ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de l'environnement et du développement durable
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 17 juin 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous et bienvenue à cette réunion du Comité permanent de l'environnement.
Aujourd'hui, nous accueillons divers groupes d'experts pour discuter du récent rapport sur la perte de biodiversité qu'on observe à l'échelle mondiale.
Je remercie chacun de nos témoins d'être avec nous aujourd'hui. Il y aura des votes pendant la réunion; nous ne savons donc pas vraiment comment se déroulera l'après-midi. Nous procéderons ainsi: nos trois témoins feront leur déclaration préliminaire. Nous vous demandons de vous en tenir à sept minutes, environ. Ensuite, nous passerons aux questions.
J'utilise un système de cartes très pratique. Le carton jaune signifie qu'il vous reste une minute, tandis que le carton rouge signifie qu'il est temps de passer à l'intervenant suivant. Je vous demanderais toutefois de ne pas vous arrêter en milieu de phrase, mais de terminer ce que vous avez commencé, puis de conclure. Nous sommes assez tolérants.
Présentons notre premier groupe de témoins. Nous accueillons M. Kai Chan, professeur et auteur du rapport dont nous allons parler aujourd'hui. Nous accueillons également M. Jeremy Kerr, qui est professeur de biologie à la Faculté des sciences de l'Université d'Ottawa. Par vidéoconférence, nous avons M. Dan Kraus, biologiste principal en conservation à Conservation de la nature Canada.
Je vous remercie tous les trois d'être ici.
Monsieur Chan, nous allons commencer par vous.
Merci beaucoup de l'invitation. C'est un grand plaisir d'avoir l'occasion de témoigner.
Je vous ai fourni une présentation beaucoup plus détaillée pour vos dossiers. Aujourd'hui, je ne passerai pas en revue la plupart de ces diapositives. J'aborderai plutôt les points saillants qui ne sont pas déjà expliqués très clairement ni de façon exhaustive dans le résumé destiné aux décideurs.
Cette présentation et le résumé destiné aux décideurs mettent en évidence le déclin considérable de la nature et des contributions de la nature à la population, notamment l'assainissement de l'air et de l'eau, l'atténuation des inondations, l'aide à la production alimentaire, et démontrent comment cela mine notre capacité collective, à l'échelle mondiale, d'atteindre des objectifs sociétaux fondamentaux pour la nature et la durabilité.
Voilà qui résume la première moitié de l'évaluation, essentiellement. Je vais maintenant passer à d'autres aspects.
Fait important concernant cette évaluation, on tend à oublier que le chapitre que j'ai eu le plaisir de diriger était le premier en son genre. Il découle d'un document d'orientation dont je ne peux m'attribuer le mérite dans lequel était présentée une analyse exhaustive des voies à suivre, des scénarios et des analyses de la littérature connexe. Nous avons opté pour l'examen des voies et scénarios. Nous avons examiné toute la documentation possible sur toutes les avenues permettant d'atteindre les objectifs futurs en matière de développement durable et de conservation de la nature en fonction de six objectifs mondiaux distincts et connexes: nourrir l'humanité; fournir des ressources aux villes; maintenir l'approvisionnement en eau douce; protéger les océans; maintenir la biodiversité en milieu terrestre; prendre des mesures d'atténuation pour atteindre les objectifs en matière de changement climatique tout en assurant l'approvisionnement en énergie pour l'humanité.
Ce type d'analyse n'avait jamais été fait à une telle échelle auparavant, et c'était absolument essentiel pour en arriver à des déclarations sur les mesures à prendre, probablement, pour créer le monde envisagé dans le processus de Rio+20. Ce type d'analyse n'a jamais été fait auparavant. Dans les évaluations précédentes, les solutions reposaient en partie sur une analyse du problème plutôt que de la solution.
Cela signifie qu'à Paris, lors des négociations pour arriver à la meilleure version de la déclaration relative à l'évaluation globale, nous avons souvent répondu, lorsque certains pays demandaient des changements, que cela ne correspondait pas à nos constatations sur les mesures à prendre pour effectuer la transition vers la durabilité.
Maintenant, l'analyse des scénarios et la recherche documentaire de 13 aspects différents que nous avons appelés... Il y a cinq leviers, notamment les interventions en matière de gouvernance, et huit points de levier distincts, qui touchent vos sphères d'intervention à l'échelle mondiale, comme la consommation totale et le gaspillage. Je vais vous présenter un résumé en seulement cinq points clés sans lesquels, selon nos analyses contenues dans le rapport, nous ne pourrons réaliser le changement transformationnel dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs mondiaux de durabilité.
Le premier point est l'atteinte d'un bilan neutre en carbone. Il faut en outre encourager et aider les entreprises et les particuliers à en faire autant. Les dirigeants d'entreprises le font déjà et certains gouvernements ont pris un engagement en ce sens. Le Royaume-Uni s'est récemment engagé à atteindre cet objectif d'ici 2050. Il est possible d'en faire la normalité, et éventuellement, dans un avenir peut-être pas si lointain, une obligation. Nous pourrons ainsi redéfinir ce que l'on considère comme les bonnes valeurs de conscience sociale, pour les entreprises comme pour les particuliers, en nous engageant à ne plus contribuer au problème climatique. De toute évidence, ce n'est pas pour aujourd'hui. Voilà l'objectif ambitieux que s'est donné le Royaume-Uni pour 2050.
Le deuxième point est de rendre facile, agréable, peu coûteux et, enfin, normal d'agir de façon positive pour la Terre, c'est-à-dire prendre des mesures qui ont des effets positifs nets sur l'ensemble de la biodiversité et des services écosystémiques, soit sur l'ensemble de la nature et de ce qu'elle fait pour les gens. L'évaluation globale est très claire: parmi les problèmes environnementaux, les changements climatiques sont certes importants, mais ils ne sont que la pointe de l'iceberg. Ce que cela signifie, c'est que si nous ne nous attaquons pas au problème des changements climatiques — et c'est ce qui ressort de notre analyse — et à d'autres problèmes environnementaux importants, comme le changement d'affectation des terres, la surexploitation, la pollution et les espèces envahissantes, nous risquons d'exacerber d'autres problèmes et de rendre la vie plus difficile à bien des égards, dans différents endroits.
Il n'est pas encore possible pour les particuliers et les organisations d'avoir un impact positif net sur la planète, mais cela pourrait évoluer, comme nous l'avons vu pour les changements climatiques, notamment les mesures de compensation du carbone, en tirant des leçons de certaines erreurs. J'ai beaucoup d'autres choses à dire à ce sujet, mais j'y reviendrai plus tard.
Le troisième point est de veiller à ce que l'ensemble des subventions et des mesures incitatives contribue à la transformation et non à la contrer. Un des éléments clés de l'évaluation globale, y compris le résumé à l'intention des décideurs, qui a suscité une grande controverse ne portait-il pas sur la nécessité de surmonter, dans cette transformation, l'opposition de groupes d'intérêts? Nous n'avons pas hésité une seconde à dénoncer ces groupes d'intérêts et cette opposition.
Il semble que des gens reçoivent beaucoup de financement sous forme de subventions, ce qui a pour effet manifeste, mais pervers de favoriser l'accroissement de la production au détriment de l'environnement. C'est absolument inévitable, à moins de cibler ces subventions pour favoriser les modes de production qui contribuent à l'amélioration de l'intendance. Malheureusement, à l'heure actuelle, au Canada, la plupart des subventions ne sont pas structurées ainsi. Par conséquent, d'une part, nous dépensons beaucoup d'argent pour améliorer la production et, d'autre part, pour compenser les effets négatifs de cette production. Nous pouvons rationaliser ces deux processus en les harmonisant.
Je pense en particulier pour les combustibles fossiles. Cela signifie qu'il faut détourner les subventions destinées à la production de combustibles fossiles vers la transition, vers l'énergie propre. Évidemment, cela devrait comprendre des programmes de recyclage de la main-d’œuvre.
Le quatrième point porte sur la prise de décisions en matière de gestion de l'environnement et de gestion des ressources pour qu'elle soit prudente, adaptative, inclusive et intégrative dans l'ensemble des secteurs et des administrations.
Cela signifie notamment — dans la foulée de la réglementation REACH de l'Union européenne —, l'imposition de restrictions sur l'utilisation des produits chimiques, à titre préventif, jusqu'à ce qu'on ait suffisamment de raisons de croire qu'ils sont sûrs pour la population et l'environnement. Deuxièmement, il faut assurer une gouvernance transparente et participative avec l'apport de tous les principaux groupes d'intervenants, et les titulaires des droits, sans privilégier des intérêts particuliers en accordant un accès spécial ou secret, comme couramment dans toutes les administrations au Canada actuellement. Troisièmement, il faut une approche adaptative au zonage, de façon à reconnaître que le monde est en évolution. Par exemple, nous ne pouvons plus établir nos plans de zonage en fonction des crues centenaires, alors que de telles crues ont eu lieu trois fois en une décennie dans de nombreuses régions. Nous devons planifier en fonction d'événements surprenants.
Le cinquième et dernier point, qui fait manifestement partie de votre mandat, est le renforcement des lois et des politiques environnementales et l'application uniforme de toutes les lois et politiques — et pas seulement des lois et politiques environnementales — au pays et à l'étranger. C'est crucial pour de nombreuses raisons.
Il est devenu normal, dans la mesure où notre économie est fondée sur une mentalité du XIXe siècle, de chercher à favoriser sa croissance le plus possible. Or, si cela convenait au XIXe siècle, cela convient moins aujourd'hui, alors que nous vivons dans un monde surpeuplé, où toutes nos activités de production et d'extraction ont eu, à retardement et de façon généralisée, des impacts négatifs importants et fondamentaux sur la nature et par conséquent sur la population.
Comme je l'ai indiqué, un des éléments clés de ce processus est la nécessité d'agir tant au pays qu'à l'étranger. Des actions diplomatiques sont donc nécessaires, car nous sommes actuellement engagés dans une sorte de course mondiale vers le bas. Cela nuit à notre capacité de protéger notre environnement actuel, car les producteurs peuvent, à juste titre, faire valoir que leur incapacité de maintenir ces méthodes de production — qui ont des répercussions négatives sur l'environnement — au Canada les obligera à le faire ailleurs, entraînant la perte d'emplois au Canada. Nous pouvons faire beaucoup de choses à l'échelle locale, mais à long terme, il faudra intervenir à l'échelle internationale.
Si nous réussissions à accomplir cette tâche, nous créerons une économie mondiale durable. Ensemble, ces cinq changements contribueraient à concrétiser la vision du monde adoptée dans le cadre de la Conférence de Rio+20, qui fait aussi partie intégrante de l'évaluation globale, à l'atteinte — tardive — de l'ensemble des objectifs de durabilité axés sur la nature et à la création d'un monde durable, en général.
Merci.
Je vous remercie de cet exposé.
Nous passons maintenant à vous, monsieur Kerr. Vous avez sept minutes, environ.
J'aimerais remercier le président, le vice-président et tous les membres du Comité d'être ici aujourd'hui et de poursuivre l'étude des questions de conservation et de développement durable. Je vous suis vraiment reconnaissant d'avoir cet enjeu suffisamment à cœur pour entreprendre ce travail. Je vous remercie.
Pour commencer, permettez-moi de lire une citation très simple, tirée du livre Almanac d'un comté des sables, d'Aldo Leopold: « Conserver chaque dent et chaque roue d'un engrenage est la première précaution d'un bricoleur intelligent. »
Je pense que nous sommes rendus au point où les données démontrent sans équivoque que nous n'avons pas été des bricoleurs très intelligents. Nous perdons des espèces à un rythme effarant et, qui plus est, les populations de nombreuses espèces périclitent à un rythme encore plus rapide.
L'analyse des nouvelles données publiées en 2018 sur les populations des 4 005 vertébrés qui font l'objet d'une surveillance plus ou moins continue depuis 1970 démontre que ces populations ont diminué de 50 à 67 % au cours de cette période. Cette terrible conclusion provient de l'Indice planète vivante, qui révèle que notre planète vivante est considérablement moins vivante qu'elle ne l'était lorsque j'étais enfant, lorsqu'on a commencé à faire ce suivi.
De telles tendances sont récurrentes dans l'évaluation globale extraordinaire de la PIBSE. Ce rapport fait une synthèse des tendances de milliers d'études primaires différentes.
J'aimerais commenter quelques-unes de ces études, puisqu'un auteur du rapport est ici. Je ne pense pas qu'il est nécessaire que je vous présente un résumé, car il s'en est très bien chargé.
Le premier point que j'aimerais souligner, c'est que certains sont partis, à tort, de l'hypothèse selon laquelle les taux de déclin de la biodiversité d'autres régions, comme les tropiques, sont plus élevés qu'ici, ce qui est incorrect et indéfendable, d'après les analyses quantitatives. On compte beaucoup plus d'espèces dans les tropiques qu'ici, mais lorsqu'on mesure les taux de déclin des espèces au Canada par rapport au nombre d'espèces qui y vivent, on constate que les taux sont assez semblables, et comparativement à d'autres régions du monde, le rythme d'extinction est parfois supérieur aux moyennes mondiales.
À l'échelle mondiale, par exemple, 32 % des espèces d'amphibiens sont menacées d'extinction, contre 44 % au Canada. Pour les reptiles, 19 % des espèces sont en péril à l'échelle mondiale, contre 65 % au Canada. Les chiffres varient d'un groupe à l'autre, mais le message général est plutôt simple: nous n'avons aucune raison d'être optimistes. Les menaces pour la biodiversité dont nous avons hérité de nos ancêtres sont importantes et réelles, ici au pays.
L'une des principales raisons pour lesquelles tant de nos espèces sont en péril, c'est qu'elles sont concentrées, comme la majorité de la population humaine, le long de la frontière sud du pays, là où les changements à l'affectation des terres sont les plus intenses et les plus importants, surtout pour l'agriculture, mais aussi pour les zones urbaines et l'extraction des ressources.
Nous avons réduit l'habitat dans de nombreuses zones névralgiques pour la biodiversité du Canada et introduit des pratiques d'utilisation des terres incompatibles avec la vie d'un grand nombre d'espèces. L'habitude des gouvernements nouvellement élus de défaire les politiques du gouvernement précédent immédiatement après l'élection n'aide pas non plus.
Il y a toutefois des raisons d'espérer. Les secteurs essentiels de l'habitat dans le réseau national d'aires protégées en croissance et dans les territoires traditionnels des peuples autochtones fournissent un habitat vital à de nombreuses espèces, même lorsque les terres voisines font l'objet d'une utilisation intensive et concurrente, notamment dans le sud de l'Ontario.
J'ai fait mon doctorat dans certains de ces endroits, au parc provincial Pinery, sur les rives du lac Huron, par exemple. Ce très petit parc, qui ne fait que sept ou huit kilomètres carrés, peut-être, est situé dans une région de culture extrêmement intensive, mais il abrite de nombreuses espèces en péril. C'est une des zones névralgiques pour la biodiversité à l'échelle nationale. Cela démontre indéniablement que la restauration de l'habitat, même sur de petites superficies, peut avoir des avantages disproportionnés dans des milieux où la perte d'habitat et l'utilisation de pesticides sont omniprésentes.
Pour que ce soit clair, je dirais qu'il est préférable d'avoir de grands parcs, mais les petits parcs peuvent aussi être magnifiques tout en jouant un rôle essentiel. Pourtant, les stratégies de conservation ne peuvent être fondées sur des anecdotes, aussi charmantes soient-elles.
Si nous examinons le rendement économique de l'utilisation des terres agricoles, par exemple, le Recensement de l'agriculture de Statistique Canada a démontré que les producteurs reçoivent peu de retombées économiques pour leur travail acharné dans certaines régions.
Si nous jumelons ces régions avec des endroits où il y a le plus de potentiel pour rétablir les populations d'espèces canadiennes en péril, nous pouvons trouver des solutions afin de classer par ordre de priorité les régions où nous pouvons mener des activités de conservation de manière relativement efficace et à peu de frais. Nous avons publié une carte qui montre un exemple de cela en 2017 dans la revue Conservation Biology, un exemple de planification systématique de la conservation qui tient une place très importante dans le travail visé par l'objectif 1 auquel de nombreuses personnes contribuent.
Une autre grande conclusion qui a été relevée dans cet article est que, en ce qui concerne les coûts économiques des mesures de conservation, il est préférable d'agir immédiatement que de peaufiner le plan et de le retarder de plusieurs années en conséquence. On fait considérablement augmenter les coûts lorsqu'on attend, même si le plan immédiat doit être peaufiné en cours de route. Il est moins coûteux d'agir rapidement, et c'est plus efficace.
Au Canada, on ne perd pas seulement de la biodiversité. On perd également des espèces qui font des choses pour nous et qui nous offrent des services écosystémiques sans lesquels nous ne pouvons pas vivre. Les pollinisateurs sont l'un de ces groupes. Nous avons montré que les assemblages des pollinisateurs, comme les papillons, sont en plein processus d'homogénéisation biotique. Des espèces rares sont en train de disparaître dans de nombreuses régions et sont remplacées par des espèces envahissantes communes. La conséquence est que d'un endroit à l'autre, les groupes d'espèces se ressemblent de plus en plus. Le caractère distinctif des régions biologiques est en déclin.
Je n'ai pas encore discuté des changements climatiques. Comme vous le savez tous, et comme les données probantes le montrent sans équivoque, les émissions de gaz à effet de serre causées par l'humain sont la principale cause des changements climatiques à l'heure actuelle. Nous avons le pouvoir d'intervenir pour réduire ces émissions, empêcher que le réchauffement climatique atteigne des seuils dangereux — et je parle de danger pour la stabilité soutenue de la civilisation humaine — et résoudre les problèmes critiques et connexes auxquels nous sommes confrontés concernant la conservation de la biodiversité.
Je dois préciser que nous avons des preuves solides que les changements climatiques contribuent aux risques d'extinction d'espèces sans lesquelles nous ne pouvons pas vivre. Plus particulièrement, je vais parler des pollinisateurs dans le cas desquels nous avons démontré — conjointement avec de nombreux autres chercheurs dans le monde entier — que les changements climatiques contribuent à une perte de leur biodiversité qui est maintenant détectable à l'échelle continentale en Europe et en Amérique du Nord. Bon nombre de ces espèces sont touchées par les changements climatiques, qui réduisent les variétés des espèces — qui sont en train de disparaître. Leur capacité de fournir des services écosystémiques qui déterminent si nous avons des cultures notamment — dans 75 % des cas — est en train de disparaître également. C'est un changement extrêmement nuisible qui devrait grandement nous préoccuper.
Nous ne pouvons pas nous permettre de nous interroger à savoir si nous allons prendre des mesures à l'égard des changements climatiques. Nous aurions pu le faire un peu dans les années 1980, puisque l'incertitude scientifique aurait pu justifier la tenue d'une longue étude plutôt que des mesures immédiates. À ce stade-ci, cependant, l'inaction à l'égard des changements climatiques et de ses nombreuses conséquences, y compris les répercussions écologiques, est un jeu de roulette russe.
Atteindre une connectivité dans des aires pour permettre aux espèces d'aller ailleurs ou de trouver refuge en cas d'intempéries extrêmes fait partie de ce que nous devons examiner au Canada. Ce raisonnement a clairement été exprimé dans les témoignages que vous avez entendus à ce comité récemment sur une Stratégie relative aux aires protégées. Des politiques pour lutter contre les changements climatiques existent et ont été mises à l'essai; et elles fonctionnent. Elles peuvent être améliorées à mesure que nous apprenons de nouvelles choses. Elles n'imposent pas des coûts économiques irréalistes; il n'y a aucune incompatibilité entre la conservation et l'économie.
Pour terminer, je vais conclure ma déclaration en vous faisant part de quelques notes simples, en paraphrasant un dicton autochtone: nos ancêtres ne nous lèguent pas le monde dans lequel nous vivons; nous l'empruntons à nos enfants. En tant que scientifiques, nous connaissons quelles sont les véritables répercussions de l'inaction en matière de conservation. Mais en tant que parents et citoyens, nous prenons davantage conscience de cette nécessité, car nous voyons ce qui nous attend; nous évaluons la situation dans le cadre de notre travail au quotidien.
Les renseignements de base dont j'ai parlé aujourd'hui, qui sont publiés dans le rapport de la PIBSE, ne sont pas nouveaux, mais de nombreuses améliorations ont été apportées. Les données scientifiques étaient à notre disposition il y a de cela 30 ans.
Depuis, les messages que la communauté scientifique communique aux décideurs sont essentiellement les mêmes — là encore, avec des améliorations et des révisions importantes. Toutefois, le moment est venu pour nous de mettre en oeuvre une mesure politique efficace pour conserver la diversité biologique. Nous pouvons facilement en trouver les raisons lorsque nous retournons à la maison dans nos familles le soir et que nous nous rappelons que nous empruntons le monde à nos enfants. Ce n'est pas un héritage de nos parents.
Excellent. Merci.
Maintenant, par vidéoconférence, nous allons entendre la déclaration liminaire de M. Kraus.
Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de me recevoir pour discuter de cet important sujet.
Je suis biologiste de la conservation principale pour Conservation de la nature Canada. Conservation de la nature Canada est la plus grande organisation de conservation des terres sans but lucratif au pays. Nous travaillons à la protection des aires naturelles les plus importantes et des espèces qu'elles abritent. Depuis plus de 60 ans, nous travaillons avec des partenaires pour protéger près de trois millions d'acres au pays. Nous sommes un fier partenaire du gouvernement du Canada dans le cadre du Programme de conservation du patrimoine naturelle, que j'aborderai plus tard. Bon nombre de nos aires protégées se trouvent dans vos circonscriptions — plus de 90 % des Canadiens vivent dans un rayon de 100 kilomètres d'une propriété de Conservation de la nature Canada.
Monsieur Chan, félicitations pour votre rapport. Je vous remercie d'avoir porté à notre attention la perte de biodiversité, dans le monde et au Canada. Comme M. Kerr l'a dit, pour les scientifiques, ce n'est rien de nouveau. Nous savons que la vie sur Terre est en train de nous échapper, et nous le savons depuis de nombreuses générations. L'incidence de nos activités humaines sur d'autres espèces est si généralisée et durable que les scientifiques ont qualifié notre époque de « sixième extinction ». Les taux d'extinction sont maintenant de 100 à 1 000 fois plus élevés que les niveaux historiques naturels, et on anticipe que les taux futurs seront 10 000 fois plus élevés. C'est à cause de ce que nous faisons.
Nos actions ont une incidence sur le Canada. Malgré notre importante géographie et nos grandes aires de nature sauvage restantes, le Canada n'est pas à l'abri de l'extinction et de la disparition des espèces. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada a évalué que presque 800 espèces d'animaux sauvages sont à risque de disparition au pays. Il y a plus de 1 500 autres espèces qui n'ont pas été évaluées et qui sont à risque de disparaître.
Il y a des espèces bien connues qui sont disparues au Canada. Bon nombre d'entre vous ont probablement entendu parler du grand pingouin, qui a été vu pour la dernière fois au Canada en 1844. La dernière tourte voyageuse a été aperçue au Canada pour la dernière fois en 1902. La perte d'espèces au Canada n'est pas de l'histoire ancienne. Cela se produit maintenant au pays et continuera de se produire si nous n'agissons pas.
Comme vous l'avez entendu, il y a de nombreuses menaces pour notre environnement et la faune, mais la plus grande menace au Canada est la perte d'habitats à l'heure actuelle. Jusqu'à ce que nous réglions ce problème, nous sommes tous destinés à continuer d'être témoins de la disparition de la faune canadienne. À l'heure actuelle, il n'y a tout simplement aucun territoire où la faune n'est pas sous notre influence. Nous réduisons les espaces sauvages en fragments de plus en plus petits. En protégeant les habitats existants, et en restaurant ceux qui ont été perturbés, il est encore possible de ralentir, voire de renverser, le déclin de la biodiversité.
Les gouvernements jouent un rôle de premier plan dans cette initiative. Le rapport du Comité, Agir dès aujourd'hui: établir des aires protégées pour l'avenir du Canada était un document important. Tous les partis se sont entendus sur l'importance de nos aires naturelles et ont jeté les bases pour prévoir des investissements importants dans le budget de 2019 — le Fonds de la nature.
Le Fonds de la nature est l'investissement nécessaire pour contribuer à endiguer la perte d'espèces au Canada, mais les gouvernements ne peuvent pas y arriver seuls. C'est la raison pour laquelle le Programme de conservation du patrimoine naturel et des programmes semblables font partie de la solution. Le Programme de conservation du patrimoine naturel obtient des fonds du gouvernement, qui sont égalés par des fonds versés par des particuliers, des sociétés et des fondations.
Depuis son lancement en 2007, le programme a assuré la conservation de plus de 450 000 hectares dans des communautés au Canada. Ce ne sont pas n'importe quels hectares; ce sont des aires parmi les plus importantes pour conserver la biodiversité et les bienfaits que la nature procure aux gens. Nous avons protégé l'habitat d'environ le tiers de toutes les espèces terrestres et d'eau douce en péril au Canada, et le programme a inspiré des Canadiens qui se soucient de la nature à faire don de terres, pour une valeur totale de 250 millions de dollars. Le programme a également réuni un vaste éventail de Canadiens qui font front commun pour la conservation et veulent apporter une contribution significative à la nature. Le Programme de conservation du patrimoine naturel est devenu un pilier pour trouver des solutions en matière de conservation au Canada.
Nous devons faire plus. De nombreux Canadiens pensent que la disparition des espèces et la crise de l'extinction des espèces surviennent ailleurs. Peu de Canadiens savent qu'il y a plus de 70 espèces au Canada qui sont plus menacées d'extinction que l'éléphant d'Afrique et le panda géant. Si nous voulons mettre fin aux extinctions dans le monde, nous devons commencer par sauver les espèces dans notre pays.
Il y a de l'espoir. Le Canada est fier d'être un chef de file depuis longtemps dans la conservation des espèces. Nous avons des histoires spectaculaires, mais en grande partie méconnues, où nous avons sauvé des espèces qui étaient sur le point de disparaître. Le bison des plaines, le renard véloce, le faucon pèlerin, le cygne trompette et de nombreuses autres espèces étaient au bord de l'extinction à une certaine époque, mais grâce à des efforts de conservation déployés par les générations précédentes, elles font encore partie de la faune canadienne à l'heure actuelle.
Nous avons une occasion de tirer parti de cette réussite. Nous devons tirer parti de cette réussite. La grande majorité des espèces en danger critique d'extinction au Canada sont dans les régions du Sud où elles ont dû trouver refuge dans quelques endroits. Nous pouvons travailler dans ces zones névralgiques, comme M. Kerr les a appelées, pour contribuer à enrayer la perte d'espèces, mais des mesures de conservation ciblées sont nécessaires.
La mission de Conservation de la nature Canada était urgente lorsque l'organisme a été fondé en 1962, et elle est tout aussi urgente à l'heure actuelle. Le Canada doit absolument respecter ses engagements mondiaux et protéger sa part des 17 % de terres et de plans d'eau, mais il faut absolument préserver la diversité de la faune canadienne.
À mesure que le monde prépare le terrain pour atteindre de nouvelles cibles en matière de conservation, le Canada a une occasion de faire preuve de leadership en atteignant des cibles plus ambitieuses en matière de conservation de la faune pour 2030 et les années subséquentes. Nous devons saisir l'occasion que nous avons à l'heure actuelle de léguer à nos enfants un monde plus riche sur le plan biologique.
Pouvons-nous promettre; pouvons-nous nous engager à ne laisser pour compte aucune espèce, à empêcher l'extinction d'espèces au Canada? C'est une promesse simple et claire qui pourrait changer le monde.
Merci.
Excellent. Merci de votre déclaration liminaire également.
Nous allons passer directement à la période des questions. Nous accorderons six minutes à chaque intervenant.
Mais avant, je veux souhaiter à nouveau la bienvenue à MM. Shipley et Berthold à notre table.
Le premier intervenant est M. Amos, pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci à nos distingués témoins. Je vous suis très reconnaissant de votre présence ici et du fait que vous partagez la même passion que nous tous ici à l'égard des questions de conservation.
Je veux que vous fournissiez tous de courtes réponses, s'il vous plaît. Quelle a été votre réaction à la décision du gouvernement dans le budget de 2018 d'investir 1,3 milliard de dollars sur cinq ans dans la conservation?
Monsieur Chan, nous pourrions peut-être commencer avec vous.
J'étais impressionné. C'était une décision très importante à prendre. C'est un engagement en matière de conservation inédit dans l'histoire du pays. C'est absolument essentiel.
Dans mon exposé, comme j'étais limité dans le temps, je n'ai pas pu insister suffisamment sur l'importance des mesures que nous prenons déjà et sur l'importance de les maintenir et de les élargir, ce qui est tout à fait essentiel. Les investissements qui ont déjà été effectués et qui seront effectués au cours des prochaines années sont cruciaux. Ils constituent les assises de ce changement transformateur qui nous permet d'atteindre nos objectifs.
Cependant, il est important de noter — et c'est la raison pour laquelle j'ai axé mes observations sur ces cinq éléments du changement transformateur — que le simple fait de prendre des mesures supplémentaires et de continuer de faire ce que nous faisons ne sera pas suffisant dans les prochaines décennies. Les pressions grandissantes associées à l'expansion de l'humanité excèdent n'importe quelle somme d'argent que l'on pourrait investir pour régler ce problème si on ne s'attaque pas aux causes profondes du déclin des espèces. C'est la structure de notre économie et c'est la façon dont nous gérons l'économie.
C'est une excellente question.
Je surveille de très près les budgets depuis un bon moment maintenant, et lorsque le budget de 2018 a été présenté, c'est l'un des moments où je me suis levé et j'ai applaudi. J'étais très content. Les engagements à l'égard de la conservation dans le budget de 2018 sont extraordinaires et historiques.
Tout est dans l'exécution. Nous avons vu des exemples dans le passé où des gouvernements ont promis de consacrer beaucoup d'argent pour une initiative qui semblait être liée à la conservation mais, dans la pratique, nous avons vu peu d'efforts de conservation se concrétiser grâce à ces fonds.
Sur ce plan, je suis très impressionné par le suivi que je vois jusqu'à présent. L'initiative En route vers l'objectif 1 est un processus minutieux et dynamique qui semble atteindre d'importantes cibles pour élargir rapidement les réseaux des aires protégées en travaillant en partenariat avec les peuples autochtones et les propriétaires privés. Je ne pense pas que nous puissions recommander un processus qui n'atteint pas ces deux objectifs.
Le fait que nous voyons des progrès rapides, plus qu'avec les engagements budgétaires et les énoncés de politique, est la partie de l'équation qui m'impressionne le plus. Nous devons tous évaluer et réévaluer continuellement ce que les gouvernements et de nombreux groupes alliés essaient de faire. Cependant, à ce stade-ci, je continue d'être très optimiste que cela produit des résultats concrets et importants pour les taux d'extinction, pour les chances que nous transmettions une nature non amoindrie à la prochaine génération.
J'ai encore un livre qui porte sur la campagne pour les espèces en péril de 1988. Je me souviens de cette campagne. L'objectif était d'amasser 10 millions de dollars pour la conservation. Je me rends compte que nous avons fait beaucoup de chemin pour respecter notre engagement en vue de protéger la nature. Devons-nous faire plus? Il semble que ce soit le cas. Je pense que le Fonds de la nature plus particulièrement, en offrant une occasion pour les Canadiens, en tant que citoyens et sociétés, de verser une contribution équivalente pour la conservation et de participer aux efforts de conservation, fera partie de la transformation que M. Chan a mentionnée. Nous devons tous comprendre que la nature est importante dans notre vie et que nous devons tous participer à sa conservation.
Merci.
Durant la dernière minute qu'il me reste, je vais poser une question à M. Kerr, qui est un ancien collègue de l'Université d'Ottawa — je garde de bons souvenirs de cette époque.
Y a-t-il un demi-milliard supplémentaire qui n'a pas été attribué, dans le monde utopique dans lequel je vis, et qui pourrait être versé?
C'est très difficile pour les scientifiques de répondre à des questions aussi injustes parce que nous voulons toujours savoir ce qui vous tient à cœur. Si une chose ou une autre vous tient à cœur, c'est beaucoup plus facile pour nous de vous recommander un certain plan d'action.
J'aurais deux recommandations principales. D'abord, nous devons affecter une grande partie de nos ressources à l'amélioration de l'interrelation à l'échelle continentale, de façon à ce que les espèces puissent réagir aux environnements changeants en se déplaçant vers une nouvelle région pour trouver un habitat adéquat. Voilà ma première recommandation.
Ensuite, il ne faut pas se concentrer uniquement sur la protection des régions qui demeurent importantes pour la biodiversité parce qu'elles n'ont pas encore été détruites; il faut également songer à restaurer les régions où des gains énormes attendent d'être réalisés. Nous pourrions apporter des changements positifs importants à des endroits comme dans le Sud du Canada, où — je n'emploierais peut-être pas le terme « dégradation » — les changements d'utilisation des terres ont altéré la nature au point de la rendre inhabitable pour les espèces qui y vivent normalement. En restaurant ces habitats, on pourrait sauver de nombreuses espèces en péril du Canada.
Je pense que mes questions s'adresseront surtout à M. Chan.
Je suis heureux de savoir que vous venez de mon alma mater. Je ne sais pas si vous avez étudié là, mais vous y enseignez, je présume, et vous y faites vos recherches.
Par rapport aux subventions efficaces et inefficaces, vous avez abordé le sujet des subventions aux combustibles fossiles et vous avez dit que nous devions veiller à ce que les subventions contribuent à l'amélioration de la durabilité. Durant une de nos dernières séances, nous avons reçu la commissaire à l'environnement, et des questions ont été posées aux agents du ministère des Finances pour savoir si nous remplissions les engagements internationaux que nous avons pris dans le cadre du G20, je crois — les engagements visant l'élimination des subventions inefficaces aux combustibles fossiles.
J'aimerais savoir si, à votre avis, le terme « inefficace » a une signification particulière dans ce contexte et si vous avez une définition à nous proposer pour les termes « efficace » et « inefficace ».
Voilà une question de première importance, qui suit bien la question précédente, car la prochaine chose que nous devons nous demander, après avoir parlé de la façon de dépenser les fonds supplémentaires, c'est comment nous pouvons changer la façon actuelle de dépenser. Il n'est pas nécessaire de dépenser beaucoup plus d'argent.
En ce qui concerne la terminologie, nous avons fait exprès de ne pas employer les termes « subventions efficaces » et « subventions inefficaces » dans notre évaluation. L'efficacité se rapporte aux objectifs de la subvention, n'est-ce pas? Dans notre analyse, nous avons mis l'accent sur les objectifs. Bien sûr, il y a des méthodes efficaces et des méthodes inefficaces pour atteindre des buts, mais cette question a été examinée dans d'autres parties de l'évaluation.
Nous tenions absolument à établir la différence entre les subventions qui favorisent la production sans que des mesures explicites soient prises pour gérer la production croissante ou pour en assurer la durabilité — fixer un seuil minimal n'était pas suffisant — et les subventions soit qui ciblent directement et délibérément les activités de gestion et de transformation visant, par exemple, une économie s'appuyant sur l'énergie propre, soit celles qui exigent que la gestion soit prise en compte dans l'accroissement de la production.
D'après ce que j'ai compris, le Canada s'est engagé à éliminer progressivement les subventions aux combustibles fossiles — pas d'éliminer progressivement les subventions inefficaces, mais d'éliminer progressivement les subventions qui augmentent la production. Mais j'ai peut-être mal compris.
En gros, vous avez raison. La commissaire a souligné que la définition des termes « efficace » et « inefficace » déterminera à quel point le gouvernement défendra les subventions qu'il continue à accorder à l'industrie des combustibles fossiles. Elle a également souligné à juste titre que sans définition adéquate, il est peu probable que le gouvernement atteigne les objectifs du G20 qu'il s'est engagé à remplir.
Oui. J'ajouterais que ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est que si nous reconnaissons que les intérêts et les objectifs du gouvernement du Canada sont multiples et que la protection de l'environnement en fait partie, alors il est inefficace de subventionner la production, puis de déployer des efforts distincts en vue d'atténuer les effets négatifs sur l'environnement. Il est plus efficace d'adopter une approche coordonnée. Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut préciser les objectifs.
... avez utilisé ce terme dans une réponse.
Nous pouvons nous replier sur nous-mêmes et tenter de résoudre isolément les problèmes du Canada liés aux espèces. Nous pouvons aussi nous placer dans la perspective mondiale et nous déresponsabiliser par rapport à ce que nous faisons chez nous. De votre côté, vous avez parlé d'une approche continentale.
C'est logique puisque les espèces migrent d'un côté à l'autre de la frontière; en fait, elles ne reconnaissent pas les frontières. D'après ce que vous avez vu, les États-Unis sont-ils ouverts à une approche continentale?
Les possibilités de collaboration transfrontalière sont nombreuses. Or, comme mon travail est beaucoup plus axé sur la recherche que sur les autres gouvernements, je ne peux pas vous donner une réponse précise.
J'ai certainement été témoin de nombreux exemples de collaboration transfrontalière au chapitre de la gestion des aires protégées qui s'étendent des deux côtés de la frontière internationale. Notre collègue de Conservation de la nature pourrait sans doute vous donner plus de détails là-dessus.
De plus, de nombreux États et de nombreuses villes qui chevauchent la frontière sont très au fait des enjeux transfrontaliers et travaillent beaucoup ensemble. Dans l'Est de l'Amérique du Nord, le travail de la Commission mixte internationale qui gère le bassin des Grands Lacs sur plusieurs territoires est un bon exemple de collaboration transfrontalière.
Merci beaucoup à vous tous d'être ici aujourd'hui. Vous êtes d'excellents témoins.
J'ai été gestionnaire régional pour le Sud-Est de la Colombie-Britannique au ministère de l'Environnement, qui est responsable des écosystèmes, du poisson et de la faune. Puis, j'ai été gestionnaire du programme de conservation d'East Kootenay, qui gère l'achat de terres privées à des fins de conservation. À mes yeux, toutes les espèces sont importantes.
Le problème, c'est que beaucoup de gens considèrent la vie du point de vue de l'économie plutôt que de la conservation. Je me demande si nous commençons à nous améliorer.
Je sais que M. Kerr a commencé à parler de l'importance de l'extinction des espèces sur le plan économique, mais pourquoi les gens devraient-ils se soucier de l'extinction des espèces, tant du point de vue économique que personnel?
Je demanderais à M. Chan et à M. Kerr de répondre en premier, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez tous.
Vous posez une question importante qui a plusieurs réponses. D'abord, les espèces font partie des écosystèmes, et les écosystèmes offrent un large éventail de services précieux à de nombreux égards, y compris sur le plan économique. Ce type d'évaluation montre souvent que les avantages de la conservation ou de la restauration l'emportent sur les frais qui y sont associés.
Le problème, bien entendu, concerne l'internalisation de la prise de décisions du secteur privé. Une grande partie des avantages liés à la conservation ou à la restauration sont des avantages publics qui profitent à l'ensemble du pays, et ce, souvent seulement dans un avenir lointain.
Les problèmes sont liés principalement à la prise de décisions du secteur privé. Ces décisions permettent d'externaliser les frais associés aux activités économiques, ce qui oblige d'autres personnes à payer pour les dommages et pour la dégradation de l'environnement. De plus, le secteur privé tient seulement compte du court terme, c'est-à-dire qu'il se concentre sur ce qui arrivera dans les prochaines années, sans songer suffisamment aux effets à long terme.
Les espèces sont des éléments essentiels des écosystèmes, et les écosystèmes offrent des services précieux. En gros, les problèmes sont la privatisation excessive, ainsi que la prise en compte insuffisante des avantages publics et des avantages à long terme.
Merci.
C'est une excellente question à laquelle je tente couramment de répondre, souvent dans les médias, mais aussi juste pour moi-même. Pourquoi la diversité biologique nous tient-elle à cœur?
M. Chan vient de donner une partie de la réponse et il l'a très bien expliquée: les espèces font des choses importantes, et nous n'arrivons pas toujours à mesurer leur utilité en termes économiques. La notion des externalités est cruciale: nous tirons des avantages économiques des espèces de manière diffuse, mais nous mesurons rarement ces avantages. Par conséquent, lorsque nous provoquons par inadvertance l'extinction d'une espèce, le coût de nos actions est zéro parce que nous n'en mesurons pas les effets. Nous devons faire très attention à cela. Il y a de meilleures façons de faire.
Une autre partie de la réponse, d'après moi, c'est que si l'on réduit tout à la question de déterminer si la valeur économique de telle ou telle espèce est suffisante pour empêcher ou modifier le développement, dans de nombreux cas — probablement même dans la majorité des cas —, on décidera qu'à l'endroit précis ciblé, le rendement économique de la biodiversité est relativement faible. Cette décision a été prise un million de fois, et le résultat, c'est que nous faisons face à la pire crise d'extinction à l'échelle mondiale que nous avons vue en 65 millions d'années. C'est un fait.
La question est inquiétante, mais la dernière chose que je dirais — je sais que je dois conclure —, c'est que ce n'est pas vraiment l'argent qui compte. Ce qui compte, c'est de savoir dans quel genre de monde nous souhaitons vivre, et nous enlevons à nos enfants la possibilité de prendre une décision à cet égard en accordant toujours la priorité à la perspective économique à court terme.
Il y a plusieurs façons de répondre à la question « pourquoi les espèces sont-elles précieuses? » D'abord, il y a le point de vue utilitaire, et la science économique commence à trouver des moyens de mesurer la valeur des avantages que la nature procure aux humains.
Il y a deux ans, Conservation de la nature Canada s'est associée à la Banque TD pour évaluer la valeur du capital naturel des forêts canadiennes. Il y a de grandes variations, mais la valeur moyenne d'un hectare de forêt dépasse 25 000 $ par année, et si la forêt est entretenue, elle offrira ses services à tout jamais. Même l'économiste de TD a reconnu qu'il s'agissait certainement d'une sous-estimation puisqu'il est impossible d'attribuer une valeur économique à tout et que la valeur réelle est beaucoup plus élevée.
D'un point de vue utilitaire, je pense que la raison principale pour laquelle nous ne voulons pas perdre d'espèces, c'est que nous ne savons tout simplement pas quels seront les effets directs de l'extinction ou quels effets elle finira par avoir sur l'écosystème et les humains.
À mes yeux, l'autre raison, ce sont les valeurs intrinsèques, comme M. Kerr l'a dit. Voulons-nous vivre dans un monde où nous choisissons consciemment de laisser des espèces disparaître? Je montre un peu d'indulgence aux générations précédentes parce qu'elles n'avaient pas les données scientifiques ou les connaissances nécessaires pour savoir qu'il s'agissait du dernier habitat ou du dernier individu d'une espèce. Or, nous n'avons pas cette excuse aujourd'hui; nous savons quelles espèces sont menacées et risquent de ne plus exister pour les générations futures. C'est à nous de décider ce que nous allons sauver. Dans certains cas, nous devons décider très rapidement.
Notre temps est écoulé.
Nous sommes rendus à la fin du temps prévu pour le premier groupe de témoins. Le deuxième groupe de témoins est prêt; ils savent que c'est possible que nous soyons obligés d'aller voter.
Je demanderais aux membres du Comité de rester ici. Nous allons suspendre pendant une minute pour passer au prochain groupe de témoins.
Merci beaucoup pour les renseignements que vous nous avez fournis aujourd'hui et pour votre participation à la discussion. Malheureusement, étant donné le point où nous sommes rendus dans la session, nous ne pourrons pas préparer de rapport, mais nous trouvions important d'au moins vous inviter afin de discuter avec vous et de permettre aux Canadiens d'entendre ce que vous aviez à dire. Merci beaucoup pour vos témoignages.
Nous passons au prochain groupe de témoins.
Nous accueillons Mme Alison Woodley et M. Harvey Locke. C'est toujours un plaisir de vous voir.
Madame Woodley, je vous invite à présenter votre exposé. Vous avez sept minutes. Nous allons utiliser le même système de cartes pour vous indiquer quand il vous reste une minute et quand il est temps de conclure.
Merci beaucoup de m'avoir invitée à discuter avec vous aujourd'hui.
Je suis Alison Woodley, et je représente la SNAP, la Société pour la nature et les parcs du Canada, où je suis consultante en stratégie.
La SNAP est le seul organisme de bienfaisance pancanadien qui se consacre exclusivement à la protection de nos terres publiques, de nos eaux intérieures et de nos océans. Quatre-vingt-dix pour cent des terres et la totalité des eaux intérieures et des océans de notre pays relèvent du domaine public. C'est donc très vaste, et cela représente une énorme responsabilité. Nous avons 13 sections régionales à l'échelle du pays, un bureau national, ici, à Ottawa, et environ 100 employés qui travaillent sur le terrain partout au pays avec tous les ordres de gouvernement, les gouvernements autochtones, les collectivités locales, l'industrie et d'autres partenaires, à la protection d'une plus grande partie de notre paysage terrestre et marin.
La SNAP a une vision audacieuse: protéger au moins la moitié des terres publiques, des océans et des eaux du Canada. Nous avons adopté cette vision en 2005, en réponse à la masse croissante de données scientifiques montrant la nécessité de prendre des mesures de conservation de cette envergure pour protéger la santé de la nature sur laquelle nous comptons, nous et toutes les autres espèces avec lesquelles nous partageons la Terre, pour notre existence et pour notre bien-être.
Depuis 2005, l'appui manifesté pour cette façon de penser a énormément augmenté. De nombreux scientifiques, organismes et citoyens, au Canada et à l'étranger, reconnaissent maintenant qu'il faut des mesures de conservation de cette portée, et le rapport IPBES ne fait pas exception. Il souligne l'urgence de la situation relative à la nature et au climat à l'échelle mondiale, l'interaction entre ces deux aspects et la nécessité d'intensifier les mesures que nous prenons.
Le mouvement mondial Nature Needs Half prend de l'ampleur partout sur la planète. Une pétition d'Avaaz en est maintenant à 2,2 millions de signatures. Le scientifique E.O. Wilson, l'un des biologistes les plus célèbres dans le monde, a publié un livre intitulé Half-Earth, il y a quelques années. National Geographic, qui s'invite dans les salons de millions de personnes dans le monde, s'est fait le champion d'un objectif ultérieur à 2020 en matière de diversité, qui englobe la protection de la moitié de la terre. Le dirigeant autochtone Herb Norwegian, ancien grand chef des Premières Nations du Deh Cho, est un partisan de la première heure.
Je suis désolé de vous interrompre.
La sonnerie commence à se faire entendre, et quand c'est le cas, il nous faut le consentement unanime pour poursuivre la réunion. Étant donné que nous sommes tout près, êtes-vous d'accord pour que nous poursuivions un peu la réunion? Si nous poursuivons encore 20 minutes, cela va nous laisser 10 minutes pour nous rendre à la Chambre.
Des députés: D'accord.
Le président: Nous allons donc poursuivre et au moins entendre les témoignages. Nous verrons ensuite si nous avons le temps de poser des questions.
Toutes mes excuses.
Les Canadiens sont prêts pour d'importants objectifs de conservation, et le Canada est prêt à prendre les devants. L'année passée, j'ai participé avec l'Université du Nord de la Colombie-Britannique à l'étude d'une enquête pancanadienne qui a été publiée dans FACETS, une revue à comité de lecture.
Entre autres questions, nous avons demandé aux répondants la proportion des terres et des océans de notre pays qu'il faudrait protéger. La réponse la plus courante était de 50 % pour les terres et pour les océans. La moyenne se situait entre 43 % et 51 %. Les Canadiens sont partants pour l'adoption d'objectifs audacieux de conservation.
L'évaluation de l'IPBES est en réalité un appel à l'action. Elle confirme que cette urgence existe, que les changements climatiques et la nature sont interreliés et qu'il y a un renforcement mutuel entre ces deux situations urgentes. Nous devons mieux reconnaître que les mesures de conservation nous aident à nous attaquer aux changements climatiques et que les mesures de lutte contre les changements climatiques peuvent contribuer à renverser la perte de biodiversité. Il est important de fixer des objectifs à grande échelle de protection et de rétablissement des terres et des océans, et de les mettre en œuvre d'une manière planifiée, afin de conjuguer ces discussions et de faire avancer ces deux aspects.
Le Canada a une excellente occasion de montrer la voie, et nous pressons le Canada de se faire le champion d'un objectif global de protéger la moitié de la Terre et d'établir un jalon correspondant à une protection de 30 % de la Terre d'ici 2030 au moins, dans le prochain plan stratégique de la Convention sur la diversité biologique qui fait en ce moment l'objet de discussions à l'échelle mondiale et au Canada. Nous pressons également le Canada d'adopter ces cibles sur son propre territoire. C'est nécessaire, et c'est réalisable. La SNAP a publié un rapport, il y a quelques semaines, montrant que c'est possible dans les océans. J'ai ici des exemplaires à vous donner. La version française est en cours de production. Je vous invite à venir m'en demander un exemplaire après.
La dernière fois que j'ai comparu devant le Comité, nous discutions des aires protégées et de la façon d'atteindre les objectifs fixés pour 2020, de 17 % en matière de biodiversité, et de 10 % en matière de protection. En trois ans, en partie grâce au rapport important que vous avez publié et qui a fait l'unanimité des membres de tous les partis, ainsi qu'aux efforts de nombreuses autres personnes, nous avons connu la plus forte augmentation jamais vue du pourcentage d'aires et d'océans protégés au Canada — huit fois plus en trois ans —, et nous avons mis en place pour la première fois des normes de protection minimale pour les zones marines protégées. Nous sommes en voie d'atteindre ces cibles pour les océans et vraisemblablement de les dépasser d'ici 2020. De plus, dans certaines régions, on travaille à la planification de réseaux plus complets de zones marines protégées pour après 2020. Il reste du travail à faire, naturellement, mais il y a de grands progrès.
En ce qui concerne les terres, pour la plupart contrôlées par les gouvernements provinciaux et territoriaux, les progrès sont plus lents, mais quand même importants. Le gouvernement fédéral a réuni les gouvernements et les peuples autochtones dans le cadre de l'initiative En route vers l'objectif 1 que d'autres témoins ont mentionné.
Ils ont investi plus de 1,3 milliard de dollars dans la conservation de la nature terrestre, et nous sommes nombreux dans la pièce à avoir travaillé avec acharnement à la réalisation de cela. Surtout, ce financement ne se limite pas au gouvernement fédéral, mais il inclut les partenaires sur le terrain, ce qui est essentiel. Le nouveau Fonds de la nature suscite énormément d'intérêt pour la protection d'une plus grande partie du territoire, partout au pays, en particulier chez les gouvernements et les collectivités autochtones. Ce fonds fait l'objet d'une si forte demande qu'il n'arrive pas à suffire, ce qui montre l'ampleur de l'intérêt qui existe partout au pays concernant la protection d'une plus grande partie de nos terres et de nos océans, ainsi que l'occasion que nous avons, ici au Canada, de soutenir les efforts sur le terrain.
Nous devons continuer d'appuyer sur l'accélérateur pour réaliser nos objectifs de 2020, mais comme l'indiquait votre rapport publié il y a quelques années, il s'agissait de cibles provisoires. Elles ont toujours été des cibles provisoires. Elles ne suffisent pas à atteindre le but lié à la conservation de la biodiversité. Le temps est maintenant venu pour le Canada de regarder au-delà de 2020 et de fixer des cibles ambitieuses fondées sur la science et sur les connaissances autochtones de ce qu'il faut faire pour sauver la nature, soit environ la moitié de la Terre.
Le rapport de l'IPBES souligne quelques autres choses que je veux rapidement mettre en lumière. Premièrement, il met en évidence l'importance de la conservation menée par les Autochtones, et il y a au Canada une occasion énorme à saisir. Deuxièmement, il souligne l'importance de veiller à ce que les prochaines cibles soient qualitatives et quantitatives, pour que nous puissions atteindre notre but relatif au renversement du déclin de la nature et à la lutte contre les changements climatiques. Troisièmement, il présente des arguments convaincants à l'appui de l'augmentation du soutien financier qui existe — les avantages évidents de le faire —, ce qui comprend la transformation des subventions en mesures incitatives, comme mes collègues du précédent groupe de témoins l'ont souligné.
Je vais terminer rapidement en disant que le rapport de l'IPBES souligne les défis auxquels nous faisons face, mais également les occasions que nous avons d'agir avec détermination et d'avoir des effets réels. Le Canada a une formidable occasion de prendre les devants, et je vous encourage à nous aider à saisir cette occasion.
La SPAN est résolue à aider de toutes les façons possibles.
Merci.
Merci de votre exposé, madame Woodley.
Nous allons maintenant écouter Mme Justina Ray, par vidéoconférence.
Madame Ray, merci d'être avec nous aujourd'hui. Je vais vous donner environ sept minutes pour votre déclaration liminaire. Je vais lever le carton jaune quand il restera une minute, et le carton rouge quand il sera temps de conclure. Nous passerons alors à notre dernier témoin.
C'est à vous, madame Ray
C'est excellent. Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
Ma perspective est celle d'une scientifique spécialisée dans la biodiversité. Je suis la présidente et la scientifique principale de la Wildlife Conservation Society Canada, et je suis professeure associée dans deux universités, l'Université Trent et l'Université de Toronto. Ma perspective s'appuie sur mon expérience de recherche sur le terrain portant particulièrement sur les mammifères de la forêt boréale, mais également sur les mammifères des régions tropicales, ce qui fait que j'apporte un point de vue international. Je participe de façon intensive à l'interface entre les sciences et les politiques, tant à l'échelon provincial qu'à l'échelon fédéral. J'ai récemment terminé un mandat de neuf ans en tant que coprésidente du Sous-comité des mammifères terrestres du COSEPAC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, l'organisme qui évalue les espèces en péril en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Je sais très bien ce qu'il fallait faire pour produire ce rapport, le type de processus, et je comprends les conclusions du résumé à l'intention des décideurs qui a été publié la semaine dernière.
Je vais utiliser le peu de temps que j'ai pour vous parler de ce qui fait que ce rapport particulier est unique, des raisons pour lesquelles il mérite qu'on lui accorde une attention toute spéciale, des constatations qui sont les plus pertinentes pour le Canada, et de ce qu'il dit au sujet des solutions au Canada.
En ce qui concerne le caractère unique du rapport, je souligne le nombre impressionnant d'études qui ont servi à préparer les constatations du rapport — quelque 15 000 articles assemblés par 150 scientifiques et soumis à une évaluation rigoureuse par les pairs. L'autorité du processus des Nations unies est très particulière. Nous avons déjà cela avec le GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, un organisme très semblable. Cela signifie que les résultats, les constatations et ainsi de suite sont rédigés par des scientifiques et approuvés par divers gouvernements. Les 130 gouvernements participants l'ont approuvé. Ce n'est donc pas l'opinion d'une poignée de gouvernements, et il a subi des processus d'examen très rigoureux.
Deuxièmement, les tendances qu'il révèle sont extrêmement pertinentes à l'échelle mondiale. Elles sont partout. Pour la faune de nombreux écosystèmes, du point de vue de la santé et du fonctionnement, il est très évident que ces tendances à la détérioration s'accélèrent et s'intensifient depuis 50 ans en particulier. Ce taux de changement est énorme, par rapport aux 10 millions d'années précédentes, et cela va certainement se poursuivre.
Les constatations n'ont pas surpris la plupart des scientifiques spécialistes de la faune et scientifiques spécialistes des écosystèmes. Nous voyons la preuve de cela dans les études qui sont publiées presque tous les jours. Nous sommes nombreux à avoir été des témoins directs de ces tendances dans les endroits que nous connaissons le mieux. Nous avons nous-mêmes déjà transmis bon nombre des messages clés que le rapport contient.
Quels sont les éléments de ce rapport qui sont les plus pertinents pour le Canada? Le Canada n'est mentionné nulle part dans le résumé. Je crois qu'aucun autre pays n'est mentionné non plus. Certaines tendances régionales sont évidentes. On accorde une grande attention aux régions tropicales, mais nous ne devons pas sombrer dans la complaisance à cet égard, car de nombreuses constatations sont directement pertinentes pour le Canada, sinon toutes, et je vais n'en nommer que quelques-unes.
Les facteurs d'appauvrissement de la biodiversité et de sa dégradation sont à peu près les mêmes au Canada que dans le reste du monde. Comme on le signale dans le résumé, la conversion des terres, la surpêche, les changements climatiques, la pollution, les espèces étrangères envahissantes et la surexploitation en certains endroits sont les principaux facteurs de la dégradation des espèces et des écosystèmes, ici au Canada. La disparition de l'habitat est au premier plan. Certains écosystèmes, comme les milieux humides et les prairies, ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils ont déjà été.
Certaines menaces sont pires au Canada que dans le reste du monde. Il y en a deux qui sont notoires. On mentionne particulièrement dans le rapport la surexploitation des pêches dans le Nord-Est de l'Atlantique et dans le Nord-Ouest du Pacifique. Il y a aussi manifestement la menace des changements climatiques qui est très présente dans les hautes latitudes.
Ce sont de graves menaces qui sont plus problématiques au Canada que n'importe où ailleurs dans le monde. Le Canada a peut-être moins d'espèces, mais les tendances relatives aux principaux groupes d'espèces sont semblables, pour des raisons semblables — les grands mammifères, les oiseaux, les amphibiens, les reptiles. Des groupes d'espèces autrefois communs chez nous risquent maintenant soudainement de disparaître, comme la petite chauve-souris brune, l'hirondelle rustique et la tortue serpentine.
La disparition d'espèces a déjà des ramifications évidentes concernant la sécurité alimentaire dans certains endroits au Canada. Le caribou dans le Nord est un exemple très clair.
Nos connaissances mettent l'accent sur une poignée d'espèces et une poignée d'espèces en péril, mais c'est très partiel. Il y a 80 000 espèces au Canada, et nous en savons très peu à propos de la plupart de ces espèces. Le message est le même ici que partout ailleurs dans le monde.
Le phénomène d'homogénéisation est une autre chose dont le rapport traite. À cause des menaces de perte d'habitat, de l'introduction d'espèces étrangères envahissantes, tout devient plus clair pour les gagnants plutôt que pour les perdants. Il y a des espèces gagnantes et des espèces perdantes, dans ce jeu. De nombreux endroits que nous connaissons deviennent de plus en plus homogènes, du point de vue de la végétation et de la faune, peu importe l'écosystème sous-jacent qu'il y avait avant. Nous voyons cela de plus en plus.
Qu'est-ce que cela nous apprend à propos des mesures requises dans le contexte canadien? J'ai mentionné l'insouciance du public à cet égard, dans le sens que bien des gens se font prendre à croire que ce rapport n'est pertinent que pour les régions tropicales. Comme je vous l'ai dit, ce n'est pas le cas. Ce rapport a très bien mis en lumière la relation entre la nature et le bien-être des humains. C'est une des constatations qui ont été extrêmement bien énoncées. Ce n'est tout simplement pas aussi évident pour la plupart des gens. Cela ne ressort pas comme étant aussi dramatique que les événements météorologiques que l'on comprend de mieux en mieux. Une étude récente a montré que les médias parlent beaucoup plus des changements climatiques que de la perte de la biodiversité; environ huit fois plus.
En général, nos gouvernements ne sont vraiment pas équipés pour s'attaquer d'une manière holistique à la question de la biodiversité. J'aimerais mettre l'accent sur deux rapports récents qui soulignent cette situation d'une façon semblable à l'IPBES. Le premier est le rapport fantastique que votre comité permanent a rédigé en 2016, intitulé « La durabilité fédérale pour les générations futures ». J'ai mentionné et souligné la nécessité d'une approche vraiment intégrée et pangouvernementale d'élaboration des politiques. Le Conseil des académies canadiennes a publié un rapport semblable, mandaté par Ressources naturelles Canada et intitulé « Plus grand que la somme de ses parties ». Il a été publié en janvier et traite de la nécessité d'une gestion intégrée des ressources.
Pour terminer, je vais dire trois choses. Premièrement, même si nous avons beaucoup de raisons de nous inquiéter, les possibilités de conservation dans ce pays demeurent énormes. Le Canada étant le deuxième plus grand pays du monde, nous avons des régions et des systèmes arctiques importants à l'échelle mondiale qui sont toujours intacts sur le plan écologique. En plus d'être des bastions pour des espèces importantes qui ont perdu du terrain ailleurs, ce sont des endroits où la nature offre d'importants lieux de séquestration du carbone. L'expérience nous fait comprendre que nous ne pouvons pas les tenir pour acquis. La conservation menée par les autochtones sera très importante à l'avenir.
Deuxièmement, les aires protégées, comme nous venons de l'entendre, sont vraiment très importantes, mais les zones intermédiaires le sont également. La situation du Parc national du Canada Wood Buffalo, le plus vaste parc national au Canada, est un excellent exemple de cela.
Troisièmement, il faudra investir beaucoup plus et notamment porter attention aux subventions.
Merci beaucoup.
C'est excellent. Merci beaucoup de vos exposés.
Monsieur Locke, ce sera à vous. Il nous reste 16 minutes, alors je vais mettre six minutes à la minuterie. Je vous le dirai quand votre temps est écoulé.
J'ai demandé des diapositives PowerPoint pour soutenir mes observations. En attendant, je remercie tous les membres du Comité pour le temps que j'ai pu passer avec vous à Banff et pour l'effet que votre rapport a eu. Je suis dans le milieu depuis un certain temps, et j'ai rarement vu un rapport faire autant bouger les choses.
Je pense que de grandes choses ont été faites depuis trois ans pour secouer l'apathie du Canada en matière de conservation de la nature. J'espère juste que nous pourrons continuer, peu importe le dénouement cet automne. L'esprit qui anime ce comité pour aller de l'avant m'a vraiment inspiré la dernière fois que je vous ai rencontrés, et j'espère que cela se poursuivra.
Je vais passer rapidement à mon exposé.
Il porte sur les antécédents d'utilisation des terres. Il faut surtout en retenir que ce que l'humain fait aux terres détermine nos mesures de conservation ainsi que l'état de la biodiversité ou de la nature. À la première diapositive, une carte montre les antécédents d'utilisation des terres du Canada. Le rouge vif ou la couleur saumon au sud indique où nous vivons et produisons nos aliments. Les zones vertes représentent les endroits où s'affairent les secteurs forestier, pétrolier, gazier et miner. Les zones bleues sont toujours sauvages.
Regardez cette carte. Elle montre tout simplement ce que nous faisons en tant qu'humains. La diapositive suivante montre la répartition des espèces en péril au Canada. Vous verrez la corrélation univoque entre ce que nous faisons et les zones où les choses vont bien et celles où elles vont mal.
Un certain nombre d'intervenants ont parlé du Sud. C'est là que la terre est cultivée, que se trouvent nos villes, que nous vivons tous et que nous obtenons notre nourriture. Il y a ensuite les zones intermédiaires. Nous pouvons voir une bande étroite qui descend le long des Rocheuses où les couleurs sont un peu mieux; c'est le corridor de Yellowstone au Yukon et la vallée de la rivière Flathead dont nous avons beaucoup parlé lorsque nous étions ensemble à Banff.
Les zones bleues sont les grands parcs des Rocheuses canadiennes: Banff et Jasper, et les parcs en Colombie-Britannique comme Wells Gray, qui se rendent jusqu'au sud du Canada. C'est une zone où la nature sauvage se rend jusqu'au sud du Canada; il y a aussi le parc Quetico.
Nous avons ces conditions très différentes dans notre pays. Elles nécessitent différentes interventions en matière de conservation et s'appliquent partout dans le monde. Je suis le principal auteur d'un article qui paraîtra bientôt et qui a été rédigé par des personnes du monde entier. Il porte sur les trois conditions mondiales qui existent pour la conservation et l'utilisation durable. Les tendances observées au Canada le sont également en Chine, en Colombie et en Australie. C'est ainsi que nous devons voir les choses lorsque nous planifions notre relation avec la nature.
Essentiellement, le monde compte des villes et des fermes, des terres partagées et de grandes zones de nature sauvage. Les stratégies nécessaires pour les trois sont différentes. Tous les témoins qui ont comparu avant moi ont justement parlé de diverses dimensions de cette répartition.
Dans les grandes zones de nature sauvage, nous devons garder intact l'ensemble des écosystèmes. Le Canada a la chance d'avoir de vastes aires sauvages. Nous stockons beaucoup de carbone dans ces zones sauvages. Le bassin du Mackenzie et les basses terres de la baie d'Hudson comptent parmi les endroits au monde où le stockage de carbone est le plus important. C'est également là que des Autochtones interagissent encore avec la nature conformément à leurs traditions, grâce à des régimes de gestion qui méritent d'être préservés.
Quant aux zones intermédiaires, c'est là que s'applique bien l'idée de corridors interreliés assortis de grandes zones protégées, comme celui qui s'étend de Yellowstone au Yukon. Nous devons protéger entre 25 à 75 % de chaque région écologique. Comme il a été dit, des mesures de restauration sont nécessaires dans les zones où se trouvent nos villes et nos exploitations agricoles. Nous devons gérer l'utilisation de l'azote. Nous devons garder nos pollinisateurs. Nous avons besoin de bonnes mesures d'urbanisme. Nous devons donner aux gens un accès à la nature.
Mises ensemble, ces trois stratégies pourraient entraîner beaucoup de changements demandés dans le rapport de l'IPBES, mais nous devons prendre simultanément les bonnes mesures aux bons endroits partout au pays. Aucune mesure n'est plus importante que les autres. La biodiversité dans le Sud n'est pas plus importante que le caribou dans le Nord, tout comme les grizzlys des Rocheuses ne sont pas plus importants que les grenouilles du Sud-Ouest de l'Ontario où on cultive des tomates.
Nous devons tout sauver, et je crois que nous devons aider le monde entier à le faire. Notre pays est à la hauteur. C'est une version rapide de cinq minutes de mon exposé.
Merci.
Il ne reste qu'un peu plus de 10 minutes. Il sera bientôt presque 17 h 10. Les députés veulent-ils revenir? Nous aurions environ 10 minutes pour poser rapidement des questions et entendre les réponses. Nous pourrions accorder quatre minutes par parti et au moins faire une série de questions, si nos trois témoins sont disposés à rester et à prendre un café pendant notre absence.
Des députés: D'accord.
Le président: Bien. Nous allons suspendre la séance. Nous allons revenir tout de suite après le vote et reprendre.
Merci.
Reprenons.
Monsieur Locke, vous vouliez expliquer rapidement deux diapositives avant les questions. Nous les avons ici, je crois. Nous allons les examiner pour ensuite faire des séries de questions très écourtées.
Merci, monsieur Aldag.
J'en ai parlé. C'est une carte mondiale du carbone organique du sol. On entend beaucoup parler du carbone au-dessus du sol dans les forêts tropicales et de la nécessité de sauver ces forêts, mais sur terre, le carbone se trouve à l'un des trois endroits suivants: au-dessus du sol, dans les arbres et autres choses — en passant, nous sommes tous faits de carbone —; à moitié dans le sol et à moitié dans la végétation dans les régions tempérées; ou presque entièrement dans le sol dans les latitudes septentrionales.
Deux des plus grandes réserves de carbone au monde sont au Canada aux alentours des basses terres de la baie James et en aval du bassin du Mackenzie, à partir du Grand Lac des Esclaves.
Pourquoi est-ce important? Si nous mobilisons ce carbone en puisant dans la zone, il se retrouvera dans le ciel et deviendra une énorme source d'émissions. Fait intéressant, il y a un chevauchement formidable entre l'endroit où se trouve le carbone au Canada et l'habitat du caribou. Selon les données scientifiques, pour garder le caribou au pays, nous avons besoin de maintenir intacts les deux tiers de son aire de répartition, ou il va disparaître. C'est très simple. C'est catégorique. On s'entend pour dire, même dans des accords fédéraux-provinciaux-territoriaux aux Territoires du Nord-Ouest, que si nous fragmentons plus du tiers de l'habitat du caribou, il va disparaître, un point c'est tout.
Par conséquent, la possibilité de faire d'une pierre deux coups en protégeant le carbone à ces deux endroits et en protégeant le caribou est formidable. C'est vraiment une importante stratégie pour atténuer ou éviter le changement du climat.
De la même façon, en Amazonie — comme dans le bassin du Congo —, nous devons préserver les grandes forêts tropicales à cause non seulement des espèces qui y vivent, mais aussi parce qu'elles créent de la pluie. Cela importe pour vous et moi parce que la pluie en Amazonie est à l'origine des accumulations de neige de la Sierra Nevada en Californie, ce qui rend possible la production de légumes dans la vallée centrale de la Californie des légumes que nous mangeons tous l'hiver. On estime que si une proportion de 20 % de la forêt amazonienne est défrichée — on en est maintenant à 18 % —, la forêt disparaîtra étant donné que l'écosystème sera moins résilient, et l'endroit deviendra une savane, ce qui signifie qu'il y aura de rares arbres et beaucoup d'herbe, comme au Serengeti. Si cela se produit, le cycle de pluie cessera et les conséquences seront incroyablement graves.
Ce sera la même chose si nous mobilisons le carbone organique dans le Nord du Canada. Quand nous pensons à la nature, nous devons penser non seulement aux espèces et aux animaux, mais aussi à son utilité. Ces grandes régions sauvages sont extrêmement utiles puisqu'elles stockent le carbone, ce qui nous donne un climat stable et de la pluie. Cela fait partie de la troisième catégorie dont j'ai parlé dans mes observations.
Nous avons ici une carte de la répartition des grands mammifères, des carnivores et des ongulés en Amérique du Nord dans le passé et aujourd'hui.
Nous voyons que dans cette partie du monde, il y avait beaucoup de grands mammifères. Il y avait des bisons à Buffalo, dans l'État de New York, par exemple. Ce que nous voyons, c'est une contraction de l'habitat au nord et à l'ouest. Ce qui se produit lorsque nous fragmentons l'habitat pour pratiquer l'agriculture, c'est une perte de grands mammifères. Il y a une règle très simple: plus nous réduisons leur habitat, plus nous en perdons. Surtout dans ces régions, nous devons avoir de grands systèmes de régions protégées interreliées. Pour vous donner un exemple, regardez la répartition dans le passé, à gauche, où les couleurs sont plus foncées, alors qu'à droite, il n'y a plus de grands mammifères où c'est blanc. Ce sont les grandes zones agricoles du centre des États-Unis. C'est là que poussent tout le maïs et tout le blé. Vous pouvez observer une diminution complète ou la disparition des grands mammifères.
Les endroits où les couleurs sont demeurées foncées sont les grandes aires protégées, ce qui explique pourquoi ce qui a été dit au sujet des grandes aires protégées interreliées dans les terres partagées est si important. À défaut d'avoir de grandes aires protégées interreliées, nous n'allons tout simplement plus avoir de grands mammifères.
Nous devons adopter ces trois stratégies sur l'ensemble du territoire. Voilà qui met fin à mes deux minutes. Merci.
Parfait. Merci beaucoup pour ces renseignements supplémentaires.
Nous allons faire très rapidement trois questions. Il nous reste 10 minutes. Nous allons accorder trois fois trois minutes, ce qui nous mènera à la fin de la séance.
Monsieur Bossio, nous vous donnons la parole pour...
Parfait.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous de votre participation cet après-midi. Nous vous sommes vraiment reconnaissants d'avoir témoigné. Il y a beaucoup d'information utile.
Les témoins précédents nous ont beaucoup parlé de l'utilité de la biodiversité et de nos investissements — 1,3 milliard de dollars — dans les aires protégées, et vous êtes nombreux ici à avoir joué un rôle important dans ce dossier.
Monsieur Locke, ce fut un plaisir de vous rencontrer à Banff, de faire la visite et de parler de l'importance de la biodiversité là-bas et de la mesure dans laquelle elle existe.
Au-delà des aires protégées, il y a l'investissement de 1,5 milliard de dollars pour le Plan de protection des océans. Ce sont les investissements que nous faisons à ce niveau, et ils s'opposent à ce qui se fait à l'échelle provinciale, notamment en Ontario compte tenu du projet de loi 108.
Cette question est précisément pour vous, madame Ray, puisque vous connaissez bien l'Ontario et les mesures qui y sont prises, comme l'annulation du programme de plantation d'arbres de 50 millions de dollars et le fait que la province n'a plus de commissaire à l'environnement, qui pouvait exercer une surveillance.
Nous avons ici, en Ontario, 243 espèces en péril et il y a maintenant pour les promoteurs et les espaces protégés une mesure législative, le projet de loi 108, qui s'appuie sur le principe utilisateur-payeur. Pouvez-vous nous donner une idée de l'incidence que cette mesure aura dans la province et nous dire comment elle va vraiment nuire à ce que nous tentons de faire à l'échelle fédérale?
Ce sera un grand pas en arrière, même si cela dépend de la mise en œuvre. Paradoxalement, le gouvernement ne se rend pas compte qu'une grande partie des changements vont probablement se traduire par des formalités administratives supplémentaires et plus de difficultés à affronter.
La mesure législative dont vous parlez, le projet de loi 108, est un gigantesque projet de loi omnibus qui comportait 20 pages de modifications à la loi sur les espèces en voie de disparition, une loi emblématique. Ces modifications serviront à réduire le nombre d'espèces en péril à l'aide de divers moyens et procureront aussi beaucoup de souplesse et de pouvoir discrétionnaire par rapport à la façon dont les habitats sont protégés grâce à beaucoup de moyens différents.
Les promoteurs profiteront encore d'un processus qui leur donnera des options, notamment la possibilité de contribuer à un fonds de conservation qui, compte tenu des nombreuses étapes à suivre, sera peut-être utilisé d'une certaine façon pour aider les espèces en péril, mais qui n'aura rien à voir avec l'activité proprement dite ou les répercussions.
Il y a aussi beaucoup d'autres problèmes, notamment la façon dont on s'organise sur le plan de la biodiversité. Essentiellement, la responsabilité sera dorénavant partagée entre deux ministères. Le ministère des Richesses naturelles se concentrera sur la sous-catégorie d'espèces sauvages que nous utilisons, dans le cadre de la chasse, de la pêche et ainsi de suite, et il déploiera beaucoup d'efforts à cette fin. Par ailleurs, c'est un autre ministère qui s'occupera de l'autre sous-catégorie d'espèces en péril qui ne sera pas encore protégée, et il y a aussi des compressions dans le programme des parcs.
Les investissements seront également touchés. En effet, il y aura beaucoup de compressions budgétaires et de remaniement de personnel dans différents ministères. Ce sera très chaotique et nébuleux, mais c'est vraiment dans le but de se montrer ouvert aux affaires, de faciliter la tâche des promoteurs qui souhaitent exploiter les ressources grâce à une réduction des exigences pour...
Il y aura alors très peu de véritables...
Permettez-moi de vous interrompre une seconde. L'objectif est d'être ouvert aux affaires, mais cela va nuire aux affaires à long terme compte tenu des répercussions sur la biodiversité et les espaces protégés, n'est-ce pas?
Oui, tout à fait. Je ne pense pas que ce sera à long terme une très bonne recette pour les promoteurs, les sociétés minières et ainsi de suite. Même si c'est manifestement ainsi qu'on procède, cela se traduira autrement par d'énormes formalités administratives, ce qui nuira au succès des promoteurs, par exemple dans le secteur forestier et ainsi de suite. C'est donc grandement préoccupant.
Il sera surtout question de terres provinciales; c'est donc vraiment un problème fondamental.
Merci.
Nous allons passer à M. Berthold, pour trois minutes.
Vous êtes libre de partager votre temps si vous le souhaitez.
[Français]
Merci beaucoup.
Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
Je vais essayer d'être bref. Depuis tantôt, on discute de décisions prises à de très hauts niveaux. On montre la terre, le pays, la province.
J'ai été maire de Thetford Mines pendant sept ans et j'ai vu des situations où on nous demandait de protéger certaines petites espèces comme des grenouilles. Les citoyens se demandaient pourquoi on arrêtait des projets pour protéger ces espèces.
Dans tout ce débat, il ne faut pas oublier les personnes qui subiront les conséquences des décisions qui seront prises, que ce soit sur le développement de leur région ou sur leur mode de vie. Malheureusement, ce n'est pas beaucoup mentionné dans les documents que j'ai vus. C'est un commentaire général, mais je pense que c'est important. Quand vient le temps de prendre de telles décisions, il faut tenir compte des répercussions qu'elles auront sur les collectivités autochtones ou d'autres comme la mienne, Thetford Mines. Chez nous, il y a eu des mines d'amiante pendant des années et on a laissé notre territoire complètement ravagé et sans aucun habitat, puisque c'est mort. Que va-t-on faire de ces gens? Les décisions qui ont été prises ont eu des répercussions sur eux et il ne faudrait pas l'oublier.
Monsieur le président, j'aurais beaucoup aimé avoir le document français du résumé à l'intention des décideurs politiques. Cela aurait été très intéressant, car il contient beaucoup d'information que j'aurais aimé lire et vous communiquer. Il faudra suivre ce dossier très attentivement.
Je n'ai pas le temps de poser des questions, mais je veux uniquement souligner qu'il ne faut pas oublier les décideurs locaux et les gens qui subiront les conséquences de telles décisions. Sinon, cela ne fonctionnera pas et les gens manifesteront leur opposition.
Monsieur Shields, je vous cède la parole.
[Traduction]
Merci. C'est une bonne observation.
Monsieur Locke, je pense que beaucoup d'entre nous connaissent la vallée de la rivière Flathead. Avez-vous des mesures à nous proposer? Comme beaucoup d'entre nous le savent, l'interrelation entre les aires est essentielle. Avez-vous des mesures à nous proposer pour l'avenir? Nous allons être de retour ici à un moment donné.
La vallée de la rivière Flathead, du point de vue de la biodiversité et du dénombrement des espèces, est la région la plus importante à protéger au pays. Elle joue un rôle essentiel dans le corridor qui va de Yellowstone au Yukon.
Je pense qu'il faut d'abord nouer le dialogue avec la nation Ktunaxa, qui a une revendication territoriale ou une question de traité non résolue au Sud-Est de la Colombie-Britannique. Le projet de station du glacier Jumbo est très important pour elle. Ce l'est également pour les grizzlys. Nous avons besoin d'une approche régionale cohérente qui fonctionne pour la Première Nation Ktunaxa et qui se traduira par une bonne protection de ces espaces utiles et par un lien entre eux, de la vallée de la rivière Flathead, qui est près du parc Waterton-Glacier, jusqu'à Banff.
Malheureusement, ce qui se produit actuellement sur le terrain, c'est le déclin de la population d'ours entre le bas du parc national Banff et la vallée de la rivière Flathead. La population de chèvres des montagnes subit le même sort entre ces deux endroits. J'ai aussi entendu dire que la population de wapitis a diminué. Nous avons des problèmes, car nous avons bouleversé l'endroit. Nous devons prendre des mesures pour relier à nouveau cette zone et protéger la vallée de la rivière Flathead.
Je vous remercie de continuer de vous intéresser à cet endroit très spécial.
Lorsque M. Stetski aura eu ses trois minutes, nous ferons le point sur le bison si nous en avons la chance. Ce serait bien.
Je dois prononcer un discours sur les changements climatiques dans environ 10 minutes.
J'ai une question à vous poser. Il y a deux ou trois aspects dont j'aimerais parler. Premièrement, le trouble déficitaire de la nature et les répercussions qu'il peut avoir sur la question de savoir si les jeunes d'aujourd'hui se soucient ou non des espèces en péril, et ce que nous devrions faire de plus.
Deuxièmement, notre comité a envisagé d'examiner la Loi sur les espèces en péril. Très franchement, ce qui me préoccupe à cet égard, c'est que certains auraient pu vouloir affaiblir la loi, tandis que d'autres pensent qu'il y a certainement lieu de l'améliorer.
Si vous avez une certaine opinion sur l'une ou l'autre de ces questions, je serai ravi de l'entendre.
Je m'en remettrais peut-être à Justina, pour ce qui est de la Loi sur les espèces en péril, car elle s'y consacre depuis 10 ans.
Je vais y répondre. Vous répondez à la question qui porte sur la Loi sur les espèces en péril.
Des voix : Ha, ha!
Je veux répondre à celle-là d'abord, car je disais que la perte de liens a une incidence sur l'urgence de la question. Les changements climatiques sont bien davantage ressentis dans l'immédiat par la population générale et ils attirent davantage l'attention des médias et de la population sur cette question comme un problème pressant à régler, alors que les gens ne comprennent pas toujours que l'érosion de la biodiversité et des écosystèmes a vraiment une incidence directe sur leur bien-être, qui se fera probablement davantage sentir dans l'avenir. Puisque de plus en plus de gens vivent dans les villes, ce trouble déficitaire de la nature devient un problème de plus en plus important, et il est donc tout à fait réel.
En même temps, on voit que lorsque la nature se raréfie, les gens affluent vers elle. En particulier dans les endroits bondés, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des villes, les gens ressentent un besoin inné d'aller visiter ces espaces dans les parcs nationaux. C'est ce que montre la pression. Cela devrait nous montrer que nous avons besoin d'un plus grand nombre de ces espaces verts et de cette nature pour que ce lien puisse continuer à exister.
En ce qui concerne la Loi sur les espèces en péril, je comprends parfaitement vos réticences et vos préoccupations, car ce n'est pas le seul élément en soi. Encore une fois, n'oubliez pas que les espèces en péril ne sont vraiment en fait que la pointe de l'iceberg pour ce qui est du moment où des espèces sont vraiment en difficulté. C'est là qu'elles apparaissent sur la liste et que nous sommes en situation de crise.
Ce sur quoi nous devons vraiment nous concentrer dans cette équation, c'est le renforcement de certains de nos processus qui se déroulent beaucoup plus tôt que cela, afin que les espèces ne deviennent pas en péril. Nous devons vraiment nous concentrer sur la prévention et sur les espèces préoccupantes concernant la surveillance et la compréhension à l'échelle régionale, comme vient d'en parler M. Locke, notamment sur la façon dont nous pourrions répondre à tous ces besoins ensemble, car les compromis deviennent de plus en plus difficiles à faire. Nous devons penser à la biodiversité en général et pas seulement aux espèces en péril.
Je vais m'arrêter ici et voir si mes collègues ont quelque chose à ajouter.
Je vais donner quelques secondes à M. Locke pour répondre à la question sur la déficience en nature.
Je vis dans le parc national Banff et le nombre de personnes qui s'y rendent maintenant est renversant. Je pense que nous privons le public canadien et mondial de suffisamment d'endroits agréables pour aller dans la nature. Cela a été une perte importante lorsque le gouvernement de l'Alberta a fait volte-face concernant le milieu sauvage de Bighorn, ce qui aurait ajouté une toute nouvelle aire protégée qui aurait pu répondre à cette énorme demande mondiale.
Les Canadiens aiment la nature. C'est une valeur largement répandue dans tout le pays, tant chez les habitants des grandes villes que parmi les populations rurales et autochtones, et nous avons l'occasion, au pays, d'embrasser cet amour de la nature et de tracer une voie qui le reflète.
[Français]
Je crois que c'est la même chose au Québec que dans le reste du pays. Ma femme est Québécoise, un « bleuet du Lac-Saint-Jean ».
[Traduction]
C'est une chose que nous pourrions vraiment bien faire. La création du parc urbain national de la Rouge, à Toronto, est une très bonne chose. Nous pourrions faire beaucoup plus.
Si nous percevons le Canada comme un pays qui porte son amour de la nature...
À la fin du mois d'avril, nous avons été l'hôte d'un événement mondial important, à Montréal, soit le Sommet des champions de la nature, auquel des gens de partout dans le monde ont participé: 12 ministres de l'Environnement, des philanthropes, etc. C'était un grand événement.
Les gens voient le Canada comme un pays qui pourrait être un chef de file pour la nature. C'est dans notre marque. C'est dans notre perception de nous-mêmes et dans la perception que le monde a de nous, mais nous ne sommes pas des chefs de file de la nature présentement. Nous rattrapons bien notre retard, mais pas tout à fait 17 % du territoire canadien est protégé à l'heure actuelle. Nous pourrions faire avancer les choses si nous continuons. Du côté du milieu marin, nous atteindrons 10 %. Le Brésil, est déjà protégé à 30 %, tout comme la Tanzanie. Ce n'est pas impressionnant que nous nous traînions les pieds de la sorte.
Pour ce qui est des mesures que nous avons prises, encore une fois, je flatte sincèrement le Comité. Ce que vous avez fait dans votre rapport il y a trois ans, en relançant le processus qui a mené à la création du comité consultatif national, à l'affectation budgétaire, aux grands efforts liés à l'objectif 1 du Canada, a conduit à une transformation vraiment fantastique. Je ne dirai jamais assez à quel point ce que vous avez fait a été important lorsque vous avez parcouru le pays et rédigé le rapport.
Je vous en suis profondément reconnaissant, et j'espère que le prochain gouvernement s'en servira comme tremplin pour dire que le Canada ne fait que commencer, et que maintenant que nous avons rattrapé le retard et mis les choses en branle, nous allons agir en chef de file. Ce serait merveilleux.
Excellent. C'est ce qui nous amène à la fin de notre séance.
Je remercie nos trois témoins d'aujourd'hui, et je remercie également MM. Chan et Kerr d'être restés avec nous tout l'après-midi. J'aurais vraiment aimé que nous ayons le temps de poursuivre la discussion au cours de cette session du Parlement, mais c'est là où nous en sommes, malheureusement.
Je veux dire aux membres du Comité que l'intention à l'heure actuelle, c'est de tenir notre dernière réunion mercredi. Il est prévu que le directeur parlementaire du budget comparaisse pendant une heure et que les fonctionnaires du ministère fassent une mise à jour sur la LCPE. S'il semble que ce sera une journée un peu comme aujourd'hui et que la réunion sera interrompue par des votes et d'autres travaux de la Chambre, il se peut que la réunion n'ait pas lieu.
Cela étant dit, j'aimerais prendre un moment pour remercier, tout d'abord, les membres du Comité. Je pense que nous avons fait bien des choses dont nous pouvons être très fiers dans le cadre des travaux que nous avons accomplis ensemble au cours de la 42e législature.
J'aimerais également remercier les membres de notre personnel extraordinaire — notre greffier et les analystes de la Bibliothèque, les autres membres du personnel qui nous aident énormément tous les jours, les techniciens et les interprètes. Je vous remercie tous pour le soutien que vous apportez au Comité. Il se peut que nous puissions vous remercier de nouveau mercredi, mais au cas où ce ne soit pas le cas, je voulais au moins le mentionner aujourd'hui.
Cela dit, la séance est levée.
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