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Je suis entre vos mains. On m'a demandé de venir. Ce n'est pas vraiment une délégation.
Je vais décrire quelques-uns des défis auxquels nous sommes confrontés. Je vais essayer d'être bref et j'en présenterai les points saillants, plutôt que de faire une analyse.
Cela fait 40 ans que notre société restaure des bâtiments anciens et nous le faisons dans un but lucratif, même si nous le ferions volontiers bénévolement tant mon associé, Michael Cruickshank et moi-même aimons ce que nous faisons. Sachez que c'est une tâche rentable et qu'il est possible de gagner de l'argent en restaurant et en rénovant des bâtiments anciens.
Les coûts liés à la restauration et à la rénovation se distinguent à plusieurs égards de ceux d'une construction neuve. Pour un bâtiment neuf, la conception se termine lorsque vous obtenez vos permis de construire. Dans un bâtiment ancien, la phase de conception commence le jour où vous obtenez vos permis, car vous n'avez aucune idée des difficultés que vous allez rencontrer. Cela entraîne des dépenses imprévues. Les coûts liés aux emprunts sont généralement plus élevés pour les bâtiments anciens.
Le code de construction et les objectifs municipaux suivent un règlement de zonage labyrinthique, surtout ici à Toronto et en réalité le code de la construction n'a pas été conçu pour la rénovation de bâtiments anciens. Par exemple on peut nous demander de prévoir des protections antisismiques pour un bâtiment ancien alors qu'il n'a jamais été conçu pour contenir ce type de structure interne. Cela peut s'avérer très coûteux et malaisé, car soudain des tuyaux, des poutres ou des colonnes menacent de passer devant des fenêtres et d'occulter les éléments de patrimoine que vous vouliez sauvegarder.
L'amélioration de l'isolation des toits augmente le poids de la neige puisqu'elle ne fond plus à cause des déperditions de chaleur, mais ces bâtiments n'ont pas été conçus pour supporter les charges qui résultent de cette isolation. On nous a demandé de végétaliser nos toits, ce que nous faisons, mais lorsque vous végétalisez un toit, la même chose se produit. L'ajout de terre et de végétation a pour effet une augmentation de l'isolation et provoque des anomalies structurelles caractéristiques des bâtiments anciens.
Le règlement de zonage est labyrinthique. Voici deux exemples très brefs. On peut nous demander un paiement en compensation du fait que nous ne sommes pas en mesure de fournir des stationnements. Ces bâtiments occupent souvent l'intégralité de la parcelle et en général les sites sur lesquels se trouvent ces bâtiments anciens ne disposent pas du stationnement requis. Et voilà que nous devons tout à coup payer une somme qui ne générera aucun bénéfice.
En ce qui concerne la création de parcs liée à un changement d'affectation, il n'est pas possible de savoir à l'avance si l'usage de notre bâtiment sera industriel ou à destination de bureaux. Mais le passage d'un usage industriel à un usage de bureaux peut être considéré comme une densification et entraîner des frais de développement de parcs et il est possible malgré tout que cela ne soit pas conforme au règlement de zonage, car il peut s'agir d'une zone industrielle. Je vais vous donner un exemple. Il y a dans un de nos immeubles un imprimeur, de nos jours l'impression se fait sur des ordinateurs et il s'agit sans aucun doute d'un usage de bureaux. Il n'y a pas de presse d'impression à trois couleurs ou quoi que ce soit de ce genre. C'est un bureau et d'ailleurs tous les locataires sont des bureaux, mais vous savez quoi? C'est considéré comme un usage industriel. Nous avons un courtier en douanes dans un autre bâtiment et tous ses clients sont des industries. Cette entreprise fait beaucoup d'importations depuis les États-Unis et elle travaille avec des industries, mais devinez quoi? Elle est considérée comme ayant un usage de bureau. Si nous voulions passer de l'imprimeur, soit un usage de bureaux à un usage industriel, cela aurait de multiples conséquences. Il faut jusqu'à six mois pour obtenir les autorisations et pendant ce temps nous aurons perdu notre potentiel locataire.
En ce qui concerne les taxes foncières, les immeubles sont désormais imposés selon leur usage optimal, alors si nous avons un bâtiment dans lequel la densité maximale du site n'est pas atteinte, nous pouvons être imposés comme si elle l'était. Bien souvent nos loyers sont inférieurs à ceux des bâtiments neufs conventionnels et pourtant nous sommes imposés comme si notre bâtiment était neuf et conventionnel, car cela serait son usage optimal. Souvent les taxes foncières sont excessivement élevées.
Ce n'est pas tout. Par exemple, le Toronto Historical Board — qui s'appelle maintenant Heritage Toronto — peut nous demander de restaurer un bâtiment ancien ou les fenêtres de ce bâtiment. Eh bien, la restauration d'une fenêtre ancienne peut coûter plusieurs milliers de dollars. Son remplacement par du double vitrage coûterait quatre fois moins cher.
Au site du bâtiment nommé Toronto Carpet Factory, un complexe de bureaux accueillant 140 entreprises, nous avons restauré une ancienne cheminée. Elle mesure 150 pieds de haut et a une valeur patrimoniale. Elle symbolise l'histoire de ce site. Elle est très élégante. Sa réfection a coûté plus de 150 000 $ tandis que sa démolition nous aurait coûté environ 50 000 $.
Nous avons même restauré une voie ferrée. Les rouleaux de tissus, le fil, les matières premières arrivaient par cette voie ferrée. Non seulement nous l'avons restaurée, mais nous avons aussi fait poser un lit de briques. Nous n'en retirons aucun bénéfice commercial.
Pour en venir au rôle potentiel du gouvernement, il pourrait tout d'abord encourager les municipalités à simplifier le code de la construction et le rendre plus favorable à la restauration de bâtiments anciens, mais aussi à simplifier le règlement de zonage et dans les cas où il y a des exigences liées, par exemple, à la restauration des fenêtres anciennes, il pourrait y avoir des subventions à cet effet. Si les municipalités exigent des serrures spéciales et des équipements particuliers pour les portes ou pour les systèmes de climatisation qui ne fonctionnent plus et qui ne sont pas conformes à la nature historique du bâtiment, alors il devrait y avoir des modalités de compensation.
Je ne suis pas en mesure de parler de ces mesures de compensation en tant que telles, mais je sais que les taxes foncières ont été utilisées de façon incitative pour la restauration de bâtiments anciens. Il y a aussi, bien entendu, les subventions directes et toute autre forme d'allègements fiscaux, ainsi que les prêts à faibles taux d'intérêt en compensation du fait que les sociétés hypothécaires rechignent à faire des prêts pour la restauration de certains bâtiments anciens.
Ce n'était pas un exposé haut en couleur ni très spectaculaire, mais peut-être qu'il vous sera utile.
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Merci madame la présidente, de me donner l'occasion d'être parmi vous aujourd'hui et de participer à ce débat important.
Je m'appelle David Brown. Je suis le vice-président directeur et chef de la préservation du National Trust for Historic Preservation aux États-Unis. Le National Trust est un organisme sans but lucratif reconnu par le Congrès des États-Unis depuis 1949 visant à protéger les lieux représentatifs de la diversité culturelle américaine par des actions directes et en suscitant un large soutien du public.
Je vais souligner aujourd'hui, en me plaçant du point de vue non lucratif, quelques éléments clés de l'expérience que nous avons de la préservation aux États-Unis et j'espère que cela vous aidera pour votre étude du rôle du gouvernement fédéral dans le soutien de la préservation du patrimoine riche et diversifié du Canada.
Il faut tout d'abord souligner que la conception de la préservation historique et de la protection du patrimoine aux États-Unis s'est élargie au cours des cinq ou six dernières décennies, passant d'une poignée de chefs-d'oeuvre architecturaux emblématiques et pétrifiés à des villes dynamiques dans lesquelles une large palette de bâtiments anciens et historiques sont au centre de la réutilisation, du réinvestissement et de la revitalisation, comme vient de le dire le premier témoin.
Dans les années 1960, alors que les États-Unis étaient tournés vers le futur, repoussaient les frontières spatiales et aspiraient à un avenir meilleur, notre passé national n'apparaissait pas comme une voie vers l'avenir, mais plutôt comme un fardeau dont il fallait se défaire. Lorsque Jane Jacobs, une visionnaire importante tant pour les Américains que pour les Canadiens, a écrit en 1961 que les collectivités « avaient tellement besoin des bâtiments anciens qu'il était probablement impossible que des rues et des quartiers dynamiques se développent en leur absence », elle défendait une position qui allait totalement à l'encontre de la pensée dominante dans les milieux de l'urbanisme de l'époque. Mais après des années de travail acharné, nous avons atteint un consensus différent. Les vertus de la sauvegarde et de la réutilisation des lieux anciens sont aujourd'hui beaucoup plus largement reconnues aux États-Unis. À maintes reprises, la préservation a constitué un outil précieux pour stimuler la croissance économique, pour répondre aux besoins sociaux fondamentaux et pour rassembler les communautés.
Ce changement s'est opéré grâce à une étroite collaboration entre le gouvernement fédéral, les États et les pouvoirs locaux ainsi que le secteur sans but lucratif et les intérêts privés de millions de citoyens et d'entreprises. Voilà le premier point sur lequel je veux insister. Le travail de sauvegarde des lieux qui comptent aux yeux des citoyens est couronné de succès lorsque le secteur public collabore avec le secteur privé et soutient ses efforts. Votre Fiducie nationale du Canada contribue à la promotion de ce type de collaboration réussie.
Je veux aussi souligner que notre compréhension de la diversité du passé américain s'est considérablement élargie et enrichie au cours des cinquante dernières années grâce aux apports de nouvelles générations d'universitaires et aux luttes continues pour l'égalité raciale et la justice sociale. Comme l'a dit l'un de nos éminents historiens, David McCullough « L'histoire n'est plus un spot. Nous allumons désormais tous les projecteurs de la scène pour en éclairer tous les acteurs. » Nous ne nous concentrons plus uniquement sur les lieux bâtis par une seule catégorie économique et un segment unique de notre population. Nous travaillons dur pour écouter, comprendre et rendre hommage à la diversité de l'histoire américaine en perpétuelle évolution.
Notre compréhension des effets de la préservation sur la vie américaine contemporaine est améliorée par l'utilisation des données sur les villes dont la disponibilité ne cesse d'augmenter et qui nous permettent d'explorer les liens entre les caractéristiques physiques du développement urbain et toute une série de résultats économiques, sociaux et environnementaux. Notre Atlas of ReUrbanism compile ces données pour les 50 plus grandes villes des États-Unis et a révélé que les collectivités qui soutiennent des quartiers denses, à forte mixité sociale, avec une grande richesse architecturale, reliés aux transports et comptant une proportion élevée de bâtiments anciens soutiennent des économies locales robustes, des quartiers abordables pour tous et une singularité qui constitue un véritable avantage concurrentiel dans le monde du travail actuel.
Les données révèlent qu'il y a davantage d'emplois dans de petites entreprises et dans des entreprises nouvelles dans les secteurs plus anciens à usages mixtes et commerciaux qu'il n'y en a dans les secteurs avec une prépondérance de constructions nouvelles. Les bâtiments plus anciens, plus petits, abritent davantage d'entreprises détenues par des femmes ou des personnes issues des minorités qu'il n'y en a dans les secteurs dominés par les bâtiments récents. Il y a généralement plus de logements abordables dans ces quartiers, car les bâtiments plus anciens sont des habitations naturellement abordables sans subventions. Ils abritent également une population plus diversifiée et se font le reflet des évolutions démographiques que connaissent les États-Unis et que vous connaissez également au Canada.
Dans les villes intelligemment gérées aux États-Unis, il y a une réflexion sur la manière dont les bâtiments anciens et historiques peuvent à la fois procurer des avantages concurrentiels et faire partie de ces lieux dynamiques qui attirent de plus en plus la génération Y et les personnes nées après-guerre dont les enfants ont quitté le foyer.
Comment le gouvernement fédéral des États-Unis soutient-il ces lieux?
Premièrement il y a un programme de subventions qui existe depuis des décennies intitulé le fonds pour la préservation historique et qui sert à soutenir les activités de préservation dans les 50 États et au sein des gouvernements locaux agréés. Il dispose d'un budget annuel de 150 millions de dollars et il soutient à la fois les subventions et les programmes gouvernementaux de préservation.
Deuxièmement, un processus d'évaluation est élaboré pour garantir l'examen des conséquences des programmes financés par le gouvernement et des programmes agréés sur les lieux revêtant une importance historique pour l'ensemble du gouvernement.
Troisièmement, il existe depuis 1976 aux États-Unis des incitations dans le cadre du code fédéral des impôts pour encourager le secteur privé à réhabiliter et à réutiliser des biens immobiliers historiques, aujourd'hui et pour l'avenir. Les crédits d'impôts fédéraux pour les biens immobiliers historiques, souvent associés avec les crédits d'impôts des États pour les biens immobiliers historiques, ont eu des résultats remarquables.
Chaque année, l'Université Rutgers analyse les effets des crédits d'impôts pour les biens immobiliers historiques et les résultats sont très éloquents. Depuis leur lancement, ces crédits d'impôts ont été utilisés par le secteur privé pour la réhabilitation de plus de 42 000 bâtiments historiques dans l'ensemble du pays ce qui a créé 2,4 millions d'emplois et généré 131 milliards de dollars d'investissement de capitaux privés. Le plus important, je crois, est que l'analyse de l'Université Rutgers a montré que chaque dollar investi par le biais du crédit d'impôt générait entre 1,20 et 1,25 $ de recettes pour le gouvernement fédéral.
Le crédit d'impôt pour les bâtiments historiques constitue le principal levier du gouvernement fédéral des États-Unis pour encourager l'investissement privé à la réhabilitation de bâtiments historiques. Le crédit d'impôt attire les capitaux privés pour la revitalisation de biens immobiliers qui sont souvent à l'abandon et peu productifs et pour lesquels il y a un écart entre le montant des prêts consentis par les banques et le coût total de la transaction et de l'aménagement. Ce type de crédit d'impôt peut être adapté pour aider de façon ciblée et opportune des secteurs ayant des besoins particuliers. Par exemple, le crédit d'impôt pour les biens immobiliers historiques a été temporairement augmenté pour aider à la reconstruction de la Nouvelle-Orléans après le passage de l'ouragan Katrina en 2005.
Enfin, ces incitations fiscales profitent aux collectivités locales, en particulier dans les principales régions rurales et urbaines de notre pays. Plus de 40 % des projets qui ont été financés au cours des 15 dernières années se trouvaient dans des collectivités de moins de 25 000 habitants.
Il y a 50 ans, lorsque des lieux historiques étaient perdus et détruits dans tous les États-Unis sans prise en compte de leur importance pour les communautés, les rédacteurs du National Historic Preservation Act avaient une vision de l'avenir dans lesquels les lieux historiques seraient une part vivante de la vie locale et c'est ce qui se passe aujourd'hui.
À l'avenir aux États-Unis, nous voulons trouver des partenaires et des outils pour nous aider à donner aux gens la possibilité de transmettre leurs histoires et de s'engager pour la sauvegarde des lieux qui leur sont chers. Nous pensons que la préservation jouera un rôle de plus en plus important pour la création de communautés durables, robustes, équitables et où il fait bon vivre.
Merci beaucoup.
En premier lieu, je tiens à remercier les membres du Comité de m'avoir invité et de me donner l'occasion de discuter de la situation de la conservation du patrimoine au Canada.
Je suis ici pour présenter brièvement la situation du patrimoine au Québec et les suggestions de notre organisme, Héritage canadien du Québec, ou HCQ, un organisme provincial à but non lucratif et non gouvernemental au service du patrimoine québécois depuis plus de six décennies, soit plus de 60 ans.
Depuis 1956, soit depuis plus de 60 ans, les bénévoles de notre conseil assurent la conservation d'environ 30 bâtiments patrimoniaux et sites naturels du Québec. Par le passé, certains étaient situés en Ontario. La plupart de nos propriétés furent achetées avec l'argent de nos bénévoles ou de nos fondateurs.
Le travail de conservation se fait grâce à la présence de l'équivalent d'un employé et demi, d'un meunier et, naturellement, de nombreux bénévoles et « artisans-caretakers », ainsi que grâce à des partenariats avec des groupes locaux, régionaux, provinciaux, voire nationaux, tels que Conservation de la nature Canada.
La conservation à long terme des propriétés de HCQ est assurée par différentes mesures de protection du patrimoine matériel ou immatériel liées soit au secteur municipal, soit au gouvernement provincial, soit au gouvernement fédéral. Pour nous, cela inclut un lieu historique national et un bâtiment dans l'arrondissement de Westmount. Dans les autres cas, la conservation à long terme des propriétés de HCQ est assurée directement par notre organisme, autant que faire se peut, mais nous nous heurtons malheureusement à de sérieuses limites. Au Québec, il n'y a pas de servitude de protection de gré à gré par un propriétaire comme il en existe en Ontario.
HCQ ne reçoit pas de subvention récurrente pour ses activités annuelles, mais il bénéficie du programme Jeunesse Canada au travail, ce qui lui permet d'embaucher deux étudiants durant l'été, dans deux de ses seize propriétés. Nous assurons principalement le financement de nos actions de conservation par des dons du public, des fondations et des revenus que nous générons nous-mêmes en vendant de la farine de notre moulin et en louant nos maisons durant la saison estivale, comme la maison d'été de sir John A. Macdonald, à Rivière-du-Loup, qui devient un gîte touristique deux mois par année. Cette maison fut désignée officiellement lieu historique national en 2015. Également, certains de nos sites sont ouverts au public moyennant des frais d'entrée minimes.
La conservation de bâtiments patrimoniaux est de plus en plus difficile, coûteuse et compliquée. C'est le résultat d'obligations et de contraintes pour les propriétaires liées aux lois et aux réglementations gouvernementales impliquant divers ministères et parfois différents paliers de gouvernement.
Les projets de restauration nous coûtent très cher, plusieurs centaines de milliers de dollars, voire 1 million de dollars. Parfois, nous recevons des subventions pour certains projets de restauration provenant du ministère de la Culture et des Communications du Québec, et ce, parfois conjointement avec des grandes villes comme Montréal. En principe, dans certains cas, ces subventions peuvent couvrir 40 % ou 50 % du coût de construction, mais dans les faits, le coût global est beaucoup plus élevé, ce qui diminue ainsi de beaucoup le pourcentage maximal de la subvention, qui se situe plutôt entre 30 % et 35 %. Ce pourcentage varie aussi selon les sommes disponibles dans le programme.
Je dois mentionner que, ces dernières années, nous avons aussi obtenu quelques subventions pour certains projets de développement provenant soit du provincial, soit du fédéral, dont une pour une exposition virtuelle sur sir John A. Macdonald et Lady Macdonald. Nous en sommes très reconnaissants et nous en remercions le ministère du Patrimoine canadien.
Néanmoins, le résultat est que HCQ doit procéder à la collecte de fonds pour trouver des centaines de milliers de dollars afin de financer ses projets de restauration et de développement. Cela est très difficile et demande des années de travail, la collecte de fonds étant un marché hautement compétitif, sans compter que, dans un passé récent, certaines interventions du gouvernement provincial nous ont fait perdre des dizaines de milliers de dollars en revenus et que d'autres pertes sont déjà à prévoir pour les prochaines années.
Également, la complexité, la charge de travail, les courts délais et les frais nécessaires pour obtenir une subvention nous ont à quelques reprises découragés de nous engager dans ce processus, le résultat escompté étant peu probant. Ce fut le cas pour la Maison John-A.-MacDonald et le Programme national de partage des frais pour les lieux patrimoniaux de Parcs Canada. L'enveloppe totale était, en 2015, de 1 million de dollars pour le Canada, pour un maximum de 200 000 $ par projet. Notre projet de restauration était évalué à 200 000 $ et, selon l'agent du ministère, il fallait avoir un projet démontrant une urgence dans un contexte très compétitif à la grandeur du Canada et demander à des professionnels de préparer des recherches, des analyses, des rapports, des plans et des devis, tout cela pour obtenir une subvention dont le montant serait probablement de moins de 5 000 $. D'ailleurs, à ce moment-là, il semblait que très peu de projets obtenaient le maximum de 50 % prévu dans le Programme. C'était plutôt bien en-dessous de cela.
Par chance, par l'intermédiaire d'un bénévole de notre conseil d'administration, et grâce à nos efforts de cueillette de fonds, nous avons pu obtenir des dons significatifs de quelques donateurs et, après quelques années, nous avons pu réaliser une première phase du projet. Aujourd'hui, il nous reste encore plus de 100 000 $ à trouver pour le terminer. Il ne s'agit là que d'un seul bâtiment sur les 25 que nous possédons.
Toutes ces démarches de recherche de fonds, échelonnées sur plusieurs années, mettent à risque la conservation adéquate des bâtiments à moyen et à long terme. Parfois, elles vont jusqu'à amplifier un problème existant et le rendre plus coûteux à régler. La préservation, le maintien ou l'entretien des bâtiments, est donc aussi une étape cruciale dans le processus de conservation d'un bâtiment.
Il n'y aucun soutien ou subvention à cet égard. Qui plus est, nos artisans, que nous appelons nos « artisans-caretakers », ne peuvent plus pratiquer toutes les interventions souhaitées, conséquence de nouvelles règles gouvernementales.
Ainsi, les coûts de préservation ont doublé ou triplé dans certains cas au cours des trois dernières années. Pourtant, c'est ce qui prolonge la vie d'un bâtiment et réduit les coûts de restauration. Tout cela complique notre travail et notre mandat de conservation du patrimoine bâti. Il faut souvent décider entre des investissements en conservation ou en développement.
Devant cette situation complexe, et après plus de 60 ans de présence, notre organisme a entrepris, au début de l'année 2017, une révision stratégique de ses propriétés pour décider lesquelles seront conservées et lesquelles seront aliénées, vendues ou transférées, si faire se peut, à d'autre institutions, organisations ou individus.
Abordons maintenant la dynamique de la conservation au Québec. Au cours des dernières années, plusieurs bâtiments patrimoniaux ont été démolis par des promoteurs immobiliers pour faire place à de nouveaux projets domiciliaires, condos ou édifices commerciaux. Il existe peu d'incitatifs pour encourager ces promoteurs à conserver et intégrer les bâtiments patrimoniaux à leurs projets de développement. Un soutien financier pourrait les encourager à aller vers la voie de la conservation et de la réhabilitation des bâtiments patrimoniaux.
De même, pour les propriétaires privés, la situation est aussi difficile. Plusieurs d'entre eux souhaitent conserver la valeur patrimoniale de leur propriété, la préserver, la réhabiliter et la restaurer — cela peut être des maisons, des moulins, des phares ou des bâtiments industriels — pour le bénéfice de la collectivité. Toutefois, de nouveau, les coûts de restauration élevés, de même que la complexité des demandes de subventions, les rebutent.
Il faut donc aussi les encourager dans leur souhait de conservation par de l'aide financière. La plus-value marchande d'une maison restaurée n'est pas prouvée et semble même à l'opposé, dans certains cas.
Au Québec, plusieurs organismes sans but lucratif essaient de soutenir, d'encourager et de guider les propriétaires privés dans les bonnes pratiques de conservation. Or ces organismes manquent cruellement de ressources et comptent essentiellement sur la présence de bénévoles, ayant pour conséquence une limite à leur mission et à leurs actions. Les trois dernières années, le peu de subventions que certains d'entre eux recevaient en aide au fonctionnement ont été coupées, rendant la situation encore plus critique.
Au fait, à notre organisation, nous recevons régulièrement les appels de citoyens et, parfois, d'organismes, voire de municipalités, qui cherchent un soutien pour assurer la conservation de leur bâtiments patrimoniaux.
En 2012, au Québec, la Loi sur le patrimoine culturel a été adoptée, transférant plus de responsabilités aux municipalités et aux citoyens en ce qui touche la sauvegarde du patrimoine, mais sans les ressources et l'expertise requises. Alors, aujourd'hui, les organismes sont donc plus interpellés qu'auparavant concernant la conservation du patrimoine.
Depuis trois ans maintenant, une dizaine d'organismes ont créé la Table de concertation des acteurs nationaux en patrimoine bâti du Québec, afin de se faire part de leurs défis et de leurs enjeux communs, ainsi que de se soutenir mutuellement. Le 1er novembre prochain, aura lieu, à Montréal, le premier Sommet national du patrimoine bâti du Québec, auquel d'ailleurs vous êtes tous cordialement invités.
Je vais maintenant vous présenter des constatations et suggestions en vue d'encourager les propriétaires, les organismes et les individus. Le gouvernement fédéral pourrait mettre en place une mesure fiscale incitative comme le projet de loi ; appliquer cette mesure à tous les propriétaires privés en la rendant accessible aux promoteurs immobiliers; élargir la notion de propriété historique ou patrimoniale et pas simplement se fier à des listes du Répertoire canadien des lieux patrimoniaux; faire en sorte que votre ministère devienne un leader du soutien en patrimoine pour les diverses communautés du Canada; augmenter et stabiliser au cours des années à venir le montant disponible dans le Programme national de partage des frais pour les lieux patrimoniaux; développer un programme de soutien à effets multiplicateurs et y participer — je parle de jumelage de dons — pour les organismes et individus qui recueillent des fonds pour le patrimoine; les encourager et les soutenir en reconnaissant formellement les efforts et l'apport considérable des organismes à but non lucratif, des organismes non gouvernementaux ainsi que des propriétaires privés; finalement, reconnaître un statut particulier transversal à la sauvegarde du patrimoine bâti dans tous les ministères fédéraux, peut-être de concert avec les provinces et les territoires également, facilitant ainsi ce travail important pour le patrimoine du Canada et l'ancrage de la notion d'identité canadienne.
Le patrimoine canadien dépasse les frontières provinciales. C'est d'ailleurs pour cette raison que nos fondateurs ont choisi pour notre organisme le nom de Canadian Heritage of Quebec.
Je vous remercie.
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Je suis désolé, ma présentation était effectivement très brève.
Le premier élément concerne le projet de loi , qui propose des mesures incitatives fiscales à l'intention des propriétaires privés. De telles mesures encourageraient et aideraient beaucoup ces gens. Ces mesures devraient s'appliquer de façon élargie à tous les propriétaires privés de propriétés patrimoniales telles que des maisons, des moulins, des phares ou des bâtiments industriels.
Il y a une dizaine d'années, un programme du gouvernement fédéral accordait de l'aide à la rénovation de maisons. J'ai pu en profiter et cela m'a beaucoup aidé. Si on créait un programme semblable pour les maisons patrimoniales, qui coûtent souvent de deux à quatre fois plus cher qu'une maison ordinaire, ce serait d'une grande aide.
S'ils font un calcul rapide du retour sur l'investissement, les promoteurs immobiliers sont peu encouragés à conserver une maison patrimoniale. D'ailleurs, au Québec, il y a plusieurs cas où on les fait disparaître volontairement. S'ils pouvaient bénéficier d'incitatifs financiers ou fiscaux, les promoteurs immobiliers se rendraient compte, en faisant le calcul, qu'il peut être intéressant d'intégrer un bâtiment patrimonial à leurs projets immobiliers ou de le conserver.
Il faudrait élargir la notion de propriété historique ou patrimoniale en ce qui a trait à la liste du Répertoire canadien des lieux patrimoniaux. Cette liste est très intéressante, mais elle n'est pas complète car certains bâtiments n'y sont pas inclus.
Le ministère pourrait devenir un leader du soutien en matière patrimoniale en travaillant conjointement avec les différents ordres de gouvernement à la mise en place d'incitatifs fiscaux, entre autres. Héritage Montréal, en collaboration avec le ministère concerné au Québec, travaille depuis 10 ans à la création d'incitatifs fiscaux en suivant les exemples de ce qui se fait aux États-Unis. La Fiducie nationale du Canada travaille également à cela depuis longtemps.
Il faut donc encourager les autres ministères à soutenir la sauvegarde du patrimoine, mais également les municipalités, qui tirent des revenus des taxes prélevées sur les nouveaux projets. Il est évident qu'un bâtiment patrimonial rapporte beaucoup moins de taxes à une municipalité que 100 condos dans un même bâtiment. Il faut donc que tous les ordres de gouvernement soutiennent les personnes qui s'occupent de la sauvegarde du patrimoine.
Cette année, le Programme national de partage des frais pour les lieux patrimoniaux de Parcs Canada est doté d'une somme de 10 millions. On est passé de rien à 1 million de dollars, puis à 10 millions de dollars. Cela apporte une aide, mais il faudra un jour stabiliser ce financement parce que beaucoup de gens qui s'occupent de bâtiments patrimoniaux au Canada ont besoin de soutien.
Il y a aussi le soutien qu'il faudrait accorder aux organismes qui font de la collecte de fonds. Au Canada, il y a des programmes de jumelage des dons dans le cadre d'initiatives de collecte de fonds pour entretenir les sites naturels, entre autres lieux. Les sites naturels, c'est du patrimoine naturel. S'il y avait de tels programmes en ce qui concerne le patrimoine culturel, cela pourrait aider des organismes comme le nôtre qui doivent lever des fonds pour financer des projets de restauration qui coûtent des centaines de milliers, voire 1 million de dollars.
Nous recevons des dons de 30 ou 35 $ à la fois. Faites un calcul rapide, et vous vous rendrez compte qu'il faut beaucoup de 30 $ et de 35 $ pour arriver à des centaines de milliers de dollars. Cela fait beaucoup de gens à contacter.
Au Canada, des organismes font beaucoup d'efforts pour conserver des bâtiments patrimoniaux, mais ils ne sont pas reconnus. Même dans la Loi sur le patrimoine culturel du Québec, ces organismes ne sont pas mentionnés. Pourtant, plusieurs organismes comme le nôtre oeuvrent à conserver des bâtiments patrimoniaux et soutiennent d'autres propriétaires dans leurs efforts de conservation.
Grosso modo, ce sont les points que je voulais aborder. J'espère vous avoir donné suffisamment de détails.
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Je sais qu'en Ontario, il y a la servitude de gré à gré, pour ce qui est de la protection d'un bâtiment par un propriétaire qui veut le faire reconnaître. Au Québec, nous n'avons pas cela.
En ce qui a trait à la loi, avant 2012, les propriétaires de bâtiments patrimoniaux classés par le provincial avaient droit à un crédit d'impôt municipal qui devait servir d'encouragement pour l'entretien et la préservation des bâtiments. Pour des raisons que nous ignorons, cela a été retiré de la nouvelle loi. Nous avons perdu un peu d'argent à cause de cela, mais il y a des lieux comme celui qu'on appelle l'arrondissement du Vieux-Montréal, où il y a beaucoup de bâtiments patrimoniaux, où les propriétaires ont perdu des sommes plus importantes.
Il semble que les sommes récupérées par l'entremise du crédit d'impôt ne servaient pas directement au maintien et à la préservation des bâtiments. Il aurait pu y avoir d'autres façons de régler cette difficulté, car c'était un encouragement important pour les propriétaires de bâtiments. On sait qu'il y en a beaucoup dans le Vieux-Montréal. Il s'agit davantage de bâtiments commerciaux, en fait.
Il faut donc continuer à encourager les gens, mais peut-être en encadrant la manière dont cela est fait et dont l'argent est utilisé, finalement. C'est important, parce que c'est l'argent de la population. Alors, il faut que ce soit bien encadré. Il ne faut pas que cela revienne à signer un chèque en blanc, loin de là.
Comme je l'ai mentionné, en 2012, le gouvernement provincial a remis aux municipalités beaucoup plus de responsabilités en matière de patrimoine, sans transférer l'expertise et les ressources. En même temps, il a demandé aux individus de s'engager dans la sauvegarde du patrimoine. Les municipalités se sont donc retrouvées devant des personnes qui demandaient que la valeur patrimoniale d'un bâtiment, d'un lieu ou d'un bien matériel ou immatériel soit reconnue par un règlement municipal. Cependant, en contrepartie, les municipalités ne recevaient pas de subvention. Elles devaient augmenter leur fonds de réserves ou créer des fondations.
Il existe, entre le provincial et le municipal, des ententes de développement culturel, mais la culture, c'est très large. Le patrimoine représente peut-être 10 % de ce secteur. Il y a les écoles, les arts, etc. C'est vaste.
Le changement apporté à la loi a donc rendu la situation difficile.