ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de l'environnement et du développement durable
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 21 septembre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à tous. Nous allons ouvrir la séance.
C'est notre deuxième séance sur la préservation et la protection du patrimoine au Canada.
Nous avons aujourd'hui plusieurs témoins.
Nous accueillons Christina Cameron, professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine bâti. Soyez la bienvenue. Nous avons Gordon Bennett, ainsi qu'Andrew Waldron, gestionnaire de la conservation du patrimoine national à Brookfield Global Integrated Solutions. Nous accueillons par ailleurs Christophe Rivet, président d'ICOMOS Canada, qui, lorsque son tour sera venu, nous parlera de toutes les activités qui l'occupent.
Je vais vous expliquer comment j'utilise les cartons pour gérer la discussion. Vous, les témoins, vous disposez de 10 minutes. Lorsqu'il vous reste une minute du temps qui vous est alloué, je sors le carton jaune pour vous avertir, étant donné que vous n'avez pas une horloge en face de vous pour vous repérer. Lorsque tout votre temps est écoulé, je sors le carton rouge. Comme je n'aime pas couper les gens dans leur élan, je vous demanderais de conclure rapidement quand je sors le carton rouge. Je fais exactement la même chose pour les membres du Comité qui sont habitués à faire attention.
Vous êtes tous très bons et je vous remercie de contribuer au bon déroulement de la séance.
J'aimerais donner d'abord la parole à Christina Cameron, s'il vous plaît.
Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de venir aujourd'hui présenter mes réflexions sur le patrimoine bâti au Canada.
Ma contribution repose sur mon expérience au poste de directeur général des Lieux historiques nationaux de Parcs Canada de 1986 à 2005, soit presque 20 ans. Au cours de cette période, j'ai oeuvré à un programme complet de conservation du patrimoine visant les lieux historiques du Canada. Depuis, j'ai approfondi ma compréhension par des recherches à l'Université de Montréal.
J'aimerais d'abord préciser deux choses.
Premièrement, les divers ordres de gouvernement reconnaissent la valeur patrimoniale des bâtiments historiques du Canada. Par exemple, il existe des lieux historiques nationaux, des immeubles patrimoniaux fédéraux, des lieux historiques provinciaux et des lieux historiques municipaux. En d'autres termes, il existe un grand nombre de désignations différentes.
Deuxièmement, le nombre de bâtiments patrimoniaux qui nécessitent un entretien dépasse de loin la capacité des gouvernements de les conserver et de les protéger. Selon moi, l'intendance de la plupart des lieux historiques repose sur le bon vouloir de particuliers, d'entreprises, d'établissements et d'organismes sans but lucratif. Cela ne veut pas pour autant dire que les pouvoirs publics n'ont aucun rôle à jouer. En fait, du point de vue collectif, ils jouent un rôle important en matière de leadership, ainsi que sur le plan juridique et sur le plan de l'intendance, dans la protection et la conservation du patrimoine bâti au Canada.
Ce qui m'a inspiré cette recherche globale sur le patrimoine au cours des deux dernières décennies, c'est la perte et la détérioration d'un si grand nombre de bâtiments patrimoniaux. Cette situation n'est pas nouvelle au Canada. Je me souviens qu'en 1951, la Commission Massey-Lévesque concluait qu'« on peut encore repérer les traces du passé sur le sol même que foulent leurs habitants; mais, là aussi, le passé menace de s'effacer sous l'usure des jours ». C'était en 1951.
Un rapport interne de recherche des années 1990 soulignait la perte de 21 % des immeubles inscrits 30 ans plus tôt dans l'inventaire des bâtiments historiques du Canada, lorsque j'ai commencé ma carrière. Autrement dit, en une seule génération, 21 % de nos lieux historiques ont disparu — j'ai bien dit qu'ils ont disparu et non pas qu'ils ont été modifiés. Le rapport présenté en 2003 par la vérificatrice générale corroborait l'état désastreux des bâtiments historiques du Canada et mentionnait que 20 % de toutes les ressources culturelles bâties dans des lieux historiques nationaux et des parcs nationaux se trouvaient en piètre état et que 66 % de tous les bâtiments patrimoniaux fédéraux étaient dans un état passable ou médiocre. La situation n'a pas changé.
Vous avez tous pris connaissance du rapport consacré cette année à la Commission de la capitale nationale dans lequel on pouvait lire que plus de 25 % des bâtiments de la CCN, dont bon nombre sont des bâtiments patrimoniaux, étaient dans un état passable, piètre ou critique.
Que peut donc faire le gouvernement fédéral? Pour améliorer la préservation et la protection des bâtiments historiques, le gouvernement doit appuyer les Canadiens dans leur rôle d'intendance et donner l'exemple. D'abord, il importe de savoir quels bâtiments présentent une valeur patrimoniale, comment se fera leur conservation et quelle a été l'efficacité des mesures de conservation.
Au cours des deux dernières décennies, des progrès importants ont été faits en ce sens. Dans le cadre d'une collaboration pancanadienne, on a créé une source d'information unique pour dresser la liste de tous les lieux historiques reconnus pour leur valeur patrimoniale à tous les niveaux différents. Toutes les régions du Canada ont unanimement adopté cette source intitulée Répertoire canadien des lieux patrimoniaux. Ce répertoire est géré par Parcs Canada en collaboration avec des partenaires provinciaux et territoriaux. Une mise en garde s'impose toutefois. Je crois comprendre que la participation au répertoire est en train de diminuer.
Dans le but de déterminer les traitements de conservation qui conviennent, une équipe d'experts des secteurs public et privé a rédigé les « Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada », qui en est maintenant à sa deuxième édition. Parcs Canada, la Commission de la capitale nationale, le Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine, toutes les provinces, sauf l'Ontario, et tous les territoires ont adopté ces normes. Même certaines municipalités s'en servent. Pour évaluer la conformité aux normes, on a mis en oeuvre un programme national de certification qui nécessiterait cependant quelques modernisations.
Maintenant que le répertoire, les normes et lignes directrices et le programme de certification sont en place, et bien qu'ils auraient besoin d'un financement supplémentaire, nous disposons de l'infrastructure essentielle pour préserver et protéger les lieux historiques du Canada. Il faudrait d'ailleurs conférer des assises législatives au répertoire et aux normes et lignes directrices. Mais pour que l'État fédéral puisse appuyer les particuliers dans leur rôle d'intendance et s'acquitter de ses propres obligations en la matière, un ensemble d'outils législatifs, financiers et fiscaux demeure nécessaire.
Le premier de ces outils est la législation. Le gouvernement fédéral doit se doter d'un cadre législatif pour les lieux historiques nationaux et autres bâtiments patrimoniaux de compétence fédérale, de même que pour les mesures fédérales visant les bâtiments inscrits au Répertoire canadien des lieux patrimoniaux. Ce cadre législatif pourrait également tenir lieu de fondement juridique pour l'obligation internationale du Canada de relever et de protéger les lieux du patrimoine mondial qui se trouvent au Canada et qui ont une valeur universelle exceptionnelle.
Le deuxième outil est une infrastructure patrimoniale essentielle. D'autres investissements sont nécessaires pour revitaliser le répertoire afin d'assurer une forte participation de tous les partenaires. On doit envisager d'inclure des directeurs autochtones comme éléments incontournables de la gestion du répertoire. Ce serait un signe important de réconciliation. On doit mettre en place un mécanisme pour régulièrement actualiser les normes et lignes directrices et renouveler le programme de formation sur la certification.
Troisièmement, il faudrait des outils plus efficaces et plus nombreux. Les subventions et contributions conviennent à certains types de bâtiments, mais des mesures fiscales telles des crédits d'impôt pour les investissements dans des lieux historiques seraient plus efficaces pour d'autres. Le gouvernement pourrait prendre des mesures précises pour améliorer les outils disponibles. Le Programme de partage des frais pour les lieux historiques nationaux pourrait devenir permanent et être doté d'un financement adéquat et soutenu. Le gouvernement pourrait proposer des incitatifs fiscaux, comme le crédit d'impôt américain qui est très efficace, pour les sites historiques nationaux et les autres bâtiments inscrits au répertoire. Des organismes sans but lucratif pourraient également profiter d'un soutien. C'est le cas notamment de la Fiducie nationale du Canada et de l'ICOMOS qui, comme vous le verrez, est une organisation qui réunit des professionnels du secteur de la conservation du patrimoine. Ces deux organismes contribueraient énormément à mobiliser les Canadiens et les Canadiennes qui exercent des activités d'intendance et ceux qui jouent un rôle actif en matière de conservation.
Étant donné que le temps dont je dispose est limité, comme vous me l'avez fait remarquer, madame la présidente, j'ai tenté de présenter brièvement les principaux éléments d'un programme complet de conservation du patrimoine pour les lieux historiques du Canada. Depuis des décennies, on ne peut que déplorer la disparition et l'abandon de lieux patrimoniaux. Je vous rappelle qu'en vertu de la Loi sur l'Agence Parcs Canada, le ministre de l'Environnement et du Changement climatique a la responsabilité des lieux historiques nationaux, des canaux historiques, des gares ferroviaires patrimoniales, des phares patrimoniaux, des bâtiments patrimoniaux fédéraux, des lieux historiques du Canada — d'où l'utilité du répertoire — de l'archéologie de compétence fédérale, ainsi que de l'élaboration et de la mise en oeuvre de programmes voués principalement à la préservation d'un patrimoine bâti. La Loi sur l'Agence insiste sur le fait qu'il en va de l'intérêt national de protéger et de commémorer ces lieux spéciaux « en raison de l'importance du rôle qu'ils jouent dans la vie des Canadiens et dans la structure de la nation ». Mais le ministre ne peut pas réaliser ce travail sans disposer d'un jeu plus complet d'outils législatifs, financiers et fiscaux.
J'espère que votre étude fournira une vision et donnera lieu à des recommandations concrètes en ce sens pour protéger et conserver les lieux historiques du Canada.
Je vous remercie.
Merci beaucoup, madame Cameron. Je suis certaine qu'il y aura beaucoup de questions. Vous avez beaucoup à dire.
Nous allons maintenant écouter M. Bennett.
Bonjour. Je remercie le Comité de m'avoir invité.
Je souhaite vous parler principalement de la nécessité pour le gouvernement du Canada d'adopter des mesures législatives concernant les ressources patrimoniales et archéologiques de compétence fédérale.
Lorsque j'ai pris ma retraite de la fonction publique fédérale en novembre 2003, un projet de loi contenant deux propositions — l'une traitant des lieux historiques nationaux et l'autre portant sur les autres types de lieux historiques et les ressources archéologiques — était bien avancé. J'espérais que ce projet de loi soit présenté à la Chambre des communes au cours de l'année 2004. Cette attente semblait raisonnable, surtout à la lumière du rapport du vérificateur général de 2003, qui indiquait que le patrimoine bâti fédéral était à risque en raison des lacunes dans le cadre de protection juridique et qu'il fallait renforcer celui-ci. Les étoiles, comme on dit, semblaient alignées pour l'adoption d'une mesure législative qui amènerait le gouvernement fédéral au niveau des provinces et des territoires, ainsi que d'une longue liste de pays qui ont une législation complète sur les lieux patrimoniaux et les ressources historiques.
Depuis 2004, j'ai consulté chaque discours du Trône et chaque budget fédéral au moment de leur publication dans l'espoir de trouver des signes que la mesure législative était imminente. C'est le genre de choses que l'on a le temps de faire lorsqu'on est en retraite. Je ne serais pas ici aujourd'hui si ces recherches n'avaient pas été vaines. Je ne crois pas être la seule personne à me demander pourquoi le gouvernement canadien a parrainé et adopté une loi fédérale complète sur les parcs nationaux, les aires marines nationales de conservation, les musées nationaux, la faune, les oiseaux migrateurs, les espèces en péril et la protection environnementale en général — pour ne citer que quelques exemples — alors qu'il n'existe aucune loi fédérale complète — j'insiste sur le mot « complète » — portant sur les lieux historiques nationaux et les lieux patrimoniaux. Il existe bien une loi sur les phares patrimoniaux et une autre sur les gares ferroviaires patrimoniales, mais il faut souligner que ces deux lois sont d'initiative parlementaire, tandis que tous les précédents étaient des projets de loi du gouvernement.
Je ne veux pas dire qu'aucune loi ne traite des lieux historiques nationaux. En fait, il en existe trois: la Loi sur les lieux et monuments historiques; un seul article de la Loi sur les parcs nationaux du Canada qui concerne certains lieux historiques administrés par Parcs Canada, ainsi que la Loi sur l'Agence Parcs Canada. Or, chacune de ces lois est axée sur des aspects particuliers des lieux historiques nationaux, sans prévoir le type de protection législative systématique ou exhaustive requise.
Pourquoi légiférer? Le Parlement est la plus haute instance d'élaboration de politiques au pays concernant les questions qui relèvent de la compétence fédérale, et l'adoption de lois est la plus forte expression de ce pouvoir. Par conséquent, il est essentiel que le Parlement légifère dans le domaine du patrimoine bâti pour montrer aux Canadiens, aux ministères, aux agences et aux sociétés d'État fédéraux, ainsi qu'aux autres ordres de gouvernement, que le gouvernement fédéral valorise ce patrimoine. Toute politique qui ne figure pas expressément dans une loi qui la sanctionne ne possède pas le même degré de crédibilité, de stabilité ou de prévisibilité qu'un texte législatif, à l'extérieur comme au sein du gouvernement.
Ceux d'entre nous qui ont travaillé à Parcs Canada dans le secteur des lieux historiques n'ont jamais pu s'appuyer sur une bonne loi. Il est essentiel de légiférer pour donner un fondement juridique aux dépenses de fonds publics destinées au patrimoine, non seulement par Parcs Canada, mais aussi par d'autres institutions et entités fédérales qui ont notamment d'importantes responsabilités en matière de garde des lieux historiques nationaux, édifices patrimoniaux fédéraux et ressources archéologiques.
La Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux indique que les responsables ont le droit d'utiliser ces biens « pour les besoins d'un ministère ». Le pouvoir de dépenser est accordé uniquement pour les besoins du ministère. Le texte de la loi précise que ces dépenses doivent être faites « uniquement à ces fins sous réserve des conditions ou restrictions prévues sous le régime de la présente loi, de toute autre loi ou d'un décret du gouverneur en conseil ». Les responsables sont assujettis à des conditions et à des restrictions concernant la protection de l'environnement naturel. Ces obligations découlent d'autres lois fédérales. Les responsables n'ont pas d'obligations juridiques liées à la conservation du patrimoine bâti fédéral.
Il faut aussi légiférer afin de préserver la crédibilité du pouvoir fédéral. Le gouvernement du Canada est la seule instance au pays n'ayant adopté aucune loi pour protéger systématiquement les lieux historiques et les ressources archéologiques qui relèvent de sa compétence. Le gouvernement fédéral doit mettre sa propre maison en ordre s'il souhaite être un intervenant crédible dans ce domaine. Il a longtemps eu une forte tendance à tenir des discours sur la conservation du patrimoine sans agir concrètement, mais il reste la seule instance à ne pas avoir légiféré efficacement dans ce domaine.
À l'échelle internationale, le Canada fait pâle figure à côté d'autres pays comme la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et autres, concernant le patrimoine culturel, depuis que toutes ces autres nations ont officialisé la protection de leurs lieux historiques. En effet, on pourrait dire que le fait de protéger officiellement les lieux patrimoniaux de grande importance est un signe de maturité nationale dans ces autres pays, ce qui met en lumière l'immaturité flagrante du Canada à cet égard.
Que faut-il faire? En bref, voici ce que la législation canadienne devrait viser.
Dans le cas des lieux historiques nationaux, il faudrait adopter une loi les concernant. À cette nouvelle loi fédérale seraient intégrées des dispositions pertinentes de la Loi sur les lieux et monuments historiques et l'article 42 de la Loi sur l'Agence Parcs Canada. Plus important encore, la Loi sur les lieux historiques nationaux devrait permettre la mise en oeuvre de la déclaration adoptée par le Parlement en 1998, selon laquelle il est dans l'intérêt national de garantir l'intégrité commémorative des lieux historiques nationaux, comme indiqué dans le préambule de la Loi sur l'Agence Parcs Canada.
Pour atteindre cet objectif, la loi exigerait entre autres des responsables fédéraux des lieux historiques nationaux, comme Parcs Canada, qu'ils conservent ces lieux conformément aux Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada, communiquent les raisons pour lesquelles le lieu historique national a obtenu sa désignation et exigent que les valeurs patrimoniales du lieu, y compris celles qui ne sont pas liées aux motifs de la désignation, soient respectées dans les décisions et les interventions ayant une incidence sur le lieu. En réalité, rien n'empêche que les ministères, agences et sociétés d'État fédéraux responsables et exploitants de lieux historiques nationaux à des fins non muséologiques — dans le cas, bien sûr, de lieux fédéraux non administrés par Parcs Canada — puissent exercer leurs activités dans un contexte d'intégrité commémorative.
Les lieux historiques nationaux sont de compétence fédérale dans une proportion de 25 %. Les autres, qui ont tous été désignés historiques par le gouvernement du Canada, sont de compétence provinciale ou territoriale, y compris la plupart des lieux historiques nationaux privés et publics. Il faut traiter ces lieux de façon à respecter scrupuleusement cette compétence. Pour ce faire, une nouvelle loi devrait prévoir une disposition interdisant au gouvernement fédéral de prendre des mesures qui auraient des conséquences négatives sur l'intégrité commémorative de lieux historiques nationaux qui relèvent de la compétence d'un autre ordre de gouvernement. Il ne s'agirait pas de simples mesures cosmétiques, étant donné que de nombreuses activités fédérales ont le potentiel de dégrader ces lieux.
J'aimerais maintenant m'intéresser à la loi sur les lieux historiques proposée, qui devrait notamment donner un fondement juridique au Répertoire canadien des lieux patrimoniaux et aux Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada, deux outils pancanadiens essentiels à la conservation à long terme des lieux historiques nationaux. La loi instaurerait un régime législatif pour la protection des ressources archéologiques en terres fédérales, y compris dans un environnement sous-marin. Le gouvernement fédéral est le seul au Canada à ne pas avoir adopté un tel régime, qui permettrait de protéger officiellement les sites du patrimoine mondial appartenant au fédéral, mais aussi d'autres sites dont la valeur universelle est menacée par les activités du gouvernement.
Pendant le temps qui m'était imparti, j'ai seulement pu aborder certains éléments essentiels que la loi devrait contenir. Le projet de loi préparé il y a 14 ans est beaucoup plus détaillé, et il faudra traiter d'autres questions et besoins apparus depuis ce temps. Mon principal objectif est de souligner que c'est la seule façon de mettre en place le cadre juridique essentiel à la protection des lieux patrimoniaux et des ressources archéologiques importants du Canada pour les générations actuelles et futures. En l'absence d'une telle mesure, le Canada restera à la traîne des autres nations.
Merci beaucoup. Je sais que vous aviez beaucoup plus de choses à dire, mais que vous avez dû vous limiter en raison du temps dont vous disposiez. En revanche, nous avons votre mémoire devant nous et je sais que les membres du Comité le liront. Merci pour tout cela.
Nous allons maintenant entendre l'exposé de M. Waldron.
Madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité.
Je vais aborder trois thèmes portant le débat à un niveau supérieur. Plutôt que d'entrer dans les détails, j'aimerais vous amener à mieux comprendre la notion de patrimoine au Canada. Tout en m'écoutant, vous pouvez regarder les diapositives qui sont projetées devant vous.
J'aimerais aborder trois thèmes, à savoir définir ce que nous considérons comme patrimoine de nos jours, offrir un contexte sur l'état du patrimoine bâti au Canada et proposer des objectifs de leadership que le gouvernement fédéral serait en mesure d'atteindre.
Je travaille pour une société qui accorde de l'importance à la durabilité et qui oeuvre en faveur de la neutralité carbone. Cela correspond à l'objectif du gouvernement actuel et c'est aussi un objectif central des efforts de préservation des bâtiments patrimoniaux. Le passé, le présent et l'avenir sont importants pour nous tous dans le déroulement de notre vie, mais il nous arrive souvent de ne tenir compte que du présent et de l'avenir, en particulier lorsque notre existence est marquée par les préoccupations propres au XXIe siècle, à savoir la mondialisation, les changements climatiques, le terrorisme et autres enjeux actuels. Une société saine doit assumer son passé. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de rapprocher le Canada d'un but déjà atteint par la plupart des pays du G20. Ce but consiste à appuyer le patrimoine de manière concrète et importante, plutôt que de toujours le mettre à l'écart.
Qu'on le veuille ou non, nous sommes tous dans cette salle des défenseurs du patrimoine. Chacun d'entre vous honore son passé, que ce soit en faisant des recherches sur votre histoire familiale, en entretenant votre chalet ou en cédant à votre instinct de collectionneur. Il y a différents types de patrimoines. L'un d'entre eux est le patrimoine matériel. Je vais vous parler du patrimoine matériel ou bâti, un type de patrimoine dont nous parlons souvent. Mais il y a aussi le patrimoine intangible, le patrimoine naturel et même le patrimoine numérique. Tous ces patrimoines auront peut-être une résonnance pour vous, pour votre famille, votre collectivité, votre province, votre pays ou même à l'échelle mondiale. Si vous vous demandez ce qui est important pour vous dans la vie, vous penserez probablement au patrimoine. Le patrimoine consiste aussi à respecter les principes de durabilité dans notre façon de vivre. Le patrimoine a des incidences importantes sur le bien-être social, l'état de l'environnement, ainsi que sur divers enjeux allant de la réduction des déchets à l'adoption de meilleurs principes de construction, et il est la source d'énormes profits économiques, en particulier dans le secteur touristique. Le patrimoine n'est pas lié à une seule époque, il peut changer de signification et se présente plutôt sous la forme d'un continuum de significations. Le patrimoine représente un lien entre les générations précédentes et les générations futures, un peu à l'image du concept de la septième génération défini par la Confédération iroquoise.
La Fondation Aga Khan l'a bien compris. Vous avez devant vous le parc Al-Azhar, un espace vert situé en plein centre du Caire. Le cabinet d'architectes Zeidler de Toronto l'a bien compris. Les projets de conservation du patrimoine sont bénéfiques pour la société. Chacun de ces projets repose sur l'idéal que j'appelle les trois C: la culture, la communauté et le commerce.
Le contexte canadien a évolué, de la commémoration de certains lieux en fonction de critères spécialisés et de leur aspect monumental, tant sur le plan physique que conceptuel, jusqu'à la notion selon laquelle le paysage culturel est partout. L'ancien stéréotype des défenseurs de l'environnement qui s'opposent aux promoteurs immobiliers existe toujours, mais il tend à disparaître. Il y a des gens qui font des choses intéressantes.
Nous vivons aujourd'hui à l'ère anthropocène que Paul Crutzen a décrite dans les années 1970, une ère qui se caractérise par l'incidence des activités humaines sur le paysage culturel mondial. Il est difficile de sensibiliser la population à ces concepts. Les professeurs qui consacrent leur enseignement au patrimoine dans les universités canadiennes sont peut-être une douzaine. Le réseau de l'enseignement ne propose en fait que quelques rares programmes professionnels.
Tournons-nous plus précisément vers le patrimoine bâti. Le processus de désignation officielle de certains lieux patrimoniaux par les autorités fédérales, provinciales, territoriales et municipales ne concerne qu'un dixième de 1 %. Compte tenu du patrimoine bâti du Canada et d'après les estimations de désignation au pays, très peu de bâtiments sont protégés au Canada. Environ 41 % de nos édifices commerciaux et institutionnels ont été construits avant 1969. Voilà le parc immobilier dont nous disposons aujourd'hui, mais il existe un patrimoine bâti plus ancien. Les coûts de construction pour l'entretien de ces bâtiments, c'est-à-dire leur rénovation et leur modernisation, représentent la moitié des activités du secteur actuel de la construction — je dis bien la moitié du secteur de la construction. Il ne s'agit pas de constructions nouvelles, mais de l'entretien des bâtiments existants. À quelques rares exceptions près, aucune de ces activités de construction ne nécessite un traitement particulier en matière de conservation. Le secteur de la construction n'a pratiquement aucune expérience en matière de conservation des bâtiments patrimoniaux, et pourtant, près d'un million et demi de personnes travaillent dans ce secteur dont le chiffre d'affaires atteint des milliards de dollars. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, en matière de patrimoine, nous devons mettre l'accent sur ce que nous avons: arrêtons les démolitions et entretenons mieux le patrimoine existant.
Il y a un fossé entre le patrimoine et les autres industries. Le gouvernement fédéral pourrait occuper cet espace et servir de modèle. Par exemple, l'industrie n'a absolument pas intégré les principes de conservation dans ses normes, processus et programmes, même lorsqu'elle intervient dans des bâtiments historiques. Le système LEED et les autres programmes d'évaluation des bâtiments écologiques ne comportent pas une dimension patrimoniale. Cette dimension est considérée comme un critère mineur. Même le nouveau programme WELL développé par l'International WELL Building Institute ne propose aucun critère de mesure de la qualité du lieu ou du lieu historique. Certains codes provinciaux du bâtiment imposent des critères assez stricts concernant les bâtiments patrimoniaux, mais le Code national du bâtiment est beaucoup plus souple au niveau national, ce qui entraîne souvent des divergences par rapport au code provincial.
J'ai remodelé le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux lorsque j'en étais responsable, afin de le rendre plus accessible aux gens et de leur permettre de mieux connaître leurs lieux patrimoniaux. Cependant, la mise en oeuvre des normes adéquates de documentation dans les différentes régions posait des défis constants, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, par exemple au Royaume-Uni.
Nous ne disposons pas de données réelles et appropriées sur l'état du patrimoine canadien. Créée en 1982 et régie par le Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine, la Politique du Conseil du Trésor sur la gestion des biens immobiliers s'applique à 1 237 bâtiments patrimoniaux fédéraux. C'est une politique qui s'adresse uniquement aux bâtiments, plutôt qu'au paysage ou à l'environnement. Elle ne s'applique pas aux ouvrages ou à l'utilisation des terres. Elle est dépassée et nécessite un remaniement. Sa méthode d'évaluation n'a pas été revue depuis près de 40 ans. Dans ses désignations, elle ne tient pas compte des changements apportés aux bâtiments. Or, les bâtiments évoluent au fil du temps. En fait, Parcs Canada a supprimé le rôle de directeur du BEEFP depuis plusieurs années.
La politique manque de fermeté à l'égard des bâtiments fédéraux. Par exemple, elle ne protège pas les lieux patrimoniaux détenus et gérés par des sociétés d'État. Ces dernières n'ont de compte à rendre à personne, contrairement aux sociétés d'État ontariennes, par exemple. C'est le cas notamment de la Société canadienne des postes, de CBC-Radio-Canada, des musées canadiens, de la Monnaie royale canadienne, de la Banque du Canada, du Centre national des Arts, de toutes les autorités portuaires et de l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent. Il y a deux ans, par exemple, CBC-Radio-Canada a démoli un des plus anciens émetteurs du Canada, sans déclencher un processus d'examen. C'était un bijou d'architecture art déco qui aurait pu être un lieu historique national. Pourtant, même une commémoration n'aurait pu protéger cette station radio. D'ailleurs, même lorsqu'un ministère fait preuve de la diligence voulue, un bâtiment patrimonial fédéral peut être démoli, même après plusieurs tentatives pour le sauvegarder.
On compte 968 lieux historiques nationaux dont 200 relèvent de la responsabilité fédérale. Les autres appartiennent à divers ordres de gouvernement, à des Premières Nations, à des organismes à but non lucratif et à des particuliers. En vertu de la loi, les commémorations sont de nature morale. Elles n'offrent aucune protection juridique et très peu de soutien, sauf dans le cas d'un programme fédéral, le Programme de partage des frais, qui penche nettement en faveur des lieux historiques nationaux plus riches et n'apporte rien à ceux qui en ont le plus besoin. Beaucoup de lieux historiques nationaux sont incapables de réunir les fonds nécessaires, mais on n'en entend pas parler.
Voici la gare de Berthier, un lieu historique national. J'ai découvert qu'il avait disparu, comme plusieurs autres lieux historiques nationaux, mais je ne peux trouver aucune trace de sa démolition. Elle a maintenant complètement disparu et a perdu son intégrité commémorative.
Parmi les lieux historiques nationaux qui s'en sortent bien, hormis ceux qui ont l'avantage économique d'appartenir au gouvernement fédéral, il y en a beaucoup qui doivent se contenter d'un budget limité. Glanmore, par exemple, ne dispose que d'un budget d'un demi-million de dollars pour offrir sa programmation, ce qui correspond probablement à la moitié du budget dont disposerait un organisme fédéral pour l'administration de chacun de ses lieux patrimoniaux.
En guise de solution, nous sommes plusieurs à contribuer à un projet visant à créer un réseau pancanadien de lieux historiques nationaux dont l'objectif serait de centraliser les activités afin de réduire les coûts — plutôt que d'engloutir l'argent disponible — et de rehausser le profil de la gestion de ces lieux tout en protégeant leur intégrité commémorative. En fait, le point d'appui fédéral d'une telle organisation pourrait être le ministre qui peut, si je paraphrase la loi, conclure des accords pour commémorer les événements ou personnages liés à un lieu historique ou signaler celui-ci conformément à la loi, ainsi que pour l'entretien et la conservation des lieux.
Les leaders en matière de conservation du patrimoine ont le pouvoir d'inscrire la protection des lieux historiques dans la loi; de solliciter l'appui aux lieux patrimoniaux comme cela se fait dans d'autres industries; de réviser les modèles gouvernementaux visant à protéger les biens de propriété fédérale, y compris les commerces appartenant au gouvernement; de soutenir un plus grand ensemble de lieux historiques nationaux; d'améliorer l'application des codes et des normes; d'exercer un rôle de leader pour exposer à l'industrie les objectifs durables pour notre siècle; de pénaliser éventuellement les personnes qui espèrent tirer un profit à court terme.
Pour terminer, je vous montre un modeste bâtiment situé à Londres et qui, en 2009, était menacé de démolition. En 2010, le ministre de la Culture britannique l'a classé, sur les conseils de l'organisme English Heritage. En vertu de sa nouvelle désignation, les travaux non autorisés dans ce bâtiment seront considérés comme un acte criminel et les propriétaires pourront être poursuivis. Les services d'urbanisme pourront aussi exiger que tous les travaux non autorisés soient démolis aux frais du propriétaire.
Quatre garçons de Liverpool et plusieurs centaines d'autres musiciens pop ont fréquenté ces studios d'enregistrement de Abbey Road depuis les années 1930. Ils sont désormais protégés, grâce à la loi qui s'applique à l'échelle de tout le pays. Malheureusement, cela ne serait pas possible aujourd'hui au Canada.
Je vous remercie.
Merci beaucoup.
Pourriez-vous nous remettre vos notes d'allocution ainsi que les documents que vous nous avez présentés? Il y a là beaucoup de données qui pourraient nous être très utiles.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Au nom d'ICOMOS Canada, je voudrais tout d'abord remercier le Comité d'avoir lancé cette importante étude.
Nous croyons qu'il est opportun d'aborder cette question parce qu'il s'agit de protéger un droit humain, de relever les défis associés aux changements climatiques et d'envisager un avenir durable pour nos communautés.
Je vais commencer par dire quelques mots à propos de nous, afin de mieux définir le contexte de nos commentaires. L'ICOMOS est la seule organisation mondiale non gouvernementale dédiée à la conservation des bâtiments, sites, paysages et autres aires du patrimoine culturel mondial. Nous menons nos travaux par l'intermédiaire de plus de 100 comités nationaux et 28 comités scientifiques internationaux. L'ICOMOS a pour mandat de conseiller l'UNESCO sur les questions relatives au patrimoine culturel, en particulier dans le contexte de la Convention du patrimoine mondial. Il se concentre également sur le développement de la théorie et l'orientation pour les meilleures pratiques grâce à une série de chartes.
ICOMOS Canada est le comité national canadien de l'ICOMOS. Nous sommes actifs depuis le début des années 1970 pour influencer la théorie et les meilleures pratiques en matière de conservation au Canada et à l'étranger. Nous sommes une organisation indépendante et pluridisciplinaire avec des membres d'un océan à l'autre. Nos priorités actuelles sont de développer des conseils sur les paysages culturels, le patrimoine autochtone et les problèmes liés aux changements climatiques. Récemment, nous avons pris un rôle de leadership international sur les politiques de développement durable et les politiques liant la conservation environnementale et culturelle.
Nous sommes heureux de partager avec le Comité quelques observations importantes sur les engagements internationaux de notre pays et leur application dans les politiques fédérales. Nos commentaires sont pertinents pour le mandat de Parcs Canada, mais aussi pour un certain nombre d'autres ministères fédéraux, tels qu'Environnement et Changement climatique Canada, les Affaires autochtones et du Nord et les Services publics et Approvisionnement Canada.
Le Canada a pris des engagements pour la protection et la conservation du patrimoine culturel dès 1976, en adoptant la Convention de l'UNESCO concernant la protection du patrimoine culturel et naturel mondial ou Convention du patrimoine mondial. En 1998, il a ratifié la Convention de l'UNESCO pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé ou Convention de La Haye. Le Canada a dirigé le développement et la ratification de la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles en 2005.
Le patrimoine culturel est inclus dans les accords internationaux liés à l'environnement et au développement durable adoptés par le Canada. Cela comprend la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la Convention sur la diversité biologique, le nouvel agenda urbain et le nouvel agenda sur le développement durable.
Un regard sur ces engagements nous permet de faire trois observations principales. La première est que l'article 5 de la Convention du patrimoine mondial guide notre évaluation actuelle de la conformité du Canada envers cette convention et nous offre la possibilité de mettre à jour nos outils nationaux en réponse à cette obligation. En particulier, le Canada devrait compléter l'ensemble des outils nécessaires, y compris la législation visant la protection, adopter des outils pour guider la prise de décisions et des incitatifs financiers pour mettre en oeuvre des pratiques appropriées.
Deuxièmement, les engagements internationaux pris par le Canada en matière de protection des écosystèmes et de changements climatiques comprennent des dispositions relatives à la protection du patrimoine culturel. Pour être cohérent avec ces engagements, cela devrait aboutir à l'intégration des politiques fédérales en matière de patrimoine naturel et culturel et au renforcement de la capacité fédérale de protéger et de conserver le patrimoine culturel grâce à des évaluations d'impact, des politiques visant à réduire les émissions et des investissements dans l'infrastructure.
La troisième observation est que les engagements internationaux pris par le Canada en matière de développement durable reconnaissent le rôle du patrimoine culturel dans la réalisation d'objectifs de développement durable et pour rendre les villes et les établissements humains inclusifs, résilients et durables. Afin d'être cohérent avec ces engagements, le gouvernement fédéral devrait élaborer des politiques pour guider la planification, le financement et les partenariats qui traitent de façon holistique le développement durable, y compris la conservation du patrimoine culturel.
Sur la base de ces observations, ICOMOS Canada tire quatre conclusions.
La première est la déconnexion entre la pratique de la conservation du patrimoine culturel à l'échelle internationale et la législation fédérale. Le contexte international est plus large dans sa définition du patrimoine culturel, relie le patrimoine intangible et tangible, considère plus étroitement la relation entre la nature et la culture, et se concentre de plus en plus sur les communautés durables.
La deuxième conclusion est qu'il existe un ensemble incomplet d'outils législatifs et politiques fédéraux pour aborder la conservation du patrimoine culturel. Sans législation pour protéger, il est difficile de mettre en place des directives appropriées et de stimuler le développement d'incitatifs financiers. Le gouvernement fédéral a une responsabilité en ce qui concerne les accords internationaux et peut jouer un rôle de coordination important avec les provinces, les territoires, les autres autorités et la société civile pour respecter ces engagements.
Troisièmement, il est nécessaire d'intégrer les politiques liées au patrimoine culturel, à l'environnement et au développement durable pour tenir compte des engagements internationaux. Cela renforcerait les objectifs de la lutte contre les impacts des changements climatiques, de l'investissement dans l'infrastructure collective, en particulier dans les villes, et de la réconciliation avec les peuples autochtones.
Enfin, il existe un déséquilibre dans les investissements et les ressources pour inciter la société civile à prendre des mesures et à préserver le patrimoine culturel. Cela inclut le soutien fourni au niveau international aux organes consultatifs du Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO, comme le nôtre.
En tant que tel, ICOMOS Canada aimerait formuler quelques recommandations pour créer un écosystème du patrimoine culturel national; établir des priorités en matière de développement durable et de patrimoine culturel; élaborer un plan d'action pour les Canadiens afin de conserver le patrimoine culturel.
Nous recommandons d'élaborer et de mettre en oeuvre des lois, des outils et des incitatifs pour protéger le patrimoine bâti, les sites archéologiques, le patrimoine subaquatique, les paysages et autres formes de patrimoine.
Nous recommandons d'examiner le programme des lieux historiques nationaux pour articuler un rôle actif et une responsabilité pour le gouvernement fédéral dans la conservation de tous les lieux historiques nationaux. Cela comprendrait l'élaboration de modèles de gouvernance appropriés pour que les communautés culturelles et autochtones participent activement aux sites administrés par le gouvernement fédéral. Cela comprendrait également l'élaboration de politiques et le financement de Parcs Canada pour que l'agence puisse contribuer activement à la conservation des sites qu'elle ne gère pas.
Nous recommandons de renforcer le rôle de Parcs Canada en conseillant les ministères fédéraux sur la conservation du patrimoine bâti et archéologique et en renforçant sa capacité à fournir des conseils techniques sur les questions relatives au patrimoine culturel et liées aux évaluations d'impact, à l'efficacité énergétique et à l'adaptation au changement climatique.
Nous recommandons de créer un comité consultatif interministériel chargé d'articuler les objectifs d'une stratégie fédérale de développement durable portant sur la conservation du patrimoine culturel et reflétant l'engagement international du Canada.
Nous recommandons de développer et de mettre en oeuvre des pratiques pour reconnaître conjointement l'importance du patrimoine naturel et culturel et de prendre conjointement des mesures visant à le conserver.
Nous recommandons de corriger le déséquilibre du soutien fédéral pour offrir des opportunités aux groupes du patrimoine culturel afin de contribuer activement aux solutions. Cela comprend le renforcement des programmes existants qui concernent l'environnement et les infrastructures, et l'investissement dans des initiatives qui soutiennent la capacité de la société civile à s'engager dans la conservation du patrimoine culturel.
Enfin, nous recommandons d'examiner le rôle de Parcs Canada relativement à la mise en oeuvre de la Convention du patrimoine mondial au Canada. Cela permettrait en effet de reconnaître la responsabilité partagée avec d'autres régions et partenaires en matière de protection des sites de valeur universelle exceptionnelle.
Ces recommandations doivent être comprises dans le contexte international que je viens de décrire. Je vous ai remis un document connexe qui contient plus de détails et d'informations à ce sujet.
Il est important de noter que notre pays est le seul pays du G7 à ne pas disposer d'une législation pour le patrimoine national, comme l'a signalé M. Bennett. C'est un désavantage pour les citoyens et une occasion manquée pour les Canadiens d'appliquer des outils qui ont eu une incidence positive sur le bien-être des communautés du monde entier.
On a répondu à la question de savoir s'il faut investir et soutenir la conservation du patrimoine culturel. Le Canada s'est déjà engagé en signant des accords internationaux en matière de culture, d'environnement et de développement durable. Les gouvernements ont appelé les Canadiens à jouer leur rôle dans la réalisation des objectifs de construction d'une société meilleure et de lutte contre les changements climatiques. ICOMOS Canada répond à cet appel. Nous rassemblons des professionnels et des communautés pour apporter des solutions basées sur une meilleure compréhension du rôle du patrimoine culturel dans l'atteinte de ces objectifs, par exemple en détournant les déchets de construction des sites d'enfouissement, en améliorant l'entretien des bâtiments et en renforçant la résilience des paysages culturels. Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est de leadership fédéral pour atteindre notre plein potentiel.
Je vous remercie.
Merci à vous et merci aussi pour ces informations supplémentaires.
Nous allons maintenant entamer le premier tour de questions avec John Aldag.
Bonjour à tous. Merci pour les excellents témoignages que vous nous avez présentés aujourd'hui et bravo pour vous être lancés dans des carrières qui visent à améliorer la conservation du patrimoine au Canada. C'est vraiment un honneur pour nous d'avoir pu vous réunir tous les quatre ici ce matin.
La question que je vais vous poser a sans doute été couverte dans les exposés que vous avez présentés, mais j'aimerais avoir une déclaration très claire de votre part. Christina et Gordon pourraient peut-être commencer. Il a été question de programmes existants tels que le programme des lieux historiques nationaux et du Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine qui est chargé de désigner les bâtiments patrimoniaux.
À quoi cela sert-il vraiment au niveau de la protection? D'après l'exemple qu'Andrew nous a donné un peu plus tôt, est-ce que le cadre juridique existant pourrait empêcher aujourd'hui un ministère de se débarrasser d'un bâtiment désigné ou d'un lieu historique national?
Je vais commencer, mais c'est vraiment Gordon l'expert.
S'il s'agit d'un lieu historique national désigné qui fait partie de Parcs Canada, il sera protégé en vertu de la Loi sur l'Agence Parcs Canada et d'autres politiques. Dans le cas d'un lieu historique national désigné relevant des autorités fédérales, mais n'étant pas sous la garde de Parcs Canada, comme ce serait le cas pour un bâtiment de la Ferme expérimentale centrale, ce bâtiment relève d'un autre ministère qui a pleine autorité sur lui, comme l'a expliqué Gordon. Par conséquent, le ministre n'a aucun pouvoir véritable là-dessus. S'il s'agit d'un bâtiment patrimonial fédéral, il relève de la politique du Conseil du Trésor. La plus grande pénalité que l'on peut recevoir pour ne pas avoir respecté la classification d'un bâtiment patrimonial fédéral, c'est une remontrance de la part du secrétaire du Conseil du Trésor. C'est tout.
La population canadienne a tendance à penser que nous avons des dispositions, des désignations et que cela équivaut à une protection. Pourtant, d'après ce que vous me dites aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Par ailleurs, Andrew, j'aimerais vous demander une précision. Vous avez dit dans votre exposé que 0,01 % des bâtiments sont protégés. Est-ce que cette protection existe vraiment ou est-ce que ce pourcentage de 0,01 % est composé de bâtiments reconnus ou désignés? Est-ce qu'il existe d'autres programmes? Dans mon esprit, cela paraît un peu contradictoire.
Bien. Ces chiffres s'appuient sur la quantité de désignations estimées dans tous les secteurs de compétence du pays. Lorsque j'étais responsable de l'inventaire, je crois me rappeler qu'il y a cinq ou six ans, il y avait environ 17 000 à 20 000 désignations au pays. Sur l'ensemble du parc immobilier du pays, les bâtiments désignés représentent un pourcentage de 0,01 %.
Bien. Alors, la protection varie selon que le bâtiment relève de la province, du territoire ou d'une autre autorité.
Selon la région, la protection relève des autorités municipales ou provinciales. Chaque province et territoire dispose de différents types de réglementation qui s'inspirent dans certains cas des règlements pris par les municipalités. Par conséquent, la protection est meilleure à l'échelon provincial qu'à l'échelon fédéral.
La protection peut prendre diverses formes. Par exemple, elle peut viser les activités publiques dans un parc national ou un lieu historique national auquel l'accès du public est contrôlé. Le cadre juridique remplit cet objectif en partie.
Dans le cas des biens culturels patrimoniaux, menacés surtout par le manque d'entretien et les lacunes en matière de conservation, l'Agence Parcs Canada n'a aucune exigence législative. Elle doit assurer l'intendance du patrimoine, c'est l'une de ses raisons d'être, mais aucune disposition législative ne l'oblige à entretenir ces lieux conformément à une norme établie.
Par exemple, il n'existe aucune mesure similaire à la Loi sur les parcs nationaux du Canada, qui place l'intégrité écologique en priorité. La Loi impose une obligation au ministre et aux gestionnaires de ces lieux. Aucune obligation de la sorte n'existe pour aucun lieu historique national administré par l'Agence Parcs Canada.
C'est un très bon exemple. Le Comité a pris part aux travaux sur le parc de la Rouge et aux discussions autour de l'intégrité écologique. C'est un concept qui nous est familier. Il est très utile pour nous de savoir qu'une telle exigence n'existe nulle part pour les lieux historiques.
Gordon et Christine, vous avez tous les deux contribué à la rédaction ou à l'orientation de la création du premier projet de loi au début des années 2000, comme vous l'avez dit. À votre connaissance, est-ce que des changements dans le domaine du patrimoine au Canada, sur le plan des désignations, de la législation ou des politiques, font en sorte que ce projet de loi est aujourd'hui obsolète ou inutile? Ou au contraire, le travail réalisé au début des années 2000 est-il encore pertinent?
La situation n'a guère changé. Mes collègues ont expliqué que notre manière d'envisager le patrimoine a changé, que notre démarche est davantage axée sur la durabilité, les paysages culturels dans leur globalité et la désignation collective par quartier plutôt que par objet. C'est le genre de changements qui sont intervenus dans la notion de patrimoine, mais les fondements sont restés les mêmes.
Je suis le porte-parole de mon parti dans le dossier des parcs nationaux. J'habite à deux pas du parc national du Mont-Riding et je connais assez bien le fonctionnement des parcs, du moins de mon parc. Je suis très possessif de ce parc.
Monsieur Bennett, quelles mesures du gouvernement fédéral ont des répercussions négatives sur les terres fédérales, et surtout les parcs nationaux? Pouvez-vous nous donner des exemples précis?
Non, de tous les parcs nationaux. Pouvez-vous nous donner un exemple particulièrement frappant d'un lieu patrimonial qui s'est gravement détérioré par suite des activités de Parcs Canada?
Je pourrais en citer quelques-uns, mais je pense qu'ils remontent tous à loin derrière. J'ai cessé de travailler pour Parcs Canada en 2003.
Selon ce que j'ai pu observer au parc national du Mont-Riding, l'Agence fait du très bon travail pour préserver son patrimoine. J'imagine que l'éthique de travail est la même dans l'ensemble du réseau des parcs.
Monsieur Waldron, comment faites-vous la distinction entre les bâtiments obsolètes et ceux qui ont une valeur patrimoniale? Par exemple, au centre-ville de Winnipeg, l'ancien grand magasin Eaton a été démoli et remplacé par un aréna. Comment distinguez-vous les bâtiments obsolètes et les bâtiments patrimoniaux?
Depuis 100 ou 150 ans, l'ancienneté a été le critère de base. Quelle est la valeur accordée à un lieu au fil du temps? L'âge peut donc entrer en ligne de compte. De manière générale, on parle de 40 ou 50 ans parce que, à l'intérieur du cycle de vie d'un bâtiment, c'est à ce moment qu'il faut songer à remplacer le toit ou réparer l'enveloppe. Par contre, dans mon milieu — je viens du secteur privé —, nous commençons le traitement dès le premier jour. Selon notre vision, il faut commencer à s'occuper de ces bâtiments, à les entretenir dès le début.
C'est ce qu'on appelle de la démolition par négligence. Si un bâtiment est laissé à l'abandon pendant trop longtemps, il devient défiguré, une plaie dans le paysage ou une menace pour la salubrité et la sécurité, et il faut le démolir.
Le magasin Eaton aurait dû être protégé et sauvé, au même titre qu'un autre bien dans une agglomération urbaine.
J'imagine que les 15 000 amateurs de hockey partisans des Jets diraient le contraire, mais nous pouvons nous arrêter…
Très bien.
Vous semblez insinuer qu'aucun bâtiment ne devrait être démoli, nulle part, parce qu'un jour il deviendra un bien patrimonial. Ce n'est pas ce que vous avez insinué, n'est-ce pas?
Pas du tout. Au XXIe siècle, nous gérons les lieux en fonction de leur évolution. Nous ne démolissons plus des bâtiments simplement parce qu'ils ne sont plus économiquement viables. Nous avons d'autres solutions, et beaucoup d'entrepreneurs au Canada en ont fait la démonstration.
Nous sommes au XXIe siècle. Si on tient compte des gaz à effet de serre dégagés par l'énergie intrinsèque d'un bâtiment… C'est une tout autre stratégie.
Parfait.
Je suis également porte-parole de l'opposition officielle en matière de conservation de la faune, et une partie de mon rôle consiste à défendre haut et fort les secteurs de la chasse, de la pêche à la ligne et du piégeage.
Récemment, j'ai assisté au Rendez-vous de la Fédération ontarienne des gestionnaires d'animaux à fourrure à Carp, en Ontario. Ce groupe déploie un zèle admirable envers la protection du patrimoine lié au commerce de la fourrure et l'exposition de vêtements portés selon les époques et d'outils utilisés par ceux qui le pratiquaient. Le commerce ou la traite des fourrures est très fortement associé aux Autochtones, à l'écologie, à l'environnement bâti, aux forts construits partout au Canada, et à tous ces aspects. J'aimerais profiter du temps qu'il me reste pour parler de la sauvegarde du patrimoine de la traite des fourrures.
Madame Cameron, je vais commencer par vous. Qu'en pensez-vous? Protégeons-nous adéquatement le patrimoine de cette industrie qui a joué un rôle si essentiel dans l'histoire de notre pays, qui a eu une incidence sur quasiment toutes ses régions et leur développement?
Ce n'est pas vraiment mon domaine d'expertise, mais je sais que l'Agence Parcs Canada et le gouvernement fédéral ont acquis un bon nombre de postes de traite des fourrures un peu partout au pays, et en utilisent certains à des fins muséologiques. Ils font un véritable effort pour faire connaître l'histoire de la traite des fourrures. Je ne suis pas allée au Lower Fort Garry depuis un moment, mais je suis certaine que ses installations racontent maintenant un pan beaucoup plus large de l'histoire. Au début, le rôle de la Compagnie de la Baie d'Hudson devait prendre beaucoup de place, mais je pense que l'on parle beaucoup plus maintenant des activités de traite elles-mêmes et de la contribution des Autochtones, qui étaient les partenaires de ces échanges commerciaux.
J'ai moi-même pris part au don et au retrait de Lower Fort Garry de la principale collection qui s'y trouvait, et qui est aujourd'hui exposée au Musée du Manitoba. J'en suis très fière, car l'Agence Parcs Canada n'a pas la capacité de gérer une collection d'aussi grande valeur. C'était une des raisons du transfert.
Nous sommes nous-mêmes très fiers de ce musée. En ces temps de rectitude politique, le sujet de la traite des fourrures est souvent négligé, pour de très mauvaises raisons. Je suis donc ravi d'entendre que les efforts se poursuivent.
Les autres intervenants ont-ils autre chose à ajouter au sujet de nos efforts actuels de préservation du patrimoine lié à la traite des fourrures?
Monsieur Bennett?
Concernant ce qui se passe aujourd'hui, des fonctionnaires de l'Agence Parcs Canada seraient mieux placés que moi pour en parler. Je suis retraité depuis 2003. Je ne peux pas vraiment me prononcer.
Merci beaucoup.
Avant de passer à M. Stetski, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Jennifer O'Connell et à Peter Schiefke. Je suis désolée de ne pas vous avoir présentés plus tôt.
Monsieur Stetski.
Merci pour vos présentations fort intéressantes. Elles m'ont donné matière à réflexion sur plusieurs sujets.
J'aimerais commencer par M. Rivet, mais j'invite tous les autres témoins à répondre ensuite. J'ai été vraiment intéressé par votre commentaire sur la nécessité de faire mieux sur le plan des initiatives d'éducation et de collaboration avec l'industrie de la construction, et eu égard au Code national du bâtiment. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces deux thèmes en particulier? Que devrions-nous faire pour mieux protéger le patrimoine?
Merci beaucoup.
La réponse s'inscrit dans le contexte plus large de l'engagement de notre pays à réfléchir à l'intégration de la question du patrimoine aux efforts de développement durable. Si jamais nous voulons concrétiser cet engagement par des politiques et des outils, nous devrons partir de la prémisse exposée par M. Waldron, selon laquelle la production de déchets et la destruction de bâtiments ont des répercussions sur d'autres priorités que nous nous sommes données.
Hier, j'ai examiné des données sur les quantités de déchets qui aboutissent dans les sites d'enfouissement durant les rénovations et d'autres genres de travaux. C'est près de 30 %. Ces chiffres nous donnent une occasion en or de réfléchir à la valeur que peuvent avoir ces déchets. Des idées très novatrices sont proposées au Canada et ailleurs dans le monde concernant la démolition, la démolition partielle ou la rénovation des bâtiments, de même que la réutilisation des matériaux considérés comme étant d'origine. Par exemple, nous pouvons penser à des façons de les réutiliser dans un autre bâtiment du quartier. Dans un quartier historique, les matériaux utilisés et les méthodes de construction sont similaires pour différents bâtiments existants.
Tout cela pour dire qu'une industrie multimilliardaire génère 30 % environ des déchets des sites d'enfouissement au Canada. Sachant cela, quels moyens prendrons-nous pour remplir nos obligations internationales tout en réalisant notre objectif de bâtir des communautés durables?
J'aimerais aborder un autre sujet d'intérêt, du moins pour moi.
Le Comité a fait une tournée et rencontré des témoins dans divers parcs et endroits dans l'Ouest canadien. Nous avons notamment rencontré un groupe de Premières Nations à Jasper, et un chef a fait un commentaire qui m'a vraiment marqué, et j'aimerais que vous me disiez comment nous nous tirons d'affaire. Ce chef nous a dit: « Comme nous n'avons pas de langue écrite, le Créateur a écrit notre histoire sur le territoire. » Je n'oublierai jamais cette parole. Comment nous en sortons-nous pour ce qui concerne la reconnaissance de la valeur patrimoniale autochtone? Je vous pose la question à tous.
Je préfère m'abstenir de parler au nom des peuples autochtones. Cependant, je peux me faire l'écho de ce qui nous a été rapporté. Je tiens à préciser que des représentants autochtones siègent à nos côtés.
Il est clair que le Canada manque de moyens pour assurer la protection de ce que les peuples autochtones jugent important. Des mesures législatives existent, mais il y a des lacunes importantes. L'une d'elles concerne la protection des paysages culturels, et une autre, la protection des sites archéologiques.
Ces lacunes se transposent dans notre manière d'envisager, par exemple, la mise en application de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. C'est ce que nous avons observé, et c'est pourquoi notre comité en a fait une priorité. Nous n'avons pas les outils voulus pour favoriser le respect, l'expression et la protection de la vision du monde des différentes communautés autochtones.
J'aimerais mentionner qu'il existe un excellent modèle dans les Territoires du Nord-Ouest, dans un lieu appelé Sahoyue-Edacho. Ce lieu a tout d'un parc national, mais on n'y trouve aucune ressource architecturale. Il contient probablement des ressources archéologiques. Le Canada l'a désigné comme lieu historique national en raison de la valeur que lui accordent les peuples autochtones et de la place que tient ce territoire dans leurs récits. Je crois qu'il est maintenant protégé. Je ne sais pas si l'Agence Parcs Canada en est propriétaire ou si elle en assure la garde, ou s'il relève d'un partenariat quelconque, mais c'est une aire protégée. Essentiellement, c'est un parc national qui est reconnu pour son intérêt culturel. C'est en fait un exemple de ce dont Christophe a parlé au sujet du paysage culturel et des liens étroits entre culture et nature.
La prochaine question s'adresse encore à Christophe, je crois. Vous avez parlé de changement climatique et de ses effets sur le patrimoine. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
En 30 secondes, je dirai simplement que beaucoup d'initiatives nous donnent à réfléchir sur la manière dont nous investissons dans l'efficacité énergétique, dont nous préparons l'évaluation des répercussions de nos grands programmes d'infrastructure et dont nous décidons si les ouvrages visés par une évaluation seront conservés ou non. En fait, il faut déterminer s'ils peuvent contribuer à notre lutte contre le changement climatique et à la résolution des problèmes. Il ne faut pas partir du principe que tout ce qui existe est forcément inadéquat. Nous devons évaluer le rendement et déterminer s'il correspond aux objectifs de nos communautés.
Votre temps est écoulé, mais je vous remercie. C'est très intéressant pour la suite de notre travail de réconciliation et de notre réflexion sur l'influence qu'auront ces facteurs sur nos politiques et notre démarche.
Monsieur Bossio.
La petite ville de Greater Napanee, dans ma circonscription, est bâtie autour d'une pièce maîtresse, l'hôtel de ville de style renaissance grecque. C'est un très bel édifice qui appartient au gouvernement fédéral. C'est la même chose à Deseronto, où le très beau bureau de poste joue un rôle tout aussi prépondérant au sein de la communauté. C'est une pièce maîtresse. Comme c'est le cas dans beaucoup de communautés rurales du Canada, le caractère imposant de ces bâtiments fait en sorte qu'ils ont une incidence extraordinaire sur la reconstruction de la rue principale.
Je suis inquiet de constater qu'à cause du manque criant de fonds et de ressources pour les lieux historiques nationaux, et du fait que les milieux ruraux ne disposent ni des moyens ni des ressources des grands centres pour exercer des pressions ou obtenir du financement, les lieux historiques du Canada rural se détériorent beaucoup plus rapidement.
Christina, vous avez parlé d'encouragements fiscaux, et nous avons aussi discuté de la question globale du financement et d'améliorations législatives. Selon vous, est-il possible d'intégrer à la loi ou aux modèles de financement des mesures de protection axées expressément sur les propriétés rurales, qui tiendraient compte de leur incidence extraordinaire dans ces milieux?
S'ils sont désignés par l'un ou l'autre des ordres de gouvernement, tout dépendra de qui en est le propriétaire. Si le gouvernement fédéral en demeure le propriétaire, alors certaines des mesures dont nous avons parlé…
… devront être abordées par la voie législative, selon moi, et il faudra prévoir des appuis financiers, parce que les autres ministères les réclameront. Si le gouvernement fédéral n'est pas le propriétaire, d'autres mécanismes interviendront. Si un organisme sans but lucratif ou une institution possède et exploite le bâtiment, alors…
Dans les cas dont j'ai parlé, un est un lieu désigné par le fédéral et l'autre appartient à une société d'État puisque c'est un bureau de poste.
Les sociétés d'État, comme nous l'avons dit ici, ne sont pas visées par la politique sur les édifices fédéraux du patrimoine. Elle s'applique seulement aux ministères. Il faudrait donc une mesure législative.
Alors à quoi ressemblerait cette mesure législative, ou quels mécanismes faudrait-il y prévoir pour tenir compte des besoins particuliers des communautés rurales, et comment devrions-nous les définir?
Je ne pense pas qu'une mesure particulière soit nécessaire pour les milieux ruraux. Je sais qu'ils sont souvent concernés, mais il faut obliger les sociétés d'État et tous les ministères fédéraux à tenir compte de la valeur patrimoniale, comme c'est le cas pour n'importe quel lieu historique national ou tout autre lieu inscrit au Répertoire des édifices fédéraux du patrimoine. Si jamais le gouvernement adopte une loi, elle devra prévoir un budget réservé à l'exécution des obligations supplémentaires qui en découleront en matière de conservation.
Selon vous, l'incidence extraordinaire d'une structure rurale devrait-elle faire partie des critères… Au risque de me répéter, l'enveloppe disponible pour l'ensemble de ces bâtiments ne sera pas inépuisable. Faut-il prévoir une mesure spéciale dans la loi ou le modèle de financement pour que l'influence extraordinaire d'une structure unique sur l'ensemble d'une communauté fasse partie des critères d'affectation des fonds?
Ce pourrait être un élément à prendre en considération et, pour ce qui est de l'établissement des priorités, vous pourriez envisager de l'intégrer à vos recommandations et, éventuellement, à un projet de loi.
À l'échelle ministérielle, d'après votre expérience, est-ce qu'une perspective rurale a été appliquée dans les analyses des questions touchant les lieux historiques?
Non, je ne crois pas qu'une perspective rurale a été appliquée. Cependant, au début des années 2000, quand je faisais ce genre d'analyses, les lieux historiques nationaux étaient répartis dans plus de 400 communautés canadiennes. Plus de 900 lieux historiques ont été désignés comme étant d'importance nationale, et on les trouve dans 400 communautés environ. Je n'ai jamais fait, et je ne pense pas que d'autres l'ont faite non plus, de distinction entre les communautés rurales et urbaines. Si vous passez en revue la liste des désignations, vous constaterez que beaucoup de lieux historiques nationaux, et certainement beaucoup d'édifices fédéraux du patrimoine, se trouvent dans de petites localités rurales. Elles n'ont pas été écartées du processus de désignation. Il s'agit d'un processus public, qui repose sur les demandes écrites de la population à la Commission et qui, fait intéressant, nous a permis de constater que les habitants des régions rurales — ce dont un intervenant a déjà parlé mardi, je crois — sont très protecteurs de leur patrimoine. En fait, la Commission a étudié beaucoup de demandes concernant des lieux situés dans ce qu'il est convenu d'appeler le Canada rural. Pour ce qui a trait au financement, rien à ma connaissance ne donne un avantage ou un bonus.
[Français]
Non, je suis prêt.
Nous constatons tous qu'il y a un problème de gestion du répertoire des lieux historiques. Dans son intervention, M. Waldron a dit qu'on apprenait seulement après le fait qu'un lieu historique avait été détruit.
À ce que je comprends, il n'y a actuellement pas de mécanisme obligeant les propriétaires et les municipalités à donner de l'information et à suivre un processus d'évaluation. Est-ce exact? Évidemment, une fois qu'un lieu historique a été détruit, il est trop tard. L'histoire démontre que cela s'est produit à plusieurs reprises.
Quelle serait la meilleure façon de mettre en place un répertoire et des outils pour protéger notre patrimoine et nos infrastructures?
L'argent est souvent le nerf de la guerre, disons les vraies choses. Il n'y a pas de mauvaise intention visant à de détruire notre patrimoine, mais les propriétaires et les municipalités, malgré leur bonne volonté, deviennent à bout de souffle et doivent faire des choix en fonction des fonds dont ils disposent.
Ma question s'adresse aux quatre témoins. Quel serait le meilleur mécanisme pour protéger notre patrimoine?
Étant donné que M. Waldron a été le registraire, il pourra vous donner plus de détails que moi à ce sujet, mais j'aimerais quand même clarifier un point.
Il faut noter que ce répertoire comprend des sites déjà désignés. La question n'est donc pas de savoir s'ils ont une valeur. Le deuxième aspect est qu'il couvre toutes les compétences.
Pour ce qui est spécifiquement du palier fédéral, le consensus auquel en arrivent les témoins présents est qu'il n'y a pas de mécanisme d'obligation. C'est là que les ministères fédéraux qui pourraient avoir une propriété désignée n'auront pas l'obligation d'intervenir par rapport à un bâtiment désigné et, éventuellement, à en maintenir l'existence. Je voulais simplement faire cette distinction. Là encore, cela crée un problème par rapport aux autres obligations internationales du Canada que j'ai présentées plus tôt.
Cela commence par l'entretien du bâtiment. C'est le début. Le fait d'impliquer des groupes, des individus et des ressources est d'abord basé sur l'intérêt que manifeste une communauté. Les mesures législatives sont un outil qui peut permettre aux personnes qui veulent protéger un endroit de s'engager en ce sens. Le but est vraiment que tout le monde soit ensemble pour protéger un lieu. D'accord?
Lorsqu'un endroit est désigné lieu historique national, une plaque est émise pour l'endroit en question, une cérémonie a lieu — et il est possible qu'un membre du Comité y assiste —, mais les choses s'arrêtent là. Le rôle du gouvernement fédéral ne va pas plus loin.
Auparavant, il y avait ce qu'on appelle un énoncé d'intégrité commémorative. Cela permettait de réunir tous les groupes d'une communauté et de faire en sorte qu'un grand nombre de personnes s'engagent à protéger un lieu. Je l'ai fait dans le cas de Cobalt, une petite ville située dans le Nord de l'Ontario. Tous les habitants de cette ville se sont impliqués et sont maintenant très fiers de leurs ressources culturelles, qui sont protégées. On ne parle pas ici d'appliquer des mesures législatives, mais de protéger des droits. Les lois, les outils, les dons et tout le reste ne sont qu'un début.
D'accord. Je vous interromps ici parce que j'ai une autre question à vous poser.
Nous avons tous nos raisons pour dire qu'un lieu est important sur le plan historique, qu'il s'agisse d'un bureau de poste, d'un musée, d'un phare, d'un quai ou de tout autre endroit. Vous avez désigné environ 2 000 édifices fédéraux et lieux historiques. Ceux-ci sont maintenant répertoriés.
Dans un monde idéal, on protégerait tout, mais il faut se rendre à l'évidence, c'est impossible.
Comment procédez-vous pour établir un ordre de priorité?
Il y a plusieurs approches possibles. Je vais vous parler de ce que nous avons fait dans le cas de bâtiments appartenant au ministère de la Défense nationale. Ce ministère possède environ 50 000 bâtiments. Nous avons choisi des échantillons représentatifs d'un certain type de bâtiment. Il y en avait 10 000, mais nous n'en avons protégé que quelques-uns. C'est l'une des façons dont on peut procéder.
[Traduction]
Je me joins à mes collègues pour vous remercier de faire un aussi bon travail malgré le sous-financement chronique de ce secteur. Ayant moi-même travaillé dans le secteur de l'environnement, j'ai beaucoup de sympathie pour vous, mais l'avenir est prometteur. Je trouve merveilleux qu'un comité se penche sur la question et que vous ayez soumis des mémoires aussi édifiants.
J'aimerais poursuivre sur le même thème que mon collègue, M. Bossio, concernant le financement et la meilleure approche à cet égard. Je pense que nous réussirons à nous entendre sur la nécessité d'une mesure législative, mais je suis moins certain que nous trouverons un consensus autour des recommandations à formuler quant à la meilleure manière d'utiliser des fonds limités.
J'aimerais entendre la réponse de ceux parmi vous que cela intéresse. Faut-il accorder plus de poids à la ruralité dans le contexte global du financement de la protection des édifices patrimoniaux? Permettez-moi de replacer cette question dans son contexte élargi. Pensez-vous qu'il serait particulièrement justifié d'axer le financement de la protection du patrimoine sur la promotion du tourisme, et notamment du tourisme rural? Par exemple, croyez-vous qu'un projet de revitalisation des rues principales offrirait un argument plus convaincant?
Est-il possible que tout le débat autour du financement du patrimoine, dans un contexte de compétition pour l'obtention des fonds publics, ait complètement raté l'essentiel, et que la rivalité par rapport à des intérêts supérieurs ne soit pas l'unique problème? J'aimerais beaucoup vous entendre à ce sujet.
De nouveau sur la brèche! Pour ce qui concerne les priorités — la question a également été soulevée mardi, si j'ai bien compris… J'aimerais aborder la question précise des priorités concurrentes et des intérêts rivaux. Vous avez entendu parler mardi de la nécessité d'augmenter considérablement le financement du programme de partage des frais pour assurer l'efficacité du programme de conservation. Ce volet touche uniquement les lieux historiques nationaux, dont 700 lieux environ qui n'appartiennent pas au fédéral, et il peine déjà à répondre à la demande.
À mon avis, c'est toujours une question de perception. Si je regarde le budget fédéral de 2016 et que j'y vois qu'une subvention de 65 millions de dollars a été approuvée pour un sentier cyclable et de randonnée dans le parc national Jasper, et que je pense aux besoins… Si nous ne parlons pas de ce que la population canadienne considère comme le plus important, je me dis que tout dépend du point de vue. À un moment donné, nous devons nous demander à quoi sert réellement l'argent. Si vous faites cet exercice, vous constaterez que la question n'est pas tant de savoir s'il faut privilégier la culture ou la nature, ou le tourisme par rapport à ceci ou à cela. Là n'est pas la question.
Faire l'effort de présenter les choses d'une manière qui permet de comprendre pourquoi tel investissement est avantageux me semble plus logique que de parler seulement de conservation. Par exemple, aux États-Unis, un crédit d'impôt de 20 % est offert pour des travaux approuvés qui sont exécutés dans tous les lieux historiques nationaux. En fait, je crois que tous les bâtiments répertoriés sont admissibles à ce financement. Ce programme propose de faire abstraction de la valeur patrimoniale pour un moment. Tout édifice construit avant 1936 aux États-Unis et qui est converti en logements abordables donne droit à un crédit d'impôt de 10 %.
Selon de nombreux observateurs, ce programme américain de crédit d'impôt a joué un rôle déterminant dans la revitalisation des villes du pays. Vous êtes plusieurs ici à être plus jeunes que moi, mais je me souviens que dans les années 1980, d'innombrables villes des États-Unis étaient dans un état désastreux, proches du point de non-retour. Les villes de New York et de Provincetown, pour ne nommer que celles-là, étaient moribondes, mais ce crédit d'impôt pour les travaux de restauration a attiré les entrepreneurs. Des entreprises de haute technologie se sont installées dans de vieux édifices. Ce programme a permis ce genre de choses. En fait, quand Christina et moi travaillions, le grand cabinet américain de consultation Deloitte & Touche a créé une division qui s'occupait de faire inscrire des lieux au répertoire afin de les rendre admissibles aux crédits d'impôt, en raison des retombées extrêmement positives de cette réhabilitation dans les communautés.
Je conviens avec vous que la manière dont les choses sont présentées est importante, mais n'oubliez jamais que quand il est question d'intérêts rivaux, l'important est de savoir comment l'argent est vraiment dépensé.
Comme nous avons parlé d'un modèle de soutien individualisé, qui est très important, j'aimerais me faire le porte-voix du mouvement environnemental, au sein duquel nous encourageons la société civile à investir dans des initiatives et des programmes financés par le gouvernement fédéral. Il faut absolument envisager cette ligne de conduite, qui a donné d'excellents résultats ailleurs dans le monde, et admettre la très grande expertise du mouvement environnemental dans la réalisation de grandes choses pour la communauté. C'est un modèle qui mériterait d'être exploré pour le domaine du patrimoine.
Avant de donner la parole à M. Fast, j'aimerais donner suite à vos propos et à votre demande d'exemples concrets de leviers pour recueillir de l'argent et d'autres possibilités à explorer dans ce domaine. Ce serait fort utile pour nous. Merci.
Je vais creuser la question un peu plus tard mais, tout d'abord, je constate que des thèmes communs se dégagent de vos témoignages et de ceux que nous avons entendus il y a deux jours. Le premier est la nécessité d'une mesure législative.
Monsieur Bennett, vous nous avez déjà donné des explications plus détaillées et un aperçu complet de ce que vous estimez nécessaire.
Monsieur Rivet, vous avez aussi parlé d'outils politiques. Fort heureusement, nous avons reçu une version écrite de votre exposé, mais il n'y est pas vraiment expliqué ce que vous entendez par « outils politiques ». Pouvez-vous le faire maintenant? Cela nous aidera pour la rédaction de notre rapport.
Je vais peut-être commencer par vous donner une idée du contexte global qui devrait servir de point de départ.
Une série d'outils pourraient s'appliquer expressément à l'Agence Parcs Canada, et une autre série pourrait être envisagée pour l'ensemble du gouvernement fédéral. Il est peut-être pertinent de vous dire que j'ai travaillé pour Environnement Canada, et que c'est là que j'ai beaucoup appris sur la place importante que tient l'environnement dans les discussions des ministères fédéraux sur leur plan d'action.
Par exemple, il est intéressant de penser à la stratégie fédérale en matière de développement durable, qui guide les ministères sur la manière de remplir l'engagement du Canada en la matière, et aux rapports sur les gestes posés. L'harmonisation des objectifs de cette stratégie avec les engagements internationaux pose des défis importants, dont l'un vient de l'absence de mécanisme de rapport sur les mesures prises pour intégrer la composante du patrimoine culturel dans le développement durable. J'y vois une première occasion de faire connaître l'intention du gouvernement d'intégrer le patrimoine culturel aux objectifs du Canada en matière de développement durable, et de faire un suivi des mesures et des réalisations qui contribuent à l'atteinte de cet objectif.
Comme je l'ai affirmé dans mon allocution, plusieurs ministères sont directement touchés par la question du patrimoine. Leur mandat ne précise pas leur rôle en matière de patrimoine culturel, mais ces questions les concernent, d'une façon ou d'une autre. Quand nous parlons de réconciliation avec les peuples autochtones, des enjeux liés au patrimoine entrent évidemment en ligne de compte. Quand il est question d'investissements dans les infrastructures de centres urbains, il faudra de toute évidence composer avec les cultures et l'expression culturelle des communautés qui y vivent.
J'essaie simplement d'expliquer qu'il suffit de commencer par la stratégie fédérale de développement durable et de déterminer comment elle s'applique à d'autres ministères.
La dernière idée qui me vient en tête a trait à l'annonce prochaine de financement pour l'éco… Je suis désolé, l'expression exacte m'échappe ici. Tout ce que je sais, c'est que les propriétaires seront incités à investir dans l'écologisation et la rénovation écologique. Cette initiative nous donnera l'occasion de parler de la manière dont le gouvernement fédéral compte reconnaître l'importance du patrimoine culturel, pas seulement à cause de sa valeur, mais également parce qu'il peut contribuer à l'atteinte de nos objectifs de développement durable et à la lutte contre le changement climatique.
Est-ce que quelqu'un d'autre veut dire un mot à ce sujet?
Sinon, je vais aborder la question des difficultés financières auxquelles tous les gouvernements sont confrontés. M. Amos a effleuré le sujet quand il a parlé des priorités concurrentes, et nous en avons aussi parlé à la séance précédente.
Le financement a fluctué ces dernières années. Vous avez examiné les niveaux de financement. Êtes-vous parvenus à une conclusion quant aux niveaux qui seraient nécessaires non seulement pour conserver le parc actuel d'édifices du patrimoine culturel, mais pour en acquérir de nouveaux et inciter le secteur privé à faire sa part?
Monsieur Rivet.
Je ne peux pas donner de chiffres exacts, mais j'aimerais relever deux points que je trouve importants.
Tout d'abord, il est manifeste que les ressources et la capacité de l'Agence Parcs Canada ne lui permettent pas de remplir pleinement son mandat en matière de conservation. Quand on lit dans ses rapports au Parlement qu'une bonne partie des lieux sont dans un état acceptable ou médiocre, il y a lieu de s'arrêter et de réfléchir.
Le point qui m'intéresse plus particulièrement est celui de l'effet de levier. Je ne crois pas que nous ayons fait le tour de la question. Je reviens aux modèles de financement des milieux de l'environnement, axés sur l'association avec des partenaires de la société civile qui sont prêts à devenir des chefs de file dans la poursuite des meilleurs intérêts des communautés. Nous parvenons à les convaincre en soutenant leurs projets qui cadrent avec les objectifs x, y, z du gouvernement fédéral. Je crois qu'il est extrêmement important d'envisager la question du patrimoine de la même manière.
Malgré une hausse considérable du budget de l'Agence Parcs Canada depuis 2013, les dépenses liées aux lieux historiques nationaux et à tous les programmes du patrimoine culturel ont reculé de 15 % environ, ou quelque chose du genre. Le problème est structurel, pas seulement financier. Le problème vient de la répartition des fonds. Où va l'argent? C'est une question à laquelle le Comité devrait s'intéresser.
Vraiment? Je n'ai pas entendu. Je suis quand même étonnée que cette remarque ne m'ait pas accroché l'oreille.
Je dois vous interrompre, même si vos questions sont excellentes. Nous aurons peut-être le temps d'y revenir.
Monsieur Aldag.
C'est un avant-goût pour l'un des thèmes soulevés et dont nous avons déjà parlé. Je ne vais pas m'étendre sur le sujet pour le moment. Au printemps, nous avons déposé un projet de loi sur la durabilité, la Loi fédérale sur le développement durable. Nous avons donc parlé de durabilité, mais je dois avouer que nous n'avons pas abordé la question du patrimoine dans notre étude. Quand le projet de loi nous sera renvoyé, nous pourrions consacrer une de nos séances à la manière d'y intégrer la question patrimoniale. En fait, je souhaite qu'il soit consigné au compte rendu que je propose que le Comité se penche sur ce sujet, et qu'il réinvite des témoins et peut-être de nouveaux intervenants pour discuter des modifications qui pourraient renforcer le projet de loi. Je laisse cela de côté pour l'instant et vous invite à y réfléchir.
M. Sopuck m'a ramené à une époque où j'étais posté au parc national du Mont-Riding, au début des années 1990. De nombreux édifices fédéraux du patrimoine et lieux historiques nationaux étaient alors menacés. Je pense notamment au centre d'inscription de l'entrée est, un joyau architectural. Un bâtiment comparable, situé à l'entrée sud, a été démoli sans qu'il en reste de trace. La question de savoir si celui de l'entrée est devait subir le même sort a été débattue. Il était aussi projeté de démolir le centre d'accueil pour en construire un tout neuf. Il s'agit de véritables joyaux architecturaux qui confèrent tout son caractère à la petite ville de Wasagaming.
La difficulté avec les parcs nationaux, si j'en juge par les 30 ans et plus que j'ai passés dans cet organisme, vient de la rivalité constante pour l'obtention de fonds. Dans le cas des parcs nationaux, l'intégrité écologique passe toujours en premier, mais on ne peut pas négliger pour autant les éléments d'actif modernes comme les autoroutes et les systèmes de traitement des eaux. Le patrimoine est souvent le parent pauvre.
Même s'il y a de l'argent, et vous avez dit que le parc du Mont-Riding n'était pas en mauvais état, à certains moments…
… les choses auraient pu se passer très différemment. Des gens comme Christina et Gordon ont joué un rôle pivot dans l'adoption de politiques pour l'Agence Parcs Canada.
J'aimerais parler d'autres organismes que l'Agence Parcs Canada, qui a le mandat express de consacrer de l'argent au patrimoine, de sorte que les lieux historiques et bâtiments fédéraux du patrimoine qui en relèvent sont très fortunés. Pour ce qui est de la nécessité d'une mesure législative pour encadrer les dépenses publiques, j'ai souvent discuté avec des représentants du ministère de la Défense nationale et d'autres ministères du fait que leur mandat de base ne dit pas que le Conseil du Trésor leur verse du financement pour prendre soin des édifices patrimoniaux. Le ministère de la Défense nationale, entre autres, a abattu plusieurs édifices fédéraux du patrimoine, sous le prétexte qu'il n'avait tout simplement pas d'argent et que son rôle était de faire exploser des choses…
Des voix: Oh, oh!
M. John Aldag: … et de défendre le pays, pas de protéger de vieilles structures.
Après ce long préambule, je reviens à la rédaction éventuelle d'un projet de loi visant les lieux historiques fédéraux, et au travail que Gordon et Christina ont déjà fait. J'essaie de trouver le projet de loi précédent, mais il est gardé sous scellé, et nous n'y avons donc pas accès. Nous devons le reconstruire, peu importe son contenu. Il avait été déposé au Cabinet, et j'ai été incapable… C'est la voie que je tentais de suivre avec mon projet de loi d'initiative parlementaire.
Nous devons vraiment le reconstruire. Je me demande si nous adoptions une mesure pour obliger le fédéral à faire de l'ordre dans ses affaires, et un projet de loi visant les lieux historiques nationaux… Est-ce qu'il s'appliquait non seulement aux biens de Parcs Canada et à leur protection réelle, mais aussi à tous les autres? Le gouvernement fédéral aurait-il pu soutenir la protection de ses lieux historiques nationaux? Pouvez-vous m'éclairer au moins un peu sur la manière de voir les choses au début des années 2000?
Lors des réunions interministérielles que nous avons eues, il était énormément question des coûts supplémentaires liés à la conservation du patrimoine. Nous sommes parvenus à ce qui était, je crois, un consensus assez généralisé sur un chiffre de 20 %. Les gens du patrimoine ont dit que c'était un peu élevé, et nous avons expliqué pourquoi nous pensions que c'était un peu élevé. Les responsables de la garde trouvaient que ce n'était pas assez, qu'en cas d'imprévus majeurs… Ils savaient comment le système fonctionnait aux États-Unis.
Le chiffre de 20 % a été accepté comme… Un coût additionnel devait être ajouté pour les 65, ou 63, je ne sais plus au juste, autres lieux historiques nationaux appartenant aux autres ministères. C'était une mesure de financement public analogue à celle qui avait été prise concernant les obligations découlant de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, notamment, et de la ligne directrice, qui à l'origine imposait de nouvelles obligations aux responsables de la garde. Ces obligations sont importantes, et il est important qu'ils les remplissent…
La mesure législative contemplée pourrait par exemple exiger que la priorité soit accordée à l'intégrité commémorative des lieux historiques du fédéral. Elle assurerait ce genre de protection, et elle exigerait, ou du moins elle légitimerait le financement des activités de conservation par le gouvernement fédéral.
De la même manière que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement accorde aux ministères et aux agences le pouvoir de dépenser de l'argent pour mener des évaluations environnementales.
Toutefois, l'intention n'a jamais été de soustraire ces lieux historiques nationaux aux autres ministères chargés d'en assurer la garde et de les confier, disons, à Parcs Canada. Cette responsabilité devait demeurer celle des autres ministères.
Non, John. Dans mes rêves, j'aurais adoré venir travailler tous les jours sur la Colline du Parlement, qui représente à mes yeux un lieu historique national de première importance. Malheureusement, ce n'était pas ce qui était prévu.
C'est un aspect qu'il conviendrait d'approfondir, mais je dois hélas vous interrompre.
Monsieur Stetski.
N'ayant que trois minutes, je vais être bref.
Est-ce à dire, John, que vous n'avez pas pu vous procurer une copie des dispositions législatives auxquelles faisait référence M. Bennett? J'ai cru comprendre que ces textes remontent à environ 14 ans?
Je vous en remercie, car ils me semblent importants.
Je voudrais maintenant passer à une question qui me préoccupe un peu et c'est peut-être aussi votre cas. Nous avons un ministre du Patrimoine canadien, mais une grande partie de notre patrimoine relève en fait de Parcs Canada. Je me suis penché sur la lettre de mandat du ministre. Elle fait état de 13 grandes priorités. L'une est de travailler avec le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités, pour faire d'importants nouveaux investissements dans l'infrastructure culturelle, une autre étant de travailler en collaboration avec le ministre des Affaires autochtones et du Nord afin de fournir de nouveaux fonds aux Premières Nations pour promouvoir, préserver et protéger leurs langues et leurs cultures. Cela étant, le patrimoine devrait-il, effectivement, relever de Parcs Canada?
Je précise que, je suis, dans ce dossier, le porte-parole néo-démocrate, mais je me présente en tant que défenseur des parcs nationaux, ce que je suis effectivement. Devrait-on confier le patrimoine à un ministère distinct qui reprendrait ainsi ce portefeuille à Parcs Canada. Une telle mesure permettrait-elle d'améliorer la situation?
Christina, je crois que vous avez quelque chose à nous dire sur ce point.
C'est simplement que je ne suis pas d'accord en cela avec Gordon, et je voudrais donc vous dire quelques mots à ce sujet avant de lui passer la parole.
J'ai été déçue de voir que la lettre de mandat du ministre de l'Environnement et du Changement climatique ne mentionne pas le patrimoine culturel. Je n'en dirai cependant pas plus sur ce point. Je sais que Gordon souhaite en effet aborder la question. Le patrimoine a été confié à Parcs Canada pour des raisons essentiellement opérationnelles. Le pays est en effet divisé en un certain nombre de services régionaux et cela permet d'assurer, sur le terrain, une action concertée. Or, Patrimoine canadien n'a pas, sur le plan culturel, un maillage comparable. C'est l'argument invoqué depuis toujours pour expliquer la situation.
Je vais maintenant passer la parole à Gordon qui n'est pas de cet avis.
On peut dire que si cette initiative législative n'a pas abouti, c'est qu'à la fin de 2003, les responsabilités en matière de contrôle et de surveillance des activités de Parcs Canada, sont passées du ministre du Patrimoine canadien au ministre de l'Environnement. Or, il est clair que, pour le ministre du Patrimoine canadien, il s'agissait d'un domaine prioritaire, alors que cela n'a pas été le cas pour les ministres de l'Environnement qui se sont succédé.
Il faut, je pense, d'abord se demander si le gouvernement et le ministre sont satisfaits de la situation actuelle. Dans la lettre de mandat citée par Christina, les parcs nationaux sont mentionnés explicitement cinq fois, et il en est par la suite implicitement question une fois de plus. Les zones marines et côtières protégées ont droit à trois mentions, mais les programmes de patrimoine culturel, qui relèvent pourtant du ministre, ne sont pas mentionnés une seule fois. Je ne dis pas que c'est de la faute du ministre, ou même la faute du gouvernement. Je crois simplement que chacun suppose que le patrimoine relève de quelqu'autre organisme. Je n'y vois aucune mauvaise intention; c'est tout simplement comme cela.
J'estime que si le ministre souhaite effectivement conserver ses attributions en ce domaine, il faudrait, comme c'est le cas en Australie, que l'on adopte une disposition législative précisant clairement les responsabilités qui lui incombent. Le ministre a le portefeuille de l'Environnement. Or, ce ministère n'est investi d'aucune mission en matière de patrimoine culturel. Parcs Canada ne fait pas partie du ministère de l'Environnement, et cela pour de bonnes raisons, sur lesquelles je ne m'étendrai d'ailleurs pas.
Mais il y a, à cette situation, plusieurs solutions possibles. La première consisterait à faire en sorte que le ministre et Parcs Canada accordent à ce dossier une attention beaucoup plus grande que par le passé. Deuxièmement, si l'on considère que ces programmes n'ont effectivement pas leur place dans ce ministère, le directeur général de Parcs Canada pourrait désormais, pour ce qui est des programmes de patrimoine culturel, relever d'un autre ministre tout en continuant à relever du ministre de l'Environnement dans les autres domaines. Troisièmement, étant donné ce qui s'est produit avec les sites historiques, je ne suis pas certain qu'en en retirant la responsabilité à Parcs Canada, on aggraverait la détérioration constatée au cours de ces dernières années.
Bon. Je vous ai laissé poursuivre deux minutes de plus, car je voyais bien qu'il nous restait assez de temps pour une nouvelle série de questions. J'ai bien vu que tout le monde souhaitait entendre votre réponse. En vertu du privilège se rattachant à ma fonction de présidente, je ne vous ai pas interrompu, mais nous allons maintenant, avant de terminer, accorder deux minutes chacun aux conservateurs et aux libéraux.
La parole passe maintenant à celle ou celui qui souhaite intervenir.
Je vous remercie, monsieur Aldag, d'avoir attiré notre attention sur le parc du Mont-Riding, et c'est avec plaisir que je m'entretiendrais avec vous des beautés de ce site.
En 2014, le premier ministre a annoncé un programme de 2,8 milliards de dollars qui, selon un article de journal publié à l'époque, devait permettre de financer l'amélioration, sur l'ensemble du territoire, des infrastructures du patrimoine, du tourisme, des voies navigables et des routes situées dans le périmètre de sites historiques nationaux, de parcs nationaux, et des aires marines nationales de conservation. Ces investissements consentis par le gouvernement du Canada comprennent le plan d'infrastructure le plus important depuis la création du premier parc national il y a 104 ans. J'étais fier de voir notre gouvernement prendre une telle mesure. Je ne voudrais pas me montrer trop partisan, mais c'est un fait que les crédits nécessaires ont été dégagés.
Je vais vous demander, très rapidement, quelques précisions à cet égard. L'argent en question est-il, selon vous, bien employé à la sauvegarde du patrimoine? J'avais l'impression que ce financement était initialement pour une période de trois ans. Ce programme devrait-il être reconduit?
Madame Cameron.
Je ne suis pas en mesure de vous répondre sur ce point. Je ne suis plus dans le secret des dieux et je ne sais pas quelle a été l'affectation de ces crédits. Non, vraiment, je ne me suis pas penchée sur cet aspect de la question. Il s'agit de quelque chose qui pourrait faire l'objet d'un nouveau rapport du vérificateur général. On pourrait ainsi voir s'il a été remédié aux carences constatées.
Je regrette de ne pas pouvoir vous donner une réponse plus complète.
Je vais vous répondre dans le même sens. Le rapport ministériel sur le rendement ne précise pas le montant des crédits affectés aux lieux historiques nationaux par Parcs Canada.
Je dois dire que je suis surpris par ce manque de détails. On avait, à l'époque, fait grand cas de ce projet. C'est sans doute en partie pour cela que M. Aldag a évoqué certaines des améliorations qui ont, depuis, été apportées aux parcs.
Madame Cameron, faut-il qu'un site patrimonial revête une importance nationale, ou notre pays s'occupe-t-il également de sites d'importance locale, de sites qui n'ont peut-être pas une importance nationale, mais auxquels peut être particulièrement attachée telle ou telle communauté?
Je songe, en ce qui me concerne, aux sites témoins de l'installation des Ukrainiens dans l'Ouest du Canada.
M. Alway vous a expliqué le déroulement de la procédure, et je ne vais pas refaire son exposé.
D'après moi, le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux devrait justement permettre d'englober les sites que vous venez d'évoquer, et faire en sorte que le gouvernement fédéral ne prenne aucune mesure susceptible d'y porter atteinte. Comme vous le savez, ces sites appartiennent pour la plupart aux provinces, et la sauvegarde d'un site d'importance locale est vraisemblablement assurée par les autorités municipales en vertu d'une délégation de la province. Le rôle du gouvernement fédéral consiste essentiellement à ne prendre aucune mesure et à ne pas attribuer de fonds susceptibles de nuire à un site inscrit au Répertoire.
Pensez-vous, donc, que le gouvernement fédéral devrait instituer un modeste programme afin de contribuer à ces efforts locaux de sauvegarde, un programme de fonds d'équivalence, par exemple? Ce type de programme ne coûte généralement pas très cher. Pour certains de mes petits groupes de bénévoles, une subvention de 5 000 $ ferait toute la différence. Le gouvernement fédéral pourrait-il utilement lancer un tel programme?
C'était en fait l'objet du programme de crédits d'impôt...
M. Robert Sopuck: En effet.
Mme Christina Cameron: ... et ce programme concernait tout bien inscrit au Répertoire. C'est donc effectivement une mesure que l'on pourrait envisager.
Je sais que nous sommes à court de temps.
Je voudrais revenir, très rapidement, sur la question du financement. J'invite nos érudits témoins à nous faire parvenir par écrit le fruit de leurs réflexions sur la question. Nous vous en saurions infiniment gré.
Je souhaiterais maintenant recueillir votre avis sur l'hypothèse suivante: supposons que Parcs Canada soit doté d'un crédit de 20 millions de dollars pour favoriser la sauvegarde du patrimoine dans l'ensemble du pays, reconnaissant qu'en ce domaine c'est à Parcs Canada qu'il appartient de prendre les devants et de montrer ce qui se fait de mieux en matière de sauvegarde du patrimoine et de sa mise à la disposition du public. Je n'ignore aucunement les frais qu'entraîne la conservation à long terme des éléments de notre patrimoine.
Vous avez donc ce budget annuel de 20 millions de dollars, une partie étant actuellement affectée aux ouvrages patrimoniaux dont est propriétaire le gouvernement fédéral. Mais, quelle serait la répartition de ces crédits entre ces bâtiments-là, et les structures patrimoniales qui n'appartiennent pas nécessairement au gouvernement fédéral? J'estime, pour ma part, que l'important serait justement d'encourager la sauvegarde des éléments patrimoniaux autres que ceux qui appartiennent au gouvernement fédéral, et j'aimerais notamment recueillir l'avis de M. Rivet et de M. Bennett sur la question.
Permettez-moi de revenir un peu sur ce que j'ai constaté au sein du mouvement environnemental. Il est clair que dans ce domaine, le gouvernement fédéral a consacré beaucoup plus que 20 millions de dollars à des initiatives destinées à soutenir l'action de diverses communautés, quelle que soit la région en cause. Il convient, d'après moi, d'insister sur ce point. Si nous voulons sauvegarder notre patrimoine culturel, il nous faut intervenir dans des lieux aussi divers et aussi importants que les lieux où nous nous employons à protéger nos terres, nos rivières et nos lacs, et l'air que nous respirons.
Nous avons évoqué certains modèles d'intervention, ainsi que les moyens permettant de mieux tirer parti des crédits disponibles. Nous avons examiné les investissements intergouvernementaux et l'intervention, à tous les niveaux, des organismes de développement économique. Or, ce sont là des choses que le gouvernement fédéral connaît bien, et qu'il fait depuis longtemps. Les Canadiens en sont conscients et ne seraient donc pas surpris de voir des mesures prises en ce sens. Je ne m'arrête d'ailleurs pas spécialement sur ce chiffre de 20 millions de dollars, ou sur combien il faudrait théoriquement. Je ne fais que rappeler qu'en ce qui concerne la portée de ce genre d'initiative, nous avons vu ce que cela a pu donner dans un autre domaine d'intervention.
Selon moi, ces 20 millions de dollars dégagés dans le cadre d'un programme de partage des coûts devraient être affectés à des sites autres que ceux qui appartiennent au gouvernement fédéral. Je pense que Parcs Canada pourrait d'ailleurs, à cet égard, procéder à une réaffectation de certains des crédits dont il dispose actuellement.
Je me suis entretenu avec les propriétaires de lieux historiques nationaux situés en zone rurale, et j'en ai retiré la conviction que nos programmes à frais partagés devraient être restructurés. Je me suis entretenu avec des gens aussi bien du Labrador que du nord de la Colombie-Britannique qui m'ont parlé des difficultés qu'entraîne pour eux l'inégalité des règles du jeu. C'est un problème sur lequel nous devrions nous pencher pour parvenir dans la répartition des crédits en question à un meilleur équilibre. Ce sont en effet les sites les mieux nantis, ceux qui ont de quoi faire rédiger des rapports sur la question, qui finissent par obtenir les crédits. Il y a, en Saskatchewan, par exemple, des sites un peu miséreux qu'on ne pense jamais à subventionner. Il nous faut donc de nouveau réfléchir à la manière dont fonctionne ce programme.
Je vois bien que tout le monde voudrait poursuivre sur ce sujet. Nous avons, cependant, avant cela, un ou deux points à régler. Si vous le voulez bien, donc, nous allons interrompre un instant les questions afin que je puisse régler quelques détails. Après cela, nous pourrons reprendre jusqu'à la fin de la séance. Faites-moi savoir s'il y a des objections. Nous allons sans cela procéder ainsi.
En quelques mots, on nous a confirmé que le commissaire va remettre ses rapports le 3 octobre. Si c'est effectivement le cas, nous allons devoir déplacer la séance. Certains de nos témoins ne peuvent comparaître que ce jour-là, mais ils ont accepté de venir l'après-midi. Nous disposerons d'une salle entre 15 h 30 et 17 h 30, immédiatement après la période des questions, ici même dans l'immeuble Wellington.
Le 3 octobre, dans cette même salle. La séance est simplement reportée à l'après-midi, puisque nous souhaitons auditionner des témoins qui ne peuvent se déplacer que ce jour-là.
Quelqu'un souhaite-t-il élever une objection?
[Français]
[Traduction]
La séance peut néanmoins avoir lieu. Pourriez-vous vous y faire représenter, car le témoin en question ne peut comparaître que ce jour-là et nous souhaitons l'auditionner?
Je vous remercie de nous l'avoir fait savoir. Nous ferons en sorte de vous faire parvenir le compte rendu de la séance.
Merci. Je vous en saurais gré.
Il nous faudrait, autrement, modifier notre calendrier. Nous vous transmettrons l'avis que nous diffuserons alors.
Lorsque, mardi, j'étais sur le point d'envoyer les photos, je me suis rendu compte que je ne connaissais pas l'identité de vos collaborateurs, qu'il s'agisse d'un A1, d'un A2 ou d'un C1, enfin des collaborateurs qui vous accompagnent ici. Pourriez-vous donc m'envoyer un courriel et me faire savoir quel...?
Vous les avez déjà?
Le greffier du Comité (M. Thomas Bigelow): Permettez-moi.
La présidente: Notre greffier va les conserver afin que nous sachions quelles sont les autres personnes à qui nous devrions transmettre ces renseignements.
Il ne me restait que cela à faire et nous pouvons donc reprendre là où nous en étions, et accorder à chacun quelques minutes de plus avant de lever la séance.
Nous pourrions à nouveau commencer par Wayne.
[Français]
Je vous remercie, madame la présidente.
Madame Cameron, j'aimerais connaître votre opinion sur l'établissement de critères et sur la ventilation de l'investissement de la part du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la protection des sites, des lieux et des bâtiments. Est-ce qu'il serait envisageable d'avoir une répartition géographique à la grandeur du pays?
Évidemment, les centres urbains sont de grands centres où il y a beaucoup d'infrastructures, beaucoup de lieux. Or nos régions ont aussi une histoire. D'ailleurs, c'est grâce aux régions que les centres urbains se sont développés.
Serait-il envisageable de penser à une répartition des investissements entre les provinces, à une répartition qui tienne compte des régions rurales comparativement aux centres urbains? Avez-vous déjà réfléchi à cela pour protéger l'ensemble du Canada et pour ne pas favoriser une région ou une province au détriment d'une autre? Je pense que tous les territoires et toutes les provinces du Canada ont une histoire.
En ce moment, ces nuances n'existent pas, mais selon les programmes acceptés par un gouvernement quelconque, il y a toujours une possibilité de créer un programme d'une certaine façon afin de compenser certaines faiblesses ou de saisir des données différentes. Par exemple, au sujet des bâtiments ruraux et des grandes villes, il y a toujours la possibilité de faire certaines nuances entre les villes et les municipalités rurales, comme c'est le cas au Québec. À mon avis, cela dépend de la façon dont les programmes sont créés. On n'a jamais exploré cela, mais je pense que tout est possible.
Est-ce que ma réflexion est farfelue?
M. Rivet voudrait répondre à ma question, mais j'aimerais d'abord entendre la réponse de Mme Cameron.
Monsieur Godin, je ne vais certainement pas me permettre de vous dire si votre réflexion est farfelue ou pas, mais j'aimerais appuyer le point soulevé par Mme Cameron.
En fait, cela dépend des autorités. Au Québec, par exemple, le gouvernement provincial a d'excellentes lois visant à protéger les paysages. C'est quelque chose d'assez unique à l'échelle du pays. D'autres autorités provinciales vont investir dans certains types de patrimoine qui sont, par exemple, plus près des peuples autochtones ou plus investis dans les bâtiments.
Si on réfléchit à une allocation de financement fédéral, alors il faut également considérer l'idée de levier. Il faut se pencher sur la façon d'appuyer une conservation qui va atteindre les objectifs de toutes les communautés à l'échelle du pays, selon leur type de patrimoine, de la manière la plus efficace possible et de concert avec les autres autorités provinciales, territoires et municipales.
[Traduction]
Il s'est dit aujourd'hui des choses très intéressantes, et je tiens à remercier nos témoins.
Pourriez-vous nous dire, en quelques mots, quelle serait la mesure que vous souhaiteriez le plus voir adopter à court terme, et proposer, aussi, une mesure qui pourrait être prise à plus long terme. De ce qui a été proposé aujourd'hui, quelles seraient, selon vous, les deux mesures à prendre en priorité?
Je vais m'adresser en premier à Andrew.
À brève échéance, il y a un certain nombre de mesures qui pourraient être prises au niveau des politiques du Conseil du Trésor. On pourrait en effet facilement revoir les politiques internes du gouvernement et puis envisager, aussi, certaines des idées qui ont été évoquées ici. Il s'agirait de les renforcer, de les affiner. Le Comité ne s'est pas, depuis des années, penché sur ces politiques. Cela avait été envisagé il y a quelques années, mais ce serait, d'après moi, effectivement, une bonne chose.
À plus long terme, c'est un nouveau texte législatif qu'il faut envisager. Je n'entends pas par cela une augmentation des crédits, mais, comme le disait Christophe, des mesures permettant de mieux tirer parti des crédits disponibles. Il s'agit de donner une nouvelle impulsion à la transformation de notre pays. C'est par cela que nous devrions commencer. Cela entraînerait toutes sortes de retombées, ainsi qu'on a pu le voir aux États-Unis.
Voilà, donc, ce que je proposerais, tant à brève échéance qu'à long terme.
J'ai passé 35 ans à Parcs Canada. J'ai collaboré étroitement avec des collègues qui travaillaient dans des parcs nationaux. J'ai toujours été surpris, en bien, de l'importance que revêt la Loi sur les parcs nationaux du Canada. En effet, il s'agit d'un texte rigoureux qui a donné une impulsion à l'action du ministère même avant l'adoption du principe d'intégrité écologique. C'est à cause de ce texte que dès qu'on pensait à nos parcs nationaux, on songeait naturellement à Parcs Canada. Plusieurs ministres, mais pas eux uniquement, ont dû éprouver ce même sentiment.
Comme Andrew, je pense que l'adoption d'un nouveau texte législatif est le meilleur moyen d'introduire les changements voulus. Un ancien haut responsable de Parcs Canada aurait dit un jour que nos parcs nationaux bénéficient à la fois d'une législation forte et d'un excellent plan de réseau, que les aires marines nationales de conservation bénéficient, elles aussi, d'une législation forte et d'un excellent plan de réseau, mais que nos lieux historiques nationaux ne sont pas encadrés par des dispositions législatives et ne sont actuellement servis que par un demi-plan de réseau.
Il y aurait vraiment lieu d'adopter une législation en ce domaine. Ce serait une bonne chose à la fois pour les sites et pour la population, étant donné que la plupart des Canadiens sont très contents que la Loi sur les parcs nationaux du Canada soit là pour protéger ces lieux importants. Or, il nous faudrait faire de même sur le plan historique.
En deux mots, il serait bon, à court terme, d'instituer, au sein du Répertoire canadien des lieux patrimoniaux, des registraires autochtones. En effet, les efforts de concertation avec les peuples autochtones n'ont pas donné grand-chose, d'abord parce que nous n'avons pas su comment nous y prendre, puis parce que le concept de patrimoine a tellement évolué depuis qu'il est maintenant absolument essentiel qu'il se fonde sur un processus d'auto-identification. Ce serait d'ailleurs, pour le répertoire, une source d'enrichissement.
Eh bien, voilà. Je le regrette, mais peut-être que les gens de notre bord se rallieront à cette idée.
Monsieur Aldag, vous avez la parole.
J'aimerais bien qu'on résume tout ce qui s'est dit aujourd'hui. Cela nous aiderait à recréer ou à mieux saisir la législation que Christina et Gordon s'étaient attachés à mettre sur pied au début des années 2000.
Il y avait un texte fondé sur l'Initiative fédérale Prêcher par l'exemple et sur le rôle qui incombe en ce domaine au gouvernement fédéral. Attendez un instant. Pourriez-vous, très rapidement, nous expliquer en quoi consistaient ces deux textes?
À supposer que nous arrivions à court de temps, vous pourriez peut-être nous faire parvenir certains éléments qui nous aideraient à structurer un projet de texte en nous inspirant de ce qui s'est fait à l'époque. Je sais que tout cela était le fruit d'une réflexion approfondie.
Le projet de loi prévoyait un texte portant exclusivement sur les lieux historiques nationaux. Il proposait en même temps l'adoption d'une loi sur les lieux patrimoniaux du Canada. La loi portait en outre sur diverses autres questions, dont le répertoire des normes et lignes directrices, les édifices patrimoniaux du gouvernement fédéral, les ressources archéologiques situées sur des terres fédérales, y compris sur des terres immergées, ainsi que les sites du patrimoine mondial.
Ces deux projets de texte prévoyaient-ils des mesures de financement? Ce projet de loi avait un titre unique, mais il prévoyait deux textes de loi sensiblement distincts, et les crédits nécessaires auraient été affectés...
On avait beaucoup réfléchi à la question du financement, et notamment à divers modèles de ce que pourrait être un système de crédits d'impôt. Je ne me souviens pas des chiffres retenus à l'époque. Tout cela avait été longuement étudié, et ces diverses mesures auraient figuré dans deux textes distincts puisqu'il s'agissait en fait de deux domaines d'intervention séparés.
Le pouvoir législatif de dépenser est un élément essentiel d'un tel dispositif. Il faut donc que tout cela soit prévu avec exactitude et que l'on sache quel sera le montant des ressources affectées.
Cela me semble bon.
Pensez-vous avoir terminé?
Je tiens à vous remercier tous. Il est clair que nous avons fait ici du bon travail. De nombreuses questions ont été posées, et de bonnes réponses y ont été apportées, mais il est clair que nous aurions besoin de nombreux éléments d'information supplémentaires. S'il y a quelque chose que vous n'avez pas eu l'occasion de nous dire aujourd'hui, ou si vous souhaitez apporter certaines précisions au sujet de ce que vous nous avez dit, nous vous saurions gré de nous le faire savoir. Nos analystes nous ont dit qu'ils souhaiteront peut-être vous transmettre une ou deux questions, dans la mesure, bien sûr, où vous êtes disposés à y répondre. L'étude que nous avons entreprise est relativement succincte et nous vous saurions gré de répondre à ces éventuelles questions dès que vous en aurez l'occasion.
Encore une fois, merci.
La séance est levée.
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