Madame la présidente, je vous remercie de cette occasion de présenter notre rapport collaboratif sur l'action contre les changements climatiques au Canada, qui a été déposé à la Chambre des communes plus tôt ce matin
Kimberley Leach m'accompagne. Elle est la principale responsable de ce projet, et laissez-moi vous dire qu'il était compliqué. Nous avons consulté des vérificateurs généraux de partout au pays. Nous avons recueilli des données auprès de vérificateurs et de membres du personnel internes et externes, et Kim a fait un travail absolument formidable. Je ne saurais trop insister là-dessus. Je la félicite de toutes les manières possibles.
Ce rapport est historique. C'est la première fois au Canada qu'autant de vérificateurs généraux unissent leurs efforts pour se pencher sur un enjeu comme celui-ci, qui a une telle importance à l'échelle du pays. Au cours des 18 derniers mois, les bureaux provinciaux participants ont chacun audité le dossier des changements climatiques et présenté leurs conclusions à leur assemblée législative. Comme vous le savez, j'ai fait la même chose à l'échelon fédéral, livrant mon rapport au Parlement l'automne dernier.
Le vérificateur général du Canada, qui se trouve à être l'auditeur désigné des gouvernements des trois territoires, a fourni un rapport sur les changements climatiques aux assemblées législatives du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Voilà pourquoi le rapport est aussi historique.
J'aimerais vous résumer ce matin les grandes thématiques soulevées dans le rapport sommaire collaboratif de tous les audits qui ont été effectués dans l’ensemble du pays.
Je vous donnerai tout d'abord les bonnes nouvelles. Les audits effectués aux échelons fédéral, provincial et territorial confirment que les gouvernements du pays se penchent sur la question des changements climatiques. Tous ont reconnu l'importance de l'enjeu et se sont engagés à prendre des mesures substantielles. Autrement dit, le Canada a pris le départ.
[Français]
Cela dit, il y a de moins bonnes nouvelles. Il reste encore beaucoup de travail à faire. Les vérifications sur les changements climatiques ont montré que, dans l'ensemble, aucun gouvernement au Canada n'avait pleinement tenu ses engagements liés aux changements climatiques. La majorité de ceux qui ont fixé des cibles de réduction des gaz à effet de serre ne sont pas en voie de les atteindre. En outre, aucun gouvernement n'est entièrement prêt à s'adapter aux répercussions des changements climatiques. Autrement dit, le Canada a encore bien du chemin à faire.
Comme je l'ai indiqué, la plupart des gouvernements ne sont pas en voie d'atteindre leurs cibles de réduction des gaz à effet de serre. Sept gouvernements n'avaient pas fixé de cible globale de réduction à atteindre d'ici 2020. Six gouvernements, soit le gouvernement fédéral ainsi que ceux de la Colombie-Britannique, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et Labrador, avaient fixé une cible. Seulement deux de ces gouvernements, à savoir ceux du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, sont en voie d'atteindre la leur.
Le Canada a maintenant fixé une cible de réduction des gaz à effet de serre à atteindre d'ici 2030. Les provinces et les territoires ont tous indiqué qu'ils comptaient contribuer à l'atteindre. Cependant, seulement le Nouveau-Brunswick, l'Ontario et les Territoires du Nord-Ouest ont établi une cible à atteindre d'ici 2030. De plus, le gouvernement fédéral ne savait pas encore comment il allait mesurer la contribution de chaque province et de chaque territoire à l'atteinte de la nouvelle cible nationale.
[Traduction]
Les audits ont montré que la majorité des provinces et territoires avaient élaboré des stratégies générales pour réduire les émissions, mais qu'elles n'incluaient pas d'échéanciers détaillés, de plans de mise en œuvre et d'estimations des coûts prévus. De plus, bien des gouvernements ignoraient si les mesures qu'ils comptaient prendre leur permettraient d'atteindre leurs cibles de réduction, ou ils savaient déjà qu'elles seraient insuffisantes.
Par exemple, en 2016, le gouvernement de la Colombie-Britannique a publié un plan de leadership sur les changements climatiques. Dans ce plan, il présentait les mesures qu'il comptait prendre pour réduire les émissions. Cependant, le plan n'indiquait pas clairement et de façon mesurable comment les cibles seraient atteintes. Il manquait aussi un échéancier clair et de l'information détaillée sur la mise en œuvre du plan d'action. De plus, la stratégie des Territoires du Nord-Ouest sur les gaz à effet de serre, qui a pris fin en 2015, ne comportait pas de cibles significatives sur les émissions.
Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques est censé être le plan d'action national qui nous permettra d’atteindre la cible de réduction des émissions fixée par le Canada pour 2030.
[Français]
Les vérifications ont aussi visé les gestes posés par les gouvernements pour aider la population canadienne à se préparer à faire face aux répercussions des changements climatiques.
La première obligation des gouvernements est de cerner les risques associés aux changements climatiques. Le rapport indique que seule la Nouvelle-Écosse avait entrepris une évaluation détaillée et pangouvernementale de ces risques.
Les vérifications ont relevé des très bonnes pratiques dans certaines régions, comme la cartographie des zones inondables ou encore le travail en cours dans le Nord pour réagir à la fonte du pergélisol.
Certains gouvernements avaient évalué les risques pesant sur des collectivités, des secteurs ou des ministères en particulier. Par exemple, en 2017, le gouvernement du Nunavut a étudié les risques découlant des changements climatiques pour les sources d'eau potable des collectivités. Il a aussi mené une évaluation des risques pesant sur le secteur des mines dans le territoire, y compris les routes d'accès, les pistes d'atterrissage, les résidus et les déchets miniers.
Au niveau fédéral, nous avons constaté que seulement 5 des 19 ministères que nous avons vérifiés avaient évalué leurs risques liés aux changements climatiques. À cause de toutes ces lacunes en matière d'évaluation des risques, nous avons trouvé que les stratégies d'adaptation étaient souvent trop générales. Pour leur part, le gouvernement fédéral, l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest n'avaient ni plans ni stratégies d'adaptation.
[Traduction]
Plusieurs bureaux d'audit ont relevé des lacunes sur le plan de la coordination entre les ministères. Par exemple, les ministères chargés de piloter la lutte contre les changements climatiques avaient souvent fourni trop peu d'information, de directives et de formation aux autres ministères et organismes de leur gouvernement. C'était le cas d'Environnement et Changement climatique Canada à l'échelon fédéral. Dans certains cas, les organismes qui étaient censés mener la charge n'avaient ni le pouvoir ni les ressources suffisantes nécessaires pour exiger que d'autres ministères prennent des mesures particulières à l’égard des changements climatiques.
En ce qui concerne la production de rapports, seuls sept gouvernements — y compris le gouvernement fédéral — présentaient régulièrement des rapports d'étape sur les progrès réalisés à l'égard des mesures prises pour réduire les émissions. À défaut de surveiller et de communiquer régulièrement les progrès réalisés, les gouvernements ne peuvent évaluer l'efficacité de leurs mesures, et la population ne peut pas demander à ses élus des comptes sur les engagements qu'ils ont pris.
[Français]
Le rapport collaboratif soulève des questions que les législateurs et les Canadiens pourraient poser alors que les administrations publiques de partout au pays donneront suite à leurs engagements en matière de changements climatiques. En voici quelques-unes.
Comment les gouvernements démontreront-ils qu'ils sont capables d'atteindre leurs cibles de réduction des émissions? Comment seront financées les mesures prévues? Enfin, alors que les gouvernements affectent des ressources aux mesures d'adaptation, comment s'assureront-ils de donner priorité aux risques les plus urgents?
Je vous encourage fortement à vous pencher sur ces questions.
[Traduction]
Pourquoi tout cela a-t-il de l’importance?
Tout d'abord, les émissions n'ont pas encore diminué, et les impacts des changements climatiques se font déjà sentir. Les Canadiens ressentent déjà les effets d’événements météorologiques plus graves, comme les inondations plus nombreuses, les incendies de forêt plus intenses et plus importants et l'augmentation du niveau des océans. Il faudra déployer des efforts et prendre des mesures s’ajoutant à ce qui est déjà prévu ou en place pour que l’on puisse atteindre la cible de 2030.
Le Cadre pancanadien est un pas dans la bonne direction. Des acteurs clés se sont réunis pour esquisser l'avenir. Ce qu'il faut maintenant, c'est s’occuper des détails et passer à l'étape de la mise en oeuvre.
Madame la présidente, nous avons bon espoir que des progrès sont possibles. Nous continuerons d'auditer ce dossier très important.
Je termine ainsi ma déclaration préliminaire. Nous serons heureuses de répondre aux questions des membres du Comité.
Merci beaucoup
:
Oui. Je suis heureux de voir que vous travaillez avec toutes les provinces parce qu'il s'agit d'une stratégie nationale. Si nous ne faisons pas les choses correctement, nous pourrions payer un prix énorme sur les plans économique et environnemental, et c'est la raison pour laquelle je suis heureux que vous soyez ici.
En Colombie-Britannique, bien sûr, on a introduit la taxe sur le carbone, et il était clair pour tous qu'elle n'aurait aucune incidence sur les revenus: chaque dollar perçu grâce à la taxe sur le carbone serait rendu aux contribuables, soit aux contribuables constitués en société, aux entreprises ou aux contribuables particuliers.
La récente élection d'un gouvernement du NPD en Colombie-Britannique a changé tout cela. Il a éliminé la neutralité fiscale et augmenté la taxe de 5 $ supplémentaires, ce qui signifie, bien sûr, qu'elle est devenue une vache à lait pour le gouvernement de la Colombie-Britannique. C'est ma peur depuis toujours: que les gouvernements de partout au Canada, mais plus précisément le gouvernement fédéral, n'aient pas effectué l'analyse afin de comprendre dans quelle mesure une tarification du carbone de 50 $ la tonne réduira en réalité les émissions de gaz à effet de serre. Sans données probantes, sans cette compréhension mathématique, nous allons de l'avant avec une politique qui a des incidences sur notre économie, qui change en fait les règles du jeu au détriment des entreprises canadiennes qui tentent de faire des affaires dans un marché mondial très concurrentiel.
Dans le cadre de votre travail avec les provinces, y a-t-il quelqu'un qui a réalisé, en réalité, le travail pour déterminer les réductions d'émissions auxquelles nous pouvons nous attendre suivant la tarification du carbone que le gouvernement fédéral veut imposer aux Canadiens?