation des répercussions serait entreprise, avec le consentement des peuples autochtones. Il s'agissait de réunir les gens dès le début de l'étape préparatoire du projet afin de partager les connaissances et de s’entendre sur ce qui exige ou non une évaluation détaillée future dans le cadre de l’étude d’impact.
L'étape préparatoire a été perçue comme une occasion pour que les groupes autochtones et les autres gouvernements ayant des responsabilités en matière d’évaluation des répercussions s’entendent sur un processus concret adapté au projet et à son impact potentiel, tout en tenant compte des divers régimes d’évaluation qui s’appliqueraient.
L'étape préparatoire prévue dans les articles 10 à 15 du projet de loi est loin de correspondre à cette vision. Il n’y a pas de détails sur le processus, les produits ou les parties. Il n’y a aucune exigence visant l'élaboration d'un plan d’évaluation des répercussions, une entente sur la conduite de l’évaluation, un plan de participation du public ou des lignes directrices adaptées aux circonstances. En fait, il n’y a pas de résultats clairs à attendre de ce processus, et il n’y a rien pour exiger que l'on demande l’accord des peuples autochtones touchés.
Le gouvernement du Nunatsiavut participe aux examens législatifs et réglementaires de la législation environnementale du Canada depuis près de deux ans. Nos messages ont été très cohérents. Ce n’est pas le moment de remanier un projet de loi qui ne fonctionne pas, mais plutôt l’occasion de créer quelque chose qui contribue vraiment à la réconciliation, tout en aidant le Canada à progresser vers une économie qui répond aux besoins de la génération actuelle sans compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins.
Le projet de loi doit intégrer le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause afin de favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones du Canada. La loi doit permettre le respect et la mise en oeuvre intégrale des traités et des ententes sur les revendications territoriales.
Les peuples autochtones ont une tradition de développement et d’utilisation durables et respectueux des terres et des ressources sur leurs terres ancestrales. Pour que le gouvernement fédéral établisse des partenariats complets avec les peuples autochtones, il doit cesser d’atténuer les pires effets négatifs et chercher plutôt à utiliser l’évaluation des répercussions comme outil de planification pour une véritable durabilité.
Nous avons formulé plusieurs recommandations précises dans notre mémoire, proposant des amendements qui, à notre avis, renforceront la loi et amélioreront l’évaluation des répercussions au Canada.
Merci beaucoup de m'avoir donné l’occasion de comparaître aujourd’hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, que ce soit sur ce que je viens de dire ou sur ce que nous avons écrit dans notre mémoire.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir donné l’occasion d’être ici aujourd’hui et j’espère que mes commentaires vous seront utiles dans vos délibérations.
Je représente la Société Makivik au sujet du projet de loi , et plus particulièrement de la Loi sur l’évaluation d’impact, qui en fait partie.
La Société Makivik est l’organisme fondé en 1975 pour représenter les droits ethniques des Inuits du Nunavik, conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois. C’était le premier accord moderne sur les revendications territoriales au Canada. Makivik, en inuktitut, signifie « se relever », ce qui était un nom tout désigné pour l’organisme chargé de protéger les droits, les intérêts et le dédommagement financier des Inuits du Nunavik, tel que prévu dans la Convention.
Plus récemment, Makivik a également signé l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik, qui est en vigueur depuis 2008. Dans le cadre de cette entente, Makivik, au nom des Nunavummiut ou résidents du Nunavik, possède 80 % de toutes les îles, y compris les droits de surface et les droits souterrains dans la région marine du Nunavik, la région définie dans l’Accord sur les revendications territoriales.
Comme j'ai l'habitude d'utiliser des acronymes, je précise que la CBJNQ est la Convention de la Baie James et du Nord québécois, et l'ARTIN, l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik, juste au cas où ils se glisseraient dans mes propos.
Je suis coordinateur de la gestion des ressources pour Makivik, au ministère du Développement des ressources. Les Inuits du Nunavik m’ont confié le mandat de parler ici en leur nom des questions environnementales et leurs répercussions possibles sur leurs droits. Je ne suis pas là pour faire un examen approfondi du projet de loi ou de ses éventuelles répercussions sur les Inuits du Nunavik, mais plutôt pour vous parler des concepts fondamentaux sur lesquels repose notre compréhension du processus d’évaluation des répercussions.
Les Inuits du Nunavik ne s’opposent pas au développement. Ils reconnaissent que les projets de développement à grande échelle peuvent représenter des débouchés économiques importants pour nos régions et nos collectivités. Cependant, nous reconnaissons également que même les plus petits projets peuvent avoir des répercussions non négligeables sur l’environnement et sur le mode de vie inuit. C’est d’autant plus vrai que le Nunavik est l’une des régions les plus vierges du Canada et que l’exploitation des ressources fauniques demeure un élément important de la sécurité alimentaire.
C’est pourquoi on s’attend dans nos collectivités à ce que les projets de développement ne puissent pas prospérer sans que toutes les précautions soient prises pour garantir qu'ils sont compatibles avec notre compréhension et notre respect de l’environnement et qu’ils préservent les moyens de subsistance, les pratiques traditionnelles et l’identité culturelle des Inuits.
Comme vous le savez, je représente une région où les gouvernements ont toujours adopté une approche descendante et colonialiste pour déterminer ce qui est dans l’intérêt public. Bien sûr, je parle d’événements comme la réinstallation dans l’Extrême-Arctique, les pensionnats et l’abattage des chiens, qui étaient considérés par les gouvernements à l’époque comme autant d'avantages pour les Inuits. On peut dire sans se tromper que les Inuits du Nunavik ne font généralement pas confiance aux gens du sud et aux gouvernements pour déterminer ce qui est dans leur intérêt. Il est donc essentiel d'avoir des assurances que les évaluations d’impact seront faites par des gens qui connaissent la région, les gens, leur culture et leur réalité quotidienne.
C’est pourquoi la Convention de la Baie James et du Nord québécois et l’ARTIN ont établi un cadre pour les évaluations environnementales, sociales et des répercussions qui seront menées par des organismes dont les membres donnent aux Inuits un rôle direct dans les évaluations. Ces organismes sont essentiellement chargés d’appliquer les lois fédérales d’une manière conforme aux particularités de notre région et adaptée à notre culture. Il est essentiel que les dispositions et l’esprit de ces accords soient respectés par toute loi fédérale adoptée par le gouvernement, y compris les projets de loi et .
La semaine dernière, vous avez entendu un message semblable de M. Bill Namagoose, qui représentait les Cris d'Eeyou Istchee. Il vous a donné un aperçu relativement détaillé du régime fédéral d’évaluation socio-environnementale qui était prévu à l’article 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. M. Namagoose a expliqué à juste titre qu’en vertu de ce régime, COFEX devrait être le seul organisme responsable des évaluations fédérales sur le territoire cri visé par la CBJNQ.
Je suppose que vous connaissez déjà la CBJNQ, mais j'en profite pour vous rappeler que l’article 23 de l’accord est en fait une copie conforme du régime que M. Namagoose vous a présenté, la principale différence étant que l’organisme chargé des évaluations s’appelle COFEX-Nord et s’applique au territoire inuit.
Les membres de COFEX-Nord sont des représentants nommés par les Inuits et par le gouvernement fédéral.
Aussi, en vertu de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik, on a créé la Commission d'aménagement de la région marine du Nunavik et la Commission de la région marine du Nunavik chargée de l'examen des répercussions pour superviser le processus d’évaluation des répercussions dans la région extracôtière. Pour chacun de ces organismes, la moitié des membres sont nommés parmi les candidatures présentées par les Inuits du Nunavik par l’entremise de la Société Makivik, et l’autre moitié par les gouvernements.
Dans les deux cas, les régimes d’évaluation des répercussions décrits dans nos accords sur les revendications territoriales sont le résultat de négociations approfondies et minutieuses. Ils sont sensibles aux circonstances particulières de la région et ont été élaborés en tenant compte des droits des Inuits du Nunavik. Ce qui compte surtout, c’est qu’ils sont pertinents et dignes de confiance pour les Inuits du Nunavik et il n’est donc pas nécessaire d’y ajouter un autre niveau d’évaluation fédérale.
Le mémoire que nous vous avons remis fait état de certaines incohérences entre le texte du projet de loi et les dispositions de notre Accord sur les revendications territoriales. Il s’agit notamment de questions comme l’étape de l’évaluation préliminaire du projet, le rôle de l’agence d’évaluation des répercussions et les échéanciers prévus par la loi.
Un exemple relativement simple est que, en vertu de la CBJNQ, un comité d’évaluation préliminaire a été mis sur pied pour déterminer s’il fallait ou non évaluer des projets qui ne sont pas automatiquement assujettis ou exclus de l’examen. Or, selon le projet de loi, c'est à l'Agence qu'il incomberait de le faire. Il y a certaines incohérences, et vous comprendrez que nous ne pouvons pas appuyer la création d’une loi fédérale qui entre en conflit avec les dispositions de nos droits et processus protégés par la Constitution.
Tout en reconnaissant que le projet de loi sur l’évaluation d’impact comprend des dispositions qui permettent la substitution ou l’harmonisation, nous craignons qu’elles ne soient pas mises en oeuvre à leur plein potentiel, ce qui nous laissera une couche d’évaluation fédérale supplémentaire.
M. Namagoose a proposé la semaine dernière que la nouvelle loi prévoie une exclusion du processus prévu à l’article 22 de la CBJNQ en ce qui concerne le territoire cri. Je vais réitérer sa demande aujourd’hui et demander que le processus fédéral d’évaluation des impacts socio-environnementaux décrit à l’article 23 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et le processus défini aux articles 6 et 7 de l’ARTIN soient explicitement reconnus dans la loi. À défaut de cela, il est essentiel d'entamer des négociations en vue d'établir des règlements ou s'entendre pour le maintien de la participation directe des Inuits du Nunavik à toutes les décisions relatives à l’évaluation des répercussions.
Je ne compte pas m'étendre plus qu'il ne faut sur la question du consentement à ce stade-ci. Je sais qu'elle a été longuement débattue ici, dans d’autres tribunes et dans notre mémoire au Comité. Toutefois, je tiens à souligner notre inquiétude à l'égard du fait que le projet de loi n’exige pas que le ministre — ou l’Agence, selon le cas — obtienne le consentement des groupes autochtones avant d’autoriser les travaux.
Nous sommes certainement d’accord pour dire que la phase de mobilisation précoce proposée sera bénéfique pour l’obtention du consentement, mais comme Andrea l’a souligné, nous craignons que la loi permette au ministre de prendre des décisions unilatérales qui peuvent avoir une incidence sur les droits constitutionnels des peuples autochtones sans avoir à obtenir leur consentement.
Enfin, j’aimerais attirer votre attention sur un autre organisme issu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le Comité consultatif sur l’environnement Kativik. Le comité se compose d’une représentation égale d'Inuit et des gouvernements du Québec et du Canada. Dans la loi, ce comité est défini comme un organisme consultatif auprès des gouvernements responsables et constitue la tribune privilégiée et officielle des gouvernements responsables en ce qui concerne leur participation à l’élaboration de lois et de règlements liés au régime de protection de l’environnement et de la société. Il a pour mandat de superviser l’administration et la gestion du régime par le libre échange de points de vue, de préoccupations et d’information.
Bien que la Société Makivik participe activement à ce dossier depuis un certain temps déjà, il semble que le gouvernement du Canada ait considérablement sous-utilisé le Comité consultatif sur l'environnement Kativik tout au long de ce processus. Je dois donc souligner à quel point il est important que vous communiquiez avec celui-ci avant l’adoption de la nouvelle loi. Il participe à la mise en oeuvre du régime d’évaluation des répercussions de la CBJNQ depuis une quarantaine d'années et il a beaucoup à offrir.
Mais surtout, sa participation est requise en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Merci d'avoir pris le temps de m'écouter.
Les témoignages de chacun d'entre vous sont très importants et j'ai hâte de prendre connaissance de vos mémoires, car je veux avoir le temps d'examiner les amendements précis que vous proposez.
Comme vous le savez, nous avons entendu M. Namagoose et il a fait le même genre de proposition au sujet d'une exclusion. Une chose qui me laisse perplexe, après avoir entendu vos témoignages, c'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi , nous ne faisons qu'exclure en quelque sorte la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, en faisant complètement abstraction de tous les autres accords d'autonomie gouvernementale et de revendications territoriales des Premières Nations et des processus d'évaluation d'impact dans le Nord.
C'est peut-être Mme Darling et Mme Lam qui en ont parlé. Je me demande si vous pourriez clarifier une chose. Il y a encore de la confusion, parce que non seulement nous ne connaissons pas la liste des projets, mais nous ne savons pas ce qui figurera à l'annexe 2. Si vos entités sont inscrites à l'annexe 2 de façon que vous ayez une exclusion ou quelque chose du genre, nous devrions probablement supprimer l'article 40, qui permet à la ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire et d'imposer son système à la place.
J'espère que vos mémoires vont régler cela. Cherchez-vous des mesures plus précises dans le projet de loi qui énoncent clairement une exclusion? Si vous voulez une exclusion selon laquelle vos processus s'appliquent plutôt, parce que les gens de votre région ont une plus grande confiance, avez-vous suffisamment de ressources dans tous les cas pour le faire, ou avez-vous besoin d'une disposition quelconque par laquelle le gouvernement fédéral pourrait contribuer au financement?
Cette question s'adresse à vous trois, peut-être d'abord à Mme Darling, puis à Mme Lam.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. L'Association canadienne du droit de l'environnement, l'ACDE, est heureuse d'avoir l'occasion de parler de la Loi sur l'évaluation d'impact.
Comme vous le savez peut-être, l'ACDE est une clinique d'aide juridique de l'Ontario. Elle a été créée en 1970. Nous nous spécialisons dans le droit de l'environnement et, au nom de nos clients, nous avons participé aux procédures fédérales d'évaluation environnementale en vertu des directives du Processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, le PEEE, de la LCEE (1992) et de la LCEE (2012).
C'est sur la base de cette expérience que nous avons évalué la Loi sur l'évaluation d'impact et nous avons conclu que la loi est inadéquate et incapable de rétablir la confiance du public dans le processus fédéral.
J'ai exposé les raisons détaillées de cette conclusion dans le mémoire que j'ai remis au greffier et que j'ai fait parvenir à chaque membre du Comité. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le lire ou même si vous l'avez reçu. Je tiens d'abord à vous présenter mes excuses pour la longueur et la complexité de ces observations écrites. Je ne suis pas payé au mot. J'essaie simplement de cerner tous les éléments de la loi qui doivent être corrigés et, franchement, la liste est longue.
Dans notre mémoire écrit, nous avons également formulé 35 recommandations relativement à la loi. Vous serez soulagés d'apprendre que je n'ai pas l'intention de toutes les passer en revue cet après-midi. De toute façon, je n'ai pas le temps. J'ai pensé qu'il serait peut-être plus utile et peut-être plus efficace de simplement souligner les cinq principales préoccupations que nous avons au sujet du projet de loi.
À mon humble avis, les problèmes que pose la loi découlent en fait de la décision malheureuse d'utiliser la LCEE (2012) comme point de départ de la loi, plutôt que de rédiger une toute nouvelle loi. À mon humble avis, il est évident et regrettable que l'architecture de base de la LCEE (2012) ait été intégrée à la Loi sur l'évaluation d'impact, sous réserve seulement d'une poignée de nouvelles dispositions qui, franchement, ne corrigent pas entièrement les problèmes et les points faibles associés à la LCEE (2012).
À mon avis, remplacer une loi déficiente par une autre loi déficiente ne réglera rien si nous voulons vraiment assurer la durabilité et rétablir la confiance du public. En fait, la loi, telle qu'elle est rédigée, ne fera que perpétuer ou aggraver les nombreux problèmes que nous constatons actuellement dans des cas récents touchant l'ACEE.
Quelles sont les principales préoccupations? Je les ai ramenées à cinq.
Premièrement, la loi confère un pouvoir discrétionnaire excessif à presque toutes les étapes d'évaluation et à tous les points de décision prévus dans la loi. Plusieurs autres témoins vous ont fait part de cette préoccupation, et je suis tout à fait d'accord avec eux. En présentant ce mémoire, je reconnais que le fait d'accorder un vaste pouvoir discrétionnaire confère un maximum de souplesse aux fonctionnaires fédéraux, mais en même temps, cela diminue considérablement la certitude et la prévisibilité que les promoteurs, les membres du public et d'autres demandent dans le cas du processus fédéral.
Deuxièmement, la loi n'établit pas de pouvoir quasi judiciaire pour recueillir l'information et rendre des décisions crédibles et fondées sur des données probantes. C'était l'une des recommandations les plus importantes et de grande portée du groupe d'experts, mais le projet de loi sur l'évaluation d'impact n'en tient pas compte du tout. Au lieu de cela, la loi ne fait que maintenir la prise de décisions politiques sur la base de vagues considérations. Ce n'est pas un régime nouveau et amélioré; c'est essentiellement le même vieux régime. À cet égard, je suis d'accord avec le témoignage de Me Northey la semaine dernière, lorsqu'il a fermement appuyé la nécessité d'un organisme indépendant ou d'un tribunal pour rendre des décisions en vertu de la loi.
Troisièmement, la loi ne prévoit pas une participation significative du public à toutes les étapes clés des évaluations d'impact, régionales et stratégiques, ainsi qu'au processus d'autoévaluation des projets sur le territoire domanial. Bref, trop de détails essentiels pour la participation du public ont été exclus de la loi, ou ont été laissés à des règlements futurs inconnus ou à des documents d'orientation non rédigés. Ce n'est pas suffisant.
Quatrièmement, la loi n'empêche pas les organismes de réglementation du cycle de vie d'être membres ou même présidents de commissions en vertu de la loi. Il s'agit d'une autre recommandation clé du groupe d'experts qui n'a pas été mise en œuvre dans l'actuel projet de loi. Pour être clair, l'ACDE ne s'oppose pas à ce que les organismes de réglementation tout au long du cycle de vie participent au processus de la commission d'examen, mais les organismes de réglementation ne devraient pas diriger ou codiriger l'évaluation d'impact pour les raisons mentionnées par le groupe d'experts.
Enfin, cinquièmement, la loi ne prévoit pas de déclencheurs obligatoires ou de procédures claires pour la conduite, le contenu et les résultats des évaluations régionales et stratégiques. Encore une fois, plusieurs autres témoins l'ont signalé et je suis d'accord avec eux.
En conclusion, j'exhorte le Comité à examiner attentivement le projet de loi. Si vous êtes d'accord avec l'ACDE et de nombreux autres témoins pour dire que la loi proposée pose des problèmes fondamentaux, cela semble laisser au Comité très peu d'options viables. Compte tenu de ses lacunes fondamentales, le projet de loi devrait être refait dans sa totalité. C'est certainement ma préférence et c'est la principale recommandation que je ferais au Comité.
Toutefois, étant donné le délai plutôt serré du Comité pour l'examen du projet de loi , il ne semble pas réaliste que le Comité entreprenne une étude complète de la Loi sur l'évaluation d'impact dans les délais impartis. Cela nous laisse une autre option, soit d'essayer de rafistoler la loi à l'aide d'une série d'amendements à la pièce, ici et là. Cependant, à mon avis, c'est comme mettre des pansements sur un patient qui a vraiment besoin d'une intervention chirurgicale majeure, de sorte que cette approche fragmentée ne fonctionnera pas.
D'un point de vue de l'intérêt du public, l'ACDE soutient qu'il est beaucoup plus important de bien faire les choses que de les précipiter et de faire adopter une mauvaise loi. À mon avis, le rapport du groupe d'experts nous a donné à tous un excellent plan directeur pour l'élaboration de la nouvelle loi sur l'évaluation d'impact. Donc, si le Comité est disposé à modifier la loi, alors utilisons le rapport du groupe d'experts et non la LCEE (2012) comme point de départ pour bien faire les choses.
Sous réserve de toute question, madame la présidente, voilà ce que je voulais vous dire.
J'espère que ma voix tiendra le coup, je m'en excuse.
Au nom du président du Ralliement national des Métis, Clément Chartier, je remercie le Comité de son important travail et de son étude et je vous sais gré d'avoir permis à la nation métisse de participer à cet important dialogue.
Les Métis, comme vous le savez, constituent un peuple autochtone distinct établi dans l'Ouest canadien qui fonde son affirmation et son statut de nation sur des principes internationaux bien respectés, avec une histoire, une culture et une langue communes et un territoire traditionnel qui s'étend sur les provinces des Prairies et dans certaines parties de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, des Territoires du Nord-Ouest et du Nord des États-Unis.
Nous avons mené une longue lutte juridique pour trouver une place sur le plan constitutionnel et beaucoup de luttes politiques pour en arriver à une reconnaissance en vertu de l'article 35, par le biais de la décision dans l'affaire de la Fédération des Métis du Manitoba lorsque la Cour suprême a été saisie de la question de la relation avec les terres et des revendications historiques en suspens. Tout récemment, la Cour suprême a rendu sa décision dans l'affaire Daniels, décision qui a clarifié la question de la compétence des Métis aux termes du paragraphe 91(24).
Nous avons connu beaucoup d'isolement et d'exclusion en l'absence de clarté en vertu du paragraphe 91(24). Cette clarification récente nous a amenés à nous asseoir à cette table pour faire des commentaires sur la législation fédérale, tout en ayant un ensemble important de revendications en suspens, y compris les droits d'autorité sur le territoire, les terres, les ressources, et sans avoir entretenu de solides rapports avec l'industrie ou le gouvernement au cours des dernières années.
Je réfléchissais aux arguments récents des Inuits, à leurs réussites. J'ai réfléchi au succès de la cogestion dans les parcs, où une partie de ce succès découle de rapports historiques de longue date, où les gens, ensemble, ont examiné, par exemple, l'évaluation environnementale sur une période de 30 ans.
Pour la nation métisse, nous amorçons des négociations en vertu de l'article 35 et la notion selon laquelle nous espérons être des systèmes parallèles de mobilisation avec la nation métisse sur les répercussions environnementales. En l'absence de cela, nous avons examiné les structures existantes pour voir ce qui fonctionne. Où ce projet de loi crée-t-il l'espace nécessaire pour ce qui pourrait être négocié et ferme-t-il des portes sur des possibilités?
Le Canada s'est engagé à mettre pleinement en œuvre la Déclaration des Nations unies fondée sur des principes, à répondre aux besoins de la nation métisse et à mettre en œuvre les obligations prévues au paragraphe 91(24). Il s'est engagé à protéger les droits prévus à l'article 35.
Le projet de loi dans son libellé actuel ne tient pas compte de ces engagements, non seulement dans le préambule, mais d'une façon que les mécanismes et les processus décisionnels pourraient refléter et de traduire une véritable mise en œuvre des compétences et des pouvoirs des peuples autochtones sur des terres particulières.
C'est dans ce contexte que nous nous sommes penchés sur le projet de loi .
Lorsque je regarde, par exemple, l'aspect de la prise de décisions, l'une des questions que nous avions consistait à essayer de déterminer quand et où les autorités autochtones prendraient des décisions. À quel moment du processus tient-on compte des Autochtones? C'était un organigramme impossible à créer. Par conséquent, nous recommandons de la clarté et un réexamen des structures décisionnelles.
Je pense qu'il y a plusieurs éléments déclencheurs chez les Métis de Cumberland House qui sont aux prises avec les changements de débit de l'eau du barrage, qui constatent des effets cumulatifs et une accumulation et qui se demandent: « Quel est le déclencheur? Comment peut-on déclencher une évaluation environnementale à ce sujet? »
J'examine ensuite le projet de loi et je me demande « Où serait ce déclencheur? » Cependant, je ne le vois pas. Je ne vois pas en quoi l'inclusion des peuples autochtones dans la prise de décisions consiste à déterminer quels sont les effets, si nous avons fait suffisamment de recherche et d'analyse pour connaître les effets — est-ce que les preuves sont suffisamment longues — quels sont les effets sur les droits des Autochtones, ou si le critère de l'intérêt public est vraiment clair?
Cela me rappelle les récentes observations de la Cour suprême du Canada au sujet de l'équilibre de l'intérêt public:
L’intérêt public et l’obligation de consulter ne sont pas incompatibles en l’espèce. En tant qu’impératif constitutionnel, l’obligation de consulter fait naître un intérêt public spécial, qui l’emporte sur les autres préoccupations dont tiennent habituellement compte les tribunaux administratifs appelés à évaluer l’intérêt public. Lorsque l’autorisation accordée à l’égard d’un projet viole les droits constitutionnels des peuples autochtones, cette autorisation ne saurait servir l’intérêt public.
Il est donc important de revoir les points de décision. Qu'est-ce qui figure sur une liste de projets? Ce qui figure à l'annexe 2 demeure un mystère.
L'autre point de vue plus général, en ce qui concerne les promesses du gouvernement et la voie à suivre que les peuples autochtones ont jugée efficace, selon moi, c'est l'approche de nation à nation et de gouvernement à gouvernement. Cependant, cette approche n'est pas vraiment là non plus. Il y a une catégorie générique de groupes, de collectivités ou de personnes autochtones, mais la façon dont la relation se déroule, pour ce qui est de la réconciliation à l'avenir, est un facteur important.
S'il y a une reconnaissance d'une relation de nation à nation, il y a dans la mise en œuvre de la loi une clarté sur les représentants appropriés, avec des investissements appropriés et efficaces dans la capacité, qui sont cruciaux et qui doivent être permanents et substantiels. Dans le cas de la nation métisse, sans aucune capacité, lorsque vous n'avancez pas, il est extrêmement difficile de relancer le mouvement.
Il est également important de déterminer des partenariats efficaces, de clarifier à quel moment le consentement est obtenu ou quel est le meilleur mécanisme pour favoriser le consentement et, de cette façon, la certitude juridique, puis d'assurer la protection et l'utilisation appropriées du savoir autochtone. J'utilise cela comme une catégorie plus large que le savoir traditionnel, en ce sens que, dans notre pays, nous n'avons pas de protection du savoir autochtone. C'est aux Autochtones de gérer cela seuls. Une fois qu'il est rendu public, où va-t-il? Comment l'utilise-t-on? Quel est le mécanisme à cet égard? Ce n'est pas clair, mais c'est peut-être assujetti à une ligne directrice ou à un échéancier qu'il reste à déterminer.
Je pense que cela permettrait aussi aux connaissances des peuples autochtones en matière de durabilité d'avoir une influence significative sur la prise de décisions. Ce projet de loi comporte de nombreux avantages, notamment la mobilisation précoce et d'autres mécanismes. En mettant un peu plus l'accent sur les peuples autochtones, je pense que vous pourriez avoir une loi beaucoup plus solide qui répond à bien des besoins, y compris ceux de l'industrie et de façon plus générale, d'autres Canadiens.
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Je tiens à vous remercier, madame la présidente.
J’aimerais saluer tous les membres du Comité qui sont ici aujourd’hui pour nous écouter et les remercier infiniment.
Je tiens aussi à souligner que nous sommes sur le territoire des Algonquins et les remercier.
J’ai un texte devant moi, mais je ne suis jamais très bonne pour en utiliser un, alors j’aimerais simplement prendre la parole.
Mon nom ancestral est Si’lhe-Ma’elWut. Il vient de ma famille Si’lhe-Ma’el. Je fais maintenant partie de la Première Nation Tsleil-Waututh, qui est située à North Vancouver sur la rive nord.
Bien que Tsleil-Waututh soit une communauté située sur la rive nord, à une certaine époque, nos ancêtres peuplaient l’ensemble de la côte nord. Nous sommes au cœur d’une région très urbaine et nous n’occupons qu’une toute petite parcelle de terre. Nous ressentons vivement les effets des humains et de l’industrie. Il y a tellement de facteurs qui influent sur notre bien-être et celui de toute la ville de Vancouver. Aujourd’hui, nous parlons des dispositions du projet de loi qui portent sur l’évaluation des impacts.
J’ai constaté ce matin ou cet après-midi qu’il y a un autre volet important qui a suscité des discussions, la compétence autochtone. Je pense que je vais me concentrer sur cette question.
John Konovsky m’accompagne aujourd’hui pour expliquer certains détails. Il est meilleur que moi pour ce genre de choses.
Quand je regarde toutes les personnes présentes ici, je sais déjà que toutes sortes de signaux d’alarme se déclencheront lorsque l’on abordera la question de la compétence autochtone. Vous allez immédiatement penser à tous les risques et à leurs conséquences pour le Canada. Quelqu’un m’a dit que les relations sont importantes. Lorsque je vous regarde — que vous soyez du Parti libéral, du NPD ou du Parti conservateur —, vous êtes tous ici pour le Canada. Il faut que vous entreteniez des liens. Vous n’avez pas toujours à vous entendre, mais la relation entre vous est cruciale pour que vous dirigiez le pays. Vous avez besoin les uns des autres pour le faire. Vous apportez un équilibre.
C’est ainsi que je perçois les Premières Nations et la compétence dont nous sommes investis et, je dirais, dont je suis investie pour ma communauté. C’est inhérent. C’est à nous d’être les gardiens de nos terres. Nous sommes ici pour les protéger. Nous sommes ici pour veiller à ce que nos petits-enfants puissent aussi en profiter. Rien ne nous empêchera de les protéger. Quand vous... Je ne veux pas dire « vous »; je suis désolée. Lorsqu’un projet est mis en branle sur notre territoire, nous devons nous assurer qu’il ne présente pas un risque à très long terme qui va mettre fin à notre présence sur ce territoire et à celle de mes enfants et mes petits-enfants.
Je sais que vous examinez ce projet de loi en ayant en tête que la loi actuelle est inadéquate et je vous en suis reconnaissante. Je tiens également à souligner que, pour vous tous, il est très important de bien faire les choses, et que c’est important pour le Canada.
Je sais qu’il veut que tout soit réécrit. Je sais que ce sera difficile. Pour moi, chaque petite amélioration apportée tout au long du processus est réellement tout ce que l’on peut demander. S’il y a amélioration, s’il y a un véritable désir de réconciliation... Tous ces mots ne veulent rien dire pour moi puisque ce ne sont que des mots d’ici. C’est lorsque vos gestes incarnent ces mots que je peux réellement m’asseoir à votre table et collaborer avec vous pour déterminer comment améliorer notre vie et notre bien-être à tous aujourd’hui, demain et dans les années à venir.
C’est là la nature de la communauté Tsleil-Waututh. Nous ne voulons rien vous enlever. Nous ne voulons pas vous compliquer la vie. Nous sommes ici pour vous aider. Nous sommes ici pour travailler avec vous. Si ce n’est pas possible, nous allons échouer. Si nous n’avons pas la liberté et le droit de protéger nos terres, vous allez échouer, et ce n’est pas ce que nous souhaitons.
Vous n’avez pas à avoir peur de nous. Bien sûr, ce sera différent pour d’autres communautés. Tout le monde n’est pas sur la même longueur d’onde au Canada, y compris dans vos circonscriptions. Les Premières Nations n’y font pas exceptions. Nous avons tous des capacités différentes. Nous vivons dans des régions différentes. Nous avons des forces et des faiblesses différentes, mais dans notre cœur et dans notre âme, nous sommes tous pareils, vous y compris. Vous voulez protéger ce que nous avons, et je sais que vous pouvez voir les dommages infligés actuellement à notre planète.
C’est pour cela que nous sommes ici. Nous ne sommes pas ici pour dire qu’il faut se battre ni avec les libéraux ni avec le NPD ou qu’il faut faire fi des Autochtones. Ce n’est pas de cela dont il s’agit. Tout ce processus — ce document — porte sur l’environnement et sur la façon dont nous allons le protéger et dont nous allons aborder l’avenir.
En toute franchise, je peux vous dire que, de mon point de vue, je me soucie de chacun d’entre vous. J’ai à cœur votre bien-être. Voilà qui nous sommes. Nous ne sommes pas ici pour nous battre avec vous. Nous ne sommes pas ici pour vous causer des problèmes. Je sais que c’est ainsi que l’on voit les choses, mais il faut toujours regarder la situation dans son ensemble. C’est ma façon d’aborder toutes les situations. C’est pourquoi je n’ai aucune idée de ce qu’il y a dans ce document.
Merci.
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J’hésite après cet exposé à aborder les détails techniques.
Merci, chef Thomas.
Nous avons formulé un certain nombre de recommandations dans notre mémoire, et je vous invite à en prendre connaissance. Le projet de loi pourrait être modifié de plusieurs façons, mais nous avons essayé de dresser la liste de certains éléments clés qui, selon nous, doivent être incorporés.
Le premier revient à ce que disait la chef Thomas. Le projet de loi doit prévoir une façon d’auto-identifier notre compétence. Nous avons inclus dans notre mémoire une définition de « compétence » à ajouter à l’article 2 proposé qui permettrait l’auto-identification. Parmi toutes les choses que nous pourrions dire, l’enjeu clé a été soulevé par la chef Thomas. Nous ne pouvons pas mettre en place un régime dans lequel nous devrons utiliser un autre processus pour que notre compétence soit reconnue. Le processus doit cadrer avec l’engagement du à l’égard de la reconnaissance et de l’application d’un cadre des droits autochtones. La modification que nous proposons est donc essentielle.
Je suis d’accord avec les membres du comité d’experts sur une autre question, à savoir que le projet de loi accorde un vaste pouvoir discrétionnaire au ministre. Si le pouvoir discrétionnaire demeure dans la loi, la communauté Tsleil-Waututh aura besoin d’une sorte de soupape de sécurité pour régler les différends. En particulier, la communauté Tsleil-Waututh craint que la loi dans son ensemble ne comprenne pas de processus d’appel en cas de désaccord. Bien que la loi permette aux groupes autochtones de participer comme autorité compétente, elle ne leur permet pas une réelle prise de décision. Nous croyons donc qu’un processus de règlement des différends est nécessaire.
Le tribunal dont l’idée a été lancée par le comité d’experts est une option. Nous serions favorables à cette idée, mais si elle ne convient pas au Comité, nous demanderions, au minimum, que la loi instaure un droit d’appel automatique.
Nous préférons que ce droit d’appel soit clairement expliqué dans le texte de la loi. Nous avons d’ailleurs proposé un libellé dans notre mémoire. Si on remonte un peu plus loin, lorsqu’on examine les éléments à considérer aux articles 16, 22 et 63 proposés, on constate que les communautés autochtones ne sont qu’un élément de plus parmi tous ceux à prendre en considération. Nous soutenons que les droits des communautés autochtones qui sont protégés par la Constitution sont différents des autres éléments figurant dans ces listes. Le strict minimum serait d’inclure un droit automatique d’appel au cas où il y aurait une violation ou une menace de violation des droits autochtones. C’est là l’autre élément clé que nous souhaitons que le Comité comprenne aujourd’hui.
Sur ce, je vais vous laisser consulter notre mémoire pour le reste de nos observations. Merci.
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Bonjour, madame la présidente et membres du Comité. C’est un honneur d’être en territoire algonquin aujourd’hui. Merci de m’avoir invitée à prendre la parole.
Je suis la directrice des relations avec le gouvernement et l’industrie de la Première Nation crie Mikisew. Je suis accompagnée aujourd’hui par Mark Gustafson. Mark est le conseiller juridique qui m’aide dans de nombreux dossiers réglementaires. Il est ici pour m’aider à répondre à certaines de vos questions.
La communauté Mikisew a préparé un mémoire écrit. Ce mémoire contient des amendements législatifs détaillés que nous proposons.
La Première Nation crie Mikisew est la Première Nation la plus grande parmi les signataires du Traité no 8 dans la région des sables bitumineux d’Athabasca. Notre bureau s’est penché sur de nombreuses études d’impact environnemental au cours des 17 dernières années et a participé directement à huit audiences réglementaires conjointes où nous avons fait valoir des préoccupations environnementales et des inquiétudes quant aux conséquences sur notre culture et notre mode de vie.
Notre territoire comprend des éléments qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. Il comprend le parc national le plus important du Canada, il est un site du patrimoine mondial de l’UNESCO, il abrite des eaux transfrontalières, il est l’un des itinéraires d’oiseaux migrateurs le plus important en Amérique du Nord et est l’habitat d’espèces emblématiques comme le caribou et le bison des bois.
Récemment, le Comité du patrimoine mondial de l’ONU a envoyé des experts sur le terrain pour examiner l’état du parc national Wood Buffalo. Cela s’est produit après que nous ayons fait part de nos préoccupations selon lesquelles le Canada n’en fait pas assez pour contrer les impacts des barrages hydroélectriques et de l’exploitation des sables bitumineux sur les environnements en aval. Ces experts ont constaté que le Canada manque à ses obligations à l’égard du parc et des peuples qui s’y trouvent. Des lacunes dans l’évaluation environnementale fédérale ont joué un rôle dans cette situation gênante pour le Canada. Selon le World Heritage Outlook de 2017 de l’Union internationale pour la conservation de la nature, le parc est maintenant dans la catégorie préoccupation importante et tend à se détériorer.
Cependant, je ne peux insister suffisamment sur la nécessité des évaluations fédérales pour créer des relations plus solides avec l’industrie et le gouvernement, pour bâtir des collectivités en bonne santé et pour protéger les intérêts environnementaux fédéraux. Voilà l’optique que nous avons utilisée dans notre révision du projet de loi .
Pour nous, l’aspect le plus décevant du projet de loi est qu’il signifie que le Canada délaisse le meilleur outil qu’il possède pour protéger le plus grand site du patrimoine mondial au Canada contre les projets qui ont justement presque fait inscrire le parc national sur la liste des sites patrimoniaux en danger.
En outre, le gouvernement abandonne un outil essentiel pour respecter la Convention concernant les oiseaux migrateurs, pour protéger des espèces symboliques qui sont reconnues comme étant en péril par le gouvernement fédéral et pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Finalement, il abandonne aussi le meilleur outil nous permettant de mettre en place la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de reconnaître notre droit de participer à la prise de décisions qui touchent nos moyens de subsistance.
Comment en sommes-nous venus à adopter cette position? Tout tient aux éléments déclencheurs et à ce qui se passe relativement à l’exploitation des sables bitumineux. Conformément au libellé actuel, une évaluation fédérale aura lieu uniquement si le projet se trouve sur la liste des projets, ou si le ministre prend une décision discrétionnaire pour exiger une évaluation. Nous convenons que la liste des projets et le pouvoir discrétionnaire ont leur place dans ce projet de loi, mais ces éléments ne sont pas suffisants pour permettre à l’État de protéger ses intérêts.
Premièrement, la liste des projets est un outil rudimentaire. Elle vise à englober les mégaprojets. À cet égard, elle est utile, mais elle n’est pas assez souple pour tenir compte des activités qui touchent des domaines clés de compétence fédérale comme les sites du patrimoine mondial, les espèces en péril ou les eaux transfrontalières. Notre expérience nous a montré que la liste des projets exclut plusieurs activités qui ont des impacts directs et cumulatifs sur les espèces en péril et le delta des rivières de la Paix et Athabasca. Compte tenu du libellé actuel, on peut affirmer que la liste des projets implique qu’il n’y aura plus aucune évaluation fédérale dans la région des sables bitumineux.
Permettez-moi de le répéter. Même si des activités industrielles mettent un parc national, le caribou des bois et le bison en danger, il n’y aura peut-être jamais une autre évaluation fédérale étant donné la façon dont le projet de loi est rédigé. Cela s’explique par le fait que l’avenir de l’exploitation des sables bitumineux repose sur d’innombrables petits projets, qui exigeront moins de capitaux, mais qui seront tout aussi problématiques pour la protection des intérêts environnementaux par l’État.
Deuxièmement, bien qu’il existe actuellement un processus pour proposer des ajouts à la liste des projets, aucune de nos demandes d’ajout à la liste actuelle ou de celles que nous avions présentées pour la liste antérieure à la liste actuelle n’a été acceptée.
Troisièmement, les décisions discrétionnaires visant à exiger une évaluation sont intrinsèquement difficiles à gérer. En outre, elles ne créent pas un climat de certitude. Ces décisions sont assujetties à des pressions politiques qui, au bout du compte, minent la confiance au sein du système que vous désirez rétablir.
Quatrièmement, à plusieurs occasions nous avons demandé une évaluation fédérale parce qu’un projet risquait d’avoir une incidence sur des domaines de compétence fédérale et sur nos droits, mais la réponse a été non. Par conséquent, il est peu probable que les nouveaux critères régissant les décisions discrétionnaires fassent une différence. Où en sommes-nous alors? Nous croyons qu’il y a une solution qui vous permettrait de tenir compte des principales compétences fédérales sans perturber la structure du projet de loi.
Notre proposition donnerait davantage l’assurance aux Canadiens que les principales compétences fédérales seraient bien prises en compte. En même temps, notre proposition serait bien adaptée à la nouvelle étape de planification et veillerait à ce que l’évaluation corresponde à l’ampleur et à la complexité de l’activité proposée. En d’autres mots, elle n’occasionnerait pas de retards. Vous trouverez la solution que nous proposons à la page 7 de notre mémoire.
Premièrement, elle consiste à établir un troisième élément déclencheur des évaluations, qui est étroitement lié aux principales compétences fédérales. Deuxièmement, nous proposons que le ministre élabore des règlements sous-régionaux, qui comportent de nouveaux éléments déclencheurs pour les cas où une évaluation régionale a mis en évidence un nombre élevé d’effets cumulatifs. Cette proposition découle de pratiques d’évaluation courantes. Une fois que des seuils sont dépassés, même une petite incidence peut avoir des conséquences majeures.
Maintenant, j’aimerais parler de quelques autres propositions formulées dans notre mémoire qui sont liées à des questions posées par le Comité au cours des dernières semaines à propos de l’importance du projet de loi pour l’obtention du consentement des Autochtones.
Selon mon expérience, lorsqu'il y a une évaluation fédérale, cela nous donne davantage l’occasion d’obtenir l’information nécessaire pour prendre des décisions éclairées et nous amène sur la voie du consentement. On ne peut pas dire la même chose des processus réglementaires provinciaux. Le processus réglementaire de l’Alberta crée une perte de confiance, de l’animosité et, en fin de compte, de l’incertitude chez les promoteurs au chapitre de l’investissement et des questions juridiques. Donc, si le gouvernement souhaite sérieusement obtenir le consentement des Premières Nations de façon opportune et efficace, il doit d’abord et avant tout apporter des améliorations sur le plan des éléments déclencheurs des évaluations.
Pour atteindre ce but, il doit également s’assurer que le projet de loi permet une consultation adéquate des peuples autochtones. Nous avons proposé quelques petits changements aux pages 8 et 9 de notre mémoire, qui permettent d’améliorer le calcul des échéances et la façon dont l’agence collabore avec nous, en vue d’accroître les chances d’obtenir le consentement.
Nous avons aussi relevé quelques incohérences dans le projet de loi sur le plan des critères décisionnels en raison du langage concernant le savoir traditionnel. Nous avons proposé quelques solutions à la page 9 de notre mémoire.
Avant de conclure, j’aimerais souligner que notre mémoire porte également sur la Loi sur la protection de la navigation. Nous attirons votre attention sur la nécessité d’apporter une modification en particulier pour adapter la loi au XXIe siècle.
Si vous venez visiter notre territoire, vous entendrez tout le monde parler des obstacles à la navigation. Toutefois, le projet de loi aborde à peine les énormes obstacles auxquels nous devons faire face, car il est principalement axé sur les obstacles physiques. La navigation dans notre région est touchée principalement par les activités qui modifient les débits des rivières. Il y a quelques nouveaux articles dans le projet de loi qui contribuent à régler un tout petit peu le problème, mais ils ne sont pas adéquats. Si vous souhaitez faire une différence pour notre mode de vie et pour la navigation intérieure, vous devez améliorer ces dispositions.
J’aimerais terminer par un bref aperçu de nos propositions.
Premièrement, prenez au sérieux les compétences fédérales. Ainsi, vous préserverez la réputation internationale du Canada, vous respecterez les peuples autochtones et vous bâtirez une économie plus forte. Il suffit d’ajouter des éléments déclencheurs pour fournir un filet de sécurité pour la liste des projets. Ils sont énumérés dans notre mémoire. Nous sommes sûrs que les Canadiens et l’industrie appuieraient l’évaluation des projets qui pourraient avoir une incidence sur les espèces d’importance nationale, comme le caribou et le bison, et les sites du patrimoine mondial au Canada.
Deuxièmement, reconnaissez et respectez vos partenaires des traités. Comme l’a dit la Cour suprême, consulter les peuples autochtones sert toujours l’intérêt du public. Pour commencer, vous devez améliorer le libellé concernant les échéances et mieux incorporer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Pour vous aider, nous vous proposons quelques idées.
Enfin, misez sur la certitude et un bon processus décisionnel. Cela implique d’apporter des améliorations aux éléments déclencheurs des évaluations et de clarifier les critères décisionnels.
Le projet de loi est loin d’être parfait et il ne correspond pas à la mesure législative à laquelle on s’attendait étant donné les mois consacrés à la réforme de l’évaluation environnementale, mais il peut être amélioré.
Je vous remercie pour votre temps.
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À mon avis, une participation active du public est la condition préalable à la prise de décisions éclairées et au rétablissement de la confiance du public dans le processus.
Le problème avec le projet de loi tel qu’il est rédigé, c’est qu’il fournit peu de détails, voire aucun, sur la façon dont la participation du public sera assurée en vertu de ce projet de loi, surtout en ce qui concerne les évaluations de projets. Par exemple, j’attire votre attention à l’article 27 proposé du projet de loi, qui stipule que lorsque l'Agence effectue une évaluation, elle doit donner au public la possibilité de participer.
C’est tout. Il n’y a aucune indication sur la façon, le moment, le mécanisme ou la période où l’aide financière aux participants sera accordée. Est-ce que ces informations seront divulguées au cours de la phase de planification? Ces exigences essentielles sont complètement absentes du projet de loi. C’est regrettable, car c’est exactement la même disposition que celle de la LCEE (2012), celle qui a été jugée tout à fait déficiente par le groupe d’experts en évaluation environnementale. Je me serais attendu à des renseignements plus détaillés et plus précis sur la participation du public à ce projet de loi, le projet de loi sur l’évaluation d'impact, mais ils sont presque totalement absents.
Pour corriger cela, voulez-vous la longue liste ou la courte liste? À tout le moins, je m’attends à ce qu’il y ait une bonne définition de la participation active du public. J’en ai présenté une lors de mes présentations. Le préambule et l’énoncé des objectifs devraient être élargis pour insuffler un peu de vie à la notion de participation active du public. Ensuite, à chaque étape du processus d’évaluation de l'impact, il devrait y avoir des exigences explicites en matière d’accès à l’information, de préavis raisonnable et de possibilité pour les gens de convoquer et de contre-interroger des témoins. Voilà le genre de garanties procédurales qui, selon moi, sont essentielles à l’exercice opportun et efficace des droits de participation du public. Si ces garanties ne sont pas inscrites dans la loi, ces droits de participation du public sont vides de sens.
Pour ce qui est de la préférence pour un tribunal, je pratique le droit de l’environnement dans cette province depuis plus de trois décennies. J’ai passé beaucoup de temps devant les tribunaux environnementaux de la province. Je vous le dis, si vous êtes vraiment intéressés à une participation réelle du public, une équité procédurale et des décisions fondées sur des preuves et des comptes rendus, le processus du tribunal est la voie à suivre. Si vous voulez conclure des ententes excessivement politisées et hautement controversées en coulisse, allez-y avec cette loi. Vous ne pouvez pas prétendre rétablir la confiance du public en évitant l’examen public d’un tribunal et en laissant au ministre ou au Cabinet le soin de prendre une décision au bout du compte.
Si ce projet de loi est adopté tel quel, sans amendement, j’aurais de la difficulté à conseiller un client de participer au processus d’évaluation d’impact. Je dirais : « Pourquoi se donner la peine? Pourquoi faire tourner les roues? Pourquoi passer littéralement des mois ou des années à recueillir des fonds, à présenter des demandes et à faire tout ce que vous devez faire au niveau de l’Agence ou de la commission d’examen pour que cela ne veuille rien dire lorsque la décision revient au décideur? »
C’est pourquoi j’appuie fortement le principe. Il devrait y avoir un tribunal administratif entièrement équipé et disposant des ressources nécessaires pour prendre les décisions. Ils entendent les témoignages; ils peuvent évaluer la crédibilité des témoins; ils observent le comportement des témoins. Ils sont les mieux placés pour prendre la décision. Malheureusement, ce processus n’est pas reflété dans ce projet de loi.
L’un des aspects qui m’a intrigué dans tous les témoignages que nous avons entendus aujourd’hui, c’est qu’on a peu ou pas parlé des emplois, du développement économique et de l’importance d’avoir des revenus.
J’ai dit à la dernière réunion que si quelqu’un gagne sa vie, il en a une. Je pense qu’il est important que nous mettions l’accent sur les emplois et le développement économique, mais tout cela se fait d’une manière respectueuse de l’environnement.
Pour la gouverne des témoins, je suis biologiste des pêches et j’ai passé toute ma vie et toute ma carrière dans le domaine de l’évaluation environnementale et de la conservation. Toutefois, je représente une circonscription riche en ressources naturelles et, encore une fois, à titre d’information, le secteur des ressources naturelles — je cite ici une étude — « représente 13 % du produit intérieur brut (PIB) et 50 % des exportations. Lorsqu’on ajoute les industries dérivées, la contribution des ressources naturelles au PIB passe à près de 20 %. Environ 950 000 Canadiens travaillent actuellement dans le secteur des ressources naturelles et 850 000 autres travailleurs répartis dans toutes les provinces et territoires... Ensemble, cela représente 1 emploi sur 10 au Canada. De plus, les industries de l’énergie, des mines et de la foresterie génèrent plus de 30 milliards de dollars par année en revenus pour les gouvernements provincial et fédéral », fournissant à tous les Canadiens les services publics dont nous avons tant besoin.
Ma première question s’adresse à vous, madame Lepine. Nous avons entendu le témoignage du chef Jim Boucher de Fort McKay. Je dois vous dire que j’ai passé du temps dans le domaine des sables bitumineux, j’ai travaillé sur le projet Kearl près de Fort McKay. Dans cet article, on souligne que Fort McKay a un taux de chômage nul et que ses membres ont un revenu annuel moyen de 120 000 $ et des avoirs financiers de plus de 2 milliards de dollars grâce à sa volonté de faire des affaires. De plus, la Première Nation crie Mikisew, je crois, vient d’acheter 15 % des installations de Suncor.
N’est-ce pas là une grande réussite dont votre communauté doit se réjouir? Je pense que vous avez fait un travail remarquable en vous basant sur ces chiffres.
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C’est une question très difficile. Encore une fois, nous répétons que nous savons que nous avons compétence. Nous le savons, et il s’agit de bâtir cette relation pour que nous puissions travailler ensemble. Je n’aime pas le carcan imposé par les notions de réconciliation et ainsi de suite. À mon avis, nous devons ne faire qu'un. Même si nos identités sont entièrement distinctes, nous faisons partie du Canada. Nous devons faire partie de vous; vous devez faire partie de nous. Des liens mutuels nous unissent.
Lorsque nous abordons tous ces mots et toutes ces notions, il faut aller au-delà des mots et vraiment nous concentrer sur ce qu’ils signifient, plutôt que de vouloir à tout prix mettre des mots sur le lien qui nous unit. Pour ce qui est de notre objectif, nous ne sommes pas ici pour être entièrement distincts comme Autochtones. Qui je suis comme Autochtone, c’est qui je suis. Je suis connectée.
Nous nous identifions toujours à l'endroit d’où nous venons. C’est notre lien avec la terre et l’eau, et c’est notre compétence. C'est qui nous sommes. Nous ne faisons qu'un avec nos ancêtres. Nous faisons partie de vous, alors vous faites partie de nous maintenant, que vous le vouliez ou non. Je sais que beaucoup de gens ne veulent pas l’être, mais nous sommes ici pour nous occuper les uns des autres. Nous sommes ici pour évoluer dans ce monde en unité, parce que sans cette capacité, nous allons avoir tellement de conflits, et perdre tant de temps, d’énergie et d'argent que nous allons faire plus de mal que de bien.
Si nous pouvons toujours trouver une façon d'y parvenir, si vous pouvez me respecter pour ce que je suis comme Autochtone, pour l'endroit où reposent mes ancêtres, pour ce pays... Mon lien avec le peuple algonquin est fort. Je les sens ici aujourd’hui. Je les sens à mes côtés. C’est ce que je suis. Je veux faire partie de vous tous pour assurer notre survie dans l'avenir. Pour moi, c’est sérieux à ce point. Nous devons évoluer en unité, non seulement avec le Canada, mais aussi avec les autres pays. Je sais que c’est un défi énorme, mais nous devons commencer ici. Nous devons avoir cette capacité, et votre respect. Entendez-moi et réfléchissez au sens de mes paroles.
Je ne suis pas ici pour vous dire quoi faire ou comment le faire. Je suis ici pour vous aider.